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63 Utilisation de l’index bispectral (BIS) pour l’estimation de la profondeur de l’anesthésie en chirurgie cardiaque de l’adulte D. LONGROIS*, M. HIRSCHI, C. MEISTELMAN Introduction Malgré des années de pratique anesthésique moderne et des progrès considérables, l’estimation de la profondeur de l’anesthésie reste, en 1998, entachée d’empirisme. Son évaluation repose le plus souvent sur les réactions des systèmes nerveux somatique (mouvements) et autonome (tachycardie, hypertension artérielle) lors de stimuli nociceptifs. Il existe néanmoins, depuis de nombreuses années, des techniques proposées pour mesurer les modifications induites par l’anesthésie comme la mesure de la contractilité oesophagienne, l’électromyogramme frontal, les potentiels évoqués et l’électroencéphalogramme (EEG) mais aucune n’a démontré son efficacité en toutes circonstances. Plus récemment, sont apparues des méthodes plus sophistiquées telles que la tomographie par émission de positrons, la spectroscopie à résonance magnétique, employées pour la recherche ou des techniques comme la spectroscopie par infrarouge et l’analyse bispectrale de l’EEG facilement utilisables au bloc opératoire et en cours d’évaluation. Dans cet exposé, nous présentons un nouveau paramètre issu de l’analyse bispectrale de l’EEG, «l’index bispectral (BIS)», dont l’utilisation apparaît prometteuse pour l’estimation de la profondeur de l’anesthésie et discutons son Correspondance : * Département d’Anesthésie-Réanimation Chirurgicale, CHU de Nancy-Brabois ; 4, rue du Morvan, 54500 Vandoeuvre-les-Nancy.

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Utilisation de l’index bispectral (BIS) pour l’estimation de la profondeur de l’anesthésie en chirurgie cardiaque de l’adulte

D. LONGROIS*, M. HIRSCHI, C. MEISTELMAN

IntroductionMalgré des années de pratique anesthésique moderne et des progrès

considérables, l’estimation de la profondeur de l’anesthésie reste, en 1998,entachée d’empirisme. Son évaluation repose le plus souvent sur les réactionsdes systèmes nerveux somatique (mouvements) et autonome (tachycardie,hypertension artérielle) lors de stimuli nociceptifs.

Il existe néanmoins, depuis de nombreuses années, des techniquesproposées pour mesurer les modifications induites par l’anesthésie comme lamesure de la contractilité œsophagienne, l’électromyogramme frontal, lespotentiels évoqués et l’électroencéphalogramme (EEG) mais aucune n’adémontré son efficacité en toutes circonstances. Plus récemment, sont apparuesdes méthodes plus sophistiquées telles que la tomographie par émission depositrons, la spectroscopie à résonance magnétique, employées pour larecherche ou des techniques comme la spectroscopie par infrarouge etl’analyse bispectrale de l’EEG facilement utilisables au bloc opératoire et encours d’évaluation.

Dans cet exposé, nous présentons un nouveau paramètre issu de l’analysebispectrale de l’EEG, «l’index bispectral (BIS)», dont l’utilisation apparaîtprometteuse pour l’estimation de la profondeur de l’anesthésie et discutons son

Correspondance : * Département d’Anesthésie-Réanimation Chirurgicale, CHU de Nancy-Brabois ;4, rue du Morvan, 54500 Vandoeuvre-les-Nancy.

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utilisation dans le contexte de l’anesthésie pour chirurgie cardiaque. L’exposéest organisé en deux parties : la première est un rappel sur l’EEG, lesdifférentes analyses de ce signal et le calcul de l’index bispectral avec lesprincipaux résultats de son évaluation en anesthésie. La deuxième partieconcerne spécifiquement l’utilisation de l’index bispectral pour l’anesthésie enchirurgie cardiaque.

L’EEG : principes généraux et techniques d’analysemathématique

Notions pratiques sur l’EEG et son utilisation en anesthésie

Bases physiologiques de l’EEG

Le neurone peut être considéré comme un système à 2 pôles : un pôlerécepteur somato-dendritique et un pôle effecteur axonique. L’articulation desneurones entre eux se fait au niveau des synapses. Les influx afférentsatteignent la terminaison pré-synaptique et entraînent, par libération deneuromédiateurs, une modification des propriétés électriques de la membranepost-synaptique. Ces modifications peuvent être de 2 types soit unedépolarisation ou potentiel post-synaptique excitateur (PPSE) soit unehyperpolarisation ou potentiel post-synaptique inhibiteur (PPSI) qui empêchele neurone de se dépolariser. Le neurone est ainsi sollicité par une multituded’influx et la régulation de son activité se fait par sommation des différentsPPSE et PPSI.

La source principale des courants électriques détectés par l’EEG résidedans les variations lentes du potentiel de membrane post-synaptique excitateuret inhibiteur à différents niveaux des neurones corticaux (soma, dendrite) etparticulièrement au niveau des cellules pyramidales. L’EEG représente lasomme des activités électriques unitaires qui se déroulent au sein d’unepopulation considérable de neurones sous-jacents à l’électrode.

La synchronisation des cellules corticales est sous la dépendance denombreuses structures sous-corticales. La conscience est définie comme unefonction du cortex cérébral. La vigilance est une fonction du tronc cérébralrevenant à la formation réticulaire activatrice prolongée anatomiquement etphysiologiquement par certains noyaux thalamiques (noyaux infraliminaires etnoyaux dorsaux de l’hypothalamus).

Rythmes cérébraux

L’activité des neurones corticaux ne se produit pas de façon anarchique.Elle est soumise à des mécanismes assurant une coordination entre cesdifférentes activités et responsables des rythmes permanents del’électroencéphalographie. Ceux-ci sont caractérisés par leur fréquence, leuramplitude et certains aspects graphiques (pointe, pointe-onde…).

Les rythmes cérébraux d’un sujet normal sont variables d’un individu àl’autre mais aussi chez un même individu à la fois dans le temps et l’espace etselon l’état d’éveil ou de sommeil. Ils peuvent être inhabituels sans être

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pathologiques. Nous ne décrirons que les rythmes cérébraux de l’adulte, trèsdifférents de ceux d’un enfant de moins de 2 ans.

Chez l’adulte sain, à l’état de veille, les yeux fermés et au repos sensoriel,le tracé EEG est caractérisé par un rythme alpha occupant les 2/3 postérieursdu scalp, un rythme bêta enregistré sur les régions frontales et rolandiques etun rythme thêta sur les aires temporales.

Rythme alpha : fréquence 8 à 14 Hz, amplitude variable (le plus souvententre 20 et 50 µV et moins ample à gauche qu’à droite), prédominant dans larégion occipito-pariétale chez un sujet au repos les yeux fermés ; répartitiontoujours bilatérale et synchrone en fréquence, pas toujours en amplitude. Il estsuspendu ou diminué par l’ouverture des yeux, l’effet de l’attention surtoutvisuelle et l’effort mental. Ce rythme est considéré toujours comme normalmais son absence n’est pas forcément pathologique.

Rythme bêta : fréquence > ou égale à 14 Hz (≈ 18 Hz), amplitude trèsfaible (5 à 20 µV) expliquant pourquoi il échappe habituellement à l’EEGconventionnel. Il occupe les aires centrales (frontales rolandiques) de façonbilatérale et synchrone. Il se bloque ou diminue sous l’effet des mouvements,d’une stimulation tactile controlatérale.

Il existe aussi des activités EEG inhabituelles mais non pathologiques :Rythme thêta physiologique : fréquence entre 4 et 7 Hz, d’amplitude

moindre que le rythme alpha auquel il est habituellement associé. Il occupe lesrégions centro-pariéto-temporales des 2 hémisphères de façon bilatérale,symétrique et synchrone. Il est surtout observé chez 2/3 des adultes jeunes etn’a aucune réactivité spécifique. Il s’agit d’une activité de veille active chez lesujet normal.

