12852_155--bat
DESCRIPTION
12852_155--BATTRANSCRIPT
qE&C N°155 - Janvier 2011 p.42
qEconomie & Construction propose dans les pages qui suivent un dossier technique sur les salles de spectacle. Plusieurs témoignages viendront enrichir cette thématique en l’axant notamment sur les problématiques liées au traitement de l’acoustique et del’accessibilité.
qBâtiment qLes salles de spectacle
Pouvez-vous présenter le groupe Gamba Acoustique ?
Gamba Acoustique est un groupe spécialisé dans l’acoustique. Nous avons quatre
structures : une holding mère et trois filiales. Chaque filiale dispose d’un corps de
métier spécifique : une filiale spécialisée dans l’acoustique architecturale, une filiale
spécialisée dans l’acoustique de l’industrie et de l’environnement et une filiale spécia-
lisée dans l’acoustique des champs éoliens. La Holding se concentre sur une activité
de recherche et développement avec notamment la conception de logiciels de calculs
acoustiques que nous commercialisons. Nous proposons également une activité de
formation acoustique et HQE.
Quelles sont les exigences acoustiques propres aux salles de spectacle ?
Il existe trois familles d’exigences.
La première, en ordre de priorité par rapport à la fonction proprement dite de la salle
de spectacle, consiste à bien entendre les sons qui se propagent dans la salle, c’est-à-dire
le confort d’écoute.
La deuxième famille concerne l’isolation vis-à-vis des locaux voisins et de l’extérieur. Le but
est que l’activité de la salle n’engendre pas de nuisances pour les autres et, dans le même
temps, que les activités autour de la salle ne dérangent pas le spectacle.
La troisième famille se concentre sur le traitement des bruits des équipements du bâtiment,
pour éviter qu’ils ne gênent le voisinage ou la salle. Il s’agit par exemple du traitement
de l’air, des groupes froids et autres systèmes de chauffage ou de rafraîchissement.
Selon quels critères sont déterminés les choix acoustiques ?
Dans un premier temps, il est essentiel de souligner qu’il existe une grande diversité
de salles de spectacle. Elles se différencient par la jauge d’une part, c’est-à-dire par
le nombre de personnes qui sont censées écouter le spectacle, et d’autre part par le
type de spectacle qui va se produire dans la salle. Sur ce second point, l’acousticien doit
alors concilier avec des besoins acoustiques qui peuvent différer grandement, selon qu’il
s’agisse d’un spectacle de musique amplifiée ou d’un spectacle de chants grégoriens
Le traitement acoustique des salles de spectacle
Le traitement de l’acoustique est une problématique majeure lorsque l’on évoque le
thème des salles de spectacle. Claude Sénat, du cabinet Gamba Acoustique, présente
dans cet article les différentes recommandations qui varient en fonction du type de
salle à traiter. Les notions d’équilibre et de qualité d’écoute - tout en préservant
l’environnement extérieur des nuisances - sont des exigences complexes à respecter,
mais font de l’acoustique un sujet passionnant, une science, même un art quand elle
touche à la perfection.
9 Claude Sénat
“Le niveau maximal toléré
pour le public est de 105dBA
et les exploitants ont l’obliga-
tion de mettre en place
des “limitateurs” de niveau
sonore pour ne pas dépasser
ce niveau, déjà très élevé…”
t
qE&C N°155 - Janvier 2011 p.43
par exemple. Ces exemples illustrent
les deux extrémités de la fourchette de
variation des besoins. Globalement, il peut
ainsi y avoir des salles relativement neutres
et qui interviennent peu sur le message
d’origine, à l’inverse, d’autres salles renfor-
cent le message d’origine ou le déforment
par la force de réverbération.
Dans la majorité des programmes,
l’acousticien doit intervenir sur des salles
polyvalentes. Les salles dites “dédiées”
sont en effet assez rares de nos jours.
Elles correspondent à de vastes program-
mes et sont généralement situées dans
de grandes communes. Globalement, les
critères retenus en termes d’acoustique
pour les salles polyvalentes sont ceux qui
concernent la réverbération, c’est-à-dire
la façon dont le son se réfléchit sur les
parois et se décale dans le temps. Mis
à part la durée de réverbération, il existe
également des critères basés sur les rap-
ports énergétiques entre les ondes sonores
qui arrivent avant ou après un certain délai,
c’est ce qui permet d’équilibrer la qualité
de l’écoute en fonction du type de spectacle.
