13.5.2020 journal officiel de l’union européenne c 164/21

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COMMUNICATION DE LA COMMISSION sur un plan d'action pour une politique globale de l'Union en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (2020/C 164/06) I. Introduction La Commission est totalement déterminée à combattre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme tant au sein de l’UE qu’à l’échelle mondiale. L’argent illicite doit faire l’objet d’une tolérance zéro dans l’UE. L’augmentation récente de la criminalité dans le contexte de la pandémie de COVID-19 ( 1 ) rappelle que les criminels vont exploiter toutes les possibilités de poursuivre leurs activités illicites au détriment de la société. L’UE doit être tout aussi déterminée à faire en sorte qu’ils ne puissent profiter du produit de leurs crimes. En l’espace de trente ans, l’UE s’est dotée d’un solide cadre réglementaire pour prévenir et combattre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, cadre qu’est venue étayer la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ( 2 ). Les règles de l’UE ont une vaste portée, qui va au-delà des normes internationales adoptées par le Groupe d’action financière (GAFI) ( 3 ). Le périmètre des entreprises et professions assujetties à ces règles n’a cessé de s’étendre. Des évolutions législatives récentes ont tendu à renforcer le cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT) de l’UE. Ainsi, des modifications ont été apportées à la 4 e directive anti-blanchiment (4AMLD) par la 5 e directive anti-blanchiment (5AMLD) ( 4 ), le mandat de l’Autorité bancaire européenne a été renforcé ( 5 ), de nouvelles dispositions vont s’appliquer, à compter de juin 2021, en matière de contrôles des mouvements d’argent liquide ( 6 ), la directive sur les exigences de fonds propres des banques (CRDV) ( 7 ) a été modifiée, de nouvelles règles vont régir l’accès des services répressifs aux informations financières ( 8 ), et un ensemble harmonisé de définitions a été élaboré pour les délits liés au blanchiment de capitaux et les sanctions qui leur sont applicables ( 9 ). En outre, l’UE a mis en place un nouveau régime complet de protection des lanceurs d’alerte, qui complète les règles en la matière déjà prévues dans la 4 e directive anti-blanchiment et qui doit être mis en œuvre en droit national pour décembre 2021 au plus tard ( 10 ). Ce nouveau régime renforcera la capacité des autorités nationales et de l’UE à prévenir, détecter et combattre les infractions, notamment aux règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. ( 1 ) Europol, «Pandemic profiteering: how criminals exploit the COVID-19 crisis» (Profiter de la pandémie: comment les criminels exploitent la crise de la COVID-19), mars 2020. L’Autorité bancaire européenne a également rappelé aux établissements de crédit et aux autres établissement financiers l’importance de disposer de systèmes et de contrôles efficaces, et elle a demandé aux autorités compétentes de les soutenir à cet égard. Voir «EBA statement on actions to mitigate financial crime risks in the COVID-19 pandemic» (Déclaration de l’ABE sur les mesures visant à atténuer les risques de criminalité financière durant la pandémie de COVID-19). ( 2 ) La Cour a reconnu que l’objectif de combattre le blanchiment de capitaux était lié à la protection de l’ordre public et pouvait justifier une restriction des libertés fondamentales garanties par le traité, y compris la libre circulation des capitaux. Les restrictions appliquées doivent être proportionnées (voir les arrêts dans les affaires C-212/11, Jyske Bank Gibraltar, et C-190/17, Lhu Zeng). ( 3 ) Le GAFI est un organisme intergouvernemental qui fixe des normes et promeut la mise en œuvre effective de mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La Commission, 14 États membres de l’UE et 2 États de l’AELE-EEE sont membres du GAFI, tandis que 13 États membres sont membres de Moneyval, une organisation régionale. ( 4 ) Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE (texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (JO L 156 du 19.6.2018, p. 43) ( 5 ) Règlement (UE) 2019/2175 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2019 modifiant le règlement (UE) n o 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), le règlement (UE) n o 1094/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles), le règlement (UE) n o 1095/ 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), le règlement (UE) n o 600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers, le règlement (UE) 2016/1011 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d’instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d’investissement et le (UE) 2015/847 sur les informations accompagnant les transferts de fonds (texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (JO L 334 du 27.12.2019, p. 1). ( 6 ) Règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement (CE) n o 1889/2005 (JO L 284 du 12.11.2018, p. 6). ( 7 ) Directive (UE) 2019/878 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres (texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (JO L 150 du 7.6.2019, p. 253). ( 8 ) Directive (UE) 2019/1153 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant l’utilisation d’informations financières et d’une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière, et abrogeant la décision 2000/642/JAI du Conseil (JO L 186 du 11.7.2019, p. 122). ( 9 ) Directive (UE) 2018/1673 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 visant à lutter contre le blanchiment de capitaux au moyen du droit pénal (JO L 284 du 12.11.2018, p. 22). ( 10 ) Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO L 305 du 26.11.2019, p. 17). FR Journal officiel de l’Union européenne 13.5.2020 C 164/21

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COMMUNICATION DE LA COMMISSION

sur un plan d'action pour une politique globale de l'Union en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme

(2020/C 164/06)

I. Introduction

La Commission est totalement déterminée à combattre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme tant au sein de l’UE qu’à l’échelle mondiale. L’argent illicite doit faire l’objet d’une tolérance zéro dans l’UE. L’augmentation récente de la criminalité dans le contexte de la pandémie de COVID-19 (1) rappelle que les criminels vont exploiter toutes les possibilités de poursuivre leurs activités illicites au détriment de la société. L’UE doit être tout aussi déterminée à faire en sorte qu’ils ne puissent profiter du produit de leurs crimes.

En l’espace de trente ans, l’UE s’est dotée d’un solide cadre réglementaire pour prévenir et combattre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, cadre qu’est venue étayer la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (2). Les règles de l’UE ont une vaste portée, qui va au-delà des normes internationales adoptées par le Groupe d’action financière (GAFI) (3). Le périmètre des entreprises et professions assujetties à ces règles n’a cessé de s’étendre.

Des évolutions législatives récentes ont tendu à renforcer le cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT) de l’UE. Ainsi, des modifications ont été apportées à la 4e directive anti-blanchiment (4AMLD) par la 5e directive anti-blanchiment (5AMLD) (4), le mandat de l’Autorité bancaire européenne a été renforcé (5), de nouvelles dispositions vont s’appliquer, à compter de juin 2021, en matière de contrôles des mouvements d’argent liquide (6), la directive sur les exigences de fonds propres des banques (CRDV) (7) a été modifiée, de nouvelles règles vont régir l’accès des services répressifs aux informations financières (8), et un ensemble harmonisé de définitions a été élaboré pour les délits liés au blanchiment de capitaux et les sanctions qui leur sont applicables (9).

En outre, l’UE a mis en place un nouveau régime complet de protection des lanceurs d’alerte, qui complète les règles en la matière déjà prévues dans la 4e directive anti-blanchiment et qui doit être mis en œuvre en droit national pour décembre 2021 au plus tard (10). Ce nouveau régime renforcera la capacité des autorités nationales et de l’UE à prévenir, détecter et combattre les infractions, notamment aux règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

(1) Europol, «Pandemic profiteering: how criminals exploit the COVID-19 crisis» (Profiter de la pandémie: comment les criminels exploitent la crise de la COVID-19), mars 2020. L’Autorité bancaire européenne a également rappelé aux établissements de crédit et aux autres établissement financiers l’importance de disposer de systèmes et de contrôles efficaces, et elle a demandé aux autorités compétentes de les soutenir à cet égard. Voir «EBA statement on actions to mitigate financial crime risks in the COVID-19 pandemic» (Déclaration de l’ABE sur les mesures visant à atténuer les risques de criminalité financière durant la pandémie de COVID-19).

