1ère partie

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Aujourd’hui, les libertés occupent une place de 1 er ordre dans le droit positif mais cela toujours été le cas. L’évolution historique démontre que l’on est pass théorique des libertés à une protection constitutionnelle des libertés dynamique européenne, on s’oriente de plus en plus vers un ordre supra l’Homme. D’un point de vue historique, les libertés sont en 1 er lieu, en France, proclamées dans l déclarations révolutionnaires de droits, qui posent davantage des prin véritables droits, dans la mesure où les libertés énoncées ne sont pas mécanisme de garantie. Les positivistes ont critiqué les déclarations de droit ; c’est le cas qui affirme qu’elles ne sont pas des articles de droit précis et exécu simplement des déclarations de principes. De même, RaymondKaren Malberg affirme qu’ « Elle [la DDHC] n’a que laportée dogmatique d’une déclaration philosophique ». Cette position a longtem dasn les conclusions que des commissaires du gouvernement. Ainsi, on peut constater, tant dans la période révolutionnaire révolutionnaire, que c’est d’abord une dogmatique des principes libéra comme des vérités fondamentales, des principes incontestables m garanties. C’est la force magique de la loi qui s’impose. Il suffit qu c’est une liberté pour que cela en devienne une. On est donc fondé à p révolutionnaire. Avec le légalisme républicain de la 3 ème et 4 ème République, ainsi que la DUDH, on est aussi fondé à parler de dogmatisme post- révolutionnaire. #Section 1 : Le dogmatisme révolutionnaire « Rien ne naît jamais du vide ». Les déclarations révolutionnaires, et plus particulièrement la DDHC de point de rencontre de plusieurs idées qui se sont développées en amon Il y a là un creuset d’influence. Partie 1- Evolution de la place des libertés dans les systèmes juridiques Chapitre 1 : La proclamation des libertés

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Partie 1- Evolution de la place des liberts dans les systmes juridiquesAujourdhui, les liberts occupent une place de 1er ordre dans le droit positif mais cela na pas toujours t le cas. Lvolution historique dmontre que lon est pass dune proclamation thorique des liberts une protection constitutionnelle des liberts. En raison de la forte dynamique europenne, on soriente de plus en plus vers un ordre supranational des droits de lHomme.

Chapitre 1 : La proclamation des libertsDun point de vue historique, les liberts sont en 1er lieu, en France, proclames dans les dclarations rvolutionnaires de droits, qui posent davantage des principes thoriques que de vritables droits, dans la mesure o les liberts nonces ne sont pas vritablement assorties de mcanisme de garantie. Les positivistes ont critiqu les dclarations de droit ; cest le cas notamment dAdmar Esmein qui affirme quelles ne sont pas des articles de droit prcis et excutoires ; ce sont purement et simplement des dclarations de principes. De mme, Raymond Karen Malberg affirme qu Elle [la DDHC] na que la porte dogmatique dune dclaration philosophique . Cette position a longtemps prvalu dans la JP ou dasn les conclusions que des commissaires du gouvernement. Ainsi, on peut constater, tant dans la priode rvolutionnaire que dans la priode post rvolutionnaire, que cest dabord une dogmatique des principes libraux. On pose les principes comme des vrits fondamentales, des principes incontestables mais sans les assortir de garanties. Cest la force magique de la loi qui simpose. Il suffit que le lgislateur affirme que cest une libert pour que cela en devienne une. On est donc fond parler de dogmatisme rvolutionnaire. Avec le lgalisme rpublicain de la 3me et 4me Rpublique, ainsi que la DUDH, on est aussi fond parler de dogmatisme post- rvolutionnaire.

#Section 1 : Le dogmatisme rvolutionnaire Rien ne nat jamais du vide . Les dclarations rvolutionnaires, et plus particulirement la DDHC de 1789, constituent le point de rencontre de plusieurs ides qui se sont dveloppes en amont, tout au long des sicles. Il y a l un creuset dinfluence.

I-

Les dclarations rvolutionnaires comme creuset dinfluences diverses

On constate quil y a eu un vritable dbat doctrinal entre la doctrine allemande et la doctrine franaise quant aux influences exerces sur influences rvolutionnaires. Au-del des querelles, on tablit une distinction entre deux types dinfluences : influence doctrinale et influence inhrent aux prcdents textuels. A) Les influences doctrinales Elles sont de plusieurs natures. Elles appartiennent la mmoire collective. Elles sont religieuses, politiques et conomiques. 1) Les doctrines religieuses Cest la pense judo- chrtienne qui a, en 1er lieu, valoris le thme de lindividu. Ce thme ntait pas totalement absent dans lantiquit, notamment dans les cits grecques, mais on ne sintressait lindividu que comme acteur de la vie politique et sociale. Au contraire de cela, la pense judo chrtienne introduit lide que la personne humaine a une valeur en soi. Dans le judasme comme dans le christianisme, lHomme a une importance de tout 1er ordre car il est cr limage de Dieu. Ce qui est intressant ici est que le caractre essentiel de cette dignit de la personne humaine rejaillit sur tous les hommes, quelque soit leur race, leur rang social, leur statut. St Paul : Il ny a plus maintenant ni juif, ni grec, ni esclave, ni homme libre, il ny a plus maintenant mi mle, ni femelle, car tous, vous tes un seul tre dans le messie . Cette dignit implique une galit de tous devant Dieu. Mais nest pas le seul apport de la pense judo- chrtienne. Cette pense apporte aussi une conception dun pouvoir politique limit. Cette pense spare le Pouvoir et lHomme. Cela signifie trs nettement que le pouvoir temporel ne doit pas empiter sur la libert individuelle. Lingrence de lEtat dans la sphre prive, individuelle, pourra alors justifier la dsobissance, le refus dobissance une dcision injuste, un ordre injuste. On retrouve cette ide chez St Augustin dans sa distinction enter la Cit de Dieu et la Cit terrestre. Les rvolutionnaires rfutent lassimilation la religion chrtienne. Mais il est fait rfrence lEtre suprme dans la DDHC la fin du prambule ; cest dire que linfluence de la pense religieuse est prsente. 2) Les thories philosophico- politiques Une autre influence est prendre en compte ; linfluence de la doctrine des droits naturels qui trouve sa source dans les travaux et rflexion dAristote (4me sicle av J.C.) et de St Thomas dAquin (13me sicle ap J.C.) mais sest dveloppe au 17me sicle avec Grotius, Puffendorf, et mme au 16me sicle avec Las Casas, vque au Brsil (Controverse de Valladolid). Plus spcifiquement, ce sont les thories du contrat social (Hobbes, Rousseau, Locke) qui en dcoulent qui ont exerces une influence sur les rvolutionnaires. Cette doctrine est construite sur la mme base pour tous les auteurs : existence dun pacte social originel quauraient scell les hommes. Cest une fiction symbolique sur la volont des Hommes de se mettre en socit.

Mais les thories varient selon les auteurs : Ainsi, Hobbs, en 1er lieu, a une vue plutt pessimiste nonce dans le Lviathan que lEtat de nature correspond lanarchie. Lhomme est anim dun dsir de puissance illimit, toujours en guerre contre ses semblables : LHomme est un loup pour lHomme . Le pacte social a alors pour but dchapper lanarchie, linscurit de lEtat de nature, au chaos. En sassociant, lHomme renonce ses droits naturels la condition que les autres en fassent autant. Ds lors, cest lEtat Lviathan qui est cens dtenir tous les pouvoirs, la pleine souverainet. Pour lui, le peuple devient UN dans lacte de soumission au souverain. Le roi est souverain parce que lEtat existe dans et par sa personne. Lapproche de Hobbs constitue une lgitimation du rgime totalitaire. Locke a une vision un peu plus optimiste de la condition humaine. Il estime quant lui quavec le contrat social, les hommes abandonnent une partie de leur libert entre les mains du souverain mais ils dterminent galement les droits quils entendent conserver, ceux auxquels le souverain ne peut porter atteinte. On y a vu l une justification de la DDHC dasn la mesure o la dclaration est destine limiter les pouvoirs du souverain, les pouvoirs de lEtat. Rousseau pense au contraire que les hommes ont abandonn au souverain toutes leurs liberts originelles. Il a une approche diffrente de celle de Hobbs. Pour lui, lalination totale des droits naturels la communaut ne conduit pas la perte des liberts. Au contraire, elle permet en ralit de les faire crotre, de les rendre plus oprationnelles. Lexplication de cette approche se trouve dans le concept de volont gnrale. Si lhomme demeure libre, cest parce que le souverain nest form que des particuliers qui len composent. La volont gnrale ne peut avoir pour consquence de nuire aux intrts de chacun. Il est vident que Rousseau a exerc une trs forte influence sur les rvolutionnaires. Cela se constate au moins sur deux points : - En 1er lieu, son approche de la loi qui, en tant quexpression de la volont gnrale, est cense protger les liberts de chacun. On retrouve cela lart 6 de la DDHC. La loi est lexpression de la volont gnrale. Tous les citoyens ont les moyens de participer personnellement ou par lintermdiaire de ses reprsentants, la formation de la loi. En 2nd lieu, en raison du postulat de base de sa thorie qui est lide dgalit. Pour lui, les hommes naissent libres et gaux. Cest trs nettement visible aux arts 1er et 2me de la DDHC.

Outre Rousseau, parmi les auteurs qui appartiennent aux Lumires, on ne saurait oublier Montesquieu. Sa thorie de la sparation des pouvoirs a pour but dviter la concentration des pouvoirs et de protger les individus : art 16 de la DDHC. 3) Les physiocrates Ce sont les adeptes de la libert conomique. Ils considrent quil y a un lien troit entre la libert de lindividu et la libert conomique. Parmi eux, il faut citer Turgot, Quesnay, Mirabeau, Adam Smith, dans son ouvrage Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations . Cest intrt personnel qui est le moteur de lconomie. Cest laddition des activits individuelles qui est la source de la richesse de lEtat. On retrouve cette logique

dans la DDHC. En effet, travers la proclamation de la libert de lindividu, cest aussi la libert conomique que lon consacre. Trs concrtement, les liberts individuelles ne se limite pas la libert de penser, la libert de presse, mais aussi la libert du commerce et de lindustrie, qui ne sera pas proprement affirme dans la DDHC mais dans les dcrets dAllarde des 2 et 17 mars 1791. Cest galement laffirmation du droit de proprit : art 17 de la DDHC. B) Les prcdents textuels trangers A ltranger, il y a eu de nombreux prcdents la DDHC franaise de 1789. Sans conteste, on peut dire que la DDHC sest inspire de ces prcdents. 1) Les textes anglais Charte de Jean Sans Terre, la Magna Carta, du 15 juin 1215. Ptition des droits accorde par Charles Ier du 16 juin 1628. Acte dHabeas Corpus de 1679 qui garantie la sret du citoyen, en exigeant une dcision judiciaire pralablement larrestation. Le Bill of Rights de 1689, approuv par Guillaume dOrange. Lacte dtablissement de 1701, qui est impos la dynastie de Hanovre comme condition daccs au trne dAngleterre. Ces textes constituent avant tout des protections contre larbitraire royal. Ils ont t obtenus par le Parlement pour limiter les prrogatives royales. Cest laffirmation progressive de la monarchie constitutionnelle. Ces textes se diffrencient des dclarations rvolutionnaires franaises pour deux raisons : - 1re raison : Ils ne procdent daucune doctrine, mais sont le rsultat des coutumes dveloppes au fil du temps. 2me raison : Ces liberts sont moins considres comme des proclamations de principes que comme des recettes de procdure. Ces textes sont lillustration du pragmatisme anglais.

