25 ans de sciencescom

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La machine à rêves - 18 décembre 2009

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Le magazine des 25 ans de Sciencescom

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En fin de cursus, les étudiants doivent réali-ser un chef d’œuvre. Quel en est le postulat de départ ?Le chef d’œuvre incarne l’idée que l’école se fait de la pédagogie. Pour fêter ses 25 ans, elle a voulu en faire un symbole. En paraphrasant les philosophes, on pourrait dire qu’enseigner, « c’est allumer un feu, plutôt que remplir un vase ». Le vase, nous autres pédagogues, nous savons le remplir sur le plan technique, mais nous ne dispo-sons pas d’outil pour permettre à l’étudiant de mieux se connaître, de se surprendre, se révéler. En fin de parcours universitaire ce que l’on connaît le moins finalement, c’est peut-être soi-même. D’où l’idée du chef d’œuvre. C’est un peu « connais-toi toi-même »…

Que mettez-vous derrière cette notion de « chef d’œuvre » ?Il s’agit pour l’étudiant de réaliser un projet qui lui tient à cœur depuis longtemps et dont il a toujours repoussé la mise en œuvre. L’idée est qu’il profite de cette dernière année d’études pour se lancer. Écrire une pièce de théâtre, accomplir un défi sportif ou une action humanitaire, peindre, com-poser, cuisiner, rencontrer une personna-lité… Peu importe le sujet et la hauteur à laquelle chacun placera la barre, c’est ce passage à l’acte qui sera son « chef d’œu-vre ». Ce qui compte, c’est d’écouter sa petite musique intérieure, avec un maxi-mum de sincérité. La réussite est presque accessoire et le chef d’œuvre n’est même pas évalué. On n’est pas obligé de devenir virtuose si on se met au piano. Au moins, on aura tenté.

Vous-même, vous avez réalisé un chef d’œuvre lorsque vous étiez étudiant à Sciencescom. Qu’avez-vous fait ?Je m’intéressais au patrimoine. Je me suis lancé dans la restauration d’un moulin à vent du XVIe siècle, situé à Batz-sur-Mer. J’ai créé l’association « Mnémosyne », du nom de la déesse de la mémoire, pour collecter des fonds et créer un musée. Il m’a fallu dénicher un amoulangeur — le charpentier des moulins — convaincre les collectivités locales et trouver des sou-tiens financiers auprès d’entreprises de la région. J’avais neuf mois pour rassembler un million de francs et commencer les travaux !

Qu’est-ce que cela vous a apporté ? À l’époque, beaucoup de satisfaction et un peu de fierté. La ruine s’est de nouveau animée et j’ai créé un emploi, celui du meunier, Xavier, toujours en place vingt ans après. Avec le recul, je dirais que ça m’a apporté du souffle, de la confiance et de l’énergie, comme le vent dans les voiles. Réussir quelque chose qu’on a tentée, ça permet de se convaincre que le plus dur, c’est souvent de commencer. Aujourd’hui, c’est un peu loin. Je regarde tout ça avec tendresse et ironie. Petites, mes filles — mes vrais chefs d’œuvre — l’appelaient « le moulin de papa ». On est loin de Voyage au bout de la nuit ou de What’s going on. Ça, j’essaie… dès demain. Promis juré !

Une dédicace spéciale à Jacques Bour-donnais, à l’origine de cette belle idée du « chef d’œuvre ».

Directeur Général Adjoint de Sciencescom, Éric Warin détaille les tenants et les aboutis-sants du « chef d’œuvre ». Une étape par laquelle il est passé, il y a vingt ans, lorsqu’il était lui-même étudiant de l’école.

“Un chef d’œuvre, ça donne du souffle” !

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Quelle est la philosophie de Sciences-com ?Notre parti pris essentiel est de penser au-delà de la formation. Dans notre école, il est exigé de prendre du recul sur soi-même. Il ne sert à rien de former des étudiants seulement pétris de techniques. Nous accordons beaucoup d’importance à l’être humain. Nous essayons notam-ment de multiplier les moments de vie où les étudiants ont la possibilité de prendre du plaisir et de voir que tout a un sens. Nous leur demandons « d’habiter » ce qu’ils ont à faire. Ils pourront ainsi donner du souffle à leurs missions, dans leur future vie professionnelle.

Comment procédez-vous au choix de vos étudiants ?Nous intégrons des personnalités très différentes. Ensuite, l’alchimie se produit à l’école. Notre but n’est pas de concevoir des clones dans un village global. Nous choisissons une palette de différences. Il n’y a rien de pire que le formatage. Nous insistons beaucoup sur le travail de groupe. Ainsi, chacun comprend qu’il est encore plus riche. Il faut qu’il y ait des débats, des contradictions... C’est la seule chance pour que l’innovation apparaisse. Il faut créer du lien pour que les choses aient du sens. Alors parfois, c’est vrai que notre pédagogie fait parfois peur à ceux qui ne l’ont pas pratiquée ! On passe parfois pour des saltimbanques…

Quelle place occupe le chef d’œuvre dans la pédagogie de Sciencescom ?Le chef d’œuvre s’inscrit presque dans une tradition compagnonnique, avec l’idée de passer un cap et d’entrer ensuite dans la vraie vie. L’étudiant se retrouve face à un rêve quasi impossible. Nous lui deman-dons de franchir un cap, pas forcément d’atteindre le summum. La vraie réussite, c’est de poursuivre la démarche jusqu’au bout. Tous, on peut progresser. La réussite se fait avec les autres car le travail sur soi est souvent accompagné par les autres. Depuis mon arrivée à Sciencescom, j’ai découvert une multitude de chefs d’œuvre. Je remercie les personnes qui ont eu cette idée formidable. C’est à chaque fois un vrai plaisir de partager un bout de chemin avec nos étudiants.

Si vous aviez eu à réaliser un chef d’œuvre…Mon vrai chef d’œuvre, c’est de persister à croire que tout est possible même quand tout ce qui m’entoure me prouve le contraire.

Directrice de Sciencescom depuis sept ans, Süzel Eschenbrenner revient sur la philosophie de l’école et sur l’importance qu’elle accorde aux chefs d’œuvre de ses étudiants.

« Persister à croire que tout est possible »

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« Savoir préserver sa passion »

Les chefs d’œuvre, Jean-Loup Chrétien connaît. Malgré une carrière plus que remplie, le parrain de la promotion 2009 reste un insatiable découvreur qui, à 71 printemps, vient par exemple d’escalader l’Everest !

Parallèlement à votre carrière de spa-tionaute, vous avez vous-même réalisé ce qui aurait pu être considéré comme « un chef d’œuvre »…Oui, c’était il y a très très longtemps… À l’époque, j’étais à l’école de pilotes d’essai à Istres. J’avais un peu de temps pour me consacrer à mon autre passion : l’orgue. Je me suis donc lancé dans la restauration d’un orgue dans une église de Salon-de-Provence. J’ai toujours beau-coup aimé la musique. J’en joue de temps en temps, mais pas aussi souvent que je le souhaiterais.

Reste-t-il encore des rêves non assouvis chez Jean-Loup Chrétien ?En avril dernier par exemple, j’ai fait quel-que chose que je n’avais encore jamais réalisé. Poussé par un camarade améri-cain avec qui j’avais volé en 1997 (et qui a vingt-cinq ans de moins que moi !), je suis monté sur le glacier de l’Everest, à 6000 mètres d’altitude, accompagné de jeunes ingénieurs et chercheurs de la Nasa.

Que recommanderiez-vous aux étudiants de Sciencescom qui s’apprêtent à entrer dans la vie active ?Il faut absolument qu’ils sachent préserver leur passion et qu’ils demeurent curieux par rapport à notre monde entouré de mystères. Percer l’inconnu et connaître l’univers qui nous entoure, c’est formidable. Il est important que ces étudiants qui sont dans la communication apprennent à prendre de l’altitude.

Si vous aviez eu à réaliser un chef d’œuvre…Mon vrai chef d’œuvre, c’est de persister à croire que tout est possible même quand tout ce qui m’entoure me prouve le contraire.

