#12: honneur aux dames !

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MAGAZINE Honneur AUX DAMES ! Adama Ndiaye Yetunde Odugbesan Vickie Remoe Rania Belkahia Reine Essobmadje Cathia Dirath Naadiya Moosaje #12

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Honneur aux dames. En couverture Adama Paris, En guest Rania Belkahia, Reine essobmadje, Vickie Remoe, Naadiya Moosajee, Yetunde Odugbesan et Cathia DIrath

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M A G A Z I N E

Honneur AUX DAMES !

Adama NdiayeYetunde OdugbesanVickie RemoeRania BelkahiaReine EssobmadjeCathia DirathNaadiya Moosaje

#12

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“Nous apprenons à nos filles qu’elles doivent se rabaisser. Nous leur disons : vous pouvez avoir de l’ambition, mais pas trop. Vous pouvez réussir, mais n’ayez pas trop de succès, car vous allez effrayer les hommes”.Ces mots, vous les avez surement entendus si vous êtes fans de l’auteur Chima-manda Ngozi Adichie. Si vous êtes simplement férus de R&B/Pop, vous avez aussi dû les entendre dans un des albums les plus écoutés du moment. Mais ca c’est une toute autre histoire. Malheureusement, ils sonnent justes. Tous les jours, je vois des femmes se laisser définir par leurs rapports aux hommes, et non pas par ce qu’elles valent. Et il est bien là le problème. Le féminisme en Afrique revêt de nombreux enjeux, mais je pense qu’il est important avant tout de revoir notre manière d’éduquer nos filles. Il est important de leur apprendre qu’avant leurs familles ou leurs maris, ce sont leurs compétences qui les définissent. C’est le combat le plus difficile à mener, car il nécessite un changement profond des mœurs.Aujourd’hui, la pression sociale nous exige à la fois d’avoir un parcours professionnel irréprochable, d’être de bonnes mères, de bonnes sœurs (avec ou sans jeu de mots, c’est selon), de bonnes épouses, de bonnes amantes. On nous demande le beurre, l’argent du beurre, la bergère et sa bonne humeur. Et nous nous arrangeons à donner tout cela, avec le sourire en bonus.Oui, car il est hors de question de se plaindre ! Si nous revendiquons une égalité des chances, la moindre des choses serait d’être proactives  ! Les femmes africaines préfèrent donc la subtilité au rapport de force, et les résultats sont encourageants. Le taux d’entrepreneuriat féminin en Afrique croit plus vite que dans les autres continents : les femmes dirigent 48% des PME en Afrique (p.30 ) ; en 2013, l’assemblée nationale Sud Africaine comptait 45% de femmes ; celle du Mozambique 39%. La même année au Rwanda, les femmes représentaient 63,75% de membres du parlement. Un cas unique au monde !Il est vrai que Féminisme et Emancipation sont des mots qu’on ne prononce que très peu dans les rues de N’Djamena, d’Addis-Abeba ou de Kampala. Mais ne vous leurrez pas (plus) ! La femme africaine est profondément féministe !

Bonne Lecture !

Joan Yombo.

Sources images :http://www.madeindesign.de/. www.google.com

EDITO

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INSPIR’NEWS // 6

INSPIR’START UP // 23LES NTIC, ENJEUX MAJEUR DU CONTINENT : RENCONTRE AVEC REINE ESSOBMADJE

INSPIR’INTERVIEW // 13 ADAMA AMANDA NDIAYE : LA WONDERWOMAN VERSION SÉNÉGAL

INSPIR’ECO // 31LA FEMME AFRICAINE, MOTEUR DU DEVELOPPEMENT DU CONTINENT

INSPIR’ASSOCIATION // 18CONSTRUIRE DES PASSERELLES POUR LES FEMMES INGÉNIEURES

4 QUESTIONS À... // 34AFRIMARKET RÉVOLUTIONNE LE TRANSFERT D’ARGENT

OSER INSPIRER // 22QUELQUES MOTS D’ELLES

FOCULTURE // 36FEMMES AFRICAINES, FEMMES FORTES, FEMMES REBELLES !

PENSÉES // 32ET SI ON LEUR DEMANDAIT LEUR AVIS ?

COUP DE COEUR // 8BRAZZA VA BIEN, ET NOUS AUSSI !

INSPIR’CARRIÈRE // 27INTRÉPIDE VICKY !

SOMMAIRE

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L’ÉQUIPE INSPIRE AFRIKA

ILS ONT CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO

RELATIONS PUBLIQUES /PARTENARIATSIVAN NYETAM, HYACINTHE ISSOMBO,

LAETITIA YOTA, ANITA BAKAL

DIRECTRICE MARKETINGAMMA O. ABURAM

DIRECTRICE DE PUBLICATIONJOAN MURIELLE YOMBO

REDACTIONJOAN MURIELLE YOMBO, AMMA O. ABURAM, ANITA ASHIRU, CHRYS EVE NYETAM

DIRECTRICE GÉNÉRALECHRYS EVE NYETAM

VICTOR OMAR DIOPPHOTOGRAPHE

/ SÉNÉGAL /

ALISSA JAMESGRAPHISME ET ILLUSTRATION

/ FRANCE /

MARYLÈNE OWONAOSER L’AFRIQUE/ CAMEROUN /

WILLIAM NSAIPHOTOGRAPHE/ CAMEROUN /

PUBLICITÉ : [email protected] / +1 (240) 408-2748. PARTENARIATS : [email protected].

PRESSE / RECRUTEMENT : [email protected]

Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Reproduction interdite pour tous les articles sauf accord écrit de la Rédaction.

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MARYLÈNE OWONAOSER L’AFRIQUE/ CAMEROUN /

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Le PDG de l’année est une femme

Elle s’appelle Daphne Mashile-Nkosi et dirige Ka-lagadi Manganese1, une grosse entreprise minière basée en Afrique du Sud. Ancienne militante, cette femme d’affaires est la première à diriger une com-pagnie minière dans son pays, et est aussi PDG de Temoso Telecommunication, Kalahari Resources & Metmar Trading.

Victor Omar Diop en expo à Paris

Nous lui devons le magnifique cliché d’Adama Ndiaye en couverture de ce numéro. Victor Omar Diop est un photographe de talent basé à Dakar, qui malgré sa carrière relativement récente a réussi à faire parler de lui dans le monde entier. De Lisbonne au Panama, Victor Omar présente un travail varié et plutôt atypique. Notre coup de cœur ? Le Studio des vanités, où l’artiste revisite la tradition africaine du portrait posé avec des figures influentes de la scène culturelle africaine.Retrouvez le jusqu’au 6 Septembre 2014 à la Maison de l’Afrique à Paris et sur http://www.omarviktor.com

Arthur Zang, finaliste au Rolex Award For Entreprises

Depuis 1976, le Rolex Awards For Entreprise ré-compense les entrepreneurs qui contribuent à faire avancer la Science et à améliorer le bien être sur la planète. Parmi les 22 finalistes sélectionnés dans 129 pays, notre cher Arthur Zang, inventeur du Car-dioPad (Inspir’Afrika Magazine 7 : les nouvelles tech-nologies en Afrique). Accompagné du Rwanda Oli-vier Nsengimana1, il représentera le continent le 24 Juin prochain. Plus d’informations sur http://www.rolexawards.com

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NEWS

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NOFI, le nouveau portail pour la commu-nauté noire

Lancée en 2004 par Christian Dzellat-Nkoussou, Noir & Fier (NOFI) est une plateforme de partage et d’échanges qui a pour but de « promouvoir l’excel-lence noire ». Le contenu est très varié : des actua-lités, des produits de consommation destinés à la communauté afro, des bons plans et un agenda, entre autres choses. L’ambition de NOFI sur le long terme est d’être le lieu de référence des acteurs et influenceurs de la communauté noire.

African city, la web-série qui cartonne online

Certains y voient une héritière de la série à succès Sex & The City. Mais African City c’est aussi l’histoire de 5 jeunes ghanéennes talentueuses et hautement diplômées qui ont décidé de retourner vivre sur le continent après des années de vie en Occident. Elles doivent donc reconnecter avec les réalités de l’Afrique, et redécouvrir leur pays d’origine. Décou-vrez African City, réalisée par Nicole Amarteifio sur https://www.youtube.com/user/AnAfricanCity/vi-deos

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Devenez actionnaires de Kiro’o Games

Vous avez adoré notre premier Inspir’Talk où nous accueillions Elyon’s1 auteure camerounaise de BD et Olivier Madiba fondateur de Kiro’o Games2. Au-jourd’hui l’un des premiers studios de conception de jeux vidéo en Afrique, Kiro’o Games met ses parts en vente à hauteur de 610 euros la part. Avec des marges bénéficiaires de l’ordre de 400% et un re-tour 2014, Kiro’o Games mettra son premier jeu, Aurion sur le marché au courant de cette année. Au-rion fait partie des jeux vidéo les plus attendus par les gamers. Pour investir dans ce projet prometteur, n’hésitez pas à contacter le studio Kiro’o Games à l’adresse [email protected] notre premier inspir’talk sur https://www.youtube.com/watch?v=2l5gz9Bq7EE

1/ http://www.rolexawards.com/finalists#19 2/ http://www.kalahariresources.co.za 3/ https://www.facebook.com/Ebe-neDuta 4/ http://kiroogames.com

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Où se loger au Malawi ?

COUP DE COEUR

C’est un véritable coup de foudre artistique et culturel que nous avons eu à la rédaction pour cette jeune entrepreneure, ancienne chef de projet web en agence. Joviale et pleine d’énergie, la rédactrice de Brazza-Va-Bien magazine nous montre qu’il est assez simple de se lancer dans un projet qui nous tient à cœur. « Il faut savoir assumer son audace » ! Dit-elle.

ET NOUS AUSSI !

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Bonjour Cathia et bienvenue! Peux tu te présenter à nos lecteurs qui te découvrent ?

