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Module 4 Partie 2 Les politiques économiques Chapitre 3 Les politiques structurelles « La régulation intelligente des marchés par l’Etat permet de réduire au mieux leurs inefficacités tout en limitant l’impact négatif de cet interventionnisme sur l’innovation et la créativité » Jean Tirole (2016) 1. Les sources de la croissance économique 1.1 Distinguer politiques structurelles et politiques conjoncturelles Document 1 ESH ECE2 Camille Vernet 2015-2016 Nicolas Danglade 1 Capital physique (K) Quantité de travail (L) Productivité Globale des Capital public Capital technologique Capital humain Intensité capitalistique Croissance économique Externalités : Externalités : Learning by doing Externalité s: Obsolescenc e et Externalités : Infrastructures Externali tés : Externalités : Recherche

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Module 4 Partie 2 Les politiques économiques

Chapitre 3 Les politiques structurelles

« La régulation intelligente des marchés par l’Etat permet de réduire au mieux leurs inefficacités tout en

limitant l’impact négatif de cet interventionnisme sur l’innovation et la créativité » Jean Tirole (2016)

1. Les sources de la croissance économique

1.1 Distinguer politiques structurelles et politiques conjoncturelles

Document 1

Document 2 : l’objectif des politiques structurelles Les théories de la croissance endogène mettent l’accent sur les externalités que chaque type de capital produit et qui ont des conséquences sur l’accumulation des autres « capitaux » ; ces théories montrent également que le lien facteurs/croissance ne se limite pas au sens « facteurs vers croissance », mais que la croissance alimente aussi l’accumulation des facteurs (sens « croissance vers facteurs »). Cela permet notamment de comprendre que les conditions de la croissance au temps t vont affecter l’accumulation des facteurs à l’origine de la croissance au temps t+1. Cela permet aussi de comprendre qu’il ne faut pas établir une coupure entre ce qui serait de l’ordre de la conjoncture et ce qui serait de l’ordre du structurel. On peut s’interroger sur les conditions d’accumulation de ces différentes sources de croissance et se demander quel rôle la puissance publique peut jouer pour faciliter cette accumulation au cours du temps. L’objectif de

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1

Capital physique (K)

Quantité de travail (L)

Productivité Globale des Facteurs

Capital public

Capital technologique

Capital humain

Intensité capitalistique (K/L)

Croissance économique

Externalités : Savoirs

Externalités : Learning by doing

Externalités : Obsolescence et remplacement capital

Externalités : Infrastructures

Externalités : Infrastructures

Externalités : Recherche publique

l’intervention publique consistera donc à accroître le potentiel de croissance de l’économie. C’est le rôle que l’on confie aux politiques dites « structurelles ».

Document 3 : l’objectif des politiques « conjoncturelles » On sait cependant que l’économie connaît des fluctuations qui se manifestent par des écarts de production (output gap). Ces écarts à la production potentielle peuvent conduire alors à intervenir pour ramener l’économie sur son tendance « normale » : c’est le rôle confier aux politiques « conjoncturelles »

Document 3: la distinction entre politiques structurelles et politiques conjoncturelles est-elle pertinente ?

Politique structurelle Politique conjoncturelle Agir en priorité sur Offre globale Demande globale Action qui porte sur une durée de

moyen et long terme :(croissance économique)

Court terme :(fluctuations économiques)

Objectif Faire augmenter le potentiel de croissance de l’économie

Réduire l’écart de production entre la production réelle et la production potentielle

Liens entre dimension structurelle et dimension conjoncturelle de la croissance

L’effort d’accumulation des différents capitaux a un impact sur l’activité à court terme

Le niveau de l’activité à court terme a un impact sur la capacité à accumuler les capitaux nécessaires à la croissance potentielle

1.2 Comment augmenter le potentiel de croissance d’une économie ?

Document 4 :Objectifs Les politiques structurelles ont habituellement pour objectif de faire augmenter la

capacité productive de l’économie : action sur l’offreDeux canaux

Augmentation de la quantité de facteurs (et de l’intensité

capitalistique)

Augmentation de la productivité globale des facteurs (PGF)