— Biographie —

Pionnier de l’exploration spatiale en France, Jean-Loup Chrétien est ingé-nieur de l’École de l’air, pilote de chasse et pilote d’essais. Il est surtout cosmo-naute et astronaute. Il a effectué le premier vol habité français du 25 juin au 2 juillet 1982, au cours d’une mission franco-soviétique. Premier Français mais aussi premier Européen de l’Ouest dans l’espace, il a réalisé trois vols dans l’es-pace et une sortie extravéhiculaire. Il a été cosmonaute à la Cité des Étoiles de Moscou en 1980-1982, et 1986-1988, puis à la NASA en 1984-1985 et 1994-2001. Il compte plus de 12 000 heures de vol et un mois et demi dans l’espace. Il est membre de nombreuses associations aérospatiales en France et aux États-Unis, héros de l’Union soviétique et Doc-teur Honoris Causa de L’institut aéronau-tique de Moscou. Il est aussi PDG d’une société, Tietronix Optics. Commandeur de la Légion d’Honneur, il est également membre fondateur de l’Académie de l’Air et de l’Espace.

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Il n’a que 24 ans, mais il se passionne pour la politique depuis 1995. Dans le cadre de son chef d’œuvre, Baptiste Lecoz a rencontré Robert Badinter. L’ancien Garde des Sceaux ne l’a pas déçu.

Maman Badinter aurait été flattée

« Quand Robert Badinter parle, tout le mon-de se tait. D’ailleurs, certains en ont marre de ça ! » On peut en effet être facilement impressionné devant un personnage de sa trempe. De l’entretien que lui a accordé l’ancien Président du Conseil constitution-nel, en octobre dernier, Baptiste Le Coz garde pourtant le souvenir d’un échange très naturel. « C’est son côté simple qui m’a marqué, raconte l’étudiant. Il a commencé par me demander de lui expliquer ma dé-marche et m’a dit que sa mère aurait été flattée de savoir qu’il était un « chef d’œu-vre » pour quelqu’un ! » S’ensuit alors une conversation à bâtons rompus sur la car-rière de cet homme politique de presque soixante ans son aîné. « Robert Badinter s’est livré très facilement. C’est d’ailleurs ce qui a le plus surpris Marie-Françoise Clergeau, la députée nantaise que j’avais choisie comme présidente de jury. Le matin du jour où il m’a reçu, il passait sur Europe 1 et, le soir, il filait au Grand Journal de Canal+.

Il m’a pourtant accordé quarante minutes, dans son bureau de sénateur au Jardin du Luxembourg. » Nantes et ses deux années passées au Lycée Clémenceau, sa fem-me Élisabeth dont il souligne l’importance dans sa vie, ses regrets de n’avoir pas été nommé Président de la Cour pénale inter-nationale, la dépénalisation de la peine de mort, l’état actuel du Parti Socialiste, la dépénalisation de l’homosexualité, les sujets s’enchaînent alors que tourne le ma-gnétophone de Baptiste. « J’ai fait un enre-gistrement sonore car, chez lui, ce qui est important, c’est la voix. » Actuellement en stage au Parti Socialiste à Nantes, le jeune étudiant travaille sur la campagne de Jac-ques Auxiette pour les Régionales de 2010. Il dit « on travaille » lorsqu’on l’interroge sur le sujet et se projette déjà sur l’après-élections. « J’aimerais bien rester comme collaborateur de Cabinet ». Sa rencontre avec le sénateur des Hauts-de-Seine ne l’a visiblement pas déçu de la politique.

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Elle étale ses nombreux livres et partitions sur la table de son bureau. Pour préparer l’en-tretien, la directrice de la communication du Conseil général d’Ille-et-Vilaine a ressorti ses archives des cartons, y compris un conduc-teur écrit à la main et une vieille disquette dont elle ne peut plus tirer grand-chose aujourd’hui… « J’ai pris un vrai plaisir à réaliser mon chef d’œuvre, mais ça m’a demandé un temps fou. J’ai choisi de faire un exposé sur le thème de l’enfance à travers la pein-ture et la musique. En 1989, aucun ouvrage n’existait sur le sujet. Cela a donc nécessité beaucoup de travail de recherche. Heureu-sement, je disposais de quelques livres d’art chez mes parents. » Catherine Durfort recense alors près de soixante-dix reproductions qu’elle photographie et transforme en dia-positives. Parallèlement, elle choisit plusieurs œuvres musicales (Schuman, Debussy, Bar-tok, Rimski-Korsakov) qu’elle décide de jouer elle-même, pour le jury de soutenance, sur le piano de la salle de détente : « Ce piano faisait partie de la vie de l’école. C’est par-ce qu’il était là que j’ai eu l’idée d’articuler ainsi ma présentation. » Sur les partitions, elle inscrit des « top » en rouge pour une amie musicienne ayant la lourde tâche de lancer les diapos. Durant trente minutes, notes et photos défilent au rythme des explications sur la correspondance entre musique et peinture. « J’ai présenté des tableaux de la fin du XVIIe siècle, lorsque sont apparues les premières représentations d’enfants, jusqu’à des œuvres contemporaines. Avec ce chef d’œuvre, j’ai trouvé un moyen d’associer mes deux passions, l’histoire de l’art et la musique. Mais c’est sûr qu’avec Internet, ça aurait été plus simple... »

Avec des outils comme Internet, effectuer aujourd’hui des recherches sur le thème de l’enfance dans la peinture et la musique prendrait tout au plus un week-end. Lorsque Catherine Durfort s’est lancée dans cette entreprise il y a vingt ans, la tâche était autrement plus ardue.

L’enfance de l’art

Alors que nous commençons presque la nôtre, Florent Peiffer termine sa journée. Canard Enchaîné sous le bras et cravate tout juste dénouée, le journaliste de France 24 se présente à la terrasse de l’Osteria, un bar sans âme du quartier d’affaires d’Issy-les-Moulineaux. Tous les jours, l’an-cien étudiant de Sciencescom se lève à 3 heures du matin pour préparer la Matinale de la « CNN française », de 6 à 9 heures. « C’est un gros rythme, mais ça me plaît. », confie celui qui a rallié la chaîne dès ses débuts il y a trois ans. Son chef d’œuvre, réalisé à l’été 2002, semble déjà bien loin... « Par le biais d’amis, j’ai suivi un groupe de lycéens qui partaient aider à la construc-tion d’un orphelinat à Tacna, une ville du Sud du Pérou. Le lieu était géré par un ancien drogué qui avait décidé de mener une nouvelle vie. Au travers des lycéens, j’ai raconté l’histoire de ces enfants des rues qui, pour beaucoup, se shootaient à la colle. » Le résultat : trente heures de rushes pour un film de huit minutes... descendu en flammes par Jean-Claude Darrigaud, grand repor-ter à France 2 et parrain du chef d’œuvre. « Ni fait ni à faire, a dit Jean-Claude devant les jurés. Sur le moment, ses critiques m’ont énormément vexé. Mais, avec le recul, je sais qu’il avait raison. Si j’avais à le refai-re aujourd’hui, avec l’expérience que j’ai acquis, j’aurais réalisé un reportage plus cynique sur ces jeunes qui veulent soulever la terre entière et qui, au final, ne lèvent que deux pierres… »Aujourd’hui, les critiques sont oubliées. Le Troyen a fait du chemin, notamment dans le grand reportage lui aussi, et dispose même d’un Fan club sur Facebook. « Parce que c’est lui qui a les plus belles chemises ! » Infor-mation à vérifier tous les matins dès 6 heures.

Oubliées les critiques de son parrain, le présentateur de la Matinale de France 24 a fait du chemin depuis son chef d’œuvre réalisé dans le Sud du Pérou.

« Ni fait ni à faire ! »

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Comment avez-vous choisi le thème de votre chef d’œuvre ?C’est Christophe Bultel (Directeur des études et des programmes européens, NDLR) qui m’a suggéré de travailler sur mes origines. Lors de cette année 1999-2000, je vivais une période difficile. En plein divorce, j’avais besoin de tout reprendre à zéro. J’étais en quête d’identité. Je ne voulais même pas reprendre mon nom de jeune fille, « Benhammou ».

De quelle origine êtes-vous ?Mes quatre grands-parents étaient juifs algériens. Ils vivaient dans la même ville, à Tlemcem. Mes arrière-grands-parents y sont enterrés. Mes parents ont quitté l’Algérie en 1962. Ils faisaient l’autruche sur tout ça à leur arrivée à Marseille. Ils disaient qu’il fallait renoncer à ses origines pour mieux s’en sortir. Ils m’ont donné un prénom bien français. Ce qui est drôle, c’est que je m’appelle « Benhammou » des deux côtés. Du côté de mon père, ça s’écrit avec deux « m » et, du côté de ma mère, avec un « m ».