Je suis Cathia Dirath, je suis d’origine congolaise. Je vis en France depuis l’âge de 3 ans et j’ai 33 ans aujourd’hui. J’ai un parcours à la fois atypique et complètement cohérent. J’ai commencé par la publicité à l’Institut Supérieur de Communica-tion (ISCOM) à Paris, ensuite j’ai intégré un BTS communication des entreprises qui me semblait être une formation plus globale que celle que je suivais déjà. Mes expériences professionnelles arrivent très vite: assistante de communication dans un petite agence, j’ai été confrontée au monde profession-nel que je n’ai plus jamais voulu quitter. Je ne suis pas fan de la théorie. Je suis quelqu’un de plutôt pragmatique.Pendant deux ans, j’ai été assistante chef projet web dans le domaine de l’e-santé. On avait des clients comme SONY, ou encore SAMSUNG, qui conçoivent aussi du matériel médical. J’ai tout de suite été plongée dans un environnement dyna-mique et hyperactif, tout ce que j’aime ! Après un bref retour à la théorie pour avoir une formation multimédia plus axée web, je me retrouve chef de projet multimédia à Radio Notre Dame. C’était les débuts de l’essor du web, personne n’y connais-sait grand-chose, et il a fallu que je me débrouille un peu toute seule pour gérer les problématiques de la maison. Si il faut résumer ce parcours très brièvement, je dirais que j’ai toujours été challengée. Il y’a quelques années, Internet était une équation presque insoluble pour les entreprises, ce qui me rendait indispensable en quelque sorte ! (Rires).

«  L’art et le talent n’ont ni limites ni frontières. Je ne fais pas l’apologie des noirs, mais je leur offre une nouvelle plateforme d’expression, parce que oui, nous avons des choses à dire ! »

Comment passe t-on de chef de projet web à rédactrice en chef d’un magazine ?

Avec tout ce bagage, j’ai commencé à m’en-nuyer. Je n’aime pas la routine, et dans certaines entreprises malheureusement, on a tendance à avoir les mêmes missions d’une année à l’autre. Après quelques moments difficiles dans ma vie personnelle, j’ai aussi éprouvé le besoin de me redéfinir.J’avais l’idée de créer un magazine depuis très longtemps, sauf que je ne savais pas vers quel type de magazine me tourner. Comme beaucoup de filles, j’avais ce fantasme du magazine de mode. Mais je me suis vite rendue compte que c’était un espace saturé et que de toutes ma-nières je n’y apporterais rien de bien nouveau.J’aimais la mode, c’est vrai, mais pas à ce point là.

«  Je pars du principe que quand on remarque un manque quelque part, on lieu de s’en plaindre, il vaut mieux apporter une solution constructive. »

Alors tu as crée « Brazza va bien1». Quel est le concept derrière et que cherches tu à y faire passer comme message ?

Après avoir abandonnée l’idée de créer un maga-zine mode, je me suis dit que je voulais produire quelque chose qui pourrait être transmis à mes enfants et aux générations futures. Oui, c’est am-bitieux, je vous l’accorde. Mais mon objectif est que Brazza Va Bien soit un support vers lequel un jeune en quête d’identité puisse se tourner. Je voulais montrer des exemples de personnes qui sortent du lot, qui inspirent. Mais aussi des gens simples, que je rencontre tous les jours, et qui prennent le risque de CRÉER. Des personnes libres et passionnées. Cette façon de voir les choses reste le cœur du magazine.Jours et nuits pendant 15 jours, j’ai travaillé sur mon éditorial et sur la ligne que je voulais donner au magazine. Je n’ai quasiment pas dormi pen-dant 3 semaines. Je pense que l’une des clés pour réussir est vraiment d’être passionné par ce que l’on fait. C’est un véritable carburant. J’avoue que le magazine était aussi une thérapie. Il a fallu confronter mes idées au regard des autres. C’est

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une grosse démarche personnelle. Il faut savoir assumer les critiques, savoir essuyer les refus. Il faut assumer son audace !

Il y’a une ouverture d’esprit dans ce magazine qui est intéressante. Tu ne fais pas forcément l’apologie des africains, tu présentes des cultures et influences diverses...

Je suis issue du milieu de la communication. Toi aussi d’ailleurs. Tu es donc bien placée pour savoir que nous avons la chance actuellement d’avoir un observatoire de la présence noire qui se construit et qui devient de plus en plus visible aujourd’hui sur le web. Ce n’était pas le cas avant, en tout cas quand je rentrais dans la vie professionnelle. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles Brazza Va Bien existe aujourd’hui.Avant, on retrouvait toujours les mêmes sites mainstream, où malheureusement la culture noire n’était pas valorisée. Mon but était donc d’offrir une alternative, un site qui soit mainstream et qui possède du contenu culturel, mais qui soit focalisé sur les personnes et leur travail, pas sur leurs ori-gines. L’art et le talent n’ont ni limites ni frontières. Alors non, je ne fais pas l’apologie des noirs ou des africains, mais je leur offre une nouvelle pla-teforme d’expression, parce que oui, nous avons des choses à dire !Le ton du magazine est résolument léger, et fun. La cible reste quand même des 25 – 35 ans. Le plus important pour moi c’est que les visiteurs du

site se retrouvent dans les profils que je présente.

Qu’est ce qui influence cette ligne éditoriale ? De nombreux voyages ? Le contact avec des nationalités diverses ?

Mon enfance. J’ai grandi dans une ambiance si-milaire à celle que je veux recréer dans Brazza-Va-Bien. Mes parents habitent dans un quartier de « blancs ». La voisine est anglaise mariée avec un corse, celle d’en face est allemande avec un fran-çais. Et plus loin, nous avons une roumaine mariée avec un français des Vosges. De fait, une certaine atmosphère s’est créée dans le voisinage, nous amenant à nous rapprocher. Nous avons tous d’excellentes relations. Tout le monde se mélange, tout le monde va chez tout le monde. J’ai toujours vécu dans le brassage, et je ne retrouvais pas ce brassage dans les supports. Plus jeune je n’y prê-tais aucune attention, mais en grandissant, je me suis rendue compte que si il n’y avait rien dans les supports, alors je devais créer quelque chose, donner mon point de vue, insuffler une nouvelle dynamique. Je pars du principe que quand on remarque un manque quelque part, on lieu de s’en plaindre, il vaut mieux apporter une solution constructive.

Combien de rédacteurs actuellement sur Brazza-Va-Bien ?

Pour le moment je suis la seule à travailler sur le

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projet. Mais je compte en faire un collectif. Le secret d’un site web qui fonctionne c’est son contenu. Or pour avoir un contenu constant, il faut être nombreux à en créer. Cette diversité et cette émulation d’idées ne peuvent que servir au magazine. Donc je suis ouverte à toute proposition ! (Rires)

« Chez nous, ce sont les femmes qui s’imposent, non pas la force, mais par l’influence et la capacité de persuasion qu’elles peuvent avoir»

Si je te dis féminisme en Afrique. Qu’est ce que tu me réponds ? Penses tu qu’il s’agisse d’un concept que nous acceptons et que comprenons en Afrique ?

Je pense que oui. Je vais te prendre mon exemple : je suis issue d’une famille complètement matriar-cale. Chose qu’on retrouve très souvent en Afrique d’ailleurs, contrairement à ce qu’on pourrait penser. Chez nous, ce sont les femmes qui s’imposent. Pas par la force, mais par l’influence et la capacité de persuasion qu’elles peuvent avoir. Ces femmes fortes qu’on qualifie souvent de « grandes gueules », qui se font entendre et respecter, représentent pour moi une sorte de féminisme.Il est clair que la culture moderne a placé l’homme en tant que pilier de la famille et de la société. Seu-lement, cette situation peut impliquer parfois de manière inconsciente une idée de soumission chez la femme, qui est erronée. Oui, chez nous les femmes se taisent. Mais ce n’est pas pour autant qu’elles ne sont ni fines ni rusées. Selon moi, la notion de féminisme en Afrique peut être court-circuitée parce les femmes ont peur de représailles (masculines) violentes. Elles en arrivent donc à trouver des solu-tions alternatives et à se faire entendre par la ruse. Si je transpose la problématique à ma personne, je dirais que je suis exactement dans la même logique : sans être dans la revendication ou le conflit, je mets un point d’honneur à m’imposer et à valoriser mes points de vue en tant que femme.

Que peut-on souhaiter à Brazza-Va-Bien en 2014 ?

De ne plus avoir peur de voir grand. De prendre des risques. Il ne faut pas avoir peur des échecs.

Interview réalisée par Joan Y.

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INSPIR’INTERVIEW

ADAMA AMANDA NDIAYE : LA WONDERWOMAN VERSION SÉNÉGAL

Los Angeles, Paris, Dakar, Le Monde ! Adama Ndiaye est ici et là-bas à la fois. Designer, organi-satrice d’évènements, et chroniqueuse TV (elle fait partie de la team Plus D’Afrique sur Canal+ Afrique), cette businesswoman hyperactive ne s’arrête jamais. Pourtant, elle a bien fait voulu faire une escale d’une heure chez Inspire Afrika pour nous raconter son parcours, ses ambi-tions, et sa vision du féminisme en Afrique.

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Bonsoir Adama! Peux tu te présenter aux lecteurs qui ne te connaissent pas encore ?

Je suis Adama Amanda Ndiaye, citoyenne du monde. Je suis d’origine sénégalaise, mais je suis née à Kinshasa. Mes parents étaient diplomates, donc j’ai vécu un peu partout dans le monde. Après mon bac je me suis installée à Paris, où j’ai fait des études de sciences économiques. Je travaillais dans une banque, et j’ai décidé de laisser tomber pour me concentrer sur la mode, qui a toujours été ma passion.

Pourquoi ce revirement de situation ?