Linfluence de ces textes, exerce sur les rvolutionnaires, ne doit pas tre exagre en France. 2) Les dclarations amricaines On entend par dclarations amricaines la Dclaration dIndpendance du 4 juillet 1776 qui proclame lindpendance des 13 colonies. Cest ensuite les Bills of Rights de 1689 que chaque colonie place la tte de sa constitution. Cest aussi et surtout les 10 1ers amendements de la Constitution fdrale amricaine de 1787 qui furent ajouts en 1789 et qui font office de dclaration des droits, dans la mesure o la Const nest pas prcde de Dclaration des Droits. Ce sont les Bills of Rights qui sont les 1ers consacrer les droits des individus en Amrique. On remarque que les dclarations amricaines se diffrencient des dclarations rvolutionnaires franaises. La conception philosophique de la libert en Amrique nest pas identique celle de la France en raison de linfluence protestante. Les dclarations amricaines sont fondes sur la

dignit de leffort et la valeur probatoire de la russite. Pour les Amricains, lindividu est maitre de son destin. Sil russit socialement, cest quil le mrite. IILe contenu et la porte des dclarations rvolutionnaires

Lorsquil est fait rfrence aux dclarations rvolutionnaires, on pense au texte de 1789 mais en vrit, on fait rfrence 4 textes spcifiques. A) La DDHC de 1789 La DDHC nest pas crite selon une logique prcise. On peut la caractriser en disant quelle est construite selon plusieurs dimensions : une dimension universelle, une dimension librale, une dimension dmocratique. 1) La dimension universaliste Pour les rdacteurs rvolutionnaires, elle sadresse toute lHumanit, transcendant les Etats. Cela se vrifie aisment lorsquil est fait rfrence aux droits naturels et inalinables. Le terme droit naturel signifie que ces droits ne sont pas confrs par la socit mais sont de lessence de ltre humain. En tant que tels, ils ne peuvent pas faire lobjet dune cession. Paralllement cela, la dclaration constitue un acte de moralisation ladresse des monarques et tous les gouvernements. Toute socit o la garantie des droits nest pas assure, ni la sparation des pouvoirs assure na pas de constitution . Transparat en filigrane le caractre interventionniste des rvolutionnaires. Lart 16 de la DDHC implique quau besoin, il sera ncessaire daider les peuples se librer. Se dgage de la dclaration une volont unique, celle de lgifrer pour le monde, de formuler de nouvelles rgles juridiques applicables aux Etats, dassurer le bonheur de tous. La dclaration apparat comme universaliste mais aussi atemporelle. Les droits sont imprescriptibles. 2) La dimension librale et individualiste de la dclaration Cest l laspect essentiel de la dclaration qui permet de confrer des droits aux individus lgard de la socit mais aussi contre la socit. Quatre liberts essentielles sont nonces : la libert, lgalit, la proprit et la sret. a) La libert Art 1er et art 2 de la DDHC. Cest une libert fondamentale. Comme elle est nonce de manire gnrale, on lui a fait le reproche de manquer de prcision, de ne pas formuler un nombre prcis de libert. Seuls deux types de libert sont clairement noncs : la libert dopinion et la libert dexpression et de communication. Aujourdhui, ce reproche napparat pas trs pertinent. Il semblait peu souhaitable dtablir un long catalogue, une liste exhaustive des diffrentes liberts. Au contraire mme, on peut dire que lnonciation stricte aurait empche une interprtation extensive de la notion. Le caractre

gnral et ambigu apparat en dfinitive salutaire. Il ressort du texte que la libert est le principe et la restriction lexception : art 4 de la DDHC. La libert nonce de manire gnrale a permis lexpansion JP de cette notion. Ainsi, le C.Const a pu dgager, partir de ce principe, la libert dentreprendre : dcision du 16 janvier 1982. De mme, il a pu affirmer la libert daller et venir : 19/20 janvier 1981. Dans une interprtation analogique, il a pu dgager la libert de communication audiovisuelle. Au surplus, on ne peut pas oublier que les rvolutionnaires ont voulu indiquer que mme la libert comportait des limites. Seule la loi dtermine les bornes de la libert. On retrouve cette logique aux arts 7, 8 et 9 DDHC, qui limitent le pouvoir de dterminer les peines. La dclaration ne constitue pas proprement parler une uvre philosophique ; elle se veut concrte et raliste. Il sagit daffirmer aussi labsolutisme de la loi. b) Lgalit Elle apparat comme une autre libert fondamentale nonce aux arts 1er et 6. La loi est la mme pour tous, soit quelle protge, soit quelle punisse . Pourtant on peut considrer que les notions de libert et dgalit ne sont pas conciliables. Elles peuvent tre opposes. La ralisation concrte de lgalit peut impliquer la restriction des liberts. Ce nest pas cependant la logique de la dclaration, car il est question ici dgalit juridique et non lgalitarisme. On ne cherche pas mettre, sur le mme plan, tous les individus. Pour Babeuf, lgalit dans la conception de la dclaration dbouche sur laffirmation dun principe de non discrimination dans la reconnaissance des droits et des pouvoirs individuels. En ce sens, cest un auxiliaire prcieux de la libert. Cest lassurance que la libert ne sera pas fausse. c) La proprit Arts 2 et 17 de la DDHC. Lintrt manifest par les rvolutionnaires pour la proprit sexpliquent par la logique librale issue des Lumires mais aussi par le contexte historique. Il sagit dempcher les expropriations qui taient monnaie courant sous lAR. Aujourdhui, on a pris du recul sur cette notion qui fait lobjet de nuances.

d) La sret Cest aussi un auxiliaire prcieux de la libert puisque cela correspond la garantie de la jouissance des liberts. Cest la loi qui assure la protection contre les atteintes la libert qui peuvent maner aussi bien de la socit civile que des pouvoirs publics. Cette notion est affirme lart 2 de la DDHC comme un droit naturel et imprescriptible. 3) La dimension dmocratique de la DDHC

La dclaration reconnat non seulement les droits de lHomme mais aussi les droits du citoyen. En effet, lindividu nest pas seulement un Homme abstrait : il participe la Cit. Il doit donc veiller ce que la dmocratie subsiste dans la cit. Au besoin, il doit, pour cela, rsister loppression. Prcisment, la rsistance loppression apparat comme un droit naturel et imprescriptible nonc lart 2. Lide de participation la vie de la Cit ou au pouvoir est quant elle essentiellement voque lart 3. Cette ide nonce de manire thorique est reprise concrtement aux arts 13 et 14 en ce qui concerne la contribution financire. On a pu redouter que cette dimension dmocratique empche lexpression des liberts. Le pouvoir populaire pouvait dcider de manire arbitraire de porter atteinte aux liberts au nom du bien commun. Cest un reproche que lon a fait Rousseau. Ce nest pas lapproche de la dclaration ; le principe dmocratique apparat, au contraire, comme une garantie des liberts. B) Les autres dclarations rvolutionnaires Pourquoi les rvolutionnaires ont estim ncessaire dlaborer une nouvelle dclaration ? Selon eux, le texte de 1789 avait perdu de son autorit, il fallait donc rdiger une nouvelle dclaration. 1) La dclaration girondine du 26 avril 1793 Cette dclaration, trs conteste par le parti montagnard, fut adopte le 26 avril 1793. Toutefois, la contestation fut telle que le projet, labor par Condorcet, ne fut jamais vot. Cette dclaration se situe dans la logique de la dclaration de 1789 mais elle prsente des diffrences. Dans la forme, elle est plus longue puisquelle compte 33 articles au lieu de 17, elle se veut donc plus prcise, moins gnrale. Sur le fond, des nouveauts apparaissent. En effet aux droits naturels et imprescriptibles de 1789, on ajoute la garantie sociale (art 1 de cette dclaration). La libert du commerce et de lindustrie se trouve galement consacre ainsi que la libert du travail. La dclaration girondine apparat plus soucieuse des droits conomiques et sociaux. Cela implique lintervention de lEtat. Cest ainsi que se dveloppe pour la 1re fois des droits crances au travers de la reconnaissance de linstruction. Pour autant, on ne saurait encore parler de droit linstruction. De mme, il serait faux de dire que cette dclaration est socialiste, ou parler de dclaration sociale au sens politique du terme.

2) La dclaration montagnarde du 24 juin 1793 Malgr les discussions qui ont prsides au vote, cette dclaration est trs peu diffrente de la dclaration girondine. Le point doriginalit essentiel rside dans laffirmation du principe de souverainet populaire la place de la souverainet nationale. On observe galement que dautres termes dj prsents dans les prcdentes dclarations sont dvelopps, comme par exemple le thme du bonheur. Le droit de rsistance loppression est galement mis en vidence. Mais davantage quun droit, cette dclaration consacre un vritable devoir dinsurrection lorsque le gouvernement viole les droits du peuple (Art 35).

En termes de droit positif, elle ne prsente pas un grand intrt dans la mesure o elle na jamais t applique. Elle ne fut pas appliquer en raison des menaces contre la Rpublique. 3) La dclaration de lan III (22 aot 1795) Elle est trs prcisment intitule Dclaration des droits et des devoirs de lhomme et du citoyen . Comme on le voit dans le titre, linnovation principale est dajouter aux droits des devoirs. Sagissant des droits, il ny a pas vraiment de nouveauts (lart 15 interdit lesclavage, reprise de lart 20 de la dclaration girondine). Lart 17 ne fait pas rfrence la souverainet nationale, mais dispose que la souverainet rside essentiellement dans luniversalit des citoyens. On prsume que la souverainet est populaire. Mais cela nest pas certain car luniversalit peut faire penser que lon fait rfrence la nation. En ralit cest une conciliation des deux (souverainet nationale et souverainet populaire). Loriginalit de cette dclaration rside dans les devoirs. 9 articles y sont consacrs. Pour les auteurs, les devoirs de lHomme sont troitement lis leurs droits. En ralit, il sagit plus dobligations morales que dobligations juridiques. On reconnat cela dans la dclaration de manire un peu nave notamment lart 2 de la DDHC. Cette originalit doit donc tre relativise en raison de lefficience juridique trs minime des devoirs. Par ailleurs, on ne peut oublier que la DDHC fait galement rfrence aux devoirs mme si cest de manire laconique. Il nempche, les rapports de lindividu avec la socit sont dvelopps de manire substantielle dans ce texte. Bilan : Ces diffrentes dclarations ne sont pas toutes semblables mais il reste que ce sont les 1ers textes qui, par leur caractre recognitif, dgagent des droits que tous les hommes peuvent revendiquer. Avec quelques nuances, linspiration est la mme. Elle est dans lensemble universaliste et individualiste. On considre, en effet, que lindividu est le point central de la socit. On lui reconnat des droits ou la facult dagir, mme si cela nest garantit que par la force des mots. Cet aspect pose problme car la rvolution est une priode dinstabilit politique o les garanties juridictionnelles contre la puissance publique sont absentes. Certes, la libert conomique sexerce. Tout ce qui est relatif aux liberts dordre politique ou intellectuel est soumis des restrictions. La libert de la presse par exemple est reconnue mais jamais trs longtemps. Sieys avait pourtant avanc en 1795 lide dun jury consitutionnaire. Mais cette proposition ne fut pas retenue. Les dclarations ont, dans lensemble, plus un aspect proclamatoire quun aspect opratoire. Lide dominante est que les reprsentants du peuple ne pouvaient pas voir leurs dcisions infirmes.

