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La prise en compte dans la planification régionale de la gestion des ressources, des déchets, des nuisances, des risques et des crises 2 Analyse transversale 2.1 Analyse multicritère Les tentatives d’analyse transversale, notamment d’examen systématique des interactions entre les différents thèmes, se heurtent vite à l’hétérogénéité de ceux-ci. Il faut pourtant rechercher une hiérarchisation fondée sur autre chose que l’intuition pure. Dans cette optique, et sans perdre de vue le défaut de rigueur de cette démarche au plan scientifique, nous avons établi deux grilles d'analyse transversale qualitative : a / une 'grille d'impacts' présentant les liens entre les thèmes étudiés et les différents aspects de la vie individuelle et collective b / une 'grille multicritères' mettant en évidence les axes théoriques d'analyse qui paraissent pertinents pour hiérarchiser entre elles les différentes catégories de risques 51

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La prise en compte dans la planification régionale de la gestion des ressources, des déchets, des nuisances, des risques et des crises

2 Analyse transversale

2.1 Analyse multicritère

Les tentatives d’analyse transversale, notamment d’examen systématique des interactions entre les différents thèmes, se heurtent vite à l’hétérogénéité de ceux-ci. Il faut pourtant rechercher une hiérarchisation fondée sur autre chose que l’intuition pure. Dans cette optique, et sans perdre de vue le défaut de rigueur de cette démarche au plan scientifique, nous avons établi deux grilles d'analyse transversale qualitative :

• a / une 'grille d'impacts' présentant les liens entre les thèmes étudiés et les différents aspects de la vie individuelle et collective

• b / une 'grille multicritères' mettant en évidence les axes théoriques d'analyse qui

paraissent pertinents pour hiérarchiser entre elles les différentes catégories de risques

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La prise en compte dans la planification régionale de la gestion des ressources, des déchets, des nuisances, des risques et des crises

Impacts des risques et nuisances sur les domaines de la vie francilienne

(3 = indispensable)

Approvisionnemt (fluides, énergie, alimentation…)

Fonctionnement

(transports)

Evacuations (eaux usées,

déchets)

Nuisances

(bruit, pollutions…)

Crises

(mouvements sociaux,

terrorisme…)

Risques naturels

Risques

technologiques

Total

Environnement Cadre de vie

0 1 3 3 1 1 1 10

Vie quotidienne famille

3 3 3 2 3 2 1 17

Postes de travail 3 2 2 1 2 2 1 13

Transport 3 3 0 2 3 3 0 14

Santé 2 1 3 1 2 2 2 13

Enjeux économiques 3 3 1 1 2 3 1 14

Enjeux financiers 1 1 1 1 2 2 1 9

Fonctions nationales 2 2 1 0 2 2 0 9

Total 17 16 14 11 17 17 7

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La prise en compte dans la planification régionale de la gestion des ressources, des déchets, des nuisances, des risques et des crises

Analyse multicritère des risques et nuisances

(3 = essentiel) Eau potable Électricité Gaz Hydro-

carbures Télécom Aliments Matér. constr. Déchets Assainis-

sement Pollution

air Bruit

aérien Bruit des tr.terrestr.

Risques naturels

Risques techno

Risques sociaux

Aspect spatial 1 1 1 1 0 1 2 1 2 2 3 3 3 3 2

Relation avec planification

spatiale

2

2

1

2

1

1

2

2

2

2

2

2

3

3

2

Prise en compte dans SDAU actuel

1 1 ε ε 1 0 1 1 1 0 1 1 ε 0 0

Population (potentiellement)

affectée

(2)

(3)

(1)

(2)

(3)

(3)

(3)

(1)