Je ne dirais pas vraiment que c’est pas un revirement de situation. Mees parents étaient très pointilleux sur les études. Ils ne voulaient pas forcément me voir entamer une carrière dans la mode. J’ai eu le bac très tôt, et j’ai terminé mes études très vite. De fait, les gens pensaient que j’étais particulièrement douée, or mon objectif était de terminer mes études au plus vite pour me consacrer à ce que j’avais toujours eu envie de faire.Ma carrière en banque m’a permis d’obtenir un prêt pour me lancer dans mon premier projet.Il a fallu tout faire sur fonds propres, ce qui n’est pas forcément évident.

Que retrouve t-on exactement dans le concept Adama Paris ?

Au départ, Adama Paris est une marque de vêtements, dont je suis la créatrice. Par la suite, je suis venue à Dakar et je me suis rendue compte qu’il n’y existait pas de Fashion week. J’ai sauté sur l’occasion, et j’ai décidé d’en organiser une. La première année, 2002, a été un véritable succès. Je n’étais pas encore connue, mais nous avons eu près de 800 visiteurs qui ont répondu présents à l’appel. Quelques années après, j’ai créé Adama paris Fashion Events, qui organise la Black Fashion Week, La Dakar Fashion Week, le Trophée de la mode, et de nombreux évènements mode, dont on me confie l’organisation.

Pourquoi as tu crée la Black Fashion Week ? Quelle était la motivation derrière ?

permettre aux designers africains d’être vus par la presse européenne, d’avoir une nouvelle clientèle. De toute manière pour élargir mon circuit de distribution, il me fallait forcément passer par l’Europe.J’ai donc décidé de ne pas créer une fashion week stable, c’est à dire dans un seul pays. La Black Fashion Week est la première fashion week itinérante. Le but c’est d’apporter le savoir - faire africain dans chaque ville que nous traversons.Il est question d’éduquer le regard de l’occident, et partager ce que nous faisons de mieux  ! J’ai crée la BFW parce qu’après une dizaine d’années d’expérience dans le milieu, j’avais le sentiment qu’on stagnait un peu. En tant qu’africains, nous avions tendance à ne partager et à n’échanger qu’entre nous. Moi ce qui m’intéressait c’était de montrer la mode africaine au-delà de ses frontières. Je pense que cela vient aussi un peu de mon vécu  : j’ai beaucoup voyagé, j’ai vécu dans des pays différents. J’avais envie deLa première édition a eu lieu à Prague. Vous savez, j’aime les challenges. Et je me suis dit que si j’arrivais à réussir à Prague où j’étais totalement anonyme et où il y’a très peu de noirs, alors j’arriverais à réussir partout.

J’ai lu qu’une de vos motivations est aussi de venir en aide aux enfants de la rue au Sénégal par le biais de la mode. Dites m’en plus.

Je fais partie de l’association l’Empire des enfants. C’est une espèce de refuge où on accueille des enfants, on les remet à l’école, et où on essaie de retrouver leurs parents. Il faut savoir que la majorité des enfants de la rue au Sénégal ne sont pas sénégalais, mais originaires de la sous région. Il est important de valoriser la mode mais aussi de poser des actes qui ont du sens.Toutes les personnes qui me connaissent savent que je suis passionnée par 3 choses : ma famille, l’Afrique et la mode. Et pour moi le désespoir de l’Afrique aujourd’hui ce sont tous ces enfants qui errent dans les rues. La pauvreté sous d’autres formes ne me choque pas autant que de voir des enfants démunis. Ayant eu une enfance dorée

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savent que je suis passionnée par 3 choses  : ma famille, l’Afrique et la mode. Et pour moi le désespoir de l’Afrique aujourd’hui ce sont tous ces enfants qui errent dans les rues. La pauvreté sous d’autres formes ne me choque pas autant que de voir des enfants démunis. Ayant eu une enfance dorée avec des parents aimants, voir des enfants dans la rue c’est quelque chose qui me touche énormément. Il fallait que je réagisse. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les entrées à la BFW sont payantes : tous les bénéfices sont reversés à l’association.

«  A travers ce que je fais, j’aime montrer une Afrique jeune, combattante, fière et compétente ! »

Vous avez un succès énorme. Quelle ce qui fait votre particularité en tant que business woman selon vous  ? Qu’est ce qui fait la différence ?

Finalement, je remercie mes parents qui m’ont poussée à faire des études. Je ne parle pas des études de mode, parce que je n’en ai fait que très peu. Par contre, j’ai une solide formation en économie et je pense que ça aide beaucoup. Mais ce n’est pas parce qu’on fait des études qu’on y réussi forcément. Je pense qu’au delà de ça, je suis quelqu’un de visionnaire. J’aime entreprendre, j’aime le challenge, et dans ma tête, je n’ai pas de limites. Tout ce qui peut se faire en Europe ou au Etats-Unis, j’estime que nous pouvons le faire en Afrique. C’est peut être aussi ça la clé.Chez Adama Paris, nous avons cette capacité d’adapter notre manière de vivre, nos besoins et notre capacité financière à ce qu’on fait. On ne s’adapte pas aux autres, mais à nous mêmes, en essayant d’offrir le maximum avec le peu qu’on a. Et c’est ce que je conseille toujours à ces jeunes designers. Croire en soi et donner le meilleur de soi est la meilleu e solution pour réussir.Nous ne sommes qu’au début de l’aventure.

Je suis convaincue que l’ère de l’Afrique arrive, et je suis extrêmement fière de contribuer à ce bouleversement des choses. Je suis fière de toute cette émulation autour de notre continent. J’aime la mode. Mais ce qui me motive réellement quand je crée un vêtement par exemple, c’est toute la symbolique qu’il y’a derrière  : quels mécanismes je mets en place pour promouvoir ma culture ? L’habit en lui même n’est pas le plus important. Il doit raconter mon histoire, il doit raconter qui je suis.A travers ce que je fais, j’aime montrer une Afrique jeune, combattante, fière et compétente !

On a tendance à attribuer le domaine de la mode à la gente féminine. Pensez-vous que vous auriez obtenu le même succès en Afrique si vous étiez lancé dans un autre secteur  ? L’informatique par exemple ?

Bien sûr ! Je pense que le succès est lié à l’ardeur du travail et à l’implication qu’on met dans ce qu’on fait. Peut être aussi un peu à la chance. Mais je ne crois pas beaucoup en la chance. Ce n’est que la cerise sur le gâteau.Je pense que n’importe quelle femme peut réussir dans n’importe quel domaine en Afrique. D’ailleurs en parlant d’informatique et en y regardant mieux, il est plus facile de réussir dans ce secteur que de réussir dans le milieu de la mode, qui offre peu de formations en Afrique. Il y’a plus d’écoles d’informatique que d’écoles de mode sur le continent. Il faut que les jeunes comprennent que la seule clé réside dans leur implication et dans leur passion. Ils ont le droit de suivre leurs rêves. Quand j’ai commencé, personne ne me prenait au sérieux. Personne n’y croyait. Pendant 2 ans, j’ai dû cacher à mes parents mes activités. Pendant les 3 premières années, j’ai financé la Dakar Fashion Week par mes propres moyens. Quand on travaille dur, ça paye. Ce ne sont pas des paroles en l’air. Tous ceux qui ont vraiment réussi vous diront exactement pareil. Aujourd’hui je suis fière de dire que je dois mon succès au travail. Pas à la chance ni au hasard. Je le dois à mon équipe, qui m’accompagne au quotidien, à mes parents, qui ont su m’apporter leur soutien au bon moment. Mais au delà de tout ça, je dois

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mon succès à moi même. J’ai cru en moi, je me suis donnée à 100% et j’ai bossé jours et nuits.

Vous êtes souvent en Afrique. Percevez vous une émulation autour de l’entrepreneuriat féminin ?

permettre aux designers africains d’être vus A vrai dire, je ne prête pas beaucoup attention à ce qui se passe autour de moi quand je suis concentrée sur un projet. Je ne relève la tête que lorsque mon objectif est atteint. Mais bien sur, je vois des entrepreneurs femmes qui réussissent. Oui, les femmes réussissent. Ici au Sénégal, l’ancien président avait commencé à instaurer une parité dans le gouvernement, ce qui a permis à certaines d’accéder à des postes à haute responsabilité. Ça continue aujourd’hui avec Macky Sall (actuel président du Sénégal, Ndlr)  : nous avons un premier ministre qui est une femme (Aminata Touré, Ndlr). Donc oui, ce sont des signes très positifs pour les femmes.

Si je vous dis « Féminisme en Afrique » que me répondez vous ?

Je pense que le mot féminisme dans son acception européenne est un peu exacerbé. En tout cas, en Afrique, il n’a pas le même sens, ni

la même portée. Nous, les femmes africaines n’avons jamais vraiment été féministes comme les européennes peuvent l’être. Nous avons une façon de faire complètement différente. De part notre culture et notre éducation, nous sommes des «  femmes de l’ombre ». Nous obtenons ce que nous voulons par la ruse, et jamais par la confrontation. Et pour être honnête, c’est une chose qui ne me déplait pas. J’ai beau avoir un franc parlé, j’évite les conflits. Je pense qu’on ne tire rien de bon des conflits. Avec le recul et la maturité j’ai appris à apprécier cette particularité de la femme Africaine, et surtout cette éducation que j’ai si souvent voulu … Etouffer. La femme africaine a cette intelligence de comprendre l’Homme. Avec un grand H, j’entends. Quand on parvient à comprendre les gens, on sait comment les prendre. Quand on réussi à cerner les autres, on est capable d’aller vers eux plus facilement, et d’appréhender n’importe quel problème avec eux. Et pour moi, c’est une forme de féminisme comme une autre.

Justement ne pensez vous pas qu’il y’a une certaine contradiction entre la femme entrepreneur (reconnue pour être fière et forte) et cette femme africaine qui reste dans l’ombre et qui se met en retrait ?