#Section 2 : Le dogmatisme post rvolutionnaireILvolution du rgime des liberts jusqu la Vme rpublique A) Les liberts dans la priode de 1799 1870 Durant cette priode, les principes libraux se trouvent confirms. Les rgimes qui se succdent reconnaissent dune manire ou dune autre les liberts dans leur constitution, que ce soit avec ou sans des dclarations.

Ainsi, la constitution consulaire du 13 dcembre 1799 nest prcde daucune dclaration de droits mais quelques dispositions voquent les droits de lindividu. La proclamation des consuls du 15 dcembre 1799 prcise en outre que la constitution est fonde sur les vrais principes du gouvernement reprsentatif, les droits sacrs de la proprit, de lgalit, de la libert. Mme dans les textes monarchiques, lnonciation des droits nest pas absente. Dans la charte de 1814 octroye par Louis XVIII figure en tte une rubrique intitule droit public des franais . Elle rappelle en ralit les ides de la DDHC de 1789. Dans cette rubrique, 12 articles sont consacrs aux liberts. La charte de 1830 reformule galement certains droits et liberts notamment la libert de la presse. La constitution de la IIme rpublique du 4 novembre 1848 met laccent sur la fraternit et la solidarit. Lart 13 prvoit mme la cration de travaux publics pour employer les bras inoccups . On valorise galement la libert denseignement et la libert dassociation. Cest dire quil y a une tentative de renouvellement de la doctrine des liberts, influence par les ides socialistes et sous sa forme adoucie par les dmocrates chrtiens. Cela ne sest pas vrifi par la suite. La constitution du 14 janvier 1852, qui rsulte du coup dEtat du 2 dcembre 1851, affirme sa fidlit aux droits de 1789. Au fond, les affirmations librales de cette priode ne change rien en ce qui concerne la garantie des droits noncs. On observe tout de mme que dans les constitutions napoloniennes aussi bien dans le 1er que dans le 2nd empire, que lide dun snat conservateur, charg de veiller au respect des droits de lHomme, fut reprise. Mais le contrle de constitutionnalit fut encore discrdit. B) Les liberts sous la IIIme rpublique Jusqu' la 3me Rpublique, les constitutions se sont toujours rfres aux droits et liberts (corpus et/ou prambule). Avec la 3me Rpublique, il sopre un changement. En effet, les lois constitutionnelles de 1875 ne comportent aucune dclaration de droits et ne font aucune mention des droits du citoyen. Cela sexplique par le contexte historique. Malgr cela, il est vident que les principes de 1789 inspirent les hommes de la 3 me Rpublique. Cest mme ce moment que les liberts prennent un nouvel essor. On assiste un renforcement des liberts. On considre souvent cette priode comme la belle poque des liberts: Lge dor des liberts ou Libralisme triomphant . Cette priode est aussi marque par une intolrance, des entorses certaines liberts. La conscration lgislative des liberts traditionnellement mconnues (Ou la libert par la loi). Sous la 3me Rpublique, 4 grandes lois vont consacrer des liberts importantes : - La loi du 30 juin 1881 : la libert de runion. - La loi du 29 juillet 1881 : la libert de la presse. - La loi du 21 mars 1884 : la libert syndicale. - La loi 1er juillet 1901 : la libert dassociation.

Il sagissait de liberts trs controverses depuis lpoque rvolutionnaire. Ces lois ont le mrite de les faire entrer dans le droit positif. Ceci parait dautant plus notable quon assiste paralllement un renforcement des garanties juridictionnelles des liberts publiques, puisquest mis en place un contrle de la lgalit des actes administratifs. Le passage de la justice retenue la justice dlgue seffectue en 1872. 2) Les entorses aux liberts

(Ou la loi contre la libert). La 3me Rpublique dvoile un visage moins plaisant en montrant son intolrance. Par ex, si lon considre la libert dassociation, la 3me Rpublique reconnat aux associations le droit de se former librement. Le passage devant lautorit administrative a simplement pour but de confrer une personnalit juridique. Mais la 3me Rpublique est anticlricale ; elle amnage un rgime spcial pour les congrgations religieuses qui sont soumises une autorisation pralable. Cela signifie quelles ne se constituent pas librement (loi du 7 juillet 1904). On voulait empcher lEglise davoir trop de prise sur lenseignement. (Jules Ferry) Ainsi, la libert religieuse se trouve menace au nom de la lacit. Cest sous la 3me Rpublique que se droule laffaire Dreyfus ; preuve de lintolrance des autorits de lpoque. Des lois trs rpressives interviennent pour rprimer certaines associations, comme la loi du 10 janvier 1936 relative la dissolution des ligues anti rpublicaines. Trs concrtement, on applique ladage de St Just pas de liberts aux ennemis de la libert . Cela se fait parfois au dtriment de la dmocratie. Lun des symptmes de cette intolrance se fait avec la dcision du tribunal des conflits du 8 avril 1935 Action franaise : saisie irrgulire dun journal royaliste sopposant aux ides rpublicaines. Concernant la libert de runion, des entorses sont commises. Ainsi, un dcret- loi du 23 octobre 1935 rglemente strictement la libert de manifestation. On ne peut nanmoins ignorer que cest dans cette priode que le libralisme sest implant dans lordre juridique. Les grandes lois qui ont t adoptes sont encore en vigueur, mme si elles font rgulirement lobjet damendements. Elles ont acquis une autorit juridique avec la constitution de 1946 qui, dans son prambule, fait rfrence aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la rpublique. Or, ces principes constituent un vritable hommage luvre de la 3me Rpublique. Cependant, mme si les liberts entrent dans le droit positif, on ne peut pas prtendre quil existe une sanction juridictionnelle rgulire et systmatique. Il nexiste pas en effet de contrle de constitutionnalit. Il en va de mme sous la 4me Rpublique. C) Les liberts sous la IVme rpublique Le rgime de Vichy.

La priode 1940-1945 une priode de critiques lourdes du libralisme. La plupart des principes gnraux sont remis en cause. A partir du 16 aot 1940, le gouvernement de Vichy labore un flot de lois liberticides qui met bas ldifice libral, construit par la 3me Rpublique. Lantismitisme et la collaboration se trouvent institutionnaliss, essentiellement sous linfluence exerce par Laval. Cette crise du libralisme nest pas seulement franaise. En ralit, cest toute une nouvelle philosophie qui va tre dveloppe par les autorits tatiques. Cette philosophie se veut plus sociale toute en tant anticommuniste. En ralit, elle est surtout nationaliste et autoritaire. Ex : national socialisme dHitler. Le nazisme est fond sur lide que lhomme ne vaut que par son appartenance une race. Lindividu est donc au service de la collectivit raciale. Cette thorie trouve ses fondements dans les ides dveloppes par Carl Schmitt. Il adopte une vision liberticide du politique. Pour lui, dans son ouvrage matre, La notion de politique , la politique se dfinit par la distinction entre lami et lennemi. Lennemi est celui qui est diffrent. Lennemi en tant que tel doit tre limin. La guerre se trouve lgitim par ce motif. Ex : Le fascisme de Mussolini relve la mme poque que le nazisme de la mme logique global, lhomme ne vaut que par son appartenance lEtat. Lindividu est au service de lEtat qui a le droit de vie et de mort sur lui. Ex : Le franquisme en Espagne, diffre un peu dans son approche mais relve aussi dune idologie nationaliste. Tout le continent europen est atteint par ces ides nouvelles. En France, on est galement atteint par cette approche nationaliste. La fin de la guerre dbouche non seulement sur la victoire des Allis mais galement au rtablissement de la lgalit rpublicaine. Le GPRF cr en 1944 proclame que la loi du 10 juillet 1940 (loi qui transfert tous les pouvoirs Ptain) est inexistante. A partir de ce moment, la France revient une tradition librale et dmocratique. Il y a une volution ; on ne se contente pas simplement de la tradition. A laube de la 4me Rpublique, on observe une volont de consolider les acquis mais aussi de les enrichir en reconnaissant des nouveaux droits caractres conomique et social. Cela apparat trs clairement dans les programmes de la rsistance qui ont un double objet : assurer la libert de pense, de conscience, permettre aussi linstauration dune nouvelle dmocratie conomique et sociale, vinant les grandes fodalits conomiques. Il ne faut pas oublier que la rsistance cette poque est imprgne des ides marxistes. Quelles que soient les appartenances politiques, il demeure que la plupart taient daccord sur la ncessit de redfinir les liberts, en raison du traumatisme caus par la guerre. Avec la premire assemble constituante qui se runit, cest le point de vue marxiste qui lemporte. Une dclaration des droits de lhomme est propose au rfrendum du 5 mai 1946 mais elle choue. Le corps lectoral veut bien un Etat mais pas un Etat socialiste. Un compromis est trouv dans la seconde assemble constituante entre les marxistes et les dmocrates chrtiens qui laborent un projet moins progressiste : dabord, la tradition en ce que le prambule raffirme les droits et liberts de lhomme tels que consacrs en 1789 et les PFRLR. A cette tradition sajoute linnovation. Le prambule proclame en outre comme particulirement ncessaire notre temps, les principes politiques conomiques et sociaux. Cette partie du prambule est un peu dsordonne. Les principes les plus significatifs sont le droit des travailleurs de participer la gestion des entreprises et la dtermination collective des conditions de travail, le principe de nationalisation. Pour ce qui concerne les principes sociaux, sont reconnus des droits qui se traduisent en des droits crances qui sont accords des individus mais aussi des groupes : le droit la sant, lducation, linstruction, la scu, au repos.

