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Dossier réalisé par Myriam Marino 22 23 dossier les microbes Les microbes : ces «ennemis» qui nous veulent du bien 24 Dr Olivier Soulier : «Les microbes nous ont fait naître et continuent de nous faire progresser»

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Dossier réalisé par Myriam Marino

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dossier les microbes● Les microbes : ces «ennemis» qui nous veulent du bien•

24 ● Dr Olivier Soulier : «Les microbes nous ont fait naître et continuent de nous•faire progresser»

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Les microbesCes «ennemis» qui nousveulent du bienS’il était besoin d’une preuve que l’on a souvent besoin de plus petitque soi, comme le suggère si pertinemment Jean de la Fontaine dansla fable «Le lion et le rat», les microbes que l’on s’évertue tant à vouloiréradiquer, en sont une. Ils nous ont fait naître, nous constituent etcontinuent de s’assurer que nous sommes bien vivants. À la découvertede ce merveilleux monde de l’infiniment petit...

Ivan Wallin aurait pu faire l’objet denotre rubrique «Savants maudits,chercheurs exclus». Ce fou de bio-

logiste, (né en 1883 aux États-Unis etmort en 1969), surnommé «l’hommeaux mitochondries», a osé dire en1927, expériences à l’appui, que lesmitochondries (tout comme les chlo-roblastes, nous verrons en détail en-suite ce dont il s’agit précisément avecle Dr Olivier Soulier) provenaient debactéries anciennes ayant établi unerelation symbiotique avec une autrecellule hôte. Il a été le premier à sug-gérer l’idée que la cellule eucaryoteétait composée de micro-organismes.Cette idée a été très importante en-suite dans l’élaboration de l’hypothèsede l’endosymbiose. Ivan Wallin a éga-lement expliqué comment les bacté-ries pouvaient représenter la premièrecause de l’origine des espèces. Ainsi,la création d’une espèce peut se pro-duire par endosymbiose. Quel héré-tique ce Wallin ! (c’est bien ce qu’on adit de lui alors...).Il a en fait étendu les recherches d’unautre fou : Konstantin S. Meresch-kowski (1855-1921), botaniste russe, lepremier à formuler en 1910 les théo-ries de l’endosymbiose. Il connaissait

le travail du botaniste français AndreasSchimper (1856-1901,) qui avait ob-servé en 1883 que la division des chlo-roplastes dans les plantes vertesressemblait à ceux des cyanobactériesautonomes, et qui avait lui-même pro-posé à titre provisoire (dans une note)que les plantes vertes ont surgi d’uneunion symbiotique de deux orga-nismes. Pour Ivan Wallin, les mitochondriesont aussi une origine endosymbio-tique : il le décrivit en expliquant sesthéories et expériences à travers unesérie de neuf articles. Ces théories ont été reçues comme ilse doit par la communauté scienti-fique en pareil cas, c’est-à-dire quandelle n’est pas prête : rejet, ignorance,voire moquerie. L’occasion pour nousde convoquer une nouvelle fois Mar-guerite Yourcenar : «c’est un tort qued’abord raison trop tôt». Chaque époque a son dogme. Tout lemonde, tout scientifique n’est pas unClaude Bernard qui souligna si sage-ment : «Quand le fait que l’on rencontre nes’accorde pas avec une théorie régnante, il fautaccepter le fait et abandonner la théorie»....Le Pr Hans Ris (1914-2004) a relancécette théorie au début des années

1960. Ses études de la structure dumatériel génétique l’ont amené à êtrele premier scientifique «moderne» àdocumenter la similitude, voire l’iden-tité, entre les nucléoïdes de cyanobac-téries (les «plantes primitives»,«cyanophycées, «cyanophytes» ou«algues bleu-vert») et ceux des chloro-plates des algues. La théorie endo-symbiotique, selon laquelle lescellules eucaryotes sont le résultad’une suite d’associations symbio-tiques avec différents procaryotes, aensuite été formulée par la microbio-logiste américaine Lynn Margulis(1938-2011) dans les années 1960aussi. Voilà. Et la communauté scien-tifique semble plutôt y adhérer au-jourd’hui. C’et un bon départ. Reste àprendre vraiment conscience que cesont les bactéries qui nous ont fait naî-tre et que nous continuons à avoir unetrès grande intimité avec elles. Cela aun sens en soi. Nous sommes consti-tués de bactéries, et pourtant nous vi-vons dans une ère de phobie totaledes microbes d’une manière générale,microbes qu’il faut absolument éradi-quer. Pourtant, ils ont un rôle, et nondes moindres, ainsi que nous allonsmaintenant le découvrir... n

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Le Dr Olivier Soulier est médecin homéopathe. Il a beaucoup travaillé sur le rôle desmicrobes, sujet d’un séminaire qu’il propose, dont le prochain aura lieu en juin. Il nousexplique l’importance de la rencontre des microbes dans notre constitution, puis commeaccompagnateur confrontateur « ami » tout au long de notre vie..

