1885 - le franc maçon n°6 - samedi 31 octobre au samedi 7 novembre 1885 - 1ère année.pdf

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Première Année. 6. Le Numéro : ± O Centimes. Du Samedi 31 Octobre au Samedi 7 Novembre 1885 Liberté _E! galité Fraternité Travail SolicLairité Justice Paraissant le Samedi Bien penser 33 ien ci i ~r e Bien faire Vérité X-i u. m. i è 3? e Humanité ABONNEMENTS Six mois 4 fr. 50 Un an 6 fr. Etranger. Le port en sus Recouvrement par la poste, 50 c. en plus. Adresser les demandes et émois de fonds au Trcsericr-Aduiinistrateur. Botte, rue Ferrandière, 52 RÉDACTION & ADMINISTRATION Adresser tout ce qui concerne la Rédaction et l'Administration, 52, rue Ferrandière, 52 S L-5T03ST SPARIS Vente en gros et abonnements, Agence de librairie PERINET, 9, rue du Croissant - PARIS ANNONCES Les Annonces sont reçues à l'Agence V. FOURNTER & C ie 14, rue Confort, 14 et aii Bureau d.\i Journal Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus AVIS Dès aujourd'hui, le Franc-Maçon est mis en vente à PARIS Agence de librairie PÉRINET, 9, rue du Crois- sant. Les abonnements sont reçus à la même adresse, 9, rue du Croissant, Paris. Notre journal est également mis en vente dans les bi- bliothèques, des gares. On le trouve notamment à PARIS- ORLÉANS. SAINT-LAZARE, NORD ; TARASCON, NÎMES, Lyon- BROTTEAUX, PERRACHE, SAINT-CLAIR, etc. Sous peu, nous étendrons ce service à de nouvelles gares. Par suite d'une nouvelle décision, le jour- nal étant mis en vente dès le jeudi matin, toutes les communications doivent nous par- venir le lundi au plus tard pour être insérées dans le numéro de la semaine. Notre prochain numéro contiendra le pre- mier article d'une attachante série que nous allons publier sur LA CONFESSION AURICULAIRE SES ORIGINES ANTI-RELIGIEUSES, ANTI-CATHOLIQUES ET SES RÉSULTATS soivr^r^-ii^E] Fêtes et Conférences. MM. Anatole de la Forge et A. Dide. Conférence de Villefranche. Esprits des Morts et des Vivants. Les Femmes et le société moderne. Les Taxes de la Chancellerie apostolique. Les Mystères maçonniques. Catholique et Radical. Vieux documents. Revue des Théâtros. Correspon- dance. Petite Tribune du Travail. FÊTES ET CONFÉRENCES Parmi les fêtes et conférences maçonni- ques, il en est quelques-unes nous entre- bâillons nos portes aux visiteurs du dehors. Chacun de nous y peut amener des membres de sa famille, et quand la solennité prend un caractère public soit par l'importance du conférencier, soit parle sujet de la confé- rence, des invitations spéciales sont adres- sées à de nombreuses personnes qui ne sont reçues dans les loges qu*à titre d'honorables et sympathiques visiteurs. Telle a été la fête célébrée à Villefranche le 25 octobre et dont nous publions plus loin le compte rendu en même temps que nous reproduisons in extenso> la conférence de M. le député Burdeau. Nous sommes heureux d'inaugurer par une page de cette valeur la série des comptes rendus que nous nous proposons de faire de toute solennité maçonnique dont la divulgation soit permise. Nous ac- cueillerons avec empressement les docu- ments de toute nature qui nous seront communiqués sur les discours, conférences, fêtes et cérémonies nos idées, nos théo- ries, nos doctrines, notre enseignement mutuel se seront fait publiquement enten- dre. Nous voudrions que le Franc-Maçon devint le grand écho qui répétera au loin les paroles depaix, de justice, de fraternité, de tolérance prononcées devant un audi- toire forcément restreint. Nous réaliserons aussi ce double but : servir de trait d t union entre les maçons de toutes les loges des pays de langue fran- çaise, aider la parole des hommes éminents que nous sommes fiers de compter parmi nous, à retentir jusque dans la plus modeste bourgade, d'humbles soldats de la fra- ternité tolérante l'accueilleraient comme une savoureuse nourriture de l'esprit et du cœur ; enfin, montrer aux adversaires, aux sceptiques, aux indifférents, aux igno- rants surtout, quelles sont nos préoccupa- tions, quelles sont nos idées quel est l'esprit qui nous anime. Nous nous adressons à vous tous, amis inconnus, qui vous intéressez à notre œu- vre, comprenez son utilité, son but et voyez quel bien elle peut accomplir et quel travail elle peut faire dans le vaste champ des idées humaines : Chaque fois que nos rites le permettront, faites nous part des fêtes publiques, des banquets, des confé- rences qui auront été une bonne journée pour la maçonnerie ; nous accueillerons vos comptes rendus, nous reproduirons le texte de vos discours et de vos allocutions et vous nous aurez aidés à appliquer le vieil adage : « Criez, criez fort, afin que vous soyez entendus. » il DE LA FORGE t A. DIDE Nos lecteurs savent déjà que MM. Anatole de la Forge et A. Dide sont allés à Ljon, aider de tout leur talent et de tout leur dévouement au succès de l'œuvre de la Société de retraite pour la vieillesse. Pendant leur séjour dans notre ville, nous avons eu la bonne fortune de causer avec ces deux éminents interlocuteurs, du Franc-Maçon, de son utilité, de son but. On connait notre programme : Réfuter d'abord les erreurs propagées contre la Franc-Maçonnerie par ceux qui ne la connaissent pas et se gardent bien de chercher à la connaître ; prouver ensuite que les défiances qu'une fraction démocratique avancée conserve contre nous, sont absolument injustifiées, et montrer à ce point de vue la solidarité étroite, au point de vue des idées, des doctrines, du but, presque des per- sonnes, qui existe entre la Maçonnerie et la dé- mocratie. Elles sont de même origine et de même allure, et sont l'une pour l'autre des alliées nécessaires. Après ces explications, MM. de la Forge et Dide ont bien voulu nous donner l'assurance la plus positive de leur communauté d'idées avec nous, nous promettre un appui cordial et fra- ternel. Nous ne pouvons nieux faire d'ailleurs qu'en publiant ces quelques lignes, que M. A. Dide, l'éloquent et sympathique sénateur du Gard, a bien voulu nous adresser, réservant pour le nu- méro suivant une lettre promise de M. delaForge. Lyon, 27 octobre. Très chers amis, Il faut organiser l'union des hérésies intelligentes contre la. coalition des orthodoxies intolérames. Le Franc-Maçon travaille à l'accomplissement de cette œuvre excellente : permettez-moi d être avec lui et de devenir son collaborateur. La Franc-Maçonnerie qui a tant fait pour la Révo- lution française se doit à elle-même et doit à l'huma- nité de se mêler activement à la préparation du glorieux centenaire que nous célébrerons en 1889. Agissez dans ce sens. Ejivez, parlez, enseignez. Et si vous jugez que ma parole peut vous être utile faites moi signe et je viendrai. A vous cordialement. AUGUSTE DIDE. Sénateur du Gard. « Nous reviendrons, dans notre prochain nu- méro, sur cette entrevue à l'occasion d'un point particulier de la conversation de M. A. Dide, de nature à intéresser vivement nos lecteurs républicains qui pensent qu'on ne saurait célébrer trop dignement, sans distinction de nuances, le grand et glorieux centenaire de la Révolution française. La Conférence de Villefranche Dimanche dernier, la loge la Fraternité-Pro- gressive de Villefranche célébrait avec le précieux concours de M. Burdeau, le jeune et sympathique député du Rhône, sa fête solsticiale. On avait bien voulu nous convier à cette reunion de famille. Un grand nombre d'invitées et d'in- vités s'étaient rendus à cette fête maçonnique,^pen- dant laquelle la plus grande cordialité n'a cessé de régner et qui devait être suivie d'un banquet se sont retrouvés, pour l'applaudir encore, tous les auditeurs de réminent conférencier. Après une chaleureuse allocution de M. Jugy, président, accueillie par des applaudissements unanimes, M Aug. Burdeau aborde le sujet tout d'actualité choisi par lui : la Révocation de l Edit de Nantes. Pendant près de deux heures il a tenu sous le charme de sa parole élégante et facile sa nombreuse assistance émue et indignée. Nous avons pensé que ceux de nos lecteurs qui n'ont pu l'entendre, que ceux même que le désir d'apprendre avait attirés à Villefranche, nous sau- raient gré de placer sous leurs yeux cette étude sincère et approfondie, faite par un homme com- pétent à l'aide de documents peu connus ou inédits. Nous tâchons donc de reproduire en son entier, à peu près textuellement, telle du moins que nous avons pu la recueillir, cette brillante page d'histoire. LA RÉVOCATION DE L'ÉDIÏ DE NANTES Mesdames, mes chers Concitoyens, Si j'étais dans un autre milieu, j'aurais besoin de solliciter une grande indulgence, motivée par mon état de fatigue. Ici j'en ai eu des preuves certaines elle m'ebt tout acquise d'avance, aussi ne me laisserai-je pas attarder par des excuses. Le 22 octobre 1685, il y a eu jeudi dernier deux cents ans, il s'est passé en France un événement sur lequel il est bon de reporter de temps en temps son attention. Le Parlement de Paris enregistrait un édit du roi Louis XIV, concernant la situation des pro- testants en France. De ce même jour commença une persécution au cours de h quelle 10 000 protes- tants, hommes, femmes, enfants, vieillards, furent massacrés ;• 50,000 périrent en prison, dans des culs de basse fos*e, sur les galères; 300,000 réduits à s'ex- patrier lais èrent derrière eux leurs biens, leurs familles : à travers des obstacles et des périls inouïs, ils allèrent portera l'étranger, chez toutes les natior^j.' ennemies, leur- talents, leur science, leur industrie?' et parfois les débris de leurs richesses ; enfin tout u million d'hommes, pendant une période d'un siècle; que seule la Révolution française devait termin ~ vécurent sous une oppression sans exemple Ai l'humanité, n'ayant ledroit ni de croire ce qu'ils vou- laient, ni de naître, ni de se marier, ni d'élever leu 3s 1G Feuilleton du "FRANC-MAÇON" (5) LE MARIAGE D'UN FRANC-MAÇON (Suite) Et Jacques commença son aveu. Depuis de longs mois il avait senti peser sur lui le regard de M Ue Lebonnard. Ce regard l'en- veloppait , le pénétrait. D'abord il en avait éprouvé comme une sorte de fatigue- Cette bella fille blonde, il la devinait derrière lui, autour de lui, elle lui faisait l'effet de ces magnétiseurs qui agissent de loin sur leur sujet, commandant aux nerfs et à la volonté. Peu à peu cette obsession avait changé de caractère. Ce n'était plus de la gêne, ce n'était plus de la contrainte. La fatigue devenait un bien-être étrange. Puis il s'était pris d'un besoin affolé de se sentir dans l'atmo- sphère de cette charmante créature. Il ne vivait plus, il n'agissait plus que sous l'influence de cette unique pensée : Voir Louise, lui parler, 1 entendre. Il ne songeait pas d'abord à cette folie ambitieuse : se faire aimer d'elle. Mais il avait bien fallu ouvrir les yeux à l'évidence. Jacques n'était ni présomptueux, ni fat. Et quand il vit rougir et pâlir celle qu'il adorait, quand il comprit que le trouble de cette enfant c'était l'éclo- sion d'un cœur, il se sentit pris d'une joie immense et d'une folle terreur ! Q'allait-il faire ? Il était honnête et loyal, et jamais ilne chercherait à abuser de cette pureté candide qui allait à lui, ignorante et confiante. Alors c'était le mariage ou l'éloignement, pas d'autre solution. Partir ou épouser. Epouser ! M. Lebonnard, si riche, si fier, si sévère, le chas- serait infailliblement à la première phrase de son aveu. Alors partir tout de suite. Partir et laisser tout son bonheur, toute sa joie, tout ce rêve d'amour ! Partir, quand deux yeux ado- rés semblaient chaque jour lui redire plus ten- drement : Reste auprès de celle qui t'aime ! Voilà quelle était la situation. Pas rigolo, mon pauvre vieux, déclarait Gonnet avec une mine des plus rembrunies, pas rigolo du tout, Ah ! je suis désespéré. Et encore si je ne savais pas que mon absence la fera souffrir, elle que je voudrais voir heureuse au prix de ma vie ! Voilà ce que c'est d'aller brouter dans des râteliers en similor : On s'y casse les dents. Et cependant, mon camarade, il n'y a pas à hésiter. La position est intenable. Il faut montrer du cou- rage. Tu iras demain trouver le père Lebonnard. Tu lui raconteras une histoire de brigand, tu lui diras que tu veux t'établir ailleurs, que tu as une place toute prête, tu lui feras le boniment que tu voudras, mais n'y reste pas un jour de plus. Ce serait déloyal et bête. Cet homme qui t'a fait ce que tu es, qui t'a appris ce que tu sais, qui, en somme, te traite cordialement, qui a eu con- fiance en toi, tu ne dois pas le remercier en jetant le trouble dans sa maison. Et comme d'un autre côté tu as autant de chance de devenir son gendre que moi de passer chef d'orchestre du Grand-Théâtre, plus tu resteras, plus tu souffriras. Donc, c'est entendu, n'est-ce pas ? C'est entendu, demain. En arrivant au magasin. En arrivant. Et la nuit s'était avancé, le jour avait paru, et le moment terrible était arrivé. C'est à neuf heures du matin que M. Lebonnard faisait sa première apparition dans ses magasins. Il passait d'abord dans la salle les employés aux écritures étaient depuis une heure à la besogne, il jetait un coup-d'œil sur le mémoran- dum de la journée, et il entrait dans son cabinet pour dépouiller sa correspondance. Il était à peine installé à son bureau d'acajou, le couteau à papier à la main, prêt à couper pro- prement les grandes enveloppes jaunes, lorsque Jacques entra. Le pauvre garçon avait le cœur bien oppressé, lorsque, d'une voix un peu tremblante, il demanda à son patron un moment d'entretien. Parlez, mon cher ami. Monsieur, je viens.... je prends la liberté... je dois vous informer... Diable, il parait que c'est difficile à dire. Croyez, Monsieur, que je suis plein de reconnaissance pour les bontés que vous avez eues pour moi. Je n'oublierai jamais ce que je vous dois. Mais... Mais je suis dans la nécessité de quitte votre maison. Vous dites?. .. Et le fauteuil du négocia^ fit un brusque demi-tour, pendant que celui- e regardait son interlocuteur avec une surprise «„ milieu de laquelle, si Jacques avait bien regardé, il aurait vu percer comme une sorte de sourire mystérieux. Mais Jacques ne pensait guère à scruter le visage de M. Lebonnard. Il avait baissé les yeux et il se préparait à lutter contre son patron et contre lui-même. Ma résolution est irrévocable. On m'a fait des propositions pour l'étranger, ma famille les a acceptées. Je dois partir demain. C'est donc bien beau, ce qu'on vous offre ? C'est magnifique. ./ Vous me dites dites cela d'un drôW- ;|e ton.' Sije vous offrais les mêmes avantages? Je refuserais, Monsieur, je suis engagé. Mais sije dépassais ces offres? Je refuserais aussi, -s'écrie désespérr'"' Jacques. Je ne veux pas revenir sur ma r mination. Mais savez-vous, monsieur Mignb? votre conduite est au moins étonnante. Br ment, sans me prévenir, vous quittez ma m'a. comme si vous aviez à vous plaindre de moi,, ck nous, de quelqu'un. Ah ! Monsieur, ne le croyez pas ! Alors, pourquoi cette soudaine détermi- nation ? A suivre.

