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Fifteenth GERPISA International Colloquium "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?" Paris, 20-22 june 2007 Renault 1992-2007 Mondialisation et quelques doutes Michel Freyssenet CSU, CNRS Paris GERPISA (Première version) Après une période où tout semblait lui réussir, Renault vit à nouveau un moment difficile, de même que son allié Nissan. Depuis les années 80, Renault connaît tous les dix ans une période de faiblesse : 1983-1986, 1992-1997, 2005-?, suivie par un rebond parfois spectaculaire, comme celui au cours duquel Renault s’est allié à Nissan, a fait de Dacia la première marque « bas coûts » et a pénétré significativement le marché coréen en prenant le contrôle Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes , Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?" , Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Fifteenth GERPISA International Colloquium"What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems

over the past 15 years ?" Paris, 20-22 june 2007

Renault 1992-2007Mondialisation et quelques doutes

Michel FreyssenetCSU, CNRS Paris

GERPISA

(Première version)

Après une période où tout semblait lui réussir, Renault vit à nouveau un moment diffi-cile, de même que son allié Nissan. Depuis les années 80, Renault connaît tous les dix ans une période de faiblesse : 1983-1986, 1992-1997, 2005-?, suivie par un rebond par-fois spectaculaire, comme celui au cours duquel Renault s’est allié à Nissan, a fait de Dacia la première marque « bas coûts » et a pénétré significativement le marché coréen en prenant le contrôle de Samsung. Ces trois périodes difficiles n’ont pas été de même nature. La première a été due à une crise mettant en jeu la survie financière de la firme. La seconde a résulté d’une crise de performance. La troisième semble relever d’une crise de cohérence, qui, si elle n’est pas appréciée comme telle, peut devenir plus qu’un simple « trou d’air ».

Les quinze dernières années de Renault vont donc d’une phase dépressive à une autre, séparée par une phase parmi les plus brillante de l’histoire de la firme au losange. La deuxième (1998-2004) et la troisième (2005-200 ?) se comprennent par le prolonge-ment, dans des contextes différents, des orientations, des décisions et des actions de la première période (1993-1997).

Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

1. De la « qualité » à « l’innovation conceptuelle », 1993-1997

1.1. La stratégie de « qualité » prise à contre-pied par l’éclatement de la première bulle spéculative et l’échec de la fusion avec Volvo

Après s’être désendetté en se séparant de nombreux actifs, Renault avait réussi à se re-dresser à la fin des années 80 en adoptant un stratégie de « qualité » 1, sous l’impulsion de son nouveau PDG, Raymond Levy nommé début 1987. Ce dernier estima en effet que Renault, ne pouvant plus miser sur le volume et une diversité relative, devait es-sayer de dégager des marges plus importantes sur chaque véhicule vendu en attirant la clientèle par la « qualité » et en lui faisant payer un prix plus élevé. Il devenait alors en effet de plus en plus clair que le haut de gamme ne se réduisait plus aux grosses ber-lines, mais se diversifiait vers tous les types de véhicules. Il était donc envisageable pour un constructeur généraliste de devenir un producteur de petits et moyens véhicules de haut de gamme, et cela d’autant plus que les constructeurs spécialistes traditionnels n’avaient pas encore compris qu’ils avaient à investir ce nouveau marché.

Renault réorienta en conséquence sa politique commerciale vers les marchés d’Eu-rope du Nord susceptibles de payer le prix de la « qualité ». Dans cette perspective, la mise en vente de Skoda par le nouveau gouvernement tchécoslovaque en 1990 était une opportunité à saisir. Volkswagen fut finalement préféré. Le prix qu’il proposa empêcha Renault de surenchérir. Plus logique et prometteur était en revanche l’accord conclu la même année avec Volvo, qui selon Renault partageait « la même philosophie de l’auto-mobile : sécurité, qualité, protection de l’environnement » 2.

Toutefois Renault conserva le slogan des « Voitures à vivre » adopté sous la prési-dence précédente de George Besse qui avait initié le redressement de Renault, afin d’ap-porter une touche différenciatrice par rapport aux autres constructeurs misant également sur la « qualité ». En mettant en avant la notion de « voiture à vivre », Renault voulait faire comprendre que le temps des voitures toujours plus puissantes était révolu. Il en-tendait répondre à une attente de plus en plus forte de voitures « conviviales », agréables à vivre pour tous leurs passagers et supportables par les autres usagers ou riverains de la route. Renault commença donc à mettre l’accent d’une part sur la vie à bord du véhicule préfigurée par l’Espace lancé en 1984, et d’autre part sur la sécurité. Une direction du

1 La stratégie « qualité » génère du profit grâce aux marges que le produit haut de gamme et la clientèle fortunée et aisée autorisent, le prix élevé étant lui-même un moyen essentiel de distinction et de coupure sociales. Le marquage symbolique du produit est cultivé avec une grande attention, en tenant compte de l’évolution des normes sociales dominantes (Boyer, Freyssenet, 2000, 2002, 2006).2 Renault, Rapport d’activité annuel 1990, p. 13. Les négociations ont été menées par Louis Schweitzer, qui succéda à Raymond Lévy en 1992. Renault et Volvo entretenaient des liens industriels et commer-ciaux depuis près de 25 ans. L’alliance, annoncée le 23 février 1990 et signée le 27 septembre, a été une des raisons d’un tournant statutaire important pour Renault. De régie nationale, Renault est en effet deve-nu société anonyme le 27 juillet grâce à une loi votée par l’Assemblée Nationale le 4 juillet 1990, autori -sant une ouverture du capital dans la limite de 25%, 75% au moins des droits de vote devant rester direc-tement ou indirectement à l’État français. Cette transformation a permis l’entrée de Volvo dans le capital de Renault et du même coup la résolution d’un différent avec les autorités de Bruxelles. Celles-ci avaient ordonné la réinscription dans le bilan de Renault de 6 des 12 milliards de francs de contribution excep-tionnelle apportée par l’État à Renault en 1988 pour se redresser. L’entrée de Volvo et l’augmentation du capital par Volvo et l’État ont clos le contentieux. Fin 1991, AB Volvo (la maison-mère) détenait 20% de Renault SA (maison-mère et la branche automobile) et 45% de Renault Véhicules Industriels, et Renault 8,24% de AB Volvo, 25% de Volvo Car et 45% de Volvo Trucks.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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design industriel avait été créée en 1988 dans cette intention et les études préparatoires avaient été renforcées.

Aux « Voitures à vivre » firent écho les « Accords à vivre », signés par les organisa-tions syndicales en 1989, à l’exception de la CGT. L’expression voulait signifier que les « Voitures à vivre » seraient aussi le fruit d’un accord avec les partenaires sociaux pour l’amélioration continue de la qualité, grâce à une réorganisation du travail impliquant la participation des salariés à la réalisation des objectifs à atteindre. Symboliquement, l’abandon de la puissance du moteur comme critère de l’excellence automobile était as-socié à ce qui voulait être la fin de l’affrontement social dans lequel était engagée la Fé-dération CGT de la Métallurgie et son syndicat Renault depuis les mesures de licencie-ments prises en 1986 et l’annonce de la fermeture des usines de Billancourt (Linhart V., 1992). Le bras de fer s’acheva par le licenciement effectif des « dix de Billancourt » en 1992 1 et la fermeture définitive, le 31 mars de la même année, de l’usine de Billancourt, un des hauts lieux des luttes sociales en France tout au long du XXème siècle. Les « Ac-cords à Vivre » donnèrent naissance entre autres aux Unités Élémentaires de Travail, les UET, systématisant, codifiant et généralisant à l’ensemble des établissements Renault le « travail en groupe » dans la perspective de la « qualité totale ». Les UET ont résulté d’une sélection parmi les multiples formes de travail en groupe expérimentées chez Re-nault les 15 années précédentes (Freyssenet 1984, 1992, 1995 a, 1998 a) 2. Au moment de leur généralisation, les « ouvriers spécialisés » avaient déjà tous été reclassés « ou-vriers professionnels de fabrication », leur « professionnalité » se ramenant pour l’es-sentiel à tenir plusieurs postes de travail et à assurer quelques tâches annexes.

La nouvelle stratégie adoptée par Renault sembla être la bonne. Les nouveaux mo-dèles lancés (R 19 en 1988, Clio en 1990, Safrane en1992, Twingo et Laguna en 1993) se vendirent soit très bien, soit de manière satisfaisante. La coopération avec Volvo pro-gressa si rapidement que l’on parla aussitôt d’alliance, puis sans attendre de fusion 3. 1 Il s’agissait de dix militants de la CGT Renault, tous responsables ou élus syndicaux, accusés de brutali -té envers des cadres. La Direction de Renault avait décidé de les licencier pour faute grave et d’en finir ainsi avec une certaine impunité.2 Depuis 1991, les usines ont été organisées en Unités Élémentaires de Travail (UET), dans le but d’ac-croître les compétences, l’implication et la responsabilisation du personnel. Les UET sont définis comme des groupes de vingt salariés en moyenne, délimités par l’unité de produit qu’il fabrique, contrôlant et analysant la réalisation des objectifs qui leur sont fixés, entretenant des rapports clients-fournisseurs avec les autres groupes dont ils dépendent en amont et en aval du processus de production, et animés par un responsable hiérarchique de premier niveau. La ligne hiérarchique a été réduite de 8 à 5 niveaux, à savoir l’agent de production, le chef d’UET, le chef d’atelier, le chef de département, et le Directeur d’établisse -ment (Allam et Decoster, 1995 ; Freyssenet, 1998 a). 3 Pour Renault, cette fusion comportait de nombreux aspects positifs. Le premier concernait les véhicules industriels. Le marché de RVI est essentiellement français et sujet à de fortes de variations qui plongent régulièrement la filiale dans le rouge. L’alliance faisait de l’ensemble RVI et Volvo Truck le numéro deux dans le monde après Daimler-Benz. Dans le domaine des véhicules particuliers, la fusion permettait de réaliser le premier ce qu'ensuite Mercedes et BMW ont essayé de faire : offrir une gamme complète de modèles se positionnant dans la partie supérieure de chaque segment du marché. Elle assurait à Renault de pouvoir mieux pénétrer les marchés d’Europe du Nord et de préparer un retour sur le marché améri -cain. Les deux constructeurs avaient commencé à constituer une banque d’organes communs, à étudier une plate-forme pour deux de leurs modèles, et à partager leurs fournisseurs. Les prises de participations croisées étaient enfin un moyen pour Renault de se privatiser progressivement (Lévy, 1994). De l’an-nonce de l’alliance à celle de la fusion, les équipes conjointes Renault-Volvo automobile ont beaucoup travaillé pendant trois ans à l’établissement de standards communs de qualité et d’outils pour y parvenir, à l’élaboration d’un plan à 10-12 ans de mise en commun de plates-formes et de composants, à l’engage-ment ensemble d’une trentaines de recherche, à la réalisation d’études en matière de sécurité et d’environ-nement, à l’harmonisation des politiques d’achat qui a conduit à 20% d’achats communs, à l’échange en Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Renault a bénéficié alors, mais plus que d’autres en raison de ses efforts en matière de qualité, du boom de la demande automobile qui accompagna le gonflement de la pre-mière bulle spéculative, qui fut une bulle immobilière (Graphique 1). L’enrichissement rapide de certaines couches de la population se manifesta pour l’automobile par une de-mande des versions les mieux équipées et les plus soignées des modèles proposés. Après l’éclatement de cette bulle survenue en 1991, Renault ne connut pas une baisse brutale de ses ventes, comme d’autres constructeurs, car il pénétra immédiatement le nouveau marché des Landërs de la partie Est de l’Allemagne réunifiée après la chute du mur de Berlin. Grâce à ce déploiement commercial rapide, Renault devint même le pre-mier importateur d’automobiles en Allemagne en 1992.

Graphique 1Résultats du Groupe Renault, 1976-2006:

marge opérationnelle, résultat d'exploitation et résultat net par rapport au CA,

-8,0

-6,0

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0,0

2,0

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6,0

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1945194719491951195319551957195919611963196519671969197119731975197719791981198319851987198919911993199519971999200120032005

année

pourcentage Marge/CA, RE/CA, RN/CA

-30,0

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0,0

10,0

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part de la valeur ajoutée dépassant le point mort

marge opérationnelle / CA (avec filiales financières) résultats d'exploitation / CA (sans filiales financières jusqu'en 1992)résultat net / CA (avec filiales financières) Part de la valeur ajoutée dépassant le point mort (VA-DC/DCx100)

Source: Rapports d'activité Renault. Élaboration: Michel Freyssenet 2007

Mais les politiques budgétaires restrictives, que les gouvernements européens ont crues alors devoir mener pour faire face aux conséquences de l’éclatement de la bulle fi-nancière, et le coût considérable de la réunification allemande firent chuter la demande automobile de 2,6 millions de véhicules en 1993 dans les pays d’Europe occidentale. Les ventes de Renault y reculèrent de 300.000 véhicules. Le marché mit ensuite cinq ans à retrouver son niveau de 1992. L’effondrement en 1993 du marché français (0,45 million de véhicules particuliers et utilitaires en moins) et européen, la reprise in-suffisante de la demande en 1994 et 1995 et la guerre des prix entre constructeurs empê-chèrent Renault de faire payer le prix de la qualité. Les clients redevinrent plus sensibles au prix. Surtout, la demande avait changé dans sa structure.

Ces difficultés et inversement le redressement de Volvo, grâce à la reprise de la de-mande aux États-Unis, renforcèrent la défiance grandissante de certains cadres diri-matière de design, à la coopération commerciale dans le respect des identités de marque et au partage des activités de transport. À la veille de la fusion, une plate-forme commune pour les modèles de haut de gamme était pratiquement prête.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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geants et d’actionnaires de Volvo, exaspérés par l’attitude de Renault et du gouverne-ment français. La fusion annoncée le 6 septembre 1993 fut rejetée quatre mois plus tard par l’assemblée générale des actionnaires 1. La séparation se fit sans trop de consé-quences financières pour Renault, l’alliance ayant été construite essentiellement sur un échange d’actions. Elle fut dénouée le 1er mars 1994 2.

Mais les deux événements précédents remettaient en cause la stratégie de profit adoptée. Il n’était plus assuré en effet qu’une clientèle attirée par des petits et moyens véhicules présentant la « qualité sociale » des véhicules de haut de gamme et prête à en payer le prix était vraiment en cours de constitution. Sans Volvo enfin, Renault allait certainement avoir plus de difficultés à être reconnu comme légitime dans le haut de gamme traditionnel.

1.2. « La qualité ne suffit pas… »

Si, au-delà de l’épisode de la bulle financière, on assistait bien à une tendance longue au renforcement de la clientèle de haut de gamme, en raison d’une distribution des revenus devenue plus inégalitaire, c’est en fait un phénomène d’une tout autre ampleur qui af-fectait la structure de la demande. L’évolution des modes de croissance en Europe dans un sens plus “concurrentiel” avait fait émerger, à côté de la demande classiquement hié-rarchisée des salariés aux revenus prévisibles, une demande provenant de couches de la population favorisées par les nouvelles formes de salaires et de revenus et aspirant à des véhicules différents dans leur usage pratique et symbolique (Boyer, Freyssenet, 2000).

L’enrichissement observé prenait un profil différent pour trois catégories de per-sonnes : pour la première, numériquement limité, l’enrichissement était durable,

1 Rétrospectivement, Renault explique l’échec de la fusion par trois erreurs commises: « erreur politique des gouvernements français successifs, de gauche comme de droite, qui reportent sans cesse la privatisa-tion de l'entreprise par crainte d'une trop forte réaction syndicale; erreur de jugement de Renault qui a sous-estimé la part des différences culturelles dans les relations d'affaires et de travail entre Français et Suédois : erreur tactique enfin, car entre la signature de l'Alliance et l'annonce de la fusion, trois années se sont écoulées qui ont laissé le champ libre à l'organisation de la fronde suédoise » (Renault.com). Un des arguments utilisés par les opposants suédois a été effectivement que Renault était encore une entreprise nationale et que les intérêts français prévaudraient toujours dans ces conditions sur les intérêts des action-naires suédois. Il semble par ailleurs que les ingénieurs français, considérant consciemment ou non que Renault volait au secours de Volvo alors en difficulté, constructeur par ailleurs de moindre importance, et qu’ils avaient en conséquence voix prépondérante, eurent tendance à considérer qu’ils avaient les bonnes solutions. L’irritation est allée croissante. Les défenseurs de la voie suédoise de réforme du travail attri -buèrent en outre aux pressions de Renault la décision de Volvo, prise fin 1992, de fermer deux des usines emblématiques de cette politique : les usines de Kalmar et d’Uddevalla (Berggren, 1994 ; Sandberg, 1994). Pour le moins, Renault ne fit rien pour qu’il en soit autrement, alors qu’il avait beaucoup à ap-prendre de l’expérience de ces deux usines (Freyssenet, 1994, 1995). L’inversion de la situation entre Re-nault et Volvo joua aussi certainement un grand rôle. La reprise du marché américain permit à Volvo de se redresser, alors que la chute du marché européen mettait en difficulté Renault. Les actionnaires de Vol-vo finirent pas considérer qu’ils pourraient vendre Volvo plus tard dans de meilleures conditions à un constructeur moins imprévisible. De fait, Volvo fut vendu dans d’excellentes conditions à Ford en 1999. 2 En Février 1994, Renault avait vendu à Volvo sa participation de 25% dans Volvo Car, et Volvo à Re-nault sa participation de 45% dans Renault Véhicules Industriels. En novembre 1994, AB Volvo racheta à Renault les 45% du capital de Volvo Truck Corporation. Une part fut payée par la cession, lors de l'ouver-ture du capital de Renault, de 8,6% des 20% que Volvo détenait dans Renault, le reste devant être payé lors de la cession par la vente sur le marché de tout ou partie des 11,3% conservés par Volvo au plus tard en novembre 1996. Renault a détenu jusqu’en juin 1997 3,01% du capital de Volvo AB et 7,75% des droits de vote. À la vente de ces 3%, il a réalisé une plus-value de 187 millions d’euros (1.230 millions de francs). Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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constant et important ; pour la deuxième, plus nombreuse, l’enrichissement était rapide mais susceptible d’être temporaire ; pour la troisième, l’enrichissement était modéré, provenant plus d’un emploi stable et d’un revenu croissant avec une promotion profes-sionnelle prévisible, alors que d’autres catégories voyaient leur avenir et leurs revenus devenir incertains en raison de périodes de chômage ou de contrats de travail à durée li -mitée. La première catégorie gonfla la clientèle des constructeurs spécialistes du haut de gamme, la deuxième devint celle qui allait se ruer sur les SUV et les 4x4 « urbains », la troisième fut celle qui a fait le succès des monospaces.

Peu après son arrivée à la tête de Renault le 27 mai 1992, Louis Schweitzer 1 annonça clairement un infléchissement de la stratégie au profit de l’innovation : « La qualité ne suffit pas à assurer l’avenir de notre entreprise, écrit-il en introduction au Rapport d’activité de l’année 1992 : nos clients considèrent à juste titre que la qualité est un dû. Si nous voulons gagner dans la compétition, il nous faudra cultiver notre différence. Pour un constructeur automobile, la gamme est le cœur de la stratégie. Nous voulons offrir une gamme forte, jeune et innovante.  … l’automobile n’est pas une machine ordi-naire. C’est un instrument au service de la liberté humaine, un objet de sentiment et de passion, un lieu de vie. La philosophie automobile de Renault s’exprime dans les ‘Voi-tures à Vivre’. Elle correspond à une politique d’entreprise où la préservation de l’envi-ronnement et la sécurité passive et active ont une place essentielle, autant que le plaisir automobile ».

Conforté par le succès confirmé et durable de l’Espace puis de la Twingo, Renault décida d’être plus volontairement innovant, en repensant son offre. Il le fit en commen-çant par la gamme moyenne inférieure. La R19 était en effet à remplacer à l’horizon 1995. Elle le fut par la famille Mégane, innovante à un double point de vue: par le nombre de versions de carrosserie offertes (6), et par une de ces versions tout à fait in-édite : le monospace Scénic, à qui un nom spécial fut donc donné, tellement il se diffé-renciait des autres (Graphique 2) 2.

A posteriori, il est possible de dire que Renault, au sein duquel la nouvelle orienta-tion ne faisait pas l’unanimité, n’a pas évalué alors les implications organisationnelles, sociales et économiques de l’innovation conceptuelle. Pour être profitable, elle nécessite en effet que le constructeur automobile qui l’adopte soit extrêmement réactif au succès comme à l’échec, pour, dans le premier cas, tirer parti le plus longtemps possible de la rente d’innovation créée et rendre le ticket d’entrée dans le nouveau segment le plus éle-vé possible pour les concurrents, et pour, dans le deuxième cas, réduire au maximum les pertes (Freyssenet, 1998, 2000 ; Boyer, Freyssenet, 2000) 3.Graphique 21 Il était entré chez Renault en 1986, avant l’arrivée de Raymond Lévy en 1987.2 La famille Mégane a été composée d’une berline cinq portes, d’un coupé, d’un cabriolet, d’une berline quatre portes et d’un monospace, auxquels viendra s’ajouter une sixième version non prévue initialement, un break.3 La stratégie de profit « innovation et flexibilité », particulièrement pertinente dans les modes de crois-sance où la distribution est « concurrentielle », implique une politique de produit consistant à concevoir des modèles conceptuellement innovants pour répondre à des attentes nouvelles sur les marchés où elles se dessinent, à les produire massivement si la demande confirme l’anticipation ou au contraire à les retirer sans retard s’ils n’ont pas trouvé leur public ; une organisation productive reconvertible rapidement et à moindre coût à grâce à un taux d’intégration faible, un outil de production flexible, et un personnel réac-tif ; par une relation salariale valorisant l’expertise et l’initiative individuelles, tant au niveau du recrute-ment, de la formation, du salaire que de la promotion, afin de susciter au sein de l’entreprise l’émergence d’innovateurs, compétents et imaginatifs à tous les échelons et dans tous les domaines et de développer la capacité à changer rapidement d’activité (Boyer, Freyssenet, 1999). Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Production mondiale de véhicules particuliers de Renault par modèle1945-2006

DauphineJuva

R8-R10

R25

Safrane"niches"

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1945194719491951195319551957195919611963196519671969197119731975197719791981198319851987198919911993199519971999200120042006

année

volume

Kangoo

Modus

Source: Rapports de gestion RenaultÉlaboration: Freyssenet M., 2006.