Je vais vous dire une chose. Ce que j’aime dans l’Afrique, ce sont les paradoxes. J’en suis la preuve concrète  : je suis née au Congo, j’ai grandi un peu partout, je parle anglais et français, et je suis extrêmement moderne. Mais en même temps je suis une fervente musulmane et je prie tous les jours, ce qui peut être perçu comme étant contradictoire ou paradoxal.Dans leur accomplissement de femmes, les entrepreneures se rapprochent plus des hommes. Ce leadership qu’elles ont pu aiguiser au fil des années, les rend plus à l’écoute des hommes, car elles savent ce que signifie diriger. Pourtant, elles restent des femmes, des épouses et des

« En Afrique, le mot féminisme n’a ni le même sens, ni la même portée »

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mamans.Ce sont nos paradoxes qui nous définissent, nous femmes africaines. C’est ce bagage là qui fait que nous avons quelque chose de plus intéressant proposer. Les autres femmes du monde m’excuseront (Rires). La richesse de la femme africaine c’est justement ce background qui ne la prédispose pas de premier abord à être comme vous dites, une féministe. C’est cette capacité qu’elle a finalement, à bousculer les règles établies. En toute discrétion, bien sûr.

Quels types de femmes vous inspirent le plus ?

Je ne suis pas inspirée par les personnes, mais par les actes. Je suis inspirée par la bonté des gens. Leur honnêteté, leur droiture. Lorsqu’on possède ces qualités, pour moi, on peut tout faire, et on peut inspirer. Mais si vous tenez absolument à avoir un nom, je vous dirais Mère Theresa. Je voue une admiration sans borne à ces personnes qui sont au dessus de la mêlée, et dédient leurs actes au service des autres.

L’Afrique est à la mode, c’est le cas de le dire. Quels sont vos coups de cœur designers en 2014 ?

Oh… Il y’en a tellement. Ce n’est pas très juste de me poser cette question ! (Rires)Bon je vais quand même parler de ma compatriote Sophie Zinga Sy. C’est une jeune designer que j’ai découvert, et qui a fait la première black fashion week. Elle fait de très belles choses. Il faudra la suivre de très près cette année.

Que peut-on attendre de vous en 2014 ? J’ai entendu parler d’une chaîne tv à venir ? Vrai/ Faux ?

out à fait vrai ! En 2014, Adama Paris se lance dans le monde de la télévision! On va commencer par une web TV, qui servira de test avant de passer au satellite. Nous avons déjà commencé le tournage des émissions. On sera vus au Sénégal sur le bouquet excaf, et on aura un certain nombre de temps d’antenne sur ce bouquet. Ça nous permettra de nous faire connaître au Sénégal avant d’être sur le reste de l’Afrique et en Europe. Ce sera la première chaine 100% mode made in Africa.

Interview réalisée par Joan Y.

« Je ne suis pas inspirée par les personnes, mais par les actes »

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INSPIR’ASSOCIATION

CONSTRUIRE DES PASSERELLES POUR LES FEMMES INGÉNIEURES

Ne laissez pas la douce voix et les jolis traits de Naadiya Moosajee vous tromper. On ne dirait pas comme cela, mais cette jeune femme est une ingénieure en génie civil qui est en train de changer le visage de cette filière en Afrique du Sud à travers son organisation: Sawomeng. L’organisation a pour objectif « d’allumer la flamme de l’ingénierie » chez les jeunes lycéennes, étudiantes et professionnelles en leur démontrant les opportunités et les pratiques du métier. Pour Naadiya, l’ingénierie a été «un heureux accident ».

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SAwomeng: Les débuts

Créée en 2006, SAwomeng est née d’une discussion dans une salle de classe de l’Université de Cape Town entre Naadiya et une de ses camarades. Elles discutaient de leurs frustrations communes, d’être dans une classe de 55 étudiants avec seulement 5 filles ! « Nous avons discuté sur le fait de révolution-ner l’image de l’ingénierie » dit-elle. Pour sa camarade, il n’était pas seulement question d’avoir plus de femmes ingénieures, mais aussi de modifier l’ensemble du paysage de l’ingénierie sud-africaine. Elles souhaitaient donc que les entreprises embauchent des femmes pour leurs compétences, car elles peuvent contribuer autant que les hommes au développement de l’ingénierie du génie civil. Sawomeng attire les jeunes femmes vers l’ingénierie en leur montrant les avantages de la filière. L’ingé-nierie leur enseigne un processus de réflexion précis, en leur donnant les moyens d’être performantes quelques soient leurs choix de carrière futurs.

SAwomeng: Pipeline, Girleng et Networking

L’organisation tourne autour de ces trois types de programmes : « Pipeline », « Girleng » et « Networ-king ».Le « pipeline » à SAwomeng consiste simplement à trouver une manière de sensibiliser le maximum de jeunes filles à l’ingénierie et à définir les types de soutiens et de programmes dont elles auront besoin pour réussir. « Girleng », est le programme dédié aux élèves des collèges et lycées. L’objectif est de promouvoir l’in-génierie à travers le mentorat. L’association forme les jeunes étudiantes à être des « grandes sœurs » ou des mentors pour les élèves des collèges et lycées. La logique derrière cela est de faciliter l’accès à l’information sur les études en ingénierie aux filles issues des milieux ruraux ou défavorisés. Parce qu’elles ont des difficultés à intégrer les universités, Sawomeng les confie à des « grandes sœurs » afin que celles-ci les aident tout au long de leur scolarité dans le secondaire. Lorsque ces jeunes filles seront à l’université, à leur tour, elles seront également formées pour devenir des «grandes sœurs». Une fois en 2ème ou en 3ème année, ces «grandes sœurs» sont éligibles pour participer aux confé-rences de SAwomeng. Dans ces conférences, les meilleures étudiantes discutent et réfléchissent sur les innovations majeures en termes d’ingénierie. « Nous avons remarqué que les ingénieurs ne parlaient pas suffisamment des questions importantes. L’année dernière, j’ai assisté à dix séances de travail sur la Chine en Afrique ; c’est un sujet important dont on ne débat pas en Afrique. Nous sommes les pre-miers à avoir organisé une conférence sur ce sujet», dit Naadiya. Le Networking quant à lui implique un événement parrainé par des entreprises qui recherchent des jeunes diplômés, permettant ainsi aux étudiants de savoir quelles sont les attentes du milieu profes-sionnel. Ces évènements permettent aux étudiants de discuter avec des ingénieurs qualifiés.

« La question qui revient le plus souvent est « puis-je vraiment être un ingénieur si je suis une fille ? »

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SAwomeng: Changer les mentalités

Dans l’imaginaire commun, le mot ingénierie est toujours assimilé aux hommes. Naadiya reconnaît cela comme un problème global « un jour j’étais avec ma nièce et nous lui cherchions des jouets. Quand j’ai regardé du coté des garçons, il y’avait des Lego et des jeux de construction  et du coté des filles, des poupées et des jouets roses. Nous devons changer cela car tout commence dès le bas-âge» conclut-elle. Le changement de mentalités est surement nécessaire au niveau global mais les choses changent lentement en Afrique du Sud. Quand Naadiya venait de commencer il n’y avait presque pas de filles dans sa classe. Aujourd’hui les filles représentent 50% des étudiants en ingénierie. Quand les filles voient des femmes ingénieurs, elles s’identifient à elles et peuvent ainsi visualiser leur propre carrière.« En Afrique, nous sommes dans une situation différente. Il faut que nous allions à l’essentiel en mon-trant que l’ingénierie fait partie de la vie de tous les jours» signale-t-elle. Dans les lycées, les associa-tions apprennent des choses basiques telles que construire des voitures miniatures ou encore des bâtiments grâce à des pailles. L’une des choses les plus simples à faire, est de faire intervenir des femmes ingénieurs dans les salles de classes en milieu rural pour toucher le maximum de personnes. D’après Mlle Moosajee, la question qui revient le plus souvent est « puis-je vraiment être un ingénieur si je suis une fille ?» Comme le dit Naadiya : « le sexe ne devrait pas être un problème ! »

La représentation des femmes ingénieurs

Quand cette aventure a commencé, Naadiya et sa par-tenaire ont souvent été découragées, et ont rencontré des personnes qui remettaient en question leurs am-bitions et leurs rêves. Pourtant, leur obsession, ainsi que le soutien de leurs familles les ont amenées très loin : «  Nous n’avions presque pas le droit de faire une association, sous prétexte que nous n’étions qu’étu-diantes», nous confie-t-elle.Naadiya a eu plusieurs offres d’emplois ; seulement ce n’était pas à cause de ses compétences, mais surtout parce qu’elle était une femme noire. En Afrique du Sud, les entreprises ont des avantages à embaucher des jeunes femmes noires : « Je vivais un conflit interne et je me deman-dais si je devais accepter un travail alors que l’on m’embauchait plus parce que j’étais noire, que pour mes compétences. »Elle a également travaillé sur le terrain en dirigeant des hommes qui avaient au moins 20 ans d’expérience dans l’industrie. Elle a travaillé pour gagner leur confiance, en leur montrant qu’elle n’était pas là pour mettre en danger leur gagne-pain. « Pour les femmes qui se battent dans cette industrie, je leur conseillerais d’avoir un mentor. J’ai eu la chance d’avoir des mentors qui m’ont aidée et guidée afin que je puisse cadrer ma carrière et mon am-bition. », Nous dit-elle.