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Première Année. — N° 6. Le Numéro : ± O Centimes. Du Samedi 31 Octobre au Samedi 7 Novembre 1885

Liberté

_E! galité

Fraternité

Travail

SolicLairité

JusticeParaissant le Samedi

Bien penser

33 ien ci i ~r e

Bien faire

Vérité

X-i u. m. i è 3? e

Humanité

ABONNEMENTSSix mois 4 fr. 50 — Un an 6 fr.

Etranger. Le port en susRecouvrement par la poste, 50 c. en plus.

Adresser les demandes et émois de fonds au Trcsericr-Aduiinistrateur. Botte, rue Ferrandière, 52

RÉDACTION & ADMINISTRATIONAdresser tout ce qui concerne la Rédaction et l'Administration, 52, rue Ferrandière, 52

——S L-5T03ST S——

PARIS — Vente en gros et abonnements, Agence de librairie PERINET, 9, rue du Croissant - PARIS

ANNONCESLes Annonces sont reçues à l'Agence V. FOURNTER & Cie

14, rue Confort, 14et aii Bureau d.\i Journal

Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus

AVISDès aujourd'hui, le Franc-Maçon est mis en

vente à

PARISAgence de librairie PÉRINET, 9, rue du Crois-

sant. Les abonnements sont reçus à la même

adresse, 9, rue du Croissant, Paris.

Notre journal est également mis en vente dans les bi-bliothèques, des gares. On le trouve notamment à PARIS-ORLÉANS. SAINT-LAZARE, NORD ; TARASCON, NÎMES, Lyon-BROTTEAUX, PERRACHE, SAINT-CLAIR, etc.

Sous peu, nous étendrons ce service à de nouvellesgares.

Par suite d'une nouvelle décision, le jour-

nal étant mis en vente dès le jeudi matin,

toutes les communications doivent nous par-

venir le lundi au plus tard pour être insérées

dans le numéro de la semaine.

Notre prochain numéro contiendra le pre-

mier article d'une attachante série que nous

allons publier sur

LA CONFESSION AURICULAIRESES ORIGINES ANTI-RELIGIEUSES, ANTI-CATHOLIQUES

ET SES RÉSULTATS

soivr^r^-ii^E]

Fêtes et Conférences. — MM. Anatole de la Forge et A.

Dide. — Conférence de Villefranche. — Esprits des

Morts et des Vivants. — Les Femmes et le société

moderne. — Les Taxes de la Chancellerie apostolique.

Les Mystères maçonniques. — Catholique et Radical.

Vieux documents. — Revue des Théâtros. — Correspon-

dance. — Petite Tribune du Travail.

FÊTES ET CONFÉRENCES

Parmi les fêtes et conférences maçonni-ques, il en est quelques-unes où nous entre-bâillons nos portes aux visiteurs du dehors.Chacun de nous y peut amener des membresde sa famille, et quand la solennité prendun caractère public soit par l'importance duconférencier, soit parle sujet de la confé-rence, des invitations spéciales sont adres-sées à de nombreuses personnes qui ne sontreçues dans les loges qu*à titre d'honorableset sympathiques visiteurs.

Telle a été la fête célébrée à Villefranche

le 25 octobre et dont nous publions plus loinle compte rendu en même temps que nousreproduisons in extenso> la conférence deM. le député Burdeau.

Nous sommes heureux d'inaugurer parune page de cette valeur la série descomptes rendus que nous nous proposonsde faire de toute solennité maçonniquedont la divulgation soit permise. Nous ac-cueillerons avec empressement les docu-ments de toute nature qui nous serontcommuniqués sur les discours, conférences,fêtes et cérémonies où nos idées, nos théo-ries, nos doctrines, notre enseignementmutuel se seront fait publiquement enten-dre. Nous voudrions que le Franc-Maçondevint le grand écho qui répétera au loinles paroles depaix, de justice, de fraternité,de tolérance prononcées devant un audi-toire forcément restreint.

Nous réaliserons aussi ce double but :servir de trait d tunion entre les maçons detoutes les loges des pays de langue fran-çaise, aider la parole des hommes éminentsque nous sommes fiers de compter parminous, à retentir jusque dans la plus modestebourgade, où d'humbles soldats de la fra-ternité tolérante l'accueilleraient commeune savoureuse nourriture de l'esprit et ducœur ; — enfin, montrer aux adversaires,aux sceptiques, aux indifférents, aux igno-rants surtout, quelles sont nos préoccupa-tions, quelles sont nos idées — quel estl'esprit qui nous anime.

Nous nous adressons à vous tous, amisinconnus, qui vous intéressez à notre œu-vre, comprenez son utilité, son but etvoyez quel bien elle peut accomplir et queltravail elle peut faire dans le vaste champdes idées humaines : Chaque fois que nosrites le permettront, faites nous part desfêtes publiques, des banquets, des confé-rences qui auront été une bonne journéepour la maçonnerie ; nous accueilleronsvos comptes rendus, nous reproduirons letexte de vos discours et de vos allocutionset vous nous aurez aidés à appliquer levieil adage :

« Criez, criez fort, afin que vous soyezentendus. »

il DE LA FORGE t A. DIDE

Nos lecteurs savent déjà que MM. Anatole de

la Forge et A. Dide sont allés à Ljon, aider de

tout leur talent et de tout leur dévouement au

succès de l'œuvre de la Société de retraite pour

la vieillesse.

Pendant leur séjour dans notre ville, nous

avons eu la bonne fortune de causer avec ces

deux éminents interlocuteurs, du Franc-Maçon,

de son utilité, de son but.

On connait notre programme :

Réfuter d'abord les erreurs propagées contre la

Franc-Maçonnerie par ceux qui ne la connaissent

pas et se gardent bien de chercher à la connaître ;

prouver ensuite que les défiances qu'une fraction

démocratique avancée conserve contre nous, sont

absolument injustifiées, et montrer à ce point de

vue la solidarité étroite, au point de vue des

idées, des doctrines, du but, presque des per-

sonnes, qui existe entre la Maçonnerie et la dé-

mocratie.

Elles sont de même origine et de même allure,

et sont l'une pour l'autre des alliées nécessaires.

Après ces explications, MM. de la Forge et

Dide ont bien voulu nous donner l'assurance la

plus positive de leur communauté d'idées avec

nous, nous promettre un appui cordial et fra-

ternel.Nous ne pouvons nieux faire d'ailleurs qu'en

publiant ces quelques lignes, que M. A. Dide,

l'éloquent et sympathique sénateur du Gard, a

bien voulu nous adresser, réservant pour le nu-

méro suivant une lettre promise de M. delaForge.

Lyon, 27 octobre.

Très chers amis,

Il faut organiser l'union des hérésies intelligentes

contre la. coalition des orthodoxies intolérames. Le

Franc-Maçon travaille à l'accomplissement de cette

œuvre excellente : permettez-moi d être avec lui et

de devenir son collaborateur.

La Franc-Maçonnerie qui a tant fait pour la Révo-

lution française se doit à elle-même et doit à l'huma-

nité de se mêler activement à la préparation du

glorieux centenaire que nous célébrerons en 1889.