De manière générale, pour l’écoute de con-
certs de musique amplifiée ou pour les
activités sonorisées, nous essayons d’avoir
une salle neutre, et c’est la sonorisation
qui fait la qualité sonore. La salle a alors
vocation à être la plus invisible possible
et c’est au moment du spectacle que l’in-
génieur son traite le son du spectacle.
A l’opposé, pour les spectacles tels que les
concerts de musique symphonique, c’est
la salle qui fait la qualité du son entendu.
Et plus la salle est grande, plus il est dif-
ficile de la traiter de ce point de vue car
les ondes sonores parcourent de grandes
distances avant de rencontrer les parois.
Dans ce cas, le son direct, c’est-à-dire le
son qui va directement de l’instrument vers
le public, est décalé par rapport aux ondes
qui rencontrent les parois puisqu’elles ont
un chemin de propagation beaucoup plus
long. Donc dans ce cas, les traitements
pour arriver à éviter des échos gênants
sont relativement complexes à déterminer
et nécessitent un grand nombre de modélisations informatiques, voire des modéli-
sations de maquettes à échelle réduite et des mesures à l’intérieur des maquettes.
La Philharmonie de Paris, actuellement en train de voir le jour, est aujourd’hui
l’exemple le plus pertinent de salle d’orchestre symphonique.
Et qu’en est-il en termes de réglementation ?
Pour ce type de bâtiments, il existe au moins deux réglementations, toutes deux rela-
tives à la protection du voisinage vis-à-vis des nuisances : l’une est dédiée aux salles
de musique amplifiée et l’autre, à la protection des riverains de toute installation
bruyante, quelle qu’elle soit. Ces deux réglementations se basent à peu près sur
le même critère : l’émergence sonore. L’émergence autorisée tourne autour de 3dBA
avec quelques dB d’amplitude en fonction de la durée du bruit qui cause la gêne
et en fonction de la fréquence des bruits concernés.
En préalable à la conception de la salle, il importe de caractériser l’environnement
structure de la salle, et donc de procéder à quelques mesures de bruits résiduels :
les bruits existants sur le site indépendamment de l’activité que l’on va y implanter.
Ce sont ces mesures qui vont permettre de dimensionner, soit les besoins d’isolation
vis-à-vis du bruit résiduel, soit le niveau auquel la salle va pouvoir émettre.
La réglementation applicable aux salles recevant de la musique amplifiée ne fixe
pas uniquement les objectifs de protection du voisinage, mais elle fixe également
les objectifs de protection du public. Le niveau maximal toléré pour le public est
de 105dBA et les exploitants ont l’obligation de mettre en place des “limitateurs”
de niveau sonore pour ne pas dépasser ce niveau, déjà très élevé…
Est-ce que la réhabilitation d’anciens bâtiments en salles de spectacle
pose des difficultés particulières ?
Il s’agit effectivement d’opérations un peu délicates dans la mesure où il est en
général nécessaire de respecter toute l’architecture existante, et donc de faire
en sorte de ne quasiment rien ajouter comme traitement acoustique. Cela exige
beaucoup d’allers-retours entre l’acousticien et l’architecte pour trouver les traite-
ments et les bons compromis qui permettent d’avoir des équilibres satisfaisants
du point de vue des conditions d’écoute et du point de vue de la préservation du bâti.
Nous avons notamment quelques exemples de vieilles abbayes transformées en
salles de spectacle où nous avons rencontré ce genre de difficultés à traiter. Nous
arrivons en général à trouver des compromis, tant qu’il ne s’agit pas de volumes trop
importants et que le public n’est pas trop éloigné de la source sonore.
q Bâtiment
qE&C N°155 - Janvier 2011 p.44
L’intervention d’un acousticien sur les salles de spectacle relève de l’évidence.
Qu’en est-il des autres types de projets ?