Rythme mu (µ) ou rythme rolandique en arceau : fréquence 7 à 11 Hz(≈ 9 Hz), amplitude assez grande (30 à 100 µV) : ondes arciformes. Il estobservé chez 10 % des adultes normaux mais existe aussi chez des sujetsatteints d’affections neurologiques ou psychiatriques. Son siège est centro-pariétal, bilatéral mais non synchrone. Il ne réagit pas à l’ouverture des yeuxmais se bloque ou diminue sur un hémisphère lors d’un mouvement réel ouimaginé. Il est souvent associé au rythme bêta.

Tracé plat ou désynchronisé ou de faible voltage : présent chez 10 % dessujets adultes normaux. C’est une activité rapide et peu ample (< 20 µV) surles 2 hémisphères dans laquelle il est impossible de discerner à l’œil nu unecomposante rythmique et notamment la moindre ébauche de rythme alpha.

Rythme rapide physiologique : fréquence et amplitude plus élevées que lerythme bêta (20 Hz, 25 µV) sur les 2 hémisphères, prédominant dans les airesfrontales. C’est un rythme symétrique, plus ou moins synchrone, sans réactivitéspécifique et associé à aucun autre rythme.

Au cours du sommeil naturel, l’EEG se modifie en relation avec lesdifférents stades du sommeil :

- Stade 1 (endormissement) : le rythme alpha disparaît pour laisser placeà une activité plus rapide, témoignant de la désynchronisation du tracé avecbouffées d’ondes thêta, peu amples sur les régions postérieures. Parfois cesbouffées atteignent des amplitudes importantes de 80 à 100 µV et diffusent surles régions centro-pariétales.

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- Stade 2 (sommeil léger) caractérisé par un tracé peu différent maissurchargé par des phénomènes transitoires caractéristiques que sont les fuseauxdu sommeil (bouffées de rythme sigma à 12-14 Hz) les pointes-vertex(amplitude pouvant dépasser 250 µV) et les complexes K.

- Stades 3 et 4 (sommeil profond et très profond) : ils sont caractérisés parle développement d’une activité delta généralisée de grande amplitude avecdisparition progressive des phénomènes transitoires du sommeil. C’est un tracésynchronisé.

A côté de ce sommeil à ondes lentes, survient périodiquement une activitéEEG rapide à bas voltage associée à des mouvements oculaires et une activitéonirique. Il s’agit du sommeil paradoxal.

L’EEG pendant l’anesthésie

Tous les agents anesthésiques modifient le tracé EEG de base. D’une façongénérale, l’approfondissement de l’anesthésie s’accompagne d’un ralentissementdu signal EEG, d’une synchronisation de ses composantes et parfois d’uneaugmentation de l’amplitude.

Bien que tous les agents anesthésiques n’altèrent pas le tracé EEG de façonsimilaire, l’induction de l’anesthésie est habituellement associée à uneaugmentation de l’activité alpha au niveau occipital. Cette activité diminueensuite, étant remplacée par une activité bêta d’amplitude basse qui correspondà une phase d’excitation corticale. Si l’anesthésie est approfondie, le tracé EEGse ralentit pour laisser place à un rythme thêta et delta de grande amplitude.Des ondes rapides peuvent se surajouter sur ce rythme lent et selon le typed’agent anesthésique utilisé et, en cas de surdosage, surviennent des périodesde tracé plat ou «burst suppression».

L’interprétation du signal EEG se complique quand plusieurs agentsanesthésiques sont associés. Le clinicien doit connaître les effets EEG desagents anesthésiques utilisés [1] :

Halogénés : l’induction avec halothane, enflurane, isoflurane, sévofluraneou desflurane est associée à un rythme bêta bien synchronisé, maximal enfrontal et à une perte du rythme alpha occipital. Au niveau du spectre depuissance (défini plus loin), on observe une bande de fréquence alpha/bêta.L’augmentation des concentrations inhalées diminue ce rythme rapide etaugmente l’activité thêta et delta qui s’étend sur tout le scalp. Pour desconcentrations supérieures à 1 CAM, les effets EEG diffèrent selon l’agentutilisé. En présence d’isoflurane, survient, dès 1,2 CAM des passages de tracéplat (ou «burst suppression») alors qu’avec l’halothane, le tracé se ralentit demanière monotonique sans «burst suppression». Le sévoflurane et le desfluranese comportent comme l’isoflurane. Pour l’enflurane, il existe une activité deltaet thêta dominante mais associée à une activité épileptique qui peut devenir unecrise d’épilepsie franche si la concentration est supérieure à 1,5 CAM.

Protoxyde d’azote : administré seul à des concentrations de 70 %, il estresponsable d’une activité rapide dominante au niveau frontal puis occipital(pic de fréquence = 34 Hz). Cette activité électrique rapide peut persisterjusqu’à 50 minutes après la fin de l’administration. Associé à des agentsanesthésiques intraveineux, il entraîne peu de modifications du tracé EEG.

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Barbituriques : à petite dose, ils entraînent une activité EEG rapide defaible amplitude similaire à celle des autres agents anesthésiques, quicommence au niveau frontal pour s’étendre en occipital puis sur tout le scalp.Pour des doses utilisées pour l’induction anesthésique, une activité delta etthêta s’installe rapidement, de l’occiput vers le front, avec des «burstsuppressions». Un tracé EEG complètement plat (silence électrique) peut êtreobtenu pour des doses plus importantes.

Etomidate : les modifications EEG enregistrées sont assez similaires àcelles des barbituriques c'est-à-dire qu’à faible dose, l’activité électriques’accélère. Une activité épileptique peut survenir chez les sujets prédisposés,activité qui n’a pas de lien avec l’activité myoclonique observée parfois àl’induction. Aux doses importantes, le tracé EEG se ralentit avec des ondes degrande amplitude et des épisodes de «burst suppression» en cas de surdosage.

Kétamine : c’est un agent dissociatif c'est-à-dire capable de produire à lafois une excitation et une dépression de l’activité cérébrale. Il est responsabled’une activité thêta de grande amplitude avec une augmentation du rythmebêta. Il peut provoquer une activité épileptique franche chez les sujets à risquemais rarement chez le sujet sain.

Propofol : comme pour les barbituriques, il y a une phase d’excitation puisde dépression du signal avec des «burst suppressions» en cas de surdosage. Desmouvements spontanés sont parfois observés coïncidant avec le début deralentissement du signal et sans rapport avec une activité épileptique.

Benzodiazépines : utilisés comme sédatifs, ces agents provoquent uneaugmentation de l’activité bêta prédominant au niveau frontal. Pour des dosesplus importantes, ils ralentissent le signal à des fréquences thêta et delta maissans phénomènes de «burst suppression».

Morphiniques : les agonistes mu ne provoquent pas (ou peu) de phased’excitation de l’EEG. Le signal se ralentit progressivement jusqu’à uneactivité delta de grande amplitude. Il n’y a pas de phénomènes de «burstsuppression». Les morphiniques au-delà d’une certaine dose, propre à chaqueagent, ne modifient plus le signal EEG.

Curares : ont peu d’effets sur l’EEG.

Technique de l’EEG

L’EEG classique est recueilli à partir d’électrodes posées en des endroitsdéfinis du cuir chevelu. Le placement des électrodes est défini par le systèmeinternational 10-20. Le voltage étant défini comme la différence de potentielentre 2 électrodes, celles-ci sont groupées par 2. On réalise des montages(plusieurs paires d’électrodes) comportant 20 à 30 capteurs disposéssymétriquement sur le crâne.