Agissez dans ce sens. Ejivez, parlez, enseignez.

Et si vous jugez que ma parole peut vous être utile

faites moi signe et je viendrai.

A vous cordialement.AUGUSTE DIDE.

Sénateur du Gard.

« Nous reviendrons, dans notre prochain nu-

méro, sur cette entrevue à l'occasion d'un point

particulier de la conversation de M. A. Dide, —

de nature à intéresser vivement nos lecteurs

républicains qui pensent qu'on ne saurait célébrer

trop dignement, sans distinction de nuances, le

grand et glorieux centenaire de la Révolution

française.

La Conférence de Villefranche

Dimanche dernier, la loge la Fraternité-Pro-gressive de Villefranche célébrait avec le précieuxconcours de M. Burdeau, le jeune et sympathiquedéputé du Rhône, sa fête solsticiale.

On avait bien voulu nous convier à cette reunionde famille. Un grand nombre d'invitées et d'in-vités s'étaient rendus à cette fête maçonnique,^pen-dant laquelle la plus grande cordialité n'a cessé derégner et qui devait être suivie d'un banquet oùse sont retrouvés, pour l'applaudir encore, tousles auditeurs de réminent conférencier.

Après une chaleureuse allocution de M. Jugy,président, accueillie par des applaudissementsunanimes, M Aug. Burdeau aborde le sujet toutd'actualité choisi par lui : la Révocation del Edit de Nantes. Pendant près de deux heuresil a tenu sous le charme de sa parole élégante etfacile sa nombreuse assistance émue et indignée.

Nous avons pensé que ceux de nos lecteurs quin'ont pu l'entendre, que ceux même que le désird'apprendre avait attirés à Villefranche, nous sau-raient gré de placer sous leurs yeux cette étudesincère et approfondie, faite par un homme com-pétent à l'aide de documents peu connus ouinédits. Nous tâchons donc de reproduire en sonentier, à peu près textuellement, telle du moinsque nous avons pu la recueillir, cette brillantepage d'histoire.

LA RÉVOCATION DE L'ÉDIÏ DE NANTESMesdames, mes chers Concitoyens,

Si j'étais dans un autre milieu, j'aurais besoin desolliciter une grande indulgence, motivée par monétat de fatigue. Ici — j'en ai eu des preuves certaines— elle m'ebt tout acquise d'avance, aussi ne melaisserai-je pas attarder par des excuses.

Le 22 octobre 1685, il y a eu jeudi dernier deuxcents ans, il s'est passé en France un événement surlequel il est bon de reporter de temps en temps sonattention. Le Parlement de Paris enregistrait un éditdu roi Louis XIV, concernant la situation des pro-testants en France. De ce même jour commençaune persécution au cours de h quelle 10 000 protes-tants, hommes, femmes, enfants, vieillards, furentmassacrés ;• 50,000 périrent en prison, dans des culsde basse fos*e, sur les galères; 300,000 réduits à s'ex-patrier lais èrent derrière eux leurs biens, leursfamilles : à travers des obstacles et des périls inouïs,ils allèrent portera l'étranger, chez toutes les natior^j.'ennemies, leur- talents, leur science, leur industrie?'et parfois les débris de leurs richesses ; enfin tout umillion d'hommes, pendant une période d'un siècle;que seule la Révolution française devait termin ~vécurent sous une oppression sans exemple Ail'humanité, n'ayant ledroit ni de croire ce qu'ils vou-laient, ni de naître, ni de se marier, ni d'élever leu3s

1G

Feuilleton du "FRANC-MAÇON" (5)

LE MARIAGED'UN FRANC-MAÇON

(Suite)

Et Jacques commença son aveu.

Depuis de longs mois il avait senti peser sur lui

le regard de M Ue Lebonnard. Ce regard l'en-

veloppait , le pénétrait. D'abord il en avait

éprouvé comme une sorte de fatigue- Cette bella

fille blonde, il la devinait derrière lui, autour de

lui, elle lui faisait l'effet de ces magnétiseurs qui

agissent de loin sur leur sujet, commandant aux

nerfs et à la volonté. Peu à peu cette obsession

avait changé de caractère. Ce n'était plus de la

gêne, ce n'était plus de la contrainte. La fatigue

devenait un bien-être étrange. Puis il s'était

pris d'un besoin affolé de se sentir dans l'atmo-

sphère de cette charmante créature. Il ne vivait

plus, il n'agissait plus que sous l'influence de

cette unique pensée : Voir Louise, lui parler,

1 entendre. Il ne songeait pas d'abord à cette

folie ambitieuse : se faire aimer d'elle. Mais il

avait bien fallu ouvrir les yeux à l'évidence.

Jacques n'était ni présomptueux, ni fat. Et quand

il vit rougir et pâlir celle qu'il adorait, quand il

comprit que le trouble de cette enfant c'était l'éclo-

sion d'un cœur, il se sentit pris d'une joie immense

et d'une folle terreur !

Q'allait-il faire ? Il était honnête et loyal, et

jamais ilne chercherait à abuser de cette pureté

candide qui allait à lui, ignorante et confiante.

Alors c'était le mariage ou l'éloignement, pas

d'autre solution. Partir ou épouser. Epouser !

M. Lebonnard, si riche, si fier, si sévère, le chas-

serait infailliblement à la première phrase de son

aveu. Alors partir tout de suite. Partir et

laisser là tout son bonheur, toute sa joie, tout ce

rêve d'amour ! Partir, quand deux yeux ado-

rés semblaient chaque jour lui redire plus ten-

drement : Reste auprès de celle qui t'aime !

Voilà quelle était la situation.

— Pas rigolo, mon pauvre vieux, déclarait

Gonnet avec une mine des plus rembrunies, pasrigolo du tout,

— Ah ! je suis désespéré. Et encore si je ne

savais pas que mon absence la fera souffrir,

elle que je voudrais voir heureuse au prix dema vie !

— Voilà ce que c'est d'aller brouter dans des

râteliers en similor : On s'y casse les dents. Et

cependant, mon camarade, il n'y a pas à hésiter.

La position est intenable. Il faut montrer du cou-

rage. Tu iras demain trouver le père Lebonnard.

Tu lui raconteras une histoire de brigand, tu lui

diras que tu veux t'établir ailleurs, que tu as

une place toute prête, tu lui feras le boniment que

tu voudras, mais n'y reste pas un jour de plus.

Ce serait déloyal et bête. Cet homme qui t'a fait

ce que tu es, qui t'a appris ce que tu sais, qui,

en somme, te traite cordialement, qui a eu con-

fiance en toi, tu ne dois pas le remercier en jetant

le trouble dans sa maison. Et comme d'un autre

côté tu as autant de chance de devenir son

gendre que moi de passer chef d'orchestre du

Grand-Théâtre, plus tu resteras, plus tu souffriras.

Donc, c'est entendu, n'est-ce pas ?

—• C'est entendu, demain.

— En arrivant au magasin.

— En arrivant.

Et la nuit s'était avancé, le jour avait paru, et

le moment terrible était arrivé.

C'est à neuf heures du matin que M. Lebonnard

faisait sa première apparition dans ses magasins.

Il passait d'abord dans la salle où les employés

aux écritures étaient depuis une heure à la

besogne, il jetait un coup-d'œil sur le mémoran-

dum de la journée, et il entrait dans son cabinet

pour dépouiller sa correspondance.

Il était à peine installé à son bureau d'acajou,

le couteau à papier à la main, prêt à couper pro-

prement les grandes enveloppes jaunes, lorsque

Jacques entra.

Le pauvre garçon avait le cœur bien oppressé,

lorsque, d'une voix un peu tremblante, il

demanda à son patron un moment d'entretien.

— Parlez, mon cher ami.

— Monsieur, je viens.... je prends la liberté...

je dois vous informer...

— Diable, il parait que c'est difficile àdire.

— Croyez, Monsieur, que je suis plein de

reconnaissance pour les bontés que vous avez

eues pour moi. Je n'oublierai jamais ce que jevous dois.

— Mais...

— Mais je suis dans la nécessité de quitte

votre maison.

— Vous dites?. .. Et le fauteuil du négocia^

fit un brusque demi-tour, pendant que celui- eregardait son interlocuteur avec une surprise «„

milieu de laquelle, si Jacques avait bien regardé,

il aurait vu percer comme une sorte de sourire

mystérieux. Mais Jacques ne pensait guère à

scruter le visage de M. Lebonnard. Il avait baissé

les yeux et il se préparait à lutter contre son

patron et contre lui-même.

— Ma résolution est irrévocable. On m'a fait

des propositions pour l'étranger, ma famille les a

acceptées. Je dois partir demain.

— C'est donc bien beau, ce qu'on vous

offre ?

— C'est magnifique. ./

— Vous me dites dites cela d'un drôW- ;|e ton.'

Sije vous offrais les mêmes avantages?

— Je refuserais, Monsieur, je suis engagé.

— Mais sije dépassais ces offres?

— Je refuserais aussi, -s'écrie désespérr'"'

Jacques. Je ne veux pas revenir sur ma r

mination.

— Mais savez-vous, monsieur Mignb?

votre conduite est au moins étonnante. Br

ment, sans me prévenir, vous quittez ma m'a.

comme si vous aviez à vous plaindre de moi,, ck

nous, de quelqu'un.

— Ah ! Monsieur, ne le croyez pas !

— Alors, pourquoi cette soudaine détermi-

nation ?

A suivre.

Page 2: 1885 - Le Franc Maçon n°6 - Samedi 31 Octobre au Samedi 7 Novembre 1885 - 1ère année.pdf

LE FRANC-MAÇON

enfants, ni de mourir, ni d'enterrer leurs morts con-formément à iem- foi. '

L'acte royal qui ouvrit cette ère de persécution ts'appelle dans l'histoire la Révocation de l'Edit de <Nantes. C'est le sujet dont je vous demande la per-mis-ion de vous entretenir, non pas pour le triste <plaisir de faire passer devant vos yeux tout un cortègede scènes émouvantes et, terribles, non pas pouréveiller en vous des sentiments de haine contre unpassé qui n'est plus, mais pour chercher avec vous sice passé ne contiendrait pas quelques leçons a notreusage.Voyons ensemble comment l'Eglise Catholiques'y prend quand elle veut exterminer ceux qui sesoustraient à sa puissance; voyons de quel principeles persécutions catholiques s'inspirent, commentelles s'organisent, à quelles extrémités elles aboutis-sent. Nous jugerons alors si l'esprit qui a inspire cettepersécution est encore vivant, si nous avons a enredouter le retour, et par quels moyens nous pourronsépargner à nous-mêmes et à nos enfants un ré-gime d'atrocités dont nos grands pères ont cru voirla fin en 1789. Cherchons dans l'histoire dupasse desenseignements pour l'avenir.