3

1

2

2

1

3

-atteinte aux vies- 1 0 0 0 0 1 0 0 0 ε 0 0 1 1 1

Coût potentiel de remise en état

2 2 1 1 1 1 0 0 2 0 0 0 3 2 3

Synthèse gravité -

vulnérabilité

3

2

1

2

1

3

0

2

1

1

1

2

2

3

3

Relation avec développement

durable

2

1

1

2

0

1

1

3

2

1

1

1

2

2

2

Médiatisation 0 1 0 1 0 0 0 1 0 3 3 1 2 0 1

Autres outils de planification

SDAGE,Plans de secours

Schéma directeur

Schémas départx. carrières

Plans de gestion

SDAGE PRQA

PPA PDU

PEB

PDU

PPR PPS

PPRT

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La prise en compte dans la planification régionale de la gestion des ressources, des déchets, des nuisances, des risques et des crises

Les critères de cette seconde grille nécessitent quelques précisions et commentaires : Les assureurs (SFSA) ont apporté au groupe de travail une contribution concernant le coût des risques, que nous évoquions à la fin du chapitre précédent. Les risques naturels sont répartis par la loi de 1983 en deux catégories, une liste limitative (grêle, tempête et poids de la neige) qui est obligatoirement prise en charge dans tout contrat d'assurance de biens, et les 'catastrophes naturelles' -qualifiées au coup par coup par arrêté préfectoral-, dont l'indemnisation relève de l'Etat. En France, contrairement aux pays germaniques, c'est donc l'Etat qui joue pour la plupart des risques naturels le rôle d'assureur en dernier ressort, à travers la Caisse centrale de réassurance. Un des éléments les plus importants de cette contribution est que les assureurs déterminent leurs primes plutôt ex post qu'ex ante, et qu'il n'y a pratiquement pas de modélisation du coût de ces risques. On regarde la différence entre les montants versés et les primes perçues, les produits financiers des placements, l'évolution dans le temps, les primes fixées par la concurrence… Dans certaines sociétés d'assurance, la fixation des primes est extrêmement décentralisée. Au plan mondial, les assureurs ont enregistré non seulement, comme nous l’avons signalé, un doublement en vingt ans du nombre de grands sinistres dus aux catastrophes naturelles, mais aussi un triplement des coûts correspondants. Cela corrobore notre analyse d’une croissance de la vulnérabilité ; un exemple notable par ses effets semble être l’augmentation des pertes d’exploitation qui résulte, en cas de catastrophe, du fonctionnement en flux tendus (source Swiss Ré) : une des fonctions des stocks intermédiaires était précisément de remédier aux à-coups de livraison.

En définitive, les grandes crues sont le seul risque pour lequel on dispose d'une estimation approfondie des coûts concernant la région parisienne : hors pertes d'exploitation (qui peuvent aller jusqu'à doubler la somme), une crue analogue à celle de 1910 coûterait, dans l'agglomération parisienne, de l'ordre de 10 Md€ ; les comparaisons internationales (par exemple la crue de l’Elbe de 2002) laissent à penser que ce montant est sensiblement sous-estimé. Sur la base d’une estimation, quelle qu’elle soit, un ajustement à une loi probabiliste permettrait de calculer un coût moyen annuel probable. Mais un travail de cet ordre ne semble avoir été fait sur aucun autre type de risque. Comme nous l'avons indiqué, il est du reste passablement ardu et sujet à caution dans ses résultats, s'agissant de coûts parfois astronomiques, pondérés par des probabilités faibles voire négligeables.

L'aspect économique des risques n'est donc pas un critère sur lequel nous ayons suffisamment de données objectives pour l'utiliser sous forme quantifiée dans notre analyse. En revanche, nous ne pouvons pas le négliger : ceci nous amène à une approche qualitative du sujet (voir plus bas), avec quelques grandes classes de coût probable. Les vies humaines pouvant être mises en cause sont un autre critère d'analyse possible. Là encore, si l'on veut envisager une estimation quantitative, les taux de probabilité sont bien difficiles à calculer : quelle est la probabilité d'un accident comme celui d'AZF ?

