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q E&C N°155 - Janvier 2011 p.42 q Economie & Construction propose dans les pages qui suivent un dossier technique sur les salles de spectacle. Plusieurs témoignages viendront enrichir cette thématique en l’axant notamment sur les problématiques liées au traitement de l’acoustique et de l’accessibilité. q Bâti ment q Les salles de spectacle P o u v e z - v o u s p r é s e n t e r l e g r o u p e G a m b a A c o u s t i q u e ? Gamba Acoustique est un groupe spécialisé dans l’acoustique. Nous avons quatre structures : une holding mère et trois filiales. Chaque filiale dispose d’un corps de métier spécifique : une filiale spécialisée dans l’acoustique architecturale, une filiale spécialisée dans l’acoustique de l’industrie et de l’environnement et une filiale spécia- lisée dans l’acoustique des champs éoliens. La Holding se concentre sur une activité de recherche et développement avec notamment la conception de logiciels de calculs acoustiques que nous commercialisons. Nous proposons également une activité de formation acoustique et HQE. Q u e l l e s s o n t l e s e x i g e n c e s a c o u s t i q u e s p r o p r e s a u x s a l l e s d e s p e c t a c l e ? Il existe trois familles d’exigences. La première, en ordre de priorité par rapport à la fonction proprement dite de la salle de spectacle, consiste à bien entendre les sons qui se propagent dans la salle, c’est-à-dire le confort d’écoute. La deuxième famille concerne l’isolation vis-à-vis des locaux voisins et de l’extérieur. Le but est que l’activité de la salle n’engendre pas de nuisances pour les autres et, dans le même temps, que les activités autour de la salle ne dérangent pas le spectacle. La troisième famille se concentre sur le traitement des bruits des équipements du bâtiment, pour éviter qu’ils ne gênent le voisinage ou la salle. Il s’agit par exemple du traitement de l’air, des groupes froids et autres systèmes de chauffage ou de rafraîchissement. S e l o n q u e l s c r i t è r e s s o n t d é t e r m i n é s l e s c h o i x a c o u s t i q u e s ? Dans un premier temps, il est essentiel de souligner qu’il existe une grande diversité de salles de spectacle. Elles se différencient par la jauge d’une part, c’est-à-dire par le nombre de personnes qui sont censées écouter le spectacle, et d’autre part par le type de spectacle qui va se produire dans la salle. Sur ce second point, l’acousticien doit alors concilier avec des besoins acoustiques qui peuvent différer grandement, selon qu’il s’agisse d’un spectacle de musique amplifiée ou d’un spectacle de chants grégoriens Le traitement acoustique des salles de spectacle Le traitement de l’acoustique est une problématique majeure lorsque l’on évoque le thème des salles de spectacle. Claude Sénat, du cabinet Gamba Acoustique, présente dans cet article les différentes recommandations qui varient en fonction du type de salle à traiter. Les notions d’équilibre et de qualité d’écoute - tout en préservant l’environnement extérieur des nuisances - sont des exigences complexes à respecter, mais font de l’acoustique un sujet passionnant, une science, même un art quand elle touche à la perfection. 9 C l a u d e S é n a t “Le niveau maximal toléré pour le public est de 105dBA et les exploitants ont l’obliga- tion de mettre en place des “limitateurs” de niveau sonore pour ne pas dépasser ce niveau, déjà très élevé…”

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qE&C N°155 - Janvier 2011 p.42

qEconomie & Construction propose dans les pages qui suivent un dossier technique sur les salles de spectacle. Plusieurs témoignages viendront enrichir cette thématique en l’axant notamment sur les problématiques liées au traitement de l’acoustique et del’accessibilité.

qBâtiment qLes salles de spectacle

Pouvez-vous présenter le groupe Gamba Acoustique ?

Gamba Acoustique est un groupe spécialisé dans l’acoustique. Nous avons quatre

structures : une holding mère et trois filiales. Chaque filiale dispose d’un corps de

métier spécifique : une filiale spécialisée dans l’acoustique architecturale, une filiale

spécialisée dans l’acoustique de l’industrie et de l’environnement et une filiale spécia-

lisée dans l’acoustique des champs éoliens. La Holding se concentre sur une activité

de recherche et développement avec notamment la conception de logiciels de calculs

acoustiques que nous commercialisons. Nous proposons également une activité de

formation acoustique et HQE.