Pour le monitorage peropératoire de l’EEG, on utilise des montagesbipolaires simplifiés ne comportant souvent que 5 électrodes : 2 pairessymétriques et une électrode neutre. Chaque canal EEG est un signal mesuréde l’électrode négative à l’électrode positive. Le placement des électrodes n’estpas codifié mais pour des raisons pratiques il est soit fronto-temporal soitfronto-pariétal (le plus sensible mais souvent gêné par la chevelure) soit fronto-

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mastoïdien (moins sensible). Il existe également des montages référentiels oùchaque canal EEG est un signal mesuré de l’entrée d’une électrode négative àune électrode commune pour chaque canal et appelée électrode de référence.La différence d’activité EEG entre les différents canaux représente ladifférence d’activité entre 2 électrodes adjacentes. L’amplitude EEGenregistrée est souvent plus grande que celle obtenue avec un montagebipolaire ce qui est un avantage au bloc opératoire. Quatre électrodes sontutilisées : 1 électrode de référence placée sur le front en position médiane, 1électrode de terre et 2 électrodes posées symétriquement au niveau temporal,frontal ou mastoïdien.

L’impédance au niveau de chaque électrode, améliorée par l’abrasion de lacouche cornée de la peau, doit toujours être vérifiée et maintenue inférieure à2000 ohms.

Le signal EEG recueilli au niveau des électrodes est faible, variant entre 5et 50 µV. Pour être enregistré, il doit être amplifié grâce à des amplificateursdont l’impédance d’entrée perturbe peu le signal car elle est très élevée. Laplupart de ces appareils sont des amplificateurs différentiels c'est-à-direcapables de soustraire du signal EEG, différent pour chaque électrode, le bruitextérieur qui est identique sur toutes les électrodes.

Le signal EEG est ensuite filtré pour ne laisser passer que certainesfréquences et éliminer celles considérées comme des artefacts. Selon l’étenduedu filtre, il peut exister soit une perte d’information si le filtre est tropimportant soit un parasitage excessif dans le cas contraire. Les appareilsutilisés proposent souvent d’enregistrer le signal dans une bande de fréquencedéjà fixée et qui s’étend le plus souvent de 0.5 à 70 ou 30 Hz. Pour finir, lesignal doit être retranscrit sur papier afin d’être analysé ou transmis à unordinateur pour stockage des données.

Les artefacts

Le problème le plus délicat pour la détection du signal EEG est représentépar les artefacts dus à des courants électriques indésirables se manifestant leplus souvent sur toutes les électrodes. Parmi ces artefacts, on peut citer :

Les artefacts de mouvement : grâce à des filtres, les moniteurs EEGpeuvent séparer le signal EEG de celui de l’EMG et donner un indice proprede l’activité EMG. Au niveau du spectre de fréquence, ils correspondent à unegrande bande de fréquence uniforme s’étendant au-delà de 60 Hz. Les frissons,les clignements des paupières ou certains mouvements parasitent le signal EEGvers les fréquences delta.

La source principale du bruit est représentée par l’environnementélectriquement «hostile» d’une salle d’opération qui regroupe les appareilsélectroniques connectés au sujet :

- Les fils électriques du réseau de distribution du courant alternatif, defréquence 50 Hz en France (60 Hz aux USA) émettent des radiations, créantautour d’eux un champ électromagnétique. Le corps humain se comportecomme une antenne et des courants électriques de même fréquence vont secréer à sa surface et parasiter le signal EEG.

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Ce parasitage reste facilement identifiable sur le spectre de fréquence parun écho à 50 ou 60 Hz. Il perturbe la forme des ondes du signal EEG mais passon spectre de fréquence.

- L’électrocardiogramme (ECG) : les complexes QRS ou les stimulationsdu pace-maker se surajoutent au tracé EEG sous la forme de spikes réguliers,survenant à la même fréquence que la fréquence cardiaque du patient.

- Le bistouri électrique : à faible intensité, il provoque un bruit semanifestant à toutes les fréquences. Pour des intensités plus grandes, le tracédevient plat.

- La rotation d’une pompe de circulation extra-corporelle peut créer untracé rythmique dans la gamme de fréquence de l’EEG (voir plus loin). Commele parasitage par l’ECG, il est facilement identifiable. La plupart des artefactsobservés au bloc opératoire surviennent pour des fréquences basses allant de 1à 5 Hz. L’utilisation de filtres à basse fréquence permet d’éliminer ces parasitesmais entraîne une perte considérable du signal EEG.

En résumé, pour monitorer la profondeur de l’anesthésie, l’intérêt del’EEG brut est limité pour de nombreuses raisons évidentes. Le principalobstacle est en relation avec la lecture et l’interprétation du signal obtenu quinécessite la présence d’un médecin spécialiste pour prendre en compte lesnombreux facteurs intervenants : les différents agents anesthésiques mais aussides facteurs extérieurs comme la température, les troubles de l’équilibre acido-basique, certains déséquilibres électrolytiques…

Pour pouvoir être utilisé comme moniteur de la profondeur de l’anesthésie,le signal EEG doit subir une analyse mathématique automatique. Grâce auxordinateurs de plus en plus performants, plusieurs analyses du signal EEG ontété élaborées : l’analyse spectrale et l’analyse bispectrale de l’EEG, que nousallons décrire successivement.

Les différentes analyses de l’EEG

Traitement mathématique du signal EEG par l’ordinateurLe traitement par ordinateur du signal EEG impose sa conversion en un

signal numérique par un convertisseur analogique - numérique adapté au signalélectrique EEG et un échantillonneur cadencé à 128 ou 256 Hz, c'est-à-dire qu’àchaque seconde, 128 ou 256 mesures en volts du signal EEG sont converties envaleurs numériques. L’ordinateur découpe ensuite le signal en fenêtres ouéchantillons de 2 à 4 secondes. A partir du contenu de ces fenêtres, plusieursanalyses mathématiques non paramétriques du signal peuvent être réalisées :

- Une analyse temporelle où le tracé est caractérisé par son amplitude (oupuissance) sous la courbe et la fréquence moyenne.

- Une analyse en fréquence qui décrit, par différents paramètres, lecontenu spectral de l’EEG.

Analyse temporelle du signal EEG

C’est une analyse globale du tracé EEG [1] caractérisée par :L’amplitude moyenne du signal, correspondant au calcul de la moyenne de

la valeur absolue de l’aire sous la courbe de l’EEG. Cette variable ne dépend

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pas de la fréquence du signal et sa distribution non gaussienne au cours dutemps rend son exploitation statistique difficile.

La fréquence de passage à valeur nulle (ZXF = Zero crossing frequency)mesure, dans chaque échantillon, les intervalles de temps entre deuxchangements de polarité du signal EEG et calcule l’intervalle moyen et lafréquence moyenne. Bien que sensible aux artefacts et aux déplacements de laligne de base du tracé, cet algorithme n’est valable que pour des tracésconstitués d’ondes de fréquence et d’amplitude similaires. Il ne reflète que lesmodifications grossières du signal et ignore les ondes de petite amplitude quipeuvent se superposer à une onde de grande amplitude et de fréquence plusfaible. Il ne donne pas d’informations sur l’amplitude du signal, c’est pourquoiil est souvent associé au calcul de l’amplitude moyenne.

Algorithme apériodique : c’est une analyse plus fine du tracé que ZXF carelle prend en compte à la fois les pics et les dépressions du signal. Chaque picdu signal EEG est caractérisé par son amplitude (hauteur) et sa durée(intervalle de temps entre les 2 dépressions). Les valeurs sont exprimées enmoyenne sur l’ensemble de l’échantillon et décrivent le tracé EEG par sonamplitude et sa fréquence totales par seconde. Bührer et coll. démontrentl’intérêt de l’analyse apériodique pour mesurer les effets sur l’EEG dumidazolam et du diazépam et étudier les relations pharmacocinétiques-pharmacodynamiques de ces 2 agents [2, 3].