Faut-il, et peut-on, organiser l'agglomération pour limiter les effets d'une ou plusieurs armes de destruction massive ? De quel type ? L'inévitable prolifération atomique rend ce danger toujours plus palpable au fil des ans ; la dissuasion du faible au fort ne fonctionne pas vis-à-vis d'Etats

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La prise en compte dans la planification régionale de la gestion des ressources, des déchets, des nuisances, des risques et des crises

voyous ou d'organisations terroristes. On voit aussi se profiler de plus en plus nettement la possibilité d'actions terroristes ou de chantages utilisant les armes biologiques ou chimiques. Cette question ne peut pas être occultée, du fait de ses liens avec l’organisation spatiale. Faute de pouvoir quantifier ce critère, nous l’avons pris en compte, comme le précédent, de manière grossièrement qualitative. La ligne « autres outils de planification » du tableau vise à rappeler l'existence d'autres outils de planification utilisables -ou obligatoires- parallèlement au Schéma directeur. Cette ligne pose évidemment la question de la cohérence entre les divers documents de planification (le garant de cette cohérence étant l'Etat, en la personne du préfet de région) et de l'articulation entre eux : les différences d'optique entre le Schéma directeur et les autres documents peuvent amener des visions et même des propositions sensiblement différentes ; comment se gère alors la cohérence dont nous parlions à l'instant ? Quel document s'impose à l'autre ? Quel poids accorder à l'antériorité ? Quelle opposabilité vis-à-vis des tiers ? Une piste pourrait être que le processus d'élaboration du Schéma directeur fasse ressortir explicitement les points de désaccord entre les schémas et plans existants ou en voie de finalisation et les options en cours de mise au point, de façon à permettre des arbitrages explicites prenant en compte les différences d'optique et d’opposabilité, l'antériorité, l'évolution de la situation. L'aspect spatial ou non des risques et nuisances est un critère plus tangible ; il ne correspond pas nécessairement à l'existence d'une relation avec la planification spatiale – un problème homogène au plan mondial comme l’effet de serre a aussi des implications en termes d'organisation spatiale – aussi avons-nous distingué les deux. Quant au développement durable, nous y revenons ci-après. De ces deux premiers tableaux, il ressort clairement que les secteurs les plus sensibles, les plus vulnérables du fonctionnement de l'agglomération sont les approvisionnements (eau, énergie, alimentation) et les transports (notamment collectifs), et que les aléas majeurs sont constitués par les grandes crues, les crises sociales et, dans une mesure impossible à préciser mais qui va croissant, la menace terroriste.

2.2 Effets environnementaux durables de l’urbanisation

2.2.1 Thèmes étudiés et composantes environnementales du développement durable

Le développement durable, dans ses composantes environnementales15, est bien entendu un axe d’analyse essentiel compte tenu de la cohérence de son échelle temporelle avec la planification spatiale. C'est aussi, avec la vulnérabilité qui a fait l'objet de l'essentiel du premier chapitre, l'un des plus féconds. Rappelons les grands principes qui régissent le développement durable, tels qu'ils ont été récemment remis en forme à l'occasion de l’inscription de celui-ci dans la Constitution :

15 le développement durable se définit comme un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs, en prenant en compte les conséquences économiques, sociales et environnementales prévisibles des décisions à prendre

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La prise en compte dans la planification régionale de la gestion des ressources, des déchets, des nuisances, des risques et des crises

Principe de précaution : En cas de risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement, l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir ce risque à un coût économiquement acceptable.

Principe de prévention : Il convient de prévenir et de corriger, à la source par priorité, les atteintes à l’environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles, à un coût économiquement acceptable.

Principe pollueur-payeur : Les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur.

Principe de participation : Chacun a accès aux informations relatives à l’environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses, et le public est associé au processus d’élaboration des projets ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire.

S'y ajoutent trois principes généraux :

Principe de responsabilité : Les dommages causés à l'environnement doivent être réparés ou compensés par le pollueur, même lorsqu'il n'y a pas faute de sa part.

Principe d’éducation : Les enfants, le plus tôt possible, et les adultes doivent être sensibilisés à l’importance du développement durable, et formés aux bonnes pratiques individuelles.

Principe d’intégration : La protection de l’environnement doit faire partie intégrante du processus de développement, elle ne peut être considérée isolément.

Une troisième grille d'analyse, portée ici pour mémoire, présente à grands traits les relations existant entre les thèmes étudiés et les grands principes du développement durable.

