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Rev Med Liege 2005; 60 : Supp. I : 66-70 Les gĂ©nophotodermatoses sont des maladies gĂ©nĂ©tiques dont un des signes majeurs est une sensibilitĂ© exacerbĂ©e Ă  l’action des radiations actiniques. D ÉFICIT DE SYNTHÈSE DE LA MÉLANINE . A) ALBINISME L’albinisme oculo-cutanĂ© comprend plus d’une dizaine de types cliniques diffĂ©rents qui sont rares et de transmission autosomique rĂ©ces- sive. Ces affections se caractĂ©risent par un dĂ©faut partiel ou total de la synthĂšse ou du trans- fert de la mĂ©lanine avec hypopigmentation sĂ©vĂšre de la peau, des phanĂšres et des yeux. La photosensibilitĂ© et le risque d’apparition de tumeurs cutanĂ©es malignes sont Ă©levĂ©s. La prĂ©- sence d’anomalies immunitaires ou des pla- quettes dĂ©finissent sur un plan clinique des sous-types encore plus rares tels que les syn- dromes de Hermansky-Pudlak, de PruniĂ©ras- Griscelli et de Chediak-Higashi. L’albinisme de type 1 est dĂ» Ă  des mutations directes du gĂšne de la tyrosinase dont la fonction devient dĂ©ficitaire. Dans les sous-types 1B et 1TS (thermosensible), l’enzyme conserve une activitĂ© rĂ©siduelle avec respectivement synthĂšse de phaeomĂ©lanine caractĂ©risant l’albinisme jaune, ou synthĂšse d’eumĂ©lanine au-dessous de 35°C avec pigmentation limitĂ©e aux zones froides de la peau des extrĂ©mitĂ©s. Dans le type 2 qui est le plus frĂ©quent, l’acti- vitĂ© de la tyrosinase est normale. Les mutations touchent le gĂšne codant pour la protĂ©ine P inter- venant dans le transport des mĂ©lanosomes et peut-ĂȘtre aussi celui de la tyrosine, substrat de la tyrosinase. Le type 3, lui aussi tyrosinase positif, est dĂ» Ă  des anomalies de la protĂ©ine TRP1 (tyrosinase- related protein) impliquĂ©e dans la synthĂšse de la mĂ©lanine. Les autres sous-types cliniques sont d’une trĂšs grande raretĂ©. La prise en charge de ces patients est difficile, associant une photo-protec- tion stricte, une surveillance Ă©troite pour dĂ©pis- ter l’apparition de tumeurs malignes, et la prise Ă©ventuelle de rĂ©tinoĂŻdes oraux. D ÉFICIENCES DE LA RÉPARATION DE L ’ADN A) XERODERMA PIGMENTOSUM DĂ©finition Le xeroderma pigmentosum est un ensemble d’affections hĂ©rĂ©ditaires, autosomiques rĂ©ces- sives, caractĂ©risĂ©es par une sensibilitĂ© patholo- gique aux UV, liĂ©e Ă  un dĂ©ficit des systĂšmes enzymatiques de rĂ©paration de lĂ©sions acquises de l’ADN (1). Le mĂ©canisme biochimique fon- damental est l’absence de rĂ©paration des muta- tions de type CC ---> TT d’origine gĂ©notoxique, chimique et surtout physique par les UV. Ces mutations qui surviennent au hasard peuvent toucher des gĂšnes-clĂ©s du fonctionnement cellu- laire, notamment des proto-oncogĂšnes, mais Ă©galement des gĂšnes suppresseurs de tumeurs, tels que la protĂ©ine p53 (2). Toutefois, l’anoma- lie de rĂ©paration n’est probablement pas le seul mĂ©canisme en cause dans la carcinogenĂšse puisque des anomalies similaires dans le syn- drome de Cockayne et dans la trichothiodystro- phie ne s’accompagnent pas de tumeurs cutanĂ©es. Il existe donc probablement d’autres facteurs, en particulier immunitaires portant sur les fonctions des lymphocytes natural-killer (NK) ou des altĂ©rations de la dĂ©toxification des ERO gĂ©notoxiques par baisse de l’activitĂ© de la superoxyde-dismutase. Dans les diffĂ©rents sous- groupes de xeroderma pigmentosum, l’anomalie gĂ©nĂ©tique qui sous-tend le dĂ©faut de rĂ©paration est prĂ©sente dans toutes les cellules de l’orga- nisme, mais se traduit surtout par un tableau pathologique cutanĂ©. D’autres anomalies internes sont toutefois possibles, notamment neurologiques dans le groupe de complĂ©menta- tion A. (1) Chef de Laboratoire, (2) Assistant de Recherche, (3) ChargĂ© de Cours, Chef de Service, CHU du Sart Tilman, Service de Dermatopathologie GÉNOPHOTODERMATOSES RÉSUMÉ : Les gĂ©nophotodermatoses peuvent rĂ©sulter d’un dĂ©ficit de synthĂšse de mĂ©lanine, d’une dĂ©ficience de rĂ©paration de l’ADN ou d’une photosensibilitĂ© congĂ©nitale. MOTS-CLÉS : Albinisme - Protoprophyrie/erythropoĂŻĂ©tique - Xero- derma pigmentosum GENOPHOTODERMATOSES SUMMARY : Genophotodermatoses can result from a defect in melanin synthesis, a defect in DNA repair or a congenital pho- tosensibility. KEYWORDS : Albinism - Erythropoietic protoporphyria - Xero- derma pigmentosum J.E. ARRESE (1), F. HENRY (2), G.E. PIÉRARD (3) 66

