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MÂROUF, SAVETIER DU CAIRE

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MÂROUF, SAVETIER DU CAIRE

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23, 25, 27 et 29 AVRIL 2018

MÂROUF, SAVETIER DU CAIRE

HENRI RABAUD

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MÂROUF, SAVETIER DU CAIRE Opéra-comique en cinq actes d'Henri Rabaud.

Livret de Lucien Népoty. Créé à l’Opéra Comique le 15 mai 1914.

Direction musicale - Marc MinkowskiMise en scène - Jérôme Deschamps

Décors - Olivia FercioniCostumes - Vanessa Sannino

Lumières - Marie-Christine SomaChorégraphie - Franck Chartier (Peeping Tom)

Assistants à la mise en scène - Sophie Bricaire, Damien LefèvreAssistant à la chorégraphie - Louis-Clément Da Costa

Assistant aux lumières - Sébastien Böhm

Mârouf - Jean-Sébastien BouPrincesse Saamcheddine - Vannina Santoni

Le Sultan - Jean Teitgen Le Vizir - Franck Leguérinel

Ali - Lionel Peintre Fattoumah - Aurélia Legay

Le Fellah / Premier marchand - Valerio Contaldo Ahmad - Luc Bertin-Hugault

Le chef des marins / Un ânier / Premier muezzin / Premier homme de police - Yu Shao

Second muezzin - Jérémy DuffauSecond mamelouk / Second homme de police - Sydney Fierro

Second marchand /Premier mamelouk - Simon Solas* Le Kâdi / Cheikh-al-Islam - David Ortega*

Danseurs : Julie Amesz, Hélène Beilvaire, Mélissa Blanc, Cécile Caro, Maya Kawatake, Marlène Rabinel, Casia Vengoechea,

Candide Sauvaux, Thomas Michaux, Louis-Clément Da Costa. *Membre du Chœur de l'Opéra National de Bordeaux

Introduction au spectacle, 45 min. avant la représentation, salle Bizet | Chantez Mârouf, 45 min avant la représentation, au foyer | Rencontre avec les artistes de la production mardi 24 avril à 19h

Durée estimée : 3h avec entracte Spectacle en français surtitré

Reprise de la production de 2013 | Production Opéra ComiqueReprise en coproduction avec l’Opéra National de Bordeaux

Chœur de l’Opéra National de Bordeaux Orchestre National Bordeaux Aquitaine

PARTENARIAT MÉDIA AVEC L'AIMABLE PARTICIPATION DE

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de l'anneau magique qui évoque trop Wagner, et exploite le ressort principal du conte, le « bluff » monté par Mârouf et son ami Ali. Ce terme relatif au jeu de poker commençait à entrer dans le vocabulaire militaire. Le succès de Mârouf en répand l’usage courant.

La création a lieu le 15 mai 1914 sous la baguette de François Ruhlmann. À 45 ans, le créateur de Pelléas, le baryton Jean Périer, interprète le rôle-titre au côté de Marthe Davelli en Saamcheddine, et de Félix Vieuille, le créateur d’Arkel, chanteur « voué aux longues barbes ». Les cinq tableaux sont mis en scène par Pierre Chéreau et Gheusi, de façon « charmante et parfaite » dixit Reynaldo Hahn, dans des décors de Jusseaume et des costumes de Multzer, avec des ballets réglés par Mariquita. Florent Schmitt applaudit « l’un des plus intéressants spectacles que l’Opéra Comique ait montés depuis longtemps  » et Xavier Leroux loue sa «  philosophie souriante  ». Quant

à la partition, elle satisfait le nationalisme ambiant  : «  cette œuvre va prouver à tous et partout que l’on écrit encore chez nous de la bonne, de la vraie musique française » (Le Petit Journal).

L’œuvre est reprise chaque année jusqu’en 1917 avec Périer. Lui succèdent les ténors Thomas Salignac et Fernand Francell, puis le baryton André-Gaston Baugé. À partir de 1923, Mârouf pâtit de la comparaison avec Le Hulla, nouvel ouvrage « oriental » signé Marcel Samuel-Rousseau. Rabaud ayant dirigé l’orchestre de l’Opéra pendant une dizaine de saisons, il négocie avec son directeur Jacques Rouché pour y faire passer l’œuvre. Au terme d’un conflit où intervient la Société des Auteurs, la Salle Favart abandonne Mârouf en 1927 après 129 levers de rideau. La «  seconde première  » parisienne de Mârouf a lieu le 21 juin 1928 au Palais Garnier, sous la baguette du compositeur, avec Georges Thill et Fanny Heldy. L’œuvre y est

jouée jusqu’en 1950 pour un total de 116 représentations.

Entretemps, Mârouf a voyagé en province à partir sa création rouennaise en 1919, et à l’étranger à partir de sa première new-yorkaise en 1917, au Metropolitan Opera sous la baguette de Pierre Monteux. L’Europe, les deux Amériques et l’Égypte (Le Caire en 1926) l’applaudissent jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, où ses représentations susciteront de nombreuses manifestations francophiles. Indice de sa notoriété, Rabaud est sollicité en 1929 pour son adaptation en film muet accompagné d’un orchestre de cinéma, un projet qu’il refuse par attachement aux paroles.

En 2018, l’Opéra Comique dirigé par Olivier Mantei a choisi de reprendre le Mârouf de 2013, signé Jérôme Deschamps, et remonte ce spectacle avec l’Opéra de Bordeaux sous la baguette de Marc Minkowski.

Au début du XXe siècle, les empires coloniaux atteignent leur expansion maximale et sont célébrés dans l e s ex p o s i t i o n s u n i ve rs e l l e s et coloniales, tandis que la vogue orientaliste a gagné tous les arts. C’est alors que paraît, entre 1899 et 1904, dans La Revue blanche puis chez Fasquelle, une nouvelle version des Mille et Une Nuits. La traduction de Joseph-Charles Mardrus (1868-1949) enthousiasme le public. Poétique, drôle, coloré, le récit, présenté comme enfin intégral, est aussi plus érotique que la version d’Antoine Galland, réalisée au début du Siècle des Lumières.

Medium populaire d’une image de l’Orient, les Mille et Une Nuits ont inspiré la peinture, l’édition illustrée et le théâtre, depuis les spectacles forains de l’Opéra Comique naissant jusqu’aux opérettes de la Belle Époque, en passant par des ouvrages signés Grétry, Cherubini ou Boieldieu.

Si le visuel a longtemps primé, le musical a été stimulé par les musiques turques jouées en Europe, puis par les témoignages des voyageurs partis plus loin ou ailleurs.

En 1910, Paris découvre Shéhérazade  : la symphonie-ballet de Rimski-Korsakov, produite par les Ballets Russes, est dansée par Vaslav Nijinski dans des décors et des costumes de Bakst : les Mille et Une Nuits sont désormais apparentées à l’art moderne.

Un an plus tôt, Henri Rabaud, qui a donné en 1904 une tragédie à l’Opéra Comique, songe à aborder le registre comique. Son ami Lucien Népoty lui fait lire L’Histoire du Gâteau échevelé au miel d’abeilles, un conte découvert par Mardrus. Complice de Firmin Gémier au Théâtre-Antoine, Népoty a travaillé avec Rabaud aux Arènes de Béziers  : «  Vous êtes, lui écrit Rabaud, plus musicien que tous les compositeurs que je connais

car tout ce que vous m'écrivez, c'est de la musique  ». À Mârouf succèderont après-guerre un opéra et trois musiques de scène.

Après une décennie d’œuvres plutôt dramatiques, alors que la menace d’un conflit avec l’Allemagne se précise, la direction de l’Opéra Comique – Albert Carré puis Pierre-Barthélémy Gheusi et les frères Isola – veut produire du gai et du spectaculaire. Népoty évoque «  ce palais de féerie qu’est l’Opéra-Comique  ». Trois ans après la création de L’Heure espagnole de Ravel, Rabaud apparaît comme un homme de synthèse  : admirant à la fois la Louise vériste de Charpentier et le Pelléas symboliste de Debussy, ce disciple de Saint-Saëns propose une comédie chantée tout du long (et non un opéra-comique traditionnel), d’un orientalisme de bon aloi, plus digeste et français que l’Orient barbare et sensuel des Russes. Le livret simplifie l’intrigue originale, réduit le rôle

À LIRE AVANT LE SPECTACLE

Par Agnès Terrier

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Le livret exploite le ressort principal du conte, le « bluff » monté par Mârouf et son ami Ali.

Ce terme relatif au jeu de poker commençait à entrer dans le vocabulaire militaire. Le succès

de Mârouf en répand l’usage courant à partir de 1914.

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ARGUMENT

ACTE I Dans le souk du Caire, Mârouf, un modeste savetier, est martyrisé par son épouse Fattoumah, dite la Calamiteuse. Déçue par le gâteau qu’ i l lui a offert , el le ameute le voisinage et l’accuse de l’avoir battue. Le Kâdi le condamne à la bastonnade. Après cette épreuve, Mârouf s’enfuit avec un équipage qui descend le Nil vers la Méditerranée.

ACTE IIUn long voyage puis une tempête ont jeté la felouque sur les rivages de Khaïtan. Mârouf est recueilli par le prospère Ali en qui il reconnaît son ami d’enfance. Ali l ’habille somptueusement puis le présente comme un richissime marchand qui attend sa caravane. Malgré la méfiance du Vizir, l’avide Sultan de Khaïtan invite Mârouf au palais.

ACTE IIIMârouf doit épouser la fille du Sultan au cours d’une fête magnifique. Contre toute attente, la princesse Saamcheddine s’avère non seulement docile mais aussi ravissante.

ACTE IVLes jours passent, l’enquête du Vizir se resserre, le Sultan commence à douter. Le savetier avoue l’imposture à la princesse. Pour lui prouver son amour, elle s’enfuit avec lui.

ACTE VDans le désert, un vieux fellah laboure péniblement son champ. En échange de son hospitalité, Mârouf poursuit son travail. La charrue dégage de la terre l’entrée d’un souterrain au contenu fabuleux. Le fellah, en réalité un génie, fait paraître une caravane de richesses alors qu’arrivent le Sultan, le Vizir et les mamelouks. Mârouf est réhabilité et le Vizir condamné à mort.

Jean-Sébastien Bou, Mârouf Vannina Santoni, Saamcheddine

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INTENTIONS

JÉRÔME DESCHAMPS DE 2013 À 2018

Alors directeur de l'Opéra Comique, je souhaitais en 2013 que Mârouf savetier du Caire donne, dans la Salle Favart, l’impression d’un véritable voyage, un voyage vers des contrées imaginaires pleines de saveurs et d’exotisme, où le merveilleux se serait fait subversif tant l’illusion du conte devenait convaincante et forte d’alternatives possibles au réel.

Mârouf est un pauvre du Caire, un misérable savetier aux babouches peu rémunératrices. Victime d’une épouse calamiteuse au charme inexistant, qui ne fait qu’accroitre son lot de peines en l’assommant de caprices impossibles et de ruses malintentionnées, il envie le sort des musulmans dont les femmes «  à la peau beurrée  » adoucissent le contour des jours. Il rêve d’un ailleurs plus facile et plus heureux, où la justice d’Allah pourrait bousculer la destinée des hommes et la renverser complètement. Comme par un tour de magie.

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Marc MinkowskiDirection musicale Jérome Deschamps

Mise en scène

Mon intention a consisté à jouer directement avec les ressorts et les artifices du théâtre, en utilisant la cage scénique comme une boîte magique truffée d’astuces et de surprises.

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Le miracle se produit dans la ville des Mille et Une Nuits, où la magie opère grâce à la main divine et à l’intervention malicieuse des génies. Ami perdu et retrouvé, sultan vénal et irresponsable, princesse à la beauté foudroyante et au cœur noble, galopades  amoureuses dans des plaines désertiques, où la métamorphose inattendue d’un vieillard en haillons fait surgir une caravane regorgeant de trésors : chaque hasard de l’intrigue se révèle un nouveau coup de chance.

C’est cette irruption foisonnante du merveilleux dans une réalité

sociale et politique accablante qui m’a permis de plonger sans retenue dans l’univers des Mille et Une Nuits, avec la force éblouie et naïve de l’enfant qui s’enchante à la découverte d’un conte, et qui conserve en lui cette croyance immédiate, innocente, infaillible et formidable en l’impossible. Les fondements de la réalité, aussi concrets et quotidiens que le commerce, amoureux et marchand, ou le pouvoir de l’argent, ne quittent jamais l’intrigue. Ils la rythment au contraire, de rebondissement en rebondissement, mais sans jamais maîtriser les forces extérieures, presque

surnaturelles, qui viennent contrecarrer leur ordre et renverser le réel. Car ce monde de la fiction ne dépend pas que de la seule volonté des hommes.

Mon intention a consisté à jouer directement avec les ressorts et les artifices du théâtre, en utilisant la cage scénique comme une boîte magique truffée d’astuces et de surprises, pour donner à rêver, pour laisser place aux fantasmes et au fabuleux de l’histoire telle qu’elle est racontée. L’élégance mystérieuse des pyramides, l’agitation folle du souk, les beautés langoureuses du palais, l’intimité voluptueuse du harem,

Jean Teitgen, Le Sultan Franck Leguérinel, Le Vizir

Lionel Peintre, AliJean-Sébastien Bou, Mârouf

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Comme un livre d’enfant, le décor se déplie, s’invente à chaque acte, dans un relief déstructuré, truqué, impossible et malin.

le vide immense d’une plaine désertique dominée par un sphinx imposant  : tout cela doit exister sur le plateau de la Salle Favart, avec la même naïveté que celle dont jouaient les contemporains d’Henri Rabaud pour faire découvrir au public français l’Orient dans ses traits les plus évidents, les plus savoureux aussi.

La partition de Rabaud invite au même dépaysement, à cette excitation gourmande, curieuse, de tonalités étrangères et méconnues. Avec ses accents orientalisants et ses rythmes contrastés, la musique porte

en elle la fougue bariolée et onirique des Mille et Une Nuits. Comme un livre d’enfant, le décor se déplie, s’invente à chaque acte, dans un relief déstructuré, truqué, impossible et malin, comme dans certains tableaux de Léopold Survage où les formes planes échafaudent une structure d’ensemble qui donne l’illusion d’un volume étourdissant et irréel. Il leur faut une gaieté lumineuse et des couleurs éclatantes, de même que dans les costumes, pour exprimer cette poésie de l’ailleurs et permettre au spectateur de se laisser surprendre par la magie de la scène comme par celle d’un voyage.

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Mârouf est un chef-d’œuvre à restaurer, en attendant de mieux appréhender le reste de la production

d'Henri Rabaud, qui fut un grand compositeur et chef d’orchestre.

MARC MINKOWSKIDE L’OPÉRA DE BORDEAUX

À L’OPÉRA COMIQUE

En 2013, j’ai abordé la partition et le spectacle de l’Opéra Comique avec une grande curiosité, sachant qu’il n’y a pas de fumée sans feu  : un ouvrage joué partout au XXe siècle, considéré entre les deux guerres comme

une carte postale de l’art français, et qui berça des générations de chanteurs de Paris à New York, offrait forcément une matière exceptionnelle.

J’ai été séduit par la mise en scène de Jérôme Deschamps comme par le travail des artistes rassemblés en 2013, à commencer par Jean-Sébastien Bou qui est le grand titulaire du rôle-titre aujourd’hui. Lorsque j’ai su que l’œuvre avait été jouée à Bordeaux

dès 1915 sous la direction de Rabaud lui-même, puis régulièrement à l’affiche au XXe siècle, lors de seize séries de représentations, j’ai décidé de programmer ce spectacle à l’Opéra de Bordeaux. Nous venons de le jouer en cette deuxième saison de mon mandat de directeur. Mârouf est un chef-d’œuvre à restaurer, en attendant de mieux appréhender le reste de la production de Rabaud, grand compositeur et chef d’orchestre.

Valerio Contaldo, Le Fellah

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Dans Mârouf, on entend des échos de la vie musicale de la Belle Époque  : Ravel, d’Indy (je pense à sa Symphonie sur un chant montagnard français), Puccini (pour l’écriture du rôle de la princesse Saamcheddine), Strauss (Fattoumah la Calamiteuse tient d’Elektra), les Russes (dans les danses)… Wagner est présent en creux par le clin d’œil du dernier acte à l’anneau du Nibelung. Debussy est là aussi, du fait que Mârouf est créé par Jean Périer, premier Pelléas, et le Sultan par Félix Vieuille, premier Arkel. Certes les partitions sont contrastées, Mârouf étant aussi démonstratif et spectaculaire que Pelléas est profond et délicat. Mais la fluidité de la prose et la mise en valeur des paroles sont comparables.

Le rôle de Mârouf me frappe par son aspect éminemment mélodique  : il est écrit et s’appréhende comme un long récital de mélodies, dès l’ouverture du rideau. La beauté de ses airs a séduit barytons et ténors, et la double orientation de ce rôle-titre devrait aussi contribuer à relancer l’intérêt des programmateurs et du public pour cette œuvre. Le plus extraordinaire dans Mârouf est probablement la luxuriance et la virtuosité de l’orchestration, très exigeante à l’égard des musiciens, mais aussi très gratifiante par le plaisir mélodique qu’elle procure. D’un solo de harpe écrit comme pour un oud, lorsque Mârouf séduit la princesse, à la frénésie

collective qui accompagne l’ouverture du bazar ou la fuite des amoureux, en passant par les rythmes chaloupés de l’air «  À travers le désert  », si cinématographique, l’orchestre passe par les phases les plus diverses pour peindre les paysages orientaux et l’intimité amoureuse, la violence et la mélancolie, la richesse et la solitude. Débutant sur une anecdote on ne peut plus simplette – une scène de ménage pour un désaccord sur la meilleure façon de sucrer un gâteau –, l’œuvre déploie une prodigieuse palette d’émotions et de situations  : un véritable régal pour le compositeur, pour ses interprètes d’alors et d’aujourd’hui, et pour le public.

Le rôle de Mârouf me frappe par son aspect éminemment mélodique : il est écrit et s’appréhende comme un long récital de mélodies.

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LES PERSONNAGES ET LEURS COSTUMES

Maquettes des costumes de Mârouf, savetier du CaireVanessa Sannino pour l’Opéra Comique, 2013

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Maquettes des costumes de Mârouf, savetier du CaireVanessa Sannino pour l’Opéra Comique, 2013

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Henri Rabaud en 1914

Henri Rabaud naît à Paris le 10 novembre 1873 (Debussy a 11  ans, Ravel naît 18 mois plus tard). Son grand-père est Louis Dorus, père de l’école moderne de flûte française et frère de la célèbre soprano Julie Dorus-Gras. Son père Hippolyte Rabaud enseigne le violoncelle au Conservatoire  ; sa mère Juliette est chanteuse lyrique.

Après ses études au lycée Condorcet, en même temps que Proust, le jeune Henri entre au Conservatoire. Il y étudie la composition avec Massenet qui favorise la personnalité de chacun de ses élèves. Rabaud écrit une Première Symphonie qui sera créée en 1893. En 1894, dix ans après Debussy, il remporte le Prix de Rome, sésame pour une carrière de compositeur en France.

Son séjour à la Villa Médicis lui permet de découvrir l’opéra italien et de se lier avec Max d’Ollone,

lauréat en 1897. À Rome, Rabaud produit de la musique de chambre, des divertissements et des oratorios. Des séjours en Autriche et en Allemagne, où il appréhende l’œuvre de Wagner, complètent cette période qui se conclut avec une Deuxième symphonie puis le poème symphonique Procession nocturne, d’après le Faust de Lenau.

Les deux œuvres sont créées à Paris en 1899 aux Concerts Colonne avec succès, tout comme l’oratorio Job l’année suivante. Alors que Rabaud épouse en 1901 Marguerite Mascart, dont il aura trois enfants, il voit son premier opéra reçu à l’Opéra Comique qu’Albert Carré ouvre alors à toutes les tendances de la musique : il s’agit de La Fille de Roland, une tragédie. Sa création en 1904, sous la baguette d’André Messager, ne remporte pas le succès escompté.

Rabaud entre en 1908 à l’Opéra de Paris comme chef d’orchestre. Collaborant activement avec Messager et Busser ainsi qu’avec les compositeurs programmés, il développe une connaissance approfondie du répertoire. Réformé pendant la Grande Guerre, il dirige les Matinées Nationales de 1915 à 1917. Après-guerre, il est invité à diriger l’Orchestre Symphonique de Boston : il y programme les Français et gardera des liens durables avec le public et les interprètes américains. Comme chef, il se produit à Paris, en province et à l’étranger.

En 1908, il écrit la musique de scène du Premier glaive de Lucien Népoty pour les Arènes de Béziers. Il reviendra à ce genre avec Népoty en 1917 (Le Marchand de Venise et Antoine et Cléopâtre au Théâtre-Antoine) puis en 1922 (Paul et Virginie au Théâtre Sarah Bernhardt).