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La prise en compte dans la planification régionale de la gestion des ressources, des déchets, des nuisances, des risques et des crises

Risques et nuisances par rapport au développement durable

Eau

potable

Electricité

Gaz Hydro-

carbures

Télécom

Aliments Matériaux

constructn

Déchets Assainisse-

ment Pollution

air Bruit

aérien

Bruit

transports terrestres

Risques naturels

Risques techno

Risques sociaux, guerre

Principe de prévention

x

x

x x

x

x

x

x

x

x

x

x

Principe de précaution

x

x

x x

x x

Principe de participation-information

x

x

x x x

x

x

x

x

x

x

Principe pollueur-payeur

x

x x x

x

x

x

x

x

Principe d'éducation x x x x x x x x x x x

Principe de responsabilité

x

x

x

x x

x

x x

x

x

x

Principe d'intégration

x

x

x x x

x

x x

x

x

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La prise en compte dans la planification régionale de la gestion des ressources, des déchets, des nuisances, des risques et des crises

Parmi les composantes de la notion de développement durable, la prévention est évidemment celle qui est immédiatement appliquée ou applicable à la planification spatiale telle qu’on la pratique à travers le schéma directeur. Il en va de même de la participation-information et de l’intégration, grâce à la concertation très large qui accompagne tous les étages de la planification spatiale. Il faut encore souligner que le principe de précaution s’applique également avec force, d’une manière sensiblement différente de la prévention : alors que celle-ci suppose une analyse technique débouchant sur un optimum protégeant l’avenir, le principe de précaution relève de la décision en univers très incertain, domaine par excellence du pouvoir politique.

2.2.2 Échelle spatiale des impacts

L’examen des impacts du fonctionnement de l’agglomération selon l’échelle spatiale qu’ils affectent est également intéressant. Quatre échelles spatiales au moins sont à considérer : le plan mondial, le niveau européen, la dimension nationale et le plan local. Si l'on raisonne à grands traits, selon cette grille, sur ce que pourrait ou devrait être un développement durable de l'agglomération, les points suivants apparaissent : Au plan mondial, les impacts essentiels de la région sont sans doute sa contribution à l'effet de serre et sa consommation de ressources non renouvelables ; ce sont des impacts à long terme ou irréversibles. Sur ces points, notre pays et l’agglomération parisienne en particulier ne sont pas mal classés ; toutefois, la montée en puissance économique des grands pays émergents et le simple principe d'équité imposent de poursuivre énergiquement le travail d'amélioration en cours : réduction des émissions, recyclage des ressources. Au niveau européen, s'ajoutent aux aspects ci-dessus la pollution de l'air et des eaux (notamment de la Manche). Sauf pour certains paramètres où il y a des effets cumulatifs ou des seuils de conséquences irréversibles, ces sujets bénéficient d’une certaine réversibilité ; de plus, ils font l’objet d’actions efficaces en cours, à long terme bien entendu, mais qui portent déjà des fruits. Dans la dimension nationale, il faut également considérer les risques et nuisances engendrés par la consommation énergétique de la région (stockage et acheminement du gaz et des hydrocarbures, déchets radioactifs, centrales électriques, notamment nucléaires, et lignes THT), ses approvisionnements alimentaires (à travers notamment leur transport) et l’exportation de certains déchets qu'elle produit (par exemple les boues d'épuration), peut-être enfin la consommation des ressources humaines (le brain drain concentrant à Paris les capacités humaines du pays, et en particulier une part notable des 30-50 ans avec les distorsions démographiques et économiques que cela induit). Les impacts à long terme les plus évidents sont les déchets stockés, notamment nucléaires, la consommation de ressources non renouvelables déjà mentionnée, et sans doute les sols pollués ici ou là du fait d’activités ou de transports visant à alimenter la région (ex. fuite d’hydrocarbures sur un oléoduc). C’est peut-être dans cette catégorie que les actions à mener sont le moins avancées, comme si la délocalisation des impacts dans des régions moins denses en réduisait l’urgence ou l’importance, comme si elle constituait en soi une réponse… Si ce diagnostic se confirmait, peut-être est-ce un point sur lequel la réflexion préalable à l’élaboration du Schéma directeur devrait s’appesantir, bien qu’on se trouve évidemment en limite du champ d’investigations. Enfin, au plan local, l'examen de l'aménagement régional sous l'angle du développement durable, du long terme, fait ressortir les éléments suivants :