Quelles sont les exigences acoustiques propres aux salles de spectacle ?

Il existe trois familles d’exigences.

La première, en ordre de priorité par rapport à la fonction proprement dite de la salle

de spectacle, consiste à bien entendre les sons qui se propagent dans la salle, c’est-à-dire

le confort d’écoute.

La deuxième famille concerne l’isolation vis-à-vis des locaux voisins et de l’extérieur. Le but

est que l’activité de la salle n’engendre pas de nuisances pour les autres et, dans le même

temps, que les activités autour de la salle ne dérangent pas le spectacle.

La troisième famille se concentre sur le traitement des bruits des équipements du bâtiment,

pour éviter qu’ils ne gênent le voisinage ou la salle. Il s’agit par exemple du traitement

de l’air, des groupes froids et autres systèmes de chauffage ou de rafraîchissement.

Selon quels critères sont déterminés les choix acoustiques ?

Dans un premier temps, il est essentiel de souligner qu’il existe une grande diversité

de salles de spectacle. Elles se différencient par la jauge d’une part, c’est-à-dire par

le nombre de personnes qui sont censées écouter le spectacle, et d’autre part par le

type de spectacle qui va se produire dans la salle. Sur ce second point, l’acousticien doit

alors concilier avec des besoins acoustiques qui peuvent différer grandement, selon qu’il

s’agisse d’un spectacle de musique amplifiée ou d’un spectacle de chants grégoriens

Le traitement acoustique des salles de spectacle

Le traitement de l’acoustique est une problématique majeure lorsque l’on évoque le

thème des salles de spectacle. Claude Sénat, du cabinet Gamba Acoustique, présente

dans cet article les différentes recommandations qui varient en fonction du type de

salle à traiter. Les notions d’équilibre et de qualité d’écoute - tout en préservant

l’environnement extérieur des nuisances - sont des exigences complexes à respecter,

mais font de l’acoustique un sujet passionnant, une science, même un art quand elle

touche à la perfection.

9 Claude Sénat

“Le niveau maximal toléré

pour le public est de 105dBA

et les exploitants ont l’obliga-

tion de mettre en place

des “limitateurs” de niveau

sonore pour ne pas dépasser

ce niveau, déjà très élevé…”

t

qE&C N°155 - Janvier 2011 p.43

par exemple. Ces exemples illustrent

les deux extrémités de la fourchette de

variation des besoins. Globalement, il peut

ainsi y avoir des salles relativement neutres

et qui interviennent peu sur le message

d’origine, à l’inverse, d’autres salles renfor-

cent le message d’origine ou le déforment

par la force de réverbération.

Dans la majorité des programmes,

l’acousticien doit intervenir sur des salles

polyvalentes. Les salles dites “dédiées”

sont en effet assez rares de nos jours.

Elles correspondent à de vastes program-

mes et sont généralement situées dans

de grandes communes. Globalement, les

critères retenus en termes d’acoustique

pour les salles polyvalentes sont ceux qui

concernent la réverbération, c’est-à-dire

la façon dont le son se réfléchit sur les

parois et se décale dans le temps. Mis

à part la durée de réverbération, il existe

également des critères basés sur les rap-

ports énergétiques entre les ondes sonores

qui arrivent avant ou après un certain délai,

c’est ce qui permet d’équilibrer la qualité

de l’écoute en fonction du type de spectacle.

De manière générale, pour l’écoute de con-

certs de musique amplifiée ou pour les

activités sonorisées, nous essayons d’avoir

une salle neutre, et c’est la sonorisation

qui fait la qualité sonore. La salle a alors

vocation à être la plus invisible possible

et c’est au moment du spectacle que l’in-

génieur son traite le son du spectacle.

A l’opposé, pour les spectacles tels que les

concerts de musique symphonique, c’est

la salle qui fait la qualité du son entendu.

Et plus la salle est grande, plus il est dif-

ficile de la traiter de ce point de vue car

les ondes sonores parcourent de grandes

distances avant de rencontrer les parois.