(2) La Cour a reconnu que l’objectif de combattre le blanchiment de capitaux était lié à la protection de l’ordre public et pouvait justifier une restriction des libertés fondamentales garanties par le traité, y compris la libre circulation des capitaux. Les restrictions appliquées doivent être proportionnées (voir les arrêts dans les affaires C-212/11, Jyske Bank Gibraltar, et C-190/17, Lhu Zeng).

(3) Le GAFI est un organisme intergouvernemental qui fixe des normes et promeut la mise en œuvre effective de mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La Commission, 14 États membres de l’UE et 2 États de l’AELE-EEE sont membres du GAFI, tandis que 13 États membres sont membres de Moneyval, une organisation régionale.

(4) Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE (texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (JO L 156 du 19.6.2018, p. 43)

(5) Règlement (UE) 2019/2175 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2019 modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), le règlement (UE) no 1094/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles), le règlement (UE) no 1095/ 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité européenne des marchés financiers), le règlement (UE) no 600/2014 concernant les marchés d’instruments financiers, le règlement (UE) 2016/1011 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d’instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d’investissement et le (UE) 2015/847 sur les informations accompagnant les transferts de fonds (texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (JO L 334 du 27.12.2019, p. 1).

(6) Règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement (CE) no 1889/2005 (JO L 284 du 12.11.2018, p. 6).

(7) Directive (UE) 2019/878 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres (texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (JO L 150 du 7.6.2019, p. 253).

(8) Directive (UE) 2019/1153 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant l’utilisation d’informations financières et d’une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière, et abrogeant la décision 2000/642/JAI du Conseil (JO L 186 du 11.7.2019, p. 122).

(9) Directive (UE) 2018/1673 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 visant à lutter contre le blanchiment de capitaux au moyen du droit pénal (JO L 284 du 12.11.2018, p. 22).

(10) Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union (JO L 305 du 26.11.2019, p. 17).

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Le consensus se fait pourtant de plus en plus large sur la nécessité d’améliorer nettement le cadre existant. Il faut remédier à des divergences majeures dans ses modalités d’application, mais aussi à de graves lacunes dans l’exécution des règles.

Dans sa communication intitulée «Vers une meilleure mise en œuvre du cadre réglementaire de l’UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme» (11) et les rapports l’accompagnant, de juillet 2019, la Commission a exposé les mesures requises pour mettre en place une politique globale de l’UE en la matière. Il s’agit notamment de mieux faire appliquer les règles existantes, de mettre en place un corpus réglementaire plus détaillé et davantage harmonisé, d’assurer une surveillance cohérente et de haute qualité, y compris en confiant des missions de surveillance spécifiques à un organe de l’UE, d’interconnecter les registres centralisés des comptes bancaires et de créer un mécanisme destiné à coordonner et soutenir le travail des cellules de renseignement financier.

Le Parlement européen et le Conseil soutiennent ce point de vue. Dans sa résolution du 19 septembre 2019 (12), le Parlement européen a appelé à donner un nouvel élan aux initiatives susceptibles de renforcer la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au niveau de l’UE et à une transposition rapide des règles de l’UE par les États membres. Le 5 décembre 2019, le Conseil «Affaires économiques et financières» a adopté des conclusions sur les priorités stratégiques de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (13), invitant la Commission à étudier des mesures par lesquelles il serait possible de renforcer le cadre existant.

La Commission entend mettre en œuvre une politique globale de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (14), qui réponde aux menaces et aux risques auxquels l’UE est actuellement exposée ainsi qu’aux vulnérabilités qu’elle présente et qui soit conçue de manière à pouvoir évoluer efficacement en tenant compte de l’innovation. Un cadre plus solide en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme renforcera encore l’intégrité du système financier de l’UE, condition nécessaire pour parachever la mise en œuvre de l’Union bancaire et de l’Union économique et monétaire.

Sous réserve d’une analyse d’impact approfondie, y compris des incidences sur les droits fondamentaux, il conviendrait de mettre en place un système LBC-FT intégré à l’échelle de l’UE. Sur l’exemple des réformes conduites en matière de réglementation et de surveillance prudentielles du secteur bancaire, ce système devrait reposer sur un corpus réglementaire harmonisé et une autorité de surveillance instituée au niveau de l’UE, qui travaillerait en étroite coopération avec les autorités nationales compétentes, en vue de garantir une surveillance cohérente et de haute qualité dans l’ensemble du marché unique. Il devrait être complété par la mise en place d’un mécanisme européen de coordination et de soutien pour les cellules de renseignement financier, qui renforcerait leur efficacité, et par l’interconnexion des registres nationaux centralisés des comptes bancaires, qui accélérerait l’accès transfrontière des services répressifs et des cellules de renseignement financier aux informations sur les comptes bancaires.

Le présent plan d’action expose la manière dont la Commission entend atteindre ces objectifs, en se fondant sur six piliers:

— veiller à la mise en œuvre effective du cadre de l’UE existant en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme,

— mettre en place un corpus de règles LBC-FT unique à l’échelle de l’UE,

— instaurer une surveillance de niveau européen en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme,

— créer un mécanisme de coordination et de soutien pour les cellules de renseignement financier,

— faire appliquer les dispositions de droit pénal et en matière d’échange d’informations arrêtées au niveau de l’Union,

— renforcer la dimension internationale du cadre LBC-FT de l’UE.

II. Veiller à la mise en œuvre effective du cadre de l’UE existant en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

La première priorité est de veiller à ce que les règles LBC-FT de l’UE soient effectivement et rigoureusement mises en œuvre par les États membres, les autorités compétentes et les entités assujetties. À cet effet, il faut agir sur plusieurs fronts.

(11) COM(2019) 360 final. (12) Résolution du Parlement européen du 19 septembre 2019 sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de la législation de l’Union

relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux [2019/2820(RSP)]. (13) Conclusions du Conseil du 5 décembre 2019 sur les priorités stratégiques concernant la lutte contre le blanchiment de capitaux et le

financement du terrorisme (14823/19). (14) Comme le souligne le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’évaluation des risques de blanchiment de

capitaux et de financement du terrorisme pesant sur le marché intérieur et liés aux activités transfrontières [COM(2019) 370 final], qui est la toute dernière évaluation supranationale des risques réalisée pour l’Union.

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Garantir la transposition et la mise en œuvre effectives de la directive anti-blanchiment

Concernant la transposition de la 4e directive anti-blanchiment, la Commission a engagé des procédures d’infraction à l’encontre de tous les États membres pour transposition incomplète. Plusieurs États membres ont réagi en adoptant des dispositions législatives qui ont conduit à clôturer les procédures les concernant. Les procédures lancées à l’encontre d’autres États membres se poursuivent. Une étude évaluant l’application effective de la 4e directive anti-blanchiment dans les États membres sera bouclée d’ici à la mi-2021 et viendra nourrir le rapport que la Commission doit présenter à ce sujet (15).

Concernant la transposition de la 5e directive anti-blanchiment, qui devait être achevée pour le 10 janvier 2020, la Commission a déjà engagé un certain nombre de procédures d’infraction à l’encontre des États membres n’ayant notifié aucune mesure de transposition. La Commission suivra de près la mise en place, par les États membres, des mécanismes centralisés pour les comptes bancaires et des registres des bénéficiaires effectifs, afin de s’assurer qu’ils sont alimentés avec des données de haute qualité.

Les travaux visant à interconnecter les registres des bénéficiaires effectifs ont déjà commencé, et l’interconnexion fonctionnera dès 2021. La Commission publiera également en 2021 la 3e évaluation supranationale des risques, afin d’éclairer l’approche fondée sur les risques.