HENRI RABAUD(1873-1949)

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La consécration arrive entretemps avec son deuxième opéra, Mârouf, créé le 15 mai 1914 à la Salle Favart. L’œuvre sera jouée dans le monde entier jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Rabaud est élu membre de l’Académie des beaux-arts en 1918, à 45 ans. En 1920, il succède à Gabriel Fauré à la tête du Conservatoire national de musique et d’art dramatique, rue de Madrid. L’aura de Mârouf et l’éclectisme dont il fait preuve comme chef sont les garants d’une direction ouverte. Rabaud est l’un des premiers à composer pour le cinéma avec en 1924 Le Miracle des loups, puis en 1927 Le Joueur d’échecs. La même année paraît aussi L’Appel de la mer à l’Opéra Comique, d’après Riders to the Sea de Synge. Passionnante alternative à Maeterlinck (qui a inspiré Debussy,

Dukas et Février), ce choix donne lieu à une œuvre intense mais ne séduit pas le public qui réclame des comédies. Enfin l’Opéra crée en 1934 Rolande et le mauvais garçon. La production, très belle, souffre d’incohérences et ne remporte pas le succès, malgré le brillant Georges Thill.

En octobre 1940, alors que le gouvernement de Vichy réfléchit au statut des juifs sous le régime de l’Occupation, Henri Rabaud communique spontanément aux autorités nazies les noms des enseignants puis des personnels et étudiants juifs du Conservatoire. Ce geste précipite leur radiation. Rabaud n’en subit pas les conséquences et prend sa retraite en avril 1941. Il fait partie du Comité Cortot et préside le Comité professionnel des auteurs dramatiques, compositeurs

et éditeurs de musique, créé par Vichy et qui sera liquidé en 1944.

Après-guerre, Rabaud compose encore la musique de scène de Martine, pièce de Jean-Jacques Bernard qui a réchappé à la déportation grâce à l’intervention de Sacha Guitry, et une adaptation du Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. Il meurt à Paris le 11 septembre 1949 avec ces mots  : «  Méphisto… c’est l’esprit des ténèbres ».

Rabaud est l’un des premiers à composer pour le cinéma avec en 1924 Le Miracle des loups, puis en 1927 Le Joueur d’échecs.

RABAUD, ARCHAÏQUE ET MODERNE

À dix-neuf ans, Rabaud emporte en vacances des partitions de Gluck et de Méhul, à côté des symphonies de Mozart et de Beethoven.

Dans une lettre à Daniel Halévy, son camarade de classe au lycée Condorcet, il désigne ses quatre compositeurs préférés : "1)  Mozart 2)  Gluck 3)  Beethoven 4)  Méhul" en soulignant bien : "Gluck avant Beethoven". Cela peut surprendre dans cette époque marquée par le romantisme allemand et ses ressacs, et partagée entre franckistes et wagnériens, partage dont Marcel Proust s'est fait l'écho. Halévy, bien qu'étant l'un des premiers traducteurs de Nietzsche, est wagnérien, comme beaucoup. Le compositeur Max d'Ollone, camarade de Conservatoire de Rabaud, l'ami intime de toute sa vie, avec lequel il entretient une correspondance nourrie, aime

les romantiques, de Schumann à Grieg, ainsi que les Russes, que l'on découvre à Paris depuis l'exposition universelle de 1889. Rabaud, lui, est agacé par Chopin, goûte peu Schumann dont il juge la forme "très imparfaite", et dresse Joseph de Méhul contre Lohengrin de Wagner, qu'il trouve trop "meyerbeerien". Dans l'hommage posthume qu'il lui consacre, d'Ollone décrit la posture de son condisciple à la classe de Massenet comme "agressivement archaïque". Sans doute faut-il voir là des jugements tranchés de jeunesse, que l'expérience se chargera de moduler. Mieux connu et approfondi, "ce diable de Wagner" deviendra pour Rabaud une référence, parfois involontaire, sensible dans plusieurs de ses œuvres. Sa carrière de chef d'orchestre le conduira par ailleurs, comme Pierre Boulez, à diriger des œuvres exécrées dans sa jeunesse. Du reste, il revendique fièrement, dans

une lettre à d'Ollone, cette inconstance de jugement, au nom de l'authenticité et de l'évolution naturelle et nécessaire de sa sensibilité.

Que reproche Rabaud au post-romantisme ? La perte du sens de la forme et de la ligne, au profit d'un enchaînement mouvant d'harmonies et de modulations incessantes, et de la recherche d'effets ponctuels qui privent le temps de repères, et le discours musical de lisibilité. Il incrimine particulièrement le wagnérisme, pour des raisons voisines de celles de Nietzsche, avec qui il opte résolument pour la tragédie contre le drame.

Comme Berlioz, ce qu'il admire chez Gluck et Méhul, c'est le sens tragique, la clarté de la forme, le dessin des phrases et la largeur de la déclamation. Il revient souvent sur la beauté plastique de la musique, sur sa forme plastique,

Par Michel Rabaud

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Jean Périer dans le rôle de Mârouf, photographie parue dans Le Théâtre, juin 1914

Sur une structure formelle classique, Rabaud déploie dans Mârouf une extrême diversité

de couleurs et de moyens musicaux.

à l'encontre du vague et du flouté impressionnistes. Ce goût pour une architecture solide, qui le rattache aux maîtres anciens, et cet anti-romantisme décidé se retrouveront également chez Stravinsky ou Prokofiev. Une fois la forme et la lisibilité assurées, toujours comme chez Berlioz, toutes les audaces d'écriture, d'harmonie et de couleur sont libérées, ce qui lui permet de recourir à un langage musical varié et hétérogène, depuis de longues monodies étales jusqu'à des dissonances aiguës et complexes. On ne trouve pas chez lui, malgré quelques tours harmoniques et stylistiques très personnels, une "manière" identifiable comme chez Fauré, Debussy, Ravel ou Poulenc. Cet éclectisme vaut pour les genres également : "il n'y a pas de genre méprisable, le tout est d'y faire de belles œuvres".

Rabaud commence par écrire des symphonies et un poème symphonique, La Procession nocturne, qui dès sa

création en 1898, connaît un succès vif et durable. Mais la grande affaire, comme pour la plupart de ses contemporains, est d'aborder la scène lyrique, et de relever le défi d'y associer musique et théâtre. Une fois évacué le drame wagnérien, ni Massenet ni Saint-Saëns ne lui servent de pilotes. S'il admire la force théâtrale chez Puccini, il rejette la langue vériste. Cette alliance réussie d'une structure solide et d'une langue neuve, il la trouve enfin dans Louise de Charpentier et dans Pelléas et Mélisande de Debussy. Pelléas l'éblouit dès sa création en 1902, tant par l'étrangeté envoûtante de la langue que par la sûreté du métier ; mais, ajoute-t-il dans une lettre à d'Ollone, comme dans "toutes les œuvres réussies, le métier y disparaît". Sans doute s'amuse-t-il à y recenser des leitmotive, mais l'essentiel n'est pas là  : l'œuvre de Debussy est "sincère, belle et forte". Néanmoins, cette vive admiration pour Pelléas n'entame pas sa volonté de composer une "tragédie musicale", à l'école des maîtres anciens. Il écrit

à Halévy en 1896 : "la forme, je la vois assez bien : elle procéderait à la fois de la tragédie antique, de la tragédie française, et de l’oratorio classique". Il trouvera finalement son sujet dans une pièce inspirée de l'épopée de Roland. Créée à l'Opéra Comique en 1904, La Fille de Roland, déroutante d'austérité, poliment accueillie par la critique, est un échec.

Il se remet au travail aussitôt pour écrire une œuvre fort différente, le Deuxième Poème lyrique sur le livre de Job, pour baryton et orchestre. Mécontent d'un premier Job, auquel il avait prêté un caractère résigné, il se concentre sur les protestations véhémentes de Job contre son sort, à partir de la traduction de Renan. Cette œuvre étrange et tourmentée, l'une de ses plus originales, associe récitatif à la Gluck, lyrisme puissant, chromatisme, rythmes brutaux et dissonances stridentes. Elle est malheureusement peu jouée et attend un enregistrement de qualité.

Jean Périer a trouvé dans le rôle de Mârouf

l’un des meilleurs de sa carrière. Il s’y montre avec un égal bonheur indolent, malicieux, naïf, imposteur, piteux, amoureux et solennel, donnant à tous les aspects du rôle une vérité irréprochable. » Reynaldo Hahn

Mârouf, c’est Jean Périer, c’est-à-dire le plus accompli

chanteur-comédien que nous ayons. Qu’il soit tragique ou comique, il est les deux avec une puissance de talent difficilement égalable. » Xavier Leroux

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Très absorbé ensuite par ses fonctions de chef à l'Opéra, il écrit peu jusqu'à son deuxième essai lyrique, Mârouf savetier du Caire, qui connaît un succès retentissant en France comme à l'étranger et qui lui assure la célébrité et l'entrée à l'Institut. Là encore, la structure formelle est classique, découpée en actes et en scènes bien lisibles, avec des personnages musicalement caractérisés et une déclamation large mais sans lenteur. Sur ces fondations solides, Rabaud déploie une extrême diversité de couleurs et de moyens musicaux : emprunt de thèmes orientaux, chatoiement de chromatismes, mélopées monodiques, airs véritables, lyrisme suave, rythmes impairs, superposition complexe de lignes vocales ou de plans sonores, clins d'œil à la bitonalité, fugue finale... L'unité dans cette variété est acquise par le recours discret mais efficace à des leitmotive, comme chez Debussy, et par le ton général de l'excellent livret

de Lucien Népoty, allègre et ironique, qui s'appuie sur la traduction colorée des Mille et Une Nuits par Mardrus.

Confortées par le succès de Mârouf, ses options musicales, longuement discutées avec d'Ollone, sont en place. Sans souci de revendiquer une cohérence stylistique, Rabaud va écrire des musiques de scène pour Népoty, notamment pour Le Marchand de Venise, d'après Shakespeare, d'où il tirera Trois suites anglaises, pièces d'un classicisme mendelssohnien provocant, sans l'ombre d'une dissonance.

Plus intéressantes pour nous sont les musiques qu'il composa pour deux films de Raymond Bernard, Le Miracle des loups (1924) et Le Joueur d'échecs (1927). Leur nouveauté est d'être écrites pour grand orchestre symphonique, et de devoir être exécutées pendant la projection. Les contraintes particulières à ce projet ont passionné Rabaud

et le réalisateur : équilibre des forces entre l'image et la musique, apport de la couleur par la partition, dialectique entre le montage des scènes et le montage musical, et, surtout, exigences impérieuses de la synchronisation. Mais ces contraintes s'accompagnaient d'une liberté inédite : ce pouvait être une musique d'opéra sans chanteurs, un poème symphonique avec images (ce dont avait rêvé Scriabine), sans souci de devoir composer avec l'action, prise en charge par le film. Le Miracle des loups et Le Joueur d'échecs furent les premières superproductions françaises, colossales fresques épiques avec chevaux, batailles, loups, neige, décors réels et des dizaines de milliers de figurants. La musique pouvait peindre les états d'âme des personnages, les climats, le suspense, les références historiques, les combats, les cavalcades, les scènes d'amour ou de séparation. Le Miracle n'a jamais été repris avec orchestre, à la différence

du Joueur d'échecs que l'on a pu revoir et réentendre à l'Opéra de Paris en 1992 et qui a été gravé en DVD. Ces deux partitions sont remarquables de vivacité, de couleur et d'invention  : on peut déplorer que Rabaud n'ait pas pensé à en tirer des suites d'orchestre autonomes pour les concerts, comme le fit plus tard Prokofiev avec ses musiques de film.

Nationalisme aidant, l'époque voulait aussi, à la suite des Russes et des travaux d'ethnomusicologie de Tiersot, que l'on revienne aux sources populaires de la musique. On connaît le travail de transcription de chants populaires qu'ont mené Bartók et Kodály. D'Indy et Canteloube en France ont aussi recouru à des mélodies de terroir. À sa manière, Rabaud se joint à ce mouvement. Il écrit le livret et la musique de L'Appel de la mer, d'après la pièce Riders to the sea de l'auteur irlandais Synge, dont Vaughan Williams tirera aussi un ouvrage lyrique.

Là encore, on retrouve ce souci contradictoire d'exactitude et de mélange des genres : à côté de mélodies gaéliques fidèlement transcrites et bouleversantes de simplicité, évoquant la vie des pauvres pêcheurs mis en scène, un riche matériau d'orchestre évoque, au sein d'agrégats sonores complexes, la puissance de la mer qui entoure et dévore peu à peu les personnages. Cette œuvre brève, contemporaine du Miracle, est l'un des chefs-d'œuvre de Rabaud, comme le souligne d'Ollone, mais elle souffre sans doute, depuis sa création en 1924, de l'atmosphère douloureuse et pathétique - trop bien réussie ? - dont elle est empreinte. Elle aussi, malgré des reprises peu convaincantes, attend un enregistrement de qualité.

Cette volonté d'inscription populaire marque aussi deux opéras ultérieurs, Rolande et le mauvais garçon (1934) et Martine (1947). Dans Rolande,

Son deuxième essailyrique, Mârouf savetierdu Caire, connaît unsuccès retentissant enFrance comme à l'étrangeret lui assure la célébritéet l'entrée à l'Institut.

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MICHEL RABAUD

Ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres classiques et lauréat du concours des jeunes chefs d'orchestre de Besançon en 1971, Michel Rabaud a été professeur de littérature française, puis haut fonctionnaire au Ministère de la Culture, tout en menant une carrière de pianiste, de compositeur et d'accompagnateur. Il a publié chez Symétrie en 2008 Henri Rabaud. Correspondance et écrits de jeunesse.

On ne trouve pas chez lui une "manière" identifiable comme chez Fauré, Debussy, Ravel ou Poulenc. Cet éclectisme vaut pour les genres également : "il n'y a pas de genre méprisable, le tout est d'y faire de belles œuvres".

DES ÉTIQUETTES LYRIQUES

Je viens d’ouvri

r au hasard une

douzaine

(peut-être plus)

de partitions q

ue j’ai là,

dans des casiers

près de mon bur

eau.

Ce sont des part

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et, de d’Indy,

de Bruneau, de C

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amuel-

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is-je. Voilà ce

que sont ces

ouvrages : Conte

lyrique - Drame

musical

- Drame lyrique

- Roman musical

- Légende

dramatique - Com

édie lyrique - T

ragédie lyrique

- Poème lyrique

- Conte oriental

- Action

musicale - Conte

romantique - Mi

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actes - Mystère

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ce lyrique -

Fantaisie lyriqu

e - Conte lyriqu

e oriental "

Toutes ces chose

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excellence,

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cause

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lic.

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nteurs

qui ne chantent

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qui empêche de c

omprendre ce que

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système idiot,

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cinquante ans, e

t dont on a soup

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qui pendant bien

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Si vous n’en vou

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es de Lucien Nép

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musique d’Henri

Rabaud ".

C’est le comble

de la paresse, d

irez-vous.

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se me plaît. Cet

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re et le

silence fait ava

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e plaît assez.

Et le lancement

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léchante ne me

plaît guère. Et

si je reçois ava

nt la premières

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ournalistes, je

crois bien que

je ne leur dirai

rien du tout. E

t si je leur

dis quelque chos

e, ce sera très

simplement

ce que je pense,

à savoir que j’

espère ne pas

avoir fait un ou

vrage qui ne res

semble à rien,

car je me suis a

u contraire appl

iqué à ce qu’il

ressemble à quel

que chose. Pour

faire quelque

chose de bien, i

l est sage de ne

pas négliger

les beaux modèle

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La nouveauté a u

n attrait extrêm

ement

fugitif auquel j

e ne suis guère

sensible.

Lettre inédite à

Lucien Népoty

(Paris, 20 octob

re 1932),

Henri Rabaud

que Lucien Népoty voulait situer dans les brumes du nord, mais que Rabaud a insisté pour placer dans un contexte méridional, on retrouve le même souci de mélanger couleur locale et raffinement d'écriture; mais, trop inspiré de Maeterlinck, le livret est quelque peu languissant et la recette ne fonctionne pas aussi bien que précédemment. Martine, d'après une pièce de Jean-Jacques Bernard, initiateur du "théâtre du silence", offrait à la musique de prendre en charge l'inexprimé de la pièce. Résonnant également d'échos provençaux, cette première tentative de théâtre musical, entre parlé et chanté, n'a, malgré son succès à la création, pas été reprise. Est-ce à dire que la farandole ne vaut pas

la csárdás, et que le folklore français se montre moins susceptible de traitement musical que celui d'Europe centrale, si fécond pour tant de compositeurs ?

Ainsi attaché à fonder la modernité sur les leçons des maîtres anciens, Rabaud n'a pas été le seul à s'interroger sur les questions de forme à l'opéra et à vouloir mêler des sources d'inspiration hétérogènes  : Berg, Britten et Poulenc se sont posé des questions semblables de construction, de conduite, et de matériau sonore.

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MÂROUF ET L'ORIENTALISME MUSICAL FRANÇAIS

D’OÙ VIENT LA PASSION DES FRANÇAIS POUR

LES SUJETS ORIENTAUX ?Médecin et orientaliste né au Caire, le docteur Mardrus achève de publier en 1904 la traduction complète des Mille et Une Nuits, d’où Nepoty tire le pittoresque récit de Mârouf, savetier du Caire. Deux siècles auparavant, entre 1704 et 1717, la publication d’une première traduction de ces contes arabes par Antoine Galland suscitait la vogue de la «  turquerie ». Fantasmé par les Occidentaux – et moins craint qu’au siècle précédent –, l’Orient était alors présenté comme une civilisation inverse à l’Europe des Lumières, permettant d’exalter les valeurs de celle-ci ou d’en livrer l’examen critique,

comme sous la plume de Montesquieu. Au théâtre, la turquerie investissait tous les genres, de la tragédie (Zaïre de Voltaire) à l’opéra (Les Indes galantes de Rameau), en passant par les pièces foraines (Arlequin Mahomet de Lesage et d’Orneval). Elle s’avérait appropriée, dans l’opéra-comique, à la peinture des sensibilités, comme dans Les Trois Sultanes où triompha Justine Favart en 1761. Si les éléments visuels des spectacles se montraient assez réalistes, d’après les témoignages de voyageurs ou d’ambassadeurs, la fantaisie régnait dans les intrigues (combinant sultans cruels, captifs étrangers, odalisques sensuelles, eunuques, sérails, princesse, caravane…) et dans la musique, dont les caractéristiques rudimentaires se limitaient essentiellement à des notes répétées, des ostinatos rythmiques

et des percussions nombreuses et bruyantes. L’opéra-comique de Grétry, La Caravane du Caire, qui fut créé à la Cour en 1783, en est un bon exemple. Pour cet Orient de convention, il est préférable de parler d’exotisme, et non d’orientalisme.

QU’A APPORTÉ LE ROMANTISME À L’ORIENTALISME ?

Un souci du réalisme favorable au dépaysement, à la suggestion et au rêve, tandis que le comique n’a plus cours. Dans le domaine musical, l’œuvre inaugurale et emblématique est l’ode symphonique Le Désert (1844) de Félicien David, fruit de ses impressions recueillies au Moyen-Orient. Berlioz, enthousiasmé, en fait aussitôt l’éloge.

Entretien avec Catherine Lorent

Marthe Davelli dans le rôle de Saamcheddine,

photographie parue dans Le Théâtre, juin 1914

L’orient s’y dévoile de manière picturale et dramatique, grâce à des images sonores riches en couleur locale  : très longue note tenue, à découvert, évoquant l’immensité désertique, poétique rêverie du soir, mise en évidence de la religion musulmane avec chœur de glorification d’Allah et chant du muezzin calqué sur la réalité (il surprend même les auditeurs par ses intervalles plus petits que le demi-ton), exhibition de danseuses orientales (almées), harmonisation réduite fondée sur des ostinatos rythmiques, utilisation de thèmes authentiques le cas échéant, et enfin évocation pittoresque de la caravane, élément typique qui sera exploité par nombre d’orientalistes (compositeurs, peintres ou écrivains). Plusieurs de ces caractéristiques se retrouveront dans Mârouf. Félicien David invite ainsi ses pairs à voyager pour enrichir leur langage.

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L’orient s’y dévoile de manière picturale et dramatique, grâce à des images sonores riches en couleur locale  : très longue note tenue, à découvert, évoquant l’immensité désertique, poétique rêverie du soir, mise en évidence de la religion musulmane avec chœur de glorification d’Allah et chant du muezzin calqué sur la réalité (il surprend même les auditeurs par ses intervalles plus petits que le demi-ton), exhibition de danseuses orientales (almées), harmonisation réduite fondée sur des ostinatos rythmiques, utilisation de thèmes authentiques le cas échéant, et enfin évocation pittoresque de la caravane, élément typique qui sera exploité par nombre d’orientalistes (compositeurs, peintres ou écrivains).

Plusieurs de ces caractéristiques se retrouveront dans Mârouf. Félicien David invite ainsi ses pairs à voyager pour enrichir leur langage. Presque vingt ans plus tard, sa Lalla Roukh, créée à l’Opéra Comique en 1862, remporte un énorme et durable succès  : Rabaud en verra une reprise en 1911.