Dans ce cas, le son direct, c’est-à-dire le

son qui va directement de l’instrument vers

le public, est décalé par rapport aux ondes

qui rencontrent les parois puisqu’elles ont

un chemin de propagation beaucoup plus

long. Donc dans ce cas, les traitements

pour arriver à éviter des échos gênants

sont relativement complexes à déterminer

et nécessitent un grand nombre de modélisations informatiques, voire des modéli-

sations de maquettes à échelle réduite et des mesures à l’intérieur des maquettes.

La Philharmonie de Paris, actuellement en train de voir le jour, est aujourd’hui

l’exemple le plus pertinent de salle d’orchestre symphonique.

Et qu’en est-il en termes de réglementation ?

Pour ce type de bâtiments, il existe au moins deux réglementations, toutes deux rela-

tives à la protection du voisinage vis-à-vis des nuisances : l’une est dédiée aux salles

de musique amplifiée et l’autre, à la protection des riverains de toute installation

bruyante, quelle qu’elle soit. Ces deux réglementations se basent à peu près sur

le même critère : l’émergence sonore. L’émergence autorisée tourne autour de 3dBA

avec quelques dB d’amplitude en fonction de la durée du bruit qui cause la gêne

et en fonction de la fréquence des bruits concernés.

En préalable à la conception de la salle, il importe de caractériser l’environnement

structure de la salle, et donc de procéder à quelques mesures de bruits résiduels :

les bruits existants sur le site indépendamment de l’activité que l’on va y implanter.

Ce sont ces mesures qui vont permettre de dimensionner, soit les besoins d’isolation

vis-à-vis du bruit résiduel, soit le niveau auquel la salle va pouvoir émettre.

La réglementation applicable aux salles recevant de la musique amplifiée ne fixe

pas uniquement les objectifs de protection du voisinage, mais elle fixe également

les objectifs de protection du public. Le niveau maximal toléré pour le public est

de 105dBA et les exploitants ont l’obligation de mettre en place des “limitateurs”

de niveau sonore pour ne pas dépasser ce niveau, déjà très élevé…

Est-ce que la réhabilitation d’anciens bâtiments en salles de spectacle

pose des difficultés particulières ?

Il s’agit effectivement d’opérations un peu délicates dans la mesure où il est en

général nécessaire de respecter toute l’architecture existante, et donc de faire

en sorte de ne quasiment rien ajouter comme traitement acoustique. Cela exige

beaucoup d’allers-retours entre l’acousticien et l’architecte pour trouver les traite-

ments et les bons compromis qui permettent d’avoir des équilibres satisfaisants

du point de vue des conditions d’écoute et du point de vue de la préservation du bâti.

Nous avons notamment quelques exemples de vieilles abbayes transformées en

salles de spectacle où nous avons rencontré ce genre de difficultés à traiter. Nous

arrivons en général à trouver des compromis, tant qu’il ne s’agit pas de volumes trop

importants et que le public n’est pas trop éloigné de la source sonore.

q Bâtiment

qE&C N°155 - Janvier 2011 p.44

L’intervention d’un acousticien sur les salles de spectacle relève de l’évidence.

Qu’en est-il des autres types de projets ?

Les maîtres d’ouvrage font de plus en plus appel aux acousticiens sur tout type de projet,

mais cette démarche est loin d’être systématique. Il est souvent étonnant de voir pourquoi

on fait appel à un acousticien sur tel ou tel projet. Je pense notamment à un projet de

bâtiment, une école d’ingénieurs, pour laquelle un acousticien était demandé parce

qu’il y avait un amphithéâtre dans le programme. En réalité le travail de l’acousticien

est allé bien au-delà de l’intervention sur l’amphithéâtre. Comme pour les salles de

spectacle, il fallait assurer un bon confort d’écoute dans les salles, une bonne isolation

entre les salles et un bon traitement des bruits d’impact. Dans le cas de cette école, la

majorité des salles sont des salles d’enseignement dans lesquelles il faut que l’on

puisse bien entendre l’enseignant. Cela ne requiert pas une isolation particulièrement

performante, mais son traitement devient délicat compte tenu des procédés constructifs

habituels de ce type de bâtiment. Il s’agit en définitive d’intervenir sur certains points

de la prescription spontanée de l’architecte qu’il faut amender et corriger. Les archi-

tectes et les maîtres d’ouvrage ne sont pas forcément formés en ce sens et je pense

que le travail en concertation avec un acousticien apporte une plus-value intéressante.