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- la croissance de population de la région étant désormais très faible, sauf reprise bien improbable de la démographie, de l’immigration, ou des migrations vers la capitale, il faut poser à nouveau la question de la consommation de cette ressource rare et non renouvelable qu'est la fertile terre agricole d'Ile-de-France. La décohabitation, l’agrandissement des surfaces par habitant, la tendance à l'étalement urbain, les gigantesques zones d'activités ou d'habitat que l’on peut encore voir fleurir, par exemple dans la partie Est de Marne la Vallée, doivent-elles être régulées ? Avec quels objectifs et quels outils ? Le développement de l'agglomération doit-il être encore entendu comme un développement spatial ? En particulier, ne faudrait-il pas mener une réflexion sur la rentabilité de la consommation d’espace selon ses différentes formes, rentabilité appréciée par une analyse multicritères plutôt que selon les seuls critères économiques ? La valeur agronomique des sols pourrait enfin, à travers une analyse de ce type, être prise en compte. Ne faut-il pas, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, passer d'une logique de développement et de consommation à une logique de gestion ? Les outils actuels de la planification sont-ils adaptés à une telle mutation ?

- le report aux franges d'agglomération des installations de traitement ou de

stockage de ses effluents solides et liquides est une tendance universelle, pour une double raison : effet NIMBY, coût du foncier. Multipliant les transports, ce report va directement contre le principe de proximité. Non seulement les efforts pour réduire le volume et améliorer la qualité des effluents solides, liquides ou gazeux de l'agglomération doivent impérativement être poursuivis, mais la tendance est nettement à la mise en place de systèmes de compensation financière des nuisances exportées ; on n’en est pas encore à compenser le surcroît de pollution induit par le transport…

- la croissance de l'effet NIMBY, phénomène social général (lié sans doute à une

décroissance de la solidarité résultant de la quasi-absence de menace extérieure), devrait faire l’objet d’une prise de conscience et d’une éducation. Dans l’état actuel des choses, elle rend presque indispensable la prise en compte, dans les documents de planification, d'un certain nombre d'équipements qui n'en bénéficiaient pas jusqu'à présent : unités de traitement, de tri ou d'enfouissement de déchets, transport de gaz ou d'électricité, stockage et transport d'hydrocarbures, demain peut-être stations d'épuration ou accès aux gisements de ressources naturelles. En d'autres termes, l'outil de la planification spatiale, avec les contraintes lourdes qu'il comporte au terme d’un processus très dense de concertation, paraît bien adapté à la lutte contre l'effet NIMBY ; c'est d'ailleurs une de ses vocations, dès le départ. A tout le moins, l'élargissement de la planification spatiale à d'autres types d'infrastructures mérite débat, et un lien doit être fait avec les documents de planification spécialisés, qui définissent besoins et orientations sans toujours disposer de l'opposabilité.

- la pollution des sols sera de plus en plus un élément de contrainte du développement,

notamment dans le cadre de la reconquête urbaine qui devrait être un des grands axes du prochain Schéma directeur. L'expérience acquise par la DRE sur ce sujet grâce à l'inventaire des sols potentiellement pollués de Seine St Denis montre l'échelle très locale de ce sujet (localisation à la parcelle). Une fois l'inventaire BASIAS achevé (les études en cours, qui représentent de 250 à 350 k€ par département, devraient s'achever en 2006), on pourrait néanmoins établir à l’échelle régionale une cartographie, à prendre en compte dans le schéma directeur, des zones anciennement industrielles, qui, très globalement, couvrent les sols à risque. En ce qui concerne l’évolution, on

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La prise en compte dans la planification régionale de la gestion des ressources, des déchets, des nuisances, des risques et des crises

peut penser que la réglementation actuelle des installations classées et son application sur le terrain apportent une protection satisfaisante contre le risque de pollution des sols, sauf bien entendu pour ce qui peut résulter des accidents, incidents et erreurs de manœuvre inhérents à toute activité.