« Le changement de mentalités est surement nécessaire au niveau global mais les choses changent lentement en

Afrique du Sud. »

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« En créant ces opportunités, nous « créerons » des ingénieurs, et l’Afrique pourra utiliser ses propres talents. »

Étendre l’esprit SAWOMENG

Naadiya est fière d’étendre la vision de SAwomeng à d’autres pays. «  Nous avons toujours aspiré à faire ce que nous faisons aujourd’hui en Afrique du Sud sur le reste du continent ». En Octobre 2014, Sawomeng ouvrira ses portes au Kenya avec un programme destiné aux élèves des lycées et collèges. Ce programme leur donnera l’opportunité d’interagir, de trouver du travail, et d’avoir des compétences techniques dont elles ont besoin pour réussir dans cette filière. « Quand vous observez le continent, vous vous rendez compte que nous avons besoin d’ingénieurs. Pourtant, nous n’en avons pas assez sur le plan local. Nous devons donc importer des talents ». Lorsqu’on demande à la jeune femme quelle solution remédierait à la situation, voici ce qu’elle nous répond :« Tout dépend de comment nous construisons l’économie et de la manière dont nous éduquons nos citoyens. Je pense que le seul moyen de remédier à ce problème est de créer des emplois pour les jeunes ». En créant ces opportunités, nous « créerons » des ingénieurs, et l’Afrique pourra utiliser ses propres talents.Etre ingénieur n’est pas facile, et ça l’est encore moins lorsque l’on est une femme. Les actions de SAwomeng sont les preuves que les femmes ont beaucoup à offrir à cette industrie. Toutes les femmes qui souhaitent intégrer ce secteur devraient se battre pour atteindre cet objectif. Il est possible d’être ingénieur sans avoir à être moins féminine. Par où commencer ? « Je dirais d’avoir des amis qui sont ingénieurs afin d’en apprendre plus sur les différentes formations disponibles. »

Par Amma O.

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OSER INSPIRER

QUELQUES MOTS D’ELLES

Etre femme et entrepreneure en Afrique, c’est souvent être frappé d’une double peine  : parce que l’on veut bouger les choses et parce que l’on appartient à l’autre sexe, celui qui agit dans le noir, sans reconnaissance des hommes.

Et même si elles sont encore trop peu nombreuses, celles qui osent sont là, elles ne demandent plus la permission d’exister et s’emploient à être des modèles pour leurs consoeurs. Elles

ne sont déjà plus pionnières mais travaillent à être des modèles. Elles démontrent que l’accès au crédit est possible, l’innovation aussi.

Oser L’Afrique est allé à la rencontre de ces femmes qui écrivent une page de leur vie. A la question : « Que signifie être une femme entrepreneure en Afrique aujourd’hui », voici ce qu’elles ont répondu...

« Etre femme entrepreneure en Afrique aujourd’hui, c’est être au-devant du développement de notre continent. Nous avons pris en charge notre destin. » Rebecca1, CEO de AppsTech.

« Pour moi, être une femme entrepreneure en Afrique aujourd’hui c’est avoir une grande confiance en soi et foi en son projet, mais surtout savoir contourner le sexisme voire le tourner à son avantage. C’est aussi ne pas laisser les autres décider de ce que vous êtes capables d’accomplir ou non. » Céline, Fondatrice de Je Wanda Magazine2.

« Etre femme entrepreneure en Afrique c’est avoir la passion de son projet, faire preuve de curiosité et d’audace. Une femme entrepreneure inspire son équipe à évoluer au rang de leaders et non plus de suiveurs en les poussant à réaliser leurs potentiels. » Estelle, Fondatrice de Kaaria.

« Etre femme entrepreneure en Afrique c’est changer chaque jour la destinée de milliers de personnes, une personne à la fois et souvent anonymement. Les femmes entrepreneures africaines portent la voie du changement… Il est temps de le leur reconnaître » Marylène, CEO de Kouaba3.

«  Une femme entrepreneure est une femme qui crée et gère une entreprise… au même titre qu’un homme entrepreneur » Honorine, CEO Sowess.

Et si on s’en inspirait ?

1/ https://twitter.com/africatechie 2/ http://www.jewanda-magazine.com 3/ https://www.facebook.com/KouabaAgency

Marylène Owona, pour Oser l’Afrique.

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INSPIR’START UP

LES NTIC, ENJEUX MAJEURS DU CONTINENT : RENCONTRE AVEC REINE ESSOBMADJE

Apres avoir travaillé pour des entreprises de conseil de renommée mondiale telles que SPIE ou Devoteam, Reine Essobmadje crée Evolving Consulting, une entreprise spécialisée dans les conseils et services transactionnels dans le domaine des TIC. Evolving consulting fournit ses services aux gouvernements mais aussi aux entreprises basées à l’international. Apres plus de 5 ans, cette entreprise se place comme un leader du conseil en Afrique. Nous avons donc voulu savoir quels étaient les enjeux des NTIC sur le continent Africain.

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Présentez nous en quelques mots Evolving Consulting.

Evolving Consulting est un cabinet de conseil, d’études, de formation, d’audit et d’info-gérance en informatique et télécoms, qui a été crée en 2009 à Paris, avec une filiale au Cameroun qui a été ouverte en 2010.

Quels sont les besoins du continent africain en matière de TIC1 ?

Aujourd’hui, il y’a différents types de besoins que je pourrais segmenter en deux  : les besoins de l’Afrique anglophone et ceux de l’Afrique franco-phone. Je dirais qu’en Afrique anglophone et dans une grande partie de l’Afrique de l’Ouest, les infras-tructures télécoms et informatiques ont déjà été déployées. Les besoins y sont plutôt de l’ordre de l’application des services liés aux TIC. L’Afrique francophone quant à elle est encore dans une phase de déploiement de ces infras-tructures. Je dirais quand même que de manière générale, ce dont le continent va avoir besoin c’est d’une culture du numérique et de la techno-logie qui va permettre de faciliter divers proces-sus dans de nombreux secteurs d’activités. Par exemple, le numérique qui est totalement trans-versal pourrait servir dans l’administration, les ac-tivités économiques, le domaine de la santé, etc.

Parlez-nous des journées TIC, quelle est la particularité de cet événement ?

Les journées TIC ont été créées en 2009, avec une première édition en 2010, dans le but de faire prendre conscience à l’ensemble des couches sociales, de l’importance de l’usage des TIC et de leur impact sur le continent. Jusqu’ici nous avons tenu des journées et des conférences au Cameroun, mais nous avons le projet dès cette année de les étendre à d’autres pays. En terme, de cible, nous avons évolué vers un modèle de formation qui concerne tous types de publics, s’adressant aussi bien aux profession-nels des TIC, qu’aux commerçants, qui peuvent développer leurs activités grâce aux TIC’s. Nous nous adressons également aux développeurs, dans le but de créer une espèce de HUB du nu-mérique dans la région, avec des activités autour du développement de projets. Nous proposons

aussi des compétitions de développement d’ap-plications, que nous appelons « AKATO ACT FOR AFRIQUE ».Désormais nous souhaitons faire un focus sur l’emploi et sur l’industrie. Comme vous pouvez donc le constater, les concepts que nous déve-loppons autour de ces journées ne sont pas figés et évoluent selon les besoins de la société.

I.A : Quels types de formations proposez vous aux entreprises ?

Nous avons des formations très techniques, qui vont s’adresser aux professionnels des TIC, dans des domaines très précis comme le cadre juri-dique règlementaire des télécommunications par exemple. Cette formation permet aux acteurs des TIC de mieux comprendre les contours de la loi, mais aussi de développer des activités éco-nomiques, comme celle d’auditeurs télécoms, de plus en plus prisée. La formation permet égale-ment aux entreprises de mieux gérer leurs projets dans l’intérêt de leur clientèle.

Pourquoi est-il important pour les entreprises d’intégrer toutes les facettes des NTIC1 propres à leur secteur d’activité ?

Il existe ce mot en anglais : « cross coaching », qui signifie grosso modo que les TIC sont trans-versales à tout types de secteurs d’activité.Aujourd’hui par exemple dans le domaine de l’éducation, créer des salles de classes prend du temps, du budget, et de l’énergie (il faut mobiliser les gens, recruter et payer les enseignants, entre-tenir ces salles, etc.)Avec les TIC, il est possible d’avoir recours à un enseignement à distance, qui permet de tou-cher une plus grande partie de la population. Si je prends pour exemple la ville de Yaoundé et ses campus universitaires SOA et Ngoa-Ekellé, beaucoup d’étudiants n’ont pas la possibilité d’assister aux cours à cause d’un manque avéré de places en amphithéâtres. Si ils avaient la pos-sibilité d’écouter ces cours en ligne et d’échanger sur des forums, l’enseignement serait beaucoup plus efficace. Nous souhaiterons faire comprendre que les TIC permettent de booster l’activité et la productivité, mais aussi d’atteindre cette tranche de la clien-tèle à laquelle on n’a pas (encore) accès.

1 / Technologies de l’information et de la communication.

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Nos lecteurs souhaiteraient savoir quelles sont les différentes étapes à suivre lorsque l’on souhaite se lancer dans l’activité du conseil. Quelle est la première chose à faire si je souhaite monter mon entreprise de conseil en TIC ?

Il faut avoir une vision qui va nous permettre d’identifier la proposition de valeurs, la cible et les services que vous souhaitez offrir. Ensuite, il est important d’avoir un Business Plan, d’identifier ses investisse-ments, ses coûts et ses potentiels revenus, de faire une étude de marché pour voir si les services que l’on propose ne sont pas déjà offerts ou pour voir dans quelle mesure vous pouvez améliorer sur ce qui est déjà proposé. Il faut également avoir un plan marketing. De manière classique, il faut procéder à toutes les étapes de création d’une société standard. Dans le domaine des TIC, (qui est assez restreint, même si les revenus peuvent être importants) il est nécessaire de développer un networking, pour être directement en relation avec le client. Il faut donc assister à des conférences internationales sur le sujet et pouvoir apporter une offre différenciée. Dans le cas de mon entreprise, nous apportons une réponse adaptée aux besoins et à l’environnement local. Par exemple, pour une offre informatique, nous allons nous tourner vers des produits à grande au-tonomie, qui ne demandent pas une maintenance régulière, car importer des pièces de rechange en provenance de l’Europe représente un coût assez élevé.