Les maîtres d’ouvrage font de plus en plus appel aux acousticiens sur tout type de projet,
mais cette démarche est loin d’être systématique. Il est souvent étonnant de voir pourquoi
on fait appel à un acousticien sur tel ou tel projet. Je pense notamment à un projet de
bâtiment, une école d’ingénieurs, pour laquelle un acousticien était demandé parce
qu’il y avait un amphithéâtre dans le programme. En réalité le travail de l’acousticien
est allé bien au-delà de l’intervention sur l’amphithéâtre. Comme pour les salles de
spectacle, il fallait assurer un bon confort d’écoute dans les salles, une bonne isolation
entre les salles et un bon traitement des bruits d’impact. Dans le cas de cette école, la
majorité des salles sont des salles d’enseignement dans lesquelles il faut que l’on
puisse bien entendre l’enseignant. Cela ne requiert pas une isolation particulièrement
performante, mais son traitement devient délicat compte tenu des procédés constructifs
habituels de ce type de bâtiment. Il s’agit en définitive d’intervenir sur certains points
de la prescription spontanée de l’architecte qu’il faut amender et corriger. Les archi-
tectes et les maîtres d’ouvrage ne sont pas forcément formés en ce sens et je pense
que le travail en concertation avec un acousticien apporte une plus-value intéressante.
Nous regrettons que le recours à un acousticien ne soit pas plus systématique, mais
les choses évoluent dans le bon sens et les maîtres d’œuvre et les maîtres d’ouvrage
semblent être de plus en plus conscients de la nécessité de prendre en compte cette
discipline afin que les bâtiments soient mieux adaptés à leur usage.
t
t
qE&C N°155 - Janvier 2011 p.45
Quelle est la genèse du projet ?
La salle Pleyel est un morceau d’architecture extraordinaire. La construction de
la salle et de ses dépendances fut lancée en 1925 grâce à la rencontre de deux
personnalités : Gustave-Frantz Lyon, propriétaire de la manufacture des pianos
Pleyel et commanditaire de l’ouvrage, et l’architecte Jean-Marcel Auburtin.
Leur projet comprenait un immeuble sur rue où l’on vendait pianos et partitions,
une grande salle de concert de 2 500 personnes et deux salles de répétition, situées
en dessous de ladite salle. En réalité, c’était une “cité de la musique” avant l’heure.
La construction de l’ensemble prit deux ans (concert inaugural le 18 octobre 1927),
la manufacture de pianos quittant le faubourg Saint-Honoré pour s’installer au
Carrefour Pleyel à Saint-Denis, près de l’actuel Stade de France.
Dès l’origine, Jean-Michel Auburtin va devoir composer avec les nombreuses contrain-
tes du site (zone urbaine, problèmes d’accès, etc.) et décide d’utiliser un matériau
relativement récent pour l’époque, le béton armé, qui permet une certaine liberté
structurelle et le dégagement de grandes portées. Il va alors imaginer une colonnade
pour supporter l’édifice et dégager un vaste hall d’entrée avec, au sol, une immense
mosaïque noire et blanche et au plafond, un puits de lumière. La salle de spectacle
en elle-même se présente comme une coque recouverte de feuille d’or, en forme
de porte-voix, suspendue par des structures en béton armé.
La salle PleyelHistoire d’un renouveau
La salle Pleyel est un véritable monument d’histoire. De sa création en 1925 aux
multiples transformations subies tout au long du XXe siècle, ce lieu a traversé le temps
tout en conservant son cachet d’origine, de style résolument Art déco. La salle de concert
proprement dite a aujourd’hui un nouveau visage : sobriété, harmonie des formes et
des couleurs, architecture contemporaine… François Céria, architecte, l’un des acteurs
du renouveau, raconte l’histoire de cette transformation particulièrement réussie.
9 François Céria
Vue de la scène.e
Du point de vue architectural, la salle Pleyel
est un parfait exemple de la tradition de
l’époque, celle du style Art déco (Expo-
sition Internationale des Arts Décoratifs
en 1925), des grands transatlantiques,
à l’image du célèbre Normandie par
exemple. Il existe ainsi de nombreuses
interactions entre l’architecture, la pein-
ture, la sculpture… Jean-Michel Auburtin
va donc mandater des artisans de renom
pour la décoration du bâtiment : Subes
pour les ferronneries, Baguès pour les
luminaires, ou encore, Jaulmes pour les
tapisseries.
La construction ne restera pas longtemps
dans son état originel : neuf mois après
l’inauguration, un incendie se déclara. La
salle, dévastée par le feu, a dû subir dès
le début des réparations hâtives qui se sont
superposées jusqu’à la fin du XXe siècle
(1928, 1961, 1981) et l’ont altérée irrémé-
diablement. L’écriture de l’ensemble
architectural disparaît progressivement.