- il est intéressant de remarquer que les thèmes qui impactent le développement

durable, ceux qui ont des effets à long terme, éventuellement irréversibles, ne sont pas, de loin, les risques et nuisances les plus médiatiques ; on pourrait même dire qu'il y a une relation inverse, comme si le long terme, en France, n’intéressait pas le grand public… Là encore, une éducation est nécessaire ; elle est d’ailleurs effectivement en cours, dans les écoles et même les media, auprès des enfants, qui constituent la meilleure cible et s’avèrent souvent bien plus sensibilisés, et compétents, sur ces thèmes que leurs géniteurs.

En définitive, l'élaboration du Schéma directeur devra s'accompagner, non seulement par contrainte réglementaire, mais aussi sous peine d'obsolescence de la procédure, de la mise au point d'un véritable projet de développement durable de la région. Outre l’application des grands principes rappelés plus haut, quatre axes d'analyse nous semblent à considérer sur ce sujet :

- l'analyse des impacts sur les autres territoires, - la prise en compte des seuils et limites écologiques dans l'utilisation des ressources, - l'amélioration de la connaissance des impacts du fonctionnement urbain, - la désignation des responsabilités, en vue de l’application du principe polleur-payeur,

ces axes devant être mis en œuvre conjointement avec les objectifs de durabilités économique et sociale.

2.2.3 Préservation / restauration de l’environnement et qualité du cadre de vie

Deux remarques en ce qui concerne la préservation de l'environnement. D’abord, le côté profondément anthropisé, marqué depuis des siècles par les besoins gigantesques de l'énorme pôle de population qu'il abrite et nourrit, de tout le paysage régional jusque dans ses confins les plus éloignés, et l'habitude qu'on prend en ville de l'évolution permanente de l'environnement urbain, montrent plus clairement peut-être qu'ailleurs que la "préservation" en cause est en fait, à l’exception près de quelques éléments irréversibles dont l’urbanisation est évidemment le principal, une construction toujours renouvelée, y compris en milieu rural ; et là, les équilibres sont si fragiles et instables et la population relative si faible que les possibilités d'action du monde urbain vis-à-vis de son voisin rural sont énormes, pour peu qu'il veuille se donner la peine de rechercher avec lui des stratégies d'action gagnant/gagnant. C’est pourquoi on pourrait parler plutôt de restauration de l’environnement ou de préservation/ restauration. Quelques exemples immédiats : la ressource en eau – la restauration d’un état correct est précisément l’esprit de la directive européenne sur l’eau ; la préparation des arbitrages à prendre en étiage sévère ; les loisirs liés à la nature ; les paysages franciliens (il y aurait une véritable politique d’enrichissement à mettre en place) ; les infrastructures, tant de transport que de traitement ; etc. L'écosystème zone dense / frange urbaine / zone rurale reste, à notre connaissance, à étudier, avec son évolution et ses facteurs de vulnérabilité ; d'autres axes d'action pourraient se dégager d'une telle étude.

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D’autre part, nous ne nous sommes pas intéressés directement aux conditions de la production et de la maintenance d’un cadre de vie urbain de qualité, même à l’échelle du Schéma directeur. Il faut pourtant dire à ce sujet - que les attentes de la population portent au moins autant sur la forme urbaine (avec sa

maintenance) et sur les aménagements qui l’accompagnent que sur la qualité de l’environnement telle que nous l’étudions ici ; il est frappant que les documents à grande échelle comme le Schéma directeur ne disent rien des densités, des formes urbaines ou architecturales, des matériaux…

- qu’il y a des efforts importants à faire en Île-de-France pour concevoir et mettre en œuvre

des formes urbaines innovantes, permettant par exemple de concilier un accroissement de densité avec ce que l’on attend aujourd’hui de l’habitat et de la ville. Quels sont les freins qui ont fait obstacle jusqu’à présent à de telles démarches ? Quels outils, quelles incitations permettraient de favoriser ces efforts ?

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