Le rapport de suppression (RS) ou Burst suppression ratio (BSR) desanglo-saxons évalue la proportion de tracé EEG plat ou silence électrique dansun échantillon. L’intervalle de temps de suppression correspond à la sommedes moments où l’amplitude du signal est inférieure à 5 µV pendant un laps detemps d’au moins 500 msec. Ce temps mesuré rapporté à la durée del’échantillon permet d’obtenir le rapport de suppression. C’est un paramètreintéressant pour mesurer les effets dépresseurs sur l’activité corticale decertains médicaments anesthésiques comme le thiopental, le propofol oul’isoflurane. Ces agents anesthésiques sont capables d’entraîner à fortesconcentrations une suppression du signal EEG, équivalant à un surdosageanesthésique. Le monitorage du RS permet de l’éviter.

Le moniteur de fonction cérébrale retransmet sur papier (30 cm/h) unparamètre EEG unique proportionnel à l’amplitude et à la fréquence du signal.Il a été utilisé initialement en unité de soins intensifs pour détecter l’ischémiecérébrale mais sans beaucoup de succès. Ce moniteur comprime lesinformations (amplitude et fréquence), il n’est pas capable de distinguer dessignaux de fréquence moyenne, faible amplitude des signaux basse fréquence,forte amplitude. Son utilisation en anesthésie ne s’est pas développée [4].

Analyse spectrale du signal EEG

L’analyse spectrale est le procédé d’analyse en fréquence du signal EEG leplus connu. La transformée de Fourier (calcul mathématique) rend possiblecette analyse par ordinateur. En effet, la transformée de Fourier décompose lesignal EEG en une somme de fonctions sinusoïdales de fréquences etd’amplitudes différentes. Le spectre de puissance issu de ce calcul représentela puissance de chaque onde composant le tracé EEG comme une fonction de

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Can1:At1-Fpz 50µV/div Can2:At2-Fpz 50µV/div

Can1:At1-Fpz Can2:At2-Fpz

0 10 20 30 AMPL 0 10 20 30 AMPL

12:26

12:27

12:28

présentation MSC (matrice spectrale comprimée) (partie haute de la figure). Noter l’apparitiond’ondes de petite amplitude sur le tracé analogique et d’ondes de haute fréquence sur le tracéMSC (canal de gauche). Les artefacts sont contemporains de la mise en route de la circulationextracorporelle. Montage référentiel à deux canaux (At-Fpz). FFS: front de fréquence spectrale.

Matrice spectrale modulée en densité (MSD), ou Density spectral array

la fréquence. Cette décomposition du signal EEG peut être représentéegraphiquement sur un écran pour permettre une lecture à la fois plus facile eten temps réel.

Il existe plusieurs façons d’afficher le spectre de puissance sans qu’aucunene soit parfaite [4].

Matrice spectrale comprimée (MSC) ou Compressed spectral array(CSA) est une représentation graphique en «pseudo trois dimensions» duspectre de puissance de l’EEG pour chaque échantillon de temps (Fig. 1). Lesinformations affichées sont l’amplitude au carré (appelée puissance), le tempssur l’axe des abscisses et la fréquence sur l’axe des ordonnées. C’est lareprésentation graphique la plus utilisée car elle permet de voir rapidement lesmodifications de la distribution des puissances au cours du temps et enfonction des fréquences. Cependant, dans certains cas, il n’est pas facile derepérer précisément dans le temps un événement particulier en raison duchevauchement des tracés. Une activité de grande amplitude peut masquerpendant quelques minutes les informations des spectres précédents.Fig. 1. - Tracé représentatif du signal EEG analogique (partie basse de la figure) et de la

(DSA) analyse les mêmes informations sur les mêmes axes mais la puissancedes différentes fréquences composant le signal EEG est représentée par desniveaux variables d’intensité d’une couleur donnée. Plus les points sontlumineux, plus la puissance spectrale est importante. Cette représentation évitele chevauchement des tracés de MSC mais perd en précision pour quantifier lapuissance. L’amplitude ou la puissance totale du tracé est affichée par une barred’amplitude graduée en décibels à droite du tracé MSD et MSC.

Pour permettre une meilleure lecture, certains appareils peuvent afficher

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les données en 3 dimensions par le jeu de perspectives mais cette représenta-tion plus complexe peut cacher aussi certaines informations.

Histogramme en trois dimensionsCette représentation du spectre de puissance est peu utilisée en raison de

la superposition des valeurs qui rend la lecture du signal difficile même en troisdimensions.

Ces représentations graphiques de l’analyse spectrale de l’EEG ne font quemettre en évidence les modifications du spectre de puissance de l’EEG parrapport au spectre de référence du patient au cours d’une anesthésie.L’interprétation de certaines modifications n’est pas toujours évidente c’estpourquoi il est indispensable avant toute chose de vérifier systématiquement laqualité de l’enregistrement du signal EEG car il conditionne la validité del’analyse effectuée. La présence d’artefacts dans une bande de fréquence peutfausser les calculs de même que l’analyse d’un tracé dont l’impédance auniveau des électrodes est trop élevée. L’anesthésiste doit se familiariser avec lareprésentation graphique de l’analyse spectrale d’un tracé EEG normal carc’est la meilleure manière de contrôler la qualité du signal.

Afin de simplifier l’interprétation de l’analyse spectrale de puissance,plusieurs paramètres indépendants ont été définis :

- Le mode : fréquence de l’onde la plus puissante du spectre.- La fréquence médiane : fréquence qui partage le spectre en deux zones

de puissance égale.- Le front de fréquence spectrale (FFS) ou «spectral edge frequency»

(SEF) : fréquence en dessous de laquelle se trouve une partie de la puissancetotale du spectre. La plus employée est FFS 95 : 95 % du spectre se situe endessous de cette fréquence.

- La puissance totale ou absolue du spectre.- La puissance absolue de chaque bande de fréquence : alpha, bêta, delta,

thêta.- La puissance relative des bandes alpha, bêta, gamma et delta : pourcentage

de puissance totale se trouvant dans la plage de fréquence choisie.- Le ratio delta augmenté (ADR) : puissance de la bande 8-

20 Hz/puissance de la bande 1-4 Hz.Il faut souligner que ces différents paramètres calculés à partir de l’analyse

spectrale de puissance ne sont valables que si la distribution des fréquences estunimodale [5]. Il a été démontré que l’activité EEG au cours d’anesthésiesgénérales, présente dans 64 % des cas un tracé multimodal et que, de cettemanière, des paramètres comme la fréquence médiane, le FFS 95, la fréquencedu pic de puissance ne peuvent décrire correctement la complexité du signal.

Les paramètres dérivés de l’analyse spectrale de l’EEG ont été utilisés pourle monitorage de la profondeur de l’anesthésie. Ainsi, il existe une relation entreles concentrations sériques de plusieurs hypnotiques (étomidate, propofol,kétamine et méthohexital) et les valeurs de la fréquence médiane chez desvolontaires [6, 7]. Une fréquence médiane inférieure à 2 à 3 Hz permet d’obtenirune profondeur d’anesthésie adéquate, définie comme l’absence de réponse àdifférents stimuli. Ce paramètre a été utilisé afin de réaliser une boucle derétrocontrôle pour des anesthésies associant propofol et alfentanil au cours de

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transplantations hépatiques [8]. Les modifications du FFS 95 sont corréléesavec les concentrations plasmatiques de thiopental [9], d’étomidate et laconcentration expirée d’halothane. Scott et coll. ont établi une relation entre leFFS 95 et les concentrations plasmatiques de morphiniques mais l’utilisation dece paramètre n’est pas appropriée pour évaluer le risque de dépressionrespiratoire, l’analgésie postopératoire et la profondeur de l’anesthésie pour desconcentrations importantes de morphiniques [10]. Sous anesthésie généraleassociant thiopental, fentanyl, droleptan, xylocaïne, une valeur deFFS 95 < 14 Hz n’entraîne pas de variations hémodynamiques à lalaryngoscopie et à l’intubation [11]. Ce paramètre n’a pas permis de prédire lasurvenue de mouvements après une incision chirurgicale au cours d’uneanesthésie entretenue par isoflurane [12] mais ces résultats n’ont pas étéconfirmés par d’autres auteurs et pour des protocoles d’anesthésie variés [13,48].