Interview

«Les microbes nous ontfait naître et continuentde nous faire progresser»Olivier Soulier

On a assisté au XXe siècle à une véritable chasse auxmicrobes qu’il fallait absolument éradiquer. Une asep-tisation qui mène aux limites que l’on connaît au-jourd’hui : la résistance bactérienne. Vous avezbeaucoup travaillé sur les microbes. Loin d’être les en-nemis que l’on nous présente, vous nous dites aucontraire qu’ils sont nos alliés. Comment cela ?Pour commencer, je rappellerai que les microbes sont inti-mement liés à l’histoire du monde et à l’histoire de l’êtrehumain. Il y a trois types de microbes : les bactéries, lesvirus et les parasites. Les bactéries ont été les premièreshabitantes de notre terre et l’ont préparée pour que nouspuissions y vivre en créant l’oxygène et l’ozone, donc l’at-mosphère. Les microbes sont notre adversaire ontologique dans lesens où ils nous confrontent à nous-même : c’est une no-tion fondamentale. Ils nous ont fait naître et continuent denous tester pour garantir notre intégrité et notre croissance.Ensuite, il est important de souligner que nous sommes ha-bités de bactéries. Nous avons 1013 cellules dans notrecorps et 1014 bactéries rien que dans notre tube digestif.Elles sont donc dix fois plus nombreuses que les cellules.Enfin, 8% de notre ADN est d’origine microbienne, essen-tiellement virale.Vouloir éradiquer tous les microbes est donc un non-sens.Certes, la découverte des agents microbiens par la méde-cine moderne a permis de grandes avancées menant à desactes et à des guérisons jusqu’alors impossibles, mais ellerencontre aujourd’hui les limites que l’on connaît. L’anti-biorésistance, effectivement : les bactéries résistantes aux

antibiotiques sont responsables de 25 000 morts par an au-jourd’hui en Europe1, et 150 000 dans le monde2. Ce, avecdes microbes comme le staphylocoque doré autrefois tota-lement banal ou le Klebsellia pneumoniae.On assiste également à un phénomène de déplacementvers de nouvelles maladies : dès lors qu’une maladie dis-paraît, une autre apparaît à la place.Enfin, la traque impitoyable aux bactéries a mené au faitque plus vous stérilisez, plus vous générez des maladies,des allergies, c’est ce que l’on appelle l’hypothèse hygié-niste, émise depuis une vingtaine d’années. Nous sommesdans une impasse ; je dirais plus précisément une impassebiologique. À force de trop soigner, on rend plus les gensmalades.L’exposition précoce aux microbes permet de forger notresystème immunitaire. L’arrivée des antibiotiques, puisl’abus de leur utilisation, a créé non seulement des résis-tances bactériennes, d’une part. L’utilisation systématiquedes antibiotiques a, d’autre part, barré la route aux infec-tions qui nous touchent de la petite enfance à l’âge adulteet qui sont nécessaires à la constitution de notre immunitéet de notre personnalité ; cela a favorisé l’émergence denouvelles maladies comme l’asthme et les allergies qui tou-chent maintenant 20% de la population et pourraient entoucher 70% dans les années à venir, selon le Pr VincentCastronovo. La meilleure immunisation possible, c’est l’enfant qui par-tage sa glace avec le chien ou encore c’est la maman qui ra-masse la tétine de bébé tombée à terre et qui l’essuie avecsa main pour enlever les saletés et la lèche avant de

1 - http://www.ecdc.europea.eu/en/aboutus/organisation/Director%20Speeches/20120314_AMR_presentation_Copenhagen_EUpresidency.pdf2 – http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs194/fr

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3 - Dont cette étude suédoise parue en 2013 dans Pediatrics : «Pacifier cleaning practices and risk ofallergy development», Bill Hesselmar etal., 6 mai 2013, cette adresse : http://pediatrics.aappublications.org/content/early/2013/04/30/peds.2012-3345

de la remettre dans la bouche de bébé. Plusieurs études ré-centes ont démontré ce fait3.

Le sens des infections qui nous touchent de la petite en-fance à l’âge adulte est en effet un point très importantsur lequel nous reviendrons plus tard. Avant cela, par-tons à la découverte des microbes. On n’en a pas tou-jours eu peur…Microbios signifie «petite vie». Les microbes ont été long-temps méconnus car on ne les voyait pas. Leur apparitiondate du XVIIe siècle : ils ont été observés pour la premièrefois grâce à l’invention du microscope par Antoine vanLeeuwenhoek (1632-1723).Les grandes épidémies étaient vues comme des punitionsdivines, des malédictions, mais les médecines anciennessavaient soigner les maladies sans pour autant les com-prendre. La maladie s’inscrivait dans un équilibre dumonde. L’acupuncture savait soigner les maladies il y a4000 ans sans avoir besoin de connaître le rôle des mi-crobes grâce à une compréhension globale de la vie trèsnette. On peut se demander ici si ce n’est pas la présenceancienne de la médecine traditionnelle chinoise et de l’acu-puncture qui a permis à la Chine d’avoir, et de loin, la pre-mière population mondiale. Les Chinois ont peut-être toutsimplement la première médecine. Avec l’arrivée d’Hippocrate, nous sortons des superstitions :

la maladie n’est pas une punition infligée par les dieux,mais plutôt la conséquence de facteurs environnementaux,de l’alimentation et des habitudes de vie. Elle est donc enlien avec la manière dont nous vivons.Un autre tournant important apparaît au XVIIIe siècle avecSamuel Hahnemann (1755-1843), inventeur de l’homéopa-thie. Il n’est pas possible que Dieu avec sa sagesse n’ait pasmis dans la nature à la fois le problème et sa solution,pense-t-il. C’est dans l’état de la bonne santé que l’on vatrouver la manière de soigner.C’est la célèbre phrase : «La maladie commence à l’instant où l’onjustifie par l’extérieur le malaise intérieur».Il est intéressant de souligner que le premier à avancerl’idée que «les semblables sont guéris par les semblables», avecl’utilisation d’Arsenicum album, c’est Hippocrate. Ainsi, tousles médecins qui ont prêté le serment d’Hippocrate sontcensés appliquer ce principe…Au XIXe siècle, l’homéopathie soigne plusieurs maladies :- Le typhus épidémique de 1813 : alors que le taux de mor-talité par la médecine conventionnelle était de 30%, SamuelHahnemann est capable de traiter 180 cas avec seulement2 décès quand l’épidémie arrive à Leipzig. - Le choléra épidémique de 1830-1832 : quand il atteintl’Europe, la mortalité, avec le traitement conventionnel, estde 40 à 80%, variant selon les sources d’information. Hah-nemann, de son côté, est capable d’identifier les