Suivre la capacité des États membres à prévenir et à combattre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Le blanchiment de capitaux est préjudiciable non seulement à la stabilité du système financier de l’UE, mais aussi à l’économie, à la bonne gouvernance et à la confiance des investisseurs. Dans le cadre du Semestre européen, la Commission analyse la manière dont les règles LBC-FT sont appliquées concrètement dans les États membres, à l’issue de quoi des recommandations LBC-FT par pays sont adoptées par le Conseil. La Commission apporte en outre aux États membres, par son programme d’appui à la réforme structurelle, un soutien technique à la mise en œuvre des réformes nécessaires pour combler certaines des lacunes les plus importantes du système européen de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ces lacunes sont notamment une dotation insuffisante des autorités compétentes en personnel et des défaillances dans l’application de l’approche fondée sur les risques et dans l’atténuation des risques liés à l’utilisation abusive des sociétés écrans, des «visas en or» et des régimes de citoyenneté.

L’Autorité bancaire européenne (ABE)

L’ABE a vu son mandat renforcé récemment par le règlement (UE) 2019/2175 (16), qui lui a conféré la responsabilité de diriger, de coordonner et de suivre les efforts déployés par l’ensemble des prestataires de services financiers et des autorités compétentes de l’UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. L’ABE est également habilitée à mettre en place, à l’échelle de l’UE, une base de données sur les risques et les mesures de surveillance LBC-FT, à soumettre les autorités compétentes à des évaluations des risques et, si nécessaire, à demander à celles-ci de mener des enquêtes et d’envisager de prendre des mesures à l’endroit d’établissements financiers particuliers. La Commission attend de l’ABE qu’elle fasse pleinement usage de ses pouvoirs renforcés, en particulier pour ce qui est des enquêtes visant à vérifier si une autorité nationale de surveillance a enfreint le droit de l’Union dans l’accomplissement de ses missions. L’ABE a déjà entrepris des examens de mise en œuvre et publié un premier rapport en février 2020 (17). Ce rapport pointe un certain nombre de problèmes et constate que «les approches des autorités compétentes en matière de surveillance des banques aux fins de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne sont pas toujours efficaces».

Comme l’explique la section IV, la mise en place d’une autorité de surveillance au niveau de l’UE renforcera le respect des règles. Cela permettra, d’abord et avant tout, de prendre des mesures adéquates pour prévenir le blanchiment de capitaux et, lorsque cela n’a pas été possible, d’appliquer des sanctions efficaces. La nouvelle autorité de surveillance de l’UE sera conçue de manière à posséder les compétences LCB-FT, la capacité et les pouvoirs d’enquête et la structure décisionnelle nécessaires pour mettre les règles en œuvre plus efficacement et agir de façon préventive chaque fois que des soupçons se font jour, afin de garantir une application efficace du corpus réglementaire unique La Commission estime que la conduite d’inspections sur place pour évaluer l’efficacité du cadre LBC-FT dans les États membres sera cruciale pour garantir l’instauration de normes de grande qualité dans l’ensemble de l’Union.

(15) Article 65, paragraphe 1, de la 4e directive anti-blanchiment. (16) Voir la note 5 de bas de page. (17) Rapport de l’ABE sur les approches des autorités compétentes en matière de surveillance des banques aux fins de la lutte contre le

blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, EBA/Rep/2020/06.

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Elle continuera de veiller à la transposition complète et correcte des règles en la matière et proposera des recommandations par pays à ce sujet au deuxième trimestre de 2020.

III. Mettre en place un corpus réglementaire renforcé

Le cadre légal de l’UE est de vaste portée. Il a progressivement élargi le périmètre des entités dites «assujetties» (18) et la liste des infractions principales, mis davantage l’accent sur les bénéficiaires effectifs et l’approche fondée sur les risques, et largement supprimé les obstacles à la communication et à la coopération entre les autorités compétentes. Les États membres disposent ainsi d’un arsenal réglementaire complet pour combattre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Cependant, l’approche actuelle de la législation de l’UE a conduit à des divergences de mise en œuvre d’un État membre à l’autre et, pour partie, à l’édiction d’exigences supplémentaires, qui vont au-delà de celles prévues dans le droit de l’UE, par exemple, l’ajout d’entités telles que les plateformes de financement participatif ou les négociants en diamants à la liste des entités assujetties, l’octroi du pouvoir de geler des avoirs aux cellules de renseignement financier et le plafonnement des paiements en espèces (19). L’UE pâtit en conséquence d’un paysage législatif fragmenté, qui engendre des coûts et des contraintes supplémentaires pour les prestataires de services transfrontières ou qui cause un «shopping réglementaire» de la part d’entreprises qui se font immatriculer là où les règles sont moins strictes.

Le caractère insuffisamment détaillé des règles applicables, notamment en ce qui concerne le partage des responsabilités pour les questions transfrontières, aboutit à une interprétation divergente de la directive entre les États membres. L’inadéquation de la coopération entre les autorités compétentes (cellules de renseignement financier, services répressifs et autorités douanières et fiscales), au niveau tant national qu’international, crée des failles potentielles qui peuvent être exploitées par les criminels. Les Autorités européennes de surveillance ont également noté (20) que les divergences dans l’approche réglementaire de la surveillance et l’application de l’approche fondée sur les risques, en plus de nuire au bon fonctionnement du cadre LBC-FT de l’UE, portaient atteinte à la prestation de services transfrontières en renchérissant les coûts pour les entreprises. La question est particulièrement pertinente pour les entreprises de technologie financière (FinTech), et l’ABE a recommandé que la Commission harmonise les exigences qui devraient leur être appliquées (21) lorsqu’elles posent des risques de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

Il faut détailler davantage la législation de l’UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et la rendre plus précise et moins susceptible d’interprétations divergentes. Certaines exigences supplémentaires imposées par les États membres lors de la transposition des directives anti-blanchiment pourraient toutefois contribuer à un renforcement du cadre LBC-FT et, à ce titre, être intégrées dans le futur corpus réglementaire de l’UE. Afin de limiter les divergences dans l’interprétation et l’application des règles, certaines parties de la directive anti-blanchiment pourraient être converties en dispositions directement applicables d’un règlement. Au minimum, cela devrait concerner les dispositions établissant la liste des entités assujetties, les obligations de vigilance à l’égard de la clientèle, les contrôles internes, les obligations déclaratives ainsi que les dispositions relatives aux registres des bénéficiaires effectifs et aux mécanismes centralisés pour les comptes bancaires. Il conviendrait également d’envisager une approche davantage harmonisée pour l’identification des personnes politiquement exposées. Il faudrait veiller particulièrement à garantir l’efficacité du système en détaillant davantage les dispositions relatives à la structure de la surveillance et aux missions de surveillance vis-à-vis de toutes les entités assujetties, ainsi qu’aux missions des cellules de renseignement financier (voir les sections suivantes). Un système intégré de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme suppose aussi un corpus réglementaire suffisamment détaillé pour faciliter la surveillance directe.

xPour certaines règles spécifiques, une harmonisation plus poussée pourrait être atteinte par des habilitations à édicter des modalités plus détaillées par voie d’actes délégués ou d’exécution permettant de s’adapter aux évolutions de la situation.

(18) Outre le secteur financier, les professionnels du droit et les comptables, le cadre de l’UE s’applique également aux agents immobiliers, aux services de jeux d’argent et de hasard, aux négociants en biens, aux prestataires de services de change entre monnaies virtuelles et monnaies fiduciaires, aux prestataires de services de portefeuilles de conservation et aux négociants en œuvres d’art.

(19) Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les restrictions concernant les paiements en espèces, COM (2018) 483 final. Cette problématique fera l’objet d’une évaluation ciblée plus poussée courant 2021.

(20) Avis conjoint des Autorités européennes de surveillance sur les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme affectant le secteur financier de l’Union européenne, 4 octobre 2019.

(21) Rapport de l’ABE sur les obstacles potentiels à la prestation transfrontière de services bancaires et de paiement, 29 octobre 2019.