Comment avez-vous procédé ?En 1999, trois de mes grands-parents vivaient encore. J’ai passé l’été à Marseille à les enregistrer. J’ai fait quinze cassettes, que

je réécoute d’ailleurs encore aujourd’hui. Ils me racontaient leur vie, leurs anecdo-tes. Ils me parlaient de Tlemcem comme si j’y avais vécu. Mon grand-père pater-nel était tisserand, il cousait les blasons de l’armée. Ce côté de ma famille était plutôt modeste alors que, du côté mater-nel, on était très aisé. Mes grands-parents tenaient plusieurs bijouteries. Ils travaillaient beaucoup, mais à partir de 19 heures, ils allaient danser !

Qu’avez-vous fait de ces enregistrements ?J’ai pris des notes et écrit un livre sur ces quatre destins singuliers à la Lelouch. Je l’ai intitulé Nostalgérie. L’histoire com-mence en 1939 et s’arrête à la naissance de mes enfants. Mes grands-parents l’ont lu. Ma mère était en larmes.

Qu’est-ce que ce chef d’œuvre a provo-qué comme changement chez vous ?Aujourd’hui j’arrive à revendiquer mes origines. Ça m’a permis de relever la tête. Mes parents ne m’avaient jamais emme-née à la synagogue. Depuis j’y vais avec mes enfants. À la maison, on fait du cous-cous. Ma fille en est à cinq ans de danse orientale. Ce travail, c’est ce que j’ai fait de plus profond sur moi-même.

Lors de son passage à Sciencescom en 1999, l’actuelle responsable des relations presse d’Angers Loire Métropole traversait une période difficile. Son chef d’œuvre lui a permis de se reconstruire.

Avec deux « M »

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« Faire de la couture avec sa mère ». Dans l’énoncé, le chef d’œuvre de Florence Maréchal peut sembler banal. C’est justement parce que la démarche n’avait rien d’ordinaire que le défi a pris tout son sens.

Fil conducteur

L’actuelle responsable marketing opéra-tionnel et innovation de Véolia Propreté Centre Ouest a longtemps réservé sa réponse. « Ma démarche était très per-sonnelle », avait-elle répondu lorsque nous avions sollicité un entretien au sujet de son chef d’œuvre. Enfant, Florence Maréchal passait le plus clair de son temps avec son père. Aviron, cinéma amateur, elle parta-geait nombre d’activités avec lui, mais rien avec sa mère. « On avait du mal à faire des choses ensemble. Ma mère était professeur de couture. C’était sa passion et son métier, mais cet univers ne m’inté-ressait absolument pas. Les rares fois où j’avais essayé de m’y mettre, elle prenait trop sa casquette de prof et ça m’éner-vait… » Lorsqu’étudiante à Sciencescom, la jeune femme doit trouver un thème de chef d’œuvre, l’idée lui vient de chercher un « alibi » pour se rapprocher de sa mère.

Elle opte donc pour l’apprentissage de la couture et passe cinq week-ends au domicile parental dans le but de réaliser un vêtement de naissance pour un futur papa de la promo. « Quand je lui ai annoncé l’objet de mon chef d’œuvre, elle a été très heureuse. Nous avions chacune notre objectif : moi, je devais être patiente et à l’écoute ; quant à elle, elle ne devait pas faire les choses à ma place. Ce n’était pas gagné ! Finalement, ça s’est bien passé. Je me suis même étonnée… » Les deux femmes échangent dans le calme. Maman Maréchal explique notamment pourquoi elle a choisi son métier, à un moment où Florence, elle, cherche quel sera le sien. Aujourd’hui, celle qui est mère de trois têtes blondes essaie d’initier ses enfants au tricot. « Mais ils sont trop jeunes. Ils préfèrent jouer à D’Artagnan avec les aiguilles. » Il ne sera jamais trop tard pour leur apprendre…

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« En soi, un saut en parachute n’a rien d’exceptionnel. » Dans sa voix, aucune prétention. Florian Casalta parle de son chef d’œuvre comme d’autres évoqueraient leur apprentissage de la guitare ou du ma-cramé. Il raconte pourtant que, durant une trentaine de secondes, son visage a em-brassé des contours que ses parents et amis ne lui avaient jamais connus… « Le moni-teur avec qui j’ai sauté m’a filmé avec une caméra fish-eye fixée à son poignet. Quand il a ouvert la porte de l’avion, il y a eu un bruit dingue. Je pendais dans le vide, à 3 000 mè-tres du sol. Et puis il a sauté, donc moi aussi puisque nous étions harnachés, et pendant quelques secondes, j’ai perdu tous mes repères. Sur les images vidéo, j’étais livide… » À terre, ses parents, inquiets, scrutent la scè-ne. « Si ça s’était mal passé, ils m’auraient vu m’écraser devant eux et vous ne seriez pas là aujourd’hui ! » Pour lier son chef d’œuvre à ce qu’il avait appris durant son année à Sciencescom, l’étudiant en Médias a réa-lisé un documentaire sur cette folle journée : les exercices au sol, puis la montée en alti-tude dans cet avion où il était assis à même le sol et le saut. « L’Abeille Parachutisme, le club d’Octeville-sur-Mer où j’ai effectué mon vol, utilise aujourd’hui mon film comme outil pédagogique. Le parrain de mon chef d’œu-vre, un monsieur de 75 ans qui avait plus de mille sauts à son compteur, l’a jugé, lui aussi, très didactique. » Depuis, l’actuel chargé des partenariats chez Regionjob.com s’est essayé à d’autres disciplines aussi physiques qu’émotionnellement fortes : l’escalade et le saut à l’élastique. « Mais le saut à l’élasti-que, ça ne m’a pas fait grand chose. » Bon, dis donc Florian, tu serais pas un peu crâneur quand même…

En octobre 2005, Florian Casalta a réalisé un reportage sur le saut en parachute pour son chef d’œuvre. L’étudiant en Médias était devant et derrière la caméra. Enfin, au-dessus ou en dessous, on ne va pas chipoter, à 3 000 mètres du sol…

Cinéma d’hauteur

Elle sort à peine de sa soutenance de chef d’œuvre. Pourtant, Julie Lacquemant se prête volontiers au jeu et raconte pour la deuxième fois de suite son voyage effectué en juillet dernier avec Aurélie Launay. Le plai-sir et l’émotion sont intacts lorsqu’elle évoque l’atterrissage à l’aéroport de Madras, les sept heures de traversée en voiture au péril de leur vie et l’arrivée à Kottucherry où les deux étu-diantes vont participer à l’inauguration d’un centre pour enfants. « Les parents d’Aurélie avaient des amis qui connaissaient Solidarité France Tamil Nadu. Cette association partici-pait à la création d’un centre dont le projet était de développer des activités pour les gamins. Nous avons proposé nos services et ils nous ont dit de venir quand on voulait. » Au début, grosse déception : les enfants ne sont pas là. « Nous sommes descendues voir les parents, au village d’à côté, pour leur ex-pliquer notre démarche. Les enfants ne sont venus qu’au bout d’une semaine et demie. » En attendant, les deux étudiantes vivent et dorment dans la salle de cours, avec pour seuls compagnons un réchaud à fuel qu’il faut dompter et une multitude de sauterelles qu’elles abattent à coup de magazines fé-minins. Arrive enfin le moment tant attendu : l’inauguration du centre. « Le jour J, il y avait cinquante gamins, pour seulement deux institutrices. Durant dix jours, nous les avons aidé à faire leurs devoirs et nous les faisions jouer. » Le jour du départ, Julie et Aurélie sont si émues qu’elles ne peuvent s’empêcher de faire leurs adieux… en français. « Le séjour a été très court, c’était difficile de quitter les enfants… » Restent albums-photos et carnet de voyage dans lesquels elles se replongent souvent… Ainsi que les sourires des enfants gravés dans leur mémoire.

Avec Aurélie Launay, une camarade de promo-tion, Julie Lacquemant a participé au lance-ment d’un centre pour enfants à Kottucherry, en Inde. Une expérience enrichissante que les deux jeunes femmes ont malheureusement jugé trop brève.