Nous regrettons que le recours à un acousticien ne soit pas plus systématique, mais

les choses évoluent dans le bon sens et les maîtres d’œuvre et les maîtres d’ouvrage

semblent être de plus en plus conscients de la nécessité de prendre en compte cette

discipline afin que les bâtiments soient mieux adaptés à leur usage.

t

t

qE&C N°155 - Janvier 2011 p.45

Quelle est la genèse du projet ?

La salle Pleyel est un morceau d’architecture extraordinaire. La construction de

la salle et de ses dépendances fut lancée en 1925 grâce à la rencontre de deux

personnalités : Gustave-Frantz Lyon, propriétaire de la manufacture des pianos

Pleyel et commanditaire de l’ouvrage, et l’architecte Jean-Marcel Auburtin.

Leur projet comprenait un immeuble sur rue où l’on vendait pianos et partitions,

une grande salle de concert de 2 500 personnes et deux salles de répétition, situées

en dessous de ladite salle. En réalité, c’était une “cité de la musique” avant l’heure.

La construction de l’ensemble prit deux ans (concert inaugural le 18 octobre 1927),

la manufacture de pianos quittant le faubourg Saint-Honoré pour s’installer au

Carrefour Pleyel à Saint-Denis, près de l’actuel Stade de France.

Dès l’origine, Jean-Michel Auburtin va devoir composer avec les nombreuses contrain-

tes du site (zone urbaine, problèmes d’accès, etc.) et décide d’utiliser un matériau

relativement récent pour l’époque, le béton armé, qui permet une certaine liberté

structurelle et le dégagement de grandes portées. Il va alors imaginer une colonnade

pour supporter l’édifice et dégager un vaste hall d’entrée avec, au sol, une immense

mosaïque noire et blanche et au plafond, un puits de lumière. La salle de spectacle

en elle-même se présente comme une coque recouverte de feuille d’or, en forme

de porte-voix, suspendue par des structures en béton armé.

La salle PleyelHistoire d’un renouveau

La salle Pleyel est un véritable monument d’histoire. De sa création en 1925 aux

multiples transformations subies tout au long du XXe siècle, ce lieu a traversé le temps

tout en conservant son cachet d’origine, de style résolument Art déco. La salle de concert

proprement dite a aujourd’hui un nouveau visage : sobriété, harmonie des formes et

des couleurs, architecture contemporaine… François Céria, architecte, l’un des acteurs

du renouveau, raconte l’histoire de cette transformation particulièrement réussie.

9 François Céria

Vue de la scène.e

Du point de vue architectural, la salle Pleyel

est un parfait exemple de la tradition de

l’époque, celle du style Art déco (Expo-

sition Internationale des Arts Décoratifs

en 1925), des grands transatlantiques,

à l’image du célèbre Normandie par

exemple. Il existe ainsi de nombreuses

interactions entre l’architecture, la pein-

ture, la sculpture… Jean-Michel Auburtin

va donc mandater des artisans de renom

pour la décoration du bâtiment : Subes

pour les ferronneries, Baguès pour les

luminaires, ou encore, Jaulmes pour les

tapisseries.

La construction ne restera pas longtemps

dans son état originel : neuf mois après

l’inauguration, un incendie se déclara. La

salle, dévastée par le feu, a dû subir dès

le début des réparations hâtives qui se sont

superposées jusqu’à la fin du XXe siècle

(1928, 1961, 1981) et l’ont altérée irrémé-

diablement. L’écriture de l’ensemble

architectural disparaît progressivement.

La Grande dépression de 1933 oblige la

société Pleyel à céder son bien à sa banque,

le Crédit Lyonnais, qui le gérera jusqu’en

1998 avant de se voir elle-même contrainte

de vendre.