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Le champ d’application de la législation de l’UE doit être étendu pour tenir compte des implications de l’innovation technologique et de l’évolution des normes internationales. Les travaux conduits au niveau international suggèrent qu’il faut étendre le périmètre des secteurs ou des entités soumis aux règles LBC-FT et apprécier comment ces règles devraient s’appliquer aux prestataires de services d’actifs virtuels qui n’en relevaient pas jusqu’à présent (22). D’autres mesures pourraient consister à faciliter le recours à l’identification numérique pour identifier les clients ou vérifier leur identité à distance ainsi que pour établir des relations d’affaires à distance, ou à plafonner les paiements importants en espèces. En outre, il est nécessaire de réaliser l’interconnexion à l’échelle de l’UE des mécanismes centralisés pour les comptes bancaires, afin de permettre un accès plus rapide des services répressifs et des cellules de renseignement financier à l’information financière et de faciliter leur coopération transfrontière.

Étant donné le développement de la cybercriminalité financière et, en particulier, de la fraude, on pourrait envisager des dispositions qui faciliteraient la prise de mesures de gel administratif pour les cellules de renseignement financier et qui obligeraient les établissements financiers à donner suite aux demandes de rappel et à les exécuter. D’autres risques découlent des programmes conférant des droits civiques et de résidence en échange d’un investissement dans le pays concerné. Il faudra dûment étudier les moyens d’atténuer ces risques. Il faudra aussi prêter attention aux secteurs identifiés comme à risque dans le cadre de l’évaluation supranationale des risques.

Dans les travaux conduits en vue de l’instauration de ces nouvelles mesures, il importera de veiller à maintenir au strict minimum les charges administratives et financières que celles-ci feront peser en plus sur les États membres et les entités assujetties et de suivre une approche fondée sur les risques.

Face au durcissement des sanctions infligées en cas de non-respect des règles LBC-FT, les entités assujetties ont cherché des solutions pour s’y conformer davantage: allocation de ressources supplémentaires, mise en place de vastes programmes de remédiation, révision radicale de leur modèle d’entreprise ou encore abandon de certains produits, clients ou marchés, y compris de services de correspondant bancaire. Cela pourrait avoir des conséquences indésirables sur la prestation de services financiers et sur le financement de l’économie. Les solutions technologiques qui peuvent faciliter la détection des transactions et activités suspectes doivent respecter les normes LBC-FT internationales et de l’UE, ainsi que d’autres règles de l’UE, notamment en matière de protection des données et d’ententes.

Dès lors que le but des règles LBC-FT de l’UE n’est pas de priver d’accès à des services financiers légitimes, il est nécessaire de clarifier l’articulation de ces règles avec les autres dispositions législatives applicables au secteur financier (23). Il conviendrait de prêter attention à la question de savoir si, et dans quelles circonstances, le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme pourrait conduire à déclarer que la défaillance d’une banque est avérée ou prévisible et éventuellement entraîner sa résolution en application de la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (24), ou entraîner sa mise en liquidation selon la procédure normale d’insolvabilité, avec la nécessité de rembourser les déposants. La directive relative aux systèmes de garantie des dépôts (25) pourrait bénéficier d’une clarification de ses dispositions visant à réduire encore le risque que des déposants soupçonnés d’activités de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme profitent d’un remboursement de la part d’un système de garantie des dépôts (SGD) et à préciser aussi le rôle des SGD et des autres autorités compétentes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La question de la conciliation de l’obligation prévue par la directive sur les comptes de paiement (26) de fournir un compte de base à tout client avec l’obligation LBC-FT de mettre fin à la relation d’affaires dès lors que l’entité assujettie a des soupçons vis-à-vis du client et ne peut obtenir des informations actualisées à son sujet mériterait également d’être approfondie. Enfin, il faudra réévaluer si les catégories de prestataires de paiement actuellement couvertes par la législation LBC-FT restent adéquates.

Les cadres régissant les services financiers pourraient être renforcés de façon à imposer aux autorités de surveillance prudentielle des obligations concrètes de partage de l’information avec leurs homologues de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les contrôles d’honorabilité et de compétence exigés dans la législation applicable aux services financiers devraient être soumis à des conditions LBC-FT plus strictes.

(22) Le GAFI définit les actifs virtuels comme des représentations numériques de valeur qui peuvent être négociées ou transférées par voie numérique et qui peuvent être utilisées à des fins de paiement ou d’investissement. Les actifs virtuels ne comprennent pas les représentations numériques des monnaies fiduciaires, les valeurs mobilières ni les autres actifs financiers déjà couverts par ses normes.

(23) Voir également l’annonce faite dans le programme de travail de la Commission selon laquelle la Commission va proposer un cadre législatif sur les crypto-actifs.

(24) Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (JO L 173 du 12.6.2014, p. 190).

(25) Directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux systèmes de garantie des dépôts (texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (JO L 173 du 12.6.2014, p. 149).

(26) Directive 2014/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base (texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (JO L 257 du 28.8.2014, p. 214).

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Les entités assujetties, lorsqu’elles accèdent aux informations dont elles ont besoin pour se conformer à leurs obligations de vigilance à l’égard de la clientèle, et les pouvoirs publics, lorsqu’ils échangent des informations entre eux, y compris en dehors de l’UE, doivent pleinement respecter la législation de l’UE en matière de protection des données. Ainsi, donner aux entités assujetties l’accès à certains registres publics pourrait poser des problèmes de protection des données. La difficulté de garantir la protection et la confidentialité des données a aussi été évoquée dans le contexte de l’échange d’informations entre les autorités compétentes. Ces problèmes devraient être dûment traités.

Au premier trimestre de 2021, la Commission présentera des propositions législatives, fondées sur une analyse d’impact approfondie, en vue de mettre en place un corpus réglementaire unique dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

IV. Instaurer une surveillance de niveau européen en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

La surveillance est au cœur d’un cadre efficace de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. L’importante d’une surveillance adéquate a été confirmée dans le paquet relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux de juillet 2019, où l’analyse de plusieurs affaires de blanchiment de capitaux a mis en évidence d’importantes lacunes dans la gestion des risques des établissements de crédit et dans leur surveillance tant par les autorités chargées de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme que par les autorités de surveillance prudentielle. Parallèlement, plusieurs affaires présumées de blanchiment de capitaux révélées récemment par des journalistes d’investigation pointent également le défaut de surveillance des entités non financières.

Ces problèmes frappants résultent à la fois de la manière dont le cadre de surveillance a été conçu et de la manière dont il est mis en œuvre. À l’heure actuelle, la surveillance en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au sein de l’UE se fait au niveau de chaque État membre. Elle est de qualité et d’efficacité variables d’un État membre à l’autre, en raison d’écarts importants dans les ressources humaines et financières et les compétences qui lui sont consacrées, ainsi que dans le degré de priorité qui lui est conféré. L’Union n’a pas mis en place de dispositifs suffisamment efficaces pour traiter les affaires de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme présentant des aspects transfrontières. Le cadre LBC-FT de l’UE n’est jamais aussi solide que son maillon le plus faible, et les défaillances d’une autorité nationale compétente créent des risques pour l’ensemble du marché unique. Toute l’UE pâtit en conséquence de dommages financiers, économiques et réputationnels.

L’UE ne peut pas se permettre d’attendre que d’autres cas se produisent avant de mettre en place un système de surveillance efficace en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme qui contribue au bon fonctionnement du marché unique et de l’Union bancaire. L’UE doit impérativement se doter d’une surveillance LBC-FT de grande qualité pour retrouver la confiance de ses citoyens et, plus largement, de la communauté internationale.

Il existe un besoin clair et démontré de mettre en place un système de surveillance LBC-FT intégré au niveau de l’UE, qui garantisse une application cohérente et de grande qualité du corpus réglementaire unique relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans l’ensemble de l’UE et favorise une coopération efficace entre toutes les autorités compétentes. Si les secteurs concernés et les enjeux peuvent varier largement, l’expérience tirée de la création et du fonctionnement de dispositifs de niveau européen chargés de missions de surveillance centralisée, comme le mécanisme de surveillance unique, le Conseil de résolution unique et le Système européen de surveillance financière, peut fournir des indications utiles.