La Grande dépression de 1933 oblige la
société Pleyel à céder son bien à sa banque,
le Crédit Lyonnais, qui le gérera jusqu’en
1998 avant de se voir elle-même contrainte
de vendre.
La salle Pleyel est alors rachetée par l’industriel Hubert Martigny et les rénovations
commencent, quels ont été acteurs du chantier ?
La salle Pleyel est en effet acquise par Hubert Martigny. En 2002, le projet de rénovation
prend forme et il propose à l’agence d’architecture que je dirige de travailler sur le projet
pour que se dégagent des solutions tant pour la restauration que pour l’exploitation.
L’équipe de maîtrise d’œuvre se constitue alors progressivement avec pour associé
à F. Céria Architectes, le cabinet Artec Consultants, pour le traitement de l’acoustique.
La rénovation est confiée au groupe Bouygues, avec ses filiales Sodearif et Elan. En 2004,
le ministère de la culture approuve l’accord trouvé entre la salle Pleyel et la cité de la
musique, pour un contrat de bail d’une durée de 50 ans. Les travaux ont coûté 32 millions
d’euros et se sont étalés sur deux ans.
Quel était votre état d’esprit lorsque vous avez entamé les travaux de rénovation ?
Dès l’origine, notre idée fut de pouvoir offrir aux futurs visiteurs de la Salle Pleyel,
une “mini croisière”, en recréant un univers à part ; une expérience sensorielle propice
à l’évasion, par l’intermédiaire de la musique bien sûr, mais également de l’architecture.
L’architecture existante était très détériorée et il était important pour nous de pouvoir
remettre en valeur un travail d’une intelligence exceptionnelle et de transmettre
ce patrimoine.
Quelle était votre marge de manœuvre ?
Afin de préserver la salle Pleyel des destructions éventuelles, l’Etat a inscrit le hall,
la façade et le toit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Notre
marge de manœuvre était donc assez limitée. Pour le vestibule et le hall, notre parti
a été celui du retour à la conception originale. Pour ce faire, nous avons longuement
étudié les dessins d’origine et des photographies. Nous avons reconstitué les mosaï-
ques du sol, et notamment la magnifique étoile qui donne le ton de ce hall majestueux.
Nous avons également rouvert la coupole avec son puits central de lumière dont béné-
ficient les bureaux situés du deuxième au huitième étage de l’immeuble. Au premier
étage, à l’emplacement d’anciens studios de danse, nous avons créé de toute pièce
q Bâtiment
qE&C N°155 - Janvier 2011 p.46
“Le traitement de la salle est résolument contemporain et nous souhaitions atteindre
une forme d’équilibre et d’harmonie des formes.”
Hall d’entrée.e Salle Playel après rénovation.e
t
un foyer disposant d’une vaste paroi
vitrée sur rue. L’espace est rythmé par
le déambulatoire autour de la verrière
et un immense bar occupe le fond de la
parcelle.
En revanche, la salle en elle-même
a été complètement redessinée,
comment avez-vous procédé ?
Les utilisateurs se plaignaient souvent
de l’acoustique de la salle Pleyel. Il fallait
donc améliorer les conditions d’écoute.
Pour ce faire, notre objectif a consisté à
reconquérir le plus grand volume possi-
ble à l’intérieur de la structure existante,
tout en préservant la structure porteuse
de la coque. D’autre part, la scène a été
recentrée, pour une meilleure diffusion
du son, et dotée de gradins à l’arrière
du plateau afin d’accueillir des cœurs
ou des spectateurs. Quatre balcons laté-
raux - des bergeries accueillant chacune
19 spectateurs - ont été ajoutés pour servir
d’abat-sons et recentrer l’acoustique, en
absorbant ou réfléchissant le son selon
les endroits. Bannières de fond de scène,
draperies et rideaux blancs sur les parois
latérales complètent le traitement des
surfaces.
En définitive, nous avons fait en sorte que tous les éléments rationnels et techniques
nécessaires au traitement acoustiques soient également des éléments architecturaux,
reprenant ainsi l’un des grands thèmes architecturaux de l’époque de la construction de
la salle Pleyel, à savoir que la technique disparaisse au profit de l’esthétique. L’ensemble
de la salle contient désormais 1 913 places, contre 2 300 à l’époque de la fermeture.