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Rev Med Liege 2005; 60 : Supp. I : 66-70

Les gĂ©nophotodermatoses sont des maladiesgĂ©nĂ©tiques dont un des signes majeurs est unesensibilitĂ© exacerbĂ©e Ă  l’action des radiationsactiniques.

DÉFICIT DE SYNTHÈSE DE LA MÉLANINE.

A) ALBINISME

L’albinisme oculo-cutanĂ© comprend plusd’une dizaine de types cliniques diffĂ©rents quisont rares et de transmission autosomique rĂ©ces-sive. Ces affections se caractĂ©risent par undĂ©faut partiel ou total de la synthĂšse ou du trans-fert de la mĂ©lanine avec hypopigmentationsĂ©vĂšre de la peau, des phanĂšres et des yeux. LaphotosensibilitĂ© et le risque d’apparition detumeurs cutanĂ©es malignes sont Ă©levĂ©s. La prĂ©-sence d’anomalies immunitaires ou des pla-quettes dĂ©finissent sur un plan clinique dessous-types encore plus rares tels que les syn-dromes de Hermansky-Pudlak, de PruniĂ©ras-Griscelli et de Chediak-Higashi.

L’albinisme de type 1 est dĂ» Ă  des mutationsdirectes du gĂšne de la tyrosinase dont la fonctiondevient dĂ©ficitaire. Dans les sous-types 1B et1TS (thermosensible), l’enzyme conserve uneactivitĂ© rĂ©siduelle avec respectivement synthĂšsede phaeomĂ©lanine caractĂ©risant l’albinismejaune, ou synthĂšse d’eumĂ©lanine au-dessous de35°C avec pigmentation limitĂ©e aux zonesfroides de la peau des extrĂ©mitĂ©s.

Dans le type 2 qui est le plus frĂ©quent, l’acti-vitĂ© de la tyrosinase est normale. Les mutationstouchent le gĂšne codant pour la protĂ©ine P inter-venant dans le transport des mĂ©lanosomes etpeut-ĂȘtre aussi celui de la tyrosine, substrat de latyrosinase.