La salle Pleyel est alors rachetée par l’industriel Hubert Martigny et les rénovations

commencent, quels ont été acteurs du chantier ?

La salle Pleyel est en effet acquise par Hubert Martigny. En 2002, le projet de rénovation

prend forme et il propose à l’agence d’architecture que je dirige de travailler sur le projet

pour que se dégagent des solutions tant pour la restauration que pour l’exploitation.

L’équipe de maîtrise d’œuvre se constitue alors progressivement avec pour associé

à F. Céria Architectes, le cabinet Artec Consultants, pour le traitement de l’acoustique.

La rénovation est confiée au groupe Bouygues, avec ses filiales Sodearif et Elan. En 2004,

le ministère de la culture approuve l’accord trouvé entre la salle Pleyel et la cité de la

musique, pour un contrat de bail d’une durée de 50 ans. Les travaux ont coûté 32 millions

d’euros et se sont étalés sur deux ans.

Quel était votre état d’esprit lorsque vous avez entamé les travaux de rénovation ?

Dès l’origine, notre idée fut de pouvoir offrir aux futurs visiteurs de la Salle Pleyel,

une “mini croisière”, en recréant un univers à part ; une expérience sensorielle propice

à l’évasion, par l’intermédiaire de la musique bien sûr, mais également de l’architecture.

L’architecture existante était très détériorée et il était important pour nous de pouvoir

remettre en valeur un travail d’une intelligence exceptionnelle et de transmettre

ce patrimoine.

Quelle était votre marge de manœuvre ?

Afin de préserver la salle Pleyel des destructions éventuelles, l’Etat a inscrit le hall,

la façade et le toit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Notre

marge de manœuvre était donc assez limitée. Pour le vestibule et le hall, notre parti

a été celui du retour à la conception originale. Pour ce faire, nous avons longuement

étudié les dessins d’origine et des photographies. Nous avons reconstitué les mosaï-

ques du sol, et notamment la magnifique étoile qui donne le ton de ce hall majestueux.

Nous avons également rouvert la coupole avec son puits central de lumière dont béné-

ficient les bureaux situés du deuxième au huitième étage de l’immeuble. Au premier

étage, à l’emplacement d’anciens studios de danse, nous avons créé de toute pièce

q Bâtiment

qE&C N°155 - Janvier 2011 p.46

“Le traitement de la salle est résolument contemporain et nous souhaitions atteindre

une forme d’équilibre et d’harmonie des formes.”

Hall d’entrée.e Salle Playel après rénovation.e

t

un foyer disposant d’une vaste paroi

vitrée sur rue. L’espace est rythmé par

le déambulatoire autour de la verrière

et un immense bar occupe le fond de la

parcelle.

En revanche, la salle en elle-même

a été complètement redessinée,

comment avez-vous procédé ?

Les utilisateurs se plaignaient souvent

de l’acoustique de la salle Pleyel. Il fallait

donc améliorer les conditions d’écoute.

Pour ce faire, notre objectif a consisté à

reconquérir le plus grand volume possi-

ble à l’intérieur de la structure existante,

tout en préservant la structure porteuse

de la coque. D’autre part, la scène a été

recentrée, pour une meilleure diffusion

du son, et dotée de gradins à l’arrière

du plateau afin d’accueillir des cœurs

ou des spectateurs. Quatre balcons laté-

raux - des bergeries accueillant chacune

19 spectateurs - ont été ajoutés pour servir

d’abat-sons et recentrer l’acoustique, en

absorbant ou réfléchissant le son selon

les endroits. Bannières de fond de scène,

draperies et rideaux blancs sur les parois

latérales complètent le traitement des

surfaces.

En définitive, nous avons fait en sorte que tous les éléments rationnels et techniques

nécessaires au traitement acoustiques soient également des éléments architecturaux,

reprenant ainsi l’un des grands thèmes architecturaux de l’époque de la construction de

la salle Pleyel, à savoir que la technique disparaisse au profit de l’esthétique. L’ensemble

de la salle contient désormais 1 913 places, contre 2 300 à l’époque de la fermeture.

Concernant le traitement de la salle de concert, Il y avait également une grande

recherche de simplicité et de sobriété ?