Au total, le prambule de 1946 ralise une synthse ; une combinaison et non pas une juxtaposition entre les liberts traditionnelles et les nouveaux droits. On comprend de fait que les critiques formules par les marxistes ont accomplies leur uvre. Les liberts doivent avoir un contenu rel. On doit les mettre en uvre au regard de la socit. Le C.Const sest rfr de nombreuses reprises ce prambule. Le CE sy est galement rfr dans le cas de son contrle administratif notamment en ce qui concerne la solidarit de tous les franais. CE, 29 novembre 1968, Talagran. Ou en ce qui concerne le droit dasile. CE, 27 septembre 1985, France terre dasile. La 4me Rpublique confirme bien lancrage libral de la France rpublicaine. Le contrle de constitutionnalit est prvu mais il ne reoit aucune effectivit. IILa dclaration universelle des droits de lhomme

Ds la fin de la 2WW, on avait pens assortir la charte des nations unies dune dclaration de droits. Cette proposition manait des USA mais elle ne reut pas lassentiment gnral. La GB et lURSS se prononcrent contre. Il a tout de mme t dcid de faire rfrence aux droits de lhomme dans lart 1 al 3 de la charte de lONU. Le DUDH, prpare en 1946, fut adopt le 10 dcembre 1948. A) Le contenu et les caractres de la dclaration La dclaration universelle se situe dans la continuit philosophique de 1789. Ren Cassin, un franais, est le principal concepteur de ce texte. Tous les tres humains naissent libres et gaux en droits article 1er. 4 groupes essentiels de droits : Les arts 1 3 sont consacrs aux droits personnels de lindividu : la libert, lgalit, la dignit, le droit la vie et la sret. Les arts 4 21. Les droits classiques comme linterdiction de lesclavage et de la torture, lgalit de tous devant la loi, la protection juridictionnelle, linviolabilit de la correspondance, la libert daller et venir. Ce deuxime groupe traite aussi du statut civil des personnes : le droit la nationalit, la libert de mariage, les droits de famille et la proprit. Les liberts relatives la participation politique la socit : libert de conscience et dopinion, libert de runion et dinformation, lgalit daccs aux emplois publics. Les arts 22 27. Les droits sociaux conomiques et culturels : droit la scurit, droit au travail, le droit syndical, le droit au repos et aux loisirs, le droit la culture, la sant et lducation. Les arts 28 29. Ils reprennent les idaux de la charte des Nations Unies qui prvoit un droit de tous un ordre social et international permettant lexercice des droits noncs.

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Il est nanmoins indiqu que ces droits ne peuvent pas se concevoir sans les devoirs qua lindividu envers sa communaut.

Ce texte est un texte de compromis entre diffrences tendances. - Le got des franais et des latins en gnral pour les articles gnraux et abstraits ; les principes de libert, de fraternit. - Le gout des anglo-saxons pour les articles prcis et exhaustifs. - Le souci des marxistes de voir noncer des liberts aussi concrtes que possible. Le compromis existe aussi dans lapproche philosophique (thories librales et thories marxistes). Le droit de proprit qui mle les deux conceptions : toute personne aussi bien seul quen collectivit a droit la proprit. Le dfaut de ce texte rside dans labsence doption claire. Chaque Etat peut y mettre ce quil veut, comprendre ce quil veut. Parce quelle est universelle, elle est difficile interprter. Ceci explique que lon parle volontiers ce propos duniversalit naf ; c-a-d un universalisme fait de bon sentiment, dides gnreuses mais peu fcondes. Dailleurs, 45 ans aprs ladoption de la dclaration universelle, la confrence intergouvernementale qui sest tenue Vienne a montr beaucoup de mfiance lgard de ce texte. La dclaration a t conteste par les reprsentants des traditions juridiques loignes de la tradition occidentale. B) Le caractre non contraignant de la dclaration Simple rsolution, la dclaration na pas un caractre contraignant, elle ne formule que des vux qui nont que la valeur de recommandation. Ce texte ne fait natre aucun droit, il na quune porte morale et politique. Il sagit plus de la formulation dun tique internationale lusage des Etats que dun texte juridique. On le saisit trs bien travers les dbats qui ont prsids llaboration de ce texte. Ainsi, Elonore Roosevelt, qui prsidait le comit de rdaction de la dclaration a pu dclarer ce nest pas un trait, ce nest quun accord. Il na pas et ne vise pas avoir force de loi . Autrement dit, il sagit dun idal commun pour tous les peuples et nations. Les Etats eux-mmes ont cette approche travers leurs juridictions nationales. Par ex, le CE dans larrt du 18 aot 1951, lection de Nolay, prcise que bien que publie au journal officiel, la dclaration na pas, faute de ratification, t introduite dans lordre juridique interne. Cette solution a t confirm dans un arrt CE, 1984, Roujansky. Nanmoins, ces diffrents principes sont repris dans dautres textes qui ont valeur juridique. Les internationalistes estiment nanmoins que ce texte a t la base de la formation dun processus coutumier dans la mesure o il existe un consensus autour de ce texte = une opinio juris. Ultrieurement, dans son contenu textuel, il est vrai que la dclaration a reu une conscration juridique travers les deux pactes de 1966.

Chapitre 2 : La protection constitutionnelle des liberts#Section 1 : La consolidation juridique des liberts

La consolidation des liberts sexplique la fois par lvolution de la place quoccupent les liberts dans la hirarchie des normes et par le dveloppement des mcanismes de contrle pour garantir les droits et liberts. Dun statut simplement lgislatif, les liberts sont passes un statut constitutionnel, assorties de mcanismes de garantie constitutionnelle.

I-

La constitutionnalisation des liberts

Il faut ici dterminer les normes de rfrence relatives la protection des liberts. A) Les normes de rfrence Cest la constitution. Il existe une diversit des sources relatives aux liberts. A dbut de la Vme rpublique le problme tait de savoir si tous les textes avaient valeur constitutionnelle. 1) La valeur incontestable des articles de la constitution Un certain nombre de liberts sont clairement nonces dans certains arts de la constitution de 1958 : principe dgalit devant la loi, lgalit devant le suffrage, libert de formation des partis politiques, indpendance de lautorit judiciaire, libert individuelle, la libre administration des collectivits territoriales La question tait de savoir la valeur quil fallait accorder au prambule de 1958. Fallait-il distinguer le corpus et le prambule ? Le prambule fait rfrence a deux textes essentiels : la DDHC et le prambule de 1946. La question tait de savoir si on devait reconnatre la valeur constitutionnelle de 1958 ? Ce texte avait il une valeur lgislative ou tait il dnu de toute valeur ? 2) Les thses sur la valeur de la DDHC Les solutions qui ont pu tre prconises demeurent toujours dans les esprits et ont un effet. La thse de la valeur morale et philosophique de la dclaration. Ce fut la thse retenue lors des travaux prparatoires de la constitution de 1958. Ce point de vue tait partag par les grands positivistes. La thse de la valeur supra constitutionnelle. Cette thse sappuie sur deux explications. La premire consiste considrer quil sagit l de lnonc de droits naturels, inalinables et imprescriptibles qui transcendent toutes les rgles sociales du droit positif. Cette thse est soutenue par la doctrine du droit naturel mais aussi par la doctrine sociologiste ou raliste. En posant ces principes dans le prambule, le pouvoir constituant a lui-mme entendu dautolimiter. On trouve dans les auteurs partageant cette conception : Stphane Rials, Burdot, Duguit, Scelle, La thse de la valeur simplement lgislative. Avant 1958, le CE sest prononc deux reprises sur la valeur de la dclaration de 1789, dans larrt Roubeau de 1913 et larrt Guyiesse de 1944. En revanche, il ressort des conclusions qui ont t faites de ces arrts, que ce ne sont pas tant les dclarations de droits qui ont une valeur juridique que les principes quelles contiennent. Ces principes doivent tre reconnus comme des principes coutumiers ou des principes gnraux du droit ayant une valeur pouvant aller jusqu la loi ordinaire. 3) Les thses sur la valeur juridiques du prambule de 1946 Dun cot, on estimait quil sagissait de simples dclarations dintentions. Dautres considraient, en reprenant les positions du CE, que si les principes noncs navaient pas en

eux-mmes valeur juridique dans le prambule, les principes dans leur signification pouvaient tre considrs comme des principes gnraux du droit. Valeur positive qui les situaient au max des lois ordinaires. CE, Dehaene du 7 juillet 1950. B) La conscration constitutionnelle des liberts par le conseil constitutionnel Cest la grande nouveaut de la 5me Rpublique : ltablissement dun contrle de constitutionnalit. Le rle attribu au dpart au juge tait simplement dviter que le Parlement empite sur les comptences du pouvoir excutif (protection du pouvoir rglementaire). On nimaginait pas que le juge constitutionnel dvelopperait un contrle beaucoup plus substantiel des liberts en censurant en tant que de besoin les lois. On ne pensait pas que le prambule pourrait constituer une base de son contrle de constitutionnalit dautant que le prambule pouvait sembler contradictoire avec les articles mmes de la constitution. Il faut attendre 1971 pour que la situation faite au prambule soit modifie. 1) La dcision du 16 juillet 1971 Libert dassociation. Valeur constitutionnelle au prambule de la constitution. Faits : Association la tte de laquelle il y avait Simone de Beauvoir et Liris. Le rcpiss ne fut pas dlivr. Les intresss effectuent un recours devant le TA de Paris. En ralit, le prfet agissait sous ordre du ministre de lintrieur qui souhaitait empcher la cration de cette association. Le ministre dcida de soumettre un projet de loi visant soumettre une autorisation pralable certaines associations. Le prsident du Snat saisit le C.Const. Le C.Const, conformment au CE, reconnat la libert dassociation et annule la loi. Sur quelle base ? Selon la haute juridiction, la libert dassociation constitue un principe garanti par la constitution en tant que le prambule de 1958 fait rfrence au prambule de 1946, lequel prambule fait rfrence aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la rpublique. Pour le C.Const, la libert dassociation est un PFRLR. Cette dcision est audacieuse a un double titre. La conscration de la valeur constitutionnelle de la libert dassociation ntait pas vidente et parce que cest la 1re fois quil est expressment admis que les liberts peuvent tre protges contre la loi elle-mme. A partir ce de moment, la voie est ouverte la reconnaissance de nombreux droits et liberts.

2) La rforme de la saisine du C.Const Cette deuxime tape est franchie avec la loi constitutionnelle du 29 octobre 1974 qui rsulte dune initiative de Giscard. Avant cette rforme, le C.Const ne pouvait tre saisit que par 4 autorits (Prsident, 1er ministre, Prsident du Snat, Prsident de lAss Nationale). Depuis cette rforme, le C.Const peut tre saisit par 60 dputs ou 60 snateurs de linconstitutionnalit dune loi. Cette rforme est essentielle du point de vue dmocratique parce quelle permet dsormais lopposition et une minorit de faire valoir ses arguments juridiques. Cette loi est essentielle