Le type 3, lui aussi tyrosinase positif, est dû àdes anomalies de la protéine TRP1 (tyrosinase-related protein) impliquée dans la synthÚse de lamélanine.

Les autres sous-types cliniques sont d’unetrĂšs grande raretĂ©. La prise en charge de cespatients est difficile, associant une photo-protec-tion stricte, une surveillance Ă©troite pour dĂ©pis-ter l’apparition de tumeurs malignes, et la priseĂ©ventuelle de rĂ©tinoĂŻdes oraux.

DÉFICIENCES DE LA RÉPARATION DE

L’ADN

A) XERODERMA PIGMENTOSUM

DĂ©finition

Le xeroderma pigmentosum est un ensembled’affections hĂ©rĂ©ditaires, autosomiques rĂ©ces-sives, caractĂ©risĂ©es par une sensibilitĂ© patholo-gique aux UV, liĂ©e Ă  un dĂ©ficit des systĂšmesenzymatiques de rĂ©paration de lĂ©sions acquisesde l’ADN (1). Le mĂ©canisme biochimique fon-damental est l’absence de rĂ©paration des muta-tions de type CC ---> TT d’origine gĂ©notoxique,chimique et surtout physique par les UV. Cesmutations qui surviennent au hasard peuventtoucher des gĂšnes-clĂ©s du fonctionnement cellu-laire, notamment des proto-oncogĂšnes, maisĂ©galement des gĂšnes suppresseurs de tumeurs,tels que la protĂ©ine p53 (2). Toutefois, l’anoma-lie de rĂ©paration n’est probablement pas le seulmĂ©canisme en cause dans la carcinogenĂšsepuisque des anomalies similaires dans le syn-drome de Cockayne et dans la trichothiodystro-phie ne s’accompagnent pas de tumeurscutanĂ©es. Il existe donc probablement d’autresfacteurs, en particulier immunitaires portant surles fonctions des lymphocytes natural-killer(NK) ou des altĂ©rations de la dĂ©toxification desERO gĂ©notoxiques par baisse de l’activitĂ© de lasuperoxyde-dismutase. Dans les diffĂ©rents sous-groupes de xeroderma pigmentosum, l’anomaliegĂ©nĂ©tique qui sous-tend le dĂ©faut de rĂ©parationest prĂ©sente dans toutes les cellules de l’orga-nisme, mais se traduit surtout par un tableaupathologique cutanĂ©. D’autres anomaliesinternes sont toutefois possibles, notammentneurologiques dans le groupe de complĂ©menta-tion A.

(1) Chef de Laboratoire, (2) Assistant de Recherche,(3) Chargé de Cours, Chef de Service, CHU du SartTilman, Service de Dermatopathologie

GÉNOPHOTODERMATOSES

RÉSUMÉ : Les gĂ©nophotodermatoses peuvent rĂ©sulter d’undĂ©ficit de synthĂšse de mĂ©lanine, d’une dĂ©ficience de rĂ©parationde l’ADN ou d’une photosensibilitĂ© congĂ©nitale.MOTS-CLÉS : Albinisme - Protoprophyrie/erythropoĂŻĂ©tique - Xero-derma pigmentosum

GENOPHOTODERMATOSES

SUMMARY : Genophotodermatoses can result from a defect inmelanin synthesis, a defect in DNA repair or a congenital pho-tosensibility.KEYWORDS : Albinism - Erythropoietic protoporphyria - Xero-derma pigmentosum

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Présentation clinique

Le xeroderma pigmentosum dans ses diverstypes est une affection rare puisque l’incidenceannuelle est de l’ordre de 1:250.000. Le sexeratio est de 1:1 avec parfois une lĂ©gĂšre prĂ©domi-nance masculine. La consanguinitĂ© entretenuedans certains groupes ethniques et sociaux favo-rise considĂ©rablement l’expression clinique dece syndrome. Il en rĂ©sulte une rĂ©partition gĂ©o-graphique inĂ©gale de la maladie dans le monde.