Heures hindoues

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On n’ose pas lui demander l’appréciation finale qui lui a été décernée lors de sa soutenance, toujours est-il que Tanneguy Blaudin de Thé ne l’a pas terminé. Son chef d’œuvre… Arrivé à Sciencescom à l’âge de 25 ans, le Lyonnais d’origine a entrepris un travail de recherche sur ses parents, tout deux décédés une dizaine d’années plus tôt, l’un dans un accident de voiture, l’autre de maladie. « J’étais le petit dernier d’une famille de sept enfants. À 16 ans, je me suis retrouvé orphelin. Au début, quand on m’a parlé du chef d’œuvre à Sciencescom, j’ai pensé faire quelque chose sur Lyon, puis j’ai eu une autre idée : écrire un livre sur tous les châteaux de France. Mais c’est le projet d’une vie... Fi-nalement, j’ai opté pour ce travail sur mes parents. « Chef d’œuvre », je trouve le mot un peu excessif car un chef d’œuvre c’est pour les autres. Or là c’était vraiment pour moi. » De là, l’étudiant se met à contacter tous les proches de ses parents, famille et amis, pour qu’ils lui envoient la correspon-dance qu’ils auraient pu échanger. Sous les yeux de sa marraine de projet, sa tante nantaise Isabelle, il compile ainsi missives originales et photocopies de lettres, puis

réunit dix heures d’enregistrement avec ses oncles et tantes. Dix heures pour un grand voyage. « Certains d’entre eux sont aujourd’hui disparus. Ces bandes ont donc une valeur incroyable. » Car l’idée maîtresse de l’étudiant d’alors est de transmettre tous ces souvenirs à ses futurs enfants. « C’en est même devenue une obsession : ne pas perdre l’histoire de mes parents, leur trace et raconter, à travers eux, les modes de vie à la campagne, les chan-gements d’époque incroyables… Mon souhait le plus grand est que mes enfants, qui sont encore très jeunes, se plongent dedans un jour. » Le seul regret de celui qui est aujourd’hui directeur de création chez Grey (spécialisé dans le packaging de pa-quet de cigarettes) : ne pas avoir achevé son chef d’œuvre. « Je n’ai pas encore pris le temps de le mettre en forme. J’ai une valise de lettres et mes enregistrements. J’aurais aimé en faire un livre. Mais il n’est pas trop tard. J’en ferai quelque chose à l’avenir. En tout cas, mes frères et sœurs ont appris plein de choses. Mon frère a même été traumatisé quand il a vu com-ment Maman parlait de lui lorsqu’il était adolescent ! »

Il l’avoue lui-même. Même si son chef d’œuvre n’a pas influé sur sa carrière profession-nelle, le travail qu’il a effectué sur ses parents a été « un vrai déclencheur » dans sa vie. Rencontre avec un spécialiste du packaging de cigarettes.

Paquet de lettres

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Matthieu Gass s’est rendu dans le camp de concentration de Buchenwald pour son chef d’œuvre. Le début d’une nouvelle vie...

Rédemption express

« J’étais un petit nazillon. » Les mots sont durs, sans concession, à propos d’un passé récent qu’il ne veut ni excuser ni oublier. Au collège, Matthieu se cherche, s’investit dans la religion, puis, déçu, trouve refuge dans l’idéologie nazie en classe de Secon-de. Avec quelques camarades d’infortune, ils se réunissent et partagent « leur haine du Juif ». « En milieu de Première, un professeur nous a passé Nuit et brouillard, le docu-mentaire d’Alain Resnais sur la déportation. À un moment, on y voit un amoncellement de cadavres. Alors que toute la classe était choquée, je me suis senti incroyablement bien… » Il reste heureusement une once de conscience au lycéen qui décide de consulter un psy et d’entamer une thé-rapie. « Je me suis rendu compte que je m’étais fermé aux autres. J’ai lâché mon groupe de néo-nazis et je ne les ai plus jamais revus. » Après le lycée, Matthieu Gass se lance dans des études d’Histoire, com-me un prolongement dans son processus de reconstruction. Puis arrive Sciencescom et son projet de chef d’œuvre. Lui vient alors l’idée de se rendre dans un camp

de concentration pour clore son chemine-ment. Ce sera Buchenwald, le camp situé près de Weimar, petite ville bourgeoise de l’Allemagne. Matthieu ouvre les guillemets : « Tu te trouves devant une porte, tu la pas-ses et après il n’y a plus rien. Le vide est très impressionnant. La chaleur t’accable. Quelques bâtiments sont encore debout. C’est devant le four crématoire que j’ai été le plus choqué. Ça te prend aux tri-pes. Les fours existent, tu peux les toucher. Ensuite, tu te trouves dans une pièce avec des crochets où étaient accrochés ceux qui n’étaient pas encore tout à fait morts. Tu ressens toute la haine, toute la violence dans ce lieu. Tu en ressors chamboulé… » Pour sa soutenance, l’étudiant sollicite le concours d’un parrain, Jacob Pinto, président de la communauté juive de Rueil-Malmaison. « Jacob, que je revois encore très régulièrement, m’a aidé à mettre de l’ordre dans mes idées. » Aujourd’hui, Mat-thieu Gass travaille sur l’émission de M6, « Pékin Express », produite par Studio 89. Très apprécié de ses collègues, son ancienne vie est bel et bien derrière lui.

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La « Grosse Pomme », ville fascinante qui a toujours inspiré artistes et écrivains. « Bien au-dessus des derniers étages, en haut, restait du jour avec des mouettes et des morceaux du ciel. », peut-on notamment lire dans Voyage au bout de la nuit. Lorsque Julie Noblet doit choisir un thème de chef d’œuvre, c’est sans hésitation qu’elle opte pour New York. « J’avais depuis quelque temps l’idée de me perfectionner en anglais. Mais chaque fois que je voulais partir, quelque chose m’en empêchait. Du coup, pour le chef d’œuvre, j’ai choisi New York. » La Nazairienne travaille alors dans un restaurant le week-end pour financer son voyage et s’installe, en juillet 2006, chez une famille logeant dans le Bronx. Le matin, l’étudiante suit des cours d’Anglais à « Aspect », une école située au 63e étage de l’Empire State Building. Les après-midi sont, pour leur part, réservés au tourisme. « L’école nous proposait des activités, mais nous pré-férions, avec quelques collègues, faire notre tour à nous : la Cinquième Avenue, Central Park, la mosaïque John Lennon, Broadway, les musées… Et tous les quartiers de la série Sex and the City ! Quand tu circules dans la ville, tu as constamment l’impression d’être dans un film ! » Et ce ne sont pas les coups de feu entendus la nuit dans le Bronx qui démen-tiront ses propos. « New York, tu aimes ou tu détestes. Mais ça ne peut pas être à moitié. Cette ville me faisait rêver. J’en suis ressortie épuisée, mais je l’ai fait ! » Aujourd’hui, Julie Noblet n’a plus la disponibilité pour voya-ger. À la fin de Sciencescom, elle a effectué un stage au sein de l’agence média OMD qui l’a embauchée dans la foulée. Chef de marque, elle gère notamment les budgets publicitaires de PlayStation. Mais elle glisse quand même à la fin de l’entretien que, lorsqu’elle aura un peu de temps, elle essaie-ra peut-être San Diego ou San Francisco…

Dans le cadre de son chef d’œuvre, Julie Noblet a passé trois semaines dans le Bronx. Elle n’en retient pas que les quelques coups de feu entendus ici et là…

Julie and the City

Ni gros cigare ni salamalecs, Christophe Mazodier reçoit simplement, autour d’un plat du jour partagé à la cantine du coin. On s’at-tend à ce qu’il expédie dessert et café, mais non, le volubile directeur de Polaris retrace volontiers les débuts de son film personnel. Le scénario, il l’écrit dès ses 18 ans : il sera pro-ducteur de cinéma. Une école de commer-ce, un service militaire à Mururoa où il appor-te une valise de livres pour mettre à niveau sa culture générale, une formation presque achevée à la Fémis, puis l’arrivée à Sciences Com en 1992. « À l’époque, je me considé-rais comme un escroc car je voulais travailler dans le cinéma, mais je n’avais pas beau-coup de connaissances dans le domaine. Je regardais des films comme tout le monde, mais j’étais loin de pouvoir intégrer Les Ca-hiers du Cinéma ! » Pour son chef d’œuvre, il décide de produire un court-métrage. L’étu-diant écrit alors un scénario basé sur Le chant du cygne d’Anton Tchekov, monte une équi-pe, recrute pour la musique « un copain de bistro » qui officie à l’ONPL, constitue nombre de dossiers, frappe à diverses portes, jusqu’à obtenir une subvention de 40 000 francs. Mais le budget est loin d’être suffisant car Chris-tophe Mazodier veut tourner en 16 mm et non utiliser les caméras Beta de Sciences Com. Finalement, il laisse son projet en plan lorsqu’il part en stage au studio Babelsberg, près de Berlin. Très vite, il devient l’assistant du réalisateur-producteur Volker Schlöndorff et se lance dans la vie active… Son aven-ture allemande dure sept ans. Aujourd’hui, Christophe Mazodier a monté une boîte de production, Polaris Film. Two days in Paris de Julie Delpy, c’est lui. Le premier film d’Olivier Gondry, tourné prochainement à Los Ange-les, ce sera lui aussi. Le chant du cygne est depuis longtemps derrière lui…

Autant le dire tout de suite : Christophe Mazodier n’a jamais été au bout de son chef d’œuvre. Mais lui qui devait produire un court-métrage pour Sciencescom aligne les longs aujourd’hui. À Los Angeles ou New York.