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De quel type de profil doit-on s’entourer lorsque l’on crée une société de conseil ?

Une variété de profils est nécessaire pour répondre aux besoins, que ce soit dans la banque, la finance ou les TIC directement. Il vous faudra donc des managers, des commerciaux, des communicants, etc.

Vous êtes également membres de plusieurs organisations internationales telles que l’INWES. Quelle est la place des femmes dans l’industrie des TIC ?

Les femmes sont minoritairement représentées dans tous les secteurs industriels, que ce soit en Eu-rope ou en Afrique. Même en Europe, on en est encore à créer des lois pour permettre, aux femmes d’être mieux représentées au sein des conseils d’administration. Elles sont également moins représen-tées dans les filières scientifiques. L’objectif est de dire aujourd’hui que les femmes peuvent apporter dans le domaine scientifique une nouvelle approche dans la pensée qui va être bénéfique à l’ensemble de la population.

Retrouvez Evolving Consulting et ses activités ICI : http://evolvingconsulting.com/index.php/fr/

2/ Nouvelles technologies de l’information.

Propos recueillis par Ivan Nyetam.

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INSPIR’CARRIÈRE

INTRÉPIDE VICKY !

« Oui, notre continent évolue. Mais nous n’arriverons pas à grand-chose si nous n’impliquons pas activement les femmes dans ce processus de développement. »

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A seulement 30 ans, Vickie Remoe a déjà une carrière bien remplie. Elle a été productrice et présentatrice TV en Sierra Leone pendant 4 ans, elle possède un blog sur l’actualité en Sierra Leone, une agence de conseil en communication et un magazine féminin reconnu. « Quel est son secret » me direz vous ? Eh bien, Vickie n’a pas peur de prendre des risques, et ça paie !

Bonjour Vickie, et bienvenue. Peux tu te présenter à nos lecteurs?

Je suis née en 1984 en Sierra Leone. Je suis titulaire d’un Master en journalisme de l’université de Co-lumbia, et d’un Bachelor en Sciences politiques obtenu au Haverford College.

Très vite, tu décides de retourner en Afrique et tu es basée principalement au Ghana. Pourquoi ce choix?

Je me suis installée au Ghana, car j’étais à la quête d’opportunités. Je n’y avais jamais vécu, mais j’avais visité le pays de nombreuses fois. Pour moi, la scène médiatique au Ghana était assez riche pour que je puisse espérer y développer mon business et mes idées. Tout ce dont je n’étais pas sûre, c’était comment j’allais procéder pour arriver à mes fins.

En très peu de temps, tu as réussi à trouver un travail. Mais après 3 mois seulement, tu décides de monter ta propre entreprise. Pourquoi ?

La vérité c’est que je n’ai pas trouvé un emploi. J’en ai créé un. Comme je l’ai dit, je suis allée au Ghana à la recherche d’opportunités. J’ai passé de nombreux coups de fil, et je dois avouer que j’ai été plutôt chanceuse. Mon employeur de l’époque a été séduit par mon discours, et mon approche du monde médiatique. Il a donc fini par décider que mes idées pouvaient lui permettre d’apporter une nouvelle vision et un nouveau souffle à son entreprise. C’est ainsi que j’ai obtenu mon premier client. Trois mois après, je créais mon agence de conseil en communication : Vickie Remoe & Co.

Ok. Maintenant remontons le temps. Avant le Ghana, tu as vécu 4 ans dans ton pays d’origine, où tu présentais The Vickie Remoe Show. Peut-on en savoir plus ?

En Sierra Leone, j’avais déjà une petite entreprise de médias, appelée How4Do productions, qui produisait le Vickie Remoe Show. Nous avons été diffusés pendant 3 ans sur la télévision nationale, mais aussi dans 4 autres pays africains : le Nigéria, le Ghana, le Mali et le Sénégal.J’ai lancé le talk show parce que je trouvais qu’il y’avait trop peu de contenu télévisuel en matière de divertissement en Sierra Leone. Le show a aussi été créé pour fédérer les gens, susciter de l’engouement et mettre un peu de couleurs et de fun dans leur quotidien. J’ai été la première femme à présenter et à produire ce type d’émission en Sierra Leone. L’un de mes épisodes favoris reste ma rencontre avec Kondi1, un musicien aveugle extrêmement talentueux et très attachant. Je suis fière de dire que le show a contribué à raviver sa carrière. J’ai été heureuse de le lui offrir comme plateforme d’expression.

Tu es comparée à Oprah Winfrey en Sierra Leone. Tu as fait la couverture de ton propre magazine, tout comme elle. Te considères tu comme la Oprah africaine ?

Les gens ont décidé de me surnommer « Salone Oprah » parce que comme elle, je présentais un talk show à la TV. Oprah est une femme fantastique. Etre comparée à elle est un immense honneur, mais je ne me considère pas comme la Oprah Africaine. Je suis moi, Vickie, une jeune femme qui essaye de se créer une place dans l’industrie des médias et du divertissement en Afrique.

1/ http://www.sierraexpressmedia.com/archives/47855.

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Qu’est ce que Swit Salone2 ?

Swit Salone est un site d’information qui couvre la Sierra Leone et certains pays de l’Afrique de l’Ouest. Notre objectif est de tenir la diaspora au courant de ce qui se passe sur le terrain, tout en proposant une analyse neutre. La plupart des médias nationaux sont politiquement influencés. Notre rôle est d’apporter une vision des choses plus objective. Mon immersion dans le milieu pendant 4 ans, me donne une certaine légitimité, car je sais ce qui s’y passe, je sais comment ça fonctionne.

Au regard de ton parcours, je suis tentée de te demander comment tu as vécu le départ pour le Ghana. A t-il été compliqué de s’y adapter ?

A vrai dire, le Ghana est le 5ème pays dans lequel je vis depuis les 20 dernières années. Une fois que vous avez quitté votre cocon la première fois et que vous y avez survécu, vous vivez l’expérience différemment. De plus, Accra n’est qu’à 2 heures de vol de Freetown, et à 11 heures de New York pour un vol direct. Ces 3 villes sont chères à mon cœur et je n’ai aucun problème à m’y rendre autant de fois que j’en ai envie.Le Ghana est un pays très ouvert. Je n’ai eu aucune difficulté à m’adapter au style de vie. Pas d’incident, No wahala. (Wahala signifie problème en pidgin, ndlr)

Tu possèdes aussi un magazine féminin. Quand et pourquoi décides-tu de lancer GoWoman Magazine3 ?

L’Afrique est en pleine expansion. Mais pour moi, le statut et la place des femmes sur le continent n’évoluent pas aussi vite qu’ils le devraient. GoWoman Magazine est une plateforme d’expression pour les africaines, qui leur permet de prendre conscience de leur force et de leur rôle dans la société. La plupart des femmes en Afrique sont éduquées pour faire passer le mariage avant toute autre chose. Que ce soit leur épanouissement personnel

ou leurs carrières. On nous demande de faire des études, et en même temps, on nous exige d’être des épouses fidèles et dévouées. Épouser un homme célèbre ou riche est considéré comme une réussite.C’est une façon de voir, mais je pense que nous devons contourner le problème. Oui, notre continent évolue. Mais nous n’arriverons pas à grand-chose si nous n’impliquons pas activement les femmes dans ce processus de développement. Le magazine est destiné aux africaines qui, au lieu d’attendre d’épouser un mari riche, prennent leur destin en main. Celles qui, au lieu de vouloir épouser le prochain Président de la République, veulent être Présidentes elles-mêmes. Nous racontons le parcours de celles qui s’engagent pour leur continent, et oeuvrent pour son rayonnement.

C’est un fait, la presse papier magazine est en déclin. Pourquoi avoir quand même pris le risque de vous engager dans ce secteur à l’heure où de nombreux magazines se créent sur le web?

Nous pensons que la meilleure manière de raconter des histoires est d’avoir une multitude de supports. C’est pour cette raison que nous sommes sur le format papier, mais aussi sur Internet. En Afrique, tout le monde n’a pas accès à une connexion internet. Encore faut-il qu’elle soit efficace, si jamais on y a accès. Notre objectif est de toucher toutes les femmes, sans distinction, qu’elles soient fanas de digital ou alors, plus « old school ».

Quelle est la place de l’entrepreneuriat féminin au Ghana. Peux tu en dire de même pour la Sierra Leone ?

Je pense que les femmes au Ghana se

« Créer une solution, même quand il semble ne pas y en avoir. Je ne vois rien de plus entrepreneurial que cela. »

2/ http://www.sierraexpressmedia.com/archives/47855. 3/ http://gowomanafrica.com

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débrouillent mieux, mais cela se comprend. Le Ghana est beaucoup plus développé que la Sierra Leone. C’est une histoire de contexte socio économique, pas d’aptitudes ou de capacités.En Sierra Leone, il n’existe pas encore assez de structures pour financer ou aider à financer les jeunes entrepreneures.Ce fut d’ailleurs l’un de mes plus gros challenges à l’époque du Vickie Remoe Show  : je n’avais aucune aide, aucun support. C’est pour cette raison que j’ai du arrêter l’expérience et fermer How4Do Productions.

Penses-tu que la notion de féminisme existe réellement en Afrique ?

Bien entendu ! Il est vrai que beaucoup de gens ici n’aiment pas ce mot, car il est très fort et possède une connotation plutôt négative à leurs yeux. Mais pour moi, une féministe (ou un féministe d’ailleurs) est simplement une personne qui considère que les femmes doivent avoir accès aux mêmes opportunités que les hommes. Rien de plus, rien de moins.

De quelle manière GoWoman Magazine encourage t-il les femmes à devenir des entrepreneurs ??

La femme GoWoman est une femme qui créé une solution, même quand il semble ne pas y en avoir. Je ne vois rien de plus entrepreneurial que cela. Il s’agit d’un état d’esprit ! Chères femmes, si vous avez une bonne idée, mettez là en œuvre et osez !