aussi du point de vue du droit des liberts car elle permet daugmenter les cas de saisine du CC en cas datteinte suppose des liberts fondamentales. Cette loi opre une double mutation : une mutation quantitative en augmentant le nombre des saisines mais aussi une mutation qualitative. Le C.Const a donc une fonction de protecteur des liberts. L est vritablement la rvolution juridique moderne. 3) Le dveloppement de la garantie constitutionnelle des liberts Dans les annes qui ont suivies la dcision de 1971, le C.Const a vu son activit crotre. Il a t saisi pratiquement de toutes les lois concernant les liberts. A partir des quelques lignes du prambule de 1958, le C.Const a dgag le bloc de constitutionnalit. Il a consacr la valeur constitutionnelle de tous les grands principes contenus dans la DDHC. Tel est le cas en 1er lieu pour le principe dgalit. Cest le 1er principe qui fut tir de la DDHC et qui reu valeur constitutionnelle. Il a ensuite dgag les corollaires de ce principe : le principe dgalit devant la justice, dgalit devant les charges publiques. Le C.Const a galement consacr la libert daller et de venir, la libert de mariage, la libre communication de pense et dopinion, la prsomption dinnocence, la non rtroactivit pnale, la valeur constitutionnelle de larticle 13 propos de limpt. Le C.Const a galement consacr les liberts partir du prambule de 1946 en consacrant certains principes politiques, conomiques et sociaux. Le droit de grve, le droit au travail, le droit la sant Le C.Const a aussi consacr une 10aine de PFRLR : - Le principe de la libert dassociation (loi de 1901). - Les droits de la dfense (1976). - Le principe et le respect de la libert individuelle (1977). - Le principe de la libert denseignement (1977). - La libert de conscience (1977). - Le principe dindpendance de la juridiction administrative, - Le principe de lindpendance des professeurs duniversit (1984). - Le principe selon lequel lannulation et la rformation des dcisions prises par ladministration dans lexercice de ses prrogatives de puissance publique relve de la juridiction administrative, - Le principe consacrant limportance des attributions confres lautorit judiciaire en matire de protection de la proprit immobilire, - Le principe de lexistence dune justice pnale des mineurs (2002). On a beaucoup critiqu la JP du C.Const en ce qui concerne les PFRLR en considrant selon la formule de Riverau quil sagit dune catgorie fonctionnelle , dune catgorie fourre-tout, car destine combler les lacunes de la constitution. Sur le long terme, le grief ne peut tre maintenu puisque les PFRLR ont une place limite dans le bloc de constitutionnalit. En fait, le juge ne dispose pas dune trs grande latitude pour dgager les PFRLR. Il faut non seulement que les principes dgags aient t affirms dans la lgislation rpublicaine antrieure la constitution de 1946 c-a-d les lois de la 3me Rpublique. On voit dj une limite importante mais aussi quils aient t affirms sans discontinuit, c-a-d quils naient jamais t contredit dans la tradition rpublicaine.

Cette conception rigoureuse la amen carter certaines demandes de reconnaissance de nouveaux principes. Ainsi, par ex, lvocation de lattribution dallocation familiales toutes les familles. Le C.Const se rfre galement la notion de principes valeur constitutionnelle quil dgage de lensemble de la tradition juridique sans faire rfrence un texte prcis. Cest notamment le cas de la continuit du service public (25 juillet 1979). Le principe de sauvegarde de la dignit de la personne humaine (27 juillet 1994). Droit mener une vie familiale normale pour les trangers rsidant rgulirement en France (12 et 13 aot 1993 loi relative la matrise de limmigration). Del se dveloppe la critique du pouvoir normatif du juge. Il agirait ici de la mme manire que le CE dans le cadre des principes gnraux du droit quil dgage en labsence de droit crit. La controverse se dveloppe encore lorsque le C.Const voque les objectifs de valeur constitutionnelle. Notamment, la prservation du caractre pluraliste des courants dexpression socio culturels (27 juillet 1982). Il utilise galement la terminologie dexigence constitutionnelle propos de la limitation des concentrations de presse afin dassurer le pluralisme. Enfin, il convient de rappeler que le C.Const avait refus de consacrer le principe de prcaution comme un objectif de valeur constitutionnel dans sa dcision du 27 juin 2001. Ce dbat est en partie dpass puisque la rvision constitutionnelle du 22 fvrier 2005 propose de la charte de lenvironnement consacre dsormais la valeur constitutionnelle du principe de prcaution mais en ce qui trait au domaine de lenvironnement. Le C.Const a beaucoup consacr de droits et liberts mais a aussi invalid de nombreuses dcisions. Il se montre vigilant lgard du lgislateur en censurant en ralit aussi bien des lois de droite que des lois de gauche. Sagissant de la droite, il a invalid la veille des lections prsidentielles de 1981 certaines dispositions de la loi des 19 et 20 janvier 1981 scurit et libert. Peu de temps aprs les prsidentielles de 1981, il a censur des dispositions relatives aux nationalisations. Ce qui a oblig le pouvoir politique a labor une nouvelle loi juge conforme la constitution. En tout tat de cause, il est vident que par le biais de sa jurisprudence, le C.Const a labor une vritable charte jurisprudentielle des liberts. On peut regretter que parfois les dcisions soient suffisamment motives, quelles ne prcisent pas toujours les bases juridiques. Son pouvoir dinterprtation masque mal dun certain point de vue un pouvoir normatif. Mais dans le mme temps, il est vident que le contrle du juge ne peut pas tre enserr dans un cadre trop strict. Il faut lui laisser une certaine latitude. Dans la mesure o mme une charte crite des liberts ne peut tout prvoir. De ce point de vue on peut dire que lnonciation trop stricte des liberts est de nature nuire aux liberts. Il ne faut donc pas exagrer le pouvoir normatif dont dispose le C.Const. En tant un peu plus minutieux, on observe le plus souvent quil sefforce de rectifier les lois plutt que de les censurer. Autrement dit, il rectifie les textes sans remettre en cause les grandes orientations du lgislateur. Cest un moyen de basculer vers un autre type de critique : le C.Const serait en ralit trop prudent. Il prserverait beaucoup trop le lgislateur. Selon Jean Rivereau, Le C.Const a filtr le moustique et a laiss passer le chameau . Le C.Const affirme rgulirement quil ne dispose pas dun pouvoir gnral dapprciation identique celui du lgislateur. Dcision IVG de 1975 : le C.Const dit quil ne dispose pas dun pouvoir dapprciation gnral. Il se rpte dans la dcision du 19 et 20 janvier 1981.

4) La rforme du 23 juillet 2008 ou la conscration du contrle a posteriori des lois Cette rforme intervient aprs les checs de 1990 et de 1993 visant tablir un contrle a posteriori des lois. Cette disposition organise un systme de filtrage par les hautes juridictions ordinaires, avant que la question ne soit tranche par le C.Const. Ce quil est intressant, cest que lart 62 de la Const dispose quune disposition dclare inconstitutionnelle sur la base de la disposition de larticle 61-1 est abroge compter de la publication de la dcision du C.Const ou dans un dlai dtermin par le juge constitutionnel. Une loi organique du 10 dcembre 2009 a t vote pour accompagner cette rforme et prciser les modalits applicables la QPC, compter du 1er mars 2010. Il sagit un progrs vident, pour deux raisons. Cela permet dassurer, sans conteste, une meilleure protection des droits et liberts, au moment o les atteintes se produisent et non plus de manire abstraite. Les individus participent dsormais eux-mmes la protection des droits fondamentaux. Il faut cependant garder lesprit que la saisine faite par les individus nest pas directe. IILe rgime juridique des liberts A) La question de la hirarchie des liberts Poser la question de la hirarchie des liberts, cest admettre quil existe une hirarchie entre les liberts. Cela apparat vident dun point de vue formel puisque certaines liberts ont acquis un rang constitutionnel, du fait de leur conscration par le C.Const, tandis que dautres ne sont reconnues que par le lgislateur ou les juridictions ordinaires Ces dernires nauraient donc quune valeur lgislative ou, pour certains auteurs, une valeur infra lgislative et supra dcrtale. Vue sous cet angle, la question de la hirarchie ne soulve plus de difficults. Certains auteurs, comme Louis Favoreux, en sappuyant sur des critres formels, rsolvent la question en distinguant les liberts fondamentales des autres liberts. La question se pose ici dans dautres termes, plus complexe. Certains auteurs estiment qu lintrieur mme des liberts reconnues comme ayant valeur constitutionnelle, il existe une hirarchie. Il existerait, selon cette approche, des liberts de premier rang et des liberts de second rang. Il existerait une hirarchie lintrieur des droits fondamentaux. Cest la thse soutenue par Genevois et Favoreux. Bruno Genevois sest appuy sur la JP du C.Const et sur celle du CE qui selon lui tablissent des distinctions entre les liberts. Le C.Const a affirm que la libert dentreprendre et la libert de communication en matire audio visuelle ntait ni gnrale, ni absolue. Dcision du 27 juillet 1982 propos de cette libert. Elle a t reprise et confirme dans la dcision du 16 janvier 1986 propos de la libert dentreprendre. Cette libert sexerce dans le cadre dune rglementation institue par la loi. Bruno Genevois dduit de cette JP quil y a une hirarchie dans les liberts, mme lorsquon se place au niveau constitutionnel. En fonction de cette hirarchie, la comptence du lgislateur est

plus ou moins large. Ainsi, il note que la libert de la presse est mieux protge que ne lest celle du commerce et de lindustrie. Ce nest pas une thse nouvelle. Bruno Genevois parle dune hirarchie matrielle des liberts. Cela signifie que des principes comme la libert de la presse, la libert individuelle, la libert dopinion et de conscience seraient des liberts de premier rang car se sont des liberts gnrales et absolues. Ces liberts supposent simplement une abstention de lEtat. Louis Favoreux a repris galement cette thse en prcisant pour sa part que les liberts de premier rang rpondent trois caractristiques essentielles : Labsence de tout rgime dautorisation pralable. Le rle du lgislateur. Il tend seulement rendre plus effectif lexercice de la libert et non la restreindre, sauf lorsquil sagit doprer une conciliation entre deux liberts fondamentales. Leur application uniforme sur lensemble du territoire de la rpublique. Ce critre est essentiel, dans la mesure o il sappuie sur une JP constante du C.Const qui interdit au lgislateur doctroyer aux collectivits territoriales un pouvoir dadaptation en matire de libert fondamentales : Dcision du 18 juillet 1985 ; Dcision 1994.

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En sappuyant sur ces trois critres Favoreux a class dans les liberts de premier rang, la libert individuelle, la libert de la presse, la libert denseignement et de la recherche, le principe de sauvegarde de la dignit de la personne humaine. En revanche, lappui de ces trois critres, lauteur dduit que le droit de proprit est une libert de second rang car elle ne rpond pas aux trois conditions. En effet, le droit de proprit est variable selon les localits (plan doccupation des sols, prsence de permis de construire). Cela apparat du reste relative clairement dans la dcision du 16 janvier 1982 : le droit de proprit a subi une volution, en raison de son extension dans des domaines nouveaux mais aussi en raison dun certain nombre de limitation en raison de lIG. La thse dune hirarchie matrielle des liberts lintrieur mme des normes constitutionnelles peut dautant plus tre admise quil existe des liberts qui semblent avoir une porte plus gnrale que dautres. Cest ce que lon peut observer lorsque le C.Const se rfre au principe dgalit. Ainsi, on constate que le principe dgalit devant la justice est inclus dans le principe dgalit devant la loi qui est proclam lart 6 de la DDHC. Cest le cas encore lorsquil affirme quil existe des corollaires certains principes comme, par ex, le principe du contradictoire de la procdure. Le principe du contradictoire constitue un corollaire du principe du droit de la dfense. C.Const, 29 dcembre 1989. Cette thse rencontre des contradicteurs, notamment le doyen Vedel qui rfutait cette thse. Il considrait que cest un non sens que daffirmer lexistence dune hirarchie entre des liberts constitutionnellement reconnues, car la valeur constitutionnelle ne peut pas tre hirarchise. Toutes les liberts du bloc de constitutionalit ont la mme valeur. Effectivement, sil existe une hirarchie, elle ne peut tenir qu leur substance mais en aucun cas leur valeur juridique. Certains principes, sans avoir une valeur juridique diffrente, ont un plus grand degr de gnralit. Cette hirarchie des liberts sexplique du point de vue de la substance des normes et non pas du point de vue formel. Cette explication est admissible mais dans le mme temps, il