Oui en effet, nous souhaitions que la salle, dans son expression architecturale,

soit la plus simple possible, d’une très grande sobriété, et que les matériaux

et les tonalités reprennent autant que possible l’atmosphère très dépouillée du

hall et de l’existant. La couleur blanche utilisée pour la salle participe activement

de cette recherche de sobriété. Le traitement de la salle est résolument contempo-

rain et nous souhaitions atteindre une forme d’équilibre et d’harmonie des formes.

Nous avons également utilisé quelques éléments en bois (planchers, scène). Pour

les parois et les sièges, nous avons utilisé du hêtre étuvé, un type de bois qu’on chauffe

pour en ôter l’humidité et qui ainsi devient un peu rosé. Nous avons en outre conservé

le parquet d’origine, un bois rouge africain que l’on ne trouve plus aujourd’hui.

Plus globalement, quels termes définiraient selon vous le mieux l’architecture ?

Les notions les plus importantes en architecture sont celles de la permanence,

de la durabilité. Ces dernières sont certes liées à l’entretien, à l’exploitation ou à l’éco-

nomie du projet, mais il faut absolument, dès l’origine, s’interroger sur le devenir

du bâtiment à long terme. C’est un point fondamental.

qE&C N°155 - Janvier 2011 p.47

“Les utilisateurs se plaignaient souvent de l’acoustique

de la salle Pleyel. Il fallait donc améliorer

les conditions d’écoute.”

Le hall d’entrée avec la rosace.

e

Le foyer, au premier étage, avec le puits de lumière.

e

En quoi consistait votre mission pour les théâtres nationaux ?

Nous avons été missionnés avec l’agence d’architecture par le biais d’un concours. Suite

à cela, nous avons répondu à une mission diagnostic/accessibilité regroupant tout type

de handicap, qu’il soit visuel, auditif, psychique…

Nous avons travaillé sur quatre théâtres nationaux : à Paris, la Comédie Française,

le théâtre de la Colline et le Conservatoire National Supérieur des Arts Dramatiques

et à Strasbourg, le théâtre national. Ces quatre édifices étaient regroupés dans une même

mission, à savoir faciliter l’accessibilité à toutes les personnes atteintes d’un handicap.

Le maître d’ouvrage était La Direction Générale de la Création Artistique. Notre cahier

des charges consistait à réaliser, en collaboration avec l’agence d’architecture, le relevé

de tous les obstacles qui pouvaient être rencontrés par des personnes souffrant

d’un handicap. Par la suite, il nous a fallu réaliser des préconisations selon différents

scénarios. Enfin, nous avons effectué un chiffrage des différentes préconisations. Il était

important de fournir au maître d’ouvrage un échéancier des préconisations par ordre

de priorité, ainsi qu’un calendrier prévisionnel des travaux afin d’établir la durée effec-

tive des travaux.

Y avait-il des spécificités peu habituelles sur cette mission ?

Oui, car les quatre sites sont des théâtres recevant du public, spectateurs et membres

du personnel. Lors de notre diagnostic accessibilité, nous sommes allés un peu plus

loin que ce que préconisait la réglementation, c’est-à-dire que nous avons centré

le diagnostic sur la partie “publique”, mais également sur la partie “personnel technique”

du théâtre. Nous avons par exemple envisagé la possibilité d’avoir, au sein même du

personnel, des personnes qui se déplacent en fauteuil roulant ou qui ont une déficience

visuelle. L’arrêté de 2006, en vigueur, concernait majoritairement la partie publique

de ces établissements.

Est-ce que ces considérations ont induit un surcoût ?

Oui, cela représente un surcoût. Le personnel qui travaille sur ce type d’établissement

est, en outre, très spécifique. Il ne s’agit pas en effet de bâtiments classiques et nous avons

eu de longues discussions avec les employés des théâtres car ces derniers ne sont pas

forcément au courant de la possibilité que des acteurs sur scène aient, par exemple,

une déficience visuelle ou que l’un des employés travaillant à la régie ait à se déplacer

en fauteuil roulant. Il n’est pas toujours évident d’intégrer ces considérations.

Quelles sont les principales difficultés rencontrées en termes de sécurité ?