Augmentation de la quantité

de travail

Augmentation de

l’investissement

Augmentation de l’innovation

Augmentation des compétences des

actifs

Augmentation des

infrastructures publiques,

R&D publiqueFavoriser Accumulation

du capital physique

Accumulation du capital Technologique

Accumulation du capital Humain

Accumulation du capital Public

1.3 Agir sur l’accumulation du capital physique et du capital technologique

Document 5: le cas du financement des activités innovantes et les défaillances de marchéL’effort financier (public et privé) en faveur de la R&D est plus faible en Europe qu’aux Etats-Unis et au Japon, et cet s’écart s’accroît : la part des dépenses en R&D dans le PIB était de 1,8% en 2005 dans l’UE 27 contre 2,6% aux Etats-Unis. Au sein de l’Union Européenne, les efforts de R&D sont très inégaux, s’étageant entre 3,7% du PIB en Suède à 0,4% à Chypre pour 2006. La contribution du secteur privé est aussi moindre en Europe, ce qui handicape le passage de la recherche fondamentale au développement de l’innovation. L’explication est à chercher du côté de la structure de production (les Etats-Unis sont plus spécialisés dans des secteurs intensifs en technologie) et d’imperfections de marché plus prononcées, qu’il s’agisse du marché du travail (mobilité et coût du travail qualifié) ou du marché des capitaux (financement du capital risque). Certaines entreprises qui pourraient investir dans le recherche sont en effet contraintes par leur accès au financement. (…) En France, une série de dispositifs fiscaux a été mis en

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place pour orienter l’épargne des ménages vers les activités innovantes, notamment les fonds communs de placement dans l’innovation.

Source : Bénassy-Quéré p. 503Document 6 : incitation à l’innovation et propriété intellectuelle

Au delà des « coups de pouce » publics, la question du financement privé de l’innovation renvoie à celle de l’incitation à innover. (…) Les entreprises investissent pour développer de nouveaux produits qui leur donneront un avantage concurrentiel ou dans de nouveaux procédés de production et de distribution qui réduiront les coûts et amélioreront la qualité. L’innovation est vite copiée par les concurrents. La protection de la propriété intellectuelle joue donc un rôle essentiel. Pour comprendre son importance, on peut opposer deux cas polaires. Si la propriété intellectuelle est bien protégée, c’est-à-dire si un nouveau produit ou un nouveau procédé est un bien rival, propriété exclusive de son inventeur, l’investissement en R&D est lucratif mais risqué puisque toute nouvelle invention risque de réduire à néant les bénéfices de la précédente. les entreprises ont intérêt à investir massivement en R&D. (…) Dans le cas où, en revanche, les entreprises ne peuvent s’approprier la rente parce que l’invention est un bien non-rival qui peut être utilisée sans coût par les concurrents, alors elles ont peu d’incitation à innover. L’innovation est un bien collectif, et c’est à l’Etat de la financer. Bien entendu, tout dépend de l’invention considérée. Certaines sont par essences non-rivales (une formule mathématique, une idée). D’autres sont par essence rivales (une machine outil)  ; certaines sont réplicables à coût faible (les créations intellectuelles, les logiciels) d’autres non (une nouvelle technologie nucléaire). Mais les bénéfices de l’innovation pour la société doivent aussi rentrer en ligne de compte, comme l’illustre l’exemple de la recherche sur les médicaments.

Source : Bénassy-Quéré p. 505

Document 7 : les limites de la protection des DPI, le cas de la vente de certains médicaments dans les pays pauvres

Les molécules issues de la recherche privée sont protégées par des brevets qui donnent à l’entreprise le droit exclusif de les produire et de les vendre durant une longue période, typiquement 20 ans. Mais leur prix élevé les rend inaccessibles aux patients des PVD. En Afrique du Sud, où le taux de prévalence du sida est particulièrement élevé (15% de la population des 15-25 ans selon l’OMS), il a été estimé que traiter tous les séropositifs coûterait 63 milliards de dollars soit 20% du PIB du pays. Les pays à bas revenus ont par conséquent demandé à pouvoir accorder des licences obligatoires permettant de produire les médicaments localement en dédommageant le propriétaire du brevet. L’accord ADPIC de l’OMC leur donne ce droit. (…)Les firmes indiennes exportent désormais des anti-rétroviraux génériques dans certains pays africains. (…) Les difficultés des discussions sur ce sujet à l’OMC illustre la difficulté de concilier incitation à innover et accès au plus grand nombre aux inventions existantes. La protection des droits de propriété intellectuelle demeure une condition sine qua non de l’investissement privé dans la recherche médicale.