faut constater quil nexiste aucun principe qui puisse sexercer de manire absolue. Lobligation de conciliation des normes dmontre que labsoluit dun principe nexiste jamais. Il a toujours une force relative en fonction des circonstances de lieu et de temps. Tout dpend du point de vue que lon adopte. Lorsque lon met un point de vue sur cette question, il convient de prciser les bases de la discussion. Ce nest pas un dbat thorique, cest un dbat trs concret dont le juge a connatre. On constate que dans nombre de cas, le juge a pu trancher. Mais il reste difficile de systmatiser. La question est tranche par certains auteurs qui estiment quil y a des normes supra constitutionnelles. Cette thse sappuie sur les principes affirms dans le DDHC. Ainsi, Serge Arn dfend lide de lexistence dun noyau dur ou dun bloc de supra constitutionalit en ce qui concerne certaines valeurs, telles par ex, la sparation des pouvoirs, le pluralisme, la forme rpublicaine du gouvernement, lgalit, les objectifs dordre public, la dignit humaine Mais cette thse nest nullement corrobore sur le plan du droit positif par le juge, par le C.Const. Celui-ci na jamais affirm lexistence de normes supra constitutionnelles mme si la question sest plus ou moins pose devant lui la suite de la dcision du 2 septembre 1992 relative au trait de Maastricht propos de la rvision de la constitution (quelles dcisions rviser ?). La dcision du C.Const du 26 mars 2003 semble confirmer quil nexiste pas de normes supra constitutionnelles. B) La rpartition des comptences en matire de liberts *Qui est comptent pour dterminer et rglementer les liberts dans le respect des textes constitutionnels ? Traditionnellement, cest le pouvoir lgislatif qui est dvolu ce pouvoir. Mais le pouvoir rglementaire nest pas totalement absent. Il nassume pas seulement un rle secondaire dapplication des lois, il est galement comptent pour rgir titre initial certaines liberts. 1) La comptence traditionnelle du lgislateur La comptence en la matire est fondamentale puisque au regard de lart 34 de la Const, cest la loi qui fixe les rgles concernant les garanties fondamentales accordes au citoyen pour lexercice des liberts publiques. Cest la garantie des liberts par la loi. On peut se demander pourquoi le lgislateur et pas une autre autorit ? Cette comptence de principe du lgislateur sexplique pour deux motifs essentiels. Le 1er motif est politique, il dcoule de la logique dmocratique que les comptences normatives appartiennent un organe qui incarna volont nationale. En tant que reprsentant de la nation, le Parlement est habilit intervenir. Mais lexcutif peut aussi tre comptent. Le 2nd motif est technique. La procdure lgislative apporte des garanties supplmentaires la qualit des textes. En effet, avec la dlibration, il y a davantage de rflexion. Une loi implique toujours davantage de temps quun dcret.

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Lide qui est affirme classiquement, cest quon ne libralise pas par dcret, on ne libralise que par la loi. Cest sinterroger sur la comptence normative du lgislateur. Il peut mettre en

uvre les liberts constitutionnellement reconnues mais il peut galement poser le principe de nouvelles liberts qui ne trouveraient pas leur fondement dans le bloc de constitutionalit. Ex : dans le domaine de la biothique, il y a un vide, le lgislateur cre rgulirement du droit. Dans ce cas de figure, il lui appartient de dfinir le statut des nouvelles liberts cres. On peut dire que cest dans ce domaine que le lgislateur conserve ses comptences maximales. Il ne dispose plus comme auparavant dune souverainet absolue puisquil est lobjet dun contrle de conformit. Dcision du 25 janvier 1985 : la loi exprime la volont gnrale que dans le respect de la constitution. Lexcutif, quant lui, ne dispose que de comptences subordonnes et accessoires. Cela signifie quil ne peut pas apporter des restrictions dune nature nouvelle par rapport au lgislateur. Il faut donc une habilitation lgislative au pouvoir rglementaire pour intervenir. Dans la pratique, cela est un peu diffrent. On observe nanmoins que le juge administratif a trs vite admis que le pouvoir rglementaire pouvait prolonger les limitations la libert du commerce et de lindustrie antrieurement apportes par la loi dans un secteur conomique donn. Autrement dit, le juge administratif a une position trs souple des conditions de principe dans le domaine conomique. Il y a l une habilitation implicite du gouvernement intervenir. CE, 28 octobre 1960 Martial de Laboulaye. Les ncessits de lordre public permettent aussi aux autorits de police de rglementer lexercice de certaines professions dans la mesure o il peut y tre port atteinte. Le juge a affirm dans larrt Daudignac du 22 juin 1951 quil ne pouvait tre port atteinte la profession de photographe filmeur. Dans dautres circonstances, le CE a admis que cette activit pouvait temporairement tre interdite dans la mesure o cela pouvait nuire au tourisme. Ex : pendant la priode touristique, sur la route du Mont St Michel 13 mars 1968 Ministre de lintrieur contre Leroy. CE 18 dcembre 1959. Socit des films Lutcia. Un contrle approfondi est exerc par le juge pour vrifier la ralit du trouble public et la ncessit quil y a de procder des interdictions. On observe quen matire de liberts publiques, lintervention du pouvoir rglementaire reste annexe. Il intervient ici dans le cadre du pouvoir rglementaire dapplication des arts 21 et 38 de la Const. 2) Le rle du pouvoir rglementaire autonome en matire de liberts publiques La grande innovation de la 5me Rpublique est de mettre en place un pouvoir rglementaire autonome disposant dun domaine propre. Une lecture rapide de la constitution peut donner limpression que cest le gouvernement qui dispose dun pouvoir de principe alors que le lgislateur disposerait dune comptence spciale dattribution conformment lart 34. Autrement dit selon cette approche, le gouvernement serait comptent pour intervenir dans le domaine des liberts publiques qui ne relvent pas des garanties fondamentales. Cela ne correspond pas la ralit. La comptence du lgislateur dpasse le simple cadre de lart 34 puisque dautres dispositions constitutionnelles affirment sa comptence en matire de libert. Il en est ainsi du prambule de 1946 mais aussi de la DDHC.

En outre, il faut constater que le lgislateur investit rgulirement le domaine du pouvoir rglementaire sans tre sanctionn. Le juge constitutionnel autorise cela ds lors que le gouvernement ne sy est pas oppos. 30 juillet 1982. Blocage des prix et des revenus. La question sest pose au dbut de la 5me Rpublique de savoir si le pouvoir rglementaire autonome est subordonn aux principes gnraux du droit. Dans deux arrts : CE, 26 juin 1959, Syndicat gnral des ingnieurs conseil et CE, 12 fvrier 1960, Socit Eky. Le CE a affirm la supriorit des PGD sur les rglements autonomes. Il sest donc reconnu le droit de contrler la lgalit des rglements autonomes par rapport aux PGD. Cest partir de ces arrts que certains auteurs comme Chapus ont pu indiquer que les principes gnraux du droit ont une valeur infra lgislative et supra dcrtale. Le pouvoir rglementaire autonome ne peut pas tout. Il fait lobjet dun contrle. On ne peut cependant pas se limiter cette analyse et minorer le pouvoir du gouvernement dans le domaine des liberts ; mme dans le cadre dun rgime parlementaire. En ce sens la volont lgislative nest que la traduction de la volont du gouvernement. Mme lorsque le parlement dispose dune autorit vritable, cest par lintermdiaire du gouvernement quest assure la mise en uvre des lois.

#Section 2 : La porte concrte des libertsOn mesure limportance des liberts selon limportance des limitations qui en sont faites. Il convient cet gard de distinguer la rglementation faite des liberts en temps normal, et celle qui en est faite en temps de crise. ILes liberts en temps normal

En temps normal, la porte des liberts varie selon les techniques juridiques mises en place. 3 rgimes diffrents doivent tre distingus : le rgime rpressif qui suppose un contrle a posteriori, le rgime prventif qui est fond sur lautorisation pralable et le rgime de la dclaration pralable, qui constitue un rgime intermdiaire. A) Le rgime rpressif

1) Dfinition Le terme rpressif peut ici prter confusion. Il fait penser au rgime autoritaire, ngateur des liberts. Dans cette approche, rpressif est synonyme de rpression, oppression. Ce nest pas cette acception quil faut retenir. Du point de vue juridique, le rgime rpressif est le rgime le plus libral qui garantit le mieux les droits de lindividu. Les comportements prohibs font lobjet dun contrle a posteriori et non a priori. Il ny a donc aucune restriction pralable. Cest le caractre a posteriori de la libert qui rend ce rgime libral. Deux lments expliquent le caractre libral de ce rgime : Cest un rgime qui pose comme principe la libert, ce qui signifie que la limitation de la libert constitue lexception. Dans cette logique, mme le silence de la loi na pas pour effet de paralyser lexercice des droits et liberts qui ne sont pas expressment reconnus. Cest un rgime qui est normalement amnag de manire apporter le plus de garanties possibles aux droits de lindividu. Cela signifie que les mcanismes rpressifs sont placs sous la double protection du lgislateur et du juge, conformment lart 8 de la DDHC. Le lgislateur est seul comptent pour dterminer les dlits et les peines (lgalit et ncessit des incriminations et des peines). Le juge, quant lui, se prononce sur la ralit des infractions et fixe la peine. Mais la prsence seule du lgislateur ne peut suffire. Cela a dailleurs t sanctionn sur le plan de la justice constitutionnelle. Ainsi, DC 15 mars 1999, a confort le rle jou par le juge en cette matire, propos de la loi organique relative la Nouvelle Caldonie : lintervention du juge pour apprcier la ncessit dune peine constitue un principe constitutionnel et un principe essentiel du rgime libral. Sont donc interdites les dispositions qui prvoient une peine automatique. Il faut galement ajouter le principe de prsomption dinnocence mentionn lart 9 de la DDHC. Il en rsulte quaucune peine ne peut tre dicte et prononce abusivement. 2) Lamnagement concret du rgime rpressif Ce rgime peut changer de nature, en fonction de ltendue des incriminations et de lorganisation de la justice. Une lgislation svre peut rendre ce rgime oppressif. Le dispositif normatif a fait lobjet de critiques. a) Les critiques lgard de certaines lois liberticides On a fait le reproche certaines lois de crer des incriminations trop larges et donc dangereuses pour les liberts. Cest le cas pour la loi anti- casseurs de 1970, qui renforait la sanction de participation des manifestations illicites. Cette critique est revenue pour la loi Scurit et Libert du 2 fvrier 1981. Mais ce nest pas parce que la loi est critique quelle est sanctionne par le C.Const.

