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Compte-rendu par le Dr Loïc Le Guennec Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière - Institut Cochin - Inserm - Paris, France Ce congrès s’est tenu du 6 au 9 juin 2015 à la Cité Universitaire de Paris 11 ème CONFÉRENCE INTERNATIONALE de Biologie Vasculaire Cérébrale Congrès organisé par : JM Scherrmann, Doyen Faculté de Pharmacie Paris Descartes, X Decleves, Professeur Faculté de Pharmacie Paris Descartes PO Couraud, Directeur de l’Institut Cochin.

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Page 1: 11 de Biologie Vasculaire Cérébrale - arsep.org · des échanges dans ce domaine très spécialisé qu’est la biologie vasculaire cérébrale. Ces scientifiques, universitaires

Compte-rendu par le Dr Loïc Le Guennec

Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière - Institut Cochin - Inserm - Paris, France

Ce congrès s’est tenu du 6 au 9 juin 2015 à la Cité Universitaire de Paris

11ème CONFÉRENCE INTERNATIONALE

de Biologie Vasculaire CérébraleCongrès organisé par : JM Scherrmann, Doyen Faculté de Pharmacie Paris Descartes,

X Decleves, Professeur Faculté de Pharmacie Paris Descartes PO Couraud, Directeur de l’Institut Cochin.

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De nombreux participants étaient présents pour écouter les communications, riches d’enseignements, des intervenants scientifiques et cliniciens venus de nombreux pays différents. Cet évènement, soutenu par la Fondation ARSEP, fut l’occasion pour de nombreux experts français et étrangers d’effectuer des échanges dans ce domaine très spécialisé qu’est la biologie vasculaire cérébrale. Ces scientifiques, universitaires ou entrepreneurs, ont pu exposer

leurs travaux sur l’étude du fonctionnement de la barrière hémato-encéphalique (BHE - barrière qui sépare le sang du cerveau), abordée sous plusieurs aspects, biologiques, immunologiques et physiologiques. Nous avons pu être les témoins privilégiés de travaux, dont certains résultats n’ont pas encore été publiés, concernant le rôle de la BHE lors de diverses pathologies du système nerveux central (SNC), dont la sclérose en plaques (SEP).

Voici les points importants abordés durant ce congrès, concernant les dernières avancées dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques de la SEP :

RÔLE PRO-INFLAMMATOIRE DU FIBRINOGÈNE (PR K. AKASSOGLOU, USA)

Le fibrinogène, élément essentiel permettant la coagulation sanguine lorsqu’il est découpé en polymère de fibrine, est capable de traverser la barrière hémato-encéphalique lorsque celle-ci est endommagée en passant du sang vers le cerveau. En cas de SEP, la présence de fibrine au niveau des plaques de démyélinisation est bien connue. L’équipe du Dr AKASSOGLOU a démontré que cette fibrine s’accumulant dès le début d’une poussée de SEP (la poussée étant responsable d’une altération locale de la BHE), joue un rôle pro-inflammatoire majeur qui vient entretenir et aggraver le phénomène de

démyélinisation. En effet, les polymères de fibrine ont la capacité de stimuler la réponse inflammatoire au niveau du système nerveux central via l’activation des cellules microgliales (cellules présentes dans le cerveau, semblables à des macrophages) en interagissant avec un récepteur à la surface de ces cellules appelé intégrine CD11b / CD18. Les travaux du Dr AKASSOGLOU ont permis le développement de molécules permettant l’inactivation spécifique des propriétés pro-inflammatoires des dépôts de fibrines, sans altérer le rôle du fibrinogène lors de la coagulation. Des essais chez la souris, dans un modèle d’encéphalomyélite autoimmune expérimentale (EAE) ont permis d’élaborer des composés capables d’inactiver spécifiquement cette stimulation microgliale induite par les dépôts de fibrine. Ceci entraîne une réduction des dommages induits par cette cascade inflammatoire, dont les symptômes neurologiques au moment de la poussée, mais également une diminution de la démyélinisation et de la dégénérescence axonale au plan histologique à plus long terme.

D’APRÈS NOTRE SPÉCIALISTE :« Ce congrès n’est pas spécifiquement un congrès sur la SEP, mais plusieurs des thèmes scientifiques qui y sont

abordés sont très pertinents pour la recherche sur cette pathologie. En effet, l’étude du liquide céphalo-rachidien,

de la neuro-inflammation, du passage des molécules à travers la barrière hémato-encéphalique ou encore les

stratégies thérapeutiques dans les maladies neuro-dégénératives sont des connaissances indispensables à acquérir

pour comprendre les mécanismes de la SEP et envisager des thérapies ».

Dr Loïc Le Guennec

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Ces récentes découvertes donnent donc des perspectives encourageantes en termes de nouvelles approches thérapeutiques : cibler spécifiquement les fonctions pro-inflammatoires de la fibrine au niveau du système nerveux central au cours de la SEP, mais également dans d’autres pathologies où l’on observe une rupture de la BHE (Traumatisme crânien, accidents vasculaires cérébraux).