Source : Bénassy-Quéré p. 505

Document 8 : faut-il breveter les logiciels ? la différence de position entre les Etats-Unis et l’EuropeLe débat sur la brevetabilité des logiciels illustre les questions soulevées par la protection de l’innovation. En l’absence de brevet, l’incitation est réduite par la possibilité de copier des lignes de code. Mais le brevet systématique décourage également l’innovation car le développeur doit commencer par acheter les brevets correspondant au code inclus dans son futur logiciel et aux algorithmes permettant de compiler ce code, et parce que la nature « pionnière » de l’innovation étant difficile à prouver, les éditeurs multiplient les demandes de brevets pour paralyser les concurrents. (…) Mais un logiciel est-il une invention ? En Europe, le logiciel est protégé par le droit d’auteur, mais n’est pas brevetable en tant que tel, contrairement aux Etats-Unis et au Japon.

Source : Bénassy-Quéré p. 504

Document 9 : la structure des marchés a un impact sur l’innovationLes marchés financiers allouent l’épargne là où elle est la plus productive, les marchés du travail assurent l’allocation de la main d’œuvre, et la concurrence sur les marchés des biens et des services détermine l’incitation à innover. (…) La capacité des marchés à assurer cette fonction de réallocation, qui contribue à la productivité globale des facteurs, a pris une importance dans l’évaluation de la performance économique.

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Les études empiriques mettent en évidence l’impact positif sur la croissance de l’élimination des rentes créées par une réglementation trop lourde et/ou des barrières à l’entrée sur les marchés. Nicoletti et Scarpetta (2005) ont ainsi construit des indicateurs synthétiques mesurant l’intensité de la réglementation des marchés pour les pays de l’OCDE. La valeur de ces indicateurs est très dispersée entre les pays, et cette dispersion explique en partie les écarts de taux de croissance de la PGF.

La concurrence est-elle une incitation ou un frein à l’innovation ? Dans les premiers modèles d’innovation « schumpéterienne » comme celui d’Aghion et Howitt (1992), la concurrence réduit la rente extraite des innovations et donc l’incitation à innover. Mais la concurrence favorise aussi l’apparition de nouveaux entrants, pour qui l’innovation est le seul moyen de contester les entreprises en place. Au total, ceci suggère l’existence d’une relation « en cloche » : trop de concurrence décourage l’innovation, pas assez de concurrence la tue. (…) Les secteurs au « coude à coude » sont ceux où aucune entreprise ne s’impose clairement face à ses concurrents, on voit que ces secteurs sont plus innovants quel que soit le degré de concurrence. Les procès engagés contre la société Microsoft, accusée d’empêcher par divers moyens ses concurrents de pénétrer sur le marché, ont illustré ce débat. Certains économistes ont considéré que Microsoft étouffait ses concurrents, d’autres, que la domination d’un acteur ne signifiait pas que le marché n’était pas contestable, et mis en avant le fait que les profits de Microsoft étaient réinvestis dans la R&D. la Commission européenne a tranché en faveur des premiers et Microsoft a perdu en appel en 2007. En d’autres termes, les autorités européennes considèrent que l’industrie du logiciel se trouve à gauche de la courbe en cloche. Au total, le rôle de la concurrence comme accélérateur ou comme frein à l’innovation est fortement débattu, notamment dans l’UE. des « champions technologiques » comme Airbus sont issus des programmes d’investissement publics dans un environnement monopolistique. Les adversaires de ce type de programmes citent, quant à eux, les échecs cuisant du passé, tels que le « plan calcul » lancé en 1966 par la Général De Gaulle. Le débat est particulièrement vif dans les industries de réseau qui ont été ouvertes à la concurrence, comme les télécommunications ou plus récemment l’énergie. Dans les premières phases de la libéralisation, il faut encourager l’entrée de nouveaux acteurs contestant l’ancien monopole public. Mais à mesure que la concurrence s’intensifie, il faut aussi veiller à préserver une incitation à investir et à innover, ce qui suppose un certain niveau de profitabilité. C’est aux autorités de la concurrence, aux autorités de régulation sectorielle (comme en France l’ARCEP, l’autorité de régulation des communications électroniques et de la poste) et la cas échéant aux tribunaux de veiller à cet équilibre subtil.