Logan

Vel Satis

4cvR4

R6R5

Twingo

Clio

Frégate

R12 R9-R11R19

Mégane

R16

R20

R18

R30

R21

Laguna

Espace

Si certains choix allèrent dans ce sens, la réduction du taux d’intégration 1 et la flexibili-sation du temps de travail notamment 2, d’autres relevèrent d’une autre logique. C’est ainsi que le Technocentre de Guyancourt, dont la décision de construction fut prise en 1993 pour regrouper et faire travailler ensemble les bureaux d’études, fut conçu selon le schéma matriciel « sloanien » de la conception des automobiles au service d’une stra-tégie « volume et diversité », c’est-à-dire de commonalisation (Boyer, Freyssenet, 2000, 2006) et non d’une stratégie « innovation et flexibilité » qui pousse à une individualisa-tion des modèles 3. Or telle était bien pourtant la tendance chez Renault. Les perfor-

1 Un taux bas d’intégration permet plus facilement de retirer un modèle en cas d’échec et d’augmenter en volume en cas de succès, en augmentant par exemple le nombre de fournisseurs. Si l’on prend comme in -dicateur les achats de biens et de services rapportés au chiffre d’affaires (Renault SA), ce dernier est passé d’un taux déjà très bas de 18,01% en 1992 à un taux de 10,85% en 1996. Cette évolution ne correspond pas uniquement à la poursuite de l’externalisation de certaines activités, mais aussi à une hausse relative des prix pratiqués par les fournisseurs. Le plan de réduction des coûts de 1997 fera remonter le taux pré -cédent à 14,40% en 1998, mais il redescendra à nouveau les années suivantes.2 Des accords de flexibilisation du temps de travail ont été signés dans plusieurs usines. Renault a fait systématiquement appel, lorsque la demande augmentait, à des travailleurs à contrat à durée déterminée, dont le nombre a varié entre 2 000 et 5 000 selon les années. Les travailleurs permanents ont été immédia-tement mis au chômage technique (indemnisée) en cas de baisse des commandes.3 L’organisation par projet, esquissée dans la première moitié des années quatre-vingt et généralisée sous l’impulsion de Raymond Lévy, n’impliquait pas qu’elle le soit selon un schéma matriciel. Le Techno-centre ouvrit ses portes en 1998, après quatre années de travaux. Situé dans la grande banlieue ouest de Paris, il rassemble sur un même site les concepteurs du produit et du process et les représentants des usines et des fournisseurs. Le Technocentre est devenu significativement le premier site de Renault par le nombre de personnes qui y travaillent. Le process des véhicules futurs y est testé en vraie grandeur pour qu’il puisse être ensuite rapidement mis au point en usine. Les directeurs de projet sont responsables di-rectement devant le PDG du respect des objectifs de coût, de délais et de qualité fixés. Le changement Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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mances, l’équipement, le niveau de confort, les formes externes et internes, les couleurs, les matières, et même les sons et les odeurs des nouveaux modèles ont été effectivement pensés comme un tout devant répondre de manière cohérente aux attentes des clientèles visées. Alors que le nombre de modèles par plate-forme se situait entre 1,8 et 2,0 depuis 1962 et qu’il avait même atteint 2,3 en 1983, son record historique, il a régressé ensuite rapidement à 1,3 en 1986, puis est descendu lentement à 1,0 en 1996. De 408.518 unités en 1983, le volume moyen par plate-forme est tombé à 172.979 en 1996.

Il en a été de même de la recherche à tout prix d’un autre partenaire, après l’échec de la fusion avec Volvo. Les discussions avec Mercedes et Fiat en 1994 pour une éven-tuelle alliance (celles avec Fiat ayant été poussées très loin) ne témoignent pas d’une claire conscience de la limitation des synergies possibles avec un autre constructeur qu’implique le choix de l’innovation conceptuelle (comme en fera l’amère expérience Mercedes avec Chrysler).

1.3. « Aller chercher la croissance là où elle se trouve »… à condition d’en avoir les moyens financiers et juridiques

Au début des années 90, la mondialisation est devenue dans l’esprit de beaucoup un im-pératif. La nouvelle chute des marchés des pays développés après l’éclatement de la pre-mière bulle spéculative et les perspectives limitées de croissance à l’avenir poussaient à penser que les constructeurs automobiles ne connaîtraient plus jamais d’augmentation durable en volume. Parallèlement la croissance, parfois à deux chiffres, des pays que l’on commença à appeler « émergents » a paru indiquer que leur décollage économique était maintenant irréversible et qu’il convenait de ne pas manquer le train. La libéralisa-tion complète de la circulation des capitaux devait à terme conduire à un marché mon-dialisé. La constitution de nouveaux ensembles régionaux, comme le Mercosur, la re-lance de l’ASEAN, la demande d’adhésion des pays d’Europe centrale à l’Union euro-péenne laissaient augurer des marchés plus vastes et plus solides. Les projets d’implan-tation dans les pays émergents et les réalisations se multiplièrent 1.

Louis Schweitzer annonça dans le Rapport d’activité de l’année 1993 que « tout en poursuivant nos efforts d’européanisation dans un marché qui s’unifie et s’ouvre com-plètement à la concurrence internationale, nous devons maintenant accélérer notre dé-veloppement de nos activités en Turquie et en Amérique Latine et par un accord de par-

d’organisation de la conception, la transformation des professions qui l’a accompagnée, la division accrue du travail dans certaines activités n’a pas été sans susciter de fortes réactions, notamment en 1995 sous la forme une grève de trois semaines du bureau d’études, la première du genre.1 Au tournant des années 90, certains pays ont changé de système économique et d’autres ont industrielle-ment « émergé ». Les régimes communistes des pays de l’Est européen ont implosé. La désorganisation qui a suivi, en l’absence des institutions nécessaires à la viabilité des économies de marché, a entraîné la chute de la production automobile (de 3,56 millions en 1988 à 1,66 en 1994). Plusieurs firmes ont été ra-chetées par des constructeurs ouest-européens ou ont conclu des alliances. La Chine, certains pays du Sud-Est asiatique et d’Amérique latine ont décollé économiquement et ont connu une forte augmentation des ventes automobiles. Le relais aux marchés saturés des pays industrialisés, que les constructeurs atten-daient des pays en voie de développement dans la deuxième moitié des années soixante-dix, a semblé ain-si se réaliser vingt ans plus tard. Tous les constructeurs ont voulu y construire des usines, n’hésitant pas à créer des surcapacités. Fondée sur un endettement considérable et une certaine tolérance commerciale des États-Unis, la croissance ra-pide de ces pays n’a pas résisté à la crise de confiance des investisseurs internationaux et aux pressions pour l’ouverture des marchés locaux. La distribution des revenus y demeurait en outre fortement inégali -taire empêchant de toute façon l’automobilisation de l’ensemble de la population. Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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tenariat industriel en Chine » 1. Il le fit d’abord prudemment en devenant l’actionnaire majoritaire de sa filiale turque Oyak-Renault 2 et en signant des accords limités en Chine 3 et en Malaisie 4 pour l’assemblage de véhicules utilitaires.

Plus significative et financièrement importante fut la décision prise par Renault en 1995 de construire une usine d’assemblage au Brésil 5, après un quart de siècle d’ab-sence dans ce pays, et de reprendre le contrôle de sa filiale argentine en 1997 6.

Parallèlement, Renault explora une autre voie d’internationalisation hors d’Europe. Il continua discrètement à examiner les possibilités d’alliance avec un autre constructeur, mais cette fois-ci en Asie. Mais, pour qu’éventuellement cette voie débouche sur un ac-cord, Renault avait à résoudre la question de son statut. L’échec de la fusion avec Volvo avait convaincu beaucoup de parties prenantes de la nécessité de privatiser réellement

1 Renault, Rapport d’activité annuel 1993, p 6-7.2 En 1992, Renault, qui détenait 44% de Oyak-Renault depuis 1969, rachète les 13% du capital apparte-nant à un actionnaire minoritaire, Yapi Kredi. La part de Renault sera ramenée à 51% en 1997. Oyak Re-nault a battu son record de production en 2006 avec 228.590 unités. Il est avec Tofas, la filiale de Fiat, le principal constructeur automobile en Turquie. L’usine de Bursa avait une capacité de 230.000 véhicules en 2004. Elle produit en exclusivité le break Mégane depuis son lancement en 1998. Elle produit égale-ment les versions tricorps de la Mégane (Classic) et de la Clio (Symbol), des moteurs (K) et de nom-breuses pièces. Une part importante de sa production (voitures et composants) est exportée vers l’Europe de l’ouest et les pats émergents. Elle a été certifiée ISO 9001 et ISO 14001.3 Renault crée en novembre 1993 en Chine une filiale conjointe, Sanijang Renault Automotiv Company (SRAC) avec la China Sanijang Space Group pour la production et l’assemblage du véhicule utilitaire Trafic, principalement dans sa version minibus. Le capital de SRAC était réparti 45% pour Renault, 55% pour CSSG. Trafic a été produit dans l’usine de Xiaogan, près de la ville de Wuhan dans la province de Hubei par une filiale de la CSSG, la Hubei Automotive Industry Corporation. Il était prévu de concevoir et de fabriquer un minibus de haut de gamme spécifique au marché chinois. Le taux d’intégration locale devait atteindre 92% en 2000. Le Trafic n’a été finalement commercialisé qu’au milieu de 1995. Les ventes n’ont jamais décollé: 239 en 1995, 151 en 1996, 1003 en 1997, 1042 en 1998, 2007 en 1997, 434 en 2000, 347 en 2001, inconnu en 2002, 200 en 2003. La production du Trafic a été arrêtée cette année-là. Renault commercialise en Chine, à travers six distributeurs dont Nissan, la Vel Satis, la Laguna II, la Scénic II, la Mégane sedan et la Mégane CC. Les ventes se sont élevées à 883 en 2004, 2031 en 2005 et 3363 en 2006 (0,06% du marché VP + VU), alors que celles de Nissan ont été de 155.803 en 2004. Re-nault tente une nouvelle implantation en Chine avec Dongfeng, le partenaire de Nissan. Mais les autorités chinoises veulent que Renault s’installe à nouveau dans la province d’Hubei, ou sévit un fort sous-emploi. L’éloignement des grands centres urbains a jusqu’à présent conduit Renault à refuser. 4 Le 3 novembre1995, Renault signe un accord, dans le cadre du projet national de véhicule utilitaire MNCV, avec Inokom pour la production, contre redevance, d’un VU appelé Permas, fabriqué sur la base du Trafic. Il devait être produit à 5000 unités par an dans une usine nouvelle construite à Kulim avec l’as-sistance technique de Renault. L’année suivante Inokom passe sous le contrôle de Bumiputera (70%), Re-nault (15%) et Hyundaï (15%). L’usine de Kulim, d’une capacité de 20.000 véhicules pouvant être portée à 40.000, est achevée en 1997. Inokom cesse son activité en 1998 sous le coup de la «  crise asiatique », puis redémarre en 2000. Renault se retire en 2003 d’Inokom et signe un contrat avec Tan Chong Motor Holding Berhard (TCMH) pour la fabrication locale de Kangoo, fin 2004 dans l’usine de Kuala Lumpur. Les ventes de VP et VU Renault en Malaisie ont été de 185 en 2004, 1.330 en 2005 et de 836 en 2006.5 Renault do Brazil Automoveis, créé en 1996, a été détenu au départ à 60% par la COFAL (Compagnie financière pour l’Amérique latine, contrôlé alors par Renault à 70%) et à 40% par l’État de Parana où est implantée la nouvelle usine. Depuis, la part de cet État est descendue à quelques pour cents, au fur et à mesure que Renault investissait. L’usine, appelée Ayrton Senna en hommage à ce champion du monde automobile brésilien tué accidentellement en course, est localisée à Sao José dos Pinhas, une commune périphérique à Curitiba, capitale de l’État de Parana. Elle a été inaugurée le 4 décembre 1998. D’une ca-pacité de 120.000 véhicules, elle devait pouvoir produire 240.000 véhicules à l’horizon 2000-1. L’inves-tissement industriel et commercial initial a été de 760 millions d’euros. L’usine, ouverte en pleine « crise asiatique », commença par produire des Scénic, puis fin 1999 des Clio II bicorps, fin 2000 des Clio tri-corps Symbol, enfin des Mégane en 2001. Le volume fut très faible la première année (23.259), doubla la Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Renault pour qu’il puisse nouer les alliances transnationales nécessaires à son dévelop-pement. Louis Schweitzer, ancien directeur de cabinet du premier ministre socialiste Laurent Fabius, converti à cette idée, s’y employa activement (Schweitzer, 2007). L’État vendit une partie de ses actions en deux temps : une première fois, le 17 no-vembre 1994, 28,1% au public et aux salariés de Renault ; une deuxième fois, le 31 juillet 1996, 7%, ramenant ainsi sa part à 46%. Il franchisait ainsi le seuil symbolique au-delà duquel il n’était plus l’actionnaire majoritaire. Il le fit néanmoins avec une cer-taine prudence politique. Il suscita un pacte, valable pour quelques années, entre action-naires institutionnels français, appelé « noyau stable », afin de garder un contrôle majo-ritaire et de rassurer les syndicats.

1.4. Mais en attendant la sortie des modèles innovants et leurs éventuels effets sur les ventes, la situation se dégrade. Le choc Vilvorde

Ne voulant pas remettre en cause sa politique budgétaire restrictive, le gouvernement français prit des mesures ponctuelles pour soutenir la demande automobile. Il baissa la TVA sur l’achat de véhicules neufs de 22,0% à 18,6% entre 1992 et 1995, et accorda à deux reprises une prime à tout acheteur de véhicule neuf mettant « à la casse » son véhi-cule ancien. Ces mesures ne suffirent cependant pas à relancer la demande au point d’empêcher une guerre des prix entre constructeurs. Surtout, l’arrêt de la dernière me-sure de soutien fut suivi par une chute spectaculaire des ventes automobiles en France en 1997 : 460.000 VP et VU neufs en moins. Globalement le marché européen avait toutefois commencé à se redresser à partir de 1995. Renault n’en profita pas. Ses résul-tats se dégradèrent. En 1996, résultat d’exploitation et résultat net devinrent lourdement négatifs (Graphique 1). La Direction tira la conclusion que les véhicules Renault étaient trop chers pour l’Europe. Or Renault se devait y conserver une « base arrière » solide pour faire face aux fortes fluctuations probables des marchés émergents où il ambition-nait d’aller.

Les difficultés rencontrées n'étaient toutefois pas de même nature que celles qui avaient conduit Renault à l’état de quasi faillite en 1984. L’endettement financier net du groupe n’était en 1996 que de 5,1 % du chiffre d’affaires 1. À la différence de l’échec de

seconde et reste depuis un peu en dessous des 70.000. La construction d’une usine de moteurs fut néan-moins maintenue pour alimenter les usines Renault du Mercosur, ainsi que celles de Peugeot. Appelée Mecanica Mercosul, elle a représenté un investissement de 88,4 millions d’euros. L’extension de la capa-cité de l’usine d’assemblage de VP a été différée au profit de la construction d’une usine de véhicules uti -litaires Renault (Master) et Nissan (pick-up Nissan Frontier et tout-terrain Nissan Xterra), d’une capacité de 50.000 véhicules, ouverte fin 2001. Si l’usine moteurs fonctionne à pleine capacité, il n’en va pas de même des usines d’assemblage qui étaient utilisées en 2005 à 50,0% pour la première et à 30,8% pour la seconde.6 En 1992, après des années de pertes, Renault avait vendu ses actions dans Renault Argentina SA (72,3%) à la COFAL (Compagnie financière pour l’Amérique latine) dont il prenait 33% du capital. Re-nault Argentina devenait la Compania Interamericana de Automobiles SA (CIADEA), dont la COFAL détenait 59% et l’État Argentin le reste. Il le fait alors que la demande repart à nouveau à la hausse, dans un de ces mouvements de yo-yo dont le marché argentin est coutumier. Renault atteindra même en 1994 un pic de production, jamais retrouvé depuis : 109.640. Changement de cap en 1997 : Renault reprend le contrôle de CIADEA qui redevient Renault Argentina SA. Il le fait peu avant la « crise asiatique » qui va durablement déstabiliser l’Argentine. La production s’effondrera jusqu’à 12.890 véhicules en 2002. Elle remonte lentement depuis. L’usine Santa Isabel de Cordoba a produit 52.446 en 2006, essentiellement des Clio, des Mégane et des Kangoo.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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l’alliance avec American Motors Company, celle avec Volvo n’avait pas été financière-ment coûteuse.

Dès 1995, des mesures de réorganisation avaient été prises, s’inscrivant dans un plan général de rationalisation de l'appareil de production en Europe. Deux petites usines d’assemblage furent fermées : en 1995 l’usine Chausson à Creil, dont Renault était de-venu l’actionnaire majoritaire, et en 1996 l’usine de Setubal au Portugal. Des accords de coopération étaient conclus avec d’autres constructeurs, notamment dans le domaine des petits véhicules utilitaires 1. Le nombre de fournisseurs directs avait été presque divisé par deux entre 1987 et 1995, passant de 960 à 527. En 1997, une filiale nouvelle fut créée, Renault France Automobile, regroupant le réseau de distribution et d’après-vente de Renault 2.

Courant de l’année 1996, la situation était suffisamment préoccupante pour qu’un vi-goureux programme de réduction des coûts soit considéré comme urgent. Pour ce faire, Louis Schweitzer recruta Carlos Ghosn, qui avait fait ses preuves en la matière chez Mi-chelin. Devenu numéro 2 à l’automne 1996, ce dernier fixa comme objectif de parvenir à une diminution de l’ordre de 3.000 fr. du prix de revient par véhicule avant la fin 1997 “sans toucher à la qualité que le client perçoit et apprécie”, aussi bien pour les modèles existants que pour les modèles à venir. Il convainquit l’état-major de Renault de la né-cessité de fermer une troisième usine d’assemblage en Europe, en l’occurrence Renault-Vilvorde en Belgique. Cette usine de 3.100 salariés était considérée jusqu’à peu comme le « bon élève » de Renault, mettant en œuvre avec efficacité et sans conflit tous les plans d’amélioration des performances lancés par la maison-mère. L’annonce de la fer-meture fut un choc brutal, politiquement et socialement, déclenchant la première « euro-grève ». Dénoncée de toutes parts, la Direction de Renault refusa de céder sur la ferme-ture immédiate 3, tout en acceptant d’améliorer le plan social de reclassement et de se soumettre à de nouvelles règles de négociation au niveau européen (Charron, 2004).

La fermeture de Vilvorde, effective en septembre 1997, permit de concentrer l’as-semblage de la Laguna sur le seul site de Sandouville, de la Twingo à Flins, de la Mé-gane sur deux sites (Douai et Palencia) et de la Clio sur trois sites (Flins, Valladolid et Novo Mesto). Pour aller encore plus loin dans la saturation des capacités de production, Renault chercha à partir de 1997 à spécialiser les usines dans un seul modèle, à l’excep-tion de Sandouville dédié au haut de gamme. Il n’imagina pas que cette mesure pouvait entrer en contradiction avec une politique de modèles innovants, qui exige pour être profitable un appareil de production rapidement reconvertible selon le succès ou l’échec. De fait, Palencia en 1997, Douai et Maubeuge en 1998 durent passer en trois

1 Les résultats de 1996 (- 5,2 milliards de fr.) n’auraient été que modérément déficitaires, si n’avaient été provisionnés en une seule fois les coûts de la fermeture de Renault-Vilvorde en Belgique (4 milliards).1 Un premier accord est signé en 1994 avec Iveco, la filiale poids lourds de Fiat, pour le développement et l’industrialisation des cabines du Master et de Mascott. Plus important est l’accord conclu en 1996 avec GM Europe pour la commercialisation du Master sous le nom de Movano par ses marques Opel et Vaux-hall, et surtout pour la conception, le développement conjoint (50/50) et la fabrication du Trafic/Vivaro prévu pour être commercialisé en 2001. Furent conclus également en 1994 des accords Renault Agricul-ture- Massey Ferguson et John Deere ; Renault, BMW et Fiat pour créer un centre européen du recy-clage ; RVI avec ZF pour fabriquer des boîtes de vitesse ; en 1996, RVI-MAN, Renault-PSA pour la pro-duction d’une boîte de vitesse automatique, Renault-Moskvitch pour la fourniture de moteurs ; et en 1997, Renault-Daewoo pour livrer des moteurs diesel.2 Cette filialisation explique la chute brutale des effectifs de Renault (maison mère) cette année-là (Gra-phique 2)3 La réduction de coûts attendus de la fermeture de Vilvorde était de 800 millions d’euros. Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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équipes afin de s’adapter à la demande repartie à la hausse et au succès des modèles in-novants. Mais l’heure était encore à « tout pour la réduction des coûts ». Un nouveau plan 1997-2000 fut même adopté.

2. Le temps de l’audace, 1998-2003. Le succès des modèles innovants dans un mar-ché en forte croissance donne les moyens à Renault de se « mondialiser » d’un coup en tirant parti de la « crise asiatique » 

2.1. La divine surprise : forte reprise du marché européen et succès des modèles inno-vants lancés… mais sans en tirer les enseignements

Tendu vers la réduction des coûts, Renault fut surpris par la forte augmentation de la de-mande automobile en Europe, et surtout par le succès, inattendu pour beaucoup, de ses modèles innovants : Scénic, Kangoo et deuxième génération de l’Espace.

Gonflant avec la troisième bulle spéculative (celle dite de la « nouvelle économie »), le marché automobile de l’Europe occidentale retrouva en 1997 son pic de 1990 et le dépassa de 2 millions de véhicules en 1999, pour se maintenir à 17 millions de véhicules en 2000 et 2001. La croissance fut particulièrement forte en Grande-Bretagne, en Es-pagne et en Grèce, un peu moins en Allemagne, en France et en Italie. On observa la même exubérance dans les pays d’Europe centrale et en Turquie. Il ne pouvait y avoir meilleur contexte pour les modèles innovants de Renault.

Lancée en octobre 1996, la Scénic, version monospace de la Mégane, vit ses ventes augmenter rapidement, au point de représenter 44% des Mégane produites durant l’an-née 1997 (Graphique 3). Craignant toutefois un feu de paille et en pleine bataille pour la fermeture de Vilvorde, Renault préféra allonger considérablement les délais de livraison de la Scénic et augmenter discrètement le taux d’utilisation de la ligne de production dé-diée à ce modèle à l’usine de Douai, plutôt que d’adapter sans retard une deuxième ligne de production (Graphique 4). Un tel succès n’ayant pas été anticipé, la deuxième ligne de Douai n’avait pas été en effet prévue pour pouvoir produire éventuellement la Scé-nic, à la carrosserie particulière. De lourds travaux furent nécessaires en 1998-9 pour augmenter les capacités de production de Scénic, confirmant le fait que Renault n’avait pas du tout imaginé ce qu’impliquait au niveau technique, organisationnel et social une politique de modèles innovants afin d’en tirer tout le potentiel de profit en cas de succès et pour en limiter les pertes importantes en cas d’échec.

Ces hésitations laissèrent en effet le temps à des concurrents, convaincus que Renault avait suscité un nouveau segment de marché, de lancer leur propre modèle de mono-space en évitant au passage quelques défauts du Scénic. Si l’on met à part la Classe A deMercedes, qui n’est pas à proprement parler un monospace, le Zafira d’Opel fut mis sur le marché en mars 1999 et le Picasso de Citroën en janvier 2000. Ces deux modèles ont contraint Scénic à plafonner à 6% du marché du M1 (segment moyen inférieur), alors qu’à eux deux ils en prenaient 8% (Graphique 4). Scénic restait leader, mais un leader talonné par des concurrents sérieux. Pire, le potentiel de la ligne 2 de Douai, refaite pour accueillir le Scénic, n’a pu être complètement exploité. Il était trop tard (Graphique 5).