Pas le chant du cygne

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Pour les anciens étudiants interrogés dans ce magazine, le costard-cravate est sou-vent de rigueur. Chez Lisa Benoudiz, on reçoit en tablier. Un tablier tacheté de multiples couleurs qu’elle ne quitte plus depuis des années… Dans son atelier d’Aigremont, en banlieue parisienne, l’ancienne consultante en organisation revient sur ses débuts, en 1994, alors qu’elle s’initie à la peinture dans le cadre de son chef d’œuvre. « Je n’avais jamais dessiné auparavant, mais cela faisait longtemps que j’en avais envie. Pour le chef d’œu-vre, je me suis jetée à l’eau et j’ai peint suf-fisamment de tableaux pour réaliser une exposition. Le coiffeur de la rue Franklin, à côté de Sciencescom, m’a offert la moitié de son salon. » Le défi n’est pourtant pas simple à relever. Prenant des cours du soir aux Beaux-Arts de Nantes, celle qui signe aujourd’hui « Lisa » essuie un feu nourri de critiques. « Le professeur m’a même dit que je n’arriverais jamais à rien. J’étais tel-lement motivée que je me suis promis de démontrer que ce n’était pas vrai ! » Quel-ques mois plus tard, l’exposition, consti-tuée de toiles abstraites, a bien lieu. « Avec le recul, c’est une des expos dont je suis la plus fière. J’ai connu le bonheur parfait de réaliser quelque chose quand on est amateur. » Ses études à Sciences Com ter-minées, Lisa Benoudiz rallie Valenciennes où elle cherche du travail. Parallèlement, la consultante en organisation s’inscrit aux Beaux-Arts de Mons, en Belgique. Pendant

six mois, elle enrichit son bagage technique. Le jour de son bilan de compétences, elle décide de se présenter avec une de ses toiles. La personne qui la reçoit la met alors en contact avec un agent artistique. Séduit par une partie de sa production, il lui conseille de se concentrer sur les grands formats et les animaux. « Les animaux », un thème surgi presque par hasard et qu’elle explore désormais quotidiennement. « Je m’étais inspiré d’une petite vignette dans Télérama. Trois têtes de zèbres dans un format carré. Puis une copine m’a amené une autre photo d’animaux… » L’agent artistique lui commande une douzaine de tableaux à réaliser en six mois. « Fina-lement, le projet pour lequel étaient des-tinés ces tableaux n’a pas pu se monter, mais cela m’a permis de me lancer dans le milieu professionnel. » Aujourd’hui, Lisa Benoudiz travaille avec plusieurs galeries, dont une au Japon spécialisée dans l’art français. Elle sillonne également les salons professionnels de la région parisienne. « C’est un milieu difficile, mais passionnant. Je suis en apprentissage permanent, j’ai repris des cours. Sur les techniques an-ciennes, les paysages, les huiles, toutes les techniques que je n’utilise pas moi-même. Ça m’a ouvert les yeux et ça m’a fait faire des bonds. » Son tablier, elle ne le délaisse plus que l’été. « Pendant les vacances, je me rends dans des refuges pour prendre des centaines de photos. » Précisons que Monsieur Benoudiz est son premier fan...

Dans la carrière de Lisa Benoudiz, le chef d’œuvre de Sciencescom a constitué un véritable tournant. Il y a quinze ans, la consultante en organisation a réalisé sa première exposition dans le salon de coiffure situé à côté de Sciencescom. Aujourd’hui, elle vend ses toiles jusqu’au Japon.

« Lisa », tout simplement

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En 1999, Ludovic Arnaud se mettait à la sculpture organique dans le cadre de son chef d’œuvre. Une passion qui anime encore le concepteur-rédacteur dix ans plus tard…

« Achète un bloc et fais-toi plaisir »

Pour votre chef d’œuvre, vous avez décidé de vous lancer dans la sculpture. Pourquoi ce choix ?Avant d’intégrer Sciencescom, j’ai toujours été dans les sciences. J’ai fait un DUT Ges-tion de Production, une maîtrise en Génie chimique et un DEA en Épistémologie. Or, j’éprouvais une grosse frustration de ne pas goûter à l’Art. Début 1999, je me suis rendu à un Forum de Jeunes créateurs à Lorient. En déambulant parmi les stands, je suis tombé sur le sculpteur Olivier Leduc ; la personne et ses œuvres m’ont plu tout de suite. Il travaillait le béton cellulaire et faisait ce qu’on appelle de « la sculpture organi-que ». Sur une feuille A4, il m’a donné quel-ques conseils pour me lancer et m’a dit : « Achète un bloc et fais-toi plaisir ».Qu’avez-vous donc réalisé pour votre chef d’œuvre ?Depuis gamin, je dessinais toujours la même forme, une sorte de flamme. Je me suis mis devant le bloc, j’ai percé, creusé, poncé. Il m’a fallu plus d’une centaine d’heures pour réaliser ma première œuvre : L’élé-phant plutonien. Au jury de soutenance, dont Olivier Leduc faisait naturellement

partie, j’ai même pu présenter une série de trois œuvres : Trous noirs troublants.Comment définissez-vous votre travail ?Je sculpte pour le plaisir, sans aucune barrière. Je ne véhicule aucun message ; tout est basé sur l’émotion. Je me défi-nis d’ailleurs plus comme un « créateur d’émotions » que comme un artiste. J’ai découvert a posteriori que mon travail se rapprochait de celui de Jean Hans Arp, un des pionniers du dadaïsme et du surréalis-me, voire de Brancusi. C’est très minimaliste et contemporain.Avez-vous continué de sculpter après votre chef d’œuvre ?Je n’ai jamais cessé. Je sculpte par pério-de, quand j’ai envie. Je pars à l’instinct et me laisse porter par ce que je ressens sur le moment. Sans schéma directeur. Par exem-ple, un jour j’avais besoin d’une lampe. Du coup, j’en ai sculpté une. Depuis, j’en ai refait d’autres. J’en ai même vendu une à un acheteur d’art de New York. Je les vends sur Internet. J’ai déjà exposé en galerie, mais le milieu n’est pas encore démocra-tisé. Surtout pour les autodidactes comme moi qui n’ont pas fait d’école d’Art…

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« J’ai passé un mois dans un ancien camp des jeunesses communistes, au confluent de l’Orient et de l’Occident. Il y avait là la crème du pays, des enfants de ministres et des gens qui circulaient avec leur gros 4X4. Sans doute de la mafia… » Neuf ans après, Géraldine Righetti ressort la boîte de souvenirs. À l’été 2000, elle s’est aventurée plusieurs semaines dans les hauteurs de Tbilissi pour, supposément, enseigner la langue de Mo-lière. « Au même titre qu’une dizaine de Français, j’étais censée donner des cours à des gamins qui venaient du Lycée franco-géorgien. Dès le début, j’ai compris que ce n’était pas mon truc ! » Le résultat : un mois dans un endroit sans douche, avec des toi-lettes peu reluisantes, des baignades dans un lac au milieu duquel était érigée une vieille usine sans doute radio-active, des messes avec popes, des arrestations par des gens en civil peu civils. Et une ambiance dé-létère au sein du groupe de Français… « Pour être franche, ce séjour m’a avant tout servi à écrire des lettres d’amour à mon fiancé ! Mais bon, je suis quand même contente d’avoir effectué ce voyage. J’ai toujours été attirée par le côté slave. C’est une région où je n’aurais pu aller toute seule. Là, j’ai vu comment les gens vivaient. » Après Sciences-com, la Niçoise d’origine a travaillé sept ans dans l’événementiel, puis obtenu un Master en Ressources humaines. Aujourd’hui, elle s’apprête à quitter Paris pour rallier Valence. Avec celui qui, entre temps, est devenu son mari. Tout n’a donc pas été perdu…