Source : Bénassy-Quéré p. 508

1.4 Agir sur l’accumulation du capital public

Document 10La collectivité peut considérer la production de certains biens et services comme indispensable au bien-être de la population. Cette production peut être justifiée pour des raisons tutélaires mais aussi sur des critères

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économiques de défaillances de marché. Elle peut également conduire la puissance publique a octroyer des monopoles à des entreprises privées qui doivent alors respecter des obligations de services publics. Les défaillances de marché ici évoquées concernent en priorité la nature économique de certains services qui conduisent à une sous-production par le marché. C’est notamment le cas des biens dits « collectifs ». Elle peut aussi s’appuyer sur l’existence d’externalités positives. Par exemple, le financement des infrastructures de transport est justifié par ces deux critères : biens collectifs et externalités positives.

Document 11 : le capital publicA quoi bon fabriquer des produits s’il n’y a pas de route pour aller les vendre au marché ? Le développement économique requiert des infrastructures adéquates : écoles, hôpitaux, chemin de fer, aéroports, barrages, réseaux d’électricité et de télécommunication, approvisionnement en eau, collecte et traitement des déchets. Ces infrastructures sont financées dans un premier temps par l’Etat ou par l’aide internationale et, au fur et à mesure que les pays s’enrichissent et perfectionnent leurs marchés financiers, par le secteur privé. L’investissement public en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et en Italie a reculé de 4% du PIB au début des années 1970 à 2% au début des années 2000, alors qu’il a augmenté en Irlande, en Grèce, en Espagne ou au Portugal. Mais même dans le cas d’un financement privé, une intervention publique est nécessaire :

Premièrement, de nombreuses infrastructures sont des monopoles naturels. Ceux-ci peuvent être possédés par des investisseurs privés mais l’Etat doit alors vérifier qu’ils ne s’approprient pas une fraction excessive de la rente de monopole (c’est le cas des sociétés d’autoroutes dont les péages sont réglementés), et peut parfois décider que leur accès doit être gratuit, par exemple pour certaines catégories de la population ;

Deuxièmement, ces infrastructures créent des externalités positives (gains de temps pour les ménages, abaissement du coût pour les entreprises, amélioration de la santé publique) ou négatives (congestion et pollution). ceci justifie selon les cas des subventions (pour compenser l’écart entre rendement public et rendement privé) ou au contraire des prélèvements (par exemple, pour dédommager les riverains victimes de dommages) ;

Troisièmement, les infrastructures ne peuvent souvent pas être financées par le marché. En effet, lever des fonds pour financer des projets d’infrastructures requiert l’existence d’un marché pour des prêts ou des obligations à très long terme, pour la couverture du risque d’inflation, et dans le cas des pays en développement, pour la couverture du risque-pays. Ces externalités justifient l’intervention publique, mais ne sont pas une excuse pour entreprendre des projets dont le taux de rentabilité socio-économique (ie, le rendement après prise en compte des effets externes) est négatif. Ainsi le rendement socio-économique du tunnel Lyon-Turin a été estimé à 3% soit moins que son coût de financement. La tendance dans les pays développés est de privilégier les investissements favorables à la diffusion et l’utilisation des TIC : téléphonie mobile, internet haut débit, réseau satellites … ces projets bénéficient de la présomption d’un rendement social marginal supérieur, puisqu’ils permettent le développement d’activités dans les secteurs qui concentrent les gains de productivité. Mais il n’existe pas d’étude empirique systématique de leur impact sur la PGF. Plus généralement, la justification politique des grands projets renvoie souvent au jeu des intérêts particuliers ou à des effets keynésiens attendus, souvent à tort, sur l’activité et sur l’emploi. Un exemple extrême est le Japon, où les projets d’infrastructure se sont multipliés dans les années 1990 sans impact notable sur le niveau d’activité.