La loi dorientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, propos des dispositions portant rforme du droit pnal des mineurs. La loi du 9 mars 2004, Perben II, portant adaptation de la justice aux volutions de la criminalit. La loi du 25 fvrier 2008 relative la rtention de sret et la dclaration dirresponsabilit pour cause de trouble mental. Cette loi prvoit quune juridiction rgionale de la rtention de sret puisse prononcer le placement des intresss dans un centre socio-mdico-judiciaire de sret. Le C.Const a indiqu dans DC 21 fvrier 2008 que cela tait possible dans la mesure o il ne sagit pas dune peine au sens strict. Mais il a prcis que cela ne pouvait pas tre appliqu des personnes condamnes avant la publication de la loi ou condamnes pour des faits antrieurs la loi, ce qui la amen censurer certaines dispositions Opposition au caractre rtroactif. b) Les critiques relatives lorganisation judiciaire Lorganisation judiciaire a fait lobjet de critiques par le pass mais aussi aujourdhui, en raison de lexistence de juridictions militaires (tribunaux militaires) comptentes lgard dinfractions militaires, en raison de leur composition, qui ne constitue pas une garantie pour le droit des militaires jugs. On pense la Cour militaire de justice. Arrt Canal du 19 octobre 1962 : annule lordonnance du 1er juin 1962, interdisant la mise en place dune Cour militaire de justice, dexception. En France, la question ne se pose plus. Mais on voit dans la JP de la CEDH que la Turquie a t sanctionne pour avoir instaur des tribunaux militaires. La Cour de Sret de lEtat, institue en 1963, a galement t trs critique. Elle avait succd diverses juridictions dexceptions cres pendant la Guerre dAlgrie. Elle tait comptente pour tous les crimes atteignant la suret de lEtat en temps de paix. Elle a t supprime par la loi du 4 aot 1981. Il faut aussi voquer la Cour de Justice de la Rpublique, comptente pour juger les ministres. Cest une juridiction spciale, runie pour la 1re fois afin de juger Mrs Fabius, Edmond Herv et Mme Georgina Dufoix, pour laffaire du sang contamin. Cette cour est compose de quinze juges, avec des magistrats (3) et des parlementaires (12). On a critique la composition de cette cour en raison de son caractre trop politique. Par ailleurs, la procdure na pas fonctionn selon le principe du contradictoire. En effet, les victimes nont pas eu la possibilit de faire valoir leurs arguments sur cette affaire du sang contamin. Elles sont seulement intervenues en tant que tmoin. Edmond Herv a t le seul condamn, mais sans peine excutoire (il navait pas bnfici de la prsomption dinnocence pendant les 15 ans prcdents). Dans lensemble, on a assist un renforcement de la garantie des droits et des liberts sous la 5me Rpublique. Quand le lgislateur intervient en matire rpressive, le C.Const a consacr la valeur constitutionnelle des grands principes du droit pnal issus de la DDHC de 1789. B) Le rgime prventif

1) Dfinition Cest le rgime le plus dfavorable aux liberts, au point quon lappelle parfois le rgime de police . Il permet aux autorits publiques de faire obstacle lexo de certaines liberts en raison des ventuels abus qui pourraient en rsulter. Ce rgime ne consiste donc pas simplement rprimer lexo des liberts par un contrle a posteriori du juge mais effectuer un contrle a priori pour viter les ventuels abus. Le contrle a posteriori du juge subsiste, mais il est prcd dun contrle de ladministration Ce rgime est critiqu car il donne ladministration un pouvoir considrable, susceptible de dgnrer en pouvoir arbitraire. Cest la raison pour laquelle on parle de rgime de police . Cest un rgime de contrle pralable, qui se caractrise par une certaine mfiance lgard de lindividu. Contrairement au rgime rpressif, on ne laisse pas lindividu pleinement matre de ses actions. Lexo des activits est soumis une acceptation, une autorisation pralable de ladministration. Cette autorisation peut tre expresse ou tacite, voire conditionnelle. Lautorit administrative est en tout cas matresse de la situation. Cest elle dont dpend lexo de lactivit. Ce rgime choque dans son principe. Mais compte tenu de la dangerosit de certaines activits, il peut aussi tre considr comme lgitime. En effet, le rgime prventif ne se justifie que par des considrations lies la protection de lintrt gnral, de lordre public, dans des cas o ces principes seraient menacs par un abus de libert. Ce rgime repose sur ladage : Il vaut mieux prvenir que gurir . Ex : permis de conduire, de chasse, de pche, lautorisation de port darmes, produits pharmaceutiques, Il est de nombreuses activits quil est impossible de laisser sans contrle pralable. La scurit constitue un droit fondamental, une condition dexo des liberts. Dans le principe, le rgime prventif est restrictif pour les liberts, mais tout dpend de lexo que lon en fait. 2) Lamnagement concret du rgime prventif En raison de lintrt gnral, le rgime prventif peut aboutir linterdiction de certaines activits, condition toutefois quun texte permette ladministration dintervenir. Si ce rgime est dangereux pour les liberts, il est nanmoins trs encadr par les textes mais aussi par la JP. a) Lamnagement du rgime par les textes Si le rgime dautorisation pralable est trs utilis pour les liberts co et professionnelles, il lest en revanche beaucoup moins pour les autres liberts caractre plus social. Ainsi, pour les liberts co et professionnelles, ce rgime est utilis notamment en matire durbanisme, de construction, dorganismes professionnels, daccs certaines professions. Ex : agrment pour louverture dun dbit de boisson, dlivrance dune licence pour ouvrir une pharmacie.

Il existe ainsi de nombreuses professions qui sont rglementes. Ex : taxis. En revanche, pour les liberts caractre plus social, ce rgime est beaucoup moins pesant. Il y a tout de mme certains domaines o les textes soumettent lexercice des liberts une autorisation pralable. Cest le cas notamment dans le domaine du cinma avec les visas cinmatographiques. Ex: film baise moi CE, 30 juin 2000, Association Promouvoir, dont le visa du Ministre de la Culture a fait lobjet dune annulation car le film tait caractris comme pornographique. Ex : CE, 4 fvrier 2004, propos du film de Larry Clark. Cest aussi le cas de la communication audiovisuelle, avec lautorisation pralable de ladministration pour les radios et les tlvisions. Les services de communication audiovisuelle ne peuvent fonctionner que sils ont lautorisation du CSA. Les associations, seulement dans les domaines sanitaires, doivent avoir une autorisation pralable pour exercer. [Il faut aussi sparer les associations dAlsace qui ne sont pas soumises aux mmes rgles.] b) Lencadrement du rgime par le juge Le juge surveille de trs prs le rgime prventif lorsquil sapplique. Il a ainsi indiqu que les polices municipales ne pouvaient pas soumettre lexercice de certaines liberts essentielles un rgime dautorisation pralable. Cest le cas pour la profession de photographe filmeur. Cependant, le juge reconnat que les comptences dinterdiction peuvent tre mises en uvre dans le cadre de la police locale. Cela a t le cas dans un fameux arrt, CE, 19 mai 1933, Benjamin. Tout en rejetant linterdiction du maire de permettre la runion organise pour la confrence de M. Benjamin, le juge a admis le principe selon lequel une interdiction locale est possible en tenant compte des circonstances locales. Cest la mme logique qui fut dveloppe en matire cinmatographique, dans larrt CE, 18 dcembre 1959, Socit des Films Lutcia. Le juge exerce un contrle approfondi de la ncessit pour ladministration de faire obstacle des liberts pour des considrations lies lordre public. Il exerce un contrle dit max de proportionnalit. Il vrifie en consquence ladquation des moyens aux faits. C) Le rgime dclaratif 1) Dfinition Le rgime dclaratif se rapproche du rgime prventif en ce quil consiste imposer un pralable lexo de la libert. Mais il sen diffrencie nettement par le fait que ce pralable ne comporte pas la possibilit pour ladministration de sopposer lexo de la libert. En effet, au moment de la dclaration dune activit, ladministration na quun rle passif. Elle se contente denregistrer et de donner un rcpiss qui constitue lacte de reconnaissance de lactivit.

Ce procd est courant. Il est utilis pour les associations qui se constituent librement mais qui sont tenues de se plier des formalits, contenues dans la dclaration, pour obtenir une personnalit juridique. Il en va de mme pour la cration dun journal, pour louverture de certains tablissements susceptibles daffecter lenvironnement ou pour lemploi de travailleurs trangers. 2) Lamnagement concret du rgime dclaratif En principe, ce procd de la dclaration pralable nest pas contraignant. En pratique, il peut savrer extrmement dangereux pour les liberts. Certes, cela nempche pas lexercice dune libert mais ce mcanisme permet ladministration de ragir plus vite pour contrler, voire interdire, une pratique si cela lui semble justifier. Lobligation dune dclaration constitue dj une atteinte la libert. Ce rgime qui est en apparence librale peut trs rapidement devenir rpressif. Il permet ladministration dtre au courant de tout, de tout ficher, en sachant qui exerce quelle activit, dans quel but, avec qui. De ce point de vue, louvrage de science-fiction de George Orwell, 1984 , nest plus une fiction : Big Brother is watching you . La dclaration pralable facilite lexo de comptence dinterdiction pour les autorits. On a pu dire que ce rgime de dclaration se dfinissait comme un savoir et non comme un pouvoir. En ralit, le savoir est aujourdhui un pouvoir, do lintrt dinstitutions comme la CNIL (Commission nationale informatique et liberts). Le C.Const veille prcisment ce que ce rgime de dclaration pralable ne se transforme pas en rgime prventif, dfavorable aux liberts fondamentales. Ex : Dcision du 16 juillet 1971, propos de la libert dinformation. De mme, dans la dcision des 10 et 11 octobre 1984 sur la libert de la presse, le C.Const a vrifi que le rgime de dclaration institu pour les organes de presse naboutissait pas automatiquement un mcanisme dautorisation pralable, ce qui serait contraire aux liberts fondamentales, comme la libert de la presse. IILes liberts en temps de crise

En temps de crise, la place pour les liberts fondamentales est moins importante. Elles connaissent, en ce qui concerne leur garantie et leur tendue, un inflchissement. Le plus souvent, elles cdent aux exigences dordre public et dintrt gnral, qui veulent que dans des circonstances dexception doivent obir un droit exceptionnel. Le point dquilibre entre ordre public et liberts, dans ces priodes, est dplac au profit de lordre public. On va privilgier lordre public face aux liberts. Pour autant, ce nest pas dire que dans ces priodes dexception, les liberts fondamentales sont totalement dnies. Elles sexercent simplement de manire attnue. Cette attnuation des liberts constitue la condition sine qua non de sauvegarde et de maintien de lordre libral moyen et long terme. Cest la dfense de cet ordre qui justifie ces mesures. Ce sont les propos dAurioux aprs la 1WW : Si en temps normal la libert est au 1er plan, en priode de guerre, cest la lgitime dfense de lEtat qui est au 1er plan .