Durant un mois, l’actuelle directrice des Rela-tions extérieures du Groupe Liaisons a séjourné dans la patrie de Staline pour enseigner le fran-çais à de jeunes Géorgiens. Un chef d’œuvre qui n’a pas eu d’incidence sur son parcours professionnel, mais qui, pour autant, n’est pas resté stérile dans tous les domaines…

Les jolies colonies de vacances

Port-La-Forêt, Fouesnant. Petite, Clémence Squiban fréquente ce coin du Finistère Sud connu pour servir de base d’entraînement à nombre de navigateurs. À l’âge de 13 ans, elle devient aide-monitrice bénévole au sein d’un centre nautique. « Le milieu marin m’a toujours fasciné, raconte celle qui travaille aujourd’hui comme assistante communica-tion et marketing à Atlantis-Le Centre, près de Nantes. Quand je suis trop stressée par la ville et que j’ai besoin de penser à autre chose, je pars en mer. » Il ne lui faut donc pas longtemps pour trouver l’idée de son chef d’œuvre : ce sera une journée avec Michel Desjoyeaux. « Mich’ Desj’ », l’un des naviga-teurs les plus titrés au monde ! Clémence Squiban contacte alors le double vainqueur du Vendée Globe qui accepte aussitôt le principe. En juillet 2008, l’étudiante embar-que donc sur le monocoque Foncia pour un convoyage de Port-La-Forêt jusqu’à Brest. « Michel Desjoyeaux est très facile d’accès, très humain. Le jour où nous sommes partis, il a fait monter des gens qui regardaient le bateau ! Nous nous sommes retrouvés à dix à bord ! » Durant les sept heures de la traver-sée, elle se voit autoriser à barrer, « je tenais la barre à deux doigts ». Pendant le trajet, elle discute avec Marc Liardet, le bras droit de Michel Desjoyeaux qui, lui, s’occupe surtout de la partie technique devant les écrans de contrôle. « Mich’ Desj’ se préserve de l’extérieur, il n’est pas très bavard. C’est un solitaire. À la fin de la navigation, un mo-ment était prévu pour je l’interviewe. Il a retourné le problème et m’a interviewée moi. Sur mes impressions de la journée… » C’est cette vidéo où les rôles s’inversent qu’elle a présentée au jury du chef d’œuvre, ainsi que quelques images de la traversée. « Le Profes-seur », lui, n’est pas venu à la soutenance. Un solitaire, on vous dit…

Fan de voile depuis l’enfance, Clémence Squiban a navigué avec l’un des maîtres de la discipline : Michel Desjoyeaux.

Pas la mer à boire…

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Quand on réalise une interview d’Arnaud Decker, on regrette que l’option « Sténo-dactylo » n’ait jamais figuré à notre cur-sus scolaire. Le débit du major de promo 1990 est si rapide qu’on saute des mots, des verbes, des noms propres. Ensuite, on reprend ses notes et on n’arrive plus à se relire. L’actuel directeur des Relations institutionnelles de Lagardère Active est, de par ses fonctions, un homme pressé. Un train à prendre et il faut résumer trois semaines chez des « requins de studio » en vingt-cinq minutes chrono. Alors que nous a-t-il raconté Arnaud Decker ? Qu’enfant, il était bercé par la musique noire américai-ne qu’écoutait son père et qu’après une adolescence versée dans la new-wave il y est revenu, à la soul et au jazz. Que passionné par la manière dont se construit un morceau, il a eu le culot de s’inviter dans un studio mythique de la Grosse Pomme pour assister à l’enregistrement de More, un titre de Sisters of Mercy. Et que, n’ayant pas bien calculé le budget de son séjour, il n’a eu d’autre recours que de demander à son hôte de studio s’il pouvait également devenir son hôte tout court, le canapé oui merci ça ira très bien. Ap-puyons sur « Play » : « Je ne suis pas musicien, mais je suis un lecteur de pochettes de dis-ques. Je connais par cœur les noms des musiciens de l’âge d’or de la pop. En gros, dans les années 80, ils n’étaient qu’une dizaine à se partager le gâteau, entre New York et Los Angeles. Après en avoir croisé quelques uns en France lors d’une tournée de Nougaro, j’ai débarqué à New York avec en poche le téléphone d’un des choristes. Il est venu me chercher avec sa Béhème décapotable et m’a conduit au

studio Power Station. J’ai immédiatement été adopté. À l’américaine… Les musiciens, qui m’ont d’abord demandé comment al-lait Michel Berger, m’ont ensuite proposé de faire le go-between avec la France parce qu’ils n’avaient pas été totalement payés de leur tournée avec Nougaro. » Du haut de ses vingt ans, le petit Français côtoie ainsi Curtis King, connu en France pour avoir chanté sur l’album Gainsbarre, Jim Steinman, compositeur de Bonnie Tyler et Meat Loaf, le clavier Jeff Bova, Jimmy Bralower. Et Marcus Miller dans le studio d’à côté… Bref toute une batterie de vieux briscards de la pop et du jazz. Pour son chef d’œuvre, celui qui revendique sa fibre économiste s’est attelé, à son retour, à expliquer pourquoi ces quelques « re-quins de studio » étaient si prédominants dans le milieu musical. « D’une, ils catchent très rapidement ce qu’on leur demande. Ils vont vite ce qui permet de ne pas trop dépenser en location de studio. De deux, ils ont un gros réseau de musiciens, avec une grande polyvalence dans les talents. J’ai présenté un power-point au jury, invité l’adjoint à la Culture de Nantes Jean-Louis Jossic, par ailleurs chanteur de Tri Yann, et réalisé une émission de radio du style de Saga, animée par Georges Lang, en en-chaînant les hits auxquels avait participé un même musicien de studio. » Passé par RTL et Canal+ avant d’arriver à Lagardère Active, Arnaud Decker a, au cours de sa carrière, noué de solides amitiés avec cer-tains de ces prestigieux musiciens. « À mon mariage il y a quatre ans, un musicien de Quincy Jones m’a fait le plaisir de venir. » On suppose que le Frenchie lui a prêté autre chose que son canapé.

En s’invitant trois semaines dans un studio d’enregistrement new-yorkais, le tout jeune Arnaud Decker a de suite été adopté par les tauliers de la pop music. Pressons le bouton « Rewind ».

« Comment va Michel Berger ? »

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Avec son chef d’œuvre réalisé en Bolivie, David Tiago Ribeiro a fait ses premiers pas de grand reporter. Depuis, ce baroudeur farouchement indépendant a connu le Pakistan, l’Afghanistan, l’Australie et ne compte pas s’arrêter là…

« Un excellent argument de vente »

Pour votre chef d’œuvre, vous avez gravi l’Ancohuma, une des plus hautes monta-gnes de la Cordillère des Andes. D’où vous est venue cette envie ?Les cartes du monde me passionnent depuis tout petit. En CM2, j’étais notam-ment fasciné par un atlas qu’on m’avait offert. En 2002, mon professeur d’escalade me parle du Concahua comme étant le sommet le plus haut d’Amérique du Sud. Je pensais que c’était l’Ancohuma avec ses 7014 mètres. J’ai donc décidé de le gravir et d’en vérifier l’altitude par moi-même.Comment avez-vous procédé ?Je suis parti deux mois et demi avec trois copains de la Faculté de sport et j’ai filmé notre ascension. C’était la première fois que je m’essayais au documentaire. Comment s’est déroulée l’ascension ?Ce fut laborieux. On en a bavé parce qu’on portait chacun un sac de 34 kg. La respira-tion était difficile. Nous avions un itinéraire en tête, mais, dès la première étape à 3400 mètres, il n’y avait pas le point d’eau qui devait théoriquement s’y trouver. Ensuite, on a affronté un épais brouillard jusqu’à 4200 mètres. Avec l’un de mes amis, j’ai poursuivi jusqu’à 5100 mètres. Nous avons

passé une nuit sur le glacier, puis nous avons croisé des alpinistes allemands qui redes-cendaient ; ils nous ont dissuadé de monter. Le sommet n’a pas voulu de nous…Vous en gardez malgré tout de bons sou-venirs ?Oui, c’était mon premier grand voyage. Je me suis laissé vivre, laissé surprendre par les hasards du parcours. Nous avons par exemple rencontré une Barcelonaise qui nous a emmenés sur une île du lac Titicaca. Nous y avons passé une semaine, loin des touristes. Je me rappelle aussi du troisième jour de l’ascension, lorsque nous avons passé les nuages. C’était magique.En quoi ce documentaire vous a-t-il aidé dans votre parcours professionnel ?Les deux années qui ont suivi, ça m’a beau-coup servi auprès des pros que j’ai ren-contrés. C’était un excellent argument de vente. J’ai envoyé mon 52 minutes un peu partout : à Nicolas Hulot, à la chaîne Voyage et à 2P2L, la boîte de François Pécheux. J’ai d’ailleurs rencontré ce dernier et nous avons refait le monde tout un après-midi. Il m’a rappelé quelque temps plus tard pour que je remplace Florent, un autre ancien de Sciencescom (lire en page 9).