Bien qu’il existe quelques diffĂ©rences enfonction des types de xeroderma pigmentosum,l’aspect clinique de la peau atteinte est globale-ment similaire. La survenue des lĂ©sions photo-distribuĂ©es dans les premiers temps de la vie enest le marqueur clinique principal. Des lĂ©sionsvĂ©siculo-bulleuses apparaissent sur les zonesdĂ©couvertes, particuliĂšrement la face, laissantplace au fil des rĂ©cidives Ă  un Ă©tat poĂŻkiloder-mique. De multiples lentigines et des kĂ©ratosesapparaissent dans les premiĂšres annĂ©es de la vie(fig. 1). Par la suite, les premiers carcinomesbaso- et spinocellulaires se manifestent et semultiplient. Le mĂ©lanome peut survenir Ă©gale-ment (fig. 2). Ces nĂ©oplasmes malins condition-nent le pronostic redoutable de l’affection (3). Aces manifestations cutanĂ©es s’associent une

chéilite et une atteinte oculaire invalidante avecconjonctivite et photophobie.

Les manifestations pathologiques internestouchent surtout le systĂšme nerveux central avecconvulsions et retard mental dans le syndromede De Sanctis-Cacchione. Les nĂ©oplasiesinternes sont beaucoup plus rares, atteignant lesystĂšme nerveux central et les tissus hĂ©mato-poĂŻĂ©tiques. Ces lĂ©sions pourraient ĂȘtre dues Ă des mutations non rĂ©parĂ©es, induites par certainsagents chimiques gĂ©notoxiques.

Ce tableau clinique gĂ©nĂ©ral prĂ©sente certainesvariations selon le groupe de complĂ©mentation duxeroderma pigmentosum. La photosensibilitĂ© estla plus sĂ©vĂšre dans les groupes A et B, tandis queles nĂ©oplasies sont surtout agressives et prĂ©cocesdans le groupe A. Par ailleurs, le type xeroder-moĂŻde ou xeroderma pigmentosum variant, reprĂ©-sentant environ un quart de l’ensemble des cas, secaractĂ©rise par une photosensibilitĂ© absente oumodĂ©rĂ©e et des lĂ©sions kĂ©ratosiques et pigmen-taires modĂ©rĂ©es d’installation tardive. Dans cette

Fig. 1 : Xeroderma pigmentosum chez un enfant Fig. 2 : Xeroderma pigmentosum compliquĂ© d’un mĂ©lanome cutanĂ©

affection, les carcinomes basocellulaires n’appa-raissent qu’aprùs 40 ans.

Toutes les formes de xeroderma pigmentosumbĂ©nĂ©ficient d’une photoprotection stricte. LescarotĂ©noĂŻdes oraux et des topiques renfermantdes enzymes anti-oxydantes proches de la super-oxyde dismutase ont Ă©tĂ© proposĂ©s. Certainspatients pourraient bĂ©nĂ©ficier d’un traitementprĂ©ventif par rĂ©tinoĂŻdes oraux. La dose nĂ©ces-saire pour une protection efficace vis-Ă -vis del’apparition de tumeurs est souvent Ă©levĂ©e aveccomme corrolaire une tolĂ©rance mĂ©diocre. Desgreffes de kĂ©ratinocytes autologues, aprĂšs cor-rection in vitro du dĂ©ficit gĂ©nĂ©tique, font partiedu nouvel arsenal de thĂ©rapie gĂ©nique.

Diagnostic biologique

Le diagnostic biologique du xeroderma pig-mentosum se fait en trois Ă©tapes. D’abord, untrouble de l’excision-rĂ©paration des lĂ©sions UVinduites de l’ADN est mis en Ă©vidence sur leslymphocytes sanguins. Le taux d’excision-rĂ©pa-ration est plus ou moins rĂ©duit selon les groupesde complĂ©mentation et la rĂ©duction est surtoutmarquĂ©e dans le groupe A. En revanche, le tauxd’excision-rĂ©paration est normal dans le xero-derma pigmentosum de type variant.