Aujourd'hui il nous semble naturel que chacunpuisse à sa guise croire ou ne pas croire, choisir unedes 3,000 religions connues ou n'en adopter aucune,être chrétien, mahométan, bouddhiste ou parsi, oulibre-penseur, sans obstacle ni dommage, pourvu qu'ilobserve les lois communes de son pays. Nous croyonsqu'il y a là une vérité si évidente qu'elle » st acquiseà tout jamais. On le croyait aussi u y a 200 ans. &nFrance, deux religions seules étaient alors en pré-sence : le catholicisme et le protestantisme. Les lrbres-penseurs n'étaient qu'une infime minorité de philoso-phes Entre ces deux religions du moins le choixétait libre. Ainsi l'avait établi \Edit de Nantes } signeen 1598 par Henri IV, et dont voici le passage essen-

tiel :

«Pour ne laisser passer aucune occasion de trou-

bles et de différends entre nos sujets, avons permis

et permettons à ceux delà R. P. R. de vivre et

demeurer par toutes les villes et lieux de notre

royaume sans être molestés pour le fait de leur

religion, ni astreints à faire quelque chose qui

soit contre leur conscience. »

Ainsi était établie pour la première fois la liberté deconscience, l'égalité de tous devant l'accès aux ,charges.

Les mœurs publiques s'étaient bien accommodées |de ce régime : les protestants vivaient côte à côte |avec les catholiques, sans se distinguer d'eux, si ce \n'est par leurs mœurs plus sévères dans la famille, jpar leurs aptitudes laborieuses qui en faisaient lespremiers agriculteurs et négociants de France, parles grands noms qu'ils fournissaient à la guerre,Duquesne et Schomberg ; à la philosophie, PierreBaffle et Ancitton; à la science, Denis Papin. Lafusion était si complète qu'à partir de 1620 les ma-riages mixtes se multiplièrent, signe précurseur dutriomphe de la tolérance.

Voilà donc dans quelles voies nous marchions àcette époque.

Mais il y avait une puissance qui ne pouvaits'accommoder de cet état de choses : l'Eglise Catho-lique. Elle qui prétend seule posséder la règle desbonnes mœurs, la vie respectable des Huguenots laconfondait. Elle qui prétend posséder la vérité, lascience des huguenots l'indignait. Elle qui prétendavoir mission de régner partout sur les conscienceset d'imposer aux princes la tâche de l'aider, la libertédes huguenots l'humiliait.

Vous connaissez cet esprit de. fanatisme et de do-mination ; vous savez que quand elle n'opprime pas,l'Eglise Catholique se dit opprimée. Pour elle, ne pastyranniser c'est subir une tyrannie. Cet esprit quenous lui connaissons aujourd'hui, c'était déjàle sien, et à chaque occasion elle exprimait sa haine,sa colère, dans le langage doucereux qui lui est par-ticulier.

Dès l'avènement de Louis XIV commencèrent lesplaintes incessantes du clergé au roi:

« L'Eglise est une mère affligée, meurtrie de

plaies profondes, qui lui sont faites tous les jours

par ceux delà R. P. R.» (Plainte au Roi 1656.)

« Faites cesser l'opprobre de l'Epouse de J.-C;apaisez la violence de sa douleur.» (id. 1661.)

Voici qui est encore plus explicite :

« La liberté de conscienee, disait en 1675 un

t membre de l'assemblée du clergé, est regardée

tous les catholiques comme un précipice

isé devant leurs pieds, comme un piège pré-

5 à leur simplicité, et .comme une porte ou-

te au libertinage. »

ous le voyons, il fallait pour l'Eglise Catholiquela liberté de conscieuce disparût. Mais des dif'fi-és immenses surgissaient. Sans doute on avaite sur Louis XIV: deux moyens d'action s'offraient•e autres.s clergé qui possédait alors une fortune de 4 mii-ds ( sa fortune en biens fonds seulement s'élèverard'huiàl milliard) était exempt d'impôts. Il lesplaçait par des prières.— Les prières illes faisaiter d'ordinaire; c'était donc une monnaie: il étaitirel que le roi la reçût. — Il les remplaçait aussides dons qu'il faisait tous les cinq ans au roi, fai-

i ou forts, suivant l'empressement avec lequel leroi lui accordait ses demandes. Il tenait donc leroi par l'argent.

Il avait en second lieu l'arme de l'absolution. Achaque faute nouvelle que le roi commettait dans savie privée, le confesseur ordonnait dans sa toutepuissance, et Louis XIV faisait pénitence aux dépensdes protestants. Un exemple entre cent :

Lors du Jubilé de 1676, le roi devait communier ;mais, à la suite d'un, scandale dont la Montespanétait l'héroïne, il dut, afin d'obtenir l'absolution, ac-corder aux évêques de France l'interdiction pour lesparents protestants de voir leurs enfants, fût-ce unefois pat mois, à la grille des couvents.

C'était une pénitence royale.Mais,» si puissant que fût le clergé, contre un

' hornm/fe-Sout la vie privée était à ce point digne de

Is'il eût demandé au roi de frapper un millionde ses sujets, la dixième partie de la popula-de les placer entre la mort et la conversion,:ût pas obtenu : la peur d'une révolte, — dontphin l'avertissait, — l'en eût au besoin dé-

; on employa un procédé cher à Basile, et de-igtemps dans les traditions de l'Eglise, l'atta-te par des voies détournées.•aita les protestants comme une place forte,, l'expression d'un catholique; on commençatourer de circonvallations, on l'épuisa par dess répétées et par la famine ; puis, quand elle

t reauite à merci, on donna le dernier assaut.Les protestants furent atteints dans leur famille,

dans leur culte, dans laurs moyens d'existence.

Il est une chose chère a tous les cœurs, le respectdes aïeux, des morts : une ordonnance de 1662 leurdéfendit d'enterrer, sinon à la nuit tombée et par deschemins détournés.

Eu 1670 furent interdits les baptêmes protestants :défense à plus de huit personnes d'y assister. Auxnoces, seuls les témoins pouvaient figurer, comme sices unions devaient être cachées comme honteuses. Iln'y aura plus de mariages mixtes.

En 1681, les catholiques, ces grands défenseurs dela famille, de l'autorité paternelle, pressèrent l'atta-que : l'enfant né d'un mariage mixte est déclarébâtard ; dès l'âge de sept ans. il a l'âge de rai-son et la faculté d'opter pour la religion catholi-que. Le moindre geste de sa part était enregistré etréputé pour l'intention. Si sa mère le conduisait parhasard par les rues un jour de procession, et qu'é-bloui devant les splendeurs du culte il s'écriait :« Oh ! que c'est beau !» — « Catholique ! » disait-on,et il était arraché à sa mère, confié à des parents or -thodoxes, s'il en avait, sinon enfermé dans un cou-vent, dans une prison, livré à un Desrapines, hommeperdu, vivant du commerce des petits enfants, desmains duquel pas un seul des 1,600 qui lui furentconfiés ne sortit vivant. — Voilà pour la famille.

La famille étant détruite, il fallait atteindre leculte, le rendre impraticable par des mesures hypo-crites.

En 1663, démolition de temples; défense au pas-teur d'assembler des fidèles choz lui.

En 1669,toi des relapses. Etait déclaré relapse, qui-conque— ayant un jour prononcé une parole ou fai i vingeste indiquant qu'il voulait se convertir, — refusaitensuite après réflexion : il passait en jugement, et lalettre authentique suivante, qui contient un aveuformel de prévarication, vous indiquer * le genre depeine infligée :

Lettre du Premier Président, Daulède, du par-

lement de Guienne, à Ghâtea.uneuf , sur la

condamnation aux galères à perpétuité duministre Vergniol :

LaRéo'e, le 8 février 1686.

« Monsieur,

« Je vous envoie une copie ci-jointe d'un ar-

rêt que nous avons rendu ce matin contre un

ministre mal converti. J'attendrai, à mon ordi-

| naire, les ordres de Sa Majesté pour son exécu-

tion. Je dois vous dire, Monsieur, que la preuve

i était délicate et même défectueuse dans le chef

i principal, et que néanmoins le zèle des juges est

allé au delà de la règle pour faire un exemple.

Le condamné offre une seconde conversion plus

sincère que la première ; il a une femme et de

petits enfants.

« Je suis, etc. DAULÈDE »i

Si l'individu déclaré relapse se montrait dans un1 temple entre sa première condamnation et la oour-J suite nouvelle qui lui était intentée, l'edit de 1669 or-j donnait la démolition du temple, et, dans ce cas,

le pasteur qui le desservait était tenu de s'expatrier.Enfin, en 1681, défense fut faite aux pasteurs de

visiterleursfidel.es, sauf le cas de maladie, et mêmedans ce cas l'autorisation, du juge était nécessaire.

Grâce à ces mesures hypocrites l'exercice de la re-ligion protestante devint impraticable. Voilà pourle culte.

Ce n'était pas assez. L'Église Catholique ne s'entient pas à ces attaques d'un ordre immatériel : c'està la bourse que ces gens là s'en prennent. La vie ma-térielle fut rendue impossible aux hommes et auxfemmes ; on leur enleva les moyens de gagner leurpain :

Défense d'être avocat (1664), greffier (1670), notaire(1682), expert, employé des finances, apothicaire,médecin, chirurgien, imprimeur, libraire, mercier,orfèvre (1684).

Défense à la femme d'être lingère, bonnetière, cou-turière, sage-femme, etc.

Aucun des métiers qu'ils exerçaient n'étaient épar-gné. En même temps on les surchargeait d'impôts.

Ce fait a été nié. Mais rue répondra-t-on au docu-ment suivant, tiré des archives de la BibliothèqueNationale ?

Affiche posée au poteau de St-Pierre d'Olêron

en 1681 :

« Par ordre d'Honoré Lucas, chevalier, sei-

gneur de Demuyn, intendant de la ma-

rine, etc.

« On fait savoir à tous ceux de la R. P. R.,

qui voudront se convertir à la religion catho-

lique dans un mois, qu'ils seront exempts de la

taille due au Roi pendant les années 1682 et 1683,

ensemble des 24 sols par feu ; tout au contraire

ceux qui s'opiniâtreront à demeurer dans ladite

R. P. R. seront cotisez au double de leur taille .

i Fait à la Tremblade, le 8 octobre 1681.»

Ce n'était pas là une mesure particulière à cetterégion. Le pasteur Jean-Claude cite (page 19) desprovinces, la Normandie par exemple, où onexemptait de la taille les catholiques et les convertis:la petite troupe des protestants payait pour eux. Telqui devait un impôt de 40 livres, en payait 700 et 800.

C'était l'expropriation, la confiscation pure etsimple. Voila comment l'Église s'attaquait à labourse. Les procédés ont pu changer, le but estresté le même : prendre par la faim ceux qu'on nepeut contraindre par la violence même.

(A suivre)

ESPRIT DES MORTS ET DES TOITS

Un couvent, on Franco, au plein midi du xix° siècle, estun collège de hiboux faisant face au jour.

VICTOR HBGO.

Je n'ai guère vu que le catholicisme fût pour lo clergéautre chose qu'une forme et un intérêt.

LAMENNAIS.

Voulez-vous entrer dans l'Eglise Romaine ? Consentez-à croire sans voir et sans savoir. Dégagez-vous de vous-même par un vigoureux effort de volonté. Courez de ce paschez un directeur de conscience, abdiquez entrelces mainsvotre iutelligence, votre volonté, votre personnalité tout

entière. Edmond SCHÉRER.

Le fanatisme religieux est le plus dangereux de tousles fanatisme». J. ARAGO.

Est-ce un jeu ou une méprise de la nature, do donnerqueli[iu:fuis une âme de prince à un crochotuur et une âmede crochotour à un prince.

(x. TllURELON, CtO d'OxENSTIERN.

Le despotisme religieux a perdu l'Espagne, tandis quala liberté religieuse a fait la fortune de la Hollande et del'Angleterre. E. S.ABOULAYE.