Concernant le traitement de la salle de concert, Il y avait également une grande
recherche de simplicité et de sobriété ?
Oui en effet, nous souhaitions que la salle, dans son expression architecturale,
soit la plus simple possible, d’une très grande sobriété, et que les matériaux
et les tonalités reprennent autant que possible l’atmosphère très dépouillée du
hall et de l’existant. La couleur blanche utilisée pour la salle participe activement
de cette recherche de sobriété. Le traitement de la salle est résolument contempo-
rain et nous souhaitions atteindre une forme d’équilibre et d’harmonie des formes.
Nous avons également utilisé quelques éléments en bois (planchers, scène). Pour
les parois et les sièges, nous avons utilisé du hêtre étuvé, un type de bois qu’on chauffe
pour en ôter l’humidité et qui ainsi devient un peu rosé. Nous avons en outre conservé
le parquet d’origine, un bois rouge africain que l’on ne trouve plus aujourd’hui.
Plus globalement, quels termes définiraient selon vous le mieux l’architecture ?
Les notions les plus importantes en architecture sont celles de la permanence,
de la durabilité. Ces dernières sont certes liées à l’entretien, à l’exploitation ou à l’éco-
nomie du projet, mais il faut absolument, dès l’origine, s’interroger sur le devenir
du bâtiment à long terme. C’est un point fondamental.
qE&C N°155 - Janvier 2011 p.47
“Les utilisateurs se plaignaient souvent de l’acoustique
de la salle Pleyel. Il fallait donc améliorer
les conditions d’écoute.”
Le hall d’entrée avec la rosace.
e
Le foyer, au premier étage, avec le puits de lumière.
e
En quoi consistait votre mission pour les théâtres nationaux ?
Nous avons été missionnés avec l’agence d’architecture par le biais d’un concours. Suite
à cela, nous avons répondu à une mission diagnostic/accessibilité regroupant tout type
de handicap, qu’il soit visuel, auditif, psychique…
Nous avons travaillé sur quatre théâtres nationaux : à Paris, la Comédie Française,
le théâtre de la Colline et le Conservatoire National Supérieur des Arts Dramatiques
et à Strasbourg, le théâtre national. Ces quatre édifices étaient regroupés dans une même
mission, à savoir faciliter l’accessibilité à toutes les personnes atteintes d’un handicap.
Le maître d’ouvrage était La Direction Générale de la Création Artistique. Notre cahier
des charges consistait à réaliser, en collaboration avec l’agence d’architecture, le relevé
de tous les obstacles qui pouvaient être rencontrés par des personnes souffrant
d’un handicap. Par la suite, il nous a fallu réaliser des préconisations selon différents
scénarios. Enfin, nous avons effectué un chiffrage des différentes préconisations. Il était
important de fournir au maître d’ouvrage un échéancier des préconisations par ordre
de priorité, ainsi qu’un calendrier prévisionnel des travaux afin d’établir la durée effec-
tive des travaux.
Y avait-il des spécificités peu habituelles sur cette mission ?
Oui, car les quatre sites sont des théâtres recevant du public, spectateurs et membres
du personnel. Lors de notre diagnostic accessibilité, nous sommes allés un peu plus
loin que ce que préconisait la réglementation, c’est-à-dire que nous avons centré
le diagnostic sur la partie “publique”, mais également sur la partie “personnel technique”
du théâtre. Nous avons par exemple envisagé la possibilité d’avoir, au sein même du
personnel, des personnes qui se déplacent en fauteuil roulant ou qui ont une déficience
visuelle. L’arrêté de 2006, en vigueur, concernait majoritairement la partie publique
de ces établissements.
Est-ce que ces considérations ont induit un surcoût ?
Oui, cela représente un surcoût. Le personnel qui travaille sur ce type d’établissement
est, en outre, très spécifique. Il ne s’agit pas en effet de bâtiments classiques et nous avons
eu de longues discussions avec les employés des théâtres car ces derniers ne sont pas
forcément au courant de la possibilité que des acteurs sur scène aient, par exemple,
une déficience visuelle ou que l’un des employés travaillant à la régie ait à se déplacer
en fauteuil roulant. Il n’est pas toujours évident d’intégrer ces considérations.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées en termes de sécurité ?