La deuxiÚme étape est constituée par la déter-mination du groupe de complémentation. Septgroupes de complémentation classés de A à Gdéfinissent les anomalies de réparation pré-réplicative. Le groupe variant identifie les ano-malies post-réplicatives. Ces groupes sontdéfinis en fonction du type de cellules néces-saire dans des modÚles de fusion cellulaire pourcorriger le défaut de réparation présent dans lescellules du patient.

Enfin, la troisiĂšme Ă©tape qui est du domainede la recherche fondamentale dĂ©termine lalĂ©sion gĂ©nĂ©tique. Les sept types classiques dexeroderma pigmentosum et le xeroderma pig-mentosum variant ont Ă©tĂ© associĂ©s Ă  des altĂ©ra-tions gĂ©nĂ©tiques prĂ©cises. Le type A rĂ©sulted’une mutation du gĂšne XPA codant pour uneprotĂ©ine confirmant la prĂ©sence de lĂ©sions del’ADN aprĂšs leur dĂ©tection prĂ©coce par la pro-tĂ©ine issue du gĂšne lĂ©sĂ© dans le xeroderma pig-mentosum du groupe C. Le type B, toujoursassociĂ© Ă  un phĂ©notype de type syndrome deCockayne, est liĂ© Ă  des anomalies du gĂšneERCC-3 (Excision-Reparation Cross Comple-mentation), qui code pour une protĂ©ine de typehĂ©licase, sous-unitĂ© du complexe TFIIH detranscription de l’ADN. Le type C est liĂ© Ă  desanomalies du gĂšne XPC qui code pour une pro-tĂ©ine de dĂ©tection prĂ©coce des lĂ©sions de l’ADN.Le type D dĂ©pend d’une mutation du gĂšne

ERCC-2 qui code pour une hĂ©licase du com-plexe TFIIH. Le type E correspond Ă  des ano-malies du gĂšne XPE qui intervient dans lareconnaissance de l’ADN lĂ©sĂ© par les UV. Letype F est dĂ» Ă  des altĂ©rations du gĂšne ERCC-4ou ERCC-11 qui code pour une exonuclĂ©ase 5’par rapport Ă  une lĂ©sion de l’ADN. Le type G estla consĂ©quence des altĂ©rations du gĂšne ERCC-5qui code pour une exonuclĂ©ase agissant en 3’. Lexeroderma pigmentosum variant est associĂ© Ă des altĂ©rations d’un gĂšne codant pour une ADNpolymĂ©rase qui permet la poursuite de la dupli-cation de l’ADN malgrĂ© la prĂ©sence de dimĂšresde thymine.

B) SYNDROME DE COCKAYNE

Le syndrome de Cockayne est une poĂŻkiloder-mie congĂ©nitale de transmission autosomiquerĂ©cessive. Les signes cliniques apparaissent leplus souvent vers l’ñge de 6 mois et se caractĂ©ri-sent par des anomalies cutanĂ©es, oculaires, neu-rologiques et squelettiques, associĂ©es Ă  un retardstaturo-pondĂ©ral et psycho-intellectuel. Lessignes cutanĂ©s sont dominĂ©s par une photosensi-bilitĂ© constante n’aboutissant pas Ă  la formationde tumeurs cutanĂ©es. Il s’y associe une dĂ©gĂ©nĂ©-rescence pigmentaire progressive de la rĂ©tine,Ă©ventuellement associĂ©e Ă  une cataracte, unesurditĂ© et une spasticitĂ© avec ataxie. Le tableaudysmorphique est caractĂ©risĂ© par un visagepseudo-sĂ©nile, une microcĂ©phalie, un progna-tisme, un nez pointu et des oreilles parfois pro-Ă©minentes rappelant le faciĂšs de Mickey Mouse.Les membres sont longs avec des extrĂ©mitĂ©sĂ©largies.