Les rois ne peuvent pas commandai- d'embrasser unereligion. GASSIODORE.

' La liberté est le seul code religieux des temps mo-

dernes. RENAN -

LES FEMMESET LA SOCIÉTÉ MODERNE

Nous paraissons depuis quelques semaines a

peine, et déjà de tous côtés, nous avons le plaisir

devoir surgir dés correspondants et même des

correspondantes. On s'aperçoit bien vite de l'es-

prit de justice et de tolérante équité qui nous

anime et c'est une raison immédiate pour que ceux

qui se voient victimes de quelque injustice ou de

quelque intolérance viennent â nous et cherchent

au Franc-Maçon la tribune qu'ils ne peuvent

trouver ailleurs.Ainsi, déjà les documents s'accumulent-ils sur

notre bureau, documents relatifs à la condition

de la femme, à la situation qui lui est faite dans

la société moderne , à l'inégalité qui est son

triste lot et aux revendications qu'elle a le droit

d'exercer.Pourquoi la femme n'a-t-elle pas les mêmes

droits civils que l'homme? Pourquoi n'intervient-

elle pas dans l'administration des affaires ? '

Est-elle moins intelligente, est-elle moins rai-

sonnable?A tout cela, un autre de nos correspondants a

répondu por avance et voici en quels termes :

Que les Américains et les Anglais réclament lesdroits politiques de la femme, c'est leur affaire par-ticulière, je n'ai pas à m'immiscer daus les lois deces deux grands pays. Mais que la femme Françaisesuive leur exemple.. Ah non, mille fois non !

Que la Française revendique ses droits civils, riende mieux, je suis de tout cœur avec elle. Mais enFrance, la femme voter !

Allons donc ! Est ce possible !Est-ce qu'avant d'être à la famille la femme catho-

lique n'est pas moralement au prêtre ? N'est-ce paslui, qui ,à son gré, lui façonne une sorte de consciencesuivant les besoins de la coterie cléricale ?

Sachez observer et penser par vous mêmes, meschères compatriotes, i.e soyez ni des jouets, ni despoupées, soyez des épouses, des mères, dans ia pluslarge extension du mot, dites-vous que la femme estla véritable éduoatrice de l'homme, cherchez à vouspénétrer de la grandeur de votre tâche, et alors,seulement alors, la méchante opinion que l'on a devous, fera place à un sentiment plus juste, notreplace au foyer, comme dans la cité, s'élargirad'autant.

Combien peu d'entre vous savent ce qu'écrivaitCondorcet, à la grande époque des justes reven-dications !

« Vous oubliez la femme dans le droit despeuples, — Acrivait-il, — vous vous acharnez à fon-der une société bolieuse, et ne prévoyez pas, qui àchaque pas que vous voudrez faire en avant, lafemme tirera l'homme par la basque de son habit, leforçant ainsi à retourner en arrière. »

Condorcet disait vrai !Aujourd'hui comme hier, comme jadis ! N'est ce

point au nom de la femme que la réaction relève au-dacieusement la tête en essayant de plonger à nou-veau dans les ténèbres de l'obscurité la sociétémoderne qui, avec le grand poète national dont laFrance s'honore ! ne cesse de s'écrier :

Pour tous, grands et petits, pauvres et riches.De la lumière ! de la lumière à flot ! là est

l'avenir .

Notre correspondante a mis le doigt sur la plaie.

! Les femmes, â notre époque, avec leur éducation,

avec leurs habitudes, leurs mœurs et aussi, disons-

le, les préjugés auxquels peu d'entre elles échap-

pent sont un précieux auxiliaire aux mains de la

réaction clérico-monarchiste. Nous n'en voulons

pour preuve que ce facfum que nous avons sousles yeux. Il est intitulé :

ŒUVRE ÉLECTORALE

DE

LA FEMME CHRÉTIENNE

Lises Faites lire

Et nous y lisons ce qui suit :

Qui sauvera la France ?Je réponds sans hésiter : La femme chrétienne !Il nous faut une seconde Geneviève de Paris pour

repousser l'Attila moderne nommé la Révolution quimenace de ruiner le plus beau des royaumes et debouleverser le monde.

Si tu le veux, femme chrétienne, tu peux nousrendre le Christ, et par le Christ, sauver la foi, laliberté, la France et la civilisation.

Que la foi te guide et que ton noble cœur soit tonarme.

Femme chrétienne, va vers ton frère, vers tonépoux, vers ton père, vers ton fils, vers ton ami, etdis-leur :

• L'heure est venue de choisir pour roi Jésus-Christ,le Sauveur de l'humanité, ou Satan, le père du men-songe et de la révolution.

« Pour qui voterez vous ?« Que ce ne soit pas pour celui qui a chassé nos

religieux des asiles, de la prière et du sacrifice ;laïcisé les écoles et les hôpitaux ; volé à une Femmechrétienne et française, à la patronne de Paris, letemple magnifique élevé en son honneur pour en.faire le tombeau des athés (sic) et des franc maçons.

r Que ce ne soit pas pour celui qui refuse un aumô-nier à nos braves marins et à nos vaillants soldatsqui versent au loin leur sang pour ia patrie I Enfin,

que ce ne soit pas pour Satan, le chef invisible <]|Révolution, qui nous mène à la banqueroute et ̂ ^^^Hguerre "

O femme chrétienne, après avoir fait entendriBlangage patriotique, prie, pleure et covjure ce que tu entendes dire: H

« Nous voterons ppur Jésus Christ. • Femme chrétienne ! les élections auxquelles I

qui te t-ont chers sont appelés à prendre part Ide la plus haute importance : ^^^^B

C'est le salut ou la perte de la France voix.

Femme chrétienne ! tu ne peux rester indiû'éreBà cette lutte suprême. H

A toi d'arborer ton drapeau. A toi d'élever la voix et de ne pas souffrir une sel

HFemme chrétienne, s'il le faut, dépouille toi u><H

ornements ^^^HPlus de fêtes, plus de plaisirs et plus de refl

jusqu'au jour du triomphe ! ^^^HJésus-Christ ou Satan : HLequel veux -tu ? HLe tien, femme chrétienne, sera le nôtre. ^^^HA toi le vote, et à nous tes chevaliers, l'honnH

de le porter dans l'urne. ^^^BUN PATRIOTE CATHOLIQUE. H

A combien de millions d'exemplaires a I

répandu cet apocalyptique factum? I

de femmes l'ont lu ? Combien y ont répond^^M

Le nombre des réactionnaires subitement éeM

au premier tour de scrutin nous le ferait pi-esqH

deviner. Que serait-ce donc si, au lieu de loi

seule influence, avant le scrutin, les fenuifl

avaient eu un bulletin de vote ? ^^H

Taxes de la Chancellerie ijostolipe

Un ouvrage assurément curieux et peu coiitB

est le livre des Taxes de la Chancelier-ie apost^M

lique. HC'est cet ouvrage que nous analyserons dafl

ses parties les plus essentielles, car il ne contîei^H

pas moins de 32 chapitres et de 5 à 600 article^H

Les étranges documents qu'il renferme ne seroi^H

pas à dédaigner pour celui qui voudra entr^H

prendre d'écrire l'histoire de l'Eglise Romain^B

Ils montrent une fois de plus qu'à toutes 'H

époques le clergé catholique, qui donne trojB

souvent le pas aux intérêts matériels et mondain^H

sur le spirituel, a toujours su avec habileté fairl

argent de tout. HAvant d'aborder chapitre par chapitre l'analysM

de cet ouvrage, il convient de donner H

lecteurs quelques détails sur l'origine des TaxesH

Beaucoup de savants, parmi lesquels ProspeH

Marchand et Polydore Virgile attribuent le livrH

des Taxes au pape Jean XXII qui pontifia ilfl

1316 à 1334. Après lui, ces taxes éprouvèrent

diverses modifications selon le plus ou moins <!<

valeur de l'argent, et aussi selon la proportion»

des crimes, délits ou péchés qu'elles devaientH

absoudre. ILe pape Léon X, heureux de profiter de l'admi-B

rable invention de l'Imprimerie qui venait dcH

révolutionner le monde, s'empressa de faire im-B

primer le livre des Taxes et nous devons lui enB

savoir gré. La première édition fut faite par sonl

ordre à Rome, in campo Flore, 1514, die 18

novembms. Il s'en publia une à Cologne en

1515 et une à Paris avec privilège du roi en

1520.Ces publications firent dire au théologien Claude

d'Espence : « On voit ici un livre imprimé, qui

se vend publiquement, intitulé: «Taxes de la chan-

cellerie apostolique, » dans lequel on peut ap-

prendre plus d'énormités et plus de crimes, que

dans les livres les plus infâmes ; de ces crimes il y

en a quelques-uns que l'on permet de com-

mettre, moyennant certaines sommes d'argent ;

Rome n'aura donc jamais de pudeur ! »

Dans son traité de la Dèsolalton de l'Eglise

Alvare Pelage peint avec beaucoup d'énergie et

de vérité la rapacité de la cour de Rome ; on

croirait, en le lisant, entendre parler à plusieurs

siècles de distance l'auteur du Christ au Va-

tican. Voici ce qu'il écrit : « Personne n'a

audience du Pape, sans payer à la porte; et les

pauvres ne peuvent paraître devant lui, parce

qu'ils n'ont rien à donner. On fait payer le corps

de Jésus. On trafique des sacrements ; on vend

tout, excepté la grâce, car on ne dispose point

de ce que l'on n'a pas. Je ne suis jamais entré

chez le camérier du pape sans voir des tables

couvertes de ducats, et des ecclésiastiques faisant

la banque. »

Nous pourrions même ajouter que, d'après une

note de Collin de Plancy, publiée dans la Gazette

du Bâtiment, ce serait avec les sommes perçues

à l'aide de ces taxes que Léon X aurait fait cons-

truire l'église de Saint-Pierre-de-Rome. La

grande basilique romaine aurait eu ainsi pour

origine l'exploitation la plus immorale qui ait

jamais hanté cerveau humain, car ces taxes

furent trop souvent l'exploitation du crime

qu'elles légitimaient en quelque sorte.

Maintenant, ouvrons ce livre des taxes. Nous

trouvons d'abord une préface dont, étant donné

son importance, nous croyions devoir publier le

texte latin en même temps que la traduction :

« Et nota diligenter quod hujusmodi gratiœ

« et dispensationes non conceduntur pauperibus,

« quia non sunt, ideo non possunt consolari.... »

(Taxarum Cancellariœ apostolicœ, Pari-

siis, 1545, fol. 130.)

« Observez surtout que ces faveurs et dispen-

« ses ne s'accordent point aux pauvres, par ce« qu'ils ne sont rien, et qu'ils ne peuvent, être

« consolés. »

Ainsi, il est bien entendu que les pauvres ne

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LE FRANC-MAÇON

1 sauraient prétendre aux faveurs de la cour deRome. Quiconque a de l'argent peut se permet-tre toutes les licences, touteslesdebauch.es, toutesles orgies, tous les crimes. Pourvu qu'il paie, ilsera absous ; les portes du Ciel s'ouvriront devantlni de par la volonté du Souverain-Pontife, repré-sentant de Dieu sur la terre. Mais, arrière lespauvres ! Il n'y a pas place pour les haillons dansla céleste Demeure.