Ces limitations aux liberts ne se justifient que si elles sont encadres. Cest dans lintrt des textes et de la JP dlaborer un droit qui permet dassurer un min de garanties aux liberts dans les priodes de crise. A) Les rgimes dexception prvus par les textes 1) Larticle 16 de la constitution Il prvoit que dans des circonstances particulires, le Prsident de la Rpublique a la possibilit de mettre en uvre des pouvoirs dexception. Cet art nest pas en lui-mme un rgime spcial damnagement des liberts, mais plutt un rgime spcial damnagement des pouvoirs publics. Reste que cet amnagement des effets sur les liberts. 2 conditions justifient la mise en uvre de cet article. La 1re condition est ralise lorsqu une menace grave et immdiate pse sur les institutions de la Rpublique, lindpendance de la nation, lintgrit de son territoire ou lexcution de ses engagements internationaux . La 2nde condition est ralise lorsque la menace ainsi dfinie entrane linterruption du fonctionnement rgulier des pouvoirs publics constitutionnels. La dcision de recourir lart 16 appartient au seul Prsident de la Rpublique, mme sil lui est fait obligation de consulter un certain nombre dautorit (1er ministre, Prsidents dassembles et le C.Const). Ces derniers formulent un avis sur lexistence ou non des conditions ncessaires. Il ne sagit que de consultation et le Prsident de la Rpublique nest nullement li par les avis qui sont mis. La nation est informe de la mise en uvre de cet article par un message prsidentiel. Cet article a t utilis une seule fois par le Gnral de Gaulle du 23 avril au 30 septembre 1961 la suite du putsch des gnraux en Algrie. Durant la mise en uvre de larticle 16, les liberts sont restreintes. Le Prsident de la Rpublique a des pouvoirs trs tendus. Il peut prendre toutes les mesures exiges par les circonstances. Pendant cette priode, de nombreuses dcisions ont touch aux liberts individuelles : dcisions de rvocation, de destitutions de fonctionnaires et militaires, garde vue en matire de crime et dlit contre la suret de lEtat (garde vue porte 15 jours, au lieu de 5), des dcisions relatives des magistrats qui furent suspendus de leurs fonctions, dcisions de cration de juridictions militaires, assignations rsidence, Pendant cette priode, la garantie des droits est trs faible. Le CE ne sestime pas comptent pour contrle la dcision de mise en uvre de lart 16. Pour lui, cela constitue un acte de gouvernement, intressant les rapports entre le gouvernement et le Parlement. Cette dcision est insusceptible de recours. Cest ce que le CE a affirm dans larrt du 2 mars 1962, Ruben de Servens. Le CE tablit par ailleurs une distinction entre les dcisions, selon quelles sont prises dans le domaine lgislatif ou dans le domaine rglementaire. Pour le CE, seuls les actes pris dans le

domaine rglementaire peuvent faire lobjet dun contrle de sa part. Ce ne sera pas un critre organique. Cela ne permet pas un contrle intense de latteinte aux liberts, car les mesures les plus svres ne peuvent avoir quun caractre lgislatif. Depuis la rvision constitutionnelle de 2008, on a complt lart 16, en prvoyant quaprs 30 jours dexercice des pouvoirs exceptionnels, le CE peut tre saisi par les Prsidents des Assembls mais aussi par 60 dputs ou 60 snateurs, pour vrifier si les conditions sont toujours runies. Il se prononce dans les mmes conditions au bout de 60 jours dexercice des pouvoirs exceptionnels. Lintrt est de diminuer les risques de prolongement excessif les pouvoirs de risques. 2) Ltat de sige Cest le rgime dexception le plus ancien. Il a t dfini lorigine par la loi du 9 aot 1849 et modifi par la loi du 3 avril 1878 et celle du 27 avril 1916. Ces textes sont encore partiellement en vigueur. Il est prsent lart 36 de la C.Const. Ltat de sige est dcrt en Conseil des Ministres. Sa prorogation au-del de 12 jours ne peut tre autorise que par le Parlement . Le pouvoir de dclarer ltat de sige est une prrogative du gouvernement au dpart. Elle est soumise deux conditions de forme et une condition de fond. Les conditions de forme sont au nombre de deux : Le dcret en conseil des ministres. Lautorisation lgislative pour prolonger au-del de 12 jours ce rgime. La condition de fond est lexistence ou la survenance dun pril imminent tel une guerre ou une insurrection arme. La mise en uvre de ltat de sige permet aux autorits militaires de bnficier de larges pouvoirs de police. Des pouvoirs sont confis aux militaires car la crise menaant les institutions est si grave que le gouvernement ne peut pas, par des moyens normaux, la surmonter. Deux lments de dfinition de ltat de sige : Ltat de sige permet la substitution de lautorit militaire lautorit administrative et politique. Cest une facult et non une substitution automatique. La dclaration de ltat de sige a pour effet doctroyer lautorit militaire des pouvoirs de police exorbitant du droit commun. La loi de 1849 livre les mesures quil est possible de prendre dans ce rgime. Ex : loigner des repris de justice, perquisition de jour et de nuit, ordonner la remise darmes ou de munitions, interdire des publications ou des runions de nature exciter ou entretenir le dsordre. Lintrt de cette numration est que la liste des pouvoirs est limitative. Cela vite daller audel de ce qui est strictement permis.

Ce rgime parait nanmoins dpass. Il est limit des situations, des priodes trs particulires, qui sont celles de la guerre ou des belligrances. Ce rgime est aujourdhui supplant par les autres rgimes de crise, notamment par lEtat durgence. On ne supprime pas lEtat de sige car cest une tradition rpublicaine. 3) Ltat durgence Il rsulte de la loi du 3 avril 1955, modifie par la loi du 7 aot 1955 et lordonnance du 15 janvier 1960. Ce rgime est inspir de ltat de sige mais il sen diffrencie dans la mesure o il a un caractre plus rigoureux. Laccroissement des pouvoirs se fait dsormais au profit des autorits civiles. Il nest plus question des autorits militaires. Selon la loi de 1955, ltat durgence est dclar par dcret pris en conseil des ministres soit en cas de pril imminent rsultant datteintes graves lordre public, soit en cas dvnement prsentant par leur nature et leur gravit le caractre de calamit publique . Au-del de 12 jours, le lgislateur dcide de la possible prolongation. Deux autorits sont renforces dans ce cas de figure : le ministre de lintrieur et le prfet du lieu o ltat durgence est mis en uvre. Les pouvoirs sont nombreux. Ils permettent dinterdire la circulation des personnes dans certains lieux et certaines heures, de prononcer des interdictions de sjour, de dcider dassignation rsidence ou de fermeture de lieux publics. La loi prolongeant ltat durgence peut aussi dcider daggraver les pouvoirs de police en matire de perquisition et de contrle des moyens dinformation. Ltat durgence constitue le rgime le plus lourd, le plus svre qui existe. Cest le rgime de crise le plus rigoureux qui existe. Son spectre est trs large. Il peut sappliquer toutes les situations. Il peut porter des atteintes diverses aux liberts. Ltat durgence a t dclar plusieurs reprises depuis 1955. Edgar Faure qui a dcid de sa mise en uvre sur le territoire dAlgrie. La tentative de putsch pendant la mise en uvre de lart 16. Ltat durgence fut dclar avant le terme des pouvoirs exceptionnels et a t prolong jusquau 31 mai 1963. Nouvelle Caldonie par le Haut commissaire de la Rpublique (= prfet) en 1985 et prorog par la loi du 25 janvier 1985. Le C.Const a t saisi sur cette question, pour savoir si ltat durgence tait compatible avec la Constitution, les principes libraux. Il a soulign cette occasion que la sauvegarde de lordre public, son maintien, est la condition de lexistence des liberts.

Le fait que ltat de sige soit prvu dans la constitution nempche pas que le lgislateur puisse mettre en place dautres rgimes dexception, afin de permettre une conciliation des liberts avec lordre public. Le CE a aussi t saisi sur ce sujet. Il a dailleurs admis la lgalit des mesures prises sous ce rgime comme lillustre larrt du 25 juillet 1985, Dame Dagostini. Ladministration dispose, dans cette priode, dun pouvoir discrtionnaire. Enfin, plus rcemment, un dcret du 8 novembre 2005 a dclar ltat durgence pour rtablir lordre public sur le territoire mtropolitain en raison de violences dans certaines villes. Un deuxime dcret du mme jour est intervenu pour prciser les pouvoirs spcifiques qui peuvent tre utiliss dans les zones territoriales concernes, pour lessentiel les dpartements de la rgion Ile-de-France. A lissue des 12 jours de rigueur, le gouvernement a sollicit auprs du Parlement une prorogation de ltat durgence pour une dure de trois mois. Un recours en rfr contestant la lgalit de ces dcrets fut effectu par le Pr. Frdric Rolin, demandant leur suspension. Il considrait que les dcrets dclarant ltat durgence taient illgaux. Ils ntaient pas ncessaires puisque simplement un nombre limit de commune connaissait des troubles. Il a repris largumentation selon laquelle ltat durgence ne concerne pas des situations autre que celles ayant un caractre colonial. Le CE, agissant en tant que juge des rfrs, a rejet la demande, en considrant que la loi de 1965 permet aux pouvoirs publics de faire face des situations de crise ou de danger, exceptionnel ou imminent, qui constitue une menace pour la vie organise de la communaut nationale. En la matire, le Prsident a un pouvoir dapprciation pour prendre les mesures qui simposent. La question se pose nanmoins de savoir si les dcrets en cause sont conformes lart 15 de la CEDH, ainsi qu la JP qui en rsulte, dans la mesure o on voque le cas spcifique de danger public menaant la vie de la nation . Le CE, de manire habile, a voqu cela pour justifier les dcrets. B) La thorie JP des circonstances exceptionnelles A lorigine de cette thorie labore par le juge administratif, il y a la volont de complter le rgime juridique existant dans le cadre de ltat de sige. Au dbut, la thorie t appele thorie des pouvoirs de guerre avec 2 arrts essentiels : CE, 28 juin 1916, Heyries. Un fonctionnaire, fut rvoqu en 1916 sans que les pices de son dossier ne lui soient communiques. Ctait une violation grave de la lgalit. Le juge administratif rejeta son recours en prcisant que pour assurer la continuit du service public, lautorit administrative pouvait suspendre, pendant la dure de la priode exceptionnelle, les garanties prvues pour les agents et les citoyens. CE, 28 fvrier 1919, Dame Dol et Laurent. Le prfet maritime de Toulon, pendant la 1WW, dcida dinterdire aux prostitues de se livrer au racolage hors des quartiers rservs, interdisant galement de tenir des dbits de boissons et faisant dfense de les servir dans les tablissement. Le prfet de Toulon voulait ainsi viter la propagation des maladies vnriennes et pour prvenir lespionnage. Le CE rejeta les requtes des prostitus en prcisant que le droit ne saurait tre le mme en temps de paix et en temps de guerre. Les intrts de la dfense nationale

donne aux principes de lordre public une extension plus grande et exige pour la scurit publique des mesures plus rigoureuses. Depuis ces 2 arrts, la thorie des circonstances exceptionnelles na cess daugmenter en volume. Elle est dangereuse dans la mesure o elle permet ladministration de rgir toutes les situations exceptionnelles et justifie de pouvoirs importants. Elle est forcment utile pour la prservation de lordre public. Elle justifie des mesures privatives de liberts, des expulsions, des interdictions de circulation. CE 18 mai 1989 Flix Rode. Cette thorie a pu justifier galement au moment de la Libration des internements administratifs arbitraires : en cas de circonstances exceptionnelles, les mesures prises perdaient leur nature de voie de fait et constituaient de simple illgalit. Tribunal des Conflits, 27 mars 1952, Dame de Lamurette. *Cette thorie est-elle plus dangereuse pour les liberts ? Le juge administratif dicte un certain nombre de conditio