Une résistance bactériennemondiale

La résistance bactérienne est désormais une grave me-nace pour la santé publique, souligne l’OMS qui vientde sortir son premier rapport sur le sujet. Ce, dans lemonde entier. Dressant les données de114 pays, cerapport fait état de la présence d’une résistance auxantibiotiques dans toutes les régions du monde. En Eu-rope, le rapport relève que des niveaux élevés de ré-sistance de Klebsellia pneumoniae auxcéphalosporines de troisième génération ont étéconstatés dans l’ensemble de la région européenne de l’OMS. Dans certains lieux, jusqu’à 60% des in-fections à Staphylococcus aureus sont résistantes à la méticilline (SARM), ce qui signifie que le traite-ment par les antibiotiques classiques est inefficace.Source : Antimicrobial resistance : global report on surveillance, avril 2014 (télécharger le rapport enanglais : http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/112642/1/9789241564748_eng.pdf?ua=1http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2014/amr-report/fr/

Vue microscopique de Klebsellia pneumoniae

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stades de la maladie et de dire le remède adapté à chaquestade. - Les grippes graves, dont la fameuse grippe espagnole en1918-1919 qui a tué entre 22 et 100 millions de personnesdans le monde. Dean W. A. Pearson de Philadelphia rap-porte 26 795 cas de grippe traités par des médecins homéo-pathes : le taux de mortalité a été de 1,05% alors qu’il étaitde 30% en médecine conventionnelle. Le Dr H. A. Roberts,du Connecticut, rapporte de son côté les données de 30praticiens, rassemblant 6 602 cas : 55 sont morts, ce quidonne une mortalité inférieure à 1%.L’homéopathie soigne aussi la fièvre jaune, la poliomyélite,la diphtérie… Il existe des dizaines d’exemples. L’homéopathie intègre le principe des microbes avec lesdiathèses, qui sont au nombre de quatre : la psore, en lienavec le processus de la gale, la sycose avec la gonococcie,la luèse avec la syphilis, le tuberculinisme avec la tubercu-lose. Les diathèses font le lien entre la physiologie d’un mi-crobe et le mode réactionnel d’un individu. Par exemple, lapsore, dont le modèle est la gale, représente un principed’élimination centrifuge ; la luèse, en lien avec la syphilis,nous parle d’une action de destruction psychologique etbiologique. D’autres homéopathes, comme Rajan Sanka-ran, ont mis en place d’autres diathèses. Je pense que l’on peut encore élargir ce système à une dia-thèse par famille microbienne. Nous verrons cela avec labactérie Helicobacter pylori : on pourrait parler de la diathèseou du processus Helicobacter pylori.En homéopathie toujours, les nosodes sont des remèdesessentiellement fabriqués à partir de microbes. Le Dr Ed-ward Bach (1886-1936), avant d’élaborer les Fleurs, a tra-vaillé sur les microbes et a élaboré sept nosodes. Et puis arrive Louis Pasteur (1822-1895), et c’est le grandtournant : le microbe passe du stade d’agent à stade de res-ponsable, oubliant au passage la grande phrase de ClaudeBernard : «Le microbe n’est rien, le terrain est tout». Même s’il serétracta durant les derniers jours de sa vie, confiant : «Bé-champ avait raison, le microbe n’est rien, le terrain est tout», et ajou-tant «C’est Claude qui a raison».Le microbe, c’est le grand méchant qu’il faut éradiquer àtout prix. On va tout guérir : c’est la grande découverte desagents microbiens des maladies, ainsi que celle des anti-biotiques et des vaccins glorieux. C’est la médecine mo-derne avec les limites qu’elle rencontre aujourd’hui, nousl’avons dit. Le danger, et c’est ce qui se passe, c’est d’externaliser laresponsabilité : c’est la faute à l’autre, c’est la faute aux mi-crobes. Quand nous comprendrons que nous sommes des mi-crobes et que nous sommes en lien permanent avec eux,

nous comprendrons comment ils viennent confronter nosfragilités.

Pouvez-vous préciser votre propos ?Nous sommes tous constitués de bactéries. Le premier des microbes, c’est la bactérie. La terre a 4,9 mil-liards d’années, les bactéries sont présentes depuis 4 mil-liards d’années globalement. Elles ont créé l’atmosphèreterrestre en digérant les pierres et elles vont continuer àévoluer.La bactérie «primitive», c’est un brin d’ADN ou d’ARN dansune membrane, mais elle n’a pas de noyau. Toutes les bac-téries sont des procaryotes (avant le noyau). Elles vont en-suite s’associer les unes aux autres pour créer leseucaryotes par différents processus, dont l’endosymbiose.C’est l’apparition des premières cellules et le début de lavie telle que nous la connaissons aujourd’hui.Par exemple, les cellules humaines vont intégrer une bac-térie qui va devenir la mitochondrie, l’usine à énergie de lacellule ; les futures cellules végétales vont intégrer le chlo-roplaste qui va fabriquer la chlorophylle. D’autres bactériescomme les spirochètes vont constituer les canaux cellu-laires. Et ainsi de suite dans une sorte de mécano.