Taxes de la Chancellerie apostoliqueI. — DES UNIONS CHARNELLES

Ceux qui ve marient au quatrième degré payent ladispense de 19 livres, 18 sous, 6 deniers, s'ils ne veu-lent pas être en état de péché.

Ceux qui auront paillarde, étant parents au qua-trième degré et le sachant bien, se relèveront de leurfaute moyennant u taxe de 58 livres, 2 sous.

Ne le sachant pas, ils ne paieront que 23 livres,10 sous, 6 deniers.

La légitimation des enfants qui naîtraient d'uneconjonction illicite, au quatrième degré, 23 livres.10 sous, 6 deniers.

Pour un mariage ou troisième degré, on paiera ladispense de 571ivres, 3 sous, 6 deniers.

Pour le second degré, la taxe est de 178 livres,4 sous.

Nous devins faire remarquer que dans lelivre des taxes, le premier degré d'affinité estcelui de beau-frère à la belle-sœur, et lé 3° degrécelui des issus de germains.

Nous devons ajouteraussi que, dans cette étude,nous supprimerons un certain nombre d'articlesn'ayant pas une importance considérable, pour neconserver dans chaque chapitre que les articlesde nature à bien préciser le caractère de ces taxeset la pensée qui les a inspirées.

D'autres parties devront être aussi retranchées,le respect que nous devons à nos lecteurs nenous permettant pas de les reproduire.

II. — PARENTÉ SPIRITUELLE

Un homme qui épousera la fille de son compère,paiera la taxe de 50 livres. 3 sous, 6 deniers.

Si le compérage est double, la taxe sera de 104 li-vres, 9sous, 6 deniers.

Uu compère qui épousera sa commère, n'obtiendrasa dispense que de Monseigneur le Pape : la taxe estde 177 livres. 10 sous.

Si un homme a tué sa femme (pourvu que ce nesoit pas dans l'intention d'en épouser une autre avecqui il ait commis l'adultère), cet homme peut seremarier et être absous pour la somme de 33 livres13 sous.

Celui qui a tué le mari dont il a séduit la femmeet, qui épouse cette femme, sera absous en conscience,pourvu orue la choss soit secrète, moyennant 131livres 14 sous 6 deniers.

Celui qui aurait fait vœu d'une chasteté perpétuelle,en est relevé pour la somme de 49 livres 19 sous6 deniers. — Celui qui aurait promis de se fairemoine peut se relever de ses vœux et prendre femmemoyennant 57 livres 2 sous. Si le postulant s'engageà remplir son vœu après la mort de sa femme, il nepaiera que 29 livres 5 sous.

Si un homme, engagé dans les ordres sacrés, semarie (pourvu que personne n'en sache rien), ilpourra obtenir dis; ense pour coucher avec sa femmetant qu'elle vivra. Mais si elle meurt, il ne se re-mariera pas. Tant que le mariage subsistera, il seratenu de dire l'office de la Vierge Marie, au moins lesjours de fête, par forme de satisfaction. La. taxe decette faute est de 57 livres 2 sous.

(â suivre).

m Kfflii MP!»ii

LES TENUES BLANCHES' La fête de Villefranche dont nous publions uncompte rendu aussi complet que possible nous amèneà donner quelques détails sur les Tenues Blanches,de nature sans doute à intéresser le lecteur peu aucourant des fêtes maçonniques.

Les Tenues Blanches sontcelles où des profanés >

sont admis. Ce jour là, le temple leur est ouvert. Ilspeuvent pénétrer dans ces lieux maudits où, suivantl'encyclique de Léon XIII, les Francs-Maçons « égor-gent si dextrement ^eurs ennemis que la justice hu-maine peut rarement trouver la trace des assassinatscommis. »

C'est flatteur pour l'habileté maçonnique, sinon pourla sagacité judiciaire. Mais ce « rarement » nousrend rêveurs. Pourquoi donc le Saint-Pontife necite-t-il pas un de ces assassinats perpétrés dansles Loges et découverts par le juge d'instruction ?

Quoi qu'il en soit, nous devons avouer que lasvuedes visiteurs est immédiatement frappto par' desépèes nues. II est vrai que ces épées sont émousséeset sans tranchant et qu'elles seraient fort en peined'accomplir un de ces attentats dont parle le ChefSuprême de la religion catholique : simple symbole,elles n'ont été en tout cas, jamais mises a l'essai.

Les temples simplement ornés, meublés dequelqueschaises et de quelques bancs, sont de grandes sallesoblongues à l'extrémité desquelles est assis le Pré-sident, ayant non loin de lui, face à face l'un del'autre, le secrétaire et celui qu'on nomme l'orateur— et dont le nom indique assez ies fonctions.

De distance en distance, quand la Loge est richeet bien installée, de grands candélabres à formetriangulaire. Sur les murs des inscriptions philoso-phiques, et c'est tout.

Il n'y a pas de fausses portes, de culs- de-sac,de chausse-trappes. Il n'y a pas d'abîme, pas deprécipice, pas le moindre accident de terrain quipuisse être exploité au profil de la crédulité pu-blique et les assassins qui sont là, ont tous l'airde braves et honnêtes gens à l'accueil affable etbienveillant, heureux de se trouver réunis pourpasser ensemble un moment agréable, pour enten-dre un orateur érudit, traiter d'une façon familièreet profitable, les grandes questions d'économie poli-tique et sociale à l'ordre du jour.

Beaucoup ont amené là toute leur famille; lesdames aussi sont admises aux tenues blanches,Elles sont là, nombreuses avec leurs jeunes filles,leurs potits garçons, tout un monde qui écouteet s'instruit — étonnées elles-mêmes d'un langagenouveau qui s'adresse à leur raison et à leurcœur.

Les tenues blanches sont à notre avis, pour lamaçonnerie, un de ses plus puissants moyensd'action. Elle apparaît là, dans son vrai jour, sousson véritable aspect — et tous ceux qui assistent àces fêtes de famille en emportent un souvenir pro-fend et durable.

Les tenues blanches ne sont pas des cérémoniescachées, tout au contraire; si vous le pouvez, ailezassister à l'une^d'elles.

Vous n'aurez pas à regretter un petit dérangementlaigement compensé, et au moins pourrez-vousparler de la maçonnerie en connaissance de cause,avec une conviction que vous vous serez faite vous-même, de visu, et sans vous la voir imposée pardes influences étrangères — ignorantes ou trom-neuses.

CATHOLIQUE ET RADICAL

Dans une lettre que nous publions plus loin, ensoulignant certains passages que nous n'aurions,certes, pas laissé passer à l'adresse de nos adver-saires, M. C.-L., avocat à St-Etienne, nous ditqu'il est catholique et radical.

Nous avions deviné ce bizarre assemblage enrendant compte d'une brochure de M. C.-.L.,dont le titre annonçait « le programme du partiradical. »

Dans cette brochure, il était question de beau-coup de choses, surtout de l'opportunisme, dontnous n'avons pas à entreprendre ni la défense nil'attaque; il y était question aussi de J.-C, lesans-culotte Jésus, dont les prêtres ont un peuoublié l'humilité première et aussi des agioteursdénoncés aux vindictes sociales, en plusieurs pa-ges éloquentes.

Et, sur ce point, nous sommes avec l'auteur.Qui n'applaudirait à ces paroles :

« En répandant de fallacieux prospectus et desannonces attrayantes d'entreprises folles ou ima-ginaires, inexistantes ou à peine commencées, enbattant la grosse caisse à la quatrième page despetits journaux et dans les organes financiersspéciaux, au moyen d'une publicité sans frein etsans scrupule, on arrive à fausser l'esprit du pu-blic, à tromper les ignorants et les simples parl'appât d'un gain subit ou de dividendes considé-rables ; on les attire ainsi dans le piège, dans lacaverne et le coupe-gorge, où ils sont prompte-ment allégés de leur argent, dépouillés de leurscapitaux, spoliés de leur épargne et de leurs éco-nomies, etc.. »

Il y aurait eu aussi quelques lignes éloquentesà ajouter sur la bénédiction du Pape, obtenue,Dieu sait par quels moyens, pour certaimes ban-ques spéciales, et allant drainer dans les campa-gnes tous les gros sous des bas de laine et leslouis des cassettes, pour enrichir quelques pieuxfinanciers qui ont jugé prudent depuis de mettrela frontière, entre leurs personnes dévotes et lareconnaissance de leurs clients.

Mais notre auteur n'a pas jugé à propos de s'yattacher. Et nous ferons comme lui, sans trop luireprocher une équivoque qu'il répare hautementdans sa lettre, avec ces deux mots qui jurent parleur accouplement : « catholique et radical. »

La « démocratie » du livre a disparu. Il restele catholique radical — après les élections ; latransformation est intéressante.

Il nous sera donc permis déposer au transforméde petites questions.

Il est progressiste ; il est scientifique ; il a étu-dié l'économie politique et possède même la loide Malthus : je suppose donc qu'il donne au motradical sa signification habituelle, allant jusqu'àla racine des choses, transformant de la façonla plus absolue toutes les institutions qui ne sontpas d'accord avec l'esprit moderne, la sciencemoderne, le libéralisme et la tolérance modernes.Il est radical, c'est-à-dire qu'il doit admettre lemouvement incessant de la société vers le progrès;il est partisande l'évolution permanente des idées,se modifiant docilement suivant les découvertesde la science, les progrès de l'esprit humain.

Et comment peut-il concilier ces doctrinesavec celles de l'Eglise, immuable, éternelle, abso-lue, intolérante?

Veut-il la réconcilier avec l'esprit moderne?Il est excommunié par le Syllabus.

« Anathème à qui dira que le Pape peut etdoit se réconcilier avec l'esprit moderne, le pro-grès et la tolérance.»

Veut-il la réconcilier avec la République, ilest conspué par les évêques, qui n'ont su trouverque le terrain clérical pour terrain d'union contrele gouvernement.

On peut, à la rigueur, comprendre qu'un clergénational, comme le clergé anglais, russe, amé-ricain, chinois même, puisse accepter le gou-vernement établi et vivre en paix avec lui. Il estde même essence et de même nature. Mais unchef spirituel étranger, qui, par intérêt, par situa-tion, par tradition, est essentiellement hostile auprincipe démocratique, ne saura jamais allierles tendances du clergé qui lui est soumis auxtendances des populations dont il connaît mal l'es-prit et le caractère — et le mettre en harmonie.

M. C. L. peut se croire catholique. — Il estrévolutionnaire en religion et nous doutons fortqu'à l' Univers on accueille ce mythe du catholi-cisme radical autrement que par une excommu-nication majeure.

VIEUX DOCUMENTSUn do nos amis , grand bibliophile devant

l'Eternel, veut bien nous adresser une série depetites notes fort curieuses sur des points théo-logiques encore mal éclairés. Peut-être nos lec-teurs nous sauront-ils gré de leur donner sur cesquestions délicates des renseignements inéditsmais authentiques, et de suppléer ainsi de notremieux au silence de l'Eglise sur la matière.

Elle nous devrait bien unpeudereconnaissance,mais nous n'osons nous y fier.

A tout hasard, commençons par :

Prédicateurs bizarres

Des écrivains du seizième siècle rapportent destraits singuliers de l'ignorance et de la naïvetéde certains prédicateurs de l'époque. Peut-êtrey a-t-il quelqne exagération, toutefois on ne sau-rait contester qu'il ne se dit alors en chaire de bienétranges choses.