Créer un système de surveillance LBC-FT au niveau de l’UE, afin d’intégrer et de compléter les dispositifs nationaux, permettra de remédier à la fragmentation de la surveillance, de garantir une application harmonisée des règles LBC-FT et leur mise en œuvre efficace, d’offrir un soutien aux missions de surveillance sur place et d’assurer un flux continu d’informations sur les mesures en cours et les lacunes importantes détectées. Les autorités nationales de surveillance resteront un pilier essentiel de ce système et chargées de l’essentiel de la surveillance au quotidien. Mettre en place le cœur de ce système au niveau de l’UE est une priorité, et ses fonctions, ses compétences et ses interactions avec les autorités nationales de surveillance devront être clairement définies dans une proposition législative.

Les fonctions de l’autorité de surveillance LBC-FT de l’UE

L’autorité de surveillance LBC-FT de l’UE devra être investie de pouvoirs très clairs, lui permettant de superviser les autorités nationales et de les charger de différentes tâches de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que de renforcer la coordination avec les autorités de surveillance des pays tiers. Une procédure formalisée devrait définir l’interaction entre l’autorité de surveillance de l’UE et les autorités de surveillance nationales, ainsi que leurs compétences respectives.

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La nécessité d’assurer une surveillance de grande qualité dans les situations transfrontières et d’éviter les maillons faibles dans le cadre de surveillance de l’UE constitue une raison impérieuse de créer un organe de l’UE chargé de missions de surveillance LBC-FT directe sur certaines entités assujetties, vis-à-vis desquelles sa responsabilité pourrait être exclusive ou conjointe. Cela implique de pouvoir examiner les politiques, procédures et contrôles internes des entités soumises à surveillance, la manière dont elles les mettent en œuvre et aussi les documents relatifs à leurs opérations et à leurs clients. L’autorité de surveillance de l’UE pourrait être chargée, exclusivement ou conjointement avec l’autorité de surveillance nationale, de surveiller des entités assujetties ou certains types d’activités clairement définis pour une période de temps donnée, selon le degré de risque que ceux-ci posent. Elle apporterait une valeur ajoutée en assurant un suivi et une évaluation des risques à l’échelle de l’UE. S’inspirant de l’ensemble des organes de l’UE actifs dans d’autres domaines, la surveillance à l’échelle de l’UE pourrait prendre la forme d’un mécanisme dans lequel les dispositions seraient arrêtées à l’échelon européen, puis mises à exécution par des bureaux de l’UE dans les États membres.

Une autre option pourrait être de combiner des pouvoirs de surveillance directe sur certains types d’entités assujetties, à exercer en coordination avec les États membres, et des pouvoirs de coordination et de supervision pour d’autres entités. La Commission proposera un dispositif de surveillance tenant compte des principes de proportionnalité et de subsidiarité et respectant la jurisprudence existante quant aux compétences qui peuvent être conférées aux agences de l’Union.

Champ de la surveillance de niveau européen

Les risques de blanchiment de capitaux touchent à la fois le secteur financier et d’autres secteurs; ils évoluent au fil du temps et varient d’un État membre à l’autre. Pour instaurer une surveillance plus efficace, en reconnaissance de la gravité des risques auxquels tous les secteurs sont exposés, il faudrait qu’une autorité de surveillance européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ait pour mission première de couvrir tous les domaines à risque. L’autorité de surveillance européenne disposerait ainsi d'emblée de tous les outils nécessaires pour harmoniser les pratiques dans l’ensemble de l’UE et garantir une surveillance de grande qualité dans tous les secteurs. Compte tenu du grand nombre d’entités assujetties dans l’ensemble de l’UE, et de la complexité de la mission qu'elles ont à accomplir, on peut également envisager une mise en place progressive de l’autorité de surveillance, afin de lui permettre, à mesure qu’elle consolidera et prouvera son efficacité, de couvrir tous les secteurs — financiers et non financiers — soumis aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

Une autre solution pourrait être que cette autorité de surveillance européenne soit directement chargée du secteur financier, dans le cadre d’un système intégré avec une autorité nationale de surveillance, et soit chargée d’une surveillance indirecte du secteur non financier. Cette fonction de surveillance indirecte lui permettrait d’intervenir lorsqu’elle le juge nécessaire pour garantir la qualité de la surveillance du secteur non financier dans l’ensemble de l’Union.

D’autres options, prévoyant un champ de surveillance plus restreint, impliqueraient que l’autorité de surveillance de l’UE ne surveille que les établissements financiers, qui représentent la plus grande partie des transactions financières. Ce secteur étant déjà amplement réglementé et surveillé, il pourrait être plus aisé d'y exercer une surveillance centralisée. Toutefois, cette option ne permettrait pas de remédier à toutes les faiblesses du cadre de surveillance de l’UE ni de garantir un système efficace de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Quoi qu'il en soit, l’approche fondée sur les risques en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, telle qu'elle est prévue à la fois par le droit de l’Union et par les normes internationales, exige d'identifier les facteurs de risque du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et d'allouer les ressources de surveillance en fonction des résultats d’une évaluation spécifique des risques. La surveillance de niveau européen doit être conçue pour tenir compte du risque et développer davantage encore l'expertise acquise par les autorités nationales de surveillance dans ce domaine.

Enfin, on pourrait également examiner la question de savoir si cette autorité de surveillance devrait avoir des compétences pour surveiller et soutenir la mise en œuvre d'un gel d'avoirs en vertu de mesures restrictives de l’UE (sanctions) dans l’ensemble des États membres. S’il est vrai que les missions et les problèmes à résoudre diffèrent à maints égards entre les exigences LBC/FT et les mesures restrictives, celles-ci présentent aussi des défis communs et des synergies possibles qui méritent d’être évalués.

Quel organe européen?

La mission de surveillance au niveau de l’UE peut être confiée soit à une agence de l’UE déjà en place, en l'occurrence l’ABE, soit à un nouvel organe spécialement créé à cet effet.

La législation récemment adoptée impose à l’ABE de diriger, coordonner et contrôler l'action menée pour renforcer les mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme prises à l'égard des établissements financiers dans l'ensemble de l'UE. Confier à l’ABE de nouvelles responsabilités de surveillance LBC/FT présenterait des avantages manifestes du point de vue de la continuité opérationnelle et de la rapidité de mise en œuvre. Toutefois, cette option exigerait aussi une réforme profonde de l’ABE ainsi qu’un renforcement significatif de ses connaissances et compétences en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ses processus de

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gouvernance et de prise de décision devraient être revus en profondeur afin de garantir que les décisions de surveillance sont toujours prises de manière indépendante, dans le seul intérêt de l’UE. L'ABE devrait en outre renforcer ses capacités et pouvoirs d’enquête. Compte tenu du mandat et des capacités de l'ABE, il pourrait s'avérer difficile d'organiser à son niveau la surveillance des entités assujetties extérieures au secteur financier.

Une autre solution pourrait être de créer un nouvel organe européen de surveillance anti-blanchiment spécialement chargé de surveiller à la fois les entités assujetties du secteur financier et celles du secteur non financier. Cette solution offrirait un maximum de flexibilité pour concevoir un système doté d'une organisation et d'une gouvernance «sur mesure», avec un processus décisionnel simplifié et rapide qui permette de faire face promptement aux risques, ainsi que des synergies avec le mécanisme de coordination et de soutien pour les CRF (voir la section suivante). Sa mise en œuvre pourrait toutefois être plus longue, en raison du délai qu'il faudrait à un nouvel organe pour devenir opérationnel, et plus coûteuse. Elle comporterait en outre des risques d’exécution. En fonction de la mission qui sera assignée à ce nouvel organe, il conviendra d'éviter le risque de double emploi et/ou d’incohérence avec les travaux d’autres autorités de surveillances telles que l’ABE.

Quelle que soit l'option retenue, l'incidence budgétaire sera un élément clé à prendre en compte. Il existe, tout particulièrement dans le contexte économique actuel, de solides arguments en faveur d'un financement des activités de surveillance au moyen d’une contribution des entités surveillées du secteur privé, comme c'est déjà le cas pour plusieurs organes de l'UE.