Source : A.Benassy-Quéré, B.Coeuré, J.Pisani-Ferry et P.Jacquet, « Politique économique », De Boeck, 2010, p.506

Au final, on constate que vouloir stimuler la croissance potentielle implique une intervention des pouvoirs publics dont l’objectif est de modifier l’allocation des ressources sur le long terme : L’Etat créé les marchés : le marché des capitaux, le DPIL’Etat réglementer les marchés : supervision du système financier, politique de la concurrence, aides aux entreprises, fiscalité, production de services publics

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2 La mise en œuvre des politiques industrielles

2.1 Distinguer politiques verticales et politiques horizontales

Document 12 : agir pour améliorer la compétitivité des entreprises

Document 13 : ne pas confondre politique « industrielle » et politique « pour l’industrie »La politique industrielle désigne l’ensemble des actions conduites par les pouvoirs publics en vue d’assurer le développement et la compétitivité des entreprises. En ce sens, il ne faut pas confondre politique industrielle et politique favorable au développement du secteur secondaire, c’est-à-dire la production « industrielle » au sens strict (les usines et la production de biens manufacturés). En effet, il existe autant « d’industries » que d’activités économiques organisées, et la politique industrielle peut tout aussi bien se donner pour objectif de dynamiser « l’industrie bancaire » ou « l’industrie du tourisme ».

Source : Manuel ESH A.Colin, 2013, p. 618

Document 14 : distinguer deux grands types de politiques industrielles, les politiques « verticales » et les politiques « horizontales »

La politique industrielle s’est appuyée sur des instruments très divers selon le contexte historique, en fonction de la place dévolue respectivement au marché et à l’Etat. On peut distinguer deux types de politiques industrielles :

- celles fondées sur un « Etat volontariste » qui se substitue aux marchés, en organisant directement l’appareil productif et en favorisant le développement de certaines entreprises dans une logique « top down » où l’Etat décide et les entreprises appliquent ;

- les politiques industrielles plus incitatives, dans lesquelles l’Etat met en place un environnement favorable au développement industriel, mais laisse jouer la concurrence entre les firmes dans une logique « bottom up ».

Source : Manuel ESH A.Colin, 2013, p. 618

Document 15 : distinguer deux grands types de politiques industrielles, les politiques « verticales » et les politiques « horizontales »

On peut définir la politique industrielle comme l’ensemble des mesures étatiques (subventions, taxations, régulation des biens et des facteurs de production) qui modifient l’allocation des ressources obtenues par le libre fonctionnement du marché et qui visent à renforcer la croissance et la compétitivité de l’économie nationale. On distingue deux grands groupes de politique industrielle. Il y a la politique industrielle verticale ou sectorielle destinée à un secteur ou sous-secteur d’activité (biotechnologie, informatique) voire à une entreprise (IBM ou Aérospatiale). C’est celle qui domine largement au cours du 20ième siècle dans le cadre de la politique des champions nationaux. Elle est devenue moins ouvertement défendue par les Etats depuis les nombreux échecs des champions nationaux en Europe au cours des années 1970-1980, mais continue d’être appliquée de facto par certains Etats membres. L’autre type est la politique industrielle horizontale qui ne s’adresse pas à un secteur en particulier mais vise à accroître la compétitivité de toutes les entreprises sur le territoire national à travers la création de biens publics générateurs d’externalités positives pour les entreprises (meilleures infrastructures de transport, de communication, d’énergie, meilleure formation du capital humain, efforts à la recherche, simplification des procédures administratives, support technique à l’exportation). Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.246-279

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Politiques « industrielles » Améliorer la compétitivité des entreprises