Entretemps, la symphonie orientale est presque devenue un genre à part entière. Reyer s’inspire à la fois du Désert et de ses années en Algérie pour écrire son ode symphonique Le Sélam (1850), évoquant le retour des pèlerins au Caire après leur voyage à La Mecque. Auteur de nombreuses pages orientalistes en lien avec ses séjours en Égypte et au Maghreb,

Saint-Saëns compose notamment une Suite algérienne en 1880, qui comporte une « rêverie du soir  » (à Blida) et une délirante « marche militaire française », colonialiste à souhait.

À propos de cet orientalisme visant à restituer des éléments du monde musulman, certains observateurs parleront d’une vision unifiée de la culture arabe, où les clichés abondent. L’Orient serait-il une construction de l’Occident ? Il n’en reste pas moins que, même pour les sédentaires – comme Bizet composant pour Djamileh une danse de l’almée et un chant des bateliers sur le Nil –, l’Orient prend une certaine réalité.L’orient s’y dévoile de manière picturale et dramatique,

Presque vingt ans plus tard, sa Lalla Roukh, créée à l’Opéra Comique en 1862, remporte un énorme et durable succès  : Rabaud en verra une reprise en 1911.

Entretemps, la symphonie orientale est presque devenue un genre à part entière. Reyer s’inspire à la fois du Désert et de ses années en Algérie pour écrire son ode symphonique Le Sélam (1850), évoquant le retour des pèlerins au Caire après leur voyage à La Mecque. Auteur de nombreuses pages orientalistes en lien avec ses séjours en Égypte et au Maghreb, Saint-Saëns compose notamment une Suite algérienne en 1880, qui comporte une « rêverie du soir  » (à Blida) et une délirante «  marche militaire française  », colonialiste à souhait.

À propos de cet orientalisme visant à restituer des éléments du monde musulman, certains observateurs parleront d’une vision unifiée de la culture arabe, où les clichés abondent. L’Orient serait-il une construction de l’Occident ? Il n’en reste pas moins que, même pour les sédentaires – comme Bizet composant pour Djamileh une danse de l’almée et un chant des bateliers sur le Nil –, l’Orient prend une certaine réalité.

LE TABLEAU CHANGE-T-IL À L’ÉPOQUE DE RABAUD ?

Un certain nombre d’événements modifient l’approche d’un tel sujet, en premier lieu l’importance du colonialisme français et les Expositions

Universelles. Si Rabaud est né après celle de 1867, il connaît l’influence qu’elle a exercée sur Lalo  : dans son ballet Namouna, certaines danses sont inspirées de thèmes marocains notés alors. Cette œuvre, très appréciée par Debussy et Schmitt, est redonnée à Paris en 1908.

La célèbre Exposition de 1889 présente, quant à elle, trois types d’orientalisme. L’orient arabe, avec la fameuse «  rue du Caire » reconstituée : en dépit d’une figuration assurée par des Parisiens de Ménilmontant et de Belleville, les visiteurs peuvent fréquenter divers cafés orientaux, écouter des mélopées arabes interprétées par des musiciens venus d’Égypte et du Maghreb avec leurs instruments. «  C’est surtout aux Mille et Une Nuits que la rue du Caire m’a fait songer  » note un journaliste dans son compte-rendu.

Certains observateurs parlent d’une vision unifiée de la culture arabe, où les clichés abondent. L’Orient serait-il une construction de l’Occident ?

Un orient asiatique, où Debussy et Ravel entre autres découvrent avec ravissement le théâtre annamite et surtout les gamelans javanais, avec leurs sonorités cristallines et leurs effets de résonance (carillons, gongs…).

Enfin, deux «  concerts historiques  » de musique russe marquent en juin 1889 l’irruption d’un troisième orient, plus barbare, parfois épicé de thèmes caucasiens, avec un orchestre chatoyant recourant au son pur d’instruments solistes constamment variés, s’appuyant sur des harmonies crues à base de quintes à vide et de parallélismes d’accords. Déjà, quelques années auparavant, le jeune Debussy avait été très marqué par cette musique lors de ses voyages en Russie, en tant que pianiste accompagnateur. Glinka, Balakirev, Borodine, Moussorgski et surtout Rimski-Korsakov sont

une véritable révélation pour les Français désireux d’échapper à l’emprise wagnérienne. Ravel rend hommage à Rimski dans son ouverture Schéhérazade. Schmitt, lui, souligne l’impact de la Thamar de Balakirev sur les musiciens de sa génération. Le choc artistique des Ballets Russes de Diaghilev à partir de 1909 amplifie le phénomène, comme en témoigne notamment le ballet orientaliste de Dukas, La Péri, en 1912.

Si Rabaud n’est pas marqué par l’orient asiatique, certains passages de Mârouf – en particulier les Danses du IIIe acte, qui rappellent les fameuses «  Danses polovtsiennes  » du Prince Igor de Borodine – montrent qu’il est sensible à l’orient russe. Et surtout, comme le remarque Schmitt, à « l’Orient parfumé de jasmin et plein de joies des Orientaux sans histoire ».

Les Danses du IIIe acte de

Mârouf montrent que Rabaud

est aussi sensible à l’orient russe.

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QU’EST-CE

QUI CARACTÉRISE MÂROUF DANS CE CONTEXTE ?Mârouf semble revenir aux turqueries du temps des Lumières en associant le rêve et la bouffonnerie, mais aussi à un certain réalisme oriental (arabe en l’occurrence) issu de la vision romantique. Alors même qu’il ne s’agit plus, formellement, d’un opéra-comique alternant le parlé et le chanté, Mârouf est un opéra fondamentalement comique. Son héros est en quelque sorte le «  frère aîné  » d’Ali Baba dans l’opérette éponyme de Charles Lecocq. Il renoue avec le charme et l’humour des Lettres persanes.

Parallèlement, le texte de Nepoty, inspiré de la traduction du docteur Mardrus, se veut « d’esprit musulman ». À l’abondant vocabulaire arabe répondent les nombreuses références religieuses (Allah est constamment évoqué), le fatalisme oriental, la morale privilégiant les humbles sur les puissants et le style imagé qui reste toujours poétique, même lorsque le Fellah évoque avec humour les formes sensuelles de sa femme. Si l’intrigue n’évite pas certains poncifs

(souk, bastonnade), la musique évite le bruit des turqueries et l’orientalisme «  de bazar  ». Le compositeur préfère dessiner de fluides arabesques aux bois, estomper les temps par des syncopes en suggérant la souplesse rythmique de la musique orientale, et placer de subtiles inflexions de la courbe mélodique sur le 7e degré, à l’image de la phrase initiale chantée par le savetier : « Il est des musulmans dans la ville du Caire  », de couleur modale. Pas de micro-intervalles, ni de thèmes authentiquement orientaux, semble-t-il, sinon pour l’air « Mashallah » au début du 4 e acte.

Le plus intéressant dans Mârouf reste l’humour, y compris musical  : la psychologie contrastée des personnages, la peinture du fatalisme du héros, le renforcement de l’écriture harmonique à mesure que Mârouf accumule ses mensonges (acte III), la bastonnade – plus drôle que cruelle – pendant laquelle les coups sont comptés en arabe, et enfin la présence plus ou moins discrète du leitmotiv de la caravane, sorte d’«  arlésienne  » qui semble ne jamais devoir arriver avant l’apothéose finale et son chœur de glorification à Allah.

CATHERINE LORENT

Titulaire de plusieurs 1ers Prix du CNSMDP et agrégée de musique, Catherine Lorent a été responsable de la Musicologie à Normale Sup Paris, puis en poste à Toulouse, et désormais Professeur honoraire des Universités. Spécialiste de la musique française sous la IIIe République, elle a publié une biographie de Florent Schmitt en 2012 chez Bleu Nuit, écrit divers articles et participé à des séries d'émissions pour la Radio Suisse Romande. Aurélia Legay, Fattoumah

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Honneur à la musique française ! Que M. Henri Rabaud ait usé de rythmes et de mélopées de caractère oriental, il serait surprenant qu’il ne l’eût pas fait. L’essentiel, c’est qu’il ait su renouveler constamment l’intérêt de cet appoint exotique et qu’il en ait tiré les plus savoureux effets. Que ne doit-on pas louer dans un ouvrage à ce point remarquable et qui fait un si réel honneur à la musique française ! Gabriel Fauré, Le Figaro, 15 mai 1914

On n’avait pas éprouvé depuis longtemps un plaisir musical semblable à celui que nous a donné la partition

de M. Rabaud, un plaisir de qualité aussi fine, aussi saine, aussi française. Dans cette musique, dont la hardiesse

n’altère jamais la pureté, dont la fantaisie n’offense jamais la logique, on devine sans cesse, derrière le rêveur

et le poète, un homme d’esprit et de goût qui veille.

La Musique, 20 mai 1914

Reynaldo Hahnnous écrit

Dans les Mille et Une Nuits, comme dans la Bible, un monde, un peuple entier s'expose et se révèle ; on lit ce livre comme on voyage ; partons-nous, que ce soit sans bagages ; il faut n'emporter rien, oublier tout.

J'oublie passé, futur, lois, religion, morale, et littérature, et contrainte ; j'emplis de moi la minute présente, et, comme je fais en voyage, j'ai soin surtout de ne pas me faire remarquer, pour ne plus trop me remarquer moi-même.

Au bout de peu de temps je m'aperçois que c'est sans peine ; je n'ai pour ressembler à tout, ici, qu'à me laisser aller à moi-même, jusqu'à redevenir naturel.

La Revue Blanche, Tome XXI, janvier-avril 1900

ANDRÉ GIDE

Voici un événement extraordinaire et vraiment imprévu :

Le théâtre national de l’Opéra Comique vient de jouer un opéra- comique ! Depuis si longtemps vouée, de par la volonté des musiciens contemporains, aux plus larmoyantes tragédies ou aux drames les plus sinistres, notre seconde scène lyrique revient par hasard au genre jadis éminemment national qui lui a donné son nom. On rit, on sourit, on s’amuse, c’est à ne plus s’y reconnaître.Paul Souday, L’Éclair, 16 mai 1914

Musica - Xavier Leroux, juillet 1914 -

Au milieu de la vie musicale si bizarre et si tourmentée de Paris, il vient de se produire un événement heureux : l’apparition de Mârouf sur la scène de l’Opéra-Comique. À la faveur de cette œuvre aimable et jolie, le public paraît se ressaisir un instant. Tandis que ceux-ci cherchaient à le persuader que la musique n’est et ne peut être qu’étrange ; que d’autres ne la lui déclaraient admissible que cocasse, biscornue et grimaçante, que d’autres, enfin, la lui présentaient discordante et incohérente jusqu'à l’aberration, M. Henri Rabaud a reposé et ravi nos oreilles.

Ne boudons point devant les sensations de beauté éclatante et nouvelle que

nous apporte en un temps d’ennui l’orient révélé par les Russes. M. Henri Rabaud

en a, peut-être malgré lui, subi le prestige plus ou moins direct. Sa musique n’en fut

pas mal inspirée. Elle est saine et d’humeur joyeuse et pure. Comme

l’amour qui, d’un bout à l’autre, illumine les Mille et Une Nuits, elle a une bonne

saveur de fraîcheur et de simplicité. Ce n’est pas l’Orient inquiet, passionné

et un peu cruel de Balakirev et de Rimski ; c’est bien l’Orient parfumé de jasmin

et plein de joies des Orientaux sans histoire.

La France, 17 mai 1914

FLORENT SCHMITT

Chaque scène est construite comme un

morceau de musique pure, sur un thème

principal qui a la forme et la conduite

d’un thème symphonique bien plutôt qu’un

leitmotiv. Et c’est toujours une bonne scène

de théâtre. Cela est aussi loin de Rimsky-

Korsakov que de Wagner, et cela en tient

de la même façon.

Gaston Garraud - 17 mai 1914 -

REVUE DE PRESSE

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MÂROUF, UNE PARTITION SINGULIÈREPar Nathalie Otto-Witwicky

Pour un compositeur français des années 1910 en quête d'un sujet exotique original, vers quoi se tourner en dehors des thèmes bibliques (Salomé, Richard Strauss en 1905, Florent Schmitt en 1911), des réminiscences antiques distillées par le symbolisme (Daphnis et Chloé, Ravel 1912), ou des légendes d'obédience wagnérienne qui nourrissent alors l'imaginaire des musiciens depuis plus de trente ans ?

Il existe bien une quatrième source d'inspiration exotique, l'Orient, mais il est vaste et contrasté, entre le proche, le moyen et l'extrême  ! Et mis à part le Recueil de chansons algériennes, mauresques et kabyles de Francisco Salvador-Daniel (1831-1871) – dont Moussorgski a détenu

un exemplaire – et les expositions universelles ou coloniales, il ne reste que les voyages, ou la lecture de rares partitions ad hoc, pour se familiariser avec le répertoire et faire son choix.

Le plus important monument oriental de la musique occidentale du XIXe siècle est la Shéhérazade de Rimski-Korsakov, suite symphonique de 1889, donnée à Paris en 1907, lors des cinq concerts historiques russes organisés par Diaghilev. Dès 1899, inspiré par cette œuvre, le jeune Ravel rêve de composer un "opéra oriental". Ce sont en définitive les trois mélodies avec orchestre de Shéhérazade qui paraissent en 1903. Shéhérazade qui est, rappelons-le, la conteuse des Mille et Une Nuits.

Voilà la solution ! Tirer un sujet d'opéra de l'un des ces contes venus d'un orient fabuleux, ce qui dédouane le compositeur de la quête d'authenticité. C'est ainsi qu'Henri Rabaud concrétise en 1914 le projet de Ravel (son cadet de deux ans) avec Mârouf, savetier du Caire. Qu'en est-il de cette partition dont la singularité est de répondre à trois exigences : l'orientalisme, le merveilleux et le comique ? Écrite dans la continuité, la musique ne s'arrête quasiment pas ou respire à peine : c'est sur un tapis roulant que se déroule le conte. Cet effet de vitesse, qui ne laisse pas le temps de la réflexion, est un procédé majeur de l'écriture comique, "du mécanique plaqué sur du vivant" selon Bergson. Autre constante, la couleur orientale de l'œuvre dont est imprégnée la trame orchestrale.

La danseuse Sonia Pavlov dans le ballet de Mârouf savetier du Caire à l’Opéra Comique,

photographie parue dans Le Théâtre, juin 1914

Tirer un sujet d'opérade l'un des ces contes venusd'un orient fabuleux dédouane le compositeur de la quête d'authenticité.

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DE L'ORCHESTRATION

L'orchestre, compte tenu de la capacité de la fosse de l'Opéra Comique, ne peut être pléthorique. Rabaud dispose d’un effectif comprenant onze bois et dix cuivres, dont il a choisi les timbres en fonction des besoins spécifiques de sa partition. Ainsi pour les scènes de merveilleux (cris de la foule à l'acte II), il cherche à ouvrir au plus grand l'espace sonore : piccolo et triangle dans le suraigu, cellule tournoyante aux flûtes et violons dans l'aigu, trombones, tuba et cymbales en résonance dans l'extrême grave. Pour renforcer la pigmentation des bois, Rabaud fait appel à la petite clarinette en mi bémol, pour les cuivres il choisit le timbre rutilant

de deux trompettes en ut. Ce geste sonore déployé, ainsi que le décor sonore conçu pour l'entrée dans le harem (sur un tapis de cordes divisées se pose une petite harmonie aux couleurs irisées surmontée d'une arabesque à la flûte) font penser à Ma mère l'Oye de Ravel (1912).

L'orchestre symphonique peut sonner "oriental", pour peu que l'on se cantonne au bassin méditerranéen, où les instruments favoris, vents et percussions, s'apparentent. Le hautbois appartient à la grande famille des anches doubles, aux origines turques (la zourna). La flûte traversière, réintroduite en occident vers le XIIe

siècle par l'intermédiaire de la culture byzantine, à une sonorité proche de la nira marocaine...

La couleur orientale dépendant de l'écriture des vents, Rabaud isole le timbre du hautbois, dont il complète le registre vers le grave par un cor anglais et un basson. Il confie aux instrumentistes un rôle de quasi concertistes, ayant à charge la majeure partie des éléments thématiques. La flûte est également mise en avant et de ce fait la petite harmonie doit être réorganisée : une flûte et deux clarinettes dans l'aigu, deux clarinettes et un basson dans le medium, un basson et un cor dans le grave.

La famille des percussions s'est enrichie en accessoires depuis le début du siècle, qu'ils soient en bois (wood block, claves, castagnettes), en métal (grelots, cymbales antiques, crotales) ou en peau (la batterie de tambours).

Rabaud confie aux instrumentistes un rôle de quasi concertistes, ayant à charge

la majeure partie des éléments thématiques.

Au mieux, des instruments locaux, darbouka et sagettes, requis pour la danse égyptienne (acte III) viendront s'ajouter à la collection d'accessoires de l'orchestre. Au pire, tambourin et crotales feront l'affaire...

Quant aux cordes, leur regroupement en ensemble de type quintette n'existe qu'en Europe. Qui plus est le jeu oriental des cordes frottées est très différent, qui repose sur des micro-intervalles (inférieurs au demi-ton chromatique). D'où leur relégation au second plan, dévolu à entretenir le déroulement de l'action par des motifs d'animation (acte II, scène 2) ou des ostinatos rythmiques (l'arrivée du Kadi et la scène de la bastonnade à l'acte I).

Elles apparaissent néanmoins au premier plan sonore lors de la danse russe de l'acte III où elles déroulent un thème qui tourne sur lui-même en croches continues, secoué par des accents irréguliers, tout à fait dans l'esprit de Stravinsky. Plus qu'au Sacre du Printemps, c'est à L'Oiseau de feu (1910) que nous pensons. Il en va de même dans les passages lyriques (le très debussyste duo du "dévoilement" de l'acte IV) qui accompagnent le jeune couple de leur rencontre au dénouement.

Autre rôle de choix pour les cordes, les effets comiques, tels le déchaînement chromatique quasi straussien de l'orchestre lors de la colère de la "calamiteuse" Fattoumah (acte I) ; la doublure de la ligne vocale ou du thème qui met en doute le sérieux

du propos et tend à ridiculiser le personnage ou la situation (Mârouf décrivant sa caravane aux marchands à l'acte II).

DE L'ÉCRITURE MODALE...

Pour écrire "à l'orientale", le compositeur doit impérativement faire appel à d'autres gammes que celles de la tonalité. Neutraliser la sensible (ou 7e degré) n'est qu'un pis aller qui ne trompe plus personne en 1914. Avec Debussy et Ravel, l'écriture modale française est à son apogée et Henri Rabaud en possède la science.

C'est qu'entre la timide avancée de la gamme sans sensible et la radicalité de la "gamme chinoise" s'étend le vaste empire des modes.

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La gamme naturelle (sans altération) dite mode de ré, mi, fa, sol ou la (suivant la note de départ choisie) que l'on peut transposer indifféremment sur l'une des douze hauteurs chromatiques sert de toile de fond orientale au compositeur.

Celui-ci effectue son choix en fonction de la situation ou du sentiment des personnages. Ainsi le chant par lequel débute l'opéra est-il en mode de ré sur sol et renvoie à la désespérance de Mârouf dans son échoppe du Caire. Tout autre est celui, orientalisant en diable, de l'acte IV quand Mârouf au sommet du bonheur célèbre la beauté de la princesse Saamcheddine : Rabaud construit son mode en deux parties similaires, comportant chacune le fameux intervalle

de "seconde augmentée", sonnant aussi bien oriental que tzigane, aujourd'hui répertorié comme mode arabo-andalou de sol, ou nawa (transposé ici sur mi). Il est possible aussi de tronquer le mode en jouant sur la présence/absence de la "seconde augmentée", ce que fait le compositeur dans l'Air de la Caravane (acte II). Le thème,

qui resurgira dès qu'il sera question de cette prétendue richesse de Mârouf, débute comme un motif d'attente : stagnation de la courbe mélodique autour notes récurrentes - tonalité de Mi b M - et puis inflexion modale sur la fin qui emprunte au mode arabo-persan de ré hi jaz. Tout cet effet tient dans l'altération du seul la de la gamme.

Enfin, il existe ce que l'on appelle les modes défectifs (gammes de moins de sept notes), tel le mode pentatonique (mi b, fa, sol, si b, do) de la chanson du Fellah au début de l'acte V, qui renvoie à la rusticité du décor aussi bien qu'au personnage.

... À L'HARMONIE TONALE

Tout comme Ravel, à l'inverse de Debussy qui la "noie" en utilisant les notes du mode pour construire ses accords, Rabaud maintient une référence à une tonalité ainsi qu'un parcours tonal qui structure (à petite ou grande échelle) le déroulement de son opéra.