La Commission présentera, au premier trimestre de 2021, des propositions visant à mettre en place une autorité de surveillance LBC/FT au niveau de l’UE, fondées sur une analyse d’impact approfondie des différentes options envisageables pour les fonctions, le champ d'action et la structure d'un tel organisme.

V. Créer un mécanisme de coordination et de soutien pour les CRF

Le cadre actuel de l’UE exige des entités assujetties qu'elles signalent toutes les transactions suspectes à la CRF nationale. Les déclarations des entités assujetties et les données relatives aux espèces fournies par les autorités douanières constituent la base sur laquelle les CRF s'appuient pour produire les analyses financières, qui sont ensuite transmises aux services répressifs, aux autorités de surveillance, aux autorités fiscales ou aux autres CRF. Ces analyses sont utilisées, par exemple, par les services répressifs dans le cadre d'enquêtes pénales. L’analyse stratégique des tendances et des formes du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme que réalisent les CRF sert également de base aux orientations et au retour d'information fournis aux entités assujetties pour les aider à identifier les formes de blanchiment et de financement du terrorisme.

Un certain nombre de faiblesses ont été décelées dans la manière dont les entités assujetties appliquent les règles et coopèrent entre elles et avec d’autres autorités au niveau national et dans l’ensemble de l’UE.

Au niveau national, les modèles de déclaration restent peu utilisés par les entités assujetties et sont souvent conçus pour répondre aux besoins d'entreprises spécifiques (les banques, par exemple). Plusieurs CRF ne disposent toujours pas des outils informatiques nécessaires pour traiter et analyser efficacement les informations.

Malgré l'obligation qui leur incombe en la matière, les CRF sont encore peu nombreuses à fournir aux entités assujetties un retour d'information sur leurs déclarations. Les entités assujetties n'obtiennent presque jamais de retour sur les déclarations qui concernent un autre État membre. Elles ne disposent pas, de ce fait, des outils nécessaires pour ajuster ou cibler leurs mesures préventives.

Le fait que les CRF et les autres autorités compétentes échangent peu d'informations est très préoccupant, étant donné la nature transfrontière du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Par exemple, les autorités douanières dans l’UE fournissent périodiquement aux CRF des données relatives aux liquidités mais ne reçoivent que très rarement un retour d’information, lequel leur est pourtant indispensable pour conduire une analyse des risques plus concrète et plus efficace.

Il conviendrait en outre de prendre des mesures pour remédier aux problèmes de fonctionnement et d’hébergement de CRF. net, le système de l'UE pour l'échange d’informations entre cellules de renseignement financier: cet outil informatique étant ancien, il est nécessaire de procéder à une mise à niveau importante des logiciels et du matériel et de développer de nouvelles fonctionnalités pour faciliter la coopération.

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Si la plupart des transactions suspectes signalées aux CRF ont une dimension transfrontière, peu d'analyses conjointes sont réalisées. Ces analyses non réalisées sont autant de «chaînons manquants» dont l'absence complique la détection des affaires transfrontières. L'analyse des informations dans un contexte transfrontière requiert des capacités avancées, au regard notamment de la complexité croissante des affaires de blanchiment de capitaux.

Rôle possible pour un mécanisme européen de coordination et de soutien

Un mécanisme européen de coordination et de soutien pour les CRF permettrait de remédier aux faiblesses décrites ci- dessus. Il jouerait un rôle de premier plan dans la coordination des travaux des CRF nationales, en ce qui concerne notamment l’identification des transactions suspectes présentant une dimension transfrontière, l’analyse conjointe des affaires transfrontières et l’identification des tendances et des facteurs pertinents pour l’évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme aux niveaux national et supranational. Ce mécanisme devrait également permettre d'adopter ou de proposer des mesures ou normes d’application, conformément aux dispositions davantage harmonisées du corpus réglementaire concernant les obligations de déclaration des CRF et les caractéristiques, les activités, la coopération et les modèles des CRF, ainsi que de promouvoir la formation et le renforcement des capacités des CRF. Le mécanisme européen de coordination et de soutien devrait également renforcer la coopération entre les autorités compétentes (CRF, autorités de surveillance, services répressifs et autorités douanières et fiscales), tant au niveau national que dans un cadre transfrontière, ainsi qu'avec les CRF de pays tiers.

Il serait judicieux de mettre en place une capacité plus centrale, fondée sur des outils informatiques, qui permettrait de détecter les transactions transfrontières suspectes et faciliterait l’identification des tendances.

La pérennité de CRF.net, actuellement géré par Europol, est également importante à cet égard. Il est urgent d’investir dans le développement de ce système afin de remédier aux problèmes actuels qui entravent l’échange d’informations et la mise en correspondance des données. Étant donné qu'il est prévu qu'Europol cesse d'être le gestionnaire technique du système, une solution appropriée et financièrement viable devra être trouvée. Sur le court terme, c'est la Commission qui reprendra la gestion de CRF.net pour assurer le fonctionnement continu et ininterrompu du système (27). À plus long terme, le mécanisme européen de coordination et de soutien pourrait être chargé d’héberger CRF.net ou son successeur. D’autres solutions valables pourraient être envisagées.

L’organe responsable du mécanisme européen de coordination et de soutien

Le fonctionnement concret d'un mécanisme de coordination et de soutien pour les CRF dépendra du degré d'ambition que l'on envisage de donner à ce mécanisme.

Si l'on souhaite que ce mécanisme dispose d'un champ d'intervention assez large pour couvrir tous les éléments analysés ci- dessus, sa gestion pourrait être confiée à une agence de l’UE déjà en place ou à un nouvel organe spécialement créé à cet effet. Si un nouvel organe européen est créé à des fins de surveillance, il est aussi possible de lui confier la gestion de ce mécanisme. À cet égard, il y a lieu de noter que, dans l'Union européenne, douze CRF exercent actuellement des missions de surveillance au moins pour le secteur non financier, certaines d’entre elles accomplissant des tâches de surveillance pour tous les secteurs.

Un mécanisme européen de coordination et de soutien dont le champ d'intervention serait plus restreint permettrait certes de remédier à certaines des insuffisances constatées, mais il serait peu efficace. Plusieurs options pourraient être envisagées dans ces circonstances. Par exemple, si l'on veut un mécanisme chargé uniquement de publier des projets de normes réglementaires et d'orientations, on peut transformer la plateforme des CRF (qui est aujourd'hui un comité informel de la Commission) en un comité de comitologie et laisser à la Commission le soin d’adopter les conclusions des travaux de ce comité par voie d’actes délégués ou d’exécution. Une autre solution pourrait être la mise en place d'un réseau officiel des CRF investi d'un mandat et d'une mission qui lui seraient propres.

Quelle que soit la forme qui lui sera donnée, le mécanisme de coordination et de soutien devra être doté de processus de gouvernance et de prise de décision suffisamment indépendants et fonctionner comme un réseau des CRF nationales centralisé au niveau de l’UE.

La Commission présentera, au premier trimestre de 2021, des propositions visant à mettre en place un mécanisme européen de coordination et de soutien pour les CRF, sur la base d’une analyse d’impact approfondie des rôles et structures envisageables pour un tel mécanisme. Elle reprendra la gestion de CRF.net au quatrième trimestre de 2020.

(27) En tenant dûment compte de la nature des informations concernées.

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VI. Faire appliquer les dispositions de droit pénal et les dispositions en matière d’échange d’informations arrêtées au niveau de l’UE

Plusieurs instruments législatifs et dispositifs institutionnels facilitent l’application des dispositions de droit pénal et des dispositions en matière d’échange d’informations au niveau de l’UE.