On a là un cas d’école. Il confirme qu’une stratégie de profit fondée sur l’innovation conceptuelle implique pour être durablement profitable d’inclure également une grande réactivité pour couper l’herbe sous les pieds aux concurrents, évidemment tentés de

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s’engouffrer dans le nouveau marché créé. Renault a perdu une belle occasion. Ce cas confirme un deuxième aspect de cette stratégie. Le triptyque « Qualité, coût, délais » n’est pas l’alpha et l’omega de la profitabilité. Dans cette stratégie, ces exigences sont secondes par rapport au désir du client de disposer d’une automobile qui lui offre le nouvel usage pratique et symbolique qu’il attendait. Les acheteurs se sont en effet portés sur le modèle le plus cher, le plus long à être livré et le bon moins en qualité des ver-sions de la famille Mégane.

Au final, sur l’ensemble du programme Mégane 1 achevé en 2003 au niveau mon-dial, Scénic 1 a représenté 37,9% des ventes. En Europe occidentale, sa part de marché a été de 2% en moyenne tous VP confondus. Mégane 1 sans Scénic 1 a fait moins bien avec cinq versions que le modèle qu’elle a remplacé, la R19, qui n’avait que 3 versions. Grâce à Scénic, pour la première fois, un modèle de gamme moyenne est parvenu à un niveau jamais atteint par un modèle Renault et en particulier a fait mieux que les mo-dèles de bas de gamme qui étaient les plus forte ventes : 4 CV, R4, R5, Clio.

Graphique 3

Source : Présentation des résultats semestriels, 28 juillet 2004, media.renault.com

Graphique 3

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Source. Présentation de Louis Dassas à la Journée « Investisseurs » du 2002.09.24, media.renault.com

Graphique 5

Source. Présentation de Louis Dassas à la Journée « Investisseurs » du 2002.09.24, media.renault.com

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Renault a lancé un deuxième modèle conceptuellement innovant en octobre 1997, le « ludospace » Kangoo, version véhicule particulier pour le loisir d’un petit véhicule uti-litaire le Kangoo Express 1. D’emblée en 1998, Kangoo s’installe à plus de 100.000 exemplaires, faisant mieux que la version VU. Depuis cette date, les deux versions sont grosso modo au même niveau, oscillant entre 100 et 130.000 chacune selon les années. La duplication du modèle a parfaitement réussi, puisqu’il fait deux fois plus que le VU qu’il a remplacé, l’Express 2.

La troisième génération de l’Espace, lancée en octobre 1996, suivi l’année suivante par le Grand Espace (à 7 places), fait encore mieux que les précédentes, avec un volume annuel oscillant entre 60 et 70.000 unités. Le cas de l’Espace aurait pu servir de leçon à Renault pour le lancement de la Scénic. Longtemps seul monospace dans le haut de gamme, l’Espace a été copié par de nombreux autres constructeurs dès qu’il est apparu qu’on avait affaire à un nouveau segment de marché susceptible de croître fortement. Limité par la capacité de production de la petite et vieille usine de Matra à Romorantin, qui en assurait l’assemblage, Renault laissa Fiat/Lancia, Peugeot/Citroën, Volkswagen/Seat, Ford et Opel accaparer toute la croissance nouvelle. L’Espace resta leader, mais avec une part de marché des monospaces de haut de gamme en Europe oc-cidentale ramenée à 18,6% en 1998, immédiatement suivi par le Ford Galaxy (18%), le VW Sharan (15,4%), le Chrysler Voyager (13,3%), le Seat Alhambra (5,8%), etc. Cette réussite dans le haut de gamme, la seule pour Renault, a renforcé le point de vue selon lequel il fallait à l’avenir rechercher la différence, y compris pour les autres modèles de ce segment.

Aussi, dans son rapport d’activité de 1998, Renault n’hésite pas à écrire que ses « succès commerciaux … reposent sur sa gamme de produits et sa faculté à anticiper les évolutions des modes et styles de vie. Le Groupe se doit de poursuivre la conception de véhicules toujours plus innovants et attrayants pour ses clients, mais également plus sûrs et plus propres, offerts à des prix toujours plus compétitifs » 3. Il annonce notam-ment le renouvellement complet de ses modèles de haut de gamme dans le même esprit. Il renonce à imiter et à concurrencer le haut de gamme allemand qui constitue la réfé-rence, comme il avait tenté de le faire avec la Safrane, dont les ventes, après avoir at-teint les 66.000 la deuxième année, avaient ensuite rapidement régressé. Renault enten-

1 Selon Renault, « Voiture fonctionnelle, anticonformiste et économique, Kangoo ne remplace, aucun vé-hicule de la gamme et vient s’inscrire en complément de cette génération innovante de ‘voitures à vivre’, lancées en marge des berlines traditionnelles ». À la différence de Scénic, Renault ne fut pas le seul à lancer ce nouveau concept. Au même moment, PSA commercialisait sous la marque Citroën le Berlingo et sous la marque Peugeot le Partner, versions VP de loisir de son petit utilitaire.2 On a là un exemple d’un modèle innovant, conçu à partir de la même plate-forme qu’un autre modèle. Un modèle innovant n’implique donc pas automatiquement une plateforme spécifique pour répondre de manière pertinente aux attentes de clientèle nouvelle. Dans ce cas, il faut noter que la similarité avec un véhicule utilitaire (qui va au-delà de la plate-forme, puisque la carrosserie et nombre d’équipements sont identiques) constitue le trait distinctif (absence de prétention) et l’usage pratique que recherchent des par-ticuliers pour leurs déplacements et leurs loisirs.3 Renault rappelle alors volontiers l’esprit d’innovation qui aurait été une caractéristique de la marque de-puis son origine, en dressant une liste des modèles qui auraient fait date dans l’histoire de l’automobile  : « De la première voiturette créée par Louis Renault en 1898 à Clio II, la dernière-née, Renault a lancé de nombreux concepts qui ont marqué l’histoire de l’automobile. La 4 CV en 1946, la Renault 4, première petite traction avant, en 1961, la Renault 16 avec son hayon et sa modularité intérieure en 1965, la Re-nault 5 avec ses boucliers en polyester en 1972, les véhicules à moteur turbo à partir de 1980, l’Espace en 1984, Twingo en 1993 et Mégane Scénic en 1996 sont q u e l q u e s uns des modèles qui ont construit la tradition d’innovation de la marque ».Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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dit proposer cette fois-ci des modèles différents pouvant attirer une nouvelle clientèle ai-sée, lassée de la conformité. Il exposa de fait en 1998, un concept-car, la Vel Satis, qui frappa beaucoup les visiteurs du mondial de l’Automobile à Paris par son élégance, son raffinement et sa lunette arrière droite rappelant les limousines d’autrefois mais intégrée à un design d’ensemble très contemporain, loin de ce que sera finalement la Vel Satis.

Si l’on ajoute aux trois modèles précédents l’increvable Twingo, pratiquement pas modifiée et inimitable, les modèles innovants 1 de Renault atteignaient près de 800.000 véhicules en 2000, soit 37,7% de la production mondiale de véhicules particuliers de la marque. Étant donné que ces véhicules, très demandés, sont relativement plus chers que les autres de même catégorie et que les marges sont plus grandes, on peut probablement leur attribuer une bonne part, si ce n’est l’essentiel, des bénéfices de Renault, durant cette période (Graphique 6).

Renault est redevenu la première marque automobile en Europe (mais pas le premier constructeur). Il atteignit 11,3% du Marché européen Toutes Marques en 1999. Deux de ces modèles furent parmi les quatre premiers en Europe. Ses ventes augmentèrent plus vite que le marché. Alors que depuis 1979 il n’avait pas réussi à franchir franchement les deux millions de véhicules, il y est parvenu en 1998 et dépassa les 2,5 millions en 2000.

Graphique 6

Source : Présentation des résultats 2004, février 2005, media.renault.com

1 Twingo, Scénic, Kangoo, Espace.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Les bénéfices explosèrent. Dès 1997, le bénéfice net du groupe s’éleva à 5,43 mil-liards de francs. Il montera à 8,85 en 1998 (Graphique 1 et annexe statistique). Complè-tement désendetté, Renault avait les moyens financiers pour prendre des initiatives. La crise asiatique lui en donna l’occasion.

2.2. La « crise asiatique » saisie comme opportunité pour atteindre rapidement la taille mondiale: Nissan, Dacia, Samsung

Le boom des pays émergents se révéla largement spéculatif. Mi-1997, les investisseurs et prêteurs prirent peur devant la montagne de créances accumulées. Partie de Thaï-lande, la crise se diffusa progressivement par un effet de dominos à nombre de pays du Sud-est asiatique, à la Corée, puis à l’Amérique latine avant d’atteindre la Russie. Elle replongea le Japon dans le marasme économique dont il essayait de se sortir avec beau-coup de peine depuis la première bulle financière. La relance du marché automobile mondial grâce aux pays émergents était reportée à plus tard.

Mais la crise « asiatique » fut une opportunité que Renault a pu et su saisir pour s’in-ternationaliser d’un coup. Il n’y avait pas en effet que les constructeurs coréens et quelques constructeurs marginaux ici ou là dans le monde à avoir été pris dans la tour-mente. Il en allait de même pour trois constructeurs japonais, Nissan, Mitsubishi et Mazda, dont les difficultés croissantes avaient échappé à tous ceux qui restaient fasciner par le « modèle japonais ». Renault prit le contrôle de Nissan en mars 1999, du constructeur roumain Dacia en juillet 1999 et du coréen Samsung en septembre 2000. Par ailleurs, en janvier 2001, il céda ses filiales poids-lourds, RVI et Mack Trucks, à Volvo Global Trucks, dont il prenait 20% du capital et des droits de vote, devenant ainsi l’actionnaire principal du constructeur suédois (Graphique 7) 1.

En moins de deux ans, il se recentrait donc sur les véhicules particuliers et petits uti-litaires 2 et acquérait “sur le papier” la taille mondiale dans ce domaine, tout en conser-vant un pied dans le secteur des véhicules industriels 3. L’ensemble Renault-Nissan re-présentait 9,2 % du marché mondial en 2000, faisant de lui le cinquième groupe auto-mobile 4. Renault se donnait pour sa part l’objectif d’atteindre les 4 millions de véhi-

1 Ces 20 % correspond à 15 % acquis en échange de 100 % de RVI et de Mack Trucks et de 5 % achetés sur le marché. Renault s’est engagé à ne pas dépasser les 20 %, sauf en cas de prise de contrôle ou tenta -tive de prise de contrôle de AB Volvo par un tiers, ou si un des actionnaires actuels dépassait la participa-tion de Renault. Filiale minoritaire, AB Volvo est devenu le deuxième constructeur mondial de poids lourds, derrière Mercedes et loin devant Paccar, Navistar, Scania, Man et Iveco. Nissan Diesel ne fait pas partie de l’accord.

2 Renault avait conclu un accord en 1996 avec General Motors Europe pour la commercialisation par ce dernier du Master sous le nom de Movano, et surtout le développement conjoint du remplaçant du Trafic, qui a été commercialisé en 2001 sous le nom de Renault Trafic et Opel Vivaro.

3 L’accord Renault/Volvo a été accepté par la Commission européenne, à la condition que Renault re-prenne son activité Bus qu’il avait mis en commun deux ans plus tôt avec celle d’Iveco (Fiat) dans une fi-liale, Irisbus, détenue à parité. Renault préféra vendre ses parts à Iveco. 4 En 2000, l’alliance Renault-Nissan était derrière General Motors (14,4% %), Ford (12,8 %), Daimler-Chrysler-Mitsubishi (11,2 %) et Toyota (10,4 %), juste devant Volkswagen (9,0 %) et loin devant PSA (5,1 %) et Fiat (4,7 %).Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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cules en 2010, dont 50 % hors Europe occidentale. En deux ans, Renault avait déboursé 36,3 milliards de francs (5,53 milliards d’euros) en acquisition de titres 1.Graphique 7

Production mondiale du Groupe Renault par type de véhicule, 1945-2006(véhicules particuliers, véhicules utilitaires légers, véhicules industriels)

VP

VUL

VI

0

500 000

1 000 000

1 500 000

2 000 000

2 500 000

3 000 000

19451947194919511953195519571959196119631965196719691971197319751977197919811983198519871989199119931995199719992001 (b)

20032005

années

volume

Source: Rapports de gestion de Renault. Élaboration: Freyssenet M., 2006. Mise à jour 2007

2.3. La priorité : le redressement de Nissan

Le communiqué du 19 mars 1999 fut une surprise quasi générale, le secret ayant été bien gardé. « Renault est désormais convaincu des mérites d’une alliance stratégique entre Renault et Nissan. En conséquence, Renault a proposé à Nissan, le 16 mars 1999, d’entrer dans une négociation exclusive en vue de nouer une alliance stratégique entre les deux groupes, qui comprendrait notamment une prise de participation de Renault de l’ordre de 35 % dans le capital de Nissan, sous forme d’une augmentation de capital réservée. Nissan a fait savoir à Renault que son offre serait examinée par un Conseil d’Administration réuni le 27 mars 1999 » 2 .

L’Alliance n’avait des chances d’être crédible que si Renault était en mesure de re-dresser Nissan sans attendre. Louis Schweitzer confia cette tâche à Carlos Ghosn, qui

1 32,3 milliards de francs (5 milliards d’euros) pour Nissan, près de 450 millions pour Dacia, 1,7 milliard pour Samsung et 446 millions pour AB Volvo, auxquels il faut ajouter 636 millions pour l’écurie de For-mule 1 Benetton, 419 millions pour l’augmentation de capital de la filiale russe Avtoframos, et 308 pour celle de Turquie.

2 Renault prit 36,8%. Il racheta également 22,5 % de Nissan Diesel, la filiale véhicules industriels de Nis-san, et 100 % des filiales financières de Nissan en Europe. Il avait une option pour augmenter sa partici -pation dans Nissan Motors à 39,9 % au cours des quatre années suivant l’accord et jusqu’à 44,4 % la cin -quième année, au prix de 400 yens l’action. Nissan avait également la possibilité d’entrer ultérieurement dans le capital de Renault. Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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devint le 25 juin 1999 le patron opérationnel de Nissan (Chief Operating Officer) 1. Le 18 octobre 1999, un plan triennal, le Nissan Revival Plan, couvrant les années 2000 à 2002, fut lancé. Il visa à rétablir la rentabilité dès 2000, et à parvenir en 2002 à une marge opérationnelle d’au moins 4,5% et à un endettement financier net consolidé des activités automobiles ramené à moins de 700 milliards de yens (6 milliards d’euros), soit une réduction de plus de la moitié de la dette. Nissan sortit effectivement du rouge dès 2000 avec un bénéfice net de 331 milliards de yens et atteignit les autres objectifs en 2001, avec un an d’avance. Il apporta même une contribution positive au résultat net de Renault dès la première année du plan (56 millions d’euros) et ne cessera de le faire en-suite 2.

Les mesures qui ont permis ces résultats ont été d’abord l’apport financier de Renault en échange de sa participation au capital, ensuite les cessions des actifs hors cœur de métier (comme la division aérospatiale, etc.) et la vente des participations dans les nom-breuses sociétés membres du Keiretsu Nissan (banques, filiales, fournisseurs, clients) rapportant à elles seules 500 milliards de yens, la réduction drastique du coût des achats (division par deux du nombre des fournisseurs et négociation à la baisse des prix de 20% sur trois ans), la suppression de 21.000 emplois dans le monde (4.000 en produc-tion, 6.500 dans le réseau commercial japonais, 6.000 dans l’administration et finance, 5.000 mutations externes) et des surcapacités au Japon (fermeture de trois usines d’as-semblage en 2001 et de deux de moteurs en 2002, faisant remonter le taux d’utilisation de 50 à 75% 3), le toilettage de la gamme par sélection des modèles les plus rentables (en 1999, sur 43 modèles, quatre seulement gagnés de l’argent, aussi le nombre de plates-formes est ramené de 24 à 15 en 2002), la restructuration du réseau commercial (en supprimant 10% des points de vente), le renforcement et la réorganisation des ser-vices d’études (+ 500 emplois).

Certaines de ces mesures n’ont été possibles et efficaces que parce que des condi-tions contextuelles nouvelles étaient alors réunies. Le Japon qui commençait à sortir de la crise économique née de l’éclatement de la bulle financière de 1990 retombait dans le marasme à la suite de la crise « asiatique » de 1997. Deux autres constructeurs automo-biles japonais se retrouvèrent en grande difficulté : Mitsubishi et Mazda. Le gouverne-ment et nombre de japonais étaient prêts acceptés des mesures de restructuration qu’ils pensaient jusqu’alors avoir conjuré depuis les années cinquante. La direction de Nissan avait été délégitimée à la suite de deux plans de relance précédents infructueux et par l’état de faillite de l’entreprise. À ce contexte favorable à l’acceptation de mesures dras-tiques, s’est ajouté un marché américain reparti à la hausse en 1999 et stabilisé à un haut niveau les années suivantes. Or Nissan faisait et continue de faire une bonne partie de son chiffre d’affaires aux États-Unis.

Les objectifs ayant été atteints, un an plus tôt que prévu, un deuxième plan triennal a été lancé début 2002, sans attendre la fin du premier, avec pour échéance la fin 2004. Ce

1 Un an plus tard, le 20 juin 2000, il sera nommé Directeur général de Nissan (c’est-à-dire Président et COO à la fois). Enfin, le 21 juin 2001, il devient le numéro 1 de Nissan, c’est-à-dire le PDG (Président et Chief Executive Officer). 2 En 2001 : 497 millions € ; 2002 : 1.335 millions € ; 2003 : 1.705 millions € ; 2004 : 1.689 millions € ; 2005 : 2.275 millions € ; 2006 : 1.871 millions €. Renault bénéficia en outre, en tant qu’actionnaire de Nissan, du versement de dividendes : 99 millions € au titre de l’exercice 2000, 117 millions € pour 2001, 210 millions € pour 2003, 345 millions € en 2004, 383 millions € en 2005, 431 millions € en 2006.3 Les trois usines d’assemblage fermées en 2001 ont été les usines de Murayama, Nissan Shatai Kyoto, et Aichi Kikai Minato. Les deux usines de moteurs fermées en 2002 ont été les usines de Kurihama et Kyu-shu Engine.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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plan fut appelé 180 : 1 pour un million de véhicules supplémentaires dans le monde, 8 pour 8% de marge opérationnelle et 0 pour zéro dettes en fin de plan. Les moyens pour y parvenir étaient le renforcement de la présence aux États-Unis et en Chine 1 (double-ment des capacités de production aux États-Unis par l’ouverture en 2003 d’une deuxième usine à Canton dans le Mississipi et lancement de modèles dans des segments où Nissan était absent, prise de participation de 50% dans le capital de Dongfeng Motor Co, premier constructeur chinois, et mise en service en mai 2004 d’une usine d’assem-blage de 150.000 véhicules particuliers dédiée à la version chinoise de la berline haut de gamme Teana), le lancement de 28 nouveaux modèles, le passage de 15 à 12 plates-formes (2 à l’usine d’Oppama, 3 à l’usine de Tochigi, une à l’usine de Kyushu et 8 à l’usine de Shonan), la poursuite de la réduction des coûts (15% du coût des achats, 12% des coûts de production et de logistique, 9% des coûts de distribution, 100% des coûts financiers), l’augmentation de la qualité (produits et services) et de la réactivité et le dé-veloppement des synergies procurées par l’Alliance.

En 2004, la marge opérationnelle atteindra 10,8% et se maintiendra au-dessus de 10% les deux années suivantes (11,1% et 10,0%). La dette a été réduite à zéro. Le mil-lion de véhicules supplémentaires par rapport à 2001 a par contre été atteint un peu plus difficilement fin 2005.

2.4. L’Alliance Renault-Nissan : économies, complémentarités, transfert des « meilleures pratiques »

Dès l’accord en 1999, sous l’impulsion d’un comité stratégique de l’Alliance (Global Alliance Committee) onze groupes de travail conjoints Renault-Nissan (Cross Compa-nies Teams), assistés de sept groupes fonctionnels (Functional Task Teams) et pilotés par deux comités (Renault and Nissan Steering Committee), ont été mis en place, afin de déterminer les synergies, les complémentarités et les économies que les deux constructeurs pourraient tirer de leur alliance, dans les domaines des achats, des pro-duits, des organes mécaniques, de l’ingénierie véhicules, de la production, des sites de production et des marchés. Suivirent trois années d’intenses coopération. Très vite des actions ont été décidées et des objectifs de moyen-long terme ont été fixés pour réaliser des économies d’échelle, pour réduire les coûts et pour dégager des revenus supplémen-taires. Le potentiel d’économies pour l’Alliance, réalisables immédiatement sur la pé-riode 2000-2002, a été évalué alors à 3,4 milliards de dollars US. À l’horizon 2010, l’objectif fixé a été de réduire le nombre de plates-formes des deux marques à dix, celui des moteurs à huit et celui des boîtes de vitesse à sept.

1 Et dans une moindre mesure en Thaïlande et en Égypte. En 2004, Nissan a porté en 2004 de 25 à 75% sa participation dans sa filiale thaïlandaise, qui dispose d’une capacité d’assemblage de 140.000 véhicules et qui exporte les 2/3 de sa production. En 2004 et 2005, Nissan a modernisé les lignes de production de son partenaire égyptien.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Sans attendre, des échanges d’organes mécaniques ont été réalisés 1. Leur volume at-teignit 600.000 unités en 2004. La même année, Renault a vendu à Nissan 175.000 mo-teurs et 300.000 boîtes de vitesse, alors que Nissan vendait à Renault 125.000 boîtes et moteurs. Les premiers moteurs développés conjointement par Renault et Nissan sont ar-rivés sur le marché en 2004 pour Nissan, en 2005 pour Renault. En 2005, le nombre de familles communes de boîte de vitesse a été ramené à huit 2.

Le développement d’une première plate-forme commune, la B, a été engagé dès 1999, ainsi que celui d’un petit moteur diesel à injection directe common rail visant à équiper les nouveaux véhicules conçus à partir de cette plate-forme, en l’occurrence les modèles de gamme inférieure de Renault et Nissan totalisant 1,7 million de véhicules. Le premier modèle conçu à partir de la plate-forme B fut la March/Micra de Nissan, commercialisée en mars 2002. Ont suivi ensuite en 2003 la Cube/Cube Cubic, en 2004 la Tiida/Tiida Latio de Nissan et la Modus de Renault. En 2005, la Clio III et la Note (janvier), la Nissan Winograd (novembre) et la Bluebird Sylphy (décembre) de Nissan, et en 2007 la Twingo pour Renault.