Ainsi l'acte I débute et finit en sol mineur, avec un éclairage en mi b

majeur dû à la bonhommie du Pâtissier. Cette couleur sombre convient à l'atmosphère triste de la vie que mène Mârouf au Caire. Les scènes d'hystérie de Fattoumah représentent les pages les plus chromatiques de l’œuvre. La ligne vocale anguleuse, aux intervalles dissonants, revient sans cesse sur un la aigu perçant ; une grande agitation se déclenche dans la petite harmonie, qui s'éparpille en motifs inachevés et aux cordes qui jouent en contretemps. Rabaud a-t-il voulu pasticher la Salomé de Richard Strauss, donnée à Paris en 1907 ?

Autre allusion, comique cette fois  ; les échanges de Mârouf et du Pâtissier à propos de cette première

épouse "calamiteuse" se déroulent sur un fond orchestral et harmonique sortant de Tristan et Yseult de Wagner. Cela surprend, avant de faire rire : l'amour impossible!

Si dans le parcours tonal, beaucoup de notes pédales viennent laisser libre cours aux lignes mélodiques orientales, les accords écrits par Rabaud sont en général chargés de tension harmonique : accords de plus de quatre sons dont l'empilement rejoint les accords de 11e chers à Ravel, ou présence de notes ajoutées - ainsi la quarte dans l'accord final de l’acte II – ou encore superposition de deux accords (acte  I, Fattoumah : "Il avoue!") comme au début du Sacre du Printemps de Stravinsky.

Rabaud maintient un parcours tonal qui structure à petite et grande échelle

le déroulement de son opéra.

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Cette capacité d'adaptation de l'harmonie en fonction des situations dramatiques que possède Rabaud exige beaucoup de science et suscite l'admiration de ses confrères.

DU DÉROULEMENT TEMPOREL

Le temps oriental est élastique, avec une préférence pour la détente. Le motif du hautbois qui ouvre l'opéra en rend compte : aux valeurs rythmiques contractées sur l'ornement suit une courbe descendante en mous rebonds qui

s'achève sur une note tenue allongée à l'extrême. La ligne mélodique orientale repose sur la souplesse, en second lieu sur l'ornement, enfin sur la volute ou la vocalise, comme en témoigne l'exemple ci-dessous.

L'emploi du rubato (ou temps volé) est quasi constant dans les dialogues chantés, d'où les incessants changements de métrique et la pratique de l'hémiole (mélange binaire et ternaire). Cette souplesse du débit dans la déclamation est héritée en ligne directe du

récitatif debussyste (Pelléas et Mélisande est une des rares œuvres contemporaines admirées par Rabaud).

Parlons enfin du temps pulsé qui anime la majorité des scènes. La bastonnade (acte I) est un modèle d'ensemble bouffe. Sur la partition est inscrite une longue didascalie : Les deux hommes de police saluent respectueusement le Kâdi, puis ils vont à Mârouf, l'obligent à se mettre à genoux, et s'étant placés de chaque côté de lui, ils commencent à le rosser méthodiquement, un coup l'un, un coup l'autre, en comptant en arabe.

Le déroulement temporel de la scène est de fait arithmétique : les coups étant assénés sur chaque

NATHALIE OTTO-WITWICKY

Musicologue, Nathalie Otto-Witwicky est professeure agrégée, prix d’Esthétique du CNSM de Paris, docteure qualifiée, spécialiste des relations entre théâtre et musique, et enseigne à l’Université de Rennes 2. Elle a publié des études dans diverses revues scientifiques françaises et anglo-saxonnes (Cambridge Scholar Press ; Registres 11/12, revue d’études théâtrales, Presses Sorbonne Nouvelle). Elle produit des dossiers pédagogiques sur l’histoire des arts pour le CNDP et pour l’Opéra Comique.

temps dans une mesure à 2/4, avec un tempo de "100 à la blanche", nous obtenons très exactement une minute pour la durée du supplice. Rabaud s'amuse à superposer dans la même polyphonie cinq parties : le décompte des policiers, les gémissements de Mârouf (en glissando sur une quinte descendante), les encouragements de Fattoumah, le Pâtissier s'adressant au Kâdi et le double chœur des Voisins s'insurgeant contre les forces de l'ordre !

La partition de Mârouf, savetier du Caire renferme une accumulation de qualités et de science musicales dont un lecteur et un auditeur d'aujourd'hui ne peuvent que s'émerveiller.

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LIVRET

Yu Shao, Le Chef des marins

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ACTE ILe Caire, une misérable échoppe de savetier.

SCÈNE 1MÂROUF, tristement.Il est des musulmans dans la ville du Caire, qui se délectent d’épouses à la chair beurrée – Ô ces épouses ! – Limpide est leur beauté comme l’eau des étangs. Leurs yeux – ô les yeux des adolescentes ! – sont des lacs pleins de lune. Leurs pieds – ô leurs pieds ! – sont des fers de lance, et leurs cheveux sont des cheveux bénis, crinières des nobles cavales… Ô le bonheur de ceux, dans la ville du Caire, ayant tant de blancheur pour éclairer leurs nuits !... Hélas ! moi, ô Mârouf ! ô pauvre ! je dois subir – Allah le veut – une vieille calamiteuse…(Il a dit les derniers mots en baissant la voix, et aperçoit Fattoumah qui est entrée sans bruit.)

SCÈNE 2FATTOUMAHMaudit soit le Lapidé !... Encore dans ta paresse, ô chien des savetiers !

MÂROUFÔ fille de l’oncle ! Allah n’a pas laissé tomber de mon côté le plus petit ressemelage.

FATTOUMAHCela n’est point bon pour ta tête, car mon destin m’a fait concevoir une envie. Si tu ne peux la satisfaire, à coup sûr je mourrai d’un grand désir rentré !

MÂROUF, timide.Et… cette envie ?...

FATTOUMAHC’est une kénafa sucrée au miel d’abeilles, bénédiction d’Allah ! Apporte-la moi ce soir même, ou bien ta nuit sera plus sombre, ô savetier, que les nuits de Job, l’ancien patriarche. Ô quel désastre sur ta tête si tu n’apportes à l’épouse la blonde kénafa, sucrée au miel d’abeilles !

SCÈNE 3MÂROUFHélas moi, ô Mârouf ! ô pauvre ! je dois subir – Allah le veut – une vieille calamiteuse, un mélange de poix et de goudron, un fléau sur mes yeux, un emplâtre insupportable sur mon cœur de savetier. Sa colère éternelle ayant noirci ma vie, je quitterai le jardin de ce monde, sans emporter la moindre fleur dans le pan de mon manteau.

LE PÂTISSIERSur toi le Salam, ô Mârouf, ô affligé d’une épouse fâcheuse.

MÂROUFEt le Salam sur toi, ô mon voisin le pâtissier. Que le Rétributeur écrive sur ta route plus de bonheur que sur la mienne.

LE PÂTISSIERPourquoi ce visage assombri ?

MÂROUFIl n’est de recours qu’en Allah !

LE PÂTISSIERQu’il m’inspire donc le moyen de soulager ton infortune. Parle, ô mon maître.

MÂROUF, câlin.Ô père des petits gâteaux, ô savant dans la crème et l’huile de pistaches, apprends que mon infortune est une grande infortune. Mon épouse Fattoumah…

LE PÂTISSIERCette calamiteuse ? Allah lui fasse éternuer son âme !

MÂROUF, touché de ce souhait obligeant, salue poliment le pâtissier qui lui rend son salut.Elle veut se réjouir d’une once de kénafa sucrée au miel d’abeilles.

LE PÂTISSIEREh bien, fais cet achat !

MÂROUFHélas ! la destinée n’avait marqué ce jour de nul gain pour Mârouf ; pas même une pièce, une demi-pièce. (Levant les bras au ciel et se frappant les joues.) Ô mon épouse furieuse quand je rentrerai sans la kénafa ! Ô ma nuit désastreuse ! Ô ma calamité ! Ya Allah ! Ya Allah ! (Pendant ses plaintes, le pâtissier prend un gâteau dans sa devanture.)

Version Opéra Comique, 2013-2018.

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LE PÂTISSIERPrends ce gâteau, ô pauvre entre les pauvres, afin d’en réjouir la fille de ton oncle.

MÂROUF, se précipitant à ses pieds et lui baisant le bas de sa robe.Ô noble ! ô bon ! ô généreux !

LE PÂTISSIEREt sache qu’il est fait au miel de canne à sucre, plus exquis que le miel d’abeilles.

MÂROUFJe le reçois des mains de ta pitié, ô cœur plus doux encore que le plus doux de tes petits gâteaux.

LE PÂTISSIERJe veux te faire cette avance…

MÂROUF, l’interrompant par ses élans de reconnaissance.Ya Sidi !

LE PÂTISSIERMais Allah est plus généreux…

MÂROUFYa Sidi !

LE PÂTISSIERJe ne suis que l’intermédiaire. (Il sort.)

MÂROUFYa Sidi ! Ya Sidi !...(Il regarde son gâteau avec une joie extasiée, prenant mille précautions pour ne pas renverser la sauce.)

SCÈNE 4MÂROUF, appelant.Ô mon épouse, apporte à ce gâteau ton si précieux appétit. Ô Fattoumah, j’ai comblé ton désir, grâce à mon seigneur Mohammed.(Fattoumah entre.)

MÂROUF et FATTOUMAHensemble.Sur lui la prière et la paix.

FATTOUMAHVoilà le produit de tes vols ?...

MÂROUFMange la kénafa, don de notre voisin, pour que ta chair en gagne un embonpoint doré. Elle est si blonde et si bien odorante que j’en fais le régal de mes yeux et de mon nez. Ô la pâte juteuse à point ! Ô la…(Fattoumah d’un coup de poing fait chavirer

le plateau. Le gâteau tombe et se brise.)

FATTOUMAHÔ chien ! Ô misérable ! Pensais-tu me tromper par ta supercherie ? J’ai demandé du miel d’abeilles et je renifle ici le miel de canne à sucre.

MÂROUF, à genoux et ramassant les morceaux.Ô tempête ! Ô naufrage !

FATTOUMAHTu ne veux satisfaire aucun de mes désirs… As-tu donc résolu que je meure de la mort rouge ?

MÂROUF, lui présentant de nouveau le plateau avec douceur.Fille des gens de bien, accepte ce gâteau bien que de canne à sucre, et peut-être demain je serai plus heureux.

FATTOUMAH, à la limite de la fureur.Ah tu veux me narguer encore !

(Elle marche sur le plateau pour le faire chavirer une seconde fois mais Mârouf le met en sûreté et prend une attitude sans défi, mais résolue.)

MÂROUFSi tu ne veux manger la blonde kénafa, je veux bien la manger, moi.

(Il s’installe, accroupi, devant le gâteau et se met en devoir de le savourer.)

FATTOUMAHQuoi, cette ordure ?...

MÂROUF, au gâteau.Pardonne aux propos de l’épouse… ô savoureuse ! ô croustillante !...

FATTOUMAHOh ! je me vengerai de toi !...

(Mârouf prend un morceau et l’introduit dans sa bouche.)Allah fasse que ce morceau s’arrête en ta gorge et t’étouffe !

MÂROUF, constatant avec soulagement que le souhait n’a pas été exaucé.Allah n’a pas voulu.

FATTOUMA, bougonnant.Ah ! le moyen de me venger de ce chien !... (Mârouf introduit un autre morceau dans sa bouche.)Puisse la deuxième bouchée se changer en poison funeste !

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MÂROUF, constatant que le deuxième souhait est également resté sans effet.Je te bénis, ô deuxième bouchée, délice de mon intérieur.

FATTOUMAHAh ! je tiens ma vengeance !(Elle va vers la sortie en hurlant comme si on l’égorgeait.)…

À moi, ô musulmans ! À l’aide ! On m’assassine ! (Au moment de sortir à gauche, elle se retourne vers Mârouf avec une pitié ironique.)

Ô pauvre échine de Mârouf !(Criant de nouveau à tue-tête.)

À l’aide ! ô musulmans !(Elle disparaît.)

SCÈNE 5Les voisins, ameutés par les cris de Fattoumah, viennent en riant s’accouder aux fenêtres de la boutique, pendant que Mârouf, toujours imperturbable, continue de déguster la kénafa.

LES VOISINSÔ Mârouf, le mal marié, quel est ce nouveau tour de ta calamiteuse ?

MÂROUFÔ mes voisins, louanges au Très-Haut. Le miel de canne à sucre est un de Ses bienfaits, dans le ventre des gens de bien.

LES VOISINS, riant plus fort.Mais que médite Fattoumah, pour humilier ton honneur ?

MÂROUF, la bouche pleine.Nul n’évite sa destinée.

LE PÂTISSIERPourquoi cet éclat ?

MÂROUFÔ poète en pâtisserie, si je ne vais baiser la terre entre tes mains, c’est par respect pour ton ouvrage.

LE PÂTISSIERMais tu ne me dis pas pourquoi tant de colère.

MÂROUFAllah sait ce qu’il fit (Il met un morceau dans sa bouche.) quand il fit (Il avale la bouchée.) la méchanceté des femmes.

LA VOIX DE FATTOUMAH Ah !(Parmi les voisins on entend ces mots chuchotés au milieu d’une rumeur : « Le Kâdi, le Kâdi ». La foule s’écarte et on voit passer un homme majestueux, suivi de deux hommes de police armés de matraques. Mârouf se lève dans la stupeur et l’inquiétude.)

SCÈNE 6MÂROUF, tremblant.Quelle gloire sur ma maison, ô notre seigneur le Kâdi !

LE KÂDI, sévère et désignant Fattoumah.Parle : as-tu vraiment frappé cette pauvre jeune femme ?

FATTOUMAH, geignant, le visage enveloppé de linges.Ô ma tête ! Ô mon nez !

LE KÂDI, à Mârouf qui baisse la tête avec confusion.Réponds !

FATTOUMAH, Ô mes yeux pleurant du rouge ! Ô ma lèvre compromise !

LE KÂDIRépondras-tu ?

MÂROUFÔ père de la loi, la science est dans ta barbe bénie, mais les vérités sont aux mains d’Allah.

FATTOUMAHIl avoue !

LE KÂDI , aux deux hommes de police.Donnez-lui sur le dos cent coups de vos matraques, et cela sera suffisant.

LES VOISINSOh ! Ô notre Kâdi, que ta justice épargne un innocent !(Les deux hommes de police saluent le Kâdi, puis obligent Mârouf à se mettre à genoux et commencent à le rosser méthodiquement en comptant en arabe.

1er HOMME DE POLICEOuâhad ! Telata ! Khemsa ! Sebkha ! Teskha ! Ouâhad ! 

2e HOMME DE POLICETenîn ! Arbekha ! Setta ! Temenia ! Khachra ! Tenîn !

LES VOISINS (1er chœur)Ô notre Kâdi, que ta justice épargne un innocent !

LES VOISINS (2e chœur)Ô notre Kâdi !

MÂROUF, gémissant.Oh !

FATTOUMAH, aux hommes de police.Hardi ! gaillards, hardi ! Que votre sueur soit glorifiée.

LE PÂTISSIER, au Kâdi.L’échine que l’on frappe est une honnête échine.

LES VOISINS (1er chœur)Nous le jurons, nous autres ses voisins.

FATTOUMAH, aux hommes de police.Hardi ! Puissent vos matraques de bois se changer en barres de fer.

LE PÂTISSIER Le cœur de cette épouse est noir comme la nuit.

LES VOISINS (1er chœur)Le cœur de cette épouse est noir comme la nuit, et le sort de Mârouf est un malheureux sort.

LES VOISINS (2e chœur)Bouse chaude ! Calamiteuse ! Ô emplâtre de poix ! Visage de goudron !(La bastonnade est finie.)

FATTOUMAHLouange à ta haute justice, ô seigneur le Kâdi.(Elle sort.)

LE KÂDIQue chacun aille en sa route.(Les hommes de police chassent les badauds. On les entend murmurer : « Ô Mârouf ! Ô pauvre ! »)

LES VOISINS Ô Mârouf ! Ô Pauvre !(Le soir est tombé, la ruelle est déserte, Mârouf se relève péniblement.)

SCÈNE 7MÂROUFÔ Mârouf ! ô pauvre ! Dans la ville du Caire, la justice de l’homme est trop lourde sur toi. (Mélancolique, il prépare un petit baluchon de voyage, tantôt geignant, tantôt mordant dans son gâteau.)

Je livre ma destinée au maître des destinées.(On entend les cris joyeux d’un groupe d’hommes qui approchent.)

LES MARINSInshallah ! Inshallah !

MÂROUFÔ marins pleins de joie ! Ô gens aventureux, êtes-vous en partance ?

LE CHEF DES MARINSCe soir nous descendons le Nil, et nous nous embarquons bientôt à Damiette.

MÂROUFVoulez-vous bien de moi, comme rameur, raccommodeur de voiles ?

LE CHEF DES MARINSNe crains-tu pas le dur métier ?

MÂROUFEst-il un dur métier pour l’homme qui fuit sa calamiteuse ?(Les marins éclatent de rire.)

LE CHEF DES MARINSEh bien, viens avec nous.

LE CHEF DES MARINS ET LES MARINSInshallah ! Inshallah !

MÂROUF, triste, après un dernier regard sur sa boutique.Inshallah !

ACTE IILe souk de Khaïtan, au petit jour.

SCÈNE 1ALI , à deux esclaves qui portent Mârouf évanoui.Apportez des tapis devant le seuil de ma boutique. Allez et puisez de l’eau fraîche afin qu’Allah réveille l’étranger. (Ali ôte son manteau, le place sur Mârouf, et l’examine. Les esclaves apportent l’eau. Ali asperge le visage de Mârouf qui éternue, puis prononce des paroles inintelligibles.) Il rêve.

MÂROUF, se redressant.Je quitterai le jardin de ce monde sans emporter la moindre fleur dans le…(Il regarde Ali et les deux esclaves, sans trouver un mot à dire.)

ALIChasse la crainte de ton cœur, ô mon frère étranger, et louons le Très-Haut qui m’a conduit vers toi, évanoui sur le rivage.

MÂROUF, voulant lui témoigner sa reconnaissance.Ô mon maître !...

ALI, l’arrêtant.Je ne suis que l’intermédiaire. Mais s’il te plaît de m’obliger, raconte-moi ton aventure.

MÂROUFÔ fâcheuse aventure !... J’étais savetier dans la ville du Caire, accablé d’une noire épouse…

Du miel de canne à sucre, au lieu du miel d’abeilles… et je reçois la bastonnade… Oh fuir la calamiteuse !... Une felouque à Damiette… je m’embarque… Inshallah !... et pendant des jours et des jours, rien que le silence et l’azur… Tout à coup – ô terreur ! – la mer agita son grand manteau bleu. Les vagues, l’ouragan, l’écume, la tempête !... La felouque sombra ; mes compagnons périrent…

ALINul n’évite sa destinée.

MÂROUFJ’allais périr aussi, quand le Rétributeur me met sous la main un débris du mât. Je m’y cramponne, et malgré la rafale, j’atteins un rivage inconnu, et puis… et puis… je ne sais plus… Qu’Allah te préserve du mariage !(Il défaille.)

ALILa ville où les flots t’ont jeté est la ville de Khaïtan, et tu peux voir là-bas le palais du Sultan. Mais ne m’as-tu pas dit que tu naquis au Caire ?

MÂROUFAu Caire, oui, mon maître.

ALIDans quelle rue ?

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MÂROUFLa rue rouge.

ALIAs-tu connu le cheikh Ahmad ?

MÂROUFLe pâtissier ? Il était mon voisin d’en face. Qu’Allah lui conserve ses biens !

ALIEt ses fils ?

MÂROUFL’un est maître d’école en une madrasa, quant au second, Ali…

ALIQuant au second, Ali ?...

MÂROUFIl était mon ami d’enfance. Mais un jour il fit… ce qu’il fit, avec une enfant de Nazaréens. Alors, il dût s’enfuir par crainte de vengeance, et vingt ans sont passés, nul ne l’a plus revu.

ALIÔ Mârouf ! Ô Mârouf !

MÂROUFComment sais-tu mon nom ?

ALILouanges au Très-Haut qui réunit les amis. Je suis ton Ali, ton compagnon d’école.

MÂROUF, tombant dans ses bras.Ya Allah !

MÂROUF, examinant Ali.Tes affaires ont prospéré depuis vingt ans !

ALIJe suis le premier marchand de la ville et je veux que le sort te favorise aussi.

MÂROUFHélas ! le moyen, mon frère ?...(Ali se met à réfléchir. On entend un chant de muezzin.)

1er MUEZZIN, , lointain.Allahou akbar ! Ah !(Ali sort de sa méditation.)

2e MUEZZI , plus près.Allahou akbar ! La ilah illa’Llah ! Aschadou inna Mouhammad rassoul Allah ! 1

ALIHâtons-nous, car les boutiques vont s’ouvrir. J’ai trouvé le moyen. Frère, es-tu prêt à tout ?

MÂROUFOui, sauf à retourner vers la calamiteuse.

ALIPrends cette bourse(À l’esclave) Conduis mon frère à ma demeure de la ville. (À Mârouf) Là, revêts ma plus belle robe, puis reviens et me laisse faire. Ne t’étonne de rien, ne me contredis pas. Et, s’il plaît au Très-Haut, tu seras comblé de ses dons choisis.