Nous avions un partenaire dans notre équipe dont le travail était axé sur la sécurité. Il
avait également comme mission de nous aider à résoudre la problématique de la sécurité
L’accessibilité et le traitement raisonné du bâti pour les personnes souffrant d’un
handicap sont aujourd’hui une problématique centrale des projets de construction. David
Pottin, économiste de la construction au sein du cabinet Asselin, évoque dans cet article
les difficultés rencontrées dans différents projets de salles de spectacle.
q Bâtiment
qE&C N°155 - Janvier 2011 p.48
Salles de spectacleet accessibilité
9 David Pottin
Théâtre de la colline, Paris.e
t
incendie du personnel handicapé. Nous
avons d’ailleurs eu à ce sujet d’importantes
discussions avec les directeurs et direc-
trices des différents établissements.
En effet, aujourd’hui, s’il est possible
pour des personnes en fauteuil roulant
de pénétrer dans l’enceinte des théâtres,
nous ne sommes pas encore en mesure
de les faire sortir en cas d’incendie.
Nous avons donc travaillé pour identifier
jusqu’où nous pouvions aller dans le cadre
de la réglementation, afin de créer des
“espaces d’attente sécurisés” ; expres-
sion employée dans la réglementation.
Ces espaces ont pour objectif d’offrir
aux personnes atteintes de différentes
déficiences un espace dans lequel elles
peuvent attendre les secours.
La difficulté principale était de trouver des
locaux d’une surface minimale suffisante
pour accueillir ces personnes ; cette sur-
face minimale étant fonction de la capacité
d’accueil de fauteuils roulants d’une salle.
Il faut par ailleurs préciser qu’en termes
de sécurité, des moyens humains sont mis
en place. Les personnes atteintes d’un
handicap sont “répertoriées” par spectacle,
et des moyens humains sont mis en œuvre
afin de les conduire vers les espaces d’at-
tente ou de les aider à sortir du théâtre.
Comment s’est déroulée votre collaboration avec l’agence d’architecture ?
Nous avons fait, avec l’agence d’architecture, un “diagnostic en marchant”, c’est-à-
dire que nous nous sommes mis à la place d’une personne à mobilité réduite
afin de constater les obstacles rencontrés lorsqu’elle se déplace. L’architecte a fait
le relevé de tous les obstacles (présence d’objets gênant la circulation, protection
des sous faces d’escaliers, etc.)… Nous avons ainsi parcouru toutes les pièces pour
lister les difficultés qui pouvaient se poser.
Une fois les relevés intégrés au cahier des charges, nous avons pu faire des préco-
nisations et émettre un chiffrage. Le maître d’ouvrage ne voulait pas d’un chiffre
global. Il devait être spécifique, correspondant par exemple aux circulations verti-
cales, à la mise en conformité des escaliers ou encore à la mise en conformité des
circulations horizontales.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples de préconisations pouvant faciliter
l’accessibilité des salles aux personnes souffrant d’un handicap ?
Lorsque l’on a affaire, par exemple, à des personnes souffrant d’une déficience
auditive, il est courant d’utiliser la boucle à induction magnétique au niveau des
salles de spectacle et d’accueil. Ce sont des moyens que l’on retrouve aujourd’hui
dans toutes les salles de spectacle et dans tous les théâtres. La boucle à induction
magnétique est l’une des principales préconisations pour ce type de déficience.
En ce qui concerne les déficiences psychique et moteur, je dirais que, pour les salles
de spectacle, il n’y a malheureusement que peu de solutions. L’important pour
les personnes concernées par ces handicaps est de pouvoir se fier à des différences
de couleurs, au niveau des circulations et au niveau des cheminements à l’intérieur
des salles de spectacle et des théâtres. Il est essentiel qu’elles puissent évoluer
dans un milieu sécurisant, avec des repères visuels évidents. Nos préconisations
consistaient, par exemple, à différencier les couleurs utilisées pour les murs et les
sols ou pour les encadrements de portes et les murs.
qE&C N°155 - Janvier 2011 p.49
Ascenceur adapté aux personnes à mobilité réduite. Théâtre de la colline, Paris.
e
Théâtre de la Comédie Française à Paris.e