En 2001, une deuxième plate-forme, la C, est mise en chantier pour les véhicules de gamme moyenne inférieure, en l’occurrence l’Almera pour Nissan, la Mégane pour Re-nault, soit un potentiel de 2 millions de véhicules. La Mégane II et ses sept versions, sortie en 2002 et 2003, est le premier modèle à en être issu. Le monospace Lafesta de

1 Renault utilise le moteur V6 essence 3,5 litres de Nissan pour son modèle haut de gamme Vel Satis, les transmissions quatre roues motrices pour le Kangoo 4x4, le moteur diesel Nissan 3 litres pour certaines versions des fourgons Master et Mascott. Quant à Nissan il utilise le moteur diesel Renault 1,5 litre et la boîte de vitesse JR 200nm pour l’Almera et la Micra. Il a pu ainsi augmenter significativement la part des véhicules diesel dans sa gamme en Europe. Une version de la Primera est également équipé du diesel Re-nault 1,9 litres.2 Composants Nissan utilisés par RenaultMoteur essence Nissan V6 3,5 l (VQ35) sur Vel Satis depuis février 2002 et Espace depuis octobre 2002.Transmissions à 4 roues motrices de Nissan (R145) sur Kangoo 4X4 depuis mai 2001. Moteur diesel Nis-san de 3 litres (ZD30) sur Master et Mascott depuis 2004.Composants Renault utilisés par NissanBoîte de vitesse mécanique de Renault (160 Nm) (JH) sur March depuis 2001 et Micra depuis 2002, Tiida et Note. Boîte de vitesse mécanique Renault (200 Nm) (JR) sur Almera depuis 2002 et Micra depuis 2003 et Note. Moteur diesel Renault 1,5 dCi (K9K) sur Almera depuis octobre 2002 et Micra depuis janvier 2003 et Note. Moteur diesel Renault 1,9 dCi (F9Q) sur Primera depuis décembre 2002.Production par Renault de pièces NissanProduction à l’usine Renault de Cacia au Portugal de la boîte de vitesses manuelle Nissan ND pour les modèles Nissan Primera et Almera, assemblée chez Nissan Motor Manufacturing (UK) Ltd., et Almera Tino, assemblé chez NMISA Barcelone, ainsi que pour la Renault Mégane II fabriquée à Douai depuis fé-vrier 2002.Organes mécaniques communs (développés conjointement par Renault et Nissan)Moteurs essence HR15DE (S2G 1.5 litre) et MR20DE/MR18DE (M1G 1.8-2.0 litre(s)) :- HR15DE sur Nissan Tiida Nissan Tiida et Tiida Latio depuis juillet 2004 et sur Nissan Note depuis dé -cembre 2004 ; Nissan Winograd et Nissan Bluebird Sylphy depuis 2006- MR20DE sur Nissan Lafesta depuis décembre 2004, sur Serena depuis mai 2005, sur Bluebird Sylphy depuis 2006 et sur Clio III début 2006 ;- MR18DE sur Nissan Tiida et Tiida Latio depuis janvier 2005 et Nissan Winograd depuis 2006Moteur diesel M1D (M9R) 2,0 litres : M1D sur Renault Laguna II depuis 2005, Mégane II, espace IV, Vel Satis, Trafic et Nissan Primastar en 2006 .Boîte mécanique MT1 6 vitesses 240Nm : MT1 sur Renault Modus et Mégane II depuis 2005, Clio III, Nissan Tiida, Sentra et Livina Geniss en 2006.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Nissan commercialisé en 2004 a utilisé une forme dérivée de la « C », de même que le nouveau Serena, également un monospace, en 2005, et la Nissan Sentra aux États-Unis en 2006. À terme, ces deux plates-formes devaient représenter plus de la moitié des vo-lumes futurs de Renault et Nissan. La Logan, commercialisée en septembre 2004, est basée sur un dérivé de la plateforme B.

En avril 2001, Renault et Nissan créent une filiale commune, détenue à 50/50, la RN-PO (Renault Nissan Purchasing Organization), ayant la charge de réaliser pour les deux firmes un pourcentage croissant des achats (jusqu’à 70% à terme), afin de mieux négo-cier les prix d’achat et d’obtenir une meilleure qualité : achats de composants, de pièces mécaniques, de matières premières, aussi bien que d’outillage, d’équipements, de ser-vices, de logistiques et de pièces de rechange. Une économie de 1,4 milliard de dollars US était attendue en 2005 par rapport à 1999. L’Alliance était entrée peu avant au capi-tal de la Covisint, une société d’achat en ligne créée par Ford, General Motors et Daim-lerChrysler. En 2004, les 70% des achats de l’Alliance ont été atteints. Cette année-là, le champ d’action de RNPO a été étendu aux zones où les deux constructeurs sont indus-triellement implantés, au-delà des trois zones initiales (Europe, Japon, États-Unis). En 2005, le pourcentage de fournisseurs communs avait atteint 60%. En 2006, RNPO ef-fectue 75% des achats mondiaux de l’Alliance. Les fournisseurs en seraient très satis-faits, selon Renault (Graphique 8).

Le redressement de Nissan ayant été plus rapide que prévu, Renault et Nissan ont si-gné le 20 décembre 2001, un Master Agreement, visant à accélérer la construction d’un groupe bi-national, chaque constructeur conservant son identité et son autonomie opéra-tionnelle, mais partageant avec l’autre une même vision stratégique et une même dé-marche pragmatique « fondée sur le respect et l’échange d’expertise », afin de tirer par-tie de toutes les synergies possibles et de renforcer ainsi les performances de l’un et de l’autre. Pour qu’il en soit ainsi, trois précautions furent prises : rendre chaque construc-teur financièrement intéressé par les performances de l’autre en renforçant les liens ca-pitalistiques entre eux (sans oublier l’attribution croisée d’options d’achat d’actions aux dirigeants des deux firmes 1), se préserver contre toute tentative de prise de contrôle par des tiers non désirés en créant une fondation commune de droit néerlandais, rendre éga-lement profitables aux deux parties toute action décidée.

Le 1er mars 2002, Renault a accru sa participation dans le capital de Nissan en la por-tant de 36,8 % à 44,4 %, par l’exercice des bons de souscription qu’il détenait depuis 1999, soit un investissement supplémentaire de 1,875 milliards d’euros. Par la voie d’augmentations de capital réservées (le 29 mars et le 28 mai 2002), Nissan Finance Co., Ltd. a pris en deux temps 15 % du capital de Renault, sans pouvoir toutefois selon la réglementation française exercer les droits de vote attachés à ces actions 2. Dans le même temps, les deux constructeurs créèrent à 50/50 une société de management straté-gique, Renault-Nissan bv, structure légère localisée aux Pays-Bas et liée à la fondation mentionnée plus haut 3. Sa fonction est de définir la stratégie de l’Alliance, en remplace-

1 Ce principe a été étendu aux responsables des CCT et FTT, au total 64 personnes avec les dirigeants en 2004.2 L’entrée en 2002 de Nissan dans le capital de Renault à hauteur de 15% et la vente par l’État en 2002 et 2003 d’une partie de ses actions à des investisseurs institutionnels et privés constituèrent la troisième étape de la privatisation de Renault. À la suite de ces opérations, la part de l’État a été ramenée à moins de 16% et a peu évolué depuis. Le « noyau stable » d’actionnaires institutionnels français, constitué en 1996 et détenant alors 11%, s’est dissous entre temps.3 Le droit des affaires néerlandais permet à une structure de ce type de souscrire jusqu’à 50% du capital des sociétés qui l’ont constituée, « en cas de tentative de prise de contrôle rampante par un tiers ou un Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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ment du GAC qui examinait tous les mois les propositions des équipes transverses. Elle a pouvoir de décision sur les plans stratégiques à 3, 5 et 10 ans de Renault et Nissan, sur la validation de leurs plans produits, sur la mise en commun des plates-formes, des véhi-cules, des boîtes de vitesse, des moteurs et autres composants, sur les principes de poli-tiques financières (taux d’actualisation, gestion des risques, gestion de la trésorerie, ra-tios d’endettement), sur la gestion des filiales communes, des CCT (augmentés à 19) et FTT (réduits à 4), et tout autre sujet confié par Renault et Nissan. Elle a enfin un rôle de proposition concernant la création et le cadre des filiales communes, sur les systèmes de motivation financière, sur les changements significatifs de périmètre géographique ou d’activités (au-delà de 100 millions de dollars), sur les investissements stratégiques af-fectant l’Alliance (au-delà de 500 millions de dollars) et sur les coopérations avec d’autres sociétés. Tous les autres aspects de la vie des deux constructeurs relèvent stric-tement de leur compétence propre.

Le nombre des CCT ont progressivement augmenté de 11 à 19, souvent par scission ou par transformation de FTT en CCT, au fur et à mesure qu’apparaissaient de nou-velles possibilités de synergies et d’actions communes. Par exemple, le CCT Logistique, issu du CCT Fabrication, a été créé en 2004 pour réduire les coûts et délais de livraison (plates-formes de groupage en Europe, navette maritime Santander-Newcastle via Le Havre et Zeebrugge, acheminant en sens contraire des véhicules Renault et Nissan), ac-compagner le développement à l’international (par la mise en commun des centres CKD respectifs), diffuser les meilleures pratiques (comme la prise en charge par Renault du transport des pièces en sortie des usines des fournisseurs, ou la gestion Nissan des pièces dans un centre CKD), standardiser les processus logistique.

En juillet 2002, une deuxième filiale commune est créée, la RNIS (Renault Nissan Information Services), avec pour mission de proposer une politique commune en ma-tière informatique et des services aux départements informatiques des deux firmes pour développer les synergies en ce domaine. En 2004, L’Alliance disposait d’un réseau de transmissions de données reliant tous les principaux sites des deux constructeurs. Un plan directeur commun est adopté cette année-là. Le nombre de fournisseurs a été réduit à sept et des applications logicielles communes ont été sélectionnées.

Graphique 8

groupe de tiers agissant de concert - et plus précisément lors du franchissement du seuil de 15% du capi-tal de Renault ou de Nissan- autrement que par une offre publique. Le contrôle par la fondation de Re-nault Nissan bv ne pourra cependant pas excéder une période de18 mois ». La création de Renault Nissan bv a rendu nécessaire une réorganisation de Renault, avec la création d’une société par actions simpli -fiées, Renault s.a.s, détenue à 100% par Renault SA regroupant l’essentiel de ses actifs et dirigée par les mêmes personnes.

Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

Source : Présentation des résultats 2004, février 2005, media.renault.com

Le partage des capacités de production a été initié dès 2000, en commençant par le Mexique. La Scénic est sortie des chaînes de l’usine Nissan de Guernavaca en décembre 2000 (arrêtée en juin 2004), la Clio de l’usine Nissan d’Aguascalientes fin 2001, dans la perspective de parvenir à 30.000 ventes en 2003 et 80.000 à moyen terme. En avril 2002, le nouveau pick-up New Frontier de Nissan a commencé à être assemblé dans l’une des trois usines Renault de Curitiba au Brésil, qui produisait déjà le fourgon Re-nault Master. Est venu s’ajouter en 2003 le 4x4 Xterra. En Espagne, le nouveau Trafic, un fourgon compact développé conjointement par Renault et General Motors, a été mis en production en septembre 2002 à l’usine Nissan de Barcelone, portant la capacité de production de ce PVU à 150.000, sous trois marques. En 2006, l’usine de Busan de Re-nault Samsung en Corée du sud a augmenté sa production, notamment grâce au 39.000 SM3 badgés Nissan et vendu en Russie. Le partenaire Malais de Nissan produit des Kangoo depuis 2003.

En matière de distribution, le principe appliqué est de s’appuyer sur le partenaire le mieux implanté dans chacun des pays. Renault a pu ainsi revenir dès 2001 sur les mar-chés péruvien, australien et taïwanais en visant des parts de marché pouvant aller jus-qu’à 5% à terme. En 2002, c’est le tour du Japon avec un objectif de 15.000 véhicules en 2004 et de 30.000 à plus long terme, de l’Indonésie et des pays du Golfe. En 2003, les importateurs Nissan en Amérique centrale, en Équateur, en Malaisie commencent à commercialiser des Renault. En Afrique du Sud, Renault s’appuie sur les infrastructures de Nissan. Inversement Nissan s’appuie sur Renault dans les pays du Mercosur, au Maghreb, en Afrique sub-saharienne et en Roumanie. En septembre 2005 a été créé Re-nault-Nissan Bulgarie, filiale à 100% de Renault, pour faire face à la croissance rapide du marché local.

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En Europe, Renault et Nissan ont commencé en 2001 à se doter d’organisations com-merciales reposant sur un nombre de partenaires moins nombreux, mieux équipés et couvrant des zones plus grandes, restant distinctes pour préserver l’identité de chaque marque, mais partageant dans des locaux communs les activités de soutien commercial et les services sans rapport avec les clients. Il en était attendu une part de marché cumu-lée de 17% en Europe occidentale et des gains et économies cumulés d’un milliard d’eu-ros sur cinq ans (2001-2005). En 2004, cette organisation était en place dans neuf pays européens (F, G, E, I, PB, UK, CH, Aut, P). Enfin Renault a pris en charge l’activité de financement des ventes des véhicules Nissan en Europe, à travers sa filiale financière RCI Banque, « qui dispose d’une expertise reconnue en ce domaine ».

Les deux gammes présentant des complémentarités importantes, Renault et Nissan ont eu recours au double badge, notamment pour les véhicules utilitaires, moins porteurs d’image de marque, ou pour certains marchés. Le Master et le Trafic en 2002 et le Kan-goo Express en 2003 ont commencé à être distribués en Europe, avec quelques adapta-tions, sous le badge Nissan et les noms respectifs d’Interstar, de Primastar et de Kubis-tar. En 2004, il en a été vendu 30.000 unités, soit 26% des utilitaires de Nissan en Eu-rope. De même, la Clio tricorps est produite et commercialisée en 2002 au Mexique par Nissan sous la marque Platina. Ses ventes ont atteint 54.800 unités en 2003. Les mo-dèles produits par Renault Samsung, SM3, SM5, SM7, sont des dérivés de modèles Nis-san. La SM3 est exportée sous la marque Nissan en Russie, en Ukraine, dans les Pays du Golfe et en Amérique latine. Le CCT Produit, qui coordonne la stratégie plan et la vision à moyen et à long terme des gammes véhicules et organes mécaniques des deux constructeurs, cherche à assurer une couverture maximale de chaque marché en combi-nant les deux gammes et à ce que les modèles ne se cannibalisent pas.

Le double badge a plus que des effets commerciaux. Il implique que les systèmes de fabrication d’un constructeur puissent produire les véhicules de l’autre. « Cela signifie que les méthodes de travail et de production, les standards ou normes de qualité, les points de contrôle sont autant de sujets passés au crible, analysés et harmonisés point par point entre les deux groupes afin de rendre ce travail possible. C’est précisément la mission du CCT Manufacturing » 1.

En matière de logistique, les deux constructeurs ont adopté des conditionnements standard. En avril 2005, Renault et Nissan ont ouvert en Hongrie un magasin commun de pièces de rechange pour les pays d’Europe centrale.

Moins quantifiables, les transferts de connaissances et de savoir faire n’en sont pas moins importants. Renault dit avoir bénéficié de l’expertise de Nissan en matière de process industriels (qualité, productivité, résolution de problème) et de logistique (délai) et inversement Nissan de l’expertise de Renault en matière d’ergonomie des postes de travail, de contrôle des coûts, de marketing, de design, de stratégie de plate-forme et de financement des ventes. Ces échanges ont conduits à la création d’outils communs d’évaluation de la qualité 2 et de « plans qualité » avec des jalons à mettre en œuvre. Plus évaluable dans ses effets a été l’adoption par Renault de la méthode de développe-ment des véhicules en serial-lots de Nissan. Cette méthode consiste à remplacer une 1 Rapport d’activité de Renault 2004, p 30.2 AVES, ou Alliance Vehicle Evaluation System, est appliqué dans toutes les usines Renault et Nissan depuis janvier 2003 ; ANPQP, ou Alliance New Product Quality Procedure, est destiné aux fournisseurs de la plate-forme B pour la March/Micra et s’étend à tous les nouveaux projets ; ASES, ou Alliance Sup-plier Evaluation System, permet d’évaluer la gestion et les performances du fournisseur, ainsi que sa com-pétence technique en matière de qualité.

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vague de prototypes en synthèse physique par l’utilisation de simulations numériques et de prototypes partiels. C’est ainsi que le développement de la Clio III a été ramené à 28 mois contre 49 pour la précédente génération. Ce gain de temps a permis de réduire le « ticket d’entrée » de la Clio III à 953 millions d’euros, dont 630 millions d’euros d’in-vestissements industriels.

Pour préparer l’avenir, Renault et Nissan effectue un travail conjoint en recherche et ingénierie avancée, notamment en matière d’allègement des véhicules, de dépollution, de moteurs hybrides, de systèmes asservis électroniquement et de systèmes de naviga-tion. Un programme commun de développement sur dix ans d’une pile à combustible a été mis en œuvre dès 2001. Depuis 2005, le système de navigation et de communication conçu en commun équipe la Laguna II, la Vel Satis, l’Espace et la Scénic de Renault et le Pathfinder de Nissan décliné en trois versions, une par grande région (Japon, Europe, Amérique du nord)

Au total, les échanges de personnel entre les deux firmes pour faire vivre l’Alliance s’élevaient en 2004 à environ 460 « expatriés », sans compter les personnes impliquées chez chaque constructeur dans les structures de l’Alliance.

Le 27 mars 2004, Renault et Nissan fêtaient les cinq années de leur alliance. Cela a été l’occasion d’en reformuler les termes dans un document intitulé « Vision et Destina-tion de l’Alliance Renault-Nissan » distribué à tout le personnel et d’en faire un premier bilan. L’Alliance Renault Nissan y est définie comme « un Groupe sans équivalent, composé de deux entreprises mondiales liées par des participations croisées. Elles sont unies pour la performance à travers une stratégie cohérente, des objectifs et des prin-cipes communs, des synergies orientées vers le résultat, et un partage des meilleures pratiques. Elles respectent et renforcent leurs identités propres et leurs marques respec-tives ». L’autonomie des deux constructeurs se traduit par l’absence de « comptes consolidés » entre eux. L’organisation de l’Alliance vise à « un processus de prise de décision clair assurant la réactivité, la responsabilité et une performance de haut ni-veau ; la meilleure efficacité possible grâce à la combinaison des atouts des deux entre-prises, et le développement de synergies générées par les organisations communes, les équipes transverses, le partage de plates-formes et de composants. L’Alliance attire et retient les meilleurs talents, propose des conditions de travail attractives et des défis sti-mulants. Elle développe chez ses collaborateurs un esprit d’entreprise et d’ouverture au monde. L’Alliance génère pour les actionnaires des deux entreprises une rémunération attractive et met en oeuvre les meilleures pratiques du gouvernement d’entreprise. L’Al-liance contribue au développement durable. L’Alliance définit et met en oeuvre une stratégie de croissance rentable. Elle se fixe les trois objectifs suivants : Être reconnue par les clients comme l’un des trois meilleurs pour la qualité et l’attractivité des pro-duits et des services dans chaque région du monde et dans chaque segment de gamme ; Se situer parmi les trois meilleurs groupes automobiles mondiaux dans les technologies clés, chaque partenaire étant leader dans des domaines d’excellence spécifiques ; Réa-liser de façon constante un résultat opérationnel qui classe l’Alliance parmi les trois premiers groupes automobiles mondiaux, grâce à une marge opérationnelle élevée et à une croissance soutenue ».

Grâce à l’Alliance, Renault est devenu un groupe mondial et a vu ses performances opérationnelles renforcées. Nissan a été redressé. Renault s’appuie sur Nissan pour ac-célérer son déploiement international, les trois exemples les plus notables étant en 2004 le Mexique, où Renault a pu utiliser immédiatement les capacités de production et de distribution de Nissan au moindre coût, la Corée du Sud où Renault Samsung utilise des

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plates-formes Nissan et l’Espagne où Nissan produit des Trafic pour Renault et des Tra-fic badgés Nissan Primastar pour lui-même. Inversement, Nissan a pu badger au Mexique la Clio tricorps sous le nom de Platina, modèle devenu très populaire. Il a pu accroître ses livraisons à Samsung en Corée du Sud.

Renault estimait avoir fait de gros progrès en qualité grâce à l’expertise de Nissan qu’il a intégrée à son SPR (Système de Production Renault) et dont a bénéficié le der-nier modèle lancé, la Modus, depuis sa conception jusqu’à sa sortie de chaîne (division par deux des incidents qualité, raccourcissement des délais de lancement à 5 semaines au lieu de 18, réduction du nombre d’échantillons de pré-série, etc.).

Les fabrications croisées entre les deux constructeurs ont optimisé les taux d’utilisa-tion de leurs usines, en jouant sur les complémentarités géographiques et la logique in-dustrielle (moteurs de l’usine de Cléon pour Nissan Europe, boîtes de vitesse Renault fabriqué au Chili et moteurs fabriqués au Brésil pour Nissan Mexique, pièces embou-ties à Flins pour l’usine Nissan de Sunderland (UK). Inversement Nissan monte des vé-hicules Renault au Mexique et en Espagne (Barcelone).

Renault et Nissan développent en commun des moteurs et des boîtes de vitesse qui doivent procurer à terme des économies d’échelle importantes. Une première famille de moteurs communs (M1) équipe depuis septembre 2004 des véhicules Nissan et Renault. Les moteurs essence (M1G) sont fabriqués par Nissan au Japon, Mexique et par Renault Samsung en Corée du sud. Ils équiperont un million de véhicules en 2007. Le moteur diesel (M1D) est fabriqué par Renault à Cléon à 500.000 unités pour les deux construc-teurs. La première boîte de vitesse commune (MT1) est fabriquée par Renault à Séville et doit atteindre 450.000 unités en 2007.

Nissan a aidé Renault à concevoir un SUV 4x4 qui devait être produit par Renault Samsung en 2007 et commercialisé en Corée sous la marque Renault-Samsung et en Europe sous la marque Renault. Les SUV représentent 30% du marché coréen.

Enfin l’Alliance et ses résultats ont conduit à une valorisation, supérieure à celle des indices boursiers, des actions Renault comme Nissan. Entre 1999 et 2004, la capitalisa-tion boursière de Renault a plus que doublé (de 8,4 à 17,5 milliards d’euros) et celle de Nissan a quadruplé (de 9 à 36 milliards d’euros).