DYSRÉGULATION DES MicroARN DANS LES CELLULES ENDOTHÉLIALES ET ALTÉRATION DE LA BHE (PR N. ROMERO, ROYAUME-UNI)

Les microARN sont de petits ARN (Acide RiboNucléique) non codants endogènes (facteurs propres à l’individu) reconnus pour jouer un rôle essentiel dans la régulation de fonctions cellulaires clés en réprimant spécifiquement certains ARN messagers, et par conséquent l’expression de gènes. Dans un certain nombre de pathologies du système nerveux central, il a été retrouvé des niveaux d’expression anormaux de ces microARN, notamment dans des tumeurs cérébrales, mais aussi au cours de la SEP.

Des chercheurs ont émis l’hypothèse qu’au cours de la SEP, il pourrait il y avoir un problème de régulation de ces microARN au niveau des cellules bordant la lumière des vaisseaux sanguins appelées cellules endothéliales. Ces cellules sont en première ligne dans le contact avec les lymphocytes circulants dans le sang, dont le rôle dans la SEP n’est plus à démontrer.L’équipe du Dr ROMERO a retrouvé une modification de la quantité de certains microARN dans ces cellules endothéliales au niveau de capillaires isolés de patients atteints de SEP. Cette équipe a donc traité in vitro des cellules endothéliales avec des facteurs pro et anti-inflammatoires afin d’identifier la « signature microARN » de ces cellules capables de réguler la perméabilité vasculaire cérébrale. Dans un modèle animal de SEP (EAE), ces chercheurs ont retrouvé une importante augmentation du microARN miR-155. Chez les souris, la perte de miR-155 diminue la perméabilité vasculaire cérébrale, et dans des cultures de cellules endothéliales humaines, miR-155 est fortement régulé à la hausse par des facteurs pro-inflammatoires, avec augmentation de la perméabilité endothéliale.

Les principales fonctions cellulaires altérées suite à cette hausse de miR-155 sont la capacité entre plusieurs cellules endothéliales voisines d’interagir entre elles, mais surtout, la capacité de ces cellules à composer une couche imperméable aux éléments présents dans la circulation sanguine. Ces travaux ont permis l’élaboration de molécules permettant d’inhiber miR-155, avec des résultats encourageants dans le modèle de souris atteintes d’EAE. La découverte du rôle de ces mircoARN dans la SEP constitue donc un nouveau champ de possibilités thérapeutiques.

DÉFINITION DE LA BARRIÈRE HÉMATO-ENCÉPHALIQUE (BHE) :

Elle correspond à la région du système nerveux central où s’effectuent les échanges sélectifs entre le sang

et le tissu nerveux.

Son siège est la paroi des capillaires sanguins.

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MIGRATION ANORMALE DES LYMPHOCYTES T Th17 ET CD8 À TRAVERS LA BHE (PR A. PRAT, CANADA)

Dans la sclérose en plaques, les lymphocytes T pathogènes ont besoin de molécules d’adhésion à leur surface pour s’accumuler dans le système nerveux central et provoquer des lésions inflammatoires. Parmi ces lymphocytes, une sous-population appelée Th17 est impliquée dans la pathogénèse de la SEP, en sécrétant un certain nombre de molécules pro-inflammatoires au niveau du système nerveux central. L’équipe du Dr PRAT a mis en évidence que ces lymphocytes Th17 pathogènes sur-expriment à leur surface une molécule d’adhésion appelée DICAM, pouvant interagir au niveau des vaisseaux sanguins avec l’intégrine avß3. L’expression de DICAM dans les

Th17 est corrélée à une forte migration de ces lymphocytes à travers la BHE (barrière hémato-encépahlique), ayant pour conséquence un afflux de ces cellules dans le système nerveux central. Un anticorps anti-DICAM permet de bloquer l’interaction entre les Th17 et l’intégrine avß3 des cellules endothéliales, bloquant ainsi la migration de ces lymphocytes, des vaisseaux sanguins vers le système nerveux central.

Une autre molécule d’adhésion a également été identifiée par l’équipe du Dr PRAT. Il s’agit de MCAM qui est exprimée au niveau des lymphocytes T CD8, dont le rôle dans la destruction des oligodendrocytes et la démyélinisation est bien établie. Les patients atteints de SEP présentent au moment de leur poussée une quantité anormalement élevée de MCAM à la surface de leurs lymphocytes T CD8. MCAM permet à ces cellules de traverser la barrière hémato-encépahlique, et il a été mis au point un anticorps anti-MCAM ayant fait preuve de son efficacité dans un modèle murin de SEP (EAE). Cette molécule est d’ailleurs actuellement en cours d’essai clinique de phase I depuis juin 2015 en Amérique dans plusieurs maladies inflammatoires dont la sclérose en plaques.