MÂROUFYa Allah !(Ils s’embrassent, puis sortent.)

SCÈNE 2Des marchands sortent de leurs boutiques et installent leurs devantures.LE 1er MARCHAND, à Ali.Le Salam sur toi, ô cheikh !

ALI, préoccupé.Le Salam.

LE 2e MARCHANDSur toi, le Salam, ô seigneur Ali !

ALILe Salam… (À son esclave) Apprête le repas de l’hôte magnifique qu’Allah va m’envoyer.(Les deux marchands se rejoignent pour chuchoter.)

LE 2e MARCHANDUn hôte magnifique ?...

LE 1er MARCHANDQui donc l’est plus que le seigneur Ali ?

MUEZZIN, très près.Allahou akbar ! La ilah illa’Llah !(D’autres marchands se joignent à eux. Un ânier vient avec son âne, en chantonnant, et se met en devoir de puiser de l’eau. Des femmes voilées s’arrêtent devant

les boutiques pour marchander.)

L’ÂNIERHâd el-ber la melîhâ ! El-gâila teremm ! Echreb mâbâred ! 2

ALI, à son esclave qui apporte un tapis.Ô chien ! veux-tu que je meure de honte ?... Enlève ce chiffon.(Au 2e marchand)As-tu, dans ta boutique, un tapis digne de mon hôte ?

LE 2e MARCHAND, s’empressant d’apporter un tapis.Mon maître, ce tapis est le plus beau du souk. Il me coûte mille dinars. Je ne puis le laisser…

ALI, l’interrompant et lui donnant de l’argent.Les voici… Que mon hôte excuse ma misère !

UN GROUPE DE FEMMES, chuchotant.Un hôte magnifique chez le seigneur Ali ?...(L’ânier, qui a fini sa besogne, repart en chantonnant.)

L’ÂNIERHâd el-ber la melîlhâ !(Ali surveille son esclave qui apporte des plats, des fruits, des gâteaux et des boissons. Les marchands s’enhardissent jusqu’à s’approcher d’Ali.)

LE 1er MARCHANDÔ mon maître, peux-tu

1 Dieu est très grand ! Il n’y a de Dieu que Dieu ! Je témoigne que Muhammad est l’envoyé de Dieu ! - 2 L’eau du puits n’est pas salée ! Quelle boisson rafraichissante !

nous dire pour quel hôte ces préparatifs, dignes d’un sultan ?

ALIIl n’est pas sultan aussi riche que lui.

LE GROUPE DE FEMMES, chuchotant.Un tapis de mille dinars pour l’hôte du seigneur Ali ?...

ALI, arrachant une coupe des mains de l’esclave.Ce vieux gobelet ?... Ô mon déshonneur !(Le 1er marchand court vers sa boutique et revient portant une coupe.)

LE 1er MARCHANDÔ mon maître, le khalifat n’a pas une coupe plus belle que cette coupe en or fin.(Ali prend la coupe et la passe à son esclave.)

ALI, à l’esclave.Tu la jetteras quand il aura bu.

LE PREMIER MARCHAND, tendant la main à Ali qui lui compte de l’or.Quinze cents dinars…(Murmure des marchands.)

LE 2e MARCHANDPeux-tu nous dire, ô mon maître, si ton hôte est un marchand ?

ALIC’est le plus grand marchand du monde. Auprès de lui, je ne suis qu’un pauvre.

(Murmure des marchands.) Il a des magasins dans l’univers entier. Ses comptoirs sont nombreux du Yémen jusqu’à l’Inde.

LE GROUPE DE FEMMES chuchotant.Auprès de ce marchand, le seigneur Ali n’est qu’un pauvre !...

ALIÔ l’homme somptueux que vous allez connaître !

LE 2e MARCHANDÔ mon maître, n’est-ce pas lui, cet étranger qui vient vers nous ?(Grand remous dans la foule.)

SCÈNE 3Mârouf paraît, monté sur une mule et richement vêtu, très étonné et intimidé de l’accueil qui lui est fait. Il passe entre deux haies d’admirateurs qui s’inclinent. Ali se précipite vers lui, se met à genoux et lui baise les mains.

ALIÔ mon maître ! Ô notre Seigneur ! Quel honneur sur ma maison ! (Mârouf ouvre de grands yeux stupéfaits.) Daigne accepter l’humble repas que ton serviteur t’a fait préparer. C’est moi qui te servirai.

Excuse ma misère.(Mârouf, toujours interloqué, se met pourtant à manger, et surtout à boire.)

LE 1er MARCHAND, saluant Mârouf.Allah sur toi, ô Emir.(Mârouf lui rend son salut sans interrompre son repas.)

LE 2e MARCHANDLa bienvenue à toi, ô le plus grand marchand du monde.

LE 1er MARCHANDAs-tu beaucoup de drap jaune, dans tes ballots ?

MÂROUFDu drap jaune ?... Dans mes ballots ?

ALI, venant à son secours.Mon hôte a beaucoup de ce drap.

LE 2eMARCHANDEt du drap brodé d’or ?

MÂROUF, qui commence à être éméché.Autant que de l’autre, ô mon maître.

LE 1er MARCHANDAs-tu beaucoup de drap rouge sang de gazelle ?

MÂROUFQuantité ! Quantité de drap rouge sang de gazelle, et du drap jaune, et du brodé, dans mes ballots !(Il boit.)

SCÈNE 4Entrent le Sultan et le Vizir. Un mendiant les arrête pour leur demander l’aumône.

LE VIZIR, au mendiant qu’il chasse.Qu’Allah t’assiste !

LE SULTAN, bas, au Vizir.Pourquoi cette foule en ce lieu ?(Le mendiant va demander l’aumône aux marchands.)

LE VIZIR, bas, au Sultan.Ô notre Sultan ! ô mon maître ! Ne crains-tu pas qu’on te reconnaisse ? Si tu m’en crois, hâtons-nous vers le palais.

LE SULTAN, bas, au Vizir.Je veux savoir d’abord ce qu’on trame en ce souk.(Le mendiant est arrivé devant Mârouf. Mârouf tire de sa poche la bourse que lui a remise Ali, et verse une poignée de pièces dans la robe du mendiant. La foule pousse un cri d’admiration.  Mârouf verse une deuxième poignée. Deuxième cri d’admiration plus fort. Alors Mârouf verse tout ce qui restait dans la bourse. L’admiration est à son comble.)

MÂROUF, au mendiant.Excuse-moi de te donner si peu !

LE 1er MARCHAND, évaluant d’un coup d’œil l’argent qui est dans la robe du mendiant.Mille dinars au moins !

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(Il salue Mârouf avec le plus profond respect.)

LA FOULEMille dinars ! Mille dinars !

LE SULTAN, au Vizir.Mille dinars pour une aumône ? Ô mon vizir, va te mêler aux gens. Interroge cet étranger. J’écouterai d’ici.

LE VIZIR, obéissant.Tes ordres sont sur ma tête…(Le Sultan se dissimule.)

LE 1er MARCHAND, à Mârouf.Ya Sidi. Daigne accepter ma boutique pour abriter tes ballots.

MÂROUFJe l’accepte, ô marchand, malgré sa petitesse.

LE 2e MARCHANDYa Sidi… Daigne accepter la mienne aussi.

MÂROUFJ’accepte aussi la tienne. Nous nous entendrons pour le prix.

LE VIZIR, à Mârouf.Le Salam sur toi, à mon maître.

MÂROUF, protecteur.Le Salam.

LE VIZIRQuand verrons-nous tes biens que l’on vante déjà ?

MÂROUFBientôt, je les attends.

LE VIZIRQuand exactement, ô mon maître ?

MÂROUFLorsque viendra (Il boit.) ma caravane. À travers le désert, mille chameaux chargés d’étoffes, marchent sous le bâton de mes caravaniers. Des paniers sont remplis d’argent et de joyaux, des caisses pleines de poignards, et de sabres damasquinés. Quatorze-cents mulets, avec leurs muletiers, portent les diamants, les rubis, les saphirs.

LE VIZIR, bas, au Sultan.Ô maître du temps, cet homme a tout l’air d’un fripon.

MÂROUFEt mes mamalik, beaux comme des lunes, sont au nombre de mille. Montés sur des chevaux superbes, couverts d’armes étincelantes, ils escortent ma caravane, et la protègent des Bédouins.

LE SULTANT, bas, au Vizir.Qu’Allah noircisse ton visage ! Cet étranger est un riche étranger, et je dois profiter de cette caravane.

MÂROUFAu sultan de Khaïtan, je donnerai, pour cadeau, trente sacs de pierreries, quand viendra ma caravane.

LE SULTAN, bas, au Vizir.Ô mon Vizir, invite cet homme à dîner.

MÂROUFJ’oubliais, dans ma caravane, cent chamelles portant les sacs de pièces d’or et mille méharistes les encadrent la lance au poing.

LE VIZIR, à Mârouf.Ya Sidi, ton dîner de ce soir est-il libre ?

MÂROUFÔ mon maître, excuse-moi, je suis l’hôte de l’ami.

LE SULTAN, marchant vers Mârouf et découvrant son visage.Même si c’est moi qui t’invite ?

MÂROUFMême si c’est toi, honnête marchand.

ALI, plein d’épouvante et tombant à plat ventre.Ô notre maître le sultan !

LA FOULE, l’imitant.Ô le commandeur des croyants !

MÂROUF, tremblant de tous ses membres.Le sultan de Khaïtan ?... Ya Allah ! Ya Allah !(Il tombe à plat ventre.)

LE SULTANT, le relevant avec bienveillance.Ô si riche étranger ! Allons tous deux nous réjouir de mets succulents et de boissons fraîches.

MÂROUF, tremblant.Ô roi du temps, si nous

attendions cette caravane ?

LE SULTANTu dis cela pour le cadeau, les trente sacs de pierreries ? Je le recevrai quand Allah voudra. Viens.(Il prend amicalement Mârouf par les épaules au milieu de la foule prosternée.)

ALI, prosterné.Ô Mârouf ! Ô pauvre !(Le Sultan et Mârouf disparaissent dans une ruelle.)

ACTE IIILe palais du sultan.

SCÈNE 1LE SULTAN, sur son trône.Préviens le Cheikh-al-Islam pour qu’il lise le contrat.

LE VIZIR, courbé devant lui.Ô roi du temps, pardonne aux paroles hardies.

LE SULTANParle.

LE VIZIRAvant de marier la princesse, ta fille, au marchand étranger, si nous attendions cette caravane ?

LE SULTANÔ Vizir de mauvais augure, veux-tu que j’abandonne aux marchands, ces fripons,

la meilleure part de tant de richesses, et je n’aurai plus que les restes ? Non, par Allah sur moi ! Mârouf épousera ma fille aujourd’hui même, ainsi que je l’ai décidé.

LE VIZIRÔ Émir des croyants, puisses-tu changer d’avis.

LE SULTANÔ chien, ennemi de ton maître ! Fais que le Cheikh-al- Islam se présente entre mes mains, ou je saurai faire entrer ta longueur dans ta largeur.

LE VIZIRJ’écoute et j’obéis.(Il donne des ordres à un des mamalik. Les dignitaires de la cour entrent, saluent le Sultan et vont se ranger. Mârouf paraît, habillé en grand seigneur. Les dignitaires le saluent. Il va se prosterner devant le trône.)

SCÈNE 2MÂROUFQue notre maître, le roi, soit comblé des dons d’Allah !

LE SULTANQu’il te favorise de même, ô Mârouf ! ô mon gendre ! Mais pourquoi ce front affligé dans un jour de joie ?

MÂROUFMaître du temps, je suis fort affligé de ne pouvoir donner la dot, que je t’eusse donnée, si ma caravane était dans ces lieux.

LE SULTANÔ doué de bonnes manières, j’attendrai la dot plein de confiance.

MÂROUFJ’aurais aussi donné, c’eût été convenable, mille sacs de mille dinars aux mendiants de la ville, mille autres sacs aux porteurs de cadeaux, et mille sacs encore pour payer le festin.

LE SULTANYa Allah ! Grande est ta générosité !

MÂROUFJ’aurais donné des colliers de cent perles aux dames du harem, des robes, des poignards à tous les serviteurs (Les dignitaires se trémoussent de joie.) et cent bourses de cent drachmes à chacun des mamalik (Les mamalik se trémoussent de joie.)Mais ma caravane est encore en route et mon chagrin est un très grand chagrin.

LE SULTANJ’admire ta délicatesse. Mais je veux supporter tous les frais de la noce.(Au Vizir.)

Fais apporter à mon gendre, l’Émir, tout l’argent du Trésor qu’il te demandera.

- Danses -

LE VIZIR, à part.Qu’Allah nous protège des calamités !(Mârouf s’installe près du Sultan. Le Cheik-al-Islam entre, portant sous le bras un rouleau de parchemin. Les dignitaires d’un ordre inférieur entrent et se rangent. Le Cheik-al-Islam commence la lecture du contrat. Le ballet commence. Des nègres apportent les richesses du Sultan que Mârouf distribue aux dignitaires.)

MÂROUF, quand il n’y a plus rien à distribuer.De l’or ! de l’or ! Ô Vizir !

LE SULTAN, au Vizir.Entends-tu l’ordre de mon gendre ?

LE VIZIRÔ roi, ton trésor est à moitié vide !

LE SULTANDe l’or ! De l’or !

MÂROUFDe l’or !(Le Vizir s’arrache les cheveux. La chaîne des danseurs recommence de plus belle. On entend les « you-you » des dames du harem. Les danses,

les distributions cessent.)

LE SULTAN, à Mârouf.Ô mon gendre Mârouf, voici la chérie de mes yeux, sourire sur ta vie.

MÂROUFLouange à l’oncle le Sultan ! (à part) ma seconde calamiteuse !(La princesse paraît, entourée de ses dames d’honneur et le visage voilé. Les danseuses, Mârouf, les dignitaires, la saluent. Danses.)

MÂROUFdistribuant des cadeaux.Pour les dames du harem !(Il jette de l’or aux dignitaires qui se bousculent, puis à la foule dont on entend les cris et les bousculades de l’autre côté du mur.)

SCÈNE 3LE SULTAN, se levant.Ô Mârouf ! ô marchand si riche ! Je te fais présent de ma fille, de la princesse Saamcheddine 3, née sous la bénédiction. Son esprit est tourné vers la meilleure voie et son corps est un rose et flexible palmier, sous des blancheurs de lune. Oh ! puisses-tu noyer les soucis du négoce dans ses bras frais, ruisseaux d’eau fraîche !

3 Schamseddine, prénom signifiant « soleil de la religion ».

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(Mârouf et la Princesse se saluent.)

LE VIZIRbas, au Sultan.

Ô roi du temps, les coffres du trésor sont complètements vides.

LE SULTANLouanges au Très-Haut qui vida mon trésor ! Attendons maintenant l’immense caravane.(Le Sultan sort suivi de ses dignitaires, du Vizir et des mamalik.)

SCÈNE 4MÂROUF, à part.Ô Mârouf ! as-tu fui ta première épouse, pour être battu par une autre ? (Haut, après des hésitations et saluant.)

Ya Sidati 4, la paix sur toi.

LA PRINCESSEgentiment.

Et la paix sur toi, ya Sidi.

MÂROUFà part.

Ma seconde épouse n’a point une taille calamiteuse. (Il lui fait signe d’approcher. Elle obéit.)

Sa démarche est balancée comme celle de l’autruche.

LA PRINCESSEQuelles sombres pensées roules-tu dans ton cœur ?

MÂROUFJe me demande, ô mon épouse, pourquoi sous les plis gracieux, l’esprit contrariant des femmes ?

LA PRINCESSE, riant.Je ne suis pas contrariante.

MÂROUFHélas ! je vais te le prouver, si tu réponds à ma demande.

LA PRINCESSEParle.

MÂROUFPeux-tu souffrir le miel d’abeilles ?

LA PRINCESSEJe l’adore. Pourquoi la question ?

MÂROUFC’est donc le miel de canne à sucre que tu ne peux pas supporter ?

LA PRINCESSEJe les aime tous les deux.

MÂROUFYa oueïli 5 ! Cela n’est pas naturel.

LA PRINCESSEÔ mon époux ! est-ce pour m’humilier que tu m’as fait ces demandes étranges ?

MÂROUFÔ Saamcheddine, ne crains rien, mon cœur

est près de ton cœur.(Il lui prend la main.) Tes jeunes doigts sont dorés à faire rougir de honte les dattes dans l’oasis, et je brûle du désir de connaître ton visage.

LA PRINCESSE, minaudant.Je n’ose enlever mon voile.

MÂROUF, à part.Du courage, ô Mârouf, pour le nez crochu, les lèvres pendantes. (Haut.) Ton visage, ô ma maîtresse.

LA PRINCESSEÔ ma pudeur ! ô ma confusion !

MÂROUFTon visage montre-le moi !(À part.) Et que le Très haut éloigne de nous les grandes dents et les gorges petites ! (Haut.) Ton visage ?...

LA PRINCESSEJ’obéis à mon maître, et puissent les traits de l’épouse, caresser les yeux de l’époux.(Elle ôte lentement son voile et, devant sa beauté imprévue, Mârouf joint les mains dans l’extase.)

MÂROUFAllah est le seul grand, le Clément, le Généreux

et toute Sa splendeur rayonne sur ta face.

LA PRINCESSE, un peu coquette.L’esclave plaît-elle au maître ?

MÂROUF, défaillant.Tais-toi ! Je suis l’indigne agenouillé de ta perfection. Ô fleur d’Allah ! un sultan viendra te cueillir, mais non Mârouf, le pauvre du Caire.(Il tombe sur un divan.)

LA PRINCESSEÔ mon maître, qu’as-tu ?

MÂROUF, de plus en plus troublé.Sur ma tête de savetier, j’ai reçu ta beauté comme un coup de soleil… Pardonne-moi… ô éblouissement… ô lumière ! Ô Mârouf ! ô pauvre ! (Il s’évanouit. Les dames du harem veulent venir à son secours mais la princesse leur fait signe de s’en aller.)

LA PRINCESSE, à elle-même.Pourquoi ces mots inattendus : pauvre ?... Le Caire ?... savetier ?... et quel est cet époux à qui je suis donnée ?... Ses yeux sont doux comme des soirs d’été, ses sourcils, dessinés par un calam savant, sont deux sabres s’entrechoquant, quand il plisse le front. Quel est cet homme aux paroles étranges ?... Que m’importe ? Il est jeune, et je suis satisfaite.

4 Ma Maîtresse. - 5 Pauvre de moi !

(Elle se penche sur lui.)

Ô marchand si riche ou si pauvre, oublie un passé peut-être néfaste. Dans ton sommeil, ô endormi d’amour, Allah t’envoie un baiser de princesse.(Elle l’embrasse sur les lèvres.)

ACTE IVLe harem, à l’heure de la sieste.

SCÈNE 1LE SULTAN, préoccupé.La caravane… (Il fait quelques pas.)

Cette caravane… Il scrute l’horizon, désappointé. Peu à peu les femmes s’éveillent et s’étirent langoureusement. Les plus jeunes quittent leur sofa et s’amusent à tremper leurs pieds dans le bassin.)

LE VIZIR, timide.Roi, ton esprit travaille au sujet de ton gendre.

LE SULTAN, avec brusquerie.Non ! Ô Vizir sans jugement, je n’ai nulle inquiétude. (À part.)

La caravane…

LE VIZIRÔ Roi, pardonne à l’insistance. La gloire de ton règne est mon plus grand souci…

Si je causais avec la princesse, ta fille… rien qu’un instant, à travers ce rideau ?(Le Sultan réfléchit à la proposition.)

LE SULTAN, à une jeune fille.Ô esclave ! (Elle s’approche et le salue)

Dis à la princesse, ma fille, qu’elle vienne et réponde aux questions de mon vizir, cette barbe maudite.(La jeune fille disparaît derrière le rideau. Entre Mârouf sans voir le Sultan et Le Vizir qui vont se dissimuler pour l’épier).

SCÈNE 2Mârouf s’installe et se laisse aller à sa rêverie. Les femmes se groupent autour de lui et l’éventent.

MÂROUF, dans un soupir.Mashallah… Dans le jardin, fleuri de fleurs, moi, je suis le jet d’eau qui ronronne d’amour, et mon épouse est le bassin de marbre, où je me répands en larmes de joie… Mashallah. Je suis aussi la colonne sublime au chapiteau sculpté de gloire, et mon épouse, au corps miellé de miel, est le soleil qui chauffe et caresse mes flancs… Mashallah…

LE SULTAN, sortant de sa cachette.La paix sur toi, ô mon gendre.

MÂROUF, sans précipitation.Sur toi la paix, ô l’oncle le sultan.(Les femmes sortent.)

LE SULTAN, aimable.Que faisais-tu sur ce divan ?