2.5. Parallèlement à l’Alliance, Renault développe sa propre stratégie internationale en devenant un groupe multi-marques. Démarrage au Brésil. Retour en Russie et en Rou-manie. Entrée en Corée du Sud

L’usine Ayrton Senna, appelé ainsi en hommage au champion du monde automobile brésilien tué accidentellement en course, a été inaugurée le 4 décembre 1998. Elle est localisée à Sao José dos Pinhas, une commune périphérique à Curitiba, capitale de l’État de Parana au Brésil. D’une capacité de 120.000 véhicules, elle devait pouvoir produire 240.000 véhicules à l’horizon 2000-1. L’investissement industriel et commercial initial a été de 760 millions d’euros. L’usine, ouverte en pleine « crise asiatique », commença par produire des Scénic, puis fin 1999 des Clio II bicorps, fin 2000 des Clio tricorps Symbol, et en 2001 des Mégane. Le volume fut très faible la première année (23.259), doubla la seconde et mais resta ensuite un peu en dessous des 70.000. La construction d’une usine de moteurs fut néanmoins maintenue pour alimenter les usines Renault du Mercosur, ainsi que celles de Peugeot. Appelée Mecanica Mercosul, elle a représenté un investissement de 88,4 millions d’euros. L’extension de la capacité de l’usine d’assem-blage de VP a été différée au profit de la construction d’une usine de véhicules utili-

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taires Renault (Master) et Nissan (pick-up Nissan Frontier et tout-terrain Nissan Xterra), d’une capacité de 50.000 véhicules, ouverte fin 2001. Si l’usine moteurs fonctionne à pleine capacité, il n’en va pas de même des usines d’assemblage, qui étaient utilisées en 2005 à 50,0% pour la première et à 30,8% pour la seconde.

En 1998, Renault créa en Russie la société Avtoframos, à parité avec la Mairie de Moscou qui mit à sa disposition une partie des installations du constructeur Moskvitch, avec lequel Renault avait eu des liens dans les années soixante. Les répercussions de la « crise asiatique » et le chaos politique que connaissait alors la Russie empêcheront que ce retour ait rapidement des résultats. C’est finalement par la Roumanie et la Corée du Sud que l’internationalisation de Renault a véritablement commencé.

Renault avait été en 1966 le constructeur automobile occidental sélectionné par le ré-gime communiste roumain pour aider au lancement d’une entreprise automobile natio-nale, Dacia 1. Trente-deux ans plus tard c’est à nouveau Renault qui est retenu par le Fonds de Propriété d’État roumain en réponse à son appel d’offres pour la reprise de Dacia. Il a concouru en mettant en avant le projet d’une voiture à 6.000 dollars destinée aux pays « émergents ». Un mémorandum fut signé en décembre 1998 fixant le cadre des négociations. Après avoir obtenu des « mesures d’encouragement fiscales, doua-nières et environnementales » (exemption d’impôt sur les bénéfices pendant cinq ans, report de paiement de TVA pendant trois ans et exonération du paiement de droits de douane pour certains équipements), le contrat de privatisation a été paraphé le 2 juillet 1999. Le 30 septembre, Renault acheta 51% des actions de Dacia au prix de 47,9 mil-lions d’euros et s’engagea à investir 211 millions d’euros sur cinq ans pour la mise à ni-veau de l’outil industriel et commercial. Il était prévu qu’un plan social accompagnerait la « nécessaire réduction des effectifs, les portant au cours des cinq prochaines années de 28.000 personnes à 16.000. Des mesures de reclassement et d'aide à la reconversion seront mises en ouvre, en particulier grâce au tissu d'équipementiers qui sera développé autour de l'usine de Pitesti » 2. Renault dit alors vouloir tout à la fois contribuer au dé-veloppement de l’industrie automobile roumaine, se doter d’une deuxième marque et développer un véhicule à 6.000 $ pour les marchés émergents. Il visait à l’horizon 2010 un production de 200.000 véhicules par an en Roumanie, dont 80.000 à l’exportation. Il était prévu également que le véhicule à bas coût serait produit dans d’autres pays pour atteindre au total 500.000 exemplaires en 2010. À partir du 1er octobre 1999, les 1 Renault, dernier venu dans la compétition, l’emporta face à Fiat, Ford, Alfa Romeo, Peugeot, Morris. Il proposa un véhicule futur, la R12 encore à l’état de protoype, à la fois moderne et mécaniquement simple. Il accepta des droits de licence limités à huit ans seulement et une intégration locale totale de la fabrica-tion. Renault avait conçu l’usine implantée à Moveni, commune limitrophe à la ville de Pitesti. Il avait ensuite cédé en 1968 la licence de deux modèles la R8 et de la R12. Le premier, adapté, fut lancé la même année sous le nom la Dacia 1100 et le second en 1969 sous le nom Dacia 1300. Les ingénieurs roumains conçurent ensuite à partir de la Dacia 1300 une gamme comprenant un break (1973), un pick up (1974), une berline 5 portes et même une version sport. Au terme de la licence en 1978, Dacia continuera à pro-duire ces modèles, les négociations pour une nouvelle licence, concernant cette fois-ci la R18, ayant échoué. Dacia concevra des versions mieux équipées de la 1300 : la 1320 en 1987, puis après la chute du régime, la Dacia 1325 Liberta en 1991 et la 1307 et 1309 double cabine en 1992. En 1995, Dacia lance, la Dacia Nova, entièrement fabriquée en Roumanie, mais conçue à partir de la base roulante de la R9-R11 de Renault. En 1998, il obtient la certification ISO 9001 et sort son 2.000.000ème véhicule. Il produisait alors 100.000 véhicules particuliers et petits utilitaires par an et employait 29.000 personnes. Il couvrait 77% du marché roumain estimé à 93.000 véhicules. La demande automobile se portait vers des véhicules de 3000 dollars en occasion ou neuf. 2 Renault, communiqué de presse du 02.07.1999, « Renault acquiert 51% du capital de Dacia ». Exacte-ment de 27.560 fin décembre 1999 à 16.280 à fin septembre 2004. Le plan a été élaboré avec les organi-sations syndicales et le Ministère des Affaires Sociales.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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comptes de Dacia ont été intégrés dans les comptes consolidés du groupe Renault selon la méthode de l’intégration globale.

En 2000, Renault commença, tout en initiant le projet X90 de la voiture à 5.000 eu-ros, par doter le modèle de véhicules particuliers de Dacia, la Nova, d’un groupe moto-propulseur Renault, le temps de la vendre à 60.000 exemplaires environ jusqu’en 2003 sous le nom de SuperNova. Fortement concurrencée par les véhicules d’importation, elle a été remplacée par La Solenza en 2003. Ayant nécessité 40 millions d’euros d’in-vestissement, la Solenza était une berline à hayon conçue sur la base de la SuperNova, équipée de climatisation, de vitres électriques avant et d’un airbag conducteur, vendue à 6.000 euros environ. Il en sera produit 79.194 exemplaires jusqu’en 2005. La Solenza semble avoir été le banc d’essai de la Logan. Quant aux véhicules utilitaires Dacia, qui se vendaient entre 10.000 et 20.000 unités par an, ils ont été équipés d’un moteur diesel Renault en 2002.

Ces années de transition ont été utilisées pour mettre à niveau non seulement l’outil de production, mais aussi les méthodes de production et le personnel. Ce dernier a été organisé en UET (Unité Élémentaire de Travail). Le CESAR (Centre d’Étude et de R&D) regroupait près de 700 ingénieurs et techniciens. Ils ont été en charge du dévelop-pement des produits, du prototypage et des essais.

Hors ticket d’entrée de la Logan, Renault a investi pendant cette période 489 millions d’euros pour rénover et agrandir l’usine de Mioveni, qui était une vaste usine intégrée, d’une capacité de 120.000 véh/an et de 120.000 moteurs et boîtes de vitesse en deux équipes, s’étendant sur 2,9 millions de m2, dont 623.000 m2 bâtis. Il y a installé de nou-velles lignes d’assemblages tant en carrosserie-montage qu’en mécanique (moteurs et boîtes de vitesse). 30 des 50 presses d’emboutissage ont été remplacées ou rénovées. Elles ont été disposées en onze lignes. De nouvelles installations de traitement de sur-face et de cataphorèses ont été mises en place au département peinture. La tôlerie a été entièrement refaite, mais elle n’a pas été robotisée 1. Les apports successifs de capitaux de Renault firent monter sa part dans le capital de Dacia à 99,3% en 2004.

Les effectifs ont été progressivement ramenés de 27.560 en 1999 à 11.908 en 2006. La main d’œuvre a été rajeunie (36 ans de moyenne d’âge). Elle est féminine à 35%, qualifiée et d’un niveau scolaire élevé (bac). Elle était payée en 2005 aux postes de pro-duction 200 € net en moyenne par mois 2. Le nombre des fournisseurs de rang 1 a été ré-duit de 200 à 143, dont 49 étaient des fournisseurs internationaux 3. Leurs fournitures représentaient 85% du volume du véhicule. Le taux d’intégration locale atteignit 80% du coût du véhicule, 3% venant de Turquie et 17% d’Europe 4.

Renault a dû supporter cinq années de pertes de Dacia. 2005 a été le premier exercice bénéficiaire avec 57 millions d’euros (Tableau 1). Tout dépendait de la réussite du pro-gramme Logan.

1 Les 3.750 points de soudure que nécessitera la Logan berline seront tous faits avec de grosses pinces à souder manipulées manuellement. On ne compte que trois robots dans l’usine et ils ne sont pas en tôlerie. Il s’agit de robots de pose du pare-brise, des portes et du tableau de bord.2 Tresmontant E., « La Logan sur son lieu de naissance », ViaMichelin.fr, 09.06.20053 Comme Faurecia, Valeo, Johnson Control, Bosal. 26 sont implantés en Roumanie. Huit le sont dans la Zone Industrielle Fournisseurs créée dans le périmètre dus site de l’usine : Valeo, Euro APS (JV entre ADPlastic et Simolder), Johnson Control, ACI (Auto Châssis International, filiale Renault regroupant les usines de mécanique du Groupe), Piroux, Iri, MCI Ingénierie, Metal Impex.4 Hurtiger J-M., VP car programme. X90 project, Renault.com, 2004Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Tableau 1

Evolution du chiffre d`affaires de Dacia

An 2000 2001 2002 2003 2004 2005Millions Euro 202 248 274 360 578 1 199

Evolution du résultat net

An 2000 2001 2002 2003 2004 2005Millions Euro - 55,9 -74,7 -82,4 -77,4 -72,3 + 57,0

Source : media.renault.com. Dacia

Le 31 août 2000, Renault racheta les actifs opérationnels du constructeur sud-coréen Samsung Motors 1 mis en difficulté par la « crise asiatique », à savoir l’usine toute neuve et très moderne de Busan d’une capacité de 240.000 véhicules/an 2, le centre de R&D de Kihung 3 et le réseau commercial. Samsung disposait déjà d’un réseau fournis-seur de 160 entreprises moyennes bien équipées. Les 2/3 d’entre elles étaient situées à moins d’une heure de l’usine, et étaient capables de livrer en flux tendu. La main-d’œuvre était jeune (31 ans en moyenne) et bien formée. Samsung avait lancé en 1998 son premier véhicule, la SM5, une berline « routière » de gamme moyenne supérieure dérivée de la Maxima de Nissan.

Une nouvelle société, Renault Samsung Motors (RSM), fut constituée. Renault prit 70,1% du capital (pour le prix de 359 millions d’euros, dont 187 comptant et 172 éche-lonnés jusqu’en 2015 au plus tard), le reste se répartissant entre le groupe Samsung et 1 Samsung Motors Inc (SMI) était une société constituée récemment. C’est en effet en 1994 que le groupe Samsung dirigé par Lee Kun Hee l’avait créée et avait signé avec Nissan un accord de transfert de techno-logie industrielle et de licence de production d’un modèle haut de gamme. L’usine de Busan a été construite de 1995 à 1997 selon les standards Nissan et la SM5 avait été commercialisée en mars 1998. Pour faire face à la crise, Samsung a d’abord négocié avec Ford, puis a tenté une fuite en avant en es -sayant de prendre de contrôle de Kia. Des négociations exclusives sont finalement ouvertes avec Renault le 30 décembre 1999.2 D’une superficie totale de 1 650 000 m2, le complexe industriel de Busan comprend des ateliers de mé-canique avec plusieurs lignes de fabrication et d’assemblage de moteurs, des ateliers de carrosserie inté-grant l’emboutissage, l’assemblage-tôlerie, le montage, la peinture prévue pour utiliser des bases hydroso-lubles, des fabrication diverses (réservoirs essence et boucliers), ainsi qu’une station de traitement des eaux. À la différence de l’usine Dacia de Mioveni, les process de production sont fortement automatisés. L’emboutissage comprend 5 presses transfert et une ligne de découpage automatisées à 100%. L’assem-blage-tôlerie est doté de 270 robots. Il  bénéficie en particulier d’un système d’assemblage général flexible, entièrement robotisé, d’origine Nissan : l’Intelligent Body system.3 Il est situé à 50 km de Séoul. Il est composé d’un centre de prototypes et d’ateliers de test spécialisés (châssis, groupe moto-propulseur, contrôle des émissions, électronique, sécurité…). Ses équipements comme ses dimensions étaient adaptés à la montée en puissance de la gamme. Renault Samsung Motors a signé en juillet 2003 un accord faisant du centre de Kihung le partenaire asiatique des trois autres centres de design du groupe Renault : le Technocentre (France) et les centres de design de Paris et de Barcelone.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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les créanciers de Samsung Motors (notamment Hanvit Bank). Renault devint le premier constructeur occidental à entrer dans un marché, le deuxième de la région jusqu’alors, particulièrement fermé. Il détient la licence d’utilisation de la marque Samsung, qui bé-néficie d’une bonne image, pendant dix ans renouvelables.

Le projet de Renault était de constituer progressivement une gamme issue de mo-dèles soit de Renault, soit de Nissan et d’atteindre en 2004 de 150 à 200.000 ventes lo-cales, c’est-à-dire une part de marché de 10 à 15%.

La première année fut très prometteuse, puisque les ventes approchèrent les 70.000 véhicules avec un seul modèle. La seconde fut bénéficiaire, avec deux ans d’avance sur le calendrier, permettant à RSM d’apporter sa première contribution positive aux résul-tats de Renault. 117.000 voitures furent produites cette année-là, grâce à une conjonc-ture favorable et au renouvellement en janvier 2002 de la SM5 et au lancement en sep-tembre d’un deuxième modèle, une berline de la gamme moyenne inférieure, la SM3, développé en 21 mois sur la base de la Bluebird Sylphy (équivalent japonais de l’Alme-ra) de Nissan, à la fois par Nissan, Renault et Samsung. La SM3, destinée à une clien-tèle plus jeune que la SM5, offre un niveau de sécurité européen, inconnu alors en Co-rée du sud. Les cadences de production à l’usine de Busan passèrent de 40 véhicules par heure à 60.

Ces premiers résultats conduisirent Renault à viser 500.000 unités en 2010, dont la moitié à l’exportation, soit le niveau fixé à Dacia au même moment. RSM a été alors considéré comme un élément décisif du déploiement international de Renault en Asie.

Mais 2003 voit le marché coréen baissait brutalement de 17,6%. RSM parvient à maintenir son niveau de ventes. Il s’adjuge 10,8% de part de marché. Mais l’année sui-vante le marché intérieur continuant sa dégringolade (-13,9%), les ventes de RSM n’y résistent pas et tombent à 80.000, avec un part de marché (VP) de 9,1%. Renault révise ses objectifs, en les ramenant à 300.000 véhicules en 2010 dont la moitié à l’exporta-tion. Les espoirs mis dans la marque coréenne allaient être plus long à se concrétiser que ce qui avait été prévu.

Fin 2004, Renault avait beaucoup investi dans son propre développement internatio-nal depuis plus de six années, sans en avoir encore tiré des bénéfices. Toutefois ces im-plantations nouvelles et l’alliance avec Nissan lui ont permis d’être plus présent com-mercialement sur de nombreux marchés et de compenser ainsi de moindres perfor-mances en Europe occidentale (Graphique 9). Les ventes hors Europe occidentale sont passées de 14,9% en 1999 à 27,2% en 2004. Certains nouveaux modèles de Renault n’ont pas connus en effet le même succès que les précédents sur le marché européen.

Graphique 9

Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Source : Présentation des résultats 2004, février 2005, media.renault.com

2.6. Le  « trou d’air » de 2001

La marge opérationnelle chute brusquement cette année-là (de 5,03% à 1,30% du CA) et le point mort frôle la valeur ajoutée (à 3,56% en dessous seulement). L’épisode est in-téressant à étudier, car des leçons auraient pu en être tirés pour l’avenir (Graphique 1).

2001, c’est le lendemain de l’éclatement de la bulle spéculative de la « nouvelle éco-nomie ». Si le marché automobile des pays développés ne fait qu’arrêter sa croissance, celui de l’Europe centrale et orientale, et surtout de la Turquie et de l’Argentine s’ef-fondre complètement à nouveau. Dans ces deux derniers pays, les ventes de Renault étaient importantes et les usines locales ne purent s’adapter immédiatement.

2001, c’est aussi une année « sans », ou presque, pour Renault, en raison du retard pris dans la conception de certains modèles. Un seul modèle est lancé : la deuxième gé-nération de la Laguna, en versions berline et break, si l’on met à part le Kangoo « tout chemin » et le fourgon Trafic. Surtout les ventes de Mégane et de l’Espace baissent en attendant le renouvellement annoncé de ces modèles. En outre, Renault avait arrêté la production de la Safrane, son modèle de haut de gamme, pour préparer le lancement de sa remplaçante, la Vel Satis, et de l’Espace IV, ces deux modèles devant être produits sur la même ligne. Pendant 18 mois, Renault n’a donc pas offert de modèle de haut de gamme.

À ce manque de nouveaux modèles et donc de ventes a correspondu en revanche une forte hausse des frais de recherche et développement exigée par les nombreux nouveaux

Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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véhicules prévus pour les années suivantes. Ces coups d’accordéon inversés, frais de R&D et lancement, semblent résulter d’un raccourcissement des cycles de vie de cer-tains modèles, particulièrement les modèles « classiques » pour lesquels la concurrence est très forte, d’une planification des lancements difficiles à tenir et provoquant des dé-calages. Enfin, si les ventes se sont maintenues en Europe occidentale, ce fut au prix de rabais importants, en particulier en Grande-Bretagne.

2.7. Quatre nouveaux modèles dans le haut de gamme: trois échecs pour une réussite confirmée. Pourquoi ?

En 2001 et 2002, Renault lance quatre modèles : tous dans les segments supérieurs du marché, un dans la gamme moyenne supérieure et trois dans le haut de gamme. Non seulement, les modèles antérieurs sont renouvelés, mais un nouveau modèle est ajouté. Renault estimait qu'il se devait notamment de proposer un véhicule de luxe, vecteur d'image. Plutôt que de copier les grandes berlines allemandes classiques, Renault dit avoir voulu se différencier en s'adressant à une clientèle voulant s'affranchir des stan-dards stylistiques dans ce segment.

Le premier de ces quatre modèles fut la Laguna 2ème génération, en version berline et break. Il a été conçu comme un modèle classique, ne cherchant pas à répondre à d’éven-tuelles nouvelles attentes des acheteurs. Les ventes démarrèrent bien, mais finalement ne dépasseront guère celles de Laguna I, déjà jugées insuffisantes, et surtout déclineront très vite à partir de 2003. Laguna I et II auront fait moins bien que les modèles qu’ils ont remplacés : la R18 et la R21.

Les trois autres modèles ont été annoncés comme des modèles innovants. Le pre-mier, l’Avantime, a été lancé en septembre 2001, avec un an de retard. Il était un « cou-péspace » de trois portes et cinq places, présenté comme véhicule « niche », c’est-à-dire un coupé par ses deux portes latérales larges pour accéder aux places arrière et un mo-nospace par sa grande modularité intérieure et sa surface vitrée. Il visait la clientèle de l’Espace qui à partir d’un certain âge n’avait plus d’enfant à la maison et qui était sus-ceptible de chercher un véhicule-plaisir non conformiste. Il fut proposé par Matra Auto-mobile à Renault en remplacement de l’Espace, qu’il produisait jusqu’alors. Renault avait en effet décidé de produire lui-même la quatrième génération de l’Espace, avec une carrosserie tout acier dans son usine de Sandouville. L’Avantime fut conçu conjoin-tement par Renault et Matra à partir de la plate-forme de l’Espace III. Chaque construc-teur prit en charge la moitié des coûts.

Le second modèle, la Vel Satis (Vélocité et Satisfaction), fut commercialisé en mars 2002. Renault voulait « étonner le public » et pénétrer significativement le haut de gamme par une offre résolument différente pour une clientèle préférant Apple à Dell et Bang & Olufsen à Daewoo. L’ambition était d’en vendre 60.000 exemplaires par an. La Vel Satis est une berline de haut de gamme, censée reprendre l’esprit du concept-car de même nom, c’est-à-dire un haut de gamme alliant élégance et respectabilité. Il a été conçu à partir d’une plate-forme commune avec la Laguna II et l’Espace IV. Le troi-sième modèle a été précisément l’Espace IV et sa version Grand Espace, lancés en oc-tobre 2002.

Alors que l’Espace IV se vendit aussi bien que les générations précédentes et resta leader en son segment, Avantime et Vel Satis furent de cuisants échecs. Ils ont pulvérisé les plus mauvais scores jamais enregistrés par Renault, y compris ceux de certains véhi-cules « niches » que Renault avait pu commercialiser dans le passé. Avantime a été arrê-

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té après 8.158 exemplaires produits en deux ans. Vel Satis a été maintenu, mais ne tota-lisait en 5 ans, fin 2006, que 56.137 exemplaires, soit cinq fois moins que l’objectif vi-sé, et en pratiquant des rabais substantiels pour les écouler. Même la Frégate, considérée jusqu’alors comme l’exemple type de l’échec d’un modèle, au point d’avoir dissuadé Renault de concevoir un nouveau modèle haut de gamme pendant 15 ans, avait fait deux fois mieux, et cela dans les années cinquante !

Autant l’Avantime a suscité l’étonnement, la curiosité et renforcé l’image d’audace de Renault, autant la Vel Satis a déçu. Malgré des qualités remarquables en termes d’ha-bitabilité, de confort et de sécurité, les acheteurs potentiels ont découvert, incrédules, un véhicule d’allure pataude, haut sur patte, à l’avant inutilement agressif, très loin de l’es-prit du concept-car dont il était censé être issu. Autant l’arrêt de l’Avantime a été regret-té, malgré ses faibles ventes, autant la Vel Satis a survécu dans l’indifférence.

L’histoire de ces modèles reste à faire. On peut toutefois donner quelques éléments d’information et avancer quelques hypothèses. Ils ont tous connu des problèmes de qua-lité au démarrage, qui ont pesé ensuite sur les ventes. L’arrêt de l’Avantime est souvent présenté comme le résultat de la décision du groupe Lagardère de se retirer de la construction automobile et de l’impossibilité pour Renault de reprendre en fabrication une carrosserie associant de l’acier galvanisé pour le bas, du composite pour les pan-neaux peints, de l’aluminium pour le haut de la structure et du verre pour le toit. Mais si Renault y avait vraiment crû, il aurait pu reprendre tout ou partie de l’usine de Romo-rantin, la moderniser et surtout résoudre les problèmes industriels qui avaient affecté la qualité du produit et allongé considérablement les délais de livraison. Le démarrage de l’Avantime n’était guère plus catastrophique que celui de l’Espace, qui la première an-née, en 1984, n’avait été vendu qu’à 5.522 exemplaires. Il fallait probablement un peu de temps pour que ce nouveau concept s’installe, notamment en ajustant mieux son prix.