Le syndrome de Cockayne rĂ©sulte d’un dĂ©fautde rĂ©paration de l’ADN, qui porte Ă©lectivementsur les gĂšnes activement transcrits. Aucun dĂ©fi-cit immunitaire n’est prĂ©sent contrairement auxeroderma pigmentosum. Ce syndrome est hĂ©tĂ©-rogĂšne sur le plan gĂ©nĂ©tique puisque 3 groupesde complĂ©mentation ont Ă©tĂ© dĂ©finis. Le groupeA dĂ©pend d’anomalies du gĂšne CSA situĂ© sur lechromosome 5 et codant pour une protĂ©ine com-portant un domaine de rĂ©pĂ©tition de motifs WD(tryptophane-arginine) qui interagit avec ERCC-2, 3 et 6 au sein du complexe transcriptionnelTFIIH. Le groupe B dĂ©pend de mutations dugĂšne ERCC-6 localisĂ© en 10q11-21. Le groupeC est dĂ» Ă  des mutations du mĂȘme gĂšne impliquĂ©dans le xeroderma pigmentosum du groupe B(ERCC-3), mais avec un profil mutationnel pro-bablement diffĂ©rent touchant d’autres rĂ©gions dugĂšne. Cette hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© gĂ©nĂ©tique est encorecompliquĂ©e par le fait que certains patients ontun phĂ©notype Ă  la fois xeroderma pigmentosumtype G et syndrome de Cockayne, avec une

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amputation importante de la protĂ©ine ERCC-5qui emporte des domaines fonctionnels, proba-blement sĂ©parĂ©s, dont l’altĂ©ration est respon-sable, d’une part, du dĂ©faut de rĂ©paration“tumorigĂšne” du xeroderma pigmentosum et,d’autre part, du syndrome de Cockayne.

L’évolution est fatale Ă  brĂšve Ă©chĂ©ance et iln’existe pas de traitement spĂ©cifique de ce syn-drome hormis la photoprotection qui s’imposeprĂ©cocement, associĂ©e aux diffĂ©rentes prises encharge particuliĂšres vis-Ă -vis d’anomalies ocu-laires, squelettiques et neurologiques.

C) TRICHOTHIODYSTROPHIE

La dĂ©nomination trichothiodystrophieregroupe des affections cliniquement et biologi-quement hĂ©tĂ©rogĂšnes, de transmission autoso-mique rĂ©cessive qui associent des anomalies desstructures neuro-ectodermiques, en particulierdes cheveux (4). La caractĂ©ristique commune Ă toutes ces affections est une dystrophie pilaireavec des cheveux cassants (B, brittle hair) qui serarĂ©fient progressivement avec l’ñge. Leuraspect “tigrĂ©â€ rĂ©gulier est particuliĂšrement bienmis en Ă©vidence Ă  l’examen en lumiĂšre polari-sĂ©e. Le contenu en acides aminĂ©s soufrĂ©s estconsidĂ©rablement diminuĂ© dans les phanĂšres,notamment dans les cheveux. Diverses autresanomalies sont parfois prĂ©sentes, notammentune photosensibilitĂ© (P), un aspect ichtyosi-forme (I), un retard intellectuel (I) et psychomo-teur, une diminution (D) de la fertilitĂ©, et unretard staturo-pondĂ©ral (S). L’ensemble de cesanomalies caractĂ©rise les entitĂ©s dĂ©finies par lesacronymes PIBIDS et IBIDS selon l’existenceou non d’une photosensibilitĂ© qui est prĂ©sentedans prĂšs de la moitiĂ© des cas. D’autres anoma-lies ectodermiques sont parfois associĂ©es. Ellespeuvent consister en une dysplasie unguĂ©ale,une cataracte bilatĂ©rale, des anomalies dentaires,une dysmorphie faciale, des bronchestasies etdes infections Ă  rĂ©pĂ©tition, notamment des voiesaĂ©riennes supĂ©rieures.