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« Plus jeune, j’étais une grande fan de For-mule 1. À partir de 1992, je me suis rendu au circuit de Magny-Cours dix années de suite. Mais je suivais ma passion derrière les grilles… » Lorsqu’elle rejoint Sciencescom, Séverine Pénin trouve enfin un moyen de forcer la porte du paddock. « Pour mon chef d’œuvre, j’ai contacté Sébastien Bourdais qui pilotait alors en Formule 3 000. Mon chou-chou, c’était plutôt Jacques Villeneuve, mais il était beaucoup moins abordable. Alors j’ai préféré faire du qualitatif avec un jeune es-poir. » Elle prouve qu’elle en a sous le capot et téléphone au père du pilote manceau pour lui exposer son projet : la réalisation d’un 26 minutes sur son champion de fils. Papa Bourdais transmet le message et c’est très simplement que l’étudiante rencontre le futur pilote de Toro Rosso. Elle passe un après-midi à l’interviewer et un week-end à le sui-vre sur le Grand Prix de Magny-Cours. « J’ai pu pénétrer dans le stand et filmer tout ce que je voulais, raconte Séverine tout en ca-ressant son chat noir et blanc. Comme j’en-registrais en touriste, je n’étais pas soumise aux droits. D’ailleurs, la Fédération française du sport automobile m’a demandé mes images plus tard, pour une remise de prix ! » Lors de sa soutenance, Sébastien Bourdais se déplace à Sciences Com et découvre le film en même temps que les autres jurés, dont le parrain du chef d’œuvre Matthieu Grossot, journaliste à Eurosport. Le pilote lui adresse un beau compliment : « Au vu de tes images, on dirait qu’on a passé plein de temps ensem-ble… » Depuis, Séverine Pénin a quelque peu lâché le volant, mais elle est restée dans le journalisme. Elle travaille sur l’émission phare de M6 : « Un dîner presque parfait ». Les nap-pes à carreaux ont remplacé les drapeaux à damier.

Les drapeaux à damier ont longtemps fasciné Séverine Pénin qui, pour son chef d’œuvre, a réalisé un reportage sur Sébastien Bourdais, alors champion de Formule 3000.

Gran Turismo

Huit ans plus tard, elle ne se souvient plus du nom du bar, ni même de celui de la rue. De son appréhension au moment d’affronter le public, elle se rappelle en revanche parfaite-ment. Pour son chef d’œuvre, Juliette Mutel a livré un tour de chant dans un café parisien. Accompagnée d’un pianiste et d’un guita-riste recrutés pour l’occasion, l’étudiante a égrené un répertoire du début du XXe siè-cle devant un public composé d’amis et de quidam. J’ai deux amours, Madame Arthur, Tu verras Montmartre, autant de classiques qu’elle a chantés en costume d’époque. «J’avais loué une robe de danseuse de ca-baret, avec frou-frou et plumes dans les che-veux, et habillé mes musiciens avec des gilets de Titis parisiens. Ça allait bien dans le décor du café que j’avais choisi, un endroit typique, bien dans son jus… » Passionnée de chant, cette grande amoureuse de la Capitale ne s’était encore jamais produite devant un pu-blic. « J’avais très peur en montant sur scène. D’autant que je devais rentrer dans le moule de ces chanteuses aux voix alcoolisées. Les deux ou trois premiers morceaux, j’ai laissé échapper quelques fausses notes, mais j’y ai mis du caractère. Ce n’était de toute façon pas un concert classique. Je faisais repren-dre les chansons aux gens. Ils se sont même mis à danser. » Aujourd’hui manager au Pôle design de l’agence Euro RSCG, Juliette Mutel n’a jamais retrouvé le temps de renouveler l’expérience. « C’était malheureusement ma première et dernière fois. Deux jours après ce concert, je commençais le boulot… » Elle ne cache pas cependant que, si l’occasion se présentait, elle se glisserait bien à nouveau dans cette « petite bulle hors du temps ».

Amoureuse de Paris depuis l’enfance, cette passionnée de chant s’est produite dans un café de la Capitale. Un récital haut en couleurs qu’elle n’oubliera pas de sitôt.

Paname, Paname...

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Lise Forestier l’avoue d’emblée : elle ne savait rien de l’autisme avant de se lan-cer dans l’aventure de son chef d’œuvre. « Au départ, je voulais faire quelque chose pour les autres. J’ai contacté des associa-tions d’aide aux personnes âgées ou aux enfants malades. Mais j’ai vite découvert que le bénévolat, ce n’est pas si accessi-ble que ça. Notamment pour les questions de flexibilité des horaires. Finalement, la Maison des associations m’a orientée vers le soutien aux enfants autistes. »Par cet intermédiaire, elle rencontre Étienne, un enfant de sept ans qu’elle ac-compagne désormais chaque week-end à Paris, à raison d’une heure et demie par séance. « Au total, nous sommes douze à nous occuper de lui. Notre rôle est de créer une interaction prolongée avec lui. Quand je suis à ses côtés, je dois le sen-tir avec moi et tenter de rompre avec les situations habituelles dans lesquelles il a l’habitude de se réfugier. »Pour ce faire, Lise Forestier applique la méthode développée par l’association Autisme Panda, une approche par le jeu venue d’Outre-Atlantique, un programme d’éveil à travers l’objet. « J’ai rencontré d’autres bénévoles. À travers les témoi-gnages des uns et des autres, j’ai mieux

compris comment m’adapter aux diffé-rentes attitudes de l’enfant. Avec lui, il ne faut pas avoir peur de retomber soi-même en enfance. J’invente des histoires par exemple. »Sophie Biette, elle-même mère d’un en-fant autiste et ancienne présidente d’une association pour la recherche sur cette maladie, a accepté de présider le jury de sa soutenance. Devant les jurés, Lise Fores-tier est revenue sur ce que lui apporte son travail avec Étienne. « C’est encore très frais puisque je n’en suis qu’à quelques séan-ces, je n’ai donc pas beaucoup de recul. Mais je sais déjà que je me surprends dans la patience. J’ai été confrontée à quel-ques situations difficiles où Étienne se ren-ferme totalement et devient hermétique à toute forme de stimulation. En tout cas, pour l’étudiante en communication que je suis, c’est très enrichissant : c’est une forme de communication différente. Je dois être à l’écoute et chercher ce qu’il y a derrière les comportements d’Étienne. »À partir de janvier prochain, la jeune diplômée va chercher un poste dans le conseil en stratégie de communication d’entreprise. Elle espère le trouver à Paris pour pouvoir continuer son travail auprès d’Étienne.

Son chef d’œuvre, elle vient à peine de l’entamer. Durant un an, la toute jeune diplômée Lise Forestier accompagne Étienne, un enfant autiste âgé de sept ans. Une rencontre aussi riche que déstabilisante.

Une autre forme de communication

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Il y a près de vingt ans, Laurence Ramolino a réalisé un guide œnologique pour son chef d’œuvre. Elle s’amuse aujourd’hui, en le relisant, d’y trouver certains de « ses combats futurs ».

Cuvée 1990

On s’attendait à boire un verre, le sujet s’y prêtait. Mais non, rien. Pas même un petit Muscadet sorti du frigo. Pourtant, elle nous remercierait presque lorsque nous nous présentons à son domicile nantais. Dix-neuf ans qu’elle ne l’avait pas relu, son guide œnologique. « Ce chef d’œuvre, ou plutôt cette « première œuvre », c’était un joli prétexte pour parler d’autre chose. J’ai trouvé intéressant de me replonger dedans car je me rends compte aujourd’hui que j’y ai dit beaucoup de choses que j’ai dé-veloppées par la suite. Comme le fait par exemple de ne pas rentrer dans le rang, dans la norme... » Depuis dix ans, Laurence Ramolino est consultante en développe-ment durable. « Je suis dans le conseil, la sensibilisation et la pédagogie auprès des décideurs locaux. Aujourd’hui, on parle de « développement durable » et on essaie de tenir compte de ces enjeux en amont ;

il y a dix ans, j’assumais davantage un rôle de pompier. » Dans son chef d’œuvre, l’étudiante de la Rue Didienne s’est auto-risée à vulgariser le langage spécifique au vin. « L’œnologie est une discipline élitiste, mais j’avais envie d’en parler à ma façon. C’était un guide sensoriel, basé davanta-ge sur le ressenti que sur le « comprendre » ou le « conceptuel ». » Avec ce qu’elle ap-pelle sa « matière blonde » (« l’information passe par le cœur avant d’atteindre le cerveau »), Laurence Ramolino y établit notamment des parallèles entre certains vins et les peintures impressionnistes. Pres-que deux décennies plus tard, elle regret-te seulement de n’avoir pas mis assez en valeur son propos lors de sa soutenance. « J’étais très intimidée, très impressionnée. » Les membres du jury étaient pourtant tout acquis à sa cause ; ils ont eu droit à une pe-tite dégustation, eux...