Plus récemment, Drummond [15] et Thomsen [14] confirment que le FFS 95et la fréquence médiane ne sont pas suffisamment sensibles ni spécifiques pourprédire le réveil d’un patient en raison de grandes variations interindividuelles etdu chevauchement entre les valeurs avant et pendant l’anesthésie.

Pour résumer, aucun paramètre issu des différentes analyses du signalEEG, utilisé seul, n’a fait la preuve de son efficacité pour estimer la profondeurde l’anesthésie en pratique clinique quotidienne (divers protocolesanesthésiques et stimulations nociceptives).

L’analyse bispectrale de l’EEG

Présentation de l’analyse bispectraleL’analyse bispectrale de l’EEG est d’introduction plus récente dans le

domaine médical même si elle est utilisée depuis longtemps par lesgéophysiciens pour étudier les mouvements des vagues, les variations depression atmosphérique et l’activité séismique. En 1971 et 1974, Barnett [16]et Dumermuth [17] appliquent cette technique pour analyser l’EEG au coursdes états de veille et de sommeil mais ce n’est que récemment, grâce à l’arrivéed’ordinateurs plus performants et moins onéreux que la recherche dans cedomaine s’est développée.

L’analyse bispectrale de l’EEG est un procédé mathématique d’analyse dusignal qui utilise non seulement la transformée de Fourier mais permet aussi dequantifier le degré de relation de phase ou de synchronisation existant entre lescomposants du spectre de puissance [18]. Comme beaucoup de systèmesbiologiques, le cerveau se comporte de manière non linéaire c'est-à-dire queson activité est composée d’éléments dont certains sont reliés entre eux defaçon plus ou moins importante. L’analyse bispectrale est capable de mesurerces interactions potentielles. Pour cela, elle détermine le degré de relation dephase entre chaque paire de fréquences du spectre et elle calcule la somme desfréquences de chaque paire afin de savoir si la résultante est une fréquencedépendante ou indépendante des deux fréquences constituant la paire.

La bicohérence est une variable continue de l’analyse bispectrale variant

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de 0 à 100 %. Elle représente le degré de relation de phase présent pour chaquepaire de fréquences du spectre. La somme des bicohérences égale à zéro %signifie que toutes les fréquences composant le spectre de puissance sontindépendantes. Le signal est considéré comme totalement désynchronisé. Lasomme des bicohérences égale à 100 % implique que toutes les fréquences sontcomplètement en phase. Le signal est parfaitement synchronisé. La valeurmaximum de bicohérence dépend de la taille de l’échantillon.

Dès les années 1970, Barnett [16] et Dummermuth [17] avaient déjàdémontré que même pour des petits enregistrements de 4 secondes de l’EEG,la distribution des amplitudes des ondes dévie fortement du modèle gaussien etqu’il existe une synchronisation évidente entre certaines fréquences. Chez despatients en sommeil naturel, il n’existe pas de modèle de bicohérence typiquemais il existe par contre des valeurs de bicohérence statistiquementsignificatives [16]. Au cours d’une anesthésie générale, il est important ausside pouvoir quantifier ces relations de phase car le signal EEG, d’une manièregénérale se synchronise sous l’effet des agents anesthésiques.

L’index bispectral (BIS) : calcul de l’index bispectralA partir de l’analyse bispectrale de l’EEG, un paramètre numérique,

l’index bispectral (BIS) a été calculé pour décrire les variations du signal EEGpendant une anesthésie. Une banque de données d’enregistrements EEG degrande qualité (sans artefacts) a pu être constituée chez des patients ayant subiune anesthésie générale avec des protocoles d’anesthésie différents [19]. Uneanalyse statistique par régression multiple a été pratiquée. Les variablesprédites (dépendantes) étaient la réaction motrice (absente ou présente) à uneincision cutanée standardisée et les effets EEG «maximum». L’effet EEGmaximum était défini en fonction des concentrations plasmatiques de propofolet d’alfentanil jusqu’à l’obtention d’un tracé plat pendant 3 secondes pour lepropofol ou d’une activité delta pour l’alfentanil. Les variables prédictives(indépendantes) étaient représentées par un ensemble de paramètres dérivés del’analyse spectrale et bispectrale de l’EEG. Les paramètres étaient calculés dèsque l’effet EEG était jugé maximum ou 3 minutes après l’incision cutanée enétudiant la réaction motrice. Les meilleures variables EEG capables de prédirela réaction motrice à l’incision ou d’assurer un effet EEG maximum spécifiqueont été retenues. Pour chaque variable retenue, des coefficients ont été calculésafin d’augmenter la puissance statistique c'est-à-dire optimiser la séparationentre les valeurs indiquant une anesthésie adéquate (absence de mouvement eteffet EEG maximum) ou inadéquate.

La valeur de l’index bispectral est donc calculée par une formulemathématique complexe qui prend en compte avec des coefficients plus oumoins importants, plusieurs propriétés de l’analyse spectrale, du bispectre(fréquence, puissance, bicohérence...) ainsi que des paramètres du domainetemporel (rapport de suppression). Pour limiter sa valeur numérique à unintervalle compris entre 0 et 100, la sigmoïde de cet index a été calculée. C’estla valeur de cette transformation qui est affichée par l’appareil Aspect®.

Depuis sa conception, cet index, nommé BIS 1 initialement, a évolué enBIS 2, BIS 2.5 puis BIS 3. L’enrichissement de la base de données, la meilleuresélection des patients et les premiers résultats obtenus avec ce paramètre en

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pratique clinique ont permis de modifier l’algorithme pour lui permettre d’êtreplus performant et mieux refléter la composante hypnotique de l’anesthésie.Glass et coll. ont sélectionné un BIS 3.0 qui permet d’avoir une meilleurecorrélation avec des niveaux de sédation légers même si sa performanceglobale est similaire à la version BIS 2.5 [20]. Les valeurs du BIS d’un sujetconscient et non prémédiqué varient entre 91 et 100 (95 +/- 2)[21, 22].

Effets des agents anesthésiques sur le BISLa séméiologie du tracé EEG décrite avec les différents agents

anesthésiques n’est pas superposable à celle du BIS au cours d’une anesthésie.L’anesthésie entraîne une diminution du BIS qui est plus ou moins importanteet plus ou moins brutale selon les agents anesthésiques utilisés et leur vitessed’injection. Il n’existe pas d’évolution biphasique du BIS au début d’uneanesthésie.

Les premières études qui ont évalué les effets des agents anesthésiques surle BIS, ont utilisé la réponse motrice à un stimulus douloureux défini commeune incision cutanée standardisée. Les résultats de ces études montraient que leBIS était capable de prédire la survenue de mouvements après une incisioncutanée pour des protocoles d’anesthésie très variés (Tab. I) [19, 24, 25, 49]. Ilexistait une différence significative entre les valeurs de BIS des patients sans,et avec réaction motrice à l’incision cutanée, avec une précision avoisinant 84à 90 % [24, 25]. En comparant le BIS à d’autres paramètres EEG (FFS 95,fréquence médiane, puissance delta), les auteurs concluaient que le BIS avaitla meilleure valeur prédictive de la survenue de mouvements à l’incisioncutanée, quel que soit le protocole d’anesthésie utilisé. Avec une valeur de BISinférieure à 60, peu de patients réagissaient à l’incision, que ce soit par unmouvement ou une modification hémodynamique [26].