Une anomalie de la rĂ©paration des lĂ©sions UVinduites de l’ADN est prĂ©sente chez les patientssouffrant d’une photosensibilitĂ© anormale. Lespatients atteints de PIBIDS se rĂ©partissent en 3groupes de complĂ©mentation gĂ©nĂ©tique. L’ori-gine gĂ©nĂ©tique du groupe A n’est pas dĂ©finie.Les groupes B et C prĂ©sentent des anomaliesgĂ©nĂ©tiques identiques au xeroderma pigmento-sum respectivement de type B (ERCC-3) et D(ERCC-2), mais avec un profil diffĂ©rent demutation. Des mutations de ces deux gĂšnes sontĂ©galement constatĂ©es chez certains patients prĂ©-sentant un phĂ©notype mixte de type xerodermapigmentosum et syndrome de Cockayne. Il est

donc hautement probable que les syndromes detype trichothiodystrophie soient en fait en rap-port avec une anomalie de la transcription assu-rée par le complexe TFIIH.

Le pronostic de ces syndromes est variable,conditionnĂ© en prioritĂ© par l’importance duretard psychomoteur. En l’absence de traitementĂ©tiologique, la sĂ©vĂ©ritĂ© potentielle de l’atteinteneurologique incite Ă  procĂ©der au diagnosticantĂ©natal en cas d’antĂ©cĂ©dent familial.

D) SYNDROME DE BLOOM

Le syndrome de Bloom est une poĂŻkilodermiecongĂ©nitale rare, Ă  transmission autosomiquerĂ©cessive, associant un retard statural Ă  dĂ©butintra-utĂ©rin, une photosensibilitĂ© prĂ©coce etmajeure qui se complique de lĂ©sions facialesĂ©rythĂ©mato-croĂ»teuses, progressivement tĂ©lan-giectasiques, et un dĂ©ficit immunitaire Ă  l’ori-gine d’infections respiratoires Ă  rĂ©pĂ©tition. Unedysmorphie faciale associant un nez long etĂ©troit avec une dolichocĂ©phalie est relativementfrĂ©quente. Les lĂ©sions cutanĂ©es s’attĂ©nuent avecl’ñge. Cependant, prĂšs de 20% des patientsdĂ©veloppent des tumeurs malignes, notammentdes hĂ©mopathies et des carcinomes digestifs.

Le syndrome de Bloom exprime des muta-tions du gĂšne BLM codant pour une hĂ©licase dugroupe RecQ. Il se caractĂ©rise par une instabilitĂ©et une fragilitĂ© chromosomiques vis-Ă -vis del’action d’un grand nombre d’agents gĂ©no-toxiques, probablement par dĂ©faut de rĂ©parationde l’ADN et par un taux Ă©levĂ© d’échange deschromatides-soeurs lors de la mĂ©iose.

E) SYNDROME DE ROTHMUND-THOMSON

Le syndrome de Rothmund-Thomson est unepoĂŻkilodermie congĂ©nitale qui se manifeste parl’apparition trĂšs prĂ©coce d’un Ă©rythĂšme tĂ©lan-giectasique avec atrophie des joues et du front.L’éruption s’étend ensuite Ă  l’ensemble duvisage, au cou, aux membres supĂ©rieurs, auxcuisses et aux fesses. La photosensibilitĂ© esthabituelle. L’exposition solaire peut provoquerl’apparition de bulles et favorise l’extension dela dermatose. D’autres anomalies incluent unecataracte, une hypotrichose, des onychodystro-phies, un retard statural et parfois des anomaliesosseuses. L’affection s’attĂ©nue avec l’ñge et restede bon pronostic vital. Chez certains patients, undĂ©faut de rĂ©paration des lĂ©sions UV-induites aĂ©tĂ© attribuĂ© Ă  des mutations de l’hĂ©licase RecQ4.