Des mesures adoptées récemment ont permis de combler les lacunes dont souffraient la définition et le régime de sanctions du blanchiment de capitaux dans l'ensemble de l'UE, et ont facilité la coopération judiciaire et policière (28). La Commission contrôlera leur transposition et leur mise en œuvre dans les délais. L’utilisation des informations financières pour les infractions graves a également été renforcée: les services répressifs se sont vu accorder un accès direct aux registres centraux des comptes bancaires, tandis que la coopération entre les services répressifs, les CRF et Europol concernant les infractions graves a été améliorée (29). Ces mesures accéléreront les enquêtes pénales et donneront aux autorités les moyens de lutter plus efficacement contre la criminalité transfrontière. Une interconnexion des registres centraux des comptes bancaires à l'échelle de l'UE permettra aux services répressifs et aux CRF d’accéder plus rapidement aux informations financières et facilitera la coopération transfrontière, et devrait en tout état de cause inclure également les services répressifs. Une telle interconnexion devrait être envisagée à titre prioritaire.

Des normes essentielles ont été établies en matière de recouvrement des produits du crime (30). La Commission publiera un rapport en 2020 afin de donner un aperçu de la manière dont ces règles sont mises en œuvre et de présenter des moyens d’améliorer le rôle des bureaux de recouvrement des avoirs. De nouvelles mesures qui s’appliqueront à partir de décembre 2020 (31) faciliteront le recouvrement transfrontière des avoirs et accéléreront et simplifieront l'exécution des décisions de gel et de confiscation des avoirs d’origine criminelle dans l’ensemble de l’UE.

Dans le même temps, il est également indispensable de se doter, au niveau de l’UE, de moyens d’enquête et de poursuite en matière de criminalité financière.

L’Europe a intensifié ses efforts de lutte contre la criminalité économique et financière avec le nouveau Centre européen sur la criminalité financière et économique (European Economic and Financial Crimes Centre, ou EFECC), qui devrait être opérationnel dans le courant de 2020. L’EFECC réunira en une seule et même structure, au sein d’Europol, toutes les capacités en matière de renseignement financier et de criminalité économique et s’efforcera d’améliorer l’efficacité et la visibilité opérationnelles ainsi que la gestion des parties prenantes et les possibilités de financement. La Commission soutient pleinement la mise en place de l’EFECC, qui, selon elle, montre l’importance des enquêtes financières dans tous les domaines de criminalité qui relèvent de la compétence d’Europol.

La Commission considère que l’EFECC sera le pendant naturel du mécanisme européen de coordination et de soutien pour les CRF, et que ces deux entités pourraient élaborer des solutions propres à intensifier les échanges d’informations, en particulier dans les affaires transfrontières.

Afin d’améliorer les enquêtes et les poursuites judiciaires relatives aux affaires de blanchiment de capitaux dans l’ensemble de l’UE, la Commission finance (32) le réseau opérationnel de lutte contre le blanchiment de capitaux (AMON). De portée mondiale, ce réseau relie entre eux les services répressifs compétents et facilite ainsi les enquêtes financières transfrontières. Il conviendrait de renforcer et d'encourager les travaux de ce réseau, et de le doter d’un budget opérationnel pour soutenir le traitement d'affaires concrètes. Tous les États membres de l’UE devraient y adhérer. En outre, les États membres devraient continuer de recourir à l'appui d’Eurojust pour faciliter la coopération transfrontière concernant les poursuites en matière de blanchiment de capitaux. Enfin, le Parquet européen, qui devrait être opérationnel à la fin de 2020, sera compétent pour enquêter sur les infractions de blanchiment de capitaux portant atteinte au budget de l’UE et pour engager des poursuites en la matière.

Il reste possible, au niveau national comme au niveau transfrontière, de renforcer et de promouvoir l’échange d’informations entre toutes les autorités compétentes (CRF, autorités de surveillance, services répressifs et autorités douanières et fiscales).

Dans la perspective d'améliorer l'exploitation du renseignement financier, le rôle des partenariats public-privé (PPP) devrait être encouragé autant que possible, sachant que, dans certains cas, le partage d'une information peut, du fait de la nature de celle-ci, être restreint et soumis à la législation en matière de protection des données. Les PPP portent sur le partage d’informations entre les services répressifs, les CRF et le secteur privé. Ils peuvent prendre différentes formes: certains se limitent à un échange d’informations — des CRF et des services répressifs aux entités assujetties — sur les typologies et les

(28) Voir la note 9 de bas de page. (29) Voir la note 8 de bas de page. (30) Directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des

produits du crime dans l'Union européenne (JO L 127 du 29.4.2014, p. 39). (31) Règlement (UE) 2018/1805 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 concernant la reconnaissance mutuelle des

décisions de gel et des décisions de confiscation (JO L 303 du 28.11.2018, p. 1). (32) Par l'intermédiaire du FSI-Police.

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tendances; d’autres consistent en un partage d'informations opérationnelles — des services répressifs aux entités assujetties — sur les suspects détectés par le renseignement, aux fins du suivi des transactions effectuées par ces suspects. Tout partage d'informations comportant des données à caractère personnel doit être pleinement conforme à la législation sur la protection des données et au mandat des autorités concernées.

Le cadre actuel de l’UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme impose déjà aux CRF de partager des informations sur les typologies et les tendances avec le secteur privé. Cette obligation pourrait être clarifiée et renforcée, en vue de faciliter certains types de PPP et d'améliorer le partage d’informations. Par ailleurs, compte tenu des différences qui existent d'un État membre à l'autre entre les cadres juridiques et les modalités pratiques, la Commission considère qu’il est essentiel, en matière de PPP, de disposer d'orientations et de partager les bonnes pratiques concernant, notamment, les règles de concurrence, les garanties et les limitations relatives à la protection des données et les garanties en matière de droits fondamentaux.

La Commission publiera des orientations sur les PPP d'ici au premier trimestre de 2021. En ce qui concerne les questions de protection des données dans le cadre des PPP, la Commission examinera la possibilité de demander au comité européen de la protection des données d’émettre un avis. Elle réfléchira également aux moyens de renforcer le réseau AMON et d’améliorer l’échange d’informations national et transfrontière entre toutes les autorités compétentes.

VII. Renforcer la dimension internationale du cadre LBC/FT

Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont des menaces mondiales contre lesquelles l’UE est déterminée à lutter en coopération avec ses partenaires internationaux. L’organisme international chargé d'établir des normes dans ce domaine, le GAFI, pilote cette lutte à l'échelle mondiale. La Commission contribue activement aux travaux de cet organisme et reste déterminée à mettre en œuvre les normes du GAFI et à promouvoir la conformité au niveau international. Néanmoins, la nouvelle approche globale en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dont l'Union a besoin nécessite que celle-ci joue un rôle plus important dans la définition de ces normes internationales.

La Commission a approuvé, au nom de l’UE, le nouveau mandat du GAFI (33) et entend jouer un rôle de premier plan dans le renforcement des normes internationales, pour les porter au niveau des normes européennes dans des domaines aussi essentiels que, par exemple, la transparence de la propriété effective, concernant laquelle l’UE a adopté une approche ambitieuse pour s'attaquer aux risques posés par les structures opaques. De même, la Commission soutiendra activement les efforts déployés pour faire face aux risques nouveaux et émergents au niveau mondial. Pour que cette ambition se concrétise, il est essentiel que l’UE parle d’une seule voix au sein du GAFI. Il est possible d'y parvenir en confiant à la Commission la tâche de représenter l’Union européenne dans cette instance, dans le respect des dispositions du traité. Dans un premier temps, un mécanisme de coordination renforcé entre la Commission et les États membres devrait être mis en place afin que les représentants de l’UE puissent coordonner leurs positions au sein du GAFI.