Tableau IValeurs du BIS pour lesquelles les patients ont présenté une réaction motrice (RM) à l’incisioncutanée. ARM : absence de réactions motrices. Les valeurs sont exprimées en moyenne +/-

dérivation standard.

ARM RM Protocoles anesthésiques

Kearse, 1994 [19] 54 ± 13 70 ± 12 Propofol / N2O

Vernon, 1995 [25] 63 ± 10 78 ± 8 Isoflurane / Alfentanil55 ± 8 69 ± 9 Propofol / Alfentanil

Sebel, 1995 [24] 40 ± 16 65 ± 15 Isoflurane (1,25 CAM) / O2

Plusieurs études ont montré que les modifications du BIS étaient corréléesà la probabilité de mouvements à l’incision cutanée lorsque l’anesthésie étaitentretenue par un agent hypnotique (isoflurane ou propofol), seul ou enassociation avec du protoxyde d’azote [19, 27]. Les valeurs moyennes du BISdes patients n’ayant pas de réaction motrice à l’incision variaient entre 40 et 60

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(42 +/- 13 pour isoflurane, 54 +/- 13 pour propofol/ protoxyde d’azote). Larelation entre la valeur du BIS et la réaction motrice à l’incision était moinsévidente lorsqu’un morphinique était associé à l’hypnotique. Certains patientsn’ont pas présenté de réaction motrice à l’incision, alors qu’ils avaient desvaleurs de BIS élevées : 73 ± 13. Ces observations mettent à jour 2 pointsimportants à préciser :

- L’un est que pour la même valeur du BIS, l’adjonction de morphiniquesdiminue la probabilité de réactions motrices à l’incision. Ceci est observé pourdes concentrations de morphiniques qui ont peu d’effets sur le BIS lorsque lemorphinique est administré seul. Cette constatation est soutenue par le faitqu’aucune relation n’a pu être établie entre la valeur du BIS, les scores desédation et les concentrations plasmatiques d’alfentanil mesurées (entre 100 et300 ng/ml) [20]. A des concentrations plus élevées de morphiniques capablesde produire un effet maximum sur l’EEG, les valeurs du BIS diminuent jusqu’àdes valeurs inférieures à 60 [27, 49].

- Le deuxième point soulevé par l’étude de Sebel [27] est que lacomposante hypnotique de l’anesthésie ne peut être définie par la réactionmotrice à un stimulus douloureux. La réponse motrice à un stimulusdouloureux est médiée à la fois par les structures corticales (étudiées parl’EEG) mais surtout par les structures sous-corticales et la concentrationd’anesthésique nécessaire pour supprimer la réaction motrice à l’incision estsupérieure à celle capable d’entraîner une amnésie ou la perte de connaissancedes patients [28, 29].

De la même façon, le BIS ne prédit pas les réponses hémodynamiques àl’intubation qui est un stimulus nociceptif plus intense que l’incision cutanée[30]. Les patients anesthésiés par propofol ont réagi à l’intubation par uneaugmentation de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque.L’association avec un morphinique permet d’éviter cette réactionhémodynamique alors que l’évolution du BIS est identique dans les deux cas.Le BIS permet donc de mesurer principalement les effets hypnotiques del’anesthésie [20, 22, 23, 31].

Relations entre concentrations de médicaments anesthésiques et BISL’anesthésie intraveineuse à objectif de concentration (AIVOC) permet de

fixer et de maintenir constante une concentration-cible d’agent anesthésique enlimitant la variabilité pharmacocinétique mais elle n’intègre pas la relation«concentration - effet», qui peut être très variable d’un individu à l’autre. Ilapparaît séduisant de vouloir utiliser le BIS comme paramètre pharmacodyna-mique pour permettre un rétrocontrôle de l’administration du produit, enfonction de l’intensité de l’effet voulu à condition qu’il existe une relationentre le BIS et les concentrations-cibles d’anesthésiques utilisées quotidienne-ment. Ceci a été démontré et la diminution du BIS est inversementproportionnelle aux concentrations de propofol, midazolam et isoflurane, habi-tuellement utilisées pour induire une amnésie et la perte de connaissance [31,20]. Des correspondances entre les concentrations-cibles de certains anesthé-siques et le BIS ont déjà commencé à être déterminées (Tab. II) [33].

Tableau IIRelation entre les concentrations prédites du propofol et d’alfentanil, le BIS et le score de sédation

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(OAA/s). Les valeurs sont exprimées en moyenne +/- dérivation standard ; modifié d’après [33].

Propofol (µg/ml) Propofol/Alfentanil (µg/ml) Sédation pour Propofol

Concentration BIS Concentration BIS Score BIS

0 95±3 0 92±8 5 82±10

1 82±11 1 81±11 4 70±11

2 61±12 2 58±11 3 57±11

4 45±6 4 37±12 2 61±8

6 38±13 6 20±19 1 48±10

0 41±11

ANOVA p<0.0001 ANOVA p<0.0001 ANOVA p<0.0001

Ces relations, établies entre le BIS, les scores de sédation et lesconcentrations plasmatiques des agents hypnotiques, confirment son intérêtcomme paramètre pharmacodynamique pour monitorer le degré d’hypnose del’anesthésie. Toutefois, les valeurs du BIS recommandées pour ces différentsniveaux de sédation ont été obtenues le plus souvent chez des volontaires et enl’absence de stimulus nociceptif. Ils demandent à être confirmés pour descombinaisons d’agents anesthésiques, et dans des situations médico-chirurgicales variées, car la douleur engendrée par une stimulation nociceptivepeut entraîner des modifications de l’EEG et donc du BIS.

Les résultats d’une étude multicentrique [27], montrent que pour desvaleurs de BIS entre 40 et 55, stabilisées sur plusieurs minutes, la probabilitéd’un réveil peropératoire à l’incision cutanée est très faible voire nulle.Cependant, pour des protocoles d’anesthésie ne comportant pas demorphinique, les patients sans réaction motrice à l’incision cutanée, avaientdes valeurs moyennes de BIS plus basses comparées aux autres (42 +/- 19).Après un stimulus supramaximal (tétanos de 50 et 100 Hz pendant 10secondes) Leslie et coll. remarquent [32], pour une anesthésie par propofol/protoxyde d’azote, des valeurs plus basses de BIS 50 et BIS 95 : 57 [54-60] et37 [31-44] (BIS 50, BIS 95 : valeurs du BIS pour lesquelles 50 % ou 95 % despatients ne présentent pas une réaction motrice après une stimulationtétanique). Ces deux observations suggèrent que pour abolir la réponse motriceà un stimulus douloureux comparable à un tétanos ou une incision cutanée(standardisée), l’hypnose doit être approfondie jusqu’à des valeurs de BISavoisinant 40, si aucun morphinique n’est associé.

Evaluation du BIS par rapport aux autres paramètres EEG et à d’autrestechniques de monitorage de la profondeur de l’anesthésieLe BIS a été comparé à d’autres paramètres EEG habituellement utilisés

en anesthésie : le FFS 95, la fréquence médiane et la puissance delta.Contrairement au FFS 95 et à la puissance delta, la variabilité interindividuelle

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du BIS avant l’induction est moins importante et il n’existe pas de réponsebiphasique du BIS au début d’une anesthésie. Globalement, il ressort de cesévaluations que seul le BIS obtient des résultats satisfaisants et constants pourl’estimation de la profondeur de l’anesthésie.

Une autre technique de monitorage de l’anesthésie, utilisée déjà depuisplusieurs années a été comparée au BIS : les potentiels évoqués auditifs (PEA).Il apparaît que le BIS reste le meilleur paramètre pour prédire une reprise deconscience à la fin de l’anesthésie. Par contre, l’index PEA est capable dedétecter plus précisément, sans pour autant le prévenir, le moment où se fait latransition entre l’inconscience et la reprise de conscience [21, 34]. Le BISaugmente progressivement à l’arrêt de l’anesthésie alors que l’index PEA semodifie de façon soudaine.