Donc, les cellules sont une association de bactéries, cha-cune apportant sa compétence. On peut dire que le maté-riel cellulaire est au départ du matériel bactérien. J’aurais tendance à dire que l’apparition du noyau, c’estl’apparition de la possibilité de conscience.Ensuite, nous allons passer à des organismes pluricellu-laires, des organismes de plus en plus complexes jusqu’àcréer les premières formes de vie, les premières formes depoissons, les reptiles, puis les mammifères, etc.Ainsi, l’être humain est une bactérie qui a réussi. Noussommes tous des bactéries qui avons réussi.Nous sortons de ce que la médecine appelle la soupe pri-mitive (voir encadré page suivante), puis d’une

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La mitochondrie, usine à énergie de la cellule

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•••soupe bactérienne. Nous sommes ainsi une forme évoluéede bactérie, mais nous restons en permanence en interac-tion avec l’ensemble des bactéries qui viennent nous «vé-rifier». Nous vérifier, cela veut dire nous tester pour voir sinous, êtres humains, ou tous organismes vivants, restentla forme la plus évoluée, la plus adaptée, ce en nous aidantà nous améliorer. Nous sommes en permanence en contrôle, en supervisionsi j’ose dire, par les bactéries. C’est pour cela que je dis quele microbe est notre adversaire ontologique : il est toujourslà ; il permet à l’humain de se confronter à la vie et d’ac-compagner ainsi son évolution. Les microbes sont des uni-taires dans le sens une seule fonction, alors que leshumains sont des pluri-fonctions. Les microbes sont des testeurs. Chaque fois que l’ons’écarte d’un chemin d’équilibre physiologique, on amorceun système qui s’appelle un microbe et qui va se mettre enroute en nous faisant tomber malade. Il teste nos capacités,et par cette expérience nous apporte une connaissance sup-plémentaire. Les microbes sont aussi des chercheurs de solution. Faceà une difficulté, ils ont la capacité de rechercher une solu-tion et de nous la communiquer ensuite, souvent d’ailleurs«à l’insu de notre plein gré»…Il existe un dialogue constant entre le corps humain et lesmicrobes.Ces capacités, les microbes se les appliquent aussi entreeux, se communiquant leurs découvertes. Quand un mi-

crobe a trouvé le moyen de résister à un antibiotique, parexemple, il communique l’information aux autres microbes.Cette communication de compétences ou d’informations aété vue comme la première forme de sexualité.

Les microbes, chercheurs de solution : les voici, ces «en-nemis» qui nous veulent du bien. Leur présence a effec-tivement un sens, ainsi que vous le dites, et donc lesinfections, nécessaires par là-même, que nous rencon-trons tout au long de notre vie… Pouvez-vous nous endire plus à ce sujet ?Le microbe cherche la solution en dehors, puis la proposeà l’homme. Souvenons-nous de l’endosymbiose, l’infectiona la même fonction.L’infection représente la solution trouvée par le microbe(après s’être mis en contact avec d’autres microbes) au pro-blème que l’être humain lui a été soumis : une «épreuve»,pourrait-on dire, qui est destinée à améliorer son ADN. Chaque mouvement humain possède son double dans lanature qui est susceptible de le soigner : Samuel Hahne-mann avait raison.Nous allons poser trois points fondamentaux que l’on il-lustrera ensuite avec des exemples : il s’agit là d’uneconception totalement nouvelle.Premier point fondamental, que j’ai mis au point et quej’appelle la théorie des équivalents : chaque microbe cor-respond à un mouvement qui confronte une problématiquede vie humaine. •••

Le concept de «soupe primitive»

C’est l’expérience de Miller-Urey, du nom deschercheurs qui l’ont ménée Stanley Miller et Ha-rold Clayton Urey à l’Université de Chicago, qui adonné naissance au concept de «soupe primitive(ou primordiale) de la vie», en 1953*. Le but decette expérience était de mettre en évidencel’éventuelle origine chimique de l’apparition dela vie sur Terre, en simulant les conditions suppo-sées régner originellement, après la formation dela croûte terrestre, conditions qui auraient favo-risé les ractions chimiques susceptibles de faireapparaître des composés organiques à partir decomposés inorganiques. * Stanley L. Miller : «A Production of Amino AcidsUnder Possible Primitive Earth Conditions»,Science, vol. 117, N° 3046,1953, p. 528-529 L’expérience de Miller-Urey

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L’ensemble des problématiques humaines correspond à laflore microbienne. Ainsi, cela ne sert à rien d’éliminer unmicrobe, de vouloir éradiquer une maladie, elle reviendraautrement (c’est le phénomène de déplacement que je vousévoquais plus haut) puisque la problématique humaineexiste toujours et qu’elle aura besoin d’un microbe pour laconfronter. L’idée d’éradiquer une maladie est une profondebêtise.L’ensemble des problématiques humaines potentiellespeut être représentée par la flore microbienne. Cela corres-pond aussi à l’inconscient collectif, dans le sens de l’en-semble des problématiques humaines solutionnées ounon. Nous avons en nous une part de l’inconscient collectif re-présenté par notre flore microbienne essentiellement intes-tinale. C’est notre boîte à outils personnelle. Nous savonsaujourd’hui que modifier notre flore intestinale, c’est mo-difier notre psychisme4.Deuxième point fondamental : toute maladie peut ainsise voir à trois niveaux : une problématique (psychique) –un microbe (confrontateur de la problématique) – des or-ganes cibles, qui sont le lieu d’expression, de manifestationde la problématique : les symptômes, les syndromes… Enun mot : la maladie dans sa description classique.Troisième point fondamental : chaque problématiquepeut se concevoir à trois niveaux : physique, psychologiqueet symbolique. Le sens du microbe peut ainsi se concevoirà ces trois niveaux.