Quant à Vel Satis, on ne peut s’empêcher d’y voir le résultat de compromis succes-sifs dénaturant le projet, et notamment de la contrainte de devoir partager la même plate-forme avec deux autres véhicules très différents par la clientèle visée : un véhicule de gamme moyenne supérieure, la Laguna II, et un monospace, l’Espace IV 1. Si les économies d’échelle sont compatibles avec l’innovation conceptuelle dans le cas d’un VP à vocation pratique et de loisir conçu à partir d’un utilitaire, elles ne sont probable-ment pas une condition première de réussite pour les modèles de haut de gamme, en particulier lorsqu’il se veulent « décalés ». Enfin l’innovation conceptuelle ne peut se réduire à quelques audaces stylistiques.

Le retournement (modéré) du marché français et européen en 2002 et sa stagnation jusqu’en 2005 a certainement accentué l’insuccès de ces modèles. Mais les modèles in-novants précédents ont continué à bien se vendre 2.

1 Prenant pour exemple Sandouville, Renault donne en 2001 une nouvelle définition de la plate-forme. Une plate-forme est non seulement une base commune, mais aussi un process commun.2 Combien ses échecs ont coûté à Renault ? Le chiffrage n’en est pas connu. On sait seulement que 4 mil-liards avaient été consacrés à la réorganisation/modernisation de l’usine de Sandouville pour y lancer le nouveau haut de gamme « de façon à satisfaire : aux très hautes exigences produit requises à ce niveau : emboutissage des très grosses pièces, soudure tôles pré-protégées, soudure aluminium, injection de cire dans les corps creux ; aux meilleures conditions ergonomiques, en systématisant les tables à hauteur va-riable au montage, qui optimisent à la fois les conditions de travail et la qualité du travail ; aux contraintes de diversités : ateliers de tôleries flexibles, parc industriel fournisseurs, approvisionnements directs des postes de travail » (rapport d’activité 1998). Le ticket d’entrée de la Vel Satis aurait été de 548,7 millions d’euros. L’arrêt de l’Avantime a coûté à Renault 35 millions d’euros en 2002 et 50 mil-lions en 2003.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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2.8. Les bénéfices sauvés par Scénic II et … Nissan. Pourquoi l’absence d’un SUV ?

Après le « trou d’air » de 2001, les résultats de Renault se rétablissent malgré l’échec de l’Avantime et de la Vel Satis et les problèmes de qualité de la Laguna. La marge opéra-tionnelles remonte à 4-5% du CA les trois années suivantes, les bénéfices nets à 6-7%, et le point mort descend à 15-17% en dessous de la valeur ajoutée.

D’octobre 2002 à mai 2004, huit versions de Mégane II sont commercialisées (ber-lines 4 et 5 portes, coupé, cabriolet, break, sport, Scénic et Grand Scénic), ainsi que Kangoo et Kangoo Express II. Ces deuxièmes générations font mieux que les premières générations, particulièrement Mégane grâce à Scénic II. En 2004, 906 876 Mégane sont produites, dont plus de 50% de Scénic II. Cette version se distingue tellement du reste de la famille que son appellation tant à changer. De Mégane Scénic, il devient Renault Scénic. Les autres versions, à l’exception du break, font moins bien que les précédentes, particulièrement la berline 5 portes (Graphiques 3 et 10). Quant aux deux Kangoo, le VP et le VU, elles améliorent légèrement leurs ventes. Clio II continue sa brillante car-rière, mais sans apporter un plus par rapport à 2001. Enfin le bénéfice net de Renault a été substantiellement amélioré par les apports de Nissan qui n’ont cessé de croître.

Reste une question. L’innovation conceptuelle, érigée en axe stratégique, aurait dû logiquement conduire Renault à suivre, à défaut d’anticiper, la croissance du segment des tout-terrains et des SUV (Sport Utility Vehicle), en offrant au moins un modèle dans cette catégorie. Il ne l’a pas fait. Il s’est contenté de doter des modèles existants de roues motrices et d’introduire de légères modifications de carrosserie, en lançant des versions « tout-chemin » : la Scénic Rx4 en 2000 et la Kangoo 4x4 en 2001. Renault a beau avoir présenté la Scénic Rx4 comme « le premier SUV d’un généraliste européen », celui-ci n’avait rien à voir avec la fonction clairement statutaire des « 4x4 urbains », aux formes agressives et disproportionnées.

Renault, sous la houlette de Louis Schweitzer, a-t-il voulu ne pas brouiller son image de constructeur d’automobiles conviviales et presque « citoyennes », privilégiant la sé-curité, l’habitabilité, l’esthétique et la practicité  1? A-t-il pensé qu’il s’agissait d’une mode, qui retomberait vite, compte tenu des contraintes de circulation propres aux pays européens et de la réprobation d’une population et d’élus toujours plus sensibles à l’éco-logie ? Renault n’a visiblement pas vu qu’il s’agissait d’un mouvement de fond, corres-pondant à l’émergence de catégories sociales nouvelles favorisées par la déréglementa-tion du marché du travail et la multiplication des opportunités financières, voulant mani-fester de manière ostentatoire et presque agressive son nouveau statut et user du droit que conférerait à leurs yeux ce qui est pour eux la réussite sociale. L’Alliance avec Nis-san lui donnait alors pourtant la possibilité de lancer rapidement un « tout-terrain ur-bain ».

Graphique 10

1 Renault a beaucoup investi dans la sécurité, et cette qualité lui a été reconnue par les notes attribuées par l’organisme indépendant Euro NCAP aux crash-tests qui sanctionnent la sécurité passive des véhicules. En 2005, 7 véhicules Renault avaient obtenu 5 étoiles, la note maximale : Laguna 2, Espace IV, Vel Satis, Scénic 2, Mégane 2, Mégane 2 coupé-cabriolet, et enfin, Modus.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Source : Présentation des résultats 2004, février 2005, media.renault.com

2.9. Flexibilisation du travail, réduction des coûts, spécialisation des usines, cessions : un patchwork d’actions multiples, pas toujours cohérentes, dont certaines impulsées par les « équipes transverses »

Au tableau précédent, il faut adjoindre de très nombreuses transformations dans tous les domaines de l’entreprise. Certaines, cohérentes avec une stratégie d’innovation concep-tuelle, comme la flexibilisation, d’autres moins ou même pas du tout comme certaines relevant des programmes « qualité, coût, délais ». Aussi, il est difficile d’en évaluer l’impact sur le résultat final. Celui-ci n’est pas en effet l’addition de performances par-tielles, certaines pouvant être contre-performantes à un niveau plus général.

La flexibilisation du travail s’est faite par deux voies chez Renault sas: le recours plus important à de la main d’œuvre extérieure (intérimaires et prestataires) et l’accord des 35 heures. La main-d’œuvre extérieure représente à partir de 1999 environ le quart des personnes travaillant dans l’enceinte des établissements Renault, non comprise celle envoyée par les fournisseurs (Graphique 11).

Graphique 11

Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Évolution du nombre de salariés travaillant dans les établissements Renault selon leur statut, 1978-2006

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20 000

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1 9781 9791 9801 9811 9821 9831 9841 9851 9861 9871 9881 9891 9901 9911 9921 9931 9941 9951 9961 9971 9981 9992 0002 0012 0022 0032 0042 0052 006

année

nombre

CDI

CDDintérim

prestataires(estimation)

Source: Bilan sociaux de Renault. Élaboration: Freyssenet M., 2006. Mise à jour 2007

En 1999, « L'accord sur les 35 heures (signé dans un premier temps au niveau de Renault) a été étendu à toutes les usines françaises prenant en compte les spécificités de chaque site. Ces accords de sites ont permis d'étendre et de pérenniser les accords de flexibilité mis en place antérieurement ». Il fut une aubaine considérable pour Renault. Signé le 16 avril 1999, complété par l’accord de la branche métallurgie du 26 juillet et modifié par l’avenant du 18 février 2000, il stipule explicitement que le « temps collectif capitalisé a pour objectif d’éviter le recours au chômage partiel. Dans l’hypothèse où il n’aurait pas été utilisé dans l’année, il est reporté sur les années suivantes » (Gra-phique 12) 1. Renault ne manquera pas d’en faire usage. La multi-annualisation du temps de travail a permis d’augmenter sensiblement la production dans les usines produisant la Scénic et le Kangoo, et de supporter des surcapacités dans d’autres usines qui auraient été en d’autres temps financièrement catastrophiques et auraient conduit à des licencie-ments.

Graphique 12

1 Les 35 heures chez Renault donnent droit à des jours de congés individuels et à des jours de congés col -lectifs capitalisables sur plusieurs années selon les besoins de l’entreprise. Parmi les contreparties, on trouve l’allongement du temps de travail journalier et hebdomadaire récupérable en basse saison et toutes les formes de semaines de travail, selon les nécessités. En 2004, l’annualisation et l’allongement de la journée avec récupération en basse saison ont été étendus aux usines espagnoles et sud-coréenne. La flexibilisation du temps de travail a facilité la stabilisation des effectifs de Renault sas (Graphique 10) Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Évolution comparée de la production domestique et du pourcentage d'heures de chômage partiel sur le total des heures travaillées par les salariés " en activité" de Renault (maison-mère), 1978-2005

0

200 000

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1 200 000

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1 9781 9791 9801 9811 9821 9831 9841 9851 9861 9871 9881 9891 9901 9911 9921 9931 9941 9951 9961 9971 9981 9992 0002 0012 0022 0032 0042 005année

nombre de véhicules produits en France

0,00

0,50

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2,50

3,00

3,50

4,00

4,50

5,00

pourcentage du nombre d'heures de chômage partiel sur le

total des heures travaillées

production domestique

% d'heures de chômage partiel

Sources: Renault, Rapports d'activité, Bilans Sociaux. Élaboration: Freyssenet M., 2007

Ces surcapacités ont été accentuées par une décision contradictoire avec la nécessité d’avoir un outil de production flexible et réactif quand on produit des véhicules concep-tuellement innovants, celle de la sur-spécialisation des usines prise au nom de la réduc-tion des coûts. L’utilisation à plein des capacités de production étant une source impor-tante de gains, une spécialisation encore plus forte des usines a été considérée comme le seul moyen d’y parvenir. En 1998, il a été décidé de réduire le nombre de lignes d’as-semblage à une par usine, sauf dans l’immédiat à l’usine de Flins, et à un modèle (sauf à l’usine de Sandouville où il s’agit d’une même plate-forme pour trois modèles de haut de gamme) et enfin de les raccourcir. Pour y parvenir, il a été demandé à des fournis-seurs de s’installer dans un « parc fournisseurs » créé à cet effet à proximité immédiate de l’usine pour livrer en synchrone un certains nombre de sous-ensembles (Freyssenet, 2005). Ce sera chose faite successivement à Flins, Curitiba, Sandouville, Douai et Pa-lencia. Cette spécialisation extrême présuppose des volumes assurés. Or par définition, il est difficile de les prévoir avec des véhicules qui se veulent innovants. La capacité de l’usine de Sandouville qui fut ainsi portée à 1700 véh/jour ne sera utilisée qu’à 45% en 2005.

En 1999, un programme « nouvelle distribution » est lancé. L’objectif est d’accroître le pourcentage de véhicules produits sur commande en diminuant les délais de livraison et ce faisant de réduire les stocks nécessaires : 70% est le niveau à atteindre. En 2001, Renault dit être à 50% de véhicules commandés, les livrer en quatre semaines au lieu de huit, et avoir réduit ses stocks de 20%. Il semble qu’il ait eu de la peine à aller plus loin si l’on en juge par les chiffres données les années suivantes.

Le Technocentre est inauguré en mai 1998. Quand il l’est, il est prévu pour permettre de mener quatre à cinq projets simultanément et de réduire la conception et le dévelop-pement d’un modèle à 36 mois et leur coût à un milliard. La conception assistée par or-dinateur est généralisée. D’emblée 7.500 personnes y travaillent dont 1.000 venant des

Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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fournisseurs. Leur nombre passe respectivement 8.200 et 2.000 en 1999. La recherche est réorganisée par projet en 1999 comme le développement 12 ans auparavant.

Il est difficile de connaître la part prise en positif ou négatif par les mesures précé-dentes dans la réalisation des deux plans successifs de réductions des coûts. Le premier, de 1997 à 2000, a réalisé, comme prévu, 20 milliards de francs d’économies, dont la moitié sur les achats. Le second, de 2001 à 2003, a visé le même objectif en matière de coûts (-3 milliards d’euros), en y ajoutant des objectifs en matière de qualité (offrir une garantie anti-corrosion de 12 ans) et de délai (réduire à 24 mois la conception et le déve-loppement d’un véhicule). 55% des réductions des coûts auraient été obtenus sur les achats, 20% sur les frais de distribution, 10% sur la production, 15% sur la conception et les frais de structure. Mégane II, livrée en 2002-3, a été conçue en 29 mois contre 45 pour Mégane I. Modus, qui a été livrée en 2004, a été conçue également en 29 mois, contre 50 pour la Clio II.

Par ailleurs, les constructeurs automobiles français ont obtenu en 1999 du gouverne-ment de co-financer un plan de 5 ans d’encouragement au départ des salariés de 57 ans et plus et d’embauche d’un nombre de jeunes en nombre équivalent aux départs « ai-dés » 1. Ce plan, appelé CASA (Cessation d’Activité des Salariés Âgés), a bénéficié chez Renault sas à 10.348 personnes (Bilan social 2006). Il a permis d’abaisser l’âge moyen des ouvriers de 45,2 ans en 1999 à 41,0 ans en 2005, et leur ancienneté moyenne de 21,7 ans à 18,0 ans. Il a concerné aussi des filiales françaises de Renault. Des plans similaires ont été mis en place à l’étranger, notamment en Espagne, les plans Convenio (2000-2003) et Contrato de relevo (2004-2006).

Les cessions ont continué. La plus importante a été bien sûr celle de RVI et de Mack Trucks à Volvo Global Trucks en 2000. Mais il y a eu aussi l’année précédente celle de Renault Automation à COMAU, la filiale Biens d’équipements de Fiat, l’année suivante celle de la CAT, la filiale transport, en 2002 la vente des actions détenues dans Irisbus à Iveco, la filiale Véhicules industriels de Fiat, conformément à la demande faite par les autorités de Bruxelles pour autoriser la fusion RVI-Volvo Trucks, enfin en 2004 la ces-sion de 51% du capital de Renault-Agriculture à Claas. Ces différentes cessions ont per-mis de réduire le nombre de branches de Renault à deux : automobile et finance, et d’améliorer le bénéfice net (Graphique 1).

3. La résurgence de problèmes non tranchés : 2005-200 ? Nouveau « trou d’air » ou symptôme d’une stratégie produit incertaine ?

3.1. Un changement d’époque ?

Carlos Ghosn, qui était depuis longtemps le dauphin de Louis Schweitzer, lui succède à l’Assemblée Générale des actionnaires le 29 avril 2005. Il devient à la fois président de Renault et de Renault-Nissan bv, tout en restant président de Nissan. Sa réussite chez Nissan, son volontarisme, la clarté de ses engagements font accepter qu’il cumule autant de responsabilités. L’impression générale est qu’ « une page se tourne… et que Renault s’engage sur de nouveaux rails ». Lesquels ? Renault est apparemment en bonne santé et l’Alliance est un succès. Le nouveau président se donne quelques mois pour faire un état des lieux et définir sa stratégie et les actions pour la mettre en œuvre.

1 À partir de 2000, les salariés de 57 ans et plus, et exceptionnellement de 55 et 56 ans, ont pu, grâce au dispositif CASA, suspendre leur contrat de travail dans l’attente de l’âge de la retraite tout en étant payés. Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Les différents plans de réduction des coûts ont été exécutés et ont atteint leurs objec-tifs. La coopération avec Nissan s’est développée comme prévue et a tenu ses pro-messes. L’endettement est nul et la capacité d’autofinancement satisfaisante. L’image de Renault a complètement changé et elle est positive. Le climat social semble apaisé et l’adhésion des salariés forte. Et pourtant chacun ressent quelques signes de faiblesse et des problèmes. Il y a tout d’abord des résultats qui ne sont bons que par l’apport de Nis-san et de Volvo. La marge opérationnelle baisse. Les ventes en Europe occidentale, qui devaient constituer un filet de sécurité pour faire face aux aléas d’une expansion dans les pays émergents, diminuent, de même que les ventes mondiales. Les tensions avec les fournisseurs ne manquent pas et la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Les délais de lancement ne sont pas tous tenus. Chacun ressent une pression toujours plus forte et l’absentéisme ouvrier remonte. Les nouveaux modèles lancés s’annoncent pour être soit des déceptions (la Modus), soit de grands succès (la Logan), avec une difficulté récur-rente à gérer les unes et à tirer parti des autres.

Le plan, très attendu, présenté le 9 février 2006 par Carlos Ghosn à la presse en même temps que les résultats 2005, a rassuré par la conviction de son auteur, mais n’a pas vraiment convaincu. Appelé « Contrat 2009 », il ambitionne de « positionner dura-blement Renault comme le constructeur automobile généraliste européen le plus ren-table ». Trois engagements sont pris : la future Laguna, prévue en 2007, sera parmi les trois meilleures de son segment en qualité de produit et de service, la marge opération-nelle atteindra 6% en 2009, les ventes augmenteront de 800 000 véhicules entre 2005 et 2009. Pour ce faire, 26 produits seront lancés durant le plan, soit deux fois plus que du-rant la période 1998-2005. La moitié d’entre eux correspondront à des modèles inédits dans le haut de gamme, à des SUV et véhicules niches et à des produits pour pays émer-gents . Les ventes dans le haut de gamme devraient doubler et les ventes hors d’Europe passer de 27 à 37% 1. L’effort de réduction des coûts devrait être poursuivi : sur trois ans 14% pour les achats, 12% pour la fabrication, 9% pour la logistique. Les frais de struc-ture devront baisser à 4% du chiffre d’affaires et ceux de recherche et développement ne pas dépasser les 11,5%. Le taux d’utilisation moyen des capacités de production devrait passer de 60% à 75%, le nombre maximum d’heures annuelles d’utilisation étant fixé à 5.000 heures, contre 3.720 à 4.000 habituellement. « Un management transversal centré sur la satisfaction des clients et piloté par le profit est mis en place à travers le pilotage par région, la globalisation des fonctions, les directions de programme et 11 Équipes Transverses ».

Mais rien sur les échecs répétés de certains modèles, sur les programmes de réduc-tion des coûts réalisés qui ne produisent pas pleinement leurs effets, sur les surcapacités durables de certaines usines. Pourquoi croire que ce nouveau plan fera mieux que les précédents, sans avoir plus d’explications ? C’est dans l’action que se dessine peut-être une réponse.

3.2. Un nouveau « trou d’air » pour la marque Renault et sa gestion

Le déclin rapide de la Laguna II est confirmé, mettant l’usine de Sandouville, dédiée au haut de gamme, en forte surcapacité. Les ventes de Mégane commencent à diminuer plus tôt que prévu, en raison de la mévente de la berline 5 portes et du coupé. Renault compte alors sur son nouveau modèle innovant, la Modus, un minispace, conçu sur la

1 En 2002, Renault visait pour 2010 l’objectif de 50% des ventes hors d’Europe, en restant la première marque en EuropeFreyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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plate-forme B de l’Alliance 2. Lancé en septembre 2004, il démarre très fort, puis un an après décline, loin de ses objectifs de vente. L’usine de Valladolid en Espagne qui lui était entièrement dédiée, selon le principe « un modèle-une usine-une ligne », se re-trouve elle aussi en forte surcapacité, exigeant de prendre des mesures de réduction de temps de travail et d’effectifs.

Carlos Ghosn en tire la conclusion qu’il faut concevoir et produire des « véhicules qui se vendent ». Et pour le savoir à l’avance, les « études cliniques » suffisent à ses yeux. Des résultats de celles-ci, il en déduit qu’il faut retarder d’un an le lancement de la nouvelle Twingo et de Laguna III, afin d’en revoir le style pour la première et d’en éle-ver le niveau de qualité et de prestation pour la seconde. C’est évidemment prendre le risque d’accentuer le « trou d’air » qui a commencé à se former, malgré le lancement réussi de la Clio III en septembre 2005. Comment dans ces conditions ne pas compro-mettre trop les résultats, quand on a publiquement fait du taux de profit la boussole ab-solue de la gestion ? En accentuant encore plus le « trou d’air » ! Mieux vaut en effet, estime Renault, préserver les marges que les parts de marché. Renault décide donc de privilégier la vente aux particuliers et aux entreprises, au détriment de la vente aux loueurs beaucoup moins rémunératrice, et de renoncer aux rabais qui abaissent les prix à la revente et empêchent de savoir ce qui plaît vraiment à la clientèle (Graphique 13). D’où des baisses mois après mois qui angoissent tous les commentateurs. Mais le point mort reste à un niveau qui préserve l’avenir (12% au-dessous de la valeur ajoutée en 2006). Il faut toutefois rappeler que ce résultat n’est possible qu’en raison du très faible taux d’intégration de Renault et des accords de multi-annualisation du temps de travail.

Que signifie « les voitures qui se vendent » ? Est-ce la fin de la priorité donnée à l’in-novation conceptuelle ? Difficile de le dire pour l’instant. On peut simplement constater que la nouvelle Twingo, lancée en juin 2007, a été complètement banalisée, en lui enle-vant tout ce qui en avait fait un modèle emblématique de l’esprit d’innovation de Re-nault. Qu’en sera-t-il des nombreux nouveaux modèles attendus ? Le SUV conçu avec Renault Samsung qui le produira est attendu en 2008. Mais il entre sur un segment maintenant déjà bien encombré en Europe et qui connaît un tassement. Comme il ne semble pas révolutionner le genre, il va se retrouver en concurrence frontale avec des modèles concurrents à la renommée assurée en la matière.Graphique 13

2 Peugeot lance également en même temps un minispace, la 1007, qui n’aura pas plus de succès que la Modus.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Source : Renault, Résultats commerciaux 2006. Présentation Patrick Blain. Media.renault.com

Quelques précisions apportées au plan-produit laissent toutefois penser qu’il pourrait y avoir des surprises. Il s’agirait pour Renault de mieux centrer ses produits sur les be-soins et les attentes du client où qu’il se trouve dans le monde et de les faire bénéficier d’un « effort technologique continu » de l’Alliance. La plate-forme Logan donnera nais-sance à d’autres modèles que ceux connus (berline, break et pick-up). Il y aura de nou-veaux modèles pour la Corée et l’exportation à partir de ce pays. On devrait assister à une « offensive importante en Amérique latine ». En 2010, trois nouveaux modèles dans le haut de gamme 1 s’ajouteront aux cinq prévus d’ici 2009.

C’est pourtant une fois de plus un de ses modèles innovants, décidé et conçu dans la période antérieure sans grande étude marketing et clinique, qui est en train de permettre à Renault de véritablement s’internationaliser et de marquer l’histoire automobile en ce début de siècle: la Logan.