PHOTOSENSIBILITÉ CONGÉNITALE

A) PROTOPORPHYRIE ÉRYTHROPOÏÉTIQUE

La protoporphyrie Ă©rythropoĂŻĂ©tique est uneaffection gĂ©nĂ©tique transmise sur le mode autoso-mique dominant. Elle se manifeste chez le jeuneenfant par des poussĂ©es Ă©rythĂ©mato-ƓdĂ©mateuseset prurigineuses des zones photo-exposĂ©es. Cer-taines lĂ©sions deviennent purpuriques ou vĂ©si-culo-bulleuses. La rĂ©pĂ©tition des poussĂ©es aboutitĂ  la formation de cicatrices atrophiques. D’autreszones du tĂ©gument apparaissent Ă©paissies par uneinfiltration cireuse (fig. 3). Des lithiases biliairesriches en prophyrines peuvent conduire Ă  une cir-rhose cholestatique.

L’anomalie enzymatique touchant au mĂ©tabo-lisme des porphyrines consiste en un dĂ©ficit dela ferrochĂ©latase.

La photoprotection et la prise orale de ß-caro-tĂ©noĂŻde limitent la sĂ©vĂ©ritĂ© des manifestationscutanĂ©es.

B) MALADIE DE HARTNUP

La maladie se transmet sur un mode autoso-mique rĂ©cessif. La carence d’absorption du tryp-tophane conduit Ă  un dĂ©ficit de synthĂšse de

nicotinamide et de sĂ©rotonine. DĂšs lors, lestroubles du mĂ©tabolisme du tryptophane rencon-trĂ©s dans la maladie de Hartnup aboutissent Ă une carence en acide nicotinique (vitamine B3ou PP) ou avec accumulation de chromophoresanormaux (5). Le tableau est habituellementcelui d’un Ă©rythĂšme pellagroĂŻde, se traduisantpar des poussĂ©es de photosensibilitĂ©, aboutissantĂ  un Ă©rythĂšme sombre avec atrophie de la peauqui devient hyperpigmentĂ©e et couverte desquames grises.

Chez des individus plus ĂągĂ©s, l’association designes cutanĂ©s similaires Ă  des troubles neurolo-giques et digestifs constitue la pellagre, excep-tionnelle dans les pays dĂ©veloppĂ©s, et liĂ©e Ă  unecarence polyvitaminique.

RÉFÉRENCES

1. Mc Gregor WG.— DNA repair, DNA replication, andUV mutagenesis. J Invest Dermatol Symp Proc, 1999, 4,1-5.

2. Cleaver JE.— Common pathways for ultraviolet skincarcinogenesis in the repair and replication defectivegroups of xeroderma pigmentosum. J Dermatol Sci,2000, 23, 1-11.

3. Fazaa B, PiĂ©rard-Franchimont C, Zghal M, et al.—-Nuclear morphometry in xeroderma pigmentosum-asso-ciated malignant melanomas. Am J Dermatopathol,1994, 16, 611-614.

4. Itin PH, Sarasin A, Pittelkow MR.— Trichothiodystro-phy : update on the sulfur-deficient brittle hair syn-dromes. J Am Acad Dermatol, 2001, 44, 891-920.

5. Galadari E, Hadi S, Sabarinathan K.— Hartnup’sdisease. Int J Dermatol, 1993, 32, 904.

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Les demandes de t i rĂ©s Ă  par t sont Ă  adresser au Dr. J.E. Arrese, Service de Dermatopathologie, CHUdu Sart Tilman, 4000 LiĂšge. E-mail : [email protected]. 3 : Infiltration cutanĂ©e de la photoporphyrie Ă©rythropoĂŻĂ©tique