Pouvez-vous illustrer cela avec des exemples ?Le staphylocoque (Staphylococcus, dont le fameux staphylo-coque doré Staphylococcus aureus), par exemple, est très inté-ressant : c’est le microbe le plus «basique» de tous, mêmesi l’abus d’antibiotiques a pu, dans certains cas, en faire untueur terrible résistant à tout antibiotique. C’est une bac-térie aérobie (Gram positif) que l’on trouve partout sur lapeau, dans le tube digestif et le périnée.Savez-vous que nous avons sur la langue des millions destaphylocoques ? Quand vous vous embrassez, vous mé-langez vos moyens de vous défendre.Le staphylocoque est responsable de l’acné, des panaris ouencore de l’impétigo. Il peut aussi provoquer des maladiesplus graves comme des septicémies, des endocardites, desostéomyélites.À quoi sert le staphylocoque ? Afin de comprendre le mou-vement global, la fonction globale, je vais vous donner unexemple : l’écharde dans le doigt. Aujourd’hui, il suffitd’avoir une pince à épiler pour pouvoir l’enlever tout de

suite. Que se passait-il à l’époque lointaine où l’on n’avaitpas encore inventé la pince à épiler ? L’écharde, en péné-trant dans la peau, emportait avec elles des staphylocoquesqui ne sont pas faits pour être à l’intérieur de nos tissus.Cela envoyait un message au système immunitaire et pro-voquait un abcès qui permettait d’évacuer cette écharde dudoigt, donc du corps. Le staphylocoque, c’est le gardien de l’intégrité corporelle :il évite qu’un agent étranger reste dans le corps, il veille surla peau et nos limites corporelles. Il est ainsi activé chaque fois que l’intégrité corporelle estattaquée (acné, etc). Au niveau psychologique, l’intégritécorporelle peut se concevoir dans le regard que l’on posesur les autres et sur soi. Par exemple, l’adolescent fait del’acné en pleine période où il est en difficulté avec sonimage corporelle et son taux d’hormones.L’acné fait entrer dans une autre dimension. L’adolescentse regarde dans la glace, il ne s’aime pas avec ses boutons.Il y a une intrusion psychique de la barrière corporelle. Maisau fond, qu’est-ce qui constitue la plus grande capacité dedéfense de nos barrières ? C’est le regard d’amour qui a étéposé sur soi : le premier, qui est celui de la mère, puis tousles autres. Au niveau symbolique, le staphylocoque, c’est le regardd’amour posé sur l’être : et c’est cela qui est la

4 - Voir le documentaire « Le ventre, notre deuxième cerveau », réalisé par Cécile Denjean (2013, 55 minutes), passé récemment sur la chaîneArte

Staphylococcus aureus formant une capsule de fibrine qui le protège du système immunitaire d’une

vache (photo : Eric Erbe, Christopher Pooley)

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véritable protection de la vie.Nous retrouverons ces trois niveaux : physique, psycholo-gique et symbolique, pour chaque microbe.

Un autre exemple ?Le streptocoque (Streptococcus).Au niveau physique, il donne des angines, la scarlatine, desrhumatismes articulaires aigus (RAA), des lésions rénales,des valvulopathies, des endocardites.La symbolique générale du streptocoque (strepto : «plié»)représente le père. C’est celui qui va permettre à l’enfant dese déployer, de s’affirmer. Et si vous ne vous affirmez pas etne vous déployez pas, le streptocoque vous aidera ou voustuera. Le microbe n’a pas d’émotion. Au niveau psychologique : l’angine correspond à la peur. Lascarlatine, c’est la tentative d’élimination et les RAA, c’estle déploiement impossible. L’endocardite et la valvulopa-thie, c’est le non accomplissement qui va atteindre les sé-quenceurs nous permettant d’avancer, le cran de lacrémaillère de la vie, et qui va finir par détruire les organesnobles que sont les reins.D’un côté, nous avons donc la mère, le staphylocoque, leregard d’amour gardien de l’intégrité corporelle et de la va-leur de soi ; et de l’autre, nous avons le père, le strepto-coque, qui permet le déploiement de l’enfant etl’accomplissement de ses dons.Entre les deux, troisième exemple de microbes, nous avonsl’Escherichia coli.

C’est une bactérie que l’on va rencontrer dans le couple. C’est le territoire sexuel : ai-je au lit la richesse désirée ? Auniveau physique, cela donne des cystites, des vaginites, desproblèmes intestinaux.Au niveau symbolique, E. coli, c’est la sexualité comme va-

leur marchande. Si notre seule préoccupation est de faire respecter nos li-mites, E . coli va intervenir en quelque sorte pour rétablirl’équilibre qui sous-tend la notion de couple. La coopéra-tion et le partage prédominent sur les limites propre indi-viduelles la volonté de pouvoir personnel.Dans le même domaine, la même problématique, l’autresolution peut être une infection par Candida Albicans (le can-dide blanc). Cette bactérie symbolise la perte des illusions :il n’y a pas de prince charmant et Barbie n’existe pas… Nous avons donc pour la plupart des cas : une probléma-tique - un microbe. À côté de cela, certains microbes ont apparemment desfonctions plus complexes, comme Helicobacter Pylori. Je diraisque nous voyons apparaître ici ce que j’appellerai de nou-veaux ensembles, de nouveaux mouvements, un peucomme de nouvelles diathèses.

Expliquez-nous cela…Pendant longtemps, on a pensé que l’ulcère à l’estomacétait lié à l’acidité et au stress, jusqu’à ce que deux cher-cheurs australiens, Robin Warren et Barry Marschal, prou-vent qu’une bactérie en était responsable : Helicobacter Pylori.Ils se sont rencontrés au début des années 1980 et ont com-mencé, en 1982, la culture d’H. Pylori en développant l’hy-pothèse qu’elle était responsable d’ulcères et du cancer del’estomac. La communauté médicale ne le croyant pas etmoquant cette hypothèse, Barry Marshall a tout bonnementavalé une culture d’H. pylori… et développé un ulcère del’estomac en moins d’une semaine, qu’il a ensuite guériavec des antibiotiques. Robin Warren et Barry Marshall ont reçu le prix Nobel dephysiologie et de médecine en 2005 «pour la découverte de labactérie Helicobacter pylori et son rôle dans les problèmes gastriques etles ulcères de l’estomac».