3.3. La révélation Logan

Logan, « le modèle à 5000 euros » de Renault, est l’innovation conceptuelle par excel-lence. Dépourvu de toute nouveauté mécanique et stylistique, il a révélé un angle mort dans la vision que les constructeurs automobiles avaient du marché (Jullien, 2006), à sa-voir la demande potentielle des classes moyennes en développement dans les pays émergents désirant acheter un véhicule neuf fiable et moderne, mais accessible à leurs bourses, ainsi que la demande d’une population appauvrie dans les pays développés ne pouvant plus s’offrir une véhicule neuf. Comme l’Espace, comme la Twingo, comme la Scénic, comme le Kangoo, le projet Logan a été perçu au départ au sein de Renault

1 Le haut de gamme comprend pour Renault tous les modèles vendus à un prix supérieur à 27.000 eu-ros.

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comme un projet à la marge, résultant dans le cas précis de la seule volonté de son ini-tiateur, en l’occurrence le PDG de l’époque, Louis Schweitzer.

L’idée première venue à l’esprit de ce dernier, après une visite en Russie (Schweit-zer, 2006), était d’offrir aux nouvelles couches moyennes en formation dans les pays de l’est et les pays “émergents”, condamnées jusqu’alors aux voitures d’occasion impor-tées, coûteuses à l’usage et parfois à l’achat, une vraie voiture familiale, à bas coût tant à l’achat qu’à l’usage, c’est-à-dire une voiture moderne, fiable et durable à un prix ac-cessible à des ménages dont le pouvoir d’achat commence à peine de croître. La clien-tèle ciblée était selon Renault de jeunes couples avec au moins trois enfants de la classe moyenne aux revenus stables (salariés de l’Etat, artisans, petits entrepreneurs…) voulant consommer et pour qui l’achat d’un véhicule neuf pour la première fois constitue un in-vestissement 1.

Le projet Logan est lancé en 1998, avant donc le rachat de Dacia. L'année suivante, Jean-Marie Hurtiger est nommé directeur du projet : "C'était un défi passionnant. Nous devions partir d'une feuille blanche avec le premier véhicule développé par Renault pour une commercialisation qui démarre hors d'Europe occidentale et un programme résolument piloté par l'équation économique." Le véhicule lui-même, qui sera baptisé Logan, est assez rapidement défini, avec une maquette proche de la version finale dès l'automne 1999. Son développement est entièrement pris en charge par les forces d'ingé-nierie du Technocentre.

Comme les autres constructeurs, Renault produisait jusqu’alors localement des mo-dèles en fin de vie, au mieux à mi-vie, après les avoir adaptés au marché local. Pour la première fois, Renault conçoit un modèle spécifique pour ces pays. Fiat l’avait précédé dans cette voie avec la Palio/Siena, conçue sur la base de la Uno. Les ventes n’avaient finalement pas répondu aux grands espoirs mis en ce modèle et avaient contribué à la crise de Fiat. Bien que Renault ne fasse jamais référence à cette expérience, il semble tout de même en avoir tiré des leçons quant à la clientèle visée et à la taille, la fonction, le prix et la fiabilité du modèle à concevoir en conséquence.

C’est là que réside l’innovation conceptuelle attribuable à Renault. La clientèle visée étant celle des familles des classes moyennes en formation, au pouvoir d’achat s’amé-liorant, mais encore très bas, le véhicule à concevoir devait être une voiture qui soit au-thentiquement familiale, c’est-à-dire offrant cinq places réelles avec un coffre permet-tant le transport de charge, qui soit robuste, fiable et durable et néanmoins moderne, et enfin qui soit accessible à un prix correspondant au pouvoir d’achat de ces familles.

Pour parvenir au prix visé, il ne pouvait être question de faire une petite voiture, comme le font les constructeurs coréens, ni du downsizing d’un modèle existant. Il fal-lait révolutionner la conception et repenser le process de fabrication.

On ne peut pas dire que le projet déclencha l’enthousiasme du bureau d’étude. Et pourtant des principes de conception radicalement nouveaux étaient à inventer. Il ne s’agissait pas d’essayer de fournir toujours plus et ensuite de serrer au mieux les prix, mais de partir d’un prix bas à ne pas dépasser pour parvenir à un véhicule simple offrant le juste nécessaire pour la clientèle commercialement visée, tout en respectant les normes occidentales de confort et de sécurité. Cette façon nouvelle de concevoir a été résumée par l’expression : design to cost. 24 fonctions du véhicule ont été distinguées. Elles ont été pensées pour qu’elles répondent à la double exigence d’un coût cible et du

1 Hurtiger J-M., Dacia, Renault.com, 2005Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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juste nécessaire 2. Elles ont fait l’objet de réunions régulières « Qualité, Coût, Délais, Poids » avec les fournisseurs, débouchant sur une prise d’engagement de leur part.

Les études confirmèrent en 2001 la faisabilité économique du véhicule et dès ce mo-ment-là plusieurs versions de carrosserie ont été envisagées. L’incertitude pesant toute-fois sur les ventes, un point mort le plus bas possible a été recherché.

Le pari d’une voiture à 5.000 euros a pu être tenu, selon Renault, grâce à un « ticket d’entrée » bas 1, à la réduction du nombre de composants, à leur simplification, à leur standardisation et à leur fabrication dans des zones à bas coût, grâce également à un pro-cess sans automatisation mais de hautes performances, à l’utilisation efficace des res-sources et à un strict contrôle de la qualité, grâce enfin à une division par cinq des coûts de commercialisation.

C'est mi-2002 que le développement international du programme a été élaboré. Outre l'usine-pilote de Mioveni, près de Pitesti en Roumanie, la production de Logan était déjà

2 « L'idée consiste à orienter résolument tout le processus de conception dans une démarche de fiabilité et d'économie en utilisant des solutions éprouvées. La méthodologie intègre les éléments d’analyse du produit et du process. Les paramètres sont la faisabilité, les gains escomptés, les disponibilités locales et, critère essentiel, la fiabilité. Ainsi, pour les matériaux, il a été décidé d'utiliser des aciers classiques, qui s'adaptent bien aux méthodes et moyens de production des sites de fabrication prévus, avec leurs proces-sus moins robotisés, et qui peuvent être « sourcés » localement. De même, le design de Logan intègre dès son origine les contraintes de l'emboutissage en limitant la présence d'arêtes de carrosserie pour faciliter la création des outils de fabrication, fiabiliser le processus en emboutissage et en tôlerie, et réduire le coût de ces opérations. La faible courbure des vitrages, notamment de la lunette arrière, diminue le coût des outillages. Pour le montage du sous-caisse, l'absence d'automatisation n’a pas empêché le montage d’une ligne d'échappement monobloc. D'autres gains significatifs ont été obtenus grâce au formage en usine des canalisations de freins, leur protection par les longerons sans pièce rapportée ou un réservoir à pipe intégrée avec filtre externe démontable pour les pays utilisant des carburants "non stabilisés". Autre élément clef de la réussite du pari économique de Logan, le choix d'un train avant proche de celui de Clio sans barre anti-dévers et d'un train arrière issu de la plate-forme B de l’Alliance Renault-Nissan. Par ailleurs, pour limiter l'investissement en outillage et simplifier l'assemblage, les rétroviseurs et les ba-guettes de protection sont conçus pour être posés indifféremment du côté gauche ou droit. Enfin, la pré-sence d'une vitre unique sur les portes arrière évite le coût d'une vitre rapportée »

« Le "carry over" pour la fiabilité et la maîtrise des coûts L'utilisation des mêmes éléments dans plu-sieurs véhicules d'un constructeur automobile est une assurance de fiabilité pour les clients et un gage d'économie pour la marque. Cette logique, qui a fait ses preuves chez les constructeurs asiatiques les plus performants, se retrouve à tous les niveaux dans le développement de Logan. Ainsi, Logan puise directe -ment ses racines dans deux projets existants, la plate-forme B de l'Alliance et Clio. L'architecture de la caisse est du type plate-forme B. Ce choix a permis de limiter les coûts de développement de la base rou-lante, les frais de méthodes et les coûts des outils de fabrication. Le module de chauffage est celui qui se-ra utilisé par les véhicules Renault du segment B, comme Modus. Sa conception monopièce (conduits simples, circuits courts) permet d'obtenir une installation très fiable et de réaliser des économies de conception, sans concession sur les performances thermiques, au meilleur niveau de la catégorie. Les fonctions électroniques ont été regroupées dans l'unité centrale de l'habitacle (UCH), dérivée de celle qui équipe Clio et Twingo. De Clio, Logan reprend le compartiment moteur, conçu avec les mêmes interfaces afin de réutiliser des process de montage déjà maîtrisés. Toujours en mécanique, Logan adopte les mo-teurs, les trains avant, la direction, les freins arrière de Clio, ainsi que son instrumentation, ses poignées de porte, son volant et ses commandes. Certains éléments, comme les aérateurs et le pommeau de levier de vitesses, ont déjà été utilisés sur l'Espace ». Communiqué de presse, Renault 2.6.2004.

1 Le recours à la simulation numérique (20 millions d’euros d’économie), la réutilisation de sous-en-sembles de la Clio II et le développement d’une dérivée de la plate-forme B de l’Alliance ont notamment permis de réduire le temps de développement à 32 mois. Les études pour la berline quatre portes ont coûté 150 millions d’euros et les investissements en machines à l’usine de Mioveni 200 millions d’euros. En règle générale, le ticket d’entrée s’accroît de 600 millions d’euros à 2 milliards quand on passe d’une pro-duction de un à 4 millions en cumulé sur la durée de vie du modèle. Pour la Logan, il est de 300 millions à 600 pour une production de1,5 millions à 2,8 millions. Hurtiger J-M., Dacia, Renault.com, 2005Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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envisagée en Russie, au Maroc, en Colombie et en Iran, avec toujours la même logique : produire aux meilleurs coûts au plus près des marchés. Un investissement de 230 mil-lions d'euros en Russie, en partenariat avec la mairie de Moscou, a été ainsi annoncé au mois de février 2003 pour la construction d'une unité de production à Moscou, avec une capacité initiale de 60 000 véhicules par an. En juillet 2003, Renault décida d'investir 22 millions d'euros au Maroc pour une ligne de fabrication à l'usine de la Somaca, avec une capacité de 30 000 unités par an, et 16 millions en Colombie à l’usine de Medellin de la SOFASA pour atteindre une capacité de 44 000 véhicules par an. Dernière décision ma-jeure : la création en Iran d'une société, Renault Pars, commune avec l'industrie automo-bile iranienne, pour assembler localement Logan à partir de 2006. Un investissement de 300 millions d'euros y est réalisé pour disposer d’une capacité de production de 300 000 unités par an.

Compte tenu des réactions positives des clients potentiels et de l’intérêt médiatique suscité par le projet avant même son lancement, Renault porta les prévisions de ventes de la Logan de 500.000 à 700 000 véhicules par an à l'horizon 2010 et annonça une marge opérationnelle de 5%.

La voiture finalement mise sur le marché en octobre 2004 en Roumanie est une ber-line quatre portes accueillant confortablement cinq personnes (y compris de grande taille dans des sièges aussi large que ceux de la Vel Satis) et leurs bagages aisément chargeables grâce au seuil bas de la porte du coffre arrière d’une capacité de 510 litres (sans égale dans la catégorie) ; se présentant avec un profil simplifié pour éviter les pièces de carrosserie coûteuses à emboutir et à assembler, mais néanmoins d’un style moderne ; offrant un niveau d’équipement honorable (climatisation, radio, etc.), un ni-veau de sécurité « trois étoiles » aux tests EuroNCAP, une performance acoustique infé-rieure au seuil maximum autorisé en Europe (74 dB), et enfin une recyclabilité de 95% de son poids ; capable de rouler sur de très mauvaises routes (la garde au sol est rehaus-sée pour passer dans des routes défoncées et encombrées de débris, et présentant de fortes pentes), avec toutefois un confort suffisant (amortisseurs conçus pour), par temps très variable (la polyvalence thermique a été particulièrement étudiée pour faire face à de très fortes variations de températures, à la poussière, de fortes pluies, à la neige, à l’altitude), avec de l’essence pouvant être de mauvaise qualité ; aisément réparable en raison de la simplification des organes mécaniques, de la robustesse des pièces et le nombre aussi réduit que possible de composants électroniques ; et consommant finale-ment de 6,8 litres au 100km (en cycle mixte, soit 164 gr de CO2/km). À son introduction sur le marché, la Logan a été vendue en fait, dans sa version de base, 5.800 € en Rouma-nie et 7.500 € en France 1, avec une garantie 3 ans ou 100.000 km.

Dacia a produit la Logan d’emblée à la fois pour le marché roumain et le marché de « pays émergents » proches (pays de l’est, du Proche-Orient et du Maghreb). Est-ce la volonté de pénétrer sans attendre ces marchés et y acquérir des positions commerciales solides, est-ce la demande des autorités roumaines de contribuer au rééquilibrage de la balance commerciale, ou bien est-ce que la berline Logan a déjà saturé son marché en Roumanie, toujours est-il que dès 2006 les ventes en Roumanie ne progressent plus que de 8,8%, alors que les exportations doublent et atteignent pratiquement le niveau des ventes domestiques (88.931 contre 96.044).

À l’exportation, la plus grande surprise a été de découvrir qu’il y avait une demande d’un véhicule bas coût, y compris dans les pays d’Europe occidentale. Prévue pour y être vendue à titre anecdotique, afin de montrer aux clients des pays émergents, sen-1 Tresmontant E., « La Logan à l’assaut des Carpates », ViaMichelin.fr, 09.06.2005Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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sibles à la modernité de ce qu’ils achètent, qu’elle était reconnue comme un véhicule enviable aussi dans les pays riches, la Logan a eu un accueil inattendu aussi bien en France qu’en Allemagne et en Espagne. Il s’en est vendu en 2006 dans ces trois pays plus qu’en Algérie, Maroc et Turquie réunis. Renault et ses concurrents ont brusque-ment découvert qu’une frange importante de la population avait vu ses revenus diminuer ou devenir trop incertains pour pouvoir acquérir un véhicule neuf tel que proposé jus-qu’alors. Cette couche sociale nouvelle, condamnée à se priver de voiture ou à acheter un véhicule d’occasion finalement coûteux à l’usage, a montré immédiatement de l’inté-rêt. Il ne s’agissait donc pas de quelques acheteurs « déviants » voulant manifester par l’achat d’une Logan qu’ils refusaient de faire d’une voiture un achat « statutaire », comme Renault l’avait imaginé au départ.

Aussi dès 2005, les prévisions pour 2010 sont portées à un million de VP Logan (hors pick-up), dont 15% de break et 10% de bicorps (quatre portes avec un hayon ar-rière). Les ventes ont en effet nettement dépassé les prévisions huit mois après le lance-ment, et ont rendu rentable la Logan dès ce moment-là. En outre, les premiers acheteurs roumains ne se sont pas contentés de la version de base. 90% d’entre eux ont choisi des options portant le prix moyen des Logan achetées à 7.500€ : ABS, airbags, direction as-sistée, fermeture centralisée des portières, vitres électriques et CD.

Le break Logan, commercialisé en octobre 2006 en Roumanie, a été conçu dans le même esprit, pour faire face à des conditions encore plus rigoureuses d’utilisation. Il peut accueillir jusqu’à sept personnes adultes et offre une capacité de coffre de 700 litres en configuration cinq places. Il a fait l’objet d’un accueil enthousiaste dans les sa-lons automobiles où il a été présenté et les premières ventes semblent confirmer son at-trait. « La capacité de production de Logan MCV est estimée à 360 véhicules/jour. Pour assurer la fabrication de Logan MCV à Pitesti, les investissements industriels se sont montés à 110 millions d’euros pour un ticket d’entrée total du véhicule de 154 millions d’euros. Ces budgets sont restés maîtrisés grâce à l’application systématique de prin-cipes comme le “carry-over” (réutilisation de solutions techniques d’un projet vers un autre) et le “design to cost” (prépondérance de la notion de valeur pour le client dans tous les choix techniques et conceptuels). Deux principes restés tout au long du projet sous la houlette d’une obsession majeure : la qualité » 1.

Le concept Logan a paru se justifier commercialement pour un véhicule utilitaire et être industriellement applicable. Une version fourgonnette de la Logan MCV a été éga-lement lancée en février 2007 en Roumanie et en Bulgarie. Destinée aux artisans, com-merçants, petites entreprises, la Logan Van veut pouvoir être utilisée également comme véhicule particulier, la clientèle potentielle ne pouvant se permettre de disposer d’une autre voiture. Il est équipé de deux motorisations essence et d’une motorisation diesel, issues de la banque d’organes Renault et bénéficie du même niveau de sécurité que le break Logan. Sa capacité de charge utile est de 800 kg et son volume de chargement est de 2,5 m3.

La Logan est produite en Russie par Avtoframos, la filiale russe de Renault (50/50 avec la Mairie de Moscou), dans son usine de Moscou depuis août 2005 2, au Maroc par

1 Renault. Communiqué de presse du 28.9.20062 « Après accord avec la Mairie de Moscou, décision est prise le 16 mai 2007 de porter la capacité de l’usine à 160.000 véh/an d’ici deux ans pour accueillir un nouveau véhicule Logan. Renault investira 150 millions USD et embauchera 1000 personnes. La Mairie de Moscou apportera les terrains nécessaires et Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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la Somaca dans son usine de Casablanca 1 et en Colombie à Envigado depuis la fin de la même année 2. Les Logan russes et colombiennes sont badgées Renault. Seules les Lo-gan marocaines sont Dacia.

La production de la Logan a été étendue à trois nouveaux pays en 2007 : l’Iran, le Brésil et l’Inde. À la différence des pays précédents, les composants y sont en grande partie produits localement. En Iran, la Logan est produite par une société filiale com-mune de Renault et d’Iran Khodro, sous le nom de Renault Tondar 90 3. Au Brésil, elle est produite par Renault dans son usine de Curitiba et garde son nom 4. En Inde, elle commence à être produite par Mahindra&Mahindra et vendue sous le badge Mahindra Renault 5.

Au cours des quatre premiers mois de 2007, les ventes de Dacia ont stagné. Trois rai-sons à cela. L’une conjoncturelle : l’arrêt de production du pick-up Solenza n’a pas en-core été relayé par la commercialisation du pick-up Logan. La deuxième est un décalage entre production réelle de l’usine de Mioveni, production attribuée à Dacia et ventes sous la marque Dacia. En effet, Logan n’est plus seulement fabriquée et vendue par Da-

aménagera une zone fournisseurs dont elle restera propriétaire ». Renault, communiqué de presse du 16.5.2007.1 Le taux d’intégration locale peut aller jusqu’à 40% en valeur.2 La distribution devait s’étendre à d’autres pays andins : Venezuela et Equateur. « En 2002, Renault est devenu le principal actionnaire de Sofasa S.A. avec 60 % du capital, les 40 % restants sont détenus par Toyota et Mitsui, avec respectivement 28 % et 12 %. Dans son usine de Medellin dont la capacité de pro -duction est de 44 000 véhicules par an avec 900 salariés, Sofasa assemble des véhicules Toyota V.U. (Prado, Hilux, Land Cruiser) et des véhicules Renault V.P. (Twingo, Clio et Mégane) ». Renault, commu-niqué de presse, 2.6.2004.3 Le projet Iran est d’une tout autre ampleur, puisque la capacité visée d’emblée est de 300.000 véhicules. Renault et IDRO (Industrial Development & Renovation Organization – organisme public iranien en charge de l'industrie automobile) ont créé en mai 2004 une société conjointe, Renault Pars. Les deux prin-cipaux constructeurs automobiles iraniens, Iran Khodro et SAIPA, produisent et commercialisent Logan. Une partie de la production doit être exportée. L'assemblage des véhicules se fait à partir de collections de pièces importées et de composants locaux fournis par Renault Pars (Le taux d’intégration locale devait at-teindre 60% en valeur). Cette société a ainsi la responsabilité de toutes les fonctions opérationnelles d'un constructeur automobile, incluant l'ingénierie et la qualité, les achats et la logistique, ainsi que la coordi-nation de la politique commerciale, marketing et après-vente. Logan est distribuée sous la marque Renault par les réseaux des constructeurs Iran Khodro et Saipa. Avec 68 millions d'habitants, l'Iran possède un marché automobile en forte croissance depuis trois ans. En 2003, il a atteint 700 000 véhicules particu-liers et utilitaires.4 Depuis juin 2007, Nissan commercialise au Mexique la Logan fabriquée au Brésil, sous le nom d’Aprio en remplacement de la Platina. Il compte en vendre 40.000 exemplaires.5 En 2005, Renault et le constructeur indien Mahindra & Mahindra signaient un accord pour créer une so-ciété commune Mahindra Renault Ltd dont Mahindra détient 51% et Renault 49%. Les premiers Logan sortent de l’usine de Nashik en avril 2007. 50 000 unités devraient être fabriquées et vendues chaque an-née sous la marque Mahindra-Renault. Une version conduite à droite de Logan a été développée par Re-nault en partenariat avec Mahindra pour répondre aux attentes du marché indien.

Renault a également décidé de renforcer son partenariat avec Mahindra en créant une usine à Chennai (ex-Madras). Ce nouveau site de production qui pourrait devenir un des plus grands sites indiens de pro-duction automobile fabriquera toute une gamme de produits adaptés aux besoins de la clientèle (véhicules particuliers, SUV, moteurs). Renault, Nissan (qui se joint au projet) et Mahindra investiront 686 millions d’euros sur les sept années qui viennent. Sa capacité installée est fixée à 400 000 unités par an. Renault apportera ses compétences en ingénierie et son savoir-faire industriel, Mahindra sa connaissance appro-fondie du marché indien et du réseau fournisseurs et Nissan son savoir-faire technologique. L’usine de-vrait entrer en service au second semestre 2009 et être un complexe industriel intégrant une usine de pro -duction véhicules et une d'organes mécaniques.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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cia, mais aussi par Renault et bientôt par Nissan. Dans les pays où Dacia est inconnu ou mal apprécié, le badge Renault ou Nissan a été préféré. Les Logan sont alors comptabi-lisées dans les ventes de Renault. Si elles ont été expédiées montées, elles sont néan-moins comptées dans la production de l’usine de Mioveni, mais pas dans celle de Dacia. Si elles ont été expédiées en CKD, elles sont comptées dans la production de l’usine qui les assemblent (Tableau 2). La troisième raison, la plus importante, est la saturation de l’usine de Mioveni plus tôt que prévu (Tableau 3). N’ayant pu acquérir aux conditions souhaitées une usine Daewoo, implantée en Roumanie, mise en vente, Renault a décidé en 2006 d’investir 100 millions d’euros supplémentaires à Mioveni pour porter la capa-cité de production de 235.000 véhicules/an à 350.000.