MÂROUF, sur le ton d’un homme qui dort debout.J’attends ma caravane

(Le Sultan jette au Vizir un regard sévère qui veut dire : « Tu vois bien, animal ! »)Mais excuse-moi, ô mon oncle. Je dois surveiller le palais qu’on bâtit pour mes marchandises. (Il salue avec nonchalance et soupire de bien-être.)Mashallah !...(Il sort, suivi des mamalik.)

SCÈNE 3LE SULTAN, au Vizir.Chien ! Maudits soient les calomniateurs ! Mon gendre fait construire un palais pour ses biens, est-il meilleure preuve ?

LE VIZIR, timide mais obstiné.Je voudrais causer avec la princesse.

LA VOIX DE LA PRINCESSEMon père, me voici.

LE SULTAN, à la Princesse,

à travers le rideau.Ô chérie ! Ô noyau de mon cœur ! C’est mon vizir, ce maudit, (Au vizir) qu’Allah noircisse ton visage ! (À la princesse) qui veut t’entretenir au sujet de l’époux. Quant à moi, par Allah ! Je n’ai point de soupçon.

LA PRINCESSEQu’il parle, je répondrai.

LE VIZIRÔ ma maîtresse, tu sais que le trésor est vide, grâce aux cadeaux de ton époux, l’émir, et la caravane est encore en route.

LA PRINCESSEJe le sais.

LE VIZIROr mon cœur s’inquiète à cause du retard. Que penses-tu de ton époux ? Est-ce un homme de bien ?

LA PRINCESSE, sortant sa tête par l’entrebâillement du rideau.Ce que je pense de l’époux ! Qu’Allah le comble de bienfaits ! Je pense, ô Vizir néfaste, que son visage est un soleil, et sa parole un vin dont je m’enivre. Nous serons l’un à l’autre unis jusqu’à la Bâtisseuse des tombeaux, Séparatrice des époux : l’Inévitable Mort. Et voilà, ô Vizir, ce que je pense de l’époux.

LE SULTAN, au Vizir.Tu vois ? Que t’ai-je dit ?

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LE VIZIR, à la Princesse.Fort bien, ô ma maîtresse ; mais la caravane ?...

LA PRINCESSE, ouvrant complètement le rideau et se montrant toute entière.Cela n’est point mon affaire.

LE VIZIRHélas ! qui te nourrira si nous n’avons pas d’argent ?

LA PRINCESSELe Très-Haut aide ses fidèles.

LE SULTAN, au Vizir.Ma fille a raison.

LE VIZIRÔ maître du temps, l’émir Mârouf ne me dit rien de bon. Je fais mon devoir en t’avertissant.

LA PRINCESSEMaudit soit le Malin, le Lapidé ! Écoute ce récit véridique, ô mon père, et ton Vizir sera confondu.

LE SULTANJ’écoute, ô chérie.

LA PRINCESSE, véhémente.Il est arrivé cette nuit dix mamalik de cette caravane.

LE SULTAN, au Vizir.Ah !

LA PRINCESSEVoilà ce qu’ils ont dit à mon époux si beau : « Des hordes de Bédouins pillards nous ont surpris dans le désert, et c’est la cause du retard et quatre-cents chameaux nous ont été volés… »

LE SULTAN, ennuyé.

Ah !

LA PRINCESSEMais Mârouf éclata de rire et dit : « Quatre-cents, ce n’est rien. »

LE SULTAN, soulagé.Ah !

LA PRINCESSEIl donna l’ordre aux mamalik de retourner parmi les leurs et de faire activer la marche, et mon époux est un homme intègre, et ton Vizir, un chien d’entre les chiens.(Elle a fait ce récit tantôt pleurant bruyamment, tantôt riant sous cape.)

LE SULTAN, au Vizir.Es-tu confondu ? Va-t’en ! Guéris mon œil de ta vue, ou je saurai faire entrer ta longueur dans ta largeur.(Le Vizir penaud sort.)

SCÈNE 4LA PRINCESSE, jouant l’indignation. Ô mon père, peux-tu souffrir près de toi, ce visage de goudron ?

LE SULTANÔ ma fille, rassure-toi. Je veux le faire empaler quelque jour. (Embarrassé, et se faisant affectueux.)

Tu ferais bien pourtant d’interroger Mârouf au sujet de la date. Je saurai, de la sorte, si je dois prélever quelques nouveaux impôts.

LA PRINCESSEJe l’interrogerai, mon père.

LE SULTAN, l’embrassant sur la tête.Ô lumière de mon œil !(Pendant le baiser, Mârouf paraît. Voyant sa femme dévoilée, il fait signe à ses mamalik de rester dehors.)

LE SULTAN, à Mârouf.Ton palais va-t-il selon ton désir ?

MÂROUFIl est bien petit, roi du temps, j’en veux faire construire trois autres.

LE SULTANLa réussite à tes projets ! (Il se dirige vers la sortie, s’arrête pour faire signe à sa fille de parler à Mârouf, puis à Mârouf :) La réussite ! (Il sort.)

SCÈNE 5MÂROUFViens, ô mon épouse fleurie, et passons le reste du jour, improvisant des vers. Beauté du cou de ma Saamcheddine, oh ! Corps vêtu de narcisse

et de rose, ah ! Flancs gonflés dans la sécurité, oh ! Flancs de nacre de ma Saamcheddine, ah ! Ton avis sur ce poème ?

LA PRINCESSE, tristement.Allah conseille le silence à l’oiseau guetté de la flèche.

MÂROUFPourquoi ce chagrin ?

LA PRINCESSEÔ ma calamité ! Ô mon bonheur en fuite !

MÂROUFQuel danger sur notre tête ? Parle, ô ensoleillée !

LA PRINCESSEÔ mon époux, sache que le vizir, ce chien, a conçu de graves soupçons au sujet de la caravane.

MÂROUF, indigné.Par Allah sur moi !

LA PRINCESSEMoi, j’ai fait un mensonge afin de le confondre. (Timide) Mais ne peux-tu me dire à quelle date elle viendra, ô chéri de l’épouse, ô unique clarté du monde ?

MÂROUFÀ quelle date ?

LA PRINCESSEÀ peu près, ô palmier, dont je suis la palme pendante.

MÂROUF, se levant joyeux.Pourquoi tant de façons pour une demande si simple ? Ma caravane ?...

(Éclat de rire.) Mille chameaux chargés d’étoffes ?

(Éclat de rire.) Quatorze-cents mulets avec leurs muletiers ?

(Éclat de rire.) Ma caravane ! rassure-toi, doux fruit d’amour, car je ne pense pas qu’elle arrive jamais.

LA PRINCESSEQue dis-tu ?

MÂROUFMais, je n’ai rien, ni caravane, ni ballots, ni marchandises, pas même une pièce de cuivre.

(Il éclate de rire.) Ma joie est une grande joie, et ton père un excellent père !

LA PRINCESSEÔ terreur !... Ô épouvante !... Quelle est cette aventure ?

MÂROUF, riant.Ô joyeuse aventure !... J’étais un savetier dans la ville du Caire, accablé d’une noire épouse… Oh ! fuir la calamiteuse… Une felouque à Damiette, je m’embarque… Inshallah ! Tout à coup la tempête ! Je suis jeté sur un rivage… Un homme m’accueille et m’embrasse : c’est Ali, compagnon

d’enfance !... Il me présente à ses amis comme un grand marchand étranger, et ton père, passant par là, me fait le cadeau de ta chair exquise, et moi, je veux me réjouir de toi, jusqu’à l’arrivée de ma caravane.

LA PRINCESSE, éclatant de rire.Qui n’arrivera jamais !...

MÂROUFJamais, sois sans crainte.

LA PRINCESSE, riant.Et le trésor est vide !...

MÂROUF, riant.Vide, à la limite du vide.(Ils rient comme des fous. Mârouf cesse le premier et prend un air triste.)

MÂROUFYa oueïli ! Ya oueïli !

LA PRINCESSE, riant encore.Pourquoi cette tristesse ?

MÂROUFPendant quarante jours, j’aurai rêvé d’un corps, ton corps, plus beau que celui des houris, et j’aurai rêvé d’un amour, plus rafraîchissant que la source à l’ombre, ton amour… et je vais être empalé, quand ton père saura tout. Ya oueïli !

LA PRINCESSE, qui ne rit plus.Qui le lui dira, ô mon maître ?

MÂROUFÔ ma maîtresse, toi, sans doute.

LA PRINCESSEMârouf, il n’est pas de richesse que je te préfère. Devrait-il me tuer, je ne dirai rien à mon père.

(Mârouf tombe dans les bras de la princesse et l’embrasse longuement.)

LA PRINCESSE, se dégage, prise de terreur.Ô mon époux, je tremble pour ta vie. Prends la fuite au plus tôt. Allah s’occupera du retour. Le vizir, ton ennemi, a pu surprendre tes aveux. Monte à cheval et disparais.(Ayant soulevé un rideau, elle regarde au dehors avec inquiétude.)

MÂROUF, tristement.Ô tristesse de l’absence ! M’enfuir tout seul ?... Non ma maîtresse. L’abeille ivre de suc se laisse tuer dans la fleur.

LA PRINCESSEOh va-t’en, par pitié !

MÂROUFSans toi ?

LA PRINCESSEMoi ?

MÂROUFCrains-tu la pauvreté ?

LA PRINCESSEJe ne crains que ta perte.

MÂROUF, suppliant.Eh bien ?... eh bien ?...

LA PRINCESSE, qui a pris une décision.Commande deux chevaux.

MÂROUF, joyeux.Tu m’accompagnes ?

LA PRINCESSE, souriante.Je t’accompagne.(Elle sort.)

MÂROUF, dans un cri de joie.Mashallah ! (Il appelle à tue-tête.) Mamelouk ! ô sourd, ô paresseux ! mamelouk ! (Un mamelouk paraît.) Ô mamelouk, la vie est un jardin de fleurs. Prends cette bourse et selle deux chevaux. (Le mamelouk sort.) Deux… deux chevaux. (Mârouf, sur la pointe des pieds, va vers la porte par laquelle est sortie la princesse.) Sois sans crainte, ô mon épouse. Je ne veux point regarder par la fente du rideau (Il fait glisser le rideau et le spectacle qui lui apparaît lui fait ouvrir de grands yeux stupéfaits.) Ô mon étonnement ! Ô la malice des épouses ! (Il recule en éclatant de rire) Ô le bon tour à l’oncle le Sultan ! Ya Allah ! Et le bonnet !... Ô dilatement de ma rate ! Les bottes ! ya Allah, les bottes !... Le Très-Haut seul est plus subtil que la subtilité des femmes.

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(On entend les rires de la princesse.) Je n’avais point prévu ce compagnon de fuite ! (La princesse, déguisée en jeune garçon, entre pour tomber dans les bras de Mârouf. Ils s’embrassent en riant. Soudain Mârouf, ayant entendu un pas, se dégage. Paraît le mamelouk.)MÂROUF, d’un ton dégagé, à la princesse.Ô mon frère, venu de la ville natale, allons nous réjouir d’un galop dans la plaine.(Ils passent devant le mamelouk impassible dans son attitude militaire, mais dont les yeux se fixent sur la princesse. Arrivés à la porte, Mârouf et la princesse se sauvent en riant et disparaissent.)

SCÈNE 6Le mamelouk pousse un « oh ! » d’admiration puis il fait des signes aux autres mamalik qui accourent. Ceux-ci, ayant vu la Princesse, laissent tomber leurs lances et lèvent les bras au ciel.

1er MAMELOUKÔ beauté de l’adolescent !

2e MAMELOUKÔ sa taille comme un fil !

1er MAMELOUKÔ son visage de gloire !

2e MAMELOUKÔ son corps, béni du Très-Haut !

TOUSYa Allah ! Ya Allah !(On entend passer deux chevaux.)

ACTE VUne plaine aux environs de Khaïtan. Un champ labouré, une misérable hutte. À l’horizon, une pyramide, des sphinx.

SCÈNE 1LE FELLAH, seul, air misérable, labourant en compagnie d’un âne étique et chantant.Aliyah ! … Louange au Très-Haut pour ton corps… (Parlé, à son âne) Harrha, Harrha ! … pour ton corps fin partout où la finesse convient, abondant aux endroits où l’abondance est délectable… (parlé)

Courage, ô camarade de misère !… délectable. Ton sein gauche est si beau, délicat et farci que je m’étonne, Aliyah, qu’Allah ait réussi…

(parlé)Je te saurai gré de ce coup d’épaule… qu’Allah ait réussi à faire l’autre tout semblable…(parlé) Harrha, harrha !… Mais tout est possible au Très Haut ! …(parlé) Harrha !…Je serai discret sur vous, ô montagnes frémissantes…(parlé) Chaude est la journée entre les journées. (À l’âne) Hô là, hô ! (L’âne s’arrête, le Fellah le laisse au milieu du champ et va cueillir une orange)Qu’Allah bénisse ta sueur, bête de bonne volonté. (Il cueille une orange. Il s’assied et la mange. Parlé) Ô Fraîcheur dans le gosier !… Mais lorsque tu t’assieds sur le sol le plus dur, le Khalifat sur son trône moelleux… (À l’âne qui veut se remettre en marche.)Ho, là hô ! … est moins bien assis que toi,…(Il suce l’orange puis la jette)Aliyah…(Il se lève, va à sa hutte en disant à son âne :) Ami, je vais puiser de l’eau pour ton honnête intérieur !(Il prend un seau)

Ô finesse et abondance, ô seins égaux, ô montagnes frémissantes de mon Aliyah. (Il disparaît et on entend sa voix qui s’éloigne.) Aliyah, Aliyah…

SCÈNE 2LA PRINCESSE, déguisée en garçon, courant et riant.Ô ma calamité ! Ô l’éternel embrasseur.(Mârouf, riant aussi, la rattrape pour l’embrasser.)

MÂROUFAdolescent à la hanche sublime !

LA PRINCESSE,montrant l’âne.Ô ma pudeur, on nous regarde.

MÂROUF, riant.Ya Allah !... Ce n’est point un fils d’Adam.

LA PRINCESSE, examinant la hutte.Ce vieux gourbi me rappelle ma soif.

MÂROUFÀ moi, ma faim.

LA PRINCESSE, jetant un coup d’œil à l’intérieur.Vide… Le maître de la maison ?

LA VOIX DU FELLAHAliyah !

MÂROUFLe voici !

LE FELLAH :Aliyah !

MÂROUF, aimable.Le salam sur toi, ô cheikh.

LE FELLAHEt sur toi le salam, la miséricorde d’Allah, ses bénédictions.

MÂROUFEst-ce là ton logis ?

LE FELLAHNon, mon maître, c’est le tien, car tu me feras la grâce de descendre sous mon toit.

LA PRINCESSEHélas ! tu n’as rien chez toi pour deux hôtes affamés.

LE FELLAH, à la Princesse.Ô visage de lait, ô jeune homme à la si belle tournure, je te contenterai, si tu n’as nul mépris pour le repas du pauvre.

MÂROUFFrère d’infortune, épargne ton bien… Je vais monter à cheval…

LE FELLAHNon ! par le prophète béni.

TOUS LES TROISSur Lui la prière et la paix.

LE FELLAHJe suis ton serviteur, et nul ne sait mieux que ton serviteur accommoder des lentilles à l’huile.(Il disparaît dans la hutte.)

SCÈNE 3MÂROUFPendant ce temps, ô généreux, je labourerai ton champ à ta place.

LA PRINCESSEQuelle hutte misérable !

MÂROUFMon échoppe du Caire était presque aussi pauvre.

LA PRINCESSEOh l’écuelle !...

MÂROUFJe mangeais dans une écuelle toute semblable à celle-ci. Et j’avais une épouse… (Il se tait, songeant avec mélancolie, puis il regarde la princesse.)

Chassons les mauvaises pensées.(Il va à l’âne et dit à la princesse en imitant le Fellah.)

Ô visage de lait, jeune homme à la si belle tournure, tu cueilles des fleurs ainsi qu’une femme.(Il commence à labourer.)

LA PRINCESSEVeux-tu que je te conte une histoire instructive ?

MÂROUFLaquelle, ô ma maîtresse ?(À l’âne, parlé.)

Hardi, ô courageux.(Elle s’assied et songe, son bouquet sur les genoux.)

LA PRINCESSEL’histoire de la princesse, épouse du savetier.

MÂROUF, les yeux humides de reconnaissance.La belle histoire ! (À l’âne, parlé)

Hardi…

LA PRINCESSEIls s’enfuirent tous deux du palais paternel et devinrent deux fellahs, vivant dans la paix et l’amour.

MÂROUFEt l’amour… (À l’âne qui, malgré ses efforts, ne peut pas faire avancer la charrue.)

Harrha, harrha.

LA PRINCESSEL’époux labourait le champ. La princesse cueillait des fleurs, ou chantait des vers à l’époux, ou lui préparait son repas… Leur bonheur ne finit qu’avec la mort inévitable.(Mârouf s’est penché sur le soc de la charrue, et enlève la terre qui est autour.)

MÂROUF, dans un cri.Ya Allah ! Un anneau !

LA PRINCESSE, courant à lui.Un anneau ?

MÂROUFDans lequel s’était pris le soc de la charrue… Une dalle !

LA PRINCESSECreuse la terre, ô mon époux, car elle n’est peut-être pas finie l’histoire de la princesse, épouse du savetier.

MÂROUF, qui a soulevé la dalle après des efforts considérables.Un escalier !

LA PRINCESSE, dans un cri de joie.Elle n’est pas finie !(Elle veut s’aventurer dans le trou béant mais Mârouf épouvanté la retient.)

MÂROUFQue fais-tu ?

LA PRINCESSEJe vais voir ce qu’Allah nous a réservé dans ce souterrain.

MÂROUFReste, j’ai peur pour tes jours.

LA PRINCESSEAlors, descends toi-même.

MÂROUF, hésitant.Moi ?... dans ce trou ?

LA PRINCESSEHâte-toi.

MÂROUFLes esprits et les gennis 6

habitent les souterrains.

LA PRINCESSEÔ poltron, les formules sacrées éloignent les gennis.

MÂROUF, se décidant à contrecœur à engager

6 Les djinns.

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une jambe dans le trou.Allahou Akbar !... ô l’imprudence des femmes… Aschadou inna Mohammad…(On entend dans la hutte la voix du fellah chantant : Aliyah.)

MÂROUF, sortant du trou.Le fellah !

LA PRINCESSEReferme le trou… si c’était un trésor…

MÂROUFIl faudrait partager… Ô ! la malice des épouses !

SCÈNE 4Le fellah apporte une marmite et achève la préparation du repas, le dos tourné et chantonnant. La princesse s’est placée devant le trou pour lui en cacher la vue.

LE FELLAHSur le sol le plus dur…

LA PRINCESSE, bas, à Mârouf.Eh bien ? Remets la dalle.

LE FELLAH… le khalifat sur son trône moelleux…

MÂROUF, qui fait des efforts surhumains, bas, à la princesse.Je ne puis. Elle est devenue plus lourde que tous les péchés des hommes.

LE FELLAH…est moins bien assis que toi…

LA PRINCESSE, au fellah, aimable.Quelle odeur, ô mon maître !

LE FELLAH, sans se retourner.… Aliyah !...

LE PRINCESSE, bas, à Mârouf.Qu’Allah durcisse tes bras… Encore un effort.(Mârouf fait un dernier effort et arrache l’anneau de la dalle.)

MÂROUF, bas, à la princesse.L’anneau, rongé par la rouille…

LA PRINCESSEL’anneau ?...

MÂROUF… s’est brisé. (Le lui passant.) Regarde(Pendant qu’elle examine l’anneau, il s’adresse au fellah.)Ô ! mon maître, quel parfum !...

LE FELLAH, toujours de dos.Aliyah…

LA PRINCESSE, bas.C’est un anneau de fer sans ornement ni ciselure où sont gravés des caractères que la poussière rend illisibles.(Elle le frotte contre son vêtement.)

LE FELLAH, se retournant brusquement et d’une voix toute changée.Me voici.

(Le fellah a complètement changé d’aspect. Il est merveilleusement jeune et puissant. Ses bras écartés développent la doublure étincelante de son manteau. Une lumière prodigieuse l’éclaire. Il est majestueux, surnaturel et souriant.)MÂROUFYa Allah !

LA PRINCESSEUn genni !

LE FELLAH-GENNIÔ Mârouf, tu voulus me jouer un tour en m’écartant du bénéfice. Mais n’es-tu pas un homme ?

MÂROUFS’il te faut, ô genni, la tête d’un coupable, que la mienne te suffise.

LE GENNIQue parles-tu de mort ! Cet escalier descend vers le trésor de Sheddad, fils d’Aad, et moi je suis le gardien du trésor et l’esclave de l’anneau que ton épouse a dans la main. Commande, j’obéirai. Je puis tout faire, étant le chef suprême de douze-cents tribus d’efrits.

MÂROUFM’obéir, à moi si chétif, toi, si puissant ?

LE GENNIAllah l’a décidé. Forme un vœu, j’attends tes ordres.

MÂROUF, cherchant en vain.

Un vœu ?... Un vœu ?...