H. pylori est ainsi la première bactérie découverte en tantque cause de maladie connue auparavant comme non in-fectieuse. Pour l’anecdote, Pasteur a refusé de se faire

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E. coli grossie par 10 000(photo : Eric Erbe, Christopher Pooley)

Helicobacter pylori

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injecter le vaccin contre la rage… H. pylori pourrait aussi être à l’origine ou coopérant d’autresmaladies : Parkinson, l’AVC sur athérome, la mort subite,les toux, l’agrégation plaquettaire, les infarctus… Celaouvre une voie où toute maladie, infectieuse ou non, pos-sède un facteur microbien. C’est une notion importante.H. pylori est donc un microbe général qui a une fonctionplus large. Il survient dans plusieurs maladies, apparem-ment sans aucun rapport, mais qui ont à la base un mou-vement commun qui est confronté par H. pylori. À quoi sert H. pylori ?Elle était déjà présente il y a 58 000 ans.La primo infection se fait avant 10 ans, voire avant 8 ans.Sa prévalence est plus élevée dans les pays émergents oùl’infection est bien plus répandue chez les personnes plusjeunes5-6. Dans les pays développés, le taux d’infection aug-mente avec l’âge.L’Organisation mondiale de gastroentérologie (OMG)constate une prévalence exceptionnellement élevée de H.Pylori en Amérique du sud : de 70 à 90% chez l’adulte, et enAsie : de 50 à 80% chez l’adulte7.H. pylori intervient au niveau de l’estomac. Je pense doncque c’est un microbe qui aide à accepter le monde, à êtreen capacité de garder son identité tout en acceptant lemonde. L’acidité produite par l’estomac permet de déstruc-turer le monde extérieur quand nous le mangeons. Elle estdonc importante. Si l’on veut imager : elle protège de l’in-vasion de soi par l’extérieur. L’infection par H. pylori va s’exprimer aussi en favorisant uneproduction importante d’acidité qui finit par provoquer desulcères à l’estomac. Cette souffrance corporelle va manifes-ter une souffrance, notre souffrance psychique, et d’unefaçon générale un mouvement en difficulté, la probléma-tique qui a fait appel à H. pylori.Il existe une plus grande prévalence d’Helicobacter pylori dansles pays où l’on utilise moins d’antibiotiques. Ainsi, quandon laisse agir Helicobacter pylori, comme c’est le cas dans cespays, cela permet probablement de développer précoce-ment une résistance au stress et une adaptabilité aumonde, et donc d’éviter chez l’adulte beaucoup d’ulcèresde l’estomac.Pour conclure sur ce microbe, plusieurs études, dont uneeffectuée par des immunologistes allemands8, ont montréque l’infection par H. pylori durant la petite enfance protè-gerait de l’asthme allergique. On comprend alors les dom-

mages des antibiotiques : en détruisant Helicobacter pylori, ilsempêchent son action structurante. Si nous allons encore plus loin : après le père, la mère, lasexualité, le deuil des illusions et H. pylori, nous avons leprincipe des familles de microbes, par exemple celle desClostridium.

Parlez nous-en…Il y a quatre types de Clostridium : tetani, responsable du té-tanos, botulinum, responsable du botulisme, perfrigens, res-ponsable de gangrènes gazeuses et d’entérites nécrosantes,et enfin le Clostridium difficile qui provoque des colites mem-braneuses.Ce sont des bactéries anaérobies, encapsulées.Au niveau symbolique, les Clostridium représente l’enfer-mement, les illusions qui nous enferment et nous empê-chent de voir la réalité. C’est l’emprisonnement dans desclaustras. Le vécu de ces microbes de manière encapsulée est une re-présentation de la conservation durable d’une souffrancepsychique ancienne que l’on ne parvient pas à éliminer, àlaquelle il faudrait pourtant renoncer.Donc, nous retrouvons le même principe une probléma-tique - un microbe - une solution.Ce principe général de fonctionnement est utilisé en ho-méopathie dans les diathèses avec la psore : la souffrance,la sycose : l’accumulation de matières, la luèse qui est ladestruction, et le tuberculinisme qui est la variabilité de lasituation.

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5 - «Helicobacter pylori : a poor man’s gut pathogen ?», Khalifa MM, Sharaf RR, Aziz RK, Gut Pathogens, 20106 : Recommandations globales de l’Organisation mondiale de gastroentérologie. Helicobacter pylori in developing countries.7 - op cit. 68 - Isabelle C. Arnold, Nina Dehzad, Sebastian Reuter, Helen Martin, Burkhard Becher, Christian Taube, Anne Müller, Helicobacter pyloriinfection prevents allergic asthma in mouse models through the induction of regulatory T-cells, Journal of Clinical Investigation, Vol. 121, 2011