Propos recueillis par Joan Y.

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INSPIR’ECO

LA FEMME AFRICAINE, MOTEUR DU DEVELOPPEMENT DU CONTINENT

A 26 ans, Yetunde Odugbesan-Omede est à la tête d’une entreprise de conseil – Yetunde Glo-bal Consulting1 – dont le but est de fournir des conseils en stratégie aux entreprises et orga-nisations à travers le monde. Passionnée par le potentiel de la femme, Yetunde continue son aventure entrepreneuriale en créant le Young Woman’s Guide, une organisation dont le but est de « développer les capacités de leadership des jeunes femmes en se focalisant sur l’estime de soi, la confiance et le développement émotionnel » entre autres. New York, Etats-Unis, samedi 8 mars. Deux jeunes demoiselles organisent le Women Werk2, un évènement dont le but est de célébrer la femme Africaine. Lors de cet évènement où tous les talents africains sont représentés, l’une des intervenantes se démarque, avec son style soigné et son sourire. Et lors des débats, Yetunde Odugbesan-Omede captive son auditoire. Elle parle avec assurance et conviction de ces femmes entrepreneurs qui sont pour elle «les forces mo-trices de l’économie Africaine».

«Les femmes dirigent environ 48% des petites et moyennes entreprises.»

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Femmes Leaders – Femmes Entrepreneurs Et les chiffres corroborent ses dires  : «Les femmes dirigent environ 48% des petites et moyennes entreprises». Elle continue en disant : « Lorsque les femmes ont accès à l’éducation, sont représentées positivement, possèdent des terres et gèrent elles-mêmes leur argent, l’économie est boostée. Pas seulement l’économie, mais aussi leurs familles et leurs communautés se développent mieux». Pense-t-elle pour autant que la situation des femmes s’est améliorée depuis le développement économique de l’Afrique ? « Malgré le boom économique du continent, les femmes ont encore des paliers à franchir». En effet, même si il y’a plus de routes praticables, plus de téléphones mobiles et de plus en plus de lois en faveur du commerce équitable, les Africaines ont encore du mal à faire valoir leur savoir-faire à travers le continent.Cependant, si les difficultés sont les mêmes, elles se ressentent plus ou moins différemment d’un pays à l’autre. Comme le dit si bien Mme Odugbesan-Omede, son pays «  le Nigeria est un cas unique ». Avec plus de 168 millions d’habitants, le Nigeria est incontestablement le plus grand foyer de consommation du continent africain et est en passe de devenir le leader économique du continent et de devancer l’Afrique du Sud. Mais qu’est ce qui rend le cas du Nigeria si unique ? Selon Mme Odugbesan-Omede, la particularité du Nigeria vient du secteur privé et des investissements  : «  Le Nigeria a un des secteurs privés les plus dynamiques d’Afrique, favorisé par la libre circulation des investissements  : La règlementation du contrôle des changes a été libéralisée afin d’assurer des financements internationaux».

«Nous avons besoin que les femmes établies prennent les plus jeunes sous leurs ailes afin de leur montrer la voie».

Cohabitation Difficile

«C’est bien connu que les femmes sont souvent dures les unes envers les autres». Dans un environnement de plus en plus propice au développement des talents, les femmes restent méfiantes les unes des autres. Excès de concurrence, ou conflits de génération, les raisons de cette méfiance sont nombreuses. Mme Odugbesan-Omede évoque même le fait que «plusieurs personnes pensent à tort qu’il n’y a pas de places pour tout le monde à la table des leaders». Est-ce une raison suffisante pour ne pas se rassembler afin d’être plus fortes ? Comme le dit cette diplômée de Rutgers University en Affaires et Droits International, «  il est temps que les jeunes femmes comprennent qu’il y a de la place pour tout le monde à la table du succès ». Heureusement, la solution est toute trouvée. Yetunde Odugbesan-Omede prône le mentorat. «Nous avons besoin que les femmes établies prennent les plus jeunes sous leurs ailes afin de leur montrer la voie». Il convient donc de repartir sur des bases saines ; avant de parler de « Féminisme » et de « Droits des femmes », la première étape ne devrait-elle pas être de se soutenir entre femmes ?

1/ http://www.yetundeglobalconsulting.com 2/ http://inspireafrika.blogspot.fr/2014/02/womenwerk-announces-century-of-african.html

Chrys N.

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Dans des sociétés-embryons comme les nôtres, il est impératif de rassem-bler, tous les talents, tous les cerveaux, de ne se passer d’aucune lumière. Le féminisme est une des voix qui mène à cet idéal. Œuvrer pour que les hommes et les femmes soient mis au même pied d’égalité en Afrique, c’est se battre pour que ce continent qui a be-soin de tous ses enfants, filles comme garçons, ne souffrent plus d’handicaps inutiles, voire dérisoires. C’est une ba-taille de tous les jours, de tous les ins-tants, car c’est un projet d’avenir. En cela, il nous concerne tous. Prendre un tel projet à la légère ou ne le limiter qu’à la sphère féminine, c’est oublier que ce sont aussi nos propres filles, sœurs, nièces, mères qui en souffrent et conti-nueront de le faire, et ce déséquilibre donc continuera de gangrener la so-ciété. Le premier synonyme du mot « division » est la faiblesse et c’est tout ce que nous ne devons plus être. Nous rêvons d’une Afrique Forte et traiter la femme en égal de l’homme sera un grand pas en ce sens.

PENSÉES

Le féminisme est une notion qui est bien [trop] souvent associée aux femmes. Comme si cette égalité tant revendiquée ne concernait que nous ; Comme si cette bataille ne pouvait pas être menée par les hommes ET par les femmes. Pour changer les choses et bousculer les normes, nous avons proposé à des jeunes hommes de différents horizons de se joindre à la conversa-

tion, afin de partager avec nous ce qu’évoquait pour eux la notion de « féminisme ».

Chrys N.

Tout comme le droit des enfants nous concerne tous, il est évident que l’on n’a pas besoin d’appartenir à la gente féminine pour soutenir ceux de la femme.  Comme beaucoup de mouvements re-vendicatifs, les clichés ont la dent dure lorsque le féminisme est évoqué. Et pour cause, les extrémistes du mouvement sont toujours les plus bruyants, et malheureu-sement, les média sont plus enclin à diffu-ser des images de femmes survoltées aux seins nus pendant quelques secondes au détriment de débats intelligents avec les féministes modérées qui sont majoritaires et qui ont souvent une idée Claire et argu-mentée de la question.  En tant qu’homme de médias, j’estime qu’il faut combattre la banalisation du sujet qui consiste à penser que ce débat est ob-solète en 2014. Il faut savoir dévoiler le dé-calage entre l’apport de la femme dans la famille, dans la société et dans l’Histoire et la manière dont elle est « traitée » en retour.

Kahi Lumumba, Créateur TOTEM TV 1

Steeve Awono, Créateur de Music Feelings2

ET SI ON LEUR DEMANDAIT LEUR AVIS ?

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Steeve Awono, Créateur de Music Feelings2

Paul-Marius Nkeng, Président Association Afretis3

Il y a quelques années, lorsque j’entendais le mot “féminisme”, je l’associais au 8 mars. Une journée pendant laquelle les femmes peuvent s’accorder quelques légèretés au nom de l’égalité des sexes. Avec le temps, j’ai compris que c’était un mouvement de re-vendication de “droits” pour les femmes, pour être reconnues à leur juste valeur dans la société dite moderne. Mais surtout, faire face au machisme de cette dernière.Tout le monde devrait se lever et se dire féministe, voire “universa-liste méritocrate”. Pas de discrimination, c’est au pied du mur que l’on juge le maçon, alors, à bas les préjugés. En revanche, gardons à l’esprit qu’on ne demandera pas à un poisson de voler, ni à un éléphant de grimper à un arbre. Nous sommes complémentaires, vivons donc en bonne intelligence. Quand je pense que les «noirs» (1870) ont eu le droit de vote avant les femmes (1893), je me dis que ce monde va mal depuis bien longtemps...VIVE LES FEMMES!

Louis Gilbert Bissek, ancien président AECRS

Si le «Féminisme» nous était conté, il se conjuguerait au pluriel.D’abord il nous happerait, doux comme un souffle. Une aspiration légitime des êtres à l’autodétermination et à la dignité. Puis il nous balaierait telle une bourrasque, en une sempiternelle lutte contre l’iniquité, pour le droit à la différence. Flots d’espoirs! Lueur universelle pour tous «Les Damnés de la terre» voués aux gémonies, à l’orée du triomphe de l’altérité et de la complé-mentarité des genres sur l’obscurantisme.Le Féminisme doit être une quête com-mune. De Louis Aragon, il nous revient en mémoire cet aphorisme poétique: «(...) L’avenir de l’Homme est la Femme / Elle est la couleur de son âme (...)». L’inverse n’en est pas moins vrai, mais pour qu’il en soit durablement ainsi, tout est question d’harmonie.

Kwaku Awuah, Président 54 Kingdoms4

Je ne prétends ni avoir une compréhension totale des différents types de féminisme ni savoir ce que c’est que d’être une femme au quotidien. Cependant, je crois que l’une des fonctions du féminisme est de favo-riser l’égalité sociale, politique et écono-mique entre les hommes et les femmes. Vous conviendrez donc avec moi que l’idée qu’un homme ne puisse pas être féministe ou, au moins, qu’il ne pense pas à contri-buer au féminisme est puérile. L’histoire nous apprend que les femmes ont toujours été oppressées; et comme tout groupe oppressé, elles ont du se battre pour ob-tenir ce dont elles avaient besoin. Ne pas reconnaitre cette bataille et ce courage revient à perpétuer le mythe de l’esclave heureux. A la base, le féminisme consiste donc à savoir que les femmes sont encore oppressées et que quelque chose doit être fait pour que cela change. C’est un idéal que j’encourage vivement.