Les évaluations mutuelles du GAFI contribuent à améliorer la conformité aux normes internationales dans le monde, la pression des pairs restant un moteur essentiel du changement. Jusqu’à maintenant, les évaluations des cadres des États membres en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme n’ont pas tenu suffisamment compte de la nature supranationale des règles de l’UE. Ce problème se posera avec plus d'acuité si de nouvelles structures, telles qu’un organe européen de surveillance LBC/FT et un mécanisme de coordination et de soutien pour les CRF, sont mises en place. L’objectif de la Commission est de faire en sorte que les normes mises en œuvre au niveau de l’UE fassent l’objet d’une évaluation commune. Dans ce contexte, il faudrait également se demander si les règles de l’Union devraient être évaluées par le GAFI au niveau de l’UE.

La Commission doit également poursuivre la mise en œuvre d’une politique autonome à l’égard des pays tiers afin de protéger le système financier de l’UE. Les entités assujetties doivent prendre des mesures d’atténuation fondées sur des facteurs de risques pertinents, notamment géographiques. Elles sont également tenues de faire preuve d'une vigilance accrue dans le cas des transactions ou des relations d’affaires impliquant un pays dont le cadre LBC/FT présente des carences stratégiques. En vertu de la 5e directive anti-blanchiment, la Commission est tenue de mettre en place une capacité autonome pour recenser les pays présentant de telles carences stratégiques (34).

(33) Approuvé par les ministres et les représentants du Groupe d’action financière le 12 avril 2019. (34) Voir https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1585038938033&uri=CELEX:02016R1675-20181022

FR Journal officiel de l’Union européenne 13.5.2020 C 164/31

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La Commission recensera les pays qui font peser une menace spécifique sur le système financier de l’Union au moyen d’une méthodologie autonome qui tient dûment compte de la synergie avec la procédure d'inscription sur les listes adoptée par le GAFI, d'un dialogue renforcé avec les pays tiers mené en coopération avec le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et d'une consultation étroite des experts des États membres. S'appuyant sur la méthodologie révisée (35), qui est publiée en même temps que le présent plan d’action, ce processus verra, dans un premier temps, la Commission engager, en coopération avec le SEAE, un dialogue avec les pays tiers où des lacunes ont été décelées en vue d'élaborer, dans la mesure du possible, un plan d’action destiné à remédier à cette situation. Au terme d'une période d’observation, la Commission examinera les progrès accomplis dans la mise en œuvre des engagements souscrits dans ces plans d'action afin de conclure ses évaluations.

La liste de l'UE des pays tiers à haut risque constitue un outil essentiel pour les entités assujetties et les pouvoirs publics, mais pourrait aussi avoir des effets en dehors du cadre LBC/FT. La Commission est tenue de surveiller si l'inscription sur cette liste influence les décisions d’équivalence (36) et de veiller, en ce qui concerne les instruments financiers, à ce que des garanties suffisantes soient appliquées, conformément à l’article 155 du règlement financier (37).

L’expérience tirée du processus d'inscription sur la liste de l’UE et de la mise en place de nouvelles fonctions LBC/FT au niveau de l’UE pourrait conduire à un réexamen de la stratégie adoptée en matière de risques posés par les pays tiers. En tant que membre du GAFI, la Commission devrait continuer à prendre en compte l'appel à agir contre les risques posés par les pays tiers lancé par le GAFI — et conserver la capacité d'appliquer également des mesures appropriées indépendamment de tout appel du GAFI, conformément aux normes internationales. Dans ce contexte, une autorité de surveillance au niveau de l’UE pourrait également contribuer à atténuer les risques posés par les pays tiers en élaborant, pour les entités assujetties, des mesures d'atténuation des risques appropriées, en fonction du type et de la gravité des carences constatées. Elle pourrait notamment élaborer des mesures plus détaillées et fondées sur les risques afin de faire face aux risques posés par les cadres LBC/FT d’autres pays et territoires. Ce processus pourrait également être complété par une approche fondée sur les transactions, étant donné qu’aucun pays ou territoire n’est à l’abri de l'apparition de risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. De même, une fonction de coordination et d'appui aux CRF pourrait être très utile pour détecter les nouvelles tendances et les nouveaux risques posés par les pays tiers ainsi que les éventuels problèmes en matière de coopération internationale.

Dans le cadre de cet ensemble de mesures de gestion des risques externes, la Commission travaille actuellement à un dispositif d'assistance technique (38) destiné à aider les pays tiers à renforcer leurs capacités et à remédier aux faiblesses de leurs cadres nationaux de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Comptant parmi les principaux donateurs internationaux dans ce domaine et forte de son vaste réseau diplomatique, l’UE pourrait utiliser ce dispositif pour renforcer les barrières contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans le monde entier. La politique commerciale contribue également à la définition de garde-fous appropriés pour les investissements (39) et les flux commerciaux. La Commission cherchera à obtenir des partenaires commerciaux de l’Union qu’ils s’engagent à mettre en œuvre des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et maintiendra un espace réglementaire afin de pouvoir agir dans le cas où le système financier de l’UE serait exposé à des risques de blanchiment ou de financement du terrorisme.

Une nouvelle méthode d’évaluation des pays tiers à haut risque est publiée en même temps que le présent plan d’action. La Commission continuera de travailler avec les États membres et renforcera sa participation au GAFI afin que l’UE puisse jouer un rôle plus important à l’échelle mondiale.

VIII. La voie à suivre: une feuille de route

Ainsi que le présent plan d’action l’indique, la Commission proposera plusieurs mesures en vue de renforcer le cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Une analyse d’impact, portant notamment sur les droits fondamentaux et, plus particulièrement, sur le droit à la protection des données à caractère personnel, sera réalisée afin d’évaluer les différentes options concernant les modifications législatives:

(35) SWD(2020) 99. (36) Voir COM(2019) 349 final du 29.7.2019. (37) Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil du 18 juillet 2018 relatif aux règles financières applicables

au budget général de l’Union (JO L 193 du 30.7.2018, p. 1). (38) Dispositif mondial de l’UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. (39) Voir le règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des

investissements directs étrangers dans l'Union (JO L 79 I du 21.3.2019, p. 1).

FR Journal officiel de l’Union européenne C 164/32 13.5.2020

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Action Moyen Calendrier

Mise en œuvre effective du cadre LBC/FT de l’UE

Infraction/procédure judiciaire Étude relative à l’application de la 4e directive anti- blanchiment

3e évaluation supranationale des risques

Travaux sur l’interconnexion des registres des bénéfi­ciaires effectifs

Recommandations par pays/Semestre européen

Travaux en cours de l’ABE

Toutes les mesures sont en cours d’exécution

Renforcement et étoffement du corpus de règles unique LBC/FT de l’UE

Proposition législative: — recensement des domaines devant faire l’objet

d’un règlement et rendant également nécessaire une modification de directive

— définition de nouveaux domaines à réglementer au niveau de l’UE

— identification des modifications nécessaires dans d’autres actes législatifs existants

1er trim. 2021

Instauration d’une surveillance LBC/FT au niveau européen

Proposition législative 1er trim. 2021

Création d'un mécanisme de coordina­tion et de soutien pour les CRF

Proposition législative 1er trim. 2021

Transfert de la gestion technique de CRF.net à la Commission

4e trim. 2020

Application du droit pénal et partage d’informations

Mise en place de l’EFECC 2e trim. 2020

Orientations relatives aux PPP et avis éventuel de l’EDPB sur les questions de protection des données

1er trim. 2021

Suivi de la transposition et de la mise en œuvre des directives sur le droit pénal et la coopération en ma­tière répressive

Options visant à renforcer l’échange d’informations au niveau national et transfrontière entre toutes les au­torités compétentes

Renforcement de la dimension interna­tionale

Révision de la méthode de recensement des pays tiers à haut risque de la Commission

1er trim. 2020

Actes délégués Selon le cas (calendrier envisagé pour 2020: 2e, 3e et 4e trim.)

La Commission invite les parties prenantes à lui donner leur avis sur l'approche décrite dans le présent plan d’action et à répondre, d'ici au mercredi 29 juillet 2020, au questionnaire disponible sur la page «Donnez votre avis».

FR Journal officiel de l’Union européenne 13.5.2020 C 164/33