Nous avions un partenaire dans notre équipe dont le travail était axé sur la sécurité. Il

avait également comme mission de nous aider à résoudre la problématique de la sécurité

L’accessibilité et le traitement raisonné du bâti pour les personnes souffrant d’un

handicap sont aujourd’hui une problématique centrale des projets de construction. David

Pottin, économiste de la construction au sein du cabinet Asselin, évoque dans cet article

les difficultés rencontrées dans différents projets de salles de spectacle.

q Bâtiment

qE&C N°155 - Janvier 2011 p.48

Salles de spectacleet accessibilité

9 David Pottin

Théâtre de la colline, Paris.e

t

incendie du personnel handicapé. Nous

avons d’ailleurs eu à ce sujet d’importantes

discussions avec les directeurs et direc-

trices des différents établissements.

En effet, aujourd’hui, s’il est possible

pour des personnes en fauteuil roulant

de pénétrer dans l’enceinte des théâtres,

nous ne sommes pas encore en mesure

de les faire sortir en cas d’incendie.

Nous avons donc travaillé pour identifier

jusqu’où nous pouvions aller dans le cadre

de la réglementation, afin de créer des

“espaces d’attente sécurisés” ; expres-

sion employée dans la réglementation.

Ces espaces ont pour objectif d’offrir

aux personnes atteintes de différentes

déficiences un espace dans lequel elles

peuvent attendre les secours.

La difficulté principale était de trouver des

locaux d’une surface minimale suffisante

pour accueillir ces personnes ; cette sur-

face minimale étant fonction de la capacité

d’accueil de fauteuils roulants d’une salle.

Il faut par ailleurs préciser qu’en termes

de sécurité, des moyens humains sont mis

en place. Les personnes atteintes d’un

handicap sont “répertoriées” par spectacle,

et des moyens humains sont mis en œuvre

afin de les conduire vers les espaces d’at-

tente ou de les aider à sortir du théâtre.

Comment s’est déroulée votre collaboration avec l’agence d’architecture ?

Nous avons fait, avec l’agence d’architecture, un “diagnostic en marchant”, c’est-à-

dire que nous nous sommes mis à la place d’une personne à mobilité réduite

afin de constater les obstacles rencontrés lorsqu’elle se déplace. L’architecte a fait

le relevé de tous les obstacles (présence d’objets gênant la circulation, protection

des sous faces d’escaliers, etc.)… Nous avons ainsi parcouru toutes les pièces pour

lister les difficultés qui pouvaient se poser.

Une fois les relevés intégrés au cahier des charges, nous avons pu faire des préco-

nisations et émettre un chiffrage. Le maître d’ouvrage ne voulait pas d’un chiffre

global. Il devait être spécifique, correspondant par exemple aux circulations verti-

cales, à la mise en conformité des escaliers ou encore à la mise en conformité des

circulations horizontales.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de préconisations pouvant faciliter

l’accessibilité des salles aux personnes souffrant d’un handicap ?

Lorsque l’on a affaire, par exemple, à des personnes souffrant d’une déficience

auditive, il est courant d’utiliser la boucle à induction magnétique au niveau des

salles de spectacle et d’accueil. Ce sont des moyens que l’on retrouve aujourd’hui

dans toutes les salles de spectacle et dans tous les théâtres. La boucle à induction

magnétique est l’une des principales préconisations pour ce type de déficience.

En ce qui concerne les déficiences psychique et moteur, je dirais que, pour les salles

de spectacle, il n’y a malheureusement que peu de solutions. L’important pour

les personnes concernées par ces handicaps est de pouvoir se fier à des différences

de couleurs, au niveau des circulations et au niveau des cheminements à l’intérieur

des salles de spectacle et des théâtres. Il est essentiel qu’elles puissent évoluer

dans un milieu sécurisant, avec des repères visuels évidents. Nos préconisations

consistaient, par exemple, à différencier les couleurs utilisées pour les murs et les

sols ou pour les encadrements de portes et les murs.

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Ascenceur adapté aux personnes à mobilité réduite. Théâtre de la colline, Paris.

e

Théâtre de la Comédie Française à Paris.e