Quoi qu'il en soit, on prétend qu'un curé de laSavoie, exhortant ses paroissiens à payer lesdîmes, leur citait l'exemple d'Abel qui ne man-quait jamais de les acquitter régulièrement et quientendait la messe chaque jour, tandis que Catnne voulait ni aller à l'église, ni payer les rede-vances au clergé.

La conclusion se tire toute seule. Le moyenpouvait laisser à désirer comme trait de hautemoralité, mais nous convenons que, comme re-cette financière, il ne devait pas manquer d'unecertaine efficacité. A côté de ce bon curé de l'an-cien temps, Loriquet n'était qu'un petit enfant.

Il existe d'ailleurs un grand nombre de recueilsd'anciens sermons, remplis de choses qui nousparaissent aujourd'hui singulières. Un des pluscélèbres de ces vieux prédicateurs est l'italienBarlette. Il agite, un jour, en parlant de la résur-rection du Christ, quel devait être l'ambassadeurchargé de porter cette grande nouvelle à la SainteVierge.

Adam dit à Jésus : — C'est moi : Mihi incum-bit.

Jésus lui répondit : — Tu t'arrêterais peut-êtreen chemin pour manger. des figues.

Abel parut ensuite : « — Non certainement. Tutrouverais peut-être en route Gain qui nous feraitun mauvais parti. »

A Noé, Jésus dit : « — Tu aimes trop à boire. »A saint Jean-Baptiste : « — Tu as les jambes

trop velues. »Au bon larron : « — Tu n'iras pas, car tu as

les jambes rompues. »Enfin un ange fut envoyé, qui se mit à chanter:

Regina cœli lœtare.

On voit que Barlette est assez irrespectueux àl'endroit des hôtes du Paradis. Il énonce aussi àpropos des pèlerinages quelques propos qui nesont pas sans une touchante ironie pour les saintsou les saintes dont les pieux fidèles vont invoquerl'appui.

Il avance en effet, dans un de ses sermons,que plusieurs partent gens de bien pour aller enpèlerinage et qu'ils reviennent méchants. Le mal-heureux saint Jacques est le plus malmené etBarlette n'en conseille guère la dévotion. Il pré-tend que des filles allaient vierges vers lui et enrevenaient pécheresses. La tentation de saintJacques n'avait d'ailleurs pas de jeunes préfé-rences et les veuves même n'étaient pas à l'abride ces perfidies. Deux veuves de Valence, raconteBarlette, ayant fait ce pèlerinage, devinrent desfemmes de mauvaise vie (meretrices) .

Voflà qui donne à réfléchir et ce saint là n'est

Petits Dialogues plosopliipes

CINQUIÈME DIALOGUE

Jean Guignol, citoyen lyonnais, rencontre, sur leplateau de la Croix-Rousse, un révérend père desmissions étrangères, et la conversation s'engage entreles deux promeneurs.

Guignol. — Jolie vue, te pas, messieu l'abbé!Le révérend père. — Fort belle en vérité; en

face de nous le coteau de Fourvières avec sabelle église.

Guignol. — Ah! nom de nom! pour uneehique bâtisse, c'est une chique bâtisse. Y ontagrobogné là une dizaine de millions que neseriont pas de refus chez les pauves canuts de laCroix-Rousse, surtout en ce mement qu'y tirentmieux la langue que le battant.

Le rèvèrendpère — Fi donc ! mon ami ! les biensspirituels que vous fait gagner ce monument dela piété publique sont fort préférables à quelquesvulgaires pièces de monnaie, croyez-moi.

Guignol. — Eh! messieu l'abbé! une bellepièce de cent sous que roule bien, que sonnefranc et que peut se diviser en cinq beaux battants,que font, eusses, pas mal de yards et d'escalins,ça arrive franc d'attaque quand on a le ventrecreux et j'aime mieux la vitrer que d'arregardervote monument deux heures de temps.

Le rèvèrendpère. — C'est que vous êtes, monpauvre ami, un esprit grossier et matériel.

Guignol. — Mais nom de nom ! si vous mé-prisez tant que ça les pecuniaux, pourquoi donc

que vous êtes toujours après, nous secouer lespoches pour n'en faire tomber le plus possibledans vote chapeau?

Le révérend père. — Ah! mon ami! ce n'estpas pour nous, vous le savez bien, c'est pour lesbesoins de l'Église, c'est pour le salut des pé-cheurs, la conversion des infidèles. Voyez, moiqui vous parle, je suis missionnaire pour le rachatdes petits Chinois.

Guignol. —. Ah! c'est vrai, vous arressemblezà z'un sapeur avé vote belle barbe. Je me rappelleque dans vote partie, n'y a que la légion étran-gère que ne so racle pas la trompette commeune courge.

Le rèvèrendpère. — En conséquence, profitezde l'occasion pour vous sanctifier et donnez-moivotre obole pour les petits Chinois.

Guignol. — Quoi donc que vous voulez leurz'y faire à ces petits Chinois?

Le révérend père. — Les sauver d'abord, lesconvertir ensuite. Imaginez-vous que leursmères dénaturées les abandonnent, les jettentdans les fleuves, les font manger par des pour-ceaux !. . .

Guignol. — Oh! y a un pays où les memansfont boulotter leurs miaillons par les cayons ! elleest trop forte, celle-là, et te me la feras pas en-core, avaler, mami.

Le révérend père. — Voilà bien plus de centans que nous la faisons avaler, comme vous ditesdans votre ^langage grossier, et des plus malinsque vous l'ont cru et le croiront encore, et çanous rapportera des millions et des millions.

Guignol. — Eh ben! en effet, ça prouve queles gens sont de pauves cavets, aller faire croireà des imbéciles que dans le pays des Chinois lesmemans et les pepas n'ont ni aime, ni fege, ni

gigier, qu'y font des petits pour les neyer ! maisvous devriez avoir honte, n'y a pas de pays desauvages où ça soye comme ça. Là où que lesgones vont tout nus et que les colombes se mettentseulement une plume sus la tête pour voiler leurpudeur y font comme les chiens et les moignaux ;y z'élèvent leurs petits quand y les ont faits.

Le révérend père. — Mais je vous assurequ'en Chine. . .

Guignol. — Ah! te commences à me fairesuer avec ta Chine. D'abord, quoi que te vas yfabriquer là-bas?

Le révérend père. — Je vous ai dit que jeconvertissais les Chinois.

Guignol. —Mais, nom de nom! de quoi que tete mêles? laisse-les donc faire la religion qu'yveulent, te leur rend z'un mauvais sarvice.

Le révérend père. — Comment cela!Guignol. — Eh oui! te leur monte le coup, y

se font catholiques; une fois catholiques, te leurraconte qu'y ne faut pus écouter que toi, que leurscurés chinois c'est tous des pilleraux, te lesfait quasi aussi rogneux que les cléricaux d'icique ne pensent qu'à sampiller le gouvarnement.Alors, l'empereur des Chinois, qu'est pas sipatient que pepa Grévy se fâche et y leur faitcouper la tête. Ah ! te leur rend z'un fameuxsarvice !

Le révérend père. — Ah ! ce sont des mar-tyrs ! ce sont de glorieux martyrs !

Guignol. — C'est des imbéciles et ceussesqui les poussent à ça, j'aime mieux que ça soyeeusses que moi, pace qu'y me semble que je nedormirais pas bien Iranquille dans mon pucier sij'avais été la cause qu'on aye exterminé des milleet des mille pauves cavets.

Le révérend père. — Mais nous devons bienenseigner la vérité !. . .

Guignol. — Mais, grand bugnasse, si j'écou-tais les curés chinois y me diriont que c'est eussesque disent la vérité et que toi te n'es qu'un francmaboule.

Le révérend père. — Mais la civilisation!

Guignol. — Te crois donc qu'y sont pas civi-lisés les Chinois ! y font des pots en porcelaineque jamais un ouvrier de Limoges serait fichud'y' apondre, y fabriquent des façonnés de soieque nous font ouvrir l'œil à nous qui sont les-..parmiers canuts du monde ! Y z'aviont inventé lapoudre pendant que nous grolassions avé de z'ar-baletes ! Te me fais suer avé ta civilisation. Quoidonc que te dirais si te voyais z'une douzaine deChinois débarquer à Lyon et monter le coup àtous les fenons que sont vos pratiques en leurdisant de se faire baptiser chinoises ! Te quinche-rais ! te dirais que c'est l'abomination de la déso-lation, et pis si ces fenons faisiont baptiser aussitous leurs hommes à la chinoise, te crierais au/secours! et pis si au lieur d'avoir un bon/ pars/dent, pas méchant, comme M. Grévy, t'avais z'7roi peteret, te lui dirais : la religion est- men"k.c/sauvez-la ! alors y ferait une belle Saint-Ba/ .<s- -lemy à la chinoise, et toi, te repondrais : amen!

Eh ben! le roi des Chinois y fait corn yCharles IX, que massacrait les potestants, conLouis XIV que les dragonnait, comme tousrois que t'aimes tant et que te voudrais tajîfcrevenir. Alors, pourquoi donc que to trfqu'il a tort! te veux donc pas qu'on fasse à 'ûque t'as tojours fait aux autes! t'es pas gêné !

Sur quoi Guignol continue fièrement sa promenadependant que le révérend père se demande quelle in-fluence pernicieuse a pu donner à ce canut une sifâcheuse logique.

Page 4: 1885 - Le Franc Maçon n°6 - Samedi 31 Octobre au Samedi 7 Novembre 1885 - 1ère année.pdf

LE FRANC - MAÇON

pas à conseiller, sinon aux entrepreneurs de pèle-

rinage, au moins à leurs trop faciles clientes.

A moins pourtant que le saint Jacques de Bar-

lette ne fut pas un saint de bon aloi.

{A suivre.)

Nous pouvons dès à présent annoncer à nos

lecteurs que nos démarches pour centraliser les

correspondances des grandes villes de France et

f''Etranger réussissent à souhait... Marseille et

Bordeaux ont déjà répondu à notre appel et vont

immédiatement nous adresser un service régulier

d'informations théâtrales. Nous avons aussi les

meilleures promesses de la plupart des grands

centres où il nous a été facile de trouver des amis

et des coreligionnaires s'occupant de questions

artistiques. Peu à peu, d'ailleurs, ce petit chapitre

de nos informations hebdomadaires deviendra

plus complet et plus intéressant. Il va sans dire

que nous recevrons avec plaisir toutes les com-

munications de toutes les villes ayant un théâtre

régulier. — Nous ne demandons à nos correspon-

dants que se faire connnître à nous, — sous le

sceau du secret professionnel s'entend — pour que

nous puissions prendre les références sans les-

quelles il n'est pas de journalisme sérieux et

honnête — et ensuite de nous envoyer des notes

courtes et substantielles.

Lyon. — Grand-Théâtre. — Le ténor Méritt

» fait dans le Trouvère un assez bon second début.

Il a surtout bien chanté les deux premiers actes.

S'il avait joué avec plus de chaleur les trois der-

niers, il aurait été vraiment très bien. Cet artiste

qui sera probablement accepté à son troisième

début ne produit pas l'effet qu'on pourrait suppo-

aer après l'avoir entendu chanter avec la plus

belle voix qui existe. Est-ce timidité? est-ce une

mollesse incurable? toujours est-il qu'avec de

moins beaux moyens nombre d'artistes arrivent

à un bien meilleur résultat. Espérons quo nous

verrons dégeler ce talent aux chaleurs des ova-

tions.