Tableau 2. Les ventes Logan sous badge Dacia et Renault

Tableau 3. La production de la Logan, tous badges

2004 2005 2006 4 premiers mois 2007

Roumanie, Mioveni 28592 146456 177253Maroc, Casablanca 3977 13034

Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Russie, Moscou 11377 50664 28000Colombie, Envigado 3725 15093Iran 90Brésil, Curitiba 75IndeTotal 28593 165535 256209

Une fois de plus, Renault s’est laissé surprendre par le succès, qui pourtant dans ce cas avait été largement annoncé. D’autres constructeurs ne s’y sont pas trompés. Tata, Volkswagen, Fiat, Toyota, General Motors, Ford ont annoncé qu’ils préparaient un mo-dèle « bas coût ». L’année perdue par Renault est une année gagnée par les concurrents pour avancer leur projet.

Février 2007, un milliard d’euros avaient été investis depuis le début du projet X90 pour le développement des produits (Logan, Logan MCV et Logan Van) et le système industriel (hors investissements capacitaires). À ceux-ci, s’ajoutent 489 millions d’euros pour la rénovation de l’outil industriel de Mioveni (près de Pitesti) en Roumanie et 230 millions pour la construction de l’usine Avtoframos de Moscou. 116 millions d’euros supplémentaires vont être investis dans cette dernière usine pour porter sa capacité à 160 000 unités par an en 2009 1.

3.4. Renault-Samsung, un développement plus lent que prévu

Autant Dacia et Logan ont ouvert à Renault des perspectives qui vont bien au-delà de ce qui était même rêvé, autant Renault Samsung peine à devenir la tête de pont de Renault en Asie. Initialement, il était prévu d’atteindre 150 à 200.000 véhicules et 10 à 15% de part de marché en 2004, et 500.000 en 2010 dont la moitié à l’export. En 2004, les am-bitions ont été ramenées à 350.000 pour 2010, dont toujours la moitié exportée.

En 2005 et 2006, la demande intérieure coréenne redémarre légèrement. RSM re-trouve et dépasse légèrement ces deux années-là son niveau de 2002 et 2003 : 115-119.000. Sa part de marché saute à 12,5%. À la reprise du marché, s’est ajouté le lance-ment de la SM7 en décembre 2004, de la SM5 deuxième génération en février 2005 et de la SM3 restylé en septembre 2005, qui a élargi la clientèle de la génération précé-dente grâce à ses nombreux équipements de sécurité et de confort et à sa nouvelle boîte automatique. En un an, la gamme a donc été renouvelée. Les trois modèles ont acquis dès la première année respectivement 18,4%, 27,6% et à 18,5% de leur segment. La per-formance est notable sur un marché intérieur restant décevant. Les exportations en re-vanche ont commencé tardivement. L’année 2006 est la première année où elles dé-collent vraiment, permettant à Renault Samsung de produire 161.000 unités. La SM5 a été exportée en Russie sous la marque Nissan à 42.000 exemplaires environ.

En 2007, la gamme est complétée par un SUV (véhicules de loisir) de design Renault et Renault Samsung et de conception Nissan. Fabriqué à l’usine de Busan d’une capaci-té de 240.000 véh/an, il doit être commercialisé pour moitié sur le marché coréen sous la marque Renault Samsung et pour moitié dans le reste du monde sous la marque Re-nault. Ses ventes devraient atteindre les 100.000 exemplaires.

1 Renault, communiqué de presse, 6.3.2007.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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3.5. Quelles sont les difficultés de Nissan ?

Un troisième plan (2005-2007), Nissan Value Up, a été lancé début 2005. Ce plan affi-chait trois objectifs : rester parmi les plus profitables des constructeurs automobiles les trois années durant, atteindre les 4,2 millions de véhicules vendus en 2008, obtenir un retour sur capitaux investis (ROIC) de 20% en moyenne sur la durée du plan. Pour y parvenir, Nissan s’était fixé de faire de sa marque de haut de gamme Infiniti une marque reconnue comme tel mondialement, de lancer 28 nouveaux modèles (dont « 10 devaient être de nouveaux concepts automobiles »), offrir et vendre un nombre significatif de vé-hicules utilitaires légers à l’échelle mondiale, faire appel à des fournisseurs localisés dans les « Leading Competitive Countries », étendre et développer enfin la présence de Nissan en Chine, Inde, Thaïlande, Russie, Europe de l’est, Pays du Golfe et en Égypte.

En 2005, la capacité de l’usine moteur d’Iwaki au Japon a été portée à 560.000 uni-tés, et celle de Decherd dans le Tennessee (USA) a été augmentée. Cinq nouveaux mo-dèles sont lancés en Chine : la berline compacte Tiida, le tricorps Tiida, la berline de luxe Fuga, la fourgonette Quest et le coupé sportif 350Z. Le marché chinois est très im-portant pour la réussite du Nissan Value Up. 500.000 ventes y étaient en effet prévues au terme du plan, y compris les véhicules utilitaires badgés Dongfeng.

En février 2006, une nouvelle usine de moteur d’une capacité de 180.000 unités est mise en service à Canton. En avril de la même année, Nissan annonce la construction d’une usine d’assemblage à Saint-Petersbourg en Russie, dont le démarrage est prévu pour 2009. Au cours de 2006, Nissan a développé deux moteurs 6 cylindres en V de nouvelle génération destinés aux véhicules à propulsion dont le moteur est situé à l’avant, « dotés d’une puissance impressionnante et respectueux de l’environnement ». Ils sont fabriqués à Iwaki et équipent les nouvelles Skyline et Infiniti G35. Nissan lance également une Altima hybride sur le marché américain, la berline M en Russie, le Qua-shqai en Europe. L’Égypte doit devenir la base industrielle de Nissan pour tout le Moyen-Orient et le Maghreb. La Thaïlande est d’ores et déjà un lieu de production pour l’exportation, avec la production de la Tiida compacte et tricorps pour l’Australie. Nis-san est maintenant entièrement recentré sur l’automobile, après la vente de Nissan Die-sel à Volvo Trucks, dont Renault est l’actionnaire le plus important 1.

Mais le troisième plan s’exécute dans un contexte moins favorable que les précé-dents : augmentation du prix des matières premières et des sources énergétiques, hausse des taux d’intérêt, croissance faible voir nulle dans les marchés matures. Par ailleurs Nissan a dû accroître ses frais promotionnels. Ses coûts supplémentaires n’ont pu être répercutés sur les prix de vente. Cette situation nouvelle a coïncidé avec un creux dans le lancement de nouveaux produits.

Les ventes mondiales de Nissan baisse en 2006, de même que la marge opération-nelle (qui se situe tout de même au niveau enviable de 7%). La Direction reconnaît qu’il sera difficile d’atteindre tous les objectifs. Elle en appelle à une réalisation du plan d’au-tant plus soutenue et rapide. Face à ces difficultés, elle affirme vouloir ne rien cacher et faire de la transparence un outil pour les surmonter. Des mesures additionnelles ont été prises : atteindre 25% d’approvisionnement dans les pays à bas coûts en 2007, restructu-rer plus rapidement le réseau de vente au Japon, passer à une équipe dans les usines de Oppama et de Tochigi, restructurer l’usine de Shataï, mettre en œuvre un programme de

1 Considérant que Nissan Diesel avait été redressé et qu’il ne constituait pas une participation stratégique, Renault a cédé en mars 2005 les 17,88% du capital qu’il possédait à J.P. Morgan Securities qui devait s’employer à son tour à vendre les titres sur le marché. Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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retraite anticipée volontaire au Japon, de départs volontaires aux Etats-Unis, transformer le réseau de vente en Europe, restructurer l’usine sud-africaine.

Le plan se décline en différents objectifs à tous les niveaux de l’entreprise, jusqu’à l’individu, qui ne pourra exercer ses droits d’achats d’options préférentiels que s’il a at-teint ses objectifs : « This way, the interests of shareholders and employees are closely aligned » 1.

Conclusion. L’Alliance est-elle en train de rendre compatible innovation concep-tuelle et commonalisation, ou bien ne fait-elle qu’inventer une nouvelle façon de combiner volume et diversité ?

En conclusion de notre précédent article sur la trajectoire de Renault (Freyssenet, 2003), nous écrivions que, compte tenu de leur différence initiale de stratégie de profit, il n’y avait « pour Renault et Nissan que trois hypothèses. Première hypothèse: les deux constructeurs se partagent les rôles. À Nissan la gamme classique, fortement rationali-sée à partir d’un nombre réduit de plates-formes, répondant à la demande des couches de la population qui demeurent stabilisées et modérément hiérarchisées. À Renault les modèles innovants, correspondant aux couches sociales nouvelles, éprises de différen-ciations en matière de consommation. À eux deux, ils couvriraient ainsi les deux types de demande, qui font aujourd’hui l’essentiel du marché. Mais où seraient dans cette hy-pothèse les synergies qui justifieraient une “alliance” aussi coûteuse en moyens finan-ciers et humains?

« La deuxième hypothèse serait l’adoption par les deux constructeurs de la même stratégie: c’est-à-dire, soit l’adoption de la stratégie “innovation et flexibilité” de Re-nault par Nissan, soit l’adoption de la stratégie “volume et flexibilité” de Nissan par Renault. Dans cette hypothèse, l’alliance serait pleinement justifiée. Mais si Nissan se rallie à la stratégie “innovation et flexibilité”, il aura à affronter directement sur ses marchés Honda qui prospère dans cette voie depuis longtemps. Si Renault revient à la stratégie “volume et diversité”, il entrera à nouveau en concurrence directe avec Volks-wagen et PSA qui ont pris de bonnes longueurs d’avance, et avec Fiat-Opel si leur al-liance réussit .

« Reste une troisième voie, qui consisterait à dépasser les incompatibilités structu-relles de leurs stratégies de profit respectives. Il s’agirait de rendre possible au niveau de la conception des produits la mise en commun de pièces entre modèles classiques et modèles innovants destinés à des marchés qui sont loin de s’homogénéiser, et de rendre compatibles au niveau de la production la régularité des flux et la reconvertibilité des outils et des personnes. Il s’agirait ni plus ni moins que d’inventer une nouvelle archi-tecture de l’automobile et un nouveau modèle socio-productif. La révolution à effectuer est aussi importante que celle réalisée par General Motors dans les années vingt et trente lorsqu’il a rendu compatibles le volume et la diversité en concevant des plates-formes communes à des modèles de voitures économiquement et socialement proches et un système de production lui assurant la polyvalence nécessaire des équipements et des salariés ».

L’Alliance s’est clairement inscrite au départ dans une perspective de « volume et di-versité » en faisant de la commonalisation de ses plates-formes, moteurs et boîtes de vi-tesse un moyen majeur pour réaliser les économies attendues. L’expérience a montré 1 Nissan Annual Report 2005, p.3.Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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que les plates-formes communes B 1 et C 2 n’avaient pas été simples à définir et à déci-der. Si l’Alliance vise toujours à réduire le nombre de ses plates-formes à dix, il n’en y aura pas d’autres communes 3. La notion de « composants interchangeables » tend au-jourd’hui à prendre le pas sur celle de plate-forme. Plutôt que créer de nouvelles plates-formes communes, finalement très contraignantes pour les concepteurs des modèles, la commonalisation se porte sur la définition de composants interchangeables entre plu-sieurs plates-formes, grâce à la standardisation des interfaces. Cette nouvelle approche est « basée sur une analyse fonctionnelle des besoins des clients et sur une gestion de l’interface entre composants et véhicules. Elle se traduira par différents degrés de com-monalité pour chaque composant, permettant une différenciation des véhicules avec une flexibilité accrue tout en répondant à l’objectif de réduction des coûts et d’amélioration de la qualité » 4. Selon le constructeur, les composants interchangeables représente-raient environ 50 % du coût d’un véhicule. « L’économie attendue devrait s’élever à 500 millions d’euros par an d’ici à 2010. Le potentiel de la politique des composants interchangeables va bien au-delà de celui des plates-formes communes. Cette politique garantit des pièces de base, même en l’absence de plate-forme commune, et permet une meilleure différenciation des véhicules et du marché. Il s’agit d’un domaine clé permet-tant à Renault et à Nissan de mieux répondre aux besoins des clients aux niveaux local et régional. Les deux entreprises standardisent les pièces autant que possible en utili-sant des fournisseurs communs, gérés par Renault-Nissan Purchasing Organization (RNPO). Elle permet le partage des composants non seulement sur une même plate-forme, mais également entre plates-formes et régions. Elle permet enfin à Renault et à Nissan de fabriquer des véhicules différents sur une même ligne de montage avec une efficacité accrue. Un tel niveau de standardisation et de partage ne peut être atteint que dans le cadre d’un partenariat à long terme » 5.

Renault et Nissan seraient-il sur la voie permettant de rendre compatibles innovation conceptuelle et commonalisation, ou ne font-ils qu’inventer une autre façon, aujourd’hui possible, de combiner volume et diversité ? Sont-ils en train de trouver cette nouvelle architecture automobile que nous évoquions ? Tout dépendra du degré de liberté que laissera la « politique des composants interchangeables » pour concevoir aussi des mo-dèles conceptuellement innovants.

Un autre choix irait conforterait la première hypothèse, même si celle-ci n’est mani-festement pas clairement pensée et formulée par les dirigeants. Les deux constructeurs semblent abandonner la politique d’ « un modèle-une usine », à l’origine de surcapacités coûteuses en cas d’échec de modèles, comme on l’a vu précédemment. Sont en cours de conception des process permettant de produire des modèles ne partageant pas éventuel-lement la même plate-forme.

Bibliographie

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60

Renault 1945-2006Production, effectifs, chiffre d’affaires, résultat net, investissements

Année Production (véhicules particuliers et petits utilitaires)

Effectifs(2)

Chiffre d'affaires(3)

Résultat net(3)

Investissements(3)

mondiale domestique dont ex-portée

(1)

à l'étranger(1)

mondiaux, Groupe Renault

mondiaux, branche

automobile

France (4), branche

automobile

mondial, Groupe Renault

mondial, branche

automobile

France (4), branche

automobile

mondial, Groupe Renault

France (4), branche

automobile

mondial, branche

automobile

France (4), branche

automobile1945 12 036 12 036 23 250 36 1

1946 28 842 28 842 12 614 29 050 77 7

1947 44 484 44 484 26 059 36 471 123 21

1948 65 317 65 317 26 375 39 770 305 19

1949 106 079 106 079 37 658 44 233 474 30

1950 131 903 131 903 46 590 48 519 570 46

1951 163 944 163 944 48 316 52 470 959 85

1952 169 543 169 543 36 437 52 138 1 178 90

1953 160 102 160 102 39 830 50 337 1 151 41

1954 198 932 198 932 52 078 50 400 1 338 38

1955 219 622 219 622 64 887 52 235 1 424 87

1956 264 044 259 825 68 868 4 219 57 467 1 696 85

1957 317 443 313 425 112 744 4 018 58 981 2 162 133

1958 409 185 405 436 165 947 3 749 62 010 2 532 178

1959 494 160 487 044 297 287 7 116 65 657 3 131 198

1960 542 927 521 969 276 563 20 958 61432 3 227 184

1961 393 163 353 218 183 970 39 945 58 313 2 962 237

1962 565 555 536 955 229 949 28 600 65 036 3 703 179

1963 668 867 639 797 219 514 29 070 63 575 4 438 158

1964 551 755 497 555 164 058 54 200 58 899 4 268 275

1965 590 431 551 904 226 305 38 527 62 902 4 536 240

1966 737 979 648 354 243 566 89 625 66 171 5 534 310

1967 777 468 695 148 295 586 82 050 66 882 5 886 22 552

1968 807 407 714 314 339 635 93 093 76 060 6 468 20 542

1969 1 009 372 898 486 415 211 110 886 86 348 8 539 151 899

Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

61

1970 1 159 745 1 040 112 561 006 119 633 97 261 10 674 5 1336

1971 1 174 314 1 040 321 527 181 133 993 98 091 10 078 -197 1183

1972 1 318 327 1 155 507 549 777 162 820 100 001 12 087 74 964

1973 1 414 563 1 209 342 604 034 205 221 175 000 101 415 20 659 13 777 57 815Année Production

(véhicules particuliers et petits utilitaires)Effectifs

(2)Chiffre d'affaires

(3)Résultat net

(3)Investissements

(3)mondiale domestique dont

exportée(1)

à l'étranger(1)

mondiaux, Groupe Renault

mondiaux, branche

automobile

France (4), branche

automobile

mondial, Groupe Renault

mondial, branche

automobile

France (4), branche

automobile

mondial, Groupe Renault

France (4), branche

automobile

mondial, branche

automobile

France (4), branche

automobile1974 1 487 528 1 291 196 649 044 196 332 185 436 100 478 25 674 16 173 36 1 223

1975 1 391 948 1 128 972 562 707 262 976 222 436 156 846 103 614 33 539 18 264 -551 2 153

1976 1 659 973 1 365 442 640 905 294 531 241 259 163 663 110 406 44 351 31 286 25 778 579 610 1 763

1977 1 737 707 1 398 550 624 106 339 157 243 456 170 632 110 485 48 589 34 321 28 696 -111 12 2 373

1978 1 718 398 1 372 084 613 927 346 314 239 447 167 229 108 586 56 215 39 770 34 011 -102 158 2 286

1979 1 899 470 1 544 995 730 771 354 475 233 408 169 794 106 740 68 535 49 850 42 185 1 016 470 2 786

1980 1 999 591 1 659 099 760 879 340 492 223 450 164 461 105 319 80 118 58 006 49 864 638 303 5 442 4 733

1981 1 764 702 1 479 691 640 156 285 011 215 844 157 402 103 613 87 971 63 669 53 620 -690 -875 6 345 4 555

1982 1 921 307 1 674 416 757 954 246 891 217 269 152 202 103 759 104 145 76 272 65 752 -1 281 -2 563 6 331 3 524

1983 2 035 133 1 842 801 979 425 192 332 219 805 161 643 102 528 110 274 82 271 73 560 -1 576 -1 875 8 043 3 941

1984 1 740 737 1 607 441 887 177 138 264 213 725 157 696 98 153 117 584 85 379 72 105 -12 555 -11 324 7 872 3 938

1985 1 637 634 1 499 979 881 149 137 636 196 414 144 961 86 122 122 138 89 634 72 644 -10 897 -11 241 6 209 2 762

1986 1 754 332 1 537 123 779 867 217 209 196 731 139 313 79 191 131 060 101 824 82 992 -5 847 -7 355 4 141 1 786

1987 1 831 390 1 612 146 809 589 219 244 188 936 136 646 75 911 147 510 114 375 93 333 3 254 2 314 5 170 3 090

1988 1 850 667 1 630 786 807 739 219 876 178 665 135 010 71 898 161 438 123 495 99 802 8 834 7 316 6 197 4 002

1989 1 966 724 1 717 279 837 608 249 445 174 573 129 699 70 720 174 477 135 717 113 731 9 289 6 932 8 703 5 146

1990 1 776 717 1 571 264 784 112 205 184 157 378 114 516 68 713 163 620 129 230 110 694 1 210 1 223 8 847 6 013

1991 1 790 709 1 587 787 829 298 202 922 147 185 106 232 63 644 171 502 133 206 112 297 3 078 2 467 8 303 6 624

1992 2 041 829 1 777 401 987 932 264 428 146 604 106 912 61 075 184 252 143 387 129 972 5 680 3 251 10 347 5 540

1993 1 713 633 1 459 188 817 788 254 445 139 932 103 148 60 608 169 789 130 179 116 776 1 071 -5 225 9 173 5 378

1994 1 850 267 1 618 831 923 485 231 436 138 279 102358 59 346 178 537 135 506 130 875 3 636 1 463 12 188 7 337

1995 1 761 643 1 610 216 900 077 151 427 139 950 102 213 59 264 184 065 136 444 132 050 2 139 944 12 610 7 900

1996 1 741 161 1 602 632 961 940 138 529 140 905 111 523 58 528 184 078 145 962 135 658 -5 266 -190 13 5501997 1 867 619 1 121 970 745 649 141 315 112 178 47 773 207 912 165 788 159 232 5 427 4 135 12 875

Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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1998 2 197 395 1 373 936 823 459 138 321 109 409 45 758 243 934 195 077 182 096 8 847 5 990 12 366 4 1291999 2 257 918 1 376 707 881 211 159 608 131 261 44 584 249 483 197 062 193 753 3 506 4 434 13 619 4 4082000 2 427 178 1 407 717 1 019 461 166 114 136 574 45 942 263 534 206 548 202 495 7 082 9 540 15 606 5 457

2001 (a) 2 375 084 1 412 577 962 566 140 417 133 111 47 515 36 351 33 841 1 051 2 9152002 (b) 2 343 954 1 344 847 999 107 132 351 128 934 48 086 36 336 34 456 1 956 2 6282003 (c) 2 385 079 1 283 115 1 101 964 130 740 127 531 49 005 37 525 35 535 2 480 2 5332004 (d) 2 471 676 1 310 497 1 107 179 124 277 43 929 40 292 38 426 2 903 3 199

20052006

2 515 7282 385 090

1 268 2591 062 851

1 247 4691 322 239

126 584128 893

44 14342 018

41 33841 528

39 45839 605

3 4532 869

2 8793 585

Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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Élaboration: Freyssenet M., Sources: Rapports annuels, Renault.

Notes : (1) Les exportations comprennent les véhicules complètement en pièces détachées (CKD), à l'exclusion des « petites collections », correspondant aux véhicules « fabriqués à l'étranger ». À partir de 1997, Renault ne donne plus ses exportations. Il donne seulement les véhicules assemblés en France et les véhicules assemblés à l'étranger, quelle que soit l'origine des pièces. À partir de 2000, la production de Dacia est incluse. Celle de Renault Samsung l’est à partir de septembre de la même année. (2) Les effectifs sont les effectifs au 31 décembre de l'année, y compris les salariés à contrat temporaire.(3) Le chiffre d'affaires, le résultat net et les investissements sont en millions de francs. Le chiffre d’affaires est hors taxes à partir de 1971. En euros à partir de 2001.(4). Les effectifs, le chiffre d'affaires et le résultat net France et les investissements sont ceux de la RNUR (Régie Nationale des Usines Renault), puis de Renault SA, enfin de Renault sas.

(a) Avec la cession de Renault Véhicules Industriels, le CA issu des Véhicules Industriels disparaît. (b) Cession de la CAT, consolidation de la branche Financement des ventes à 50%au lieu de 100%, ces-sion d’Irisbus. Les investissements sont hors 1AS 38 (immobilisation des frais de développement) pour permettre la comparaison avec 2001. Avec = 3265.(c) intégration globale de la filiale russe Aftovramos à partir du 1.1, et déconsolidation de Renault Agri -culture depuis 30.04, après cession de 51% à la société Class(d) À partir de 2004, les effectifs sont hors CASA (Cession d’Activité des Salariés Agés), alors qu’ils étaient inclus les années précédentes.

Freyssenet M., Renault 1992-2007, Mondialisation et quelques doutes, Proceedings of Fifteenth GERPISA International Colloquium, "What have we learned about the dynamics of automobile firms and systems over the past 15 years ?", Paris, 20-22 june 2007. Éditions numériques, gerpisa.univ-evry.fr, 2007, Ko; freyssenet.com, 2007, 1 Mo, ISSN 7116-0941.

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