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En stage chez EADS, Léonard Gavelle voit défiler les vidéos publicitaires sur les roquettes anti-char. Pas vraiment le style de la maison. L’étudiant s’intéresse davantage au « social business ». Pour son chef d’œuvre, le natif du Brésil songe alors à rencontrer l’inventeur du micro-crédit, Muhammad Yunus. « Mon père m’avait dit que c’était mission impos-sible. Parcourant le monde entier, il n’était jamais à son bureau. » En se renseignant sur le Prix Nobel de la Paix 2006, l’étudiant découvre que son anniversaire tombe le 26 juin. « Je me suis dit qu’il serait probablement en famille ce jour-là et j’ai acheté un billet pour le Bangladesh. » Sur place, l’étudiant se rend au siège de la Grameen Bank, la société de Muhammad Yunus. Durant quatre jours, il fait le pied de grue dans la salle d’attente, mais le Nobel ne pointe toujours pas le bout de son nez. Pendant ce temps, l’étudiant ren-contre l’équipe de Danone venue travailler pour Grameen Danone Foods, un projet dont l’ambition est de fournir à la population locale des produits laitiers à des prix acces-sibles. Le 27 juin, jackpot, Yunus regagne ses locaux et accepte de le recevoir. « Très sim-plement, il m’a posé des questions sur mes envies professionnelles et m’a proposé d’in-tégrer Grameen Danone. » À son retour en France, Léonard Gavelle fait le forcing pour obtenir un stage dans le cadre de ce projet. Il retourne ainsi quatre mois au Bangladesh, comme responsable du développement rural dans le nord du pays. « Je me rendais dans les villages, déguisé en lion, pour faire des speechs sur les besoins nutritionnels des enfants. L’enjeu était de leur faire compren-dre qu’un pot de yaourt apportait plus qu’un bol de riz. » Ses études aujourd’hui terminées, le débrouillard Léonard ne devrait pas avoir trop de mal à trouver du travail.

Léonard Gavelle est un petit malin. Pour ren-contrer l’intouchable Muhammad Yunus, il s’est rendu au Bangladesh le jour de son an-niversaire. Le début d’une aventure qui durera plusieurs mois.

Nobel de la Débrouille

Des bouts. Sébastien Morteau n’avait que quelques bouts de ci de là. Mais pas d’his-toire terminée à proprement parler. Pour son chef d’œuvre, l’étudiant s’est naturel-lement consacré à l’écriture de ce roman autour duquel il tournait depuis quelques années. « J’ai écrit deux cents pages et je les ai fait lire à l’encadrement de Sciencescom. Les premiers retours ont été encourageants. Ensuite, j’ai franchi le pas de soumettre mon manuscrit à un éditeur. Je me suis tourné vers L’Atalante, même si je savais que ce n’était pas le style de la maison. La personne qui m’a lu m’a elle aussi encouragé, mais éga-lement signifié mes erreurs de débutant ! » En deux mots, Coup de pied dans la fourmilière racontait l’histoire d’un policier homosexuel qui croisait au fil des pages des indépen-dantistes bretons, des people, des gens de la pub… Un univers farfelu et décalé qu’il a voulu à la Pennac. « Mon texte ne fonction-nerait plus aujourd’hui. Il n’y avait ni ADN ni téléphone portable ! » Depuis, l’actuel codi-recteur de création chez G&A Links n’a ja-mais renouvelé l’expérience, mais il n’a pas abandonné l’écriture pour autant. Ce père de trois enfants a eu l’excellente idée de créer un blog dans lequel il écrit quotidien-nement. Le concept de www.unedeplus.fr : répondre tous les jours à une question qu’il se pose. Ou que ses enfants ou collègues lui posent. Pourquoi les frères Bogdanov ont-ils le menton allongé… Pourquoi nos doigts sont fripés quand on reste longtemps dans l’eau… Qu’est-ce qu’une ménade… Pourquoi les seins pointent… Bref, tout un tas de questions essentielles dans la vie. « C’est parfait pour frimer en soirée ! Quand il y a un blanc, tu peux même lancer une conversation ! » Idéal à l’approche de Noël pour les repas de famille chez Mamie Jacqueline.

Il n’avait jamais réussi à en terminer un. Pour son chef d’œuvre, Sébastien Morteau s’est attelé à la rédaction d’un roman. Il n’a depuis jamais cessé d’écrire puisqu’il gère aujourd’hui un blog quotidien.

Wikipequi ?

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Grimper au sommet de la Tour Eiffel, c’est facile. Tous les Japonais le font. Crapahuter à cinq mètres du sol dans un club Acro-branche, n’importe quel gamin y arrive. Sauter en parachute, rien de plus simple ; il n’est qu’à lire le récit de Florian Casalta en page 13 de ce magazine. En revanche, si comme Stéphane Hérès on a une peur panique de la hauteur, cela devient net-tement plus compliqué…Affreusement sujet au vertige, l’ancien avocat (il a porté la robe durant six ans avant d’intégrer Sciencescom) a décidé d’affronter sa phobie dans le cadre de son chef d’œuvre. L’étudiant aurait pu se contenter de ne réaliser qu’une seule de ces trois épreuves. Non, un brin masochiste, il les a toutes faites à quelques semaines d’intervalle !Le sommet de la Tour Eiffel, il y est parve-nu en s’agrippant fermement à la rampe d’escalier, puis en empruntant l’ascenseur après avoir houspillé les quelques touris-tes qui en bloquaient le passage. Une fois là-haut, son premier réflexe a été de télé-phoner à sa femme, chérie j’y suis !De l’acrocbranche à cinq mètres du sol, il retient surtout le visage narquois de la jeune femme qui l’avait toisé lors de sa première tentative. Harnaché de toutes parts, il s’y est repris plusieurs fois pour fran-chir le minuscule tronçon qui lui manquait pour parvenir de l’autre côté.Quant au saut en parachute, à l’exception

des premières secondes où il n’eut fina-lement pas si peur que ça, le reste de la chute fut un véritable enfer…Comme il trouvait sûrement qu’il n’avait pas eu son comptant d’émotions fortes, Stéphane Hérès s’est même rajouté un challenge supplémentaire pour le chef d’œuvre : tétanisé par les reptiles, il a été jusqu’à porter un python à bout de bras, au vivarium de La Trimouille. « Si vous sa-viez… Avant ça, je ne pouvais pourtant même pas voir un serpent en photo ! J’avais été terrorisé la première fois que j’en avais aperçu un, enfant. Mon père m’avait fait croire qu’il s’était glissé dans ma poche ! » Pour apporter au jury la preuve de ses dif-férents actes de bravoure, Stéphane Hérès a demandé à son épouse et à quelques amis de s’improviser cameramen. Lors de sa soutenance, le Sylvester Stallone de la promo 2003 a donc présenté un DVD com-prenant quatre petits films. On l’y voit tour à tour livide, balbutiant, jaune, crispé, mor-tifié. « Je suis content et fier d’avoir été au bout de toutes ces démarches. Mais, fran-chement, si je pouvais éviter de le refaire durant les quarante prochaines années de ma vie, ça m’arrangerait bien. »Aujourd’hui responsable du pôle éditorial chez Prod Interactive, il passe une par-tie de la semaine à Paris. Les bureaux de l’agence ne sont heureusement pas situés en haut de la Tour Montparnasse.

Stéphane Hérès n’a pas de souci d’argent. Si la vie lui réserve de mauvaises surprises, il pourra toujours s’inscrire à l’émission Fear Factor. Il sera sûr de rafler le pactole.

Vertiges de la Tour

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