LE GENNI, indulgent.Homme de peu de jugement… Que dirais-tu d’une caravane ?

LA PRINCESSE, illuminée.Ta caravane !

LE GENNI, ironie sympathique.Mille chameaux chargés d’étoffes…

MÂROUF, comprenant.Marchant sous les bâtons de mes caravaniers…

LA PRINCESSEQuatorze cents mulets…

MÂROUFAvec leurs muletiers…

LE GENNIPortant les diamants…

MÂROUFLes rubis…

LA PRINCESSELes saphirs…

MÂROUFMa caravane !

LE GENNIÀ moi, les petits !(À cet appel, une rumeur sourde va grossissant et le genni commence à disparaître, s’enfonçant dans le sol.)

LA PRINCESSE, au genni.Créature de mon Seigneur, n’oublie pas…

MÂROUFDans ma caravane…

LA PRINCESSECent chamelles…

MÂROUFPortant les sacs…

LA PRINCESSEDe pièces d’or…

MÂROUFEt mille méharistes…

LA PRINCESSELes encadrant…

MÂROUFLa lance au poing.

LE GENNI, dont on n’aperçoit plus que la tête.Ouassalam.(Il disparaît. Du trou émergent des nains que Mârouf et la Princesse regardent avec ravissement.)

SCÈNE 5MÂROUFÔ Saamcheddine !...

LA PRINCESSEÔ Mârouf, l’admirable aventure !...

MÂROUFRemerciements à Sheddad, fils d’Aad, pour le magnifique trésor.

LA PRINCESSEÔ la stupeur d’Ali, l’ami d’enfance, quand tu rentreras dans la gloire !

MÂROUFEt ton père, l’excellent père, qui, depuis notre fuite, doute peut-être de ma caravane !

LA PRINCESSE, aux nains.Hardi, petits, hâtez-vous, car mon père affligé m’attend dans son palais, pleurant sa fille enfuie avec l’époux. Courez sur vos jambes tordues, chargez de diamants vos petites épaules, afin que le retour illumine ses yeux.(Une multitude de nains sortent, transportant le trésor de Sheddad. Mârouf et la Princesse les excitent des gestes et de la voix)

MÂROUF ET LA PRINCESSEHardi, petits, hâtez-vous !(Le soir tombe, les nains commencent à regagner leur repaire car ils entendent le bruit d’une troupe à cheval qui se rapproche.)

LA PRINCESSEÉcoute… des chevaux !

MÂROUFDéjà ma caravane ?

LA PRINCESSEDes lueurs de torches là-bas… là-bas…

MÂROUFCe sont mes pièces d’or

qui brillent dans la nuit.

LA PRINCESSECes cavaliers ?

MÂROUFMes mamalik, beaux comme des lunes…

LA PRINCESSEMârouf ! Mârouf ! fuyons, j’ai peur !

MÂROUFÔ ! le nez du vizir, ce chien, qui s’allongera jusqu’au sol.(À peine le dernier nain a-t-il disparu qu’entrent des mamalik portant des torches. À leur tête se trouve le Vizir qui fait un signe. Les mamalik s’emparent de la princesse.)

SCÈNE 6LA PRINCESSEMârouf !

MÂROUFSaamcheddine !(Sur un signe du Vizir, les mamalik s’emparent de Mârouf, lui ôtent son turban, lui attachent les mains derrière le dos, et l’ayant mis à genoux, lui placent la tête sur un billot.)

LE VIZIR, aux mamalik.Que l’on amène aussi son complice, cause du mal.

(Entre Ali ligoté, que l’on place à côté de Mârouf. Entre le Sultan.)

LE VIZIR, au Sultan.Roi, que t’avais-je dit ?(Lui montrant les deux condamnés.)

Voici les deux fourbes.

ALI, reconnaissant Mârouf.Ô Mârouf ! ô pauvre !

MÂROUF, serein.Louanges au Très- Haut qui réunit les amis.

LE SULTANMa colère n’attendra pas !

LA PRINCESSE, suppliante.Ô mon père !...

LE SULTAN, menaçant.Quant à toi !...

ALI, gémissant.Il n’est de recours qu’en Allah.

MÂROUFPourquoi gémir, ô mon frère ? Je l’entends approcher.

ALIQuoi ? Qu’entends-tu ?

MÂROUFMa caravane.

ALIÔ fou !

MÂROUFElle approche…

LA PRINCESSE, au Sultan.Ô mon père, s’il est vrai que je suis la plus chérie de tes filles, pardonne à l’époux aimé.

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LE VIZIR, ironique, au Sultan.Et la caravane ?... Où est-elle ?

MÂROUFElle va traverser le gué qui se trouve à cent pas d’ici.

ALITa caravane ?... Oublies-tu que c’est nous qui l’avons inventée ?

MÂROUFDéjà les chameaux, qui ouvrent la marche, ont les pieds dans l’eau.

ALI, gémissant.Ya oueïli !

LA PRINCESSEIl est plus doux à mon cœur, ô mon père, que l’ombre douce du palmier et la fraîcheur de la source, si douce au cœur du bédouin altéré.

LE VIZIR, au Sultan.Et le trésor à vide ?

LE SULTAN, se décidant, avec violenceQue l’on fasse voler leurs têtes !

(On commence à entendre le bruit d’une caravane, sonnettes, chansons de muletiers, etc.)ALINos destins sont écrits sur le livre d’Allah.

(Un mamelouk tire son sabre et fait les préparatifs de l’exécution. Pendant ce temps, rumeur

parmi les mamalik : « Une caravane, une caravane… »)

LE VIZIR, inquiet.Une caravane ?

LA PRINCESSE, ravie.Une caravane ?

LE SULTAN, à Mârouf.Serait-ce la tienne, ô mon gendre ?

MÂROUF, pendant que les premiers chameaux traversent la scène.Au Sultan de Khaïtân, je donnerai, pour cadeau, trente sacs de pierreries, quand viendra ma caravane.

LE VIZIR, aux hommes de la caravane.Ô caravaniers, vers quelle ville allez-vous ?

LES CARAVANIERS Khaïtan, Khaïtan, Khaïtan.

LE SULTAN, au mamelouk.Suspend ton bras, mamelouk.

ALINon, frappe, ami, l’espoir est vain.

LE VIZIR, au Sultan.Qui te dit qu’elle appartienne à ton gendre ?

LE SULTAN, aux caravaniers.Le nom de votre maître ?

LES CARAVANIERS Mârouf, Mârouf, Mârouf.

LE SULTANYa Allah ! Délivrez ces hommes de bien.

ALI, délivré, aux caravaniers.Hommes, pourquoi mentez-vous ? Le nom de votre vrai maître ?

LES CARAVANIERSMârouf, Mârouf, Mârouf.

LE SULTAN, à Mârouf, qu’il a lui-même délivré, sur un ton confus et respectueux.Pardonne à l’ignorance, ô mon gendre si riche !

ALI, à Mârouf, respectueusement. Ô ! le plus grand marchand du monde, pourquoi m’as-tu trompé, en me cachant tant de richesses ?...

(Mârouf accepte les hommages sans modestie.)

LE VIZIR, à Mârouf.Ô mon maître, pardonne à l’ignorance.

LE SULTANÔ calomniateur, je veux te faire empaler.

MÂROUFDonnez-lui sur le dos cent coups de vos matraques, et cela sera suffisant.

(Les mamalik entraînent le Vizir vers le fond et le frappent régulièrement tandis que la caravane continue de défiler.)

TOUSGloire au Tout-Puissant ! le seul vivant, le Maître du monde, le Généreux, le Créateur du jour et de la nuit. Allah ! Allah ! Allah !

FIN

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MARC MINKOWSKIDIRECTION MUSICALEMarc Minkowski fonde à 19 ans Les Musiciens du Louvre et dirige depuis lors un large répertoire, à la tête des Musiciens du Louvre comme à l’invitation de théâtres et de festivals lyriques. À Paris il a dirigé La Dame blanche, Pelléas et Mélisande, Cendrillon, La Chauve-Souris (Opéra Comique) ; Platée, Idomeneo, La Flûte enchantée, Ariodante, Giulio Cesare, Iphigénie en Tauride, Mireille, Alceste (Opéra) ; La Belle Hélène, La Grande-duchesse de Gérolstein, Carmen, Les Fées (Châtelet). Il est invité au Festival de Salzbourg (L’Enlèvement au sérail, Mitridate, Così fan tutte, Lucio Silla, Die Fledermaus), à la Monnaie de Bruxelles (La Cenerentola, Don Quichotte, Les Huguenots, Le Trouvère), à Zurich (Il Trionfo del Tempo, Giulio Cesare, Agrippina, Les Boréades, Fidelio, La Favorite), à Venise (Le Domino noir d’Auber), à

Moscou (Pelléas et Mélisande), à Berlin (Robert le Diable, Il Trionfo del Tempo), à Amsterdam (Roméo et Juliette, Iphigénie en Aulide, Iphigénie en Tauride, Faust de Gounod), à Vienne (Hamlet, Der fliegende Holländer au Theater an der Wien ; Alcina et Armide au Staatsoper), au Festival d’Aix-en-Provence (Le Couronnement de Poppée, Les Noces de Figaro, L’Enlèvement au sérail, Idomeneo, Don Giovanni, Le Turc en Italie), à Covent Garden (Idomeneo, La Traviata), à La Scala (Lucio Silla), à l’Opéra Royal de Versailles (Don Giovanni), au San Francisco Opera (Don Giovanni), au Festival de Drottningholm (Trilogie Mozart-Da Ponte). Il est également l’invité régulier d’orchestres symphoniques avec lesquels son répertoire évolue vers les XIXe et XXe siècles. Directeur artistique de la Mozartwoche de Salzbourg de 2013 à 2017, il est depuis 2016 Directeur Général de l’Opéra National de Bordeaux.

JÉRÔME DESCHAMPSMISE EN SCÈNEAprès l’École de la Rue Blanche puis le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, Jérôme Deschamps entre pour trois ans à la Comédie Française. Antoine Vitez le met en scène à plusieurs reprises dans Claudel, Vinaver… En 1978, il met en scène Blanche Alicata et La Famille Deschiens au Théâtre des Quartiers d’Ivry, puis fonde avec Macha Makeïeff la compagnie qu’ils dirigent ensemble. Acteur dans ses propres spectacles (Les Précieuses ridicules…), on le retrouve au cinéma sous la direction de Christian Vincent, Roger Kahane, Pavel Lounguine… Au théâtre, il crée avec Macha Makeïeff plus de 20 spectacles en France et à l’étranger (La Veillée, C’est Magnifique, Les Petits Pas, Lapin-Chasseur, Les Etourdis, Les Frères Zénith…), et à l’opéra Les Brigands (Opéra, reprise Opéra Comique), L’Enlèvement au Sérail

(Festival d’Aix-en-Provence), Mahagonny (Opéra de Vienne). Pour la télévision, il crée avec Macha Makeïeff la série-culte des Deschiens. Au Centre National du Cinéma, il préside en 1996 et 1997 la Commission de l’Avance sur recettes dont il a initié la réforme. En 2001, il fonde avec Sophie Tatischeff et Macha Makeïeff « Les Films de mon Oncle », pour le rayonnement et la restauration de l’œuvre de Jacques Tati. En 2013, il achève de faire restaurer l’ensemble du catalogue de Jacques Tati. De 2007 à 2015, il dirige l’Opéra Comique auquel il redonne un rayonnement international et une identité fondée sur son répertoire historique, y créant en 2012 l’Académie de l’Opéra Comique. Il y met en scène Fra Diavolo d’Auber, Les Boulingrin de Georges Aperghis, Mârouf savetier du Caire ainsi que Les Mousquetaires au couvent de Varney. Au théâtre, il met en scène

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BIOGRAPHIES

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Vingt-Six de Courteline, L’Affaire de la Rue de Lourcine de Labiche, La Méchante vie d’après Henri Monnier, Un Fil à la patte de Georges Feydeau, et avec Macha Makeïeff Salle des Fêtes. En 2016, il crée sa compagnie, La Compagnie Jérôme Deschamps, dont le premier spectacle, une adaptation du roman de Flaubert Bouvard et Pécuchet, est actuellement en tournée.

OLIVIA FERCIONIDÉCORSNée à Milan, Olivia Fercioni est diplômée de l’Académie de Beaux-Arts de Brera à Milan. Pour Jérôme Deschamps, elle signe les décors de Mahagonny au Wiener Staatsoper et de Mârouf à l’Opéra Comique. En 2015, elle conçoit les décors de Non ti pago de Eduardo De Filippo dans la mise en scène de son fils Luca De Filippo, pour une tournée en Italie. Cela lui donne l’occasion de travailler avec son père

Gian Maurizio Fercioni. Elle travaille également dans la décoration d’intérieur, l’aménagement d’espace d’exposition, et conçoit décors et costumes pour des manifestations, publicités et courts-métrages. Elle est aussi artiste-tatoueur chez Queequeg Tattoo Studio, et a dessiné et publié un livre illustré (Un sogno a metà, éditions ilmiolibro.it) En 2017, elle fait pour la Scala de Milan les décors et les costumes de La Gazza Ladra mise en scène par Gabriele Salvatores.

VANESSA SANNINO COSTUMESNée à Milan, Vanessa Sannino étudie la scénographie et le costume à l’Accademia di Belle Arti de Brera, puis à l’Accademia del Teatro alla Scala, tout en pratiquant la peinture. En 2008, elle signe scénographie et costumes d’une première Carmen et de Madama Butterfly. En 2009, elle rejoint Emma Dante sur Carmen, spectacle d’ouverture de la saison

de La Scala. Ses costumes d’Un Fil à la patte (mise en scène Jérôme Deschamps) à la Comédie-Française en 2010 lui valent une nomination aux Molières. S’en suivent des réalisations pour le Staatsoper de Vienne, l’Opéra Comique (Le Domino noir en 2018), le Teatro Massimo de Palerme, l’Opéra national de Bordeaux, l’Opéra de Lausanne, le Teatro Petruzzelli de Bari, le Teatro Massimo de Palerme, l’Opéra de Rome, le Teatro Comunale de Bologna, le Grand Théâtre de Genève, l’Opéra Royal de Wallonie, l’Opéra national de Montpellier, l’Opera Festival della Valle d’Itria, le Teatro Greco de Siracusa... Depuis 2015, elle collabore avec Rémi Boissy et signe scénographies et costumes de la Compagnie Fearless Rabbits.

MARIE-CHRISTINE SOMALUMIÈRESAprès des études de philosophie et de lettres classiques,

Marie- Christine Soma se tourne vers le métier de la lumière notamment grâce à la rencontre d’Henri Alekan. Au fil des années, elle crée des lumières pour Marie Vayssière, François Rancillac, Alain Milianti, Jean-Paul Delore, Michel Cerda, Éric Vigner, Arthur Nauzyciel, Catherine Diverrès, Marie-Louise Bischofberger, Jean-Claude Gallotta, Jacques Vincey, Frédéric Fisbach, Niels Arestrup, Éléonore Weber, Alain Ollivier, Laurent Gutmann, Daniel Larrieu, Alain Béhar, Jérôme Deschamps, Salia Sanou… En 2001, elle débute une collaboration avec Daniel Jeanneteau. À partir de 2008, ils signent ensemble des mises en scène : L’Affaire de la rue de Lourcine, Feux, Ciseaux, papier, Trafic. En 2010, elle adapte et met en scène Les Vagues à Vitry puis à la Colline où elle est artiste associée. Elle travaille avec Thomas Ostermeier (Les Revenants, Bella Figura, La Mouette).

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Ces dernières années, elle crée les lumières d’Innocence (Comédie Française), Andreas et Trilogie du Revoir (Festival d’Avignon), La Règle du jeu (Comédie Française), Der Zwerg (Opéra de Lille), et monte La Pomme dans le noir (Maison de la Culture de Bobigny). Depuis 2016, elle est Professeure associée en Arts du Spectacle à l’Université Paris 10-Nanterre.

FRANCK CHARTIER (PEEPING TOM)CHORÉGRAPHIE

Franck Chartier étudie la danse classique au Rosella Hightower à Cannes. Il rejoint le Ballet du XXe siècle de Maurice Béjart puis travaille avec Angelin Preljocaj et danse dans Le Spectre de la rose à l’Opéra de Paris. En 1994, il s’installe à Bruxelles. Il danse dans la pièce Kinok (1994) de Rosas, puis travaille avec Ine Wichterich et Anne Mouselet, et dans des productions

de la Needcompany (Tres, 1995) et des Ballets C de la B : La Tristeza Complice (1997), Iets op Bach (1997) et Wolf (2002). En 2013, il crée 33 rue Vandenbranden à l’Opéra de Göteborg. La même année, il crée la chorégraphie de Marouf à l’Opéra Comique. Avec le Nederlands Dans Theater, il réalise The lost room, suite de The missing door de Gabriela Carrizo (2013), et remporte un prestigieux ‘Zwaan 2016’. En 2017, il a présenté sa 2e pièce courte avec NDT, The hidden floor, qui compose avec les deux titres précédents la trilogie Adrift. Avec Gabriela Carrizo, il est co-directeur artistique de Peeping Tom depuis la fondation de la compagnie en 2000.

JEAN-SÉBASTIEN BOUBARYTONMÂROUF Jean-Sébastien Bou fait ses débuts dans le rôle de Pelléas, qu’il a notamment interprété à l’Opéra Comique, au Liceu

de Barcelone, à Moscou... Il s’affirme rapidement dans le répertoire français : Valentin (Faust), Escamillo (Carmen), rôles-titres de Werther, Hamlet... Son répertoire s’étend du baroque (rôle-titre d’Orfeo) au contemporain (créations de Claude de Thierry Escaich à l’Opéra de Lyon, de Charlotte Salomon de Marc-André Dalbavie au Festival de Salzbourg), et chante régulièrement le répertoire italien : Figaro (Il Barbiere di Siviglia), Malatesta (Don Pasquale), Marcello (La Bohème), Sharpless (Madama Butterfly) ; le rôle-titre de Don Giovanni, Don Alfonso (Così fan tutte) et celui d’Eugène Onéguine… À l’Opéra Comique il s’est produit en récitals et a chanté entre autres Henri de Valois (Le Roi malgré lui), Roméo (Roméo et Juliette de Pascal Dusapin), Les Boulingrin (Georges Aperghis), et en 2017 le Prince de Mantoue (Fantasio) puis Raimbaud (Le Comte Ory).

VANNINA SANTONISOPRANOPRINCESSE SAAMCHEDDINE Après le Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, Vannina Santoni débute dans le rôle de Donna Anna (Don Giovanni) en Italie et à Versailles, puis chante Juliette (Roméo et Juliette), Suor Angelica et Lauretta du Trittico, Donna Anna à l’Opéra de Cologne, et le rôle-titre de Manon à Monte-Carlo. Elle interprétera prochainement la Traviata (rôle-titre) au Théâtre des Champs-Élysées avant d’aborder Nanetta (Falstaff) à Monte-Carlo et Pamina (Die Zauberflöte) à l’Opéra de Paris, puis Antonia (Les Contes d’Hoffmann) à Lausanne, la Contessa (Le Nozze di Figaro) au TCE, Adina (L’Elisir d’Amore) au Théâtre du Capitole à Toulouse… À l’Opéra Comique elle s’est produite dans Un dîner avec Jacques (Musée d’Orsay, 2016) et sera, après Saamcheddine, Agnès dans La Nonne Sanglante en juin 2018.

JEAN TEITGENBASSELE SULTAN Formé au CNSM de Paris, Jean Teitgen chante un vaste répertoire qui s’étend du baroque (Lully, Rameau, Monteverdi…) à la musique du XXe siècle (Britten, Prokofiev, Berg, Enesco, Stravinsky…), en passant par le grand opéra italien (Puccini, Rossini, Donizetti, Verdi…) ainsi que l’opéra et l’opéra-comique français (Arkel dans Pelléas et Mélisande, Abimelech dans Samson et Dalila, Frère Laurent dans Roméo et Juliette, Nourabad dans Les Pêcheurs de perles, Scaurus dans Les Barbares de Saint-Saëns…). Il se produit au Theater an der Wien, à La Monnaie de Bruxelles, au Grand Théâtre de Genève, au Teatro Real, à Bergen, Utrecht, Dublin, Luxembourg, Lausanne, Liège, à Covent Garden, au Maggio Musicale Fiorentino… En France, il se produit dans les opéras de Versailles, Avignon, Toulouse, Nantes, Marseille, Nice, Nancy,

Strasbourg, aux Chorégies d’Orange, au Théâtre des Champs-Élysées, sous la direction de chefs tels que M. Plasson, H. Niquet, C. Rousset, L. Langrée, L. Hussain, E. Pidò, A. Pappano, M. Franck… À l’Opéra Comique, il a chanté dans La Muette de Portici et plus récemment Monsieur Beaucaire (Maison de la Radio, 2016).