Utilisation de l’index bispectral en chirurgie cardiaque de l’adulte

L’utilisation de l’index bispectral pour le monitorage de la profondeur del’anesthésie en chirurgie cardiaque comporte plusieurs éléments spécifiquescomme l’utilisation de la circulation extracorporelle (CEC) et de hautes dosesde morphiniques.

Effets des hautes doses de morphiniques surl’électroencéphalogramme et l’index bispectral

Les effets des hautes doses de morphiniques sur l’EEG ont été revus [35,36]. Ils sont caractérisés par l’apparition progressive d’ondes delta, l’absencede «burst suppression» et un effet maximum au-delà duquel, quelle que soit ladose de morphinique, le tracé EEG n’est plus modifié. Les faibles doses demorphiniques (fentanyl 5 µg/kg) administrés seuls ne modifient pas le BIS. Enprésence de hautes doses de morphiniques (fentanyl 50 µg /kg) il est habitueld’observer des valeurs du BIS entre 40 et 50. Dans notre expérience,l’administration par AIVOC de sufentanil (0.4-0.6 ng/ml) et de propofol(environ 3 µg /ml) (compartiment effet) permet d’obtenir des valeurs de BISentre 45 et 60 et l’absence, en général, de réaction hémodynamique àl’intubation chez des sujets anesthésiés pour chirurgie cardiaque.

Interactions entre la circulation extracorporelle et le monitorage de la profondeur de l’anesthésie par l’électroencéphalogramme

La circulation extracorporelle a plusieurs conséquences sur l’utilisationdes techniques d’électrophysiologie en général et du BIS en particulier. Ceseffets concernent :

Les artefacts électriques

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BISIncision

Début CEC Déclampage aortiqueArrêt CEC

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En dehors des artefacts électriques décrits plut haut, dans le contexte de lachirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle, plusieurs facteurssupplémentaires peuvent perturber le signal EEG et rendre l’interprétation del’index bispectral impossible. Ces facteurs sont la circulation extracorporelle etles pace-makers. Les pompes de circulation extracorporelle à galets génèrentdes courants électriques avec une fréquence entre 3 et 5 Hz. Ces courants sontsouvent détectés sur le tracé ECG lorsque le cœur a été arrêté. Les mêmescourants peuvent être détectés sur le tracé EEG. Les facteurs qui favorisentl’apparition des artefacts électriques sont la température et l’humidité de lasalle. Dans notre expérience, l’EEG est parasité dans moins de 10 % des cas.Dans d’autres travaux, les tracés EEG, analysés a posteriori, peuvent êtreininterprétables chez 40 % des patients qui bénéficient d’une chirurgiecardiaque [37]. Dans notre service, sur plusieurs dizaines de patients qui ontbénéficié à la fois de l’enregistrement classique de l’EEG et du monitorage dela profondeur de l’anesthésie par le BIS, les deux types d’appareils étaientcomparables en ce qui concerne la survenue des artefacts liés à la pompe deCEC. Classiquement, les dérivations occipitales sont moins affectées par lesinterférences électriques [38]. Nous n’avons pas encore utilisé ces dérivationscar cela nécessiterait une modification des électrodes du BIS. De surcroît,selon l’emplacement des électrodes pour le monitorage de l’EEG, les effets dumême agent anesthésique peuvent être légèrement différents [39].

La détection des artefacts est indispensable. Elle peut être réalisée sur letracé analogique de l’EEG (Fig. 1), sur le tracé de matrice spectrale comprimée(Fig. 1), que nous recommandons à cause de la facilité de reconnaissance et surla pente de modification du tracé des tendances du BIS (Fig. 2). En effet, lesvariations biologiques (allégement de l’anesthésie par exemple) entraînent desmodifications moins brutales des valeurs du BIS (comparer la figure 2 avec lafigure 3). Aucun mode de reconnaissance des artefacts n’est infaillible.Lorsque les artefacts électriques sont reconnus, il faut essayer de repositionnerles électrodes mais ces mesures sont rarement efficaces. D’autres solutions ontété proposées afin de diminuer l’amplitude des courants générés par la pompede CEC (par exemple : humidification des tuyaux du circuit de CEC à l’aide devaporisateurs) [40]. Fig. 2. -Tracé représentatif des tendances de l’index bispectral (BIS). Noter l’augmentationbrutale des valeurs du BIS lors de la mise en route de la circulation extracorporelle (CEC) en

relation avec l’apparition des artefacts. INT : intubation.Fig. 3. - Tracé représentatif des tendances de l’index bispectral (BIS) sur la partie haute de lafigure. Tracé du signal analogique dans la partie basse de la figure. Montage référentiel à deux

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BIS—12[At1-Fpz][At2-Fpz] FFS12[At1-Fpz][At2-Fpz]

11:30 11:50 12:10 12:30

Can1:At1-Fpz 50µV/div Can2:At2-Fpz 50µV/div25 mm/s

Allégement del’anesthésie

302520151050

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BIS—12[At1-Fpz][At2-Fpz] FFS12[At1-Fpz][At2-Fpz]

11:55 12:15 12:35 12:55

Can1:At1-Fpz 50µV/div Can2:At2-Fpz 50µV/div25 mm/s

Front de fréquence spectrale

Début entraînementélectrosystolique

BIS

Fig. 4. - Tracé représentatif des tendances de l’index bispectral et du front de fréquence spectrale(FFS). Montage référentiel à deux canaux (At-Fpz).Tracé du signal analogique dans la partiebasse de la figure. La mise en route de l’entraînement électrosystolique s’accompagne d’une

augmentation brutale des valeurs du BIS en relation avec des artefacts.

canaux (At-Fpz). L’allégement de l’anesthésie s’accompagne d’une augmentation des valeurs duBIS. La variation des valeurs du BIS en fonction du temps est progressive.

Un autre type d’interférence électrique capable de rendre le tracé du BISininterprétable dans le contexte de la chirurgie cardiaque est la mise en routed’un entraînement électrosystolique temporaire. Dans cette situation, lesvaleurs du BIS augmentent brutalement (quelques secondes) après la mise enroute de l’entraînement électrosystolique (Fig. 4). Le BIS analyse et prend encompte les éléments de phase dans le calcul de l’index bispectral ce qui le rendprobablement plus sensible aux interférences électriques. Les autresparamètres issus de l’analyse spectrale de l’EEG semblent moins sensibles auxartefacts générés par la pompe de CEC (Fig. 4). L’utilisateur doit savoir utilisernon seulement la valeur du BIS affichée par l’appareil mais aussi le tracéanalogique de l’EEG et les diverses représentations spectrales de l’EEG. Cetteanalyse, basée sur plusieurs paramètres de l’information fournie par l’appareil,peut lui permettre d’éviter les pièges d’interprétation du signal et les mauvaisesdécisions thérapeutiques.

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Effets de la température de la CEC sur l’EEG

Les effets de la température sur l’EEG diffèrent selon le niveau detempérature étudié, selon la phase de refroidissement ou de réchauffement etselon le paramètre du traitement mathématique de l’EEG utilisé. Certainstravaux n’ont pas retrouvé de relation statistique entre l’EEG et la température(28-32°C)[37]. D’autres travaux ont mis en évidence une relation entre lapuissance totale ainsi que la fréquence du pic de puissance maximum d’un côtéet la température lors du réchauffement. Paradoxalement, il n’existait pas derelation entre la température et le FFS ou la fréquence médiane. Lors durefroidissement, il existait une relation statistique similaire à celle observée lorsdu réchauffement mais de moindre puissance statistique [41]. D’autres travauxont retrouvé une corrélation entre le FFS et la température nasopharyngiennelors du refroidissement (23-35°C) [42]. Les raisons de la différence entre lerefroidissement et le réchauffement ne sont pas connues mais pourraient être enrelation avec les techniques de modification de la température.