1/ http://www.totem-world.com 2/ http://www.musicfeelings.net 3/ https://www.facebook.com/Afretis 4/ www.54kingdoms.com

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Nous maximisons sur la qualité de nos services

Willy ASSEKO

4 QUESTIONS À...

Marocaine d’origine, Rania Belkahia est co-fondatrice de la plateforme Afrimarket. Forte d’une formation d’ingénieur à Paris Tech et d’entrepreneur à HEC Paris, cette jeune femme de 25 ans a décidé de proposer un modèle de transfert d’argent alternatif : permettre à la diaspora afri-caine d’envoyer de l’argent qui sera récupéré sous forme de biens de consommation sur place. L’équipe Afrimarket est aujourd’hui en pleine expansion et est composée d’une vingtaine de personnes, pour près de 100 commerces partenaires.

AFRIMARKET RÉVOLUTIONNE LE TRANSFERT D’ARGENT

AFRIMARKET

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Inspire Afrika : Quelles sont les raisons qui vous ont poussées à commencer vos activités en Afrique de l’ouest ? (Sénégal, Côte d’Ivoire et Benin) ?

Rania Belkahia : Les raisons qui nous ont poussé à lancer Afrimarket en Afrique de l’ouest sont plutôt simples. Nous avons évalué le niveau de développement de chacun de ces pays, mais aussi le fort potentiel et la demande de la diaspora, régulièrement active dans ces pays. Il nous a semblé évident de nous y installer en premier.

IA : De plus en plus de solutions de transfert d’argent du type « Cash to Goods » existent. Quel est l’avantage comptaratif d’Afrimarket ?

RB : L’avantage d’Afrikmarket se situe aujourd’hui au niveau de l’accès à des produits de qualité en Afrique, via de partenaires de qualité et à moindre coût. En effet, en terme de commission, nous sommes uniquement à 5% des cachets sur le taux de change. Nos représentants sur le continent nous permettent aussi d’assurer une certaine transparence administrative et financière. Pour tterminer, nous savons nous adapter aux réalités et spécificités culturelles. En Octobre 2013, nous avons réalisé au Sénégal une opération spéciale pour l’achat d’un mouton à l’occasion de la Tabaski.

IA : Quels sont les projets d’Afrimarket pour les mois à venir ?

RB : Dans les mois à venir, nous projetons d’étendre nos services vers d’autres pays comme le Togo, le Mali et Le Cameroun. Nous voulons également, renforcer nos activités dans les pays où nous sommes déjà présents, en développant d’autres partenariats et en offrant de nouveaux services. Nous planifions notamment de mettre en place un réseau de collecte d’argent à travers des points de vente physique : banques, bureaux de tabac, etc. Nous pensons aussi à étendre les possibilités en permettant aux gens de payer leur factures, ou encore leur crédit téléphonique.

IA : Vous êtes une jeune femme, directrice d’une société qui est devenue très vite leader dans son secteur : Est-ce que être une femme est un frein dans l’entreprenariat ?

RB : Absolument pas ! Il est vrai que la place des femmes dans l’industrie numérique est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre. Personnellement, je trouve que c’est une bonne nouvelle. J’ai une forma-tion d’ingénieur et l’entrepreneuriat a été pour moi une évidence, c’est pour cette raison que j’ai monté ma société. J’encourage toutes les femmes à se lancer et à prendre des risques. Lorsqu’on fait les choses bien, il n’y a aucune raison que cela se passe mal.

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FOCULTURE

FEMMES AFRICAINES, FEMMES FORTES, FEMMES REBELLES !

Que ce soit une mère, une sœur ou Winnie Mandela, nous connaissons tous une femme que nous consi-dérons comme un pilier de la société et comme un modèle. Au fil des siècles, les femmes africaines ont montré leur détermination en faisant face à des dif-ficultés  et en défendant leurs idées et leurs droits. Nous avons toutes ce tempérament en nous Mes-dames ! Nous avons toutes la capacité d’être des modèles. Voici quelques femmes qui ont changé le cours de l’histoire à travers leur courage et leur sens du sacrifice. Peut-être ces quelques portraits vous permettront-ils de retrouver l’héroïne in-trépide qui est en vous !

Amma Aburam

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Nanny était la commandante en chef des «  Marrons  », un groupe d’esclaves qui se sont révoltés contre les oppresseurs britan-niques en Jamaïque. Ces esclaves avaient fui leurs plantations pour se réfugier dans les régions mon-tagneuses de l’île. Plus connus sous le nom de Nègres Marron, ces esclaves venus d’Afrique de l’Ouest donnèrent du fil à retordre aux colons anglais.De manière très organisée, Nanny et sa famille parvinrent à contrôler une partie de l’île. Leur but était simple : aider le maximum d’esclaves à s’en-fuir. Vers 1720 Nanny et un de ses frères prirent le contrôle de la région des « Blue Mountains », qu’ils rebaptisèrent en « Nanny Town ». Elle y ra-

mena tous les esclaves qu’elle pou-vait libérer, et les entraina au combat pour qu’ils sachent se défendre face aux colons. Elle leur enseigna même l’art du camouflage. En utilisant cer-tains esclaves comme appât, elle tendait des embuscades à ses enne-mis qui se faisaient tromper par les déguisements très réalistes des Mar-rons. C’était une stratégie militaire dangereusement efficace. En 30 ans, Nanny libéra près de 800 esclaves !

Elle fut tuée en 1733. Toutefois, son combat et son dévouement à sa communauté lui vaudront d’être reconnue comme une héroïne nationale en Jamaïque. Son portrait figure sur le billet de 500 dollars jamaïcain.

Nanny des « Marrons » - 1600 - Jamaïque - La combattante rebelle.

Abla Pokou - 1700 - Côte d’Ivoire - La beauté du sacrifice

Elle est l’ancêtre fondatrice du peuple Baoulé en Côte-d’Ivoire. Cette femme courageuse a conduit son peuple vers la liberté pendant la guerre civile qui sévissait dans le royaume Ashanti au Ghana. Refusant de se joindre au règne Ashanti, la reine Pokou conduit son peuple vers l’Ouest. Un voyage long et pénible qui les mena jusqu’a la rivière Ko-moé. La légende raconte qu’elle demanda à son prêtre comment faire pour traverser en toute sécurité cette rivière. Il lui répondit qu’un sacrifice important était nécessaire. La brave Reine sacrifia donc son unique fils, qu’elle jeta dans la rivière en criant : « Ba Ouli », ce qui signifie l’enfant est mort. Pour cette raison, ses descendants sont connus aujourd’hui comme les Baoulés. Une fois le sacrifice fait, on raconte aussi que des Hippopotames appa-

rurent et créèrent un pont qui permit à la reine et à son peuple de traverser la rivière en toute quiétude. Légende ou pas, cette reine fit un énorme sacrifice pour la liberté de son peuple. La tribu Baoulé est aujourd’hui l’une des plus représentées en Côte-d’Ivoire.

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Yaa Asantewaa - 1800 - Ghana - La Jeanne d’Arc africaine

Margeret Ekpo - Nigeria - 1900 - La féministe « fashion »

Elle est comparée à l’une des figures les plus célèbres de l’histoire, et ce à juste titre. Yaa Asantewaa a mené la rébellion Ashanti connue comme la guerre du « tabou-ret d’or  » contre les colons britanniques sur la Côte d’Or, qui est le Ghana aujourd’hui. La Confédération Ashanti passait à l’époque par une série d’événements qui me-naçaient sa stabilité. Parmi ces évènements, la guerre

civile entre 1883 et 1888. Elle prit le titre de «Reine Mère d’Ejisu» à la mort de son frère Nana Akwasi Afrane Okpese, le «Ejisuhene», c’est à dire le Chef de la Confédération Ashanti. Elle décida donc de nommer à ses côtés une équipe de fidèles serviteurs. Malheureusement, les colons britanniques s’acharnèrent à affaiblir le régime Asante en déportant et en exilant les membres importants de la confédération, qui avaient été choisis par la Reine elle-même.Ils finirent par exiler le nouveau roi, Prempeh Ier. Comme ci cela ne suffisait pas, le Gouverneur gé-néral Britannique demanda à la confédération de lui remettre le « tabouret d’or », symbole ultime du royaume. Yaa Asantewaa ne pu supporter cet acte qu’elle considéra comme un affront. Face au manque de courage des hommes de sa tribu, elle décida de mener la barque et de diriger le coup d’état de 1900. Elle reçut le soutien de toute l’armée Asante et des nobles du royaume. Pourtant, elle finit par être capturée et fut envoyée en exil, où elle mourut. La bataille fut perdue, mais pas la guerre : Yaa instaura les bases de l’indépendance du Ghana. En 1957, la nation obtint son indépendance et lorsque les autres exilés retournèrent au Royaume, les restes de la reine furent ramenés et célébrés au cours d’un enterrement digne de celui d’une Reine.

Margeret Ekpo était une femme jusqu’au bout des ongles. Mais ne soyez pas induits en erreur par sa féminité. C’était une vraie rebelle. Connue pour son sens du style et de la mode, elle a surtout été admirée pour son activisme politique au Nigé-ria, qui contribua à mettre les femmes en avant. Margaret a représenté les femmes dans le milieu politique au cours de la Première République. Elle a également été le chef de file d’une classe de femmes activistes nigérianes appelées « Aba Township Women’s association ». Grâce à ce groupe, elle a gagné la confiance de nombreuses femmes dans la ville de Aba et a pu faire de cette association un groupe de pression politique. En 1955, il y avait plus d’électeurs féminines dans la ville que d’électeurs hommes. En 1961, elle remporte un siège à la Chambre régionale de l’Est de l’Assemblée Natio-nale. Un poste qui lui permit de défendre les femmes, en particulier concer-nant leur progression dans les secteurs économique et politique.

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