M llB de Basta, contralto, faisait son troisième

début dans le même Trouvère. Elle y a été ac-

ceptée sans opposition. Elle a la voix fatiguée

dans le registre élevé mais fort jolie dans le mé-

dium et le grave. Elle est en outre comédienne et

jolie femme. En somme, bonne acquisition.

Rien à dire de Delrat qui a cru devoir résilier

son engagement et va nous quitter. Il a chanté le

comte de Luna avec la belle voix et les grands

moyens que nous lui connaissons.

La plus faible dans tout cela a été Mlle Leroux,

falcon, qui a joué^et dit son rôle de Léonore avec

une exubérance singulière et une façon de chan-

ter plus singulière encore. Cette artiste gâte à

plaisir une bien belle voix pur une bien mauvaise

méthode.

Cèlestins. — Aux Célestins, le Chapeau de

paille d'Italie fait de belles recettes. Belliard,

Mercier, Holtinger et Fort y sont désopilants, et

ce vieux vaudeville est un de ceux qu'on revoie

toujours avec un joyeux plaisir. On annonce

d'ailleurs pour la fin de la semaine Antoinette

Rigaud, le dernier succès des Français. Nous en

causerons au prochain numéro.

Bellecour. — Coquelin et Mmo Kolb viennent

samedi pour le Légataire et dimanche Tartufe.

Deux chefs-d'œuvre joués par deux artistes hors

ligne, double bonne fortune.

CORRESPONDANCE

Voici la lettre que nous signalons dans notre articleintitulé « Catholique et Radical ».

Elle est longue et diffuse, et il eût mieux valu, pournos lecteurs et pour 1 auteur, n'en publier que les pas-sages intéressants (ce qui l'eût fort raccourcie). MaisM. Lebrun nous menace d'avance de l'huissier sinous en supprimons une virgule. Il a pour lui le droitde réponse, il en use, il en abuse. — Tant pis pournous — et pour lui.

St-Etienne, 21 octobre.Monsieur,

Je vous remercie d'avoir bien voulu, dans votrenuméro du samedi 17 octobre du journal Le Franc Maçon, consacrer une colonne à mou opuscule sur laRéforme sociale et la question politique.

Mais les appréciations que vous émettez à l'endroitsoit de l'auteur, soit de l'œuvre, me paraissent méri-ter une courte réponse que votre courtoisie seule vousfera un devoir d'insérer.

Un Travailleur avocat. Ceci, Monsieur,vous paraitune hérésie. « Vous connaissez des avocats travail-leurs, qui préparent consciencieusfmt-nt leurs dos-siers, etc., mais veus n'avez jamais vu de travailleurqui soit avocat. »

Puis vous glosez agréablement sur ce texte. « Unouvrier, un travailleur vivant de son travail manuel,quoique muni d'un diplôme de licencié en droit, Jmériterait ce titre, mais non un avocat inscrit etplaidant. « On n'imagine point qu'il cumule ces pro-fessions et fasse à la fois œuvre de travailleur etd'avocat. • Il faudrait pour cela «fournir à la foiscomme ouvrier menuisier, par exemple, d'excellentesplanches (non Maçouniqnes) â son client, et, quittantle rabot pour le code, le conseiller ensuite prudem-ment contre les difficultés de la procédure civile. »

Je dois le dire, Monsieur, cette critique et cetteglose m'étonnent. Mon œuvre, je le sais, sans êtredépourvue de toute valeur, n'est pas un chef-d'œuvre.Mais je m'attendais à la voir attaquée sur d'autrespoints. Cette « planche » du Franc Maçon mesurprend.

J'ai toujours pensé qu'un travaillaur était unhomme qui travaille; que l'état social nécessitantdiverses classes de travaux, les uns matériels, lesautres intellectuels et moraux, artistiques, littéraires.

scientifiques, etc., tous les hommes qui appliquaientleurs efforts à produire ces diverses catégories desservices échangeables, à satisfaire ces besoins denature diverse, étaient également des travailleurs,des producteurs d'utilités. Il parait que, suivant ladoctrine et le langage maçonniques, je me; suistrompé.

Au siècle dernier les pbysiocrates, Quesnay et sonEcole, nommaient classes stériles et improductivescelles qui ne s'appliquaient point au travail agricole,telles que les commerçants et les industriels. Ceux-ci à leurs yeux, étaient à proprement parler df s parasites, s'attachant aux flancs de l'agriculture pouren dévorer la substance nutritive

L'Economie politique, fondée par les Smith, lesSay, les Bastiat, a rectifié ces vues étroites et erron-nées. J'ai eu deux fois l'honneur d'être chargé d'unenseignement public de cette science, et j'en ai retenucette définition du travail, que je crois à la foisexacte et compréhensive : i Le travail c'est l'appli-cation de nos organes et de nos facultés à la satis-faction de nos besoins, soit directement soit par voied'échange. »

Si votre point de vue et votre glose étaient exacts,vous-mêmes, Monsieur, en votre qualité de journa-liste, ne seriez point un travailleur ruais un parasite.Permettez moi donc de penser que les services quevous pouvez rendre à votre parti comme écrivaincontituent un travail, un effort, dignes de rémunéra-tion ; qu'il n'est pas absolument nécessaire pour sedire travailleur de manier le rabot ou la pioche, « queles ouvriers de la pensée », comme on disait en 1848,fabriquent aussi des « planches » qui peuvent avoirquelque valeur, d'usage ou d'échange.

J'arrive, Monsieur, à votre seconde critique, quim'a touché davantage parce quelle est doctrinale,qu'elle s'adresse à des idées , à un système qui m'estcher, que j'ai toujours défendu, que j'espère pouvoirprochainement exposer et propager dans un organespécial de publicité qui paraîtra à Lyon même.

« On comprend mal, dites-vous, dans la brochure« d'un travailleur radical une telle défense de la reli-« gion catholique, terrain d'union entre les monar-« chistes; mais cette plaidoirie sympathique pour le« culte dont les fidèles combattent les institutions« républicaines avec tant de passion explique bien« la colère de l'auteur contre la Maçonnerie qui, elle,« lutte contre le cléricalisme, pour le progrès, la libret pensée et la république. «

Je ne veux pas ici , Monsieur, car il faudrait unvolume, et je l'ai dans mes cartons , entreprendre devous démo' trer que si le clergé, persécuté parle per-sonnel républicain, par le personnel Maçonnique quiest au pouvoir, et rendant coup pour coup , chercheà ramener la monarchie de droit divin, qu'il croitdevoir lui être plus favorable, il a le grand tort deconfondra la forme républicaine et la liberté démo-eratique avec les agissements hypocrites et les mes -quines tracasseries de ce parti opportuniste à qui lesélecteurs viennent d'infliger une ri verte leçon. Cettedémonstration m'entraînerait trop haut et trop loin.

Mais je sais, je suis certain et convaincu par uneétude approfondis de la question, que la raison et lafoi, la croyance et la liberté. l'Eglise et la démocratie,loin de se combattre, se complètent, s'appuient et seconsolident réciproquement. Je sais que le malen-tendu, bientôt séculaire, qui nous divise, nous aigrit,nous paralyse, prendra fin un jour, et que ce jourest proche. C'est le Christianisme, c'est l'Eglise qui,par leur distinction fondamentale des deu^ pouvoirs,par l'organisation cosmopolite des pouvoirs religieux,maintiennent la liberté dans le monde, coupent le

despotisme dans sa racine, empêchent à jamaisl'homme d'êtr't dominé tout entier, absoibé par t'Etalvu parle prince; qui lui assurent dans son for tntérieur, dans sa conscience unie à Dieu, un refug<inaccessible à toutes les intrusions de la force, auscaprices, aux séductions, aux violences des tyrans

C'est sur ce terrain de coiiciliationetd'équitéque i<compte fondera Lyon un organe catholique libéralC'est encore cette doctrine qui est le seul traité depaix équitab'e entre la raison et la foi, entre la démocratie triomphante et l'Eglise infaillible, ces deuxpôles de l'ordre social, auxquels votre serviteur estégalement et inébranlablement attaché.

Veuillez agréer, Monsieur, les sentiments distin-gués d'un catholique aussi ardent contre les doctrinesqu'il croit dangereuses et subversives que tolérant etsympathique pour ceux qui les défendent.

4

Petite CorrespondanceA l'auteur d'une pièce de vers. — Les communications

non signées ne sont pas insérées.UUiac. — Merci de votre lettre. Nous profiterons des

bonnes choses qu'elle renferme.

Tante Mira. - Vous voyez qu'on a mis à profit votrecommunication.

A.B., Lyon. — Abondance des matières empêche àtdernier moment faire passer réponse à votre lettre déjàcomposée. Vous la trouverez dans le prochain numéro.

ÉTABLISSEMENTS RECOMMANDÉSCHAUX-DE-FONDS (Suisse). — Charles Aubry, buffet de

la gare.GENÈVE (Suisse). — Grand café de la Couronne.CHATELLERAULT (Vienne). — Grand hôtel de l'Univers.

Recommandé aux voyageurs de commerce.POITIERS (Vienne) Grand café Tribot,en face de la gare,

consommations de 1er choix.BOURGES (Cher). — Grand hôtel delà Boucle d'or.GUÉRÏÏT (Creuse). — Hôtel Rousseau, au centre de la

ville, vis-à-vis le bureau des Postes et Télégraphes.

JOURNAUX RECOMMANDÉS1 Affiches ardéchoises. -r- Privas. — Journal de publicité,

s'adresse en particulier aux entrepreneurs de travaux pu-blics.

2. L'Avenir des Campagnes .— A Soucieu-en-J arrêt, parBrignais (Rhône).

3. Le Clairvoyant. — 9, place Richelieu, Bordeaux.Annonces diverses, concernant surtout la propriété fon-cière. Service de renseignements pour l'émigration.

4. L'Escarmouche.— Journal littéraire etdl'annonces, 91,rue Malbec, Bordeaux.

PETITE TRlHElluTRÂVÂiLDEMANDE D'EMPLOI

Un homme marié, i'8 ans, sachant lire, écrire et con-duire demande un emploi quelconque. S'adresser 75, ruaBugeaud.

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Le Gérant : PONCET.

Imprimerie Nouvelle lyonnaise, rue Ferrandière, 5SJ(Associatioa Syndicale des Ouvriers typographes)

A NOS LECTEURSLe Franc-Maçon croit qu'il sera

utile à ses nombreux lecteurs , en ré-

servant une demi-page pour les an-

aonces, réclames et avis divers.

Par ce temps de publicité à ou-

trance, alors que la réussite des meil-

Joures opérations ne s'obtient qu'au

prix d'une réclame vigoureuse , le

Franc-Maçon ne pourrait, sans man-

quer aux intérêts du public auquel il

s'adresse , refuser ses colonnes au

"fnpnde commercial.

D'ailleurs , ayant la certitude de

rencontrer des lecteurs un peu dans

toutes les classes de la société : arti-

sans , négociants , industriels , ingé-

nieurs, avocats, etc., etc., il se croit

©n droit d'affirmer, que toutes les an-

nonces qui lui seront confiées rapporte-

ront de sérieuse affaires à leure au-

teurs.Le prix excessivement bas que nous

ferons payer pour ces insertions , an-

nonces ou réclames prouvera mieux

çûe tout ce que nous pourrions dire

que c'e»t bien pour rendre service à

nos lecteurs que nous leur réservons

le rez-de-chaussée de notre 4 e page.