Le message dérivé de l’analyse de ces résultats est complexe : selon leparamètre de l’analyse spectrale de l’EEG étudié, la température peut être unfacteur confondant pour le monitorage de la profondeur de l’anesthésie et ced’autant plus que les températures sont basses (<28°C). Pour des températuressupérieures, l’influence semble moins importante. Les effets de la températuresur l’EEG sont dus à la diminution de la CMRO2 induite par l’hypothermie[41]. Il n’existe pas, à notre connaissance, de travaux publiés ayantspécifiquement étudié l’influence de la température sur l’index bispectral dansle contexte de la chirurgie cardiaque. Dans notre expérience, pour destempératures basses (<25°C) les valeurs du BIS diminuent. Lors de l’arrêtcirculatoire en hypothermie profonde le BIS a une valeur égale à zéro.

Modifications pharmacocinétiques induites par la CEC et effetssur la profondeur de l’anesthésie mesurés par le BIS

L’amorçage de la pompe de CEC a des effets pharmacocinétiquescomplexes caractérisés par une augmentation du volume de distribution, desmodifications des clairances des médicaments par baisse des débits sanguinshépatique et rénal, exclusion du poumon, une augmentation de la fraction libredes médicaments, etc. [43]. Le résultat global de ces modificationspharmacocinétiques est difficile à prédire. Lorsque la CEC est faite enhypothermie, les besoins anesthésiques diminuent. La complexité de cesphénomènes est responsable du fait que la conduite de l’anesthésie au momentdu départ ou pendant la CEC n’est pas codifiée et reste totalement empirique.L’index bispectral ou toute autre méthode électrophysiologique de monitoragede la profondeur de l’anesthésie trouverait sa place pour une conduiterationnelle de l’anesthésie dans une situation complexe comme la CEC.

Nous avons entrepris un travail prospectif qui a porté sur 26 patientsadultes, bénéficiant d’une chirurgie cardiaque valvulaire et/ou coronarienne afind’étudier l’impact de la CEC sur l’index bispectral [44]. Le protocoleanesthésique était identique pour tous les patients et comportait une perfusioncontinue de sufentanil/propofol. Tous les patients ont bénéficié d’une CEC ennormothermie et d’une hémodilution faible (Hb pendant la CEC = 9,5 g/dl).

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Nous n’avons pas observé de modification statistiquement ou cliniquementsignificative de l’index bispectral en relation avec la CEC. Ces résultats nousincitent à ne pas modifier les doses ou les concentrations (AIVOC) d’agentsanesthésiques pendant la CEC avec faible hémodilution et normothermie stricte.

L’utilisation de l’ASPECT 1000® et de l’index bispectral comme moniteur de fonction cérébrale

Les progrès récents des techniques d’anesthésie, de réanimation et deperfusion en chirurgie cardiaque ont permis de diminuer la morbidité et lamortalité d’origine cardiaque. Les mêmes progrès ont permis d’étendre leslimites d’âge des patients qui bénéficient de la chirurgie cardiaque. Laconjonction de ces facteurs a permis la mise en évidence d’une augmentationimportante de l’incidence des complications neuro-psychologiques [45].

Le monitorage de la fonction cérébrale et d’une oxygénation cérébraleadéquate pendant l’anesthésie pour chirurgie cardiaque est devenu unepréoccupation quotidienne des anesthésistes-réanimateurs qui exercent enchirurgie cardiaque. Plusieurs types de monitorage sont à la disposition desmédecins anesthésistes-réanimateurs. Certains monitorent le débit sanguincérébral (Doppler transcrânien) ou l’extraction en oxygène (SvjO2) alors qued’autres sont de véritables moniteurs de la fonction cérébrale comme l’EEG etla spectrométrie en proche infrarouge. L’EEG a été utilisé depuis longtempspour estimer la fonction cérébrale en chirurgie cardiaque [37]. La valeurprédictive positive et négative des modifications peropératoires de l’EEG pourla survenue des complications neuropsychologiques postopératoires sontdécevantes [46].

Les appareils classiques de recueil de l’EEG sont relativementencombrants et leur utilisation nécessite la présence en salle d’opération d’untechnicien et/ou d’un médecin neurologue. Les appareils destinés aumonitorage de la profondeur de l’anesthésie comme l’ASPECT 1000® sontmoins encombrants, le traitement mathématique du signal facilite, au moins enapparence, l’analyse de l’EEG, dans la mesure où il fournit à l’utilisateur unseul chiffre : l’index bispectral. La tentation est grande d’utiliser le moniteurde profondeur de l’anesthésie comme un moniteur de fonction cérébrale. Noussommes très réticents quant à l’utilisation de l’index bispectral dans ce but carl’apprentissage est long, nécessite des connaissances approfondiesd’électrophysiologie, de recueil et de traitement mathématique du signal et laresponsabilité médico-légale du médecin anesthésiste pourrait être mise encause si des décisions thérapeutiques sont prises sur les valeurs de l’indexbispectral. De surcroît, l’appareil, dans sa configuration actuelle ne recueilleque 2 ou au maximum 4 dérivations et sa résolution spatiale est moins bonneque celle de l’EEG classique. Cet exposé a volontairement détaillé lacomplexité des problèmes liés à la lecture de l’EEG, au traitementmathématique et aux effets des agents anesthésiques.

Impact de l’utilisation de l’index bispectral sur la qualité des soins en anesthésie

Plusieurs travaux récents ont étudié l’impact de l’utilisation de l’indexbispectral sur la qualité des soins en anesthésie. Il a ainsi été démontré que

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l’utilisation du BIS permettait de prédire un niveau d’anesthésie insuffisant(apparition des mouvements)[19], de prédire le réveil [22], de diminuer les dosestotales d’anesthésiques administrés, de raccourcir les délais de séjour en salle deréveil [47]. La majorité de ces travaux ont été effectués en dehors du contexte dela chirurgie cardiaque. Les critères de jugement, quant à l’impact de l’utilisationde l’index bispectral, sont des critères intermédiaires (doses de médicamentsanesthésiques, durées de séjour, etc.). Compte tenu de la faible morbidité etmortalité directement imputables à l’anesthésie, il sera difficile de mettre enévidence un effet de l’utilisation de l’index bispectral sur la mortalité et lamorbidité dans le contexte de la chirurgie cardiaque. Dans notre expérience, leBIS nous a permis de mettre en évidence qu’un nombre important de patients,surtout âgés, étaient en surdosage anesthésique. L’utilisation de l’index bispectralnous a permis d’adapter les doses d’anesthésiques et de morphiniques auxbesoins du patient et d’instaurer des principes rationnels de conduite del’anesthésie pendant la CEC.

Conclusions et perspectivesL’index bispectral est un traitement mathématique nouveau de l’EEG

capable d’estimer la profondeur de l’anesthésie. Comme toutes les techniquesélectrophysiologiques utilisées pour l’estimation de la profondeur del’anesthésie, l’index bispectral est sensible aux interférences électriques. Dansle contexte de la chirurgie cardiaque, la circulation extracorporelle représenteune source potentielle d’artefacts rendant l’interprétation du BIS impossible.L’utilisation de l’index bispectral en anesthésie pour chirurgie cardiaquepourrait répondre à des questions spécifiques comme la conduite del’anesthésie pendant la CEC (modèle pharmacocinétique complexe etimprévisible) ou l’adaptation des doses d’agents anesthésiques aux besoins despatients, surtout âgés. Des travaux sont nécessaires afin de décrire laséméiologie de l’index bispectral dans le contexte de la chirurgie cardiaque etd’étudier l’impact de l’utilisation de l’index bispectral sur la qualité des soinsen anesthésie en général.

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