FRANCK LEGUÉRINELBARYTONLE VIZIRAprès des études au CNSM de Paris et à l’École d’Art Lyrique de l’Opéra de Paris, Franck Leguérinel débute à l’Opéra de Nantes dans La Finta Giardiniera. Par la suite il est invité à l’Opéra de Paris dans Carmen, La Bohème, Manon, L’Enfant et les Sortilèges, Platée, Giulio Cesare, La Flûte Enchantée (rôle de Papageno). Il se produit dans les rôles mozartiens et belcantistes et s’affirme dans le répertoire français. Il est l’invité des Chorégies d’Orange, du Festival

de Salzbourg, du Festival Haendel de Halle, de l’Opéra des Flandres, du Grand Théâtre de Genève, de l’Opéra de Montpellier… Plus récemment, il interprète Jupiter (Orphée aux Enfers) à l’Opéra de Lorraine, Don Magnifico (Cenerentola) à l’Opéra de Tours, Géronte (Le Médecin Malgré Lui) au Grand Théâtre de Genève, Mirko (Die Lustige Witwe) à l’Opéra de Paris. Il sera prochainement à l’Opéra National de Lorraine pour La Belle Hélène. À l’Opéra Comique il a chanté entre autres Fritelli (Le Roi Malgré Lui), Pietro (Les Brigands), Frank (Die Fledermaus), l’Abbé Bridaine (Les Mousquetaires au Couvent), le Roi (Fantasio, Théâtre du Châtelet).

LIONEL PEINTRE BARYTONALILionel Peintre partage ses activités entre l’opéra, l’opérette, le concert et la musique contemporaine. Il se produit à l’Opéra de Paris, au Capitole de Toulouse,

à l’Opéra national du Rhin, au Grand Théâtre de Genève, au Théâtre des Champs-Élysées, à l’Opéra de Tel Aviv, à l’Opéra Royal de Wallonie, à l’Opéra de Flandre, à l’Opéra National de Lyon, aux Chorégies d’Orange, sous la direction entre autres de Michel Plasson, Myung Wung Chung, Serge Baudo, Jean-Yves Ossonce, Jacques Mercier, Bernhard Kontarsky, Pascal Rophé, Michel Tabachnik. Passionné par la mélodie, il enregistre Jean Cras, Gabriel Dupont, Philippe Gaubert, André Caplet, André Jolivet, la plupart pour le label Timpani à l’Opéra national du Rhin. Parmi les créations, citons en 2006 L’Autre Côté de Bruno Mantovani à l’Opéra national du Rhin, en 2010 Les Boulingrin de Georges Aperghis à l’Opéra Comique, en 2015 le rôle-titre de Giordano Bruno de Francesco Filidei à Strasbourg, Milan et Rome et en 2017 Kein Licht de Philippe Manoury à la RuhrTriennale et à l’Opéra Comique.

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AURÉLIA LEGAYMEZZO-SOPRANO FATTOUMAHAurélia Legay étudie le chant au CNSMDP puis chante sous la direction de William Christie, Jean-Claude Casadesus, Emmanuelle Haïm, Marc Minkowski, Jérôme Corréas, Jean-Claude Malgoire, Raphaël Pichon, etc. aux festivals d’Ambronay, de Porto, sur les scènes des opéras de Lyon, du Rhin, de Nice, de Lille, de Versailles, de Caen, de Toulouse, etc. dans un répertoire qui va de Monterverdi à Poulenc en passant par Marais, Rameau, Mozart (Fiordiligi), Offenbach (Antonia, les rôles-titres d'Hélène et de la Grande duchesse Gérolstein), Gounod (Mireille), Bizet, Puccini (Mimi). À Paris elle se produit au TCE, au Châtelet, à l’Opéra Comique où elle chante dans Vlan dans l’œil et dans Cendrillon de Massenet. Récemment, elle a chanté la Comtesse (Le Nozze di Figaro, Bastia), Les Fêtes de Polymnie (avec le CMBV, Budapest), Junon (Platée,

production Minkowski/Pelly), la Ciesca (Gianni Schicchi, Compiègne et tournée). Parmi ses enregistrements : Herminie de Berlioz (Mahler Chamber Orchestra/M. Minkowski - DGG), des airs d’opéras et mélodies françaises (E. Olivier - collection Jeunes Solistes) ainsi que La Belle Hélène et La Grande duchesse de Gérolstein (CD et DVD).

VALERIO CONTALDOTÉNOR LE FELLAH, PREMIER MARCHANDNé en Italie, Valerio Contaldo étudie la guitare puis le chant au Conservatoire de Lausanne. Très actif au concert comme en scène, il chante sous la direction de M. Corboz, C, Zacharias, T. Koopman, W. Christie, P. Pierlot, S. MacLeod, R. Alessandrini, M. Minkowski, L. Garcia Alarcon, sur les scènes françaises, en Europe (La Fenice entre autres) et dans les grands festivals internationaux (Flandres, Aix, Rheingau, Nantes, Bilbao, Lisbonne,

Lyon, La Roque d’Anthéron, Ambronay, Osterfestival Tirol, Vancouver, La Chaise Dieu, Saint-Denis, etc). Parmi ses récents rôles figurent Landry (Fortunio), Corèbe/Eolo (La Didone), les rôles de ténor dans l’Enfant et les Sortilèges, Ferrando (Così), parmi ses projets Diomède dans La Finta Pazza à l'Opéra de Dijon, le rôle-titre de l'Orfeo avec le Budapest Festival Orchestra (dir. I. Fischer) à Budapest, Vicenza et Genève, Lurcanio dans Ariodante avec les Musiciens du Louvre, la 9e Symphonie de Beethoven avec l'Orchestre Gulbenkian à Lisbonne. À son actif, des enregistrements radiophoniques live (Espace 2, Hessischer Rundfunk 2, Radio Canada) et discographiques pour les labels Sony Classical-Vivarte, K617, Mirare et Claves.

LUC BERTIN-HUGAULTBASSEAHMADTitulaire d’une Maîtrise et d’un Capès de Lettres Classiques (Sorbonne Paris IV), Luc Bertin-Hugault

se forme au CNSMDP et est Révélation Lyrique de l’Adami en 2010. Il chante sous la direction de chefs tels que Sir J.E. Gardiner, Michel Plasson, François-Xavier Roth, Alain Altinoglu, Louis Langrée, Emmanuel Krivine, Luciano Acocella, Olivier Reboul, Guy Condette, Jean-Yves Ossonce, Toby Purser, Sean Edwards, etc. Parmi ses rôles figurent le Bonze (Mme Butterfly), le Mandarin (Turandot), Brander (8 Scènes de Faust), Don Pedro (Béatrice et Bénédict), Sarastro (La Flûte enchantée), Rocco (Fidelio), le Commandeur et Masetto (Don Giovanni), le Don Quichotte de Massenet, Bartolo (Le nozze di Figaro), Seneca (L’Incoronazione di Poppea), Colline (Bohème), Le Bailli (Werther), Nourrabad (Les Pêcheurs de perles), Crespel et Luther (Les Contes d’Hoffmann), etc. À l’Opéra Comique, il a chanté l’Ermite (Le Freischütz) et le Médecin (Pelléas) et sera en juin prochain le Baron de Moldaw (La Nonne sanglante).

YU SHAO TÉNORLE CHEF DES MARINS / UN ÂNIER / PREMIER MUEZZIN / PREMIER HOMME DE POLICEAprès des études au Conservatoire de Shangaï, Yu Shao se perfectionne en France auprès d’Eléonore Jost et de Leontina Vaduva, puis en Belgique auprès de José Van Dam. En 2014, il intègre l’Académie de l’Opéra National de Paris et se produit sur la scène de l’Opéra Bastille (dans Aïda et Lucia di Lammermoor). À Lille il chante le Pilote (der Steurmann, Der Fliegende Holländer) et à l’Opéra Comique Bénédict (Le Timbre d’Argent). Parmi ses projets figurent Il Trovatore (rôle de Ruiz) à l’Opéra Bastille, Tristan und Isolde (rôles du Pâtre et du Marin) à Montpellier, Der Fliegende Holländer (rôle du Steurmann) à Angers, Nantes et Rennes.

JÉRÉMY DUFFAU TÉNOR SECOND MUEZZINFormé au Cours Florent et au CRR de Saint-Maur, Jérémy Duffau intègre les opéras-studios du Rhin puis de Lyon. Il se produit ensuite au TCE, à l’Opéra Comique, à Radio France, dans les opéras du Rhin, de Bordeaux, Saint-Étienne, Toulon, Avignon, Nice, Marseille, Tourcoing ainsi qu’à Helsinki, Bâle, Marrakech, Bologne, dans des répertoires allant de Mozart (Die Zauberflöte, La Finta giardiniera) à Lopez (Le Chanteur de Mexico, La Belle de Cadix) en passant par Verdi (Rigoletto, Nabucco, Macbeth, La Traviata), Puccini (La Bohème), Bizet (Carmen), Tchaïkovski (La Dame de Pique). Il collabore avec O. Py, R. Carsen, M. Martone, D. Gatti, J. Rhorer, M. Minkowski, D. Syrus, etc.

SYDNEY FIERROBARYTON SECOND MAMELOUK- SECOND HOMME DE POLICE

Sydney Fierro débute le chant au sein des Petits Chanteurs à la Croix de Bois et, devenu rapidement soliste, effectue de nombreuses tournées à travers le monde. Encouragé par Robert Massard, il entre au CNSMDP puis se perfectionne avec Margreet Honig et Malcolm Walker. Il aborde un répertoire varié allant de la musique baroque à la musique contemporaine, sous la direction de W. Christie, J. Nelson, K. Masur, L. Equilbey, M. Pascal ou encore E. Haïm et chante à la Philharmonie de Cologne, à l’Auditorium de Montreux, à l’Opéra de Bilbao ou encore au Grand Théâtre d’Aix-en-Provence.

CHŒUR DE L’OPÉRA NATIONAL DE BORDEAUXComposé de 40 artistes permanents, le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux, placé sous la direction de Salvatore Caputo, participe aux spectacles de l’Opéra

National de Bordeaux ainsi qu’aux concerts de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine. Il est en outre invité par de nombreuses maisons d’opéra en France et participe à des festivals tels les Chorégies d’Orange ou le Festival Radio France de Montpellier... Le Chœur donne chaque saison des concerts à Bordeaux, en région et en tournée, des ateliers et des concerts en direction du jeune public.

Sopranos Colette Galtier / Héloise Derache / Séverine Tinet / Maelle Vivares / Mariléna Goia / Yeon-Ja Jung / Isabelle Lacheze / Wha-Jin Lee / Junko Saito

Altos Isabelle Balouki / Sophie Etcheverry / Marina Farbmann / Claire Larcher / Gaëlle Flores / Eugénie Danglade

Ténors Olivier Bekretaoui / Alexis Defranchi / José-Luis Victoria / Pierre Guillou / Nicolas Pasquet / Olivier Schock

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Barytons Jean-Marc Bonicel / Jean-Philippe Fourcade / Laurent Piazza / David Ortega

Basses Jean-Pascal Introvigne / Pascal Wintzner / Simon Solas

Directeur du chœur Salvatore Caputo

Régisseur Céline Da Costa

ORCHESTRE NATIONAL BORDEAUX AQUITAINEHéritier de l’Orchestre de la Société Sainte-Cécile fondé en 1850, l’orchestre devient Orchestre National Bordeaux Aquitaine en 1988 sous la direction d’Alain Lombard. Membre à part entière de l’Opéra National de Bordeaux, l’ONBA propose une vaste saison symphonique à Bordeaux et participe aux festivals que sont la Folle Journée de Nantes, La Roque-d’Anthéron, les Chorégies d’Orange, etc. ainsi qu’à des tournées internationales. Après Kwamé Ryan (2007-2013), l’ONBA est aujourd’hui dirigé

par Paul Daniel. Ils ont initié chez Actes Sud la collection « ONBA live » et enregistré un programme d’airs d’opéras français avec Gaëlle Arquez (2017).

Violons 1 Matthieu Arama / Stéphane Rougier / Renaud Largillier / Angélica Borgel / Tristan Chenevez / Cécile Coppola / Jean-Michel Feuillon / Carole Merino / Jean-Pierre Morel / Agnès Viton

Violons 2 Catherine Fischer / Cécile Rouvière / Fabienne Bancillon / Laurence Escande / Michaël Lavker / Aude Marchand / Yves Soulas / Diem Tran

Altos Cécile Berry / Reiko Ikehata / Geoffroy Gautier / Clémence Guillot / Cyprien Semayne / Marie Steinmetz

Violoncelles Alexis Descharmes / Claire Berlioz / Jean Bataillon / Ghislaine Tortosa

Contrebasses Esther Brayer / Valérie Petite / Marc Brunel

Flûtes Jutta Pulcini / Zorica Milenkovic / Coline Allié

Hautbois Jérôme Simonpoli / Muriel Sarlette / Isabelle Desbats

Clarinettes Sébastien Batut / Sandrine Vasseur / Franck Vaginay

Bassons Bruno Perret / Jean-Paul Maradan

Cors Gilles Balestro / Bernard Doriac / Julien Lucas / Florien Reffay

Trompettes Laurent Malet / Pierre Désolé / David Riva

Trombones Antoine Roccetti / Xavier Rachet / Étienne Serves

Tuba Atsutaro Mizunaka

Timbales Jean-Daniel Lecoq

Percussions Sylvain Borredon / Simon Dutournier / Julien Garcia / Julien Lacrouzade / Ming-Yu Weng

Harpe Iris Torossian

Célesta Sophie Teboul

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LE CONSEIL D’ADMINISTRATIONPRÉSIDENTJean-Yves LarrouturouPRÉSIDENTE D'HONNEURMaryvonne de Saint PulgentMEMBRES DE DROITDirectrice Générale de la Création Artistique (Ministère de la Culture) Régine HatchondoSecrétaire Général (Ministère de la Culture) Hervé BarbaretDirectrice du Budget (Ministère de l’Économie et des Finances) Amélie VerdierPERSONNALITÉS QUALIFIÉES Mercedes Erra  Marie-Claire Janailhac-FritschREPRÉSENTANTS DES SALARIÉS Michaël Dubois Dominique Gingreau

DIRECTIONDirecteur Olivier ManteiSecrétaire Karine BelcariChargée de mission auprès du Directeur Agnès Marandon

ADMINISTRATIONS ET FINANCES Directrice administrative et financière Nathalie Lefèvre

Délégué à la DAF Nicolas HeitzResponsable de la comptabilité Agnès KolteinComptable / régisseur de recettes Patricia AguyAgent comptable Jean Yves Blanc

RESSOURCES HUMAINES Directrice des ressources humaines Myriam Le GrandAdjointe, juriste en droit social Pauline LombardAssistant ressources humaines Aimad HammarResponsable de la paye Marie-Noëlle FigueiredoGestionnaire paye Laure Joly

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL / COMMUNICATION Secrétaire général Gérard DesportesAdjointe en charge de la communication et de la médiation Laure SalefranqueAdjointe en charge du marketing et des partenariats Nathalie MoineChargée de mécénat Clémentine Sourbet-Pennanéac’hChargé de médiation Maxime GueudetRédacteur multimédia David Nové-Josserand

Chargée de communication Juliette Estroumsa Attachée de presse Alice BlochChargées du numérique et de son développement Juliette Tissot-Vidal Emilie LanielChargée d’administration, du protocole et des entreprises Margaux Levavasseur Chef du service des relations avec le public Angelica DogliottiChef adjointe Philomène LoamboLucie Ruffet-TroussardCaissiers Sonia Bonnet Théo Maille Frédéric MancierChef du service de l’accueil Laurence CoupayeChef adjoint Stéphane ThierryOuvreurs/ouvreusesMélissa Arnaud Louis Babronski Selim Bourokba Johanne Bouvier Cécile Bru Sandrine Coupaye Pauline Creuze Séverine Desonnais Alice Duranton Anne Fischer Pauline Fourniat Clémence Gschwindt Nicolas Guetrot

Clémence Heurtebise Youenn Madec Patrick Maitrugue Fiona Morvillier Julien TomasinaContrôleurs Victor Alesi Stefan Brion Pierre Cordier Baptiste GourdenVendeurs de programmes  Arthur Goudal Benjamin Lebigre

PRODUCTION/COORDINATION ARTISTIQUEDirectrice de la production et de la coordination artistique Sophie HoulbrèqueAdjointe en charge de la coordination artistique Maria-Chiara ProdiAdministrateurs de production Caroline Giovos Antoine LiccioniChargée de production Cécile DucournauApprentis Nina Courbon Florimond Plantier

COLLABORATION ARTISTIQUE Dramaturge Agnès Terrier Conseiller artistique Christophe Capacci

L'ÉQUIPE DE L'OPÉRA COMIQUE

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ÉQUIPES TECHNIQUESDirecteur technique François Muguet-NotterAdjoint du Directeur technique par intérim Olivier NoëlSecrétaire Alicia ZackRégisseurs techniques de production Sylvie Ananos Thomas Janot Aurore QuenelBureau d’études Charlotte Maurel Louise PrulièreChef de la sécurité et de la sûreté Pascal Heiligenstein Régisseuse générale de coordination Emmanuelle Rista Régisseurs généraux Michael DuboisRégisseuse de scène Annabelle Richard Vanessa Laporte Céverine TomatiRégisseur d’orchestre Antonin LanfranchiRégisseuse sur-titrage Cécile DemoulinTechniciens instruments de musique Cédric des Aulnois Sébastien le Bon Hugo Delbart Eli Frot Alexandre Lalande Jérôme Paoletti Timon Nicolas Florent SimonChef du service machinerie et accessoires Bruno Drillaud

Chefs adjoints du service machinerie/accessoires Jérôme Chou Laurent Pinet Baptiste VitezMachinistes/accessoiristes Stéphane Araldi Paul Atlan Julien Bezin Julien Boulenouar Luigino Brasiello Philippa Butler Germain Cascales Théo Chaptal Yannick Chemin Fabrice Costa Abbas Abdelkader Diawara Emilien Diaz Predag Djuric Mathieu Gervaise Philippe Langlade Frédéric Leclerc Loïc Le Gac Patrick Macquart Thierry Manresa Andy Marie-Luce Adrien Meillon Pablo Mejean Abdelaziz Mohsni Hugo Mottet Michael Piroux Adrian Reina Cordoba Paul Rivière Mathieu Rouchon Eric Rouille Jonathan Simonnet Jérémie StraussChef du service audiovisuel Quentin DelisleChefs adjoints Florian Gady Aline GuillardBrigadier-chef Habib ZahouaniTechniciens audiovisuel Céline Bakyaz Stanislas Quidet Laure Vergne

Chef du service électricité  Sébastien BöhmChefs adjoints Julien Dupont François NoëlSous-chef Csaba CsomaÉlectriciensSohail Belgaroui Grégory Bordin Cédric Enjoubault Dominique Gingreau Ridha Guizani Daniel Mittelmann Téné Niakaté Geoffrey ParrotChef du service couture, habillement, maquillage-perruques Christelle MorinChef adjointe couture Johanna RichardChef adjointe habillage Clotilde TimkuChef adjointe maquillage-perruques Amélie LeculCouturières/HabilleusesLéa Bordin Lucie Charvet Marie Lossky Anaïs Parola Marine ValetteResponsable de production habillement Carole CattriniHabilleusesFloriane Bitor Valérie Coué Sibiril Marie Courdavault Maud Heitz Louise Legaufey

Responsable de production maquillage Rose-Edmonde TacailCoiffeurs.es/maquilleurs.euses Bettina Haas Catherine Gargat Shirley Guingant Sylvie Jouany Virginie Lacaille Joran Muratori Nathalie Notheisen Amélie Sane Vanessa Ricolleau Magalie RouxIntendant, responsable du bâtiment et des marchés publics Laurent MussioResponsable du service intérieur Christophe SanterHuissiersCécilia Tran Céline Dion Céline Le Coz Rachel L’Hostis Santiago Palacio Sylvain Sape Audrey HeveStandardiste  Fatima Djebli Ouvrier tous corps d’état Noureddine Bouzelfen

MAÎTRISE POPULAIRE DE L’OPÉRA COMIQUEDirectrice artistique Sarah KonéChargée d’administration Morgane FaureEmployée administrative Léa Matias

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L'OPÉRA COMIQUE REMERCIESES MÉCÈNES ET PARTENAIRES

SES PARTENAIRES MÉDIA

MONSIEURCHRISTIAN LACROIX

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Direction de la publicationOlivier Mantei

Rédaction et éditionAgnès Terrier

Création graphiqueInconito

Photos[p. 6-19, 24-25, 41, 52-54] © Vincent Bengold – Opéra National de Bordeaux

IconographiesCouverture Matthieu Fappani[p. 20-23] Maquettes des costumes de Vanessa Sannino[p. 26, 30, 37, 45] ©Bridgeman Images

Impression Alliance Partenaires Graphiques

LICENCE E.S.1-1088 384 ; 2-1088 385 ; 3-1088 386

LOCATIONTéléphone0825 01 01 23 (0,15€/min.) Internetopera-comique.com Guichet 1 place Boieldieu – 75002 Paris Suivez-nous sur

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