ETAT DES LIEUX DES TRAITEMENTS (PR P. VERMERSCH, FRANCE)

Le Pr VERMERSCH, chef du service de neurologie au CHRU de Lille, a effectué une mise au point concernant les thérapeutiques en cours d’évaluation dans le traitement de la SEP. Sa présentation a débuté par un rappel des problématiques observées depuis l’administration des molécules récemment mises sur le marché dans le traitement des formes rémittentes-récurrentes de SEP. Tout d’abord le nombre grandissant d’infections opportunistes au virus JC observées depuis la prescription de Natalizumab (Tysabri®). Le Natalizumab anticorps monoclonal extrêmement efficace dirigé contre l’intégrine VLA4 des lymphocytes T, fut responsable d’une révolution dans le domaine thérapeutique de

la SEP suite à sa mise sur le marché en 2011. La stratégie actuelle concernant l’éventuelle mise en route du Natalizumab est donc bien codifiée, afin de débuter ce traitement seulement chez des patients présentant une forme agressive de SEP, dans le but d’éviter l’apparition d’une charge lésionnelle importante.

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Il est également important d’éviter au maximum de débuter ce traitement chez des patients à risque de développer une leuco-encéphalopathie multiple progressive (LEMP), affection grave consécutive à la réactivation opportuniste du virus JC au niveau du système nerveux central. L’établissement du profil sérologique de ces patients pour le virus JC est donc fortement recommandé avant de débuter des perfusions de Natalizumab, afin d’exclure dans la mesure du possible les patients séropositifs pour ce virus présent de manière asymptomatique chez près de la moitié de la population générale. Il est par ailleurs recommandé de ne pas poursuivre plus de 2 ans ces perfusions, et de changer pour une autre molécule passé ce délai, car le risque relatif de développer une LEMP augmente alors considérablement.Parmi les effets indésirables des nouvelles thérapeutiques, le Pr VERMERSCH a également évoqué l’Alemtuzumab (Lemtrada®), anticorps monoclonal récemment mis sur le marché, dirigé contre la glycoprotéine CD52 à la surface des lymphocytes. La liaison de cet anticorps à cette glycoprotéine provoque une dégradation des lymphocytes, ayant pour conséquence une repopulation du pool (ensemble) lymphocytaire par des cellules ayant un tropisme («attirance») moindre pour le système nerveux central. En revanche, les effets indésirables observés au décours des perfusions d’Alemtuzumab ne sont pas bénins, avec au premier plan d’autre maladies auto-immunes induites comme le purpura thrombopénique idiopathique (PTI) et des dysthyroïdies inflammatoires.Le traitement récemment mis sur le marché semblant être pour l’instant le moins toxique est le Fingolimod (Gylénia® - modulateur des récepteurs de la sphingosine-1-phosphate permettant de bloquer les lymphocytes T au niveau des ganglions lymphatiques périphériques), premier traitement oral de la SEP, dont l’efficacité anti-inflammatoire est toutefois moindre que celle des anticorps monoclonaux précédemment décrits. Hormis les modalités d’introduction de la molécule actuellement bien codifiées du fait d’une bradycardie transitoire observée lors de la première prise du traitement, cette molécule est relativement bien tolérée. Du fait du risque d’une réactivation de certains virus du groupe Herpes, il est recommandé d’effectuer une vaccination contre le virus de la varicelle et du zona. Par ailleurs, 1 seul cas de LEMP a été décrit à ce jour, en avril 2015 chez un patient traité par Fingolimod depuis 4 ans, et non préalablement traité par une autre molécule.

Le Pr VERMERSCH a ensuite poursuivi son exposé en énumérant certains essais cliniques en cours dans la sclérose en plaques, avec notamment l’Ocrelizumab, anticorps monoclonal anti-CD20 ayant une action anti-lymphocytaire B, et le Daclizumab, anticorps monoclonal anti-CD25, dirigé contre les cellules immunitaires NK. Enfin, cette présentation s’est terminée sur un autre aspect de l’arsenal thérapeutique en cours de développement dans la SEP qu’est la remyélinisation des lésions, avec notamment un anticorps monoclonal anti-LINGO-1, qui vient de terminer son essai de phase II, et dont les résultats préliminaires sont pour l’instant encourageants concernant la remyélinisation des lésions de neuropathie optique retrobulbaire (NORB), fréquentes chez les patients atteints de sclérose en plaques.

Cette réunion fut donc l’occasion d’assister à un évènement scientifique de qualité, à la pointe de la recherche scientifique mondiale en neuroscience, et nous espérons, scientifiques et patients atteints de sclérose en plaques qui attendent beaucoup de la recherche, que ces nouvelles thérapies pourront modifier dans un avenir proche l’évolution de cette maladie.

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Fondation pour la recherche sur la sclérose en plaques - ARSEP14 rue Jules Vanzuppe - 94200 Ivry sur Seine - tél : 01 43 90 39 39 - www.arsep.org

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