Le Clostridium difficile

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Il existe trois catégories de microbes, disiez-vous en in-troduction de cette interview : les parasites, les bacté-ries (dont nous avons vu précédemment le rôleessentiel) et les virus. Pouvez-vous décrire chacune deces catégories plus en détail ?Les parasites vont nous confronter aux problématiques gé-nérales relativement ancestrales d’appartenance au groupe.Citons comme exemple de parasites, les vers intestinaux :ils touchent les enfants qui sont encore dans un moi col-lectif familial, dans un moi groupe en quelque sorte. C’estla possibilité de tolérance d’un organisme entier à l’inté-rieur de soi. Le paludisme, de même, va s’exprimer au sein de sociétésde groupes, les tribus. Le paludisme a aussi touché l’Europe à une époque ; LouisXIV l’a attrapé dans les marais (la «fièvre des marais» étantl’autre nom du paludisme), mais ce n’est plus du tout dansla problématique de la société européenne aujourd’hui,même s’il existe quelques cas de paludisme. L’Afrique, enrevanche, est dans la gestion de cette problématique.La bactérie questionne l’ensemble des problématiquesstructurantes.Troisième catégorie de microbes : les virus. Nous entronslà dans une famille de microbes extrêmement complexe. Jedirais avec un peu d’humour que le virus, c’est quand la vieruse, afin de nous obliger à aller plus loin.Le monde des virus est très intéressant : ainsi que je vousle disais au début de notre entretien, 8 à 10% de notre ADNest d’origine microbienne, et particulièrement d’origine vi-rale. Le placenta a pu être créé grâce à la présence d’unvirus qui a infecté les ovipares il y a des millions d’années.Pour que l’œuf puisse s’implanter, il faut deux choses : un

accrochage et une immunotolérance, puisque l’œuf est à50% étranger.Le virus dont il est question : HERV-W 40 (appartenant à lafamille HERV : human endogen retrovirus) possédait ungène permettant de fabriquer une enzyme : la syncytine.Cette dernière a plusieurs propriétés dont celle de permet-tre l’accrochage et la fusion en développant une zone decontact par le biais du syncytiotrophoblaste, et celle de gé-nérer une immunotolérance, c’est-à-dire la tolérance à l’in-térieur de soi d’un être différent.Nous voyons donc bien que les virus ont apporté une évo-lution considérable.Ainsi, les questions que l’on devrait se poser face à un virussont (comme nous l’avons fait précédemment avec les bac-téries) : à quoi sert-il ? dans quelle situation apparaît-il ?Où ? Quel est le lien entre les différents éléments qui seprésentent ? Ce sont des pistes de recherche que la méde-cine gagnerait à explorer. Elle a réussi à diminuer la morta-lité par maladie infectieuse, mais elle se trouve aujourd’huiface à l’émergence de nouvelles épidémies qui la dépas-sent. Et si, finalement, elle n’avait rien réglé, mais simple-ment déplacé ?

C’est une réflexion en effet intéressante. Pour en reveniraux microbes d’une manière générale : que dire, au vude tout ce qui vient d’être dit, de la stérilisation et del’aseptisation ?Tout d’abord, il est évident que l’hygiène est quelque chosede fondamental. C’est beaucoup plus l’hygiène et l’amélio-ration générale des conditions de vie qui ont fait disparaîtreles grandes épidémies, la tuberculose y compris, que lestraitements. Quand on découvre le premier

8 à 10% de notre ADN est d’origine microbienne et particulièrement d’origine virale

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anti-tuberculeux, la tuberculose a déjà disparu à 90%.Il est vrai qu’à une époque, la stérilisation était fondamen-tale. Il est vrai aussi que dans tout acte médical, la stérilisationreste fondamentale, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’interve-nir sur des organismes fragilisés ; mais, inversement, l’excèsde stérilisation peut s’avérer toxique. C’est l’hypothèse hy-giéniste, je l’ai dit, qui fait que plus on stérilise, plus onrend malade. Parce qu’il faut effectivement se méfier desmicrobes rendus résistants aux antibiotiques, notammentceux des hôpitaux.A contrario, plus on est confronté aux microbes tôt, moinson est malade. Pourquoi les enfants dont la maman nettoiela tétine tombée à terre avec sa bouche ont-ils la meilleureimmunité ? Tout simplement parce que la rencontre du mi-crobe au quotidien aide à grandir, dans le sens qu’il nousaide à nous constituer biologiquement, mais aussi au ni-veau psychique.Ainsi, concevoir le microbe comme la rencontre du mondechange toute la perspective. Elle doit avoir lieu. Si elle n’apas lieu, si elle est empêchée, elle s’exprimera de toutefaçon d’une autre manière. C’est le phénomène de dépla-cement des maladies.Par exemple, une maladie aiguë doit pouvoir faire son tra-vail jusqu’au bout. Si ce travail est empêché, elle évolueraen maladie chronique, puis à long terme, en maladie froide.Ce, parce que le problème n’a pas pu être réglé : il est tou-jours présent, de façon «torpide». C’est-à-dire que le mi-crobe est toujours là, il continue à travailler, à proposer sasolution de façon suffisamment faible en quelque sorte,

pour que le système immunitaire n’arrive pas à l’identifiercorrectement et à l’éliminer.Certaines maladies, comme la maladie de Lyme, que l’onappelle aussi la grande imitatrice, arrivent même à se jouerde nos systèmes de défense, à se nourrir de nos antioxy-dants et de nos systèmes de protection en se cachant à l’in-térieur des cellules. Nous réalisons de plus en plus qu’il y a présence micro-bienne dans la plupart des maladies auto-immunes. C’estmême le microbe qui réalise une activation de l’immunitéau départ du processus, comme c’est le cas dans la maladiede Lyme.Symboliquement, le principe de l’auto-immunité repré-sente le doute fondamental quant à l’identité et une diffi-culté à se définir dans son système de défense.Nous avons vu apparaître ces trente dernières années denombreuses maladies auto-immunes et neuro-dégénéra-tives. Les maladies froides sont très récentes. On peut s’in-terroger sur leur émergence. Selon moi, au vu de tout ceque je viens de vous expliquer sur le rôle des microbes,elles viennent questionner toutes ces épreuves de vie, cesproblématiques dont on a évité la confrontation en les em-pêchant de s’exprimer. Avec les antibiotiques, les vaccins,les anxiolytiques, les antidépresseurs, etc.Je vous donne un exemple concret de cela. Une étude parueen 2012 dans le British Medical Journal9 s’est intéressée aurôle des benzodiazépines dans la survenue de la démenceou de la maladie d’Alzheimer. L’étude a conclu que leur uti-lisation est associée à un risque accru de démence. Que peut vouloir dire cela ? La personne qui prend

9 - «Benzodiazepine use and risk of dementia : prospective population based study», Sophie Billioti de Gage, et al, British Medical Journal, sep-tembre 2012

Ce que nous apportentles maladies

Toutes les maladies sont en général immunostimu-lantes, c’est-à-dire que plus nous en rencontrons, plusnous nous renforçons dans notre identité. Certains microbes sont immunomodulateurs ; ce sontceux qui sont issus de l’allaitement. Je pense que celaveut dire que la vie nous aide à apprendre à nous défen-dre, mais que, dans la relation amoureuse, si nous nousdéfendons trop, ce sera l’échec et la rencontre d’E. Colipour être «obligé» de moins se défendre. Enfin, les microbes issus de l’allaitement représententl’amour et la mémoire d’avoir été aimé et nous donnent la capacité de nous adapter : c’est l’im-munomodulation. À méditer.

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ce type de médicaments se retrouve face à une difficulté,une angoisse... En un mot, à une épreuve de vie qui pourraitdéclencher chez elle un travail de recherche de solution,voire même déclencher un stress tel qu’une maladie sur-vienne pour l’aider à se guérir. Or l’usage de ces médica-ments empêche cela, mais la problématique existetoujours. Le problème n’étant pas réglé, il est déplacé. Certains scientifiques ont émis l’hypothèse que les plaquesamyloïdes qui caractérisent le cerveau des patients atteintsde la maladie d’Alzheimer pourraient être simplement desdépôts de réactions immunitaires.

On comprend ainsi à quel point la confrontation au mi-crobe, notre adversaire ontologique, est essentielle,constitutive et structuranteEn effet. Cette question interroge beaucoup : pourquoi telle per-sonne va attraper une maladie infectieuse alors que sa voi-sine «physique» ne l’attrape pas ? Pourquoi le médecin duroman d’Albert Camus La peste ne l’attrape pas alors qu’ilsoigne des patients atteints de cette maladie ? Pourquoimère Teresa, qui a passé sa vie à soigner des gens engrande maladie, n’a jamais rien attrapé ?...Je pense que Claude Bernard l’avait parfaitement dit : la ma-ladie n’est rien, le terrain est tout. Ce qui compte, ce n’estpas le microbe, c’est la place pour le mettre. En fait, chaque microbe va nous parler d’une faiblesse etd’une fragilité. Parlons de la grippe saisonnière, par exemple, puisque c’estl’une des plus banales des maladies infectieuses. Symboli-quement, la grippe est, selon moi, une maladie qui vientagir sur la problématique transgénérationnelle. Elle vientépurer, en quelque sorte, toutes les histoires héritées ; etc’est une très bonne chose. Bien sûr, quand elle touche unepersonne âgée, fragilisée, elle peut être dangereuse. Il existe différentes phases de prépondérance, différentspics de grippe selon les âges. Ils sont au nombre de quatre :un pic chez les enfants, un pic vers 27 ans, un autre pic vers50 ans, et enfin un plus tardif vers 75-80 ans ou plus. Si l’on réfléchit à cela, on peut dire que la grippe dans les

premières années de la vie, c’est la naissance ; 27 ans, c’estl’âge moyen où on est parent pour la première fois ; 50 ans,c’est l’âge moyen où on est grand-parent pour la premièrefois ; 75-80 ou plus, c’est l’âge moyen où on est arrière-grand-parent pour la première fois. Ainsi, à chaque passagede génération, se pose le problème, la problématique de latransmission des croyances et des systèmes de valeur.Chaque génération vient confronter la et les précédentesquant à la validité de leur système et à la marche d’évolu-tion du monde.

C’est en effet très clair expliqué ainsi. Qu’avez-vousenvie de conclure ?Je dirais que le microbe pose en fait trois questions : quies-tu ? Que fais-tu et où vas-tu ?Le microbe n’a pas de psychisme, il n’a qu’une fonction,c’est un unitaire. Comme je le disais précédemment. Ce quicompte, ce n’est pas le microbe mais la place pour le met-tre. Ainsi, tant qu’il y a de la place, il se développe ; quandil n’y a plus la place, il s’arrête. Donc, quand vous avez unebonne immunité (acquise grâce à la rencontre des mi-crobes), la problématique s’arrête. Quelque part, les mi-crobes nous demandent toujours : es-tu capable de passerla porte ?Ce qu’il est important de comprendre, c’est que tout est àl’intérieur de nous - le persécuteur est toujours à l’intérieurcomme le disait très bien Françoise Dolto -, et peut venirnous interpeller. En fait, les maladies, dans leur fonctionnement, vont venirtravailler nos illusions. La maladie est une illusion et l’ad-versaire de l’illusion, c’est le microbe. Il est ainsi la barrièrequi va nous éviter de basculer et nous maintenir dans lasanté. n

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En savoir plusLe site de Sens & Symboles : http://WWW.lessymboles.comLe séminaire intitulé «Les microbes, l’adversaire ontolo-gique» aura lieu les 13, 14 et 15 juin. Renseignements au 0625 83 12 87, ou par mail : [email protected]

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La joie de vivre, Victor Prouvé, 1904