Augmenter la production de richesse

2.2 Les politiques industrielles verticales (volontaristes) : une stratégie adoptée par les pays en rattrapage

2.2.1 Le cas de la France après la seconde guerre mondiale

Document 16 : le rattrapage des économies éloignées de la frontière technologiqueSelon l’expression de P.Aghion, les pays situés loin de la frontière technologique constituent des « économies de rattrapage » qui ont intérêt à placer l’Etat au centre d’un processus rapide de rattrapage des pays les plus développés. Ils peuvent en effet imiter les technologies disponibles et n’ont pas besoin d’investir massivement dans la recherche d’innovations. En revanche, l’Etat est indispensable pour orienter de façon volontariste les ressources vers les secteurs stratégiques. Dans le cas coréen, par exemple, les accords de partenariat avec les Etats-Unis après-guerre, soutenant un pays allié face au bloc socialiste, ont permis d’importants transferts de technologie vers la Corée, qui a développé rapidement son industrie lourde, et organisé des filières d’exportation. Les modalités d’une politique industrielle volontariste sont nombreuses, elles sont présentées ici à travers le cas français, après la seconde guerre mondiale, dans un contexte de rattrapage de l’économie américaine, qui se situe alors à la frontière technologique :

- la planification des activités économiques, qui consiste à répartir les investissements publics entre les différents secteurs d’activités durant une période donnée et à fixer des objectifs productifs à chacun. Elle est mise en œuvre à partir de 1947 en France (premier plan 1947-1952), et a permis la reconstruction de l’industrie lourde et énergétique, puis dans les années 1960, le développement d’un « colbertisme high tech » selon l’expression d’Elie Cohen, qui a consisté à imposer d’ambitieux programmes industriels fondés sur des activités de haute technologie (nucléaire, aéronautique et aérospatial …). Contrairement aux pays socialistes, la planification reste incitative dans l’économie française (les firmes privées ne sont pas obligées de se soumettre aux objectifs du plan) ;

- la nationalisation des firmes stratégiques a été également fortement pratiquée après la seconde guerre mondiale, de façon à remodeler l’appareil industriel en pilotant directement des industries ayant un rôle clé dans leur filière (Renault, création d’Edf et Gdf, transport aérien, …). Une deuxième grande vague de nationalisations a lieu en 1982, elle concerne en particulier les secteurs jugés stratégiques (les banques, Thomson pour la filière électricité …) ;

- les aides directes pour certaines firmes ou filières, afin de développer par exemple des secteurs d’avenir ou favoriser la reconversion de secteurs concurrencés par l’ouverture internationale. on parle de politique industrielle verticale car il s’agit d’aider un « champion national » dans une filière donnée, en comptant sur ses effets d’entraînement en amont et en aval. Cette politique s’est développée dans les années 1970 en France, dans les secteurs en déclin (textile, chantiers navals) comme dans les secteurs d’avenir (financement des grands projets comme le TGV par exemple).

Source : Manuel ESH A.Colin, 2013, p. 619

Document 17

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Situation de rattrapage Imitation des pays « en pointe »

Intervention Etat : Comment ? le cas Français

Planification : orienter l’investissement public dans des secteurs stratégiques (rôle des experts) ; « ardente obligation », « impératif industrielle » ; « réducteur d’incertitude »

Nationalisation : piloter directement certaines entreprises clés dans un secteur

Aides directes aux entreprises : favoriser le développement de « champions » ou la reconversion de secteurs en crise

Document 18  : Etat interventionniste et technocratie en France, le rôle de J.MonnetLa seconde guerre mondiale va amener une révolution de la réflexion sur les mécanismes de pensée collective. Le rejet de la bureaucratie lente et pléthorique en est un trait commun. Schématiquement, on peut dire que l’on assiste avec la seconde guerre mondiale à une transformation de l’idéal bureaucratique, transformation qui met en avant l’idée d’une technocratie scientifique fonctionnant par petits groupes d’experts, et favorise la délégation de pouvoirs au scientifique et à l’ingénieur plutôt qu’au fonctionnaire professionnel de l’appareil d’Etat. Cette évolution vers une technostructure qui utilise la société civile et évite les pesanteurs est moins une rupture qu’une évolution du schéma bureaucratique. C’est au fond l’épanouissement des idées positivistes (cf Auguste Comte « savoir pour prévoir, prévoir pour pouvoir ») qui souhaitaient appliquer au fonctionnement d’Etat les enseignements de la révolution industrielle ; en somme remplacer le notable par l’ingénieur. (…) Dans les années de reconstruction, c’est Jean Monnet qui personnifie la montée en puissance de la technocratie comme alternative à la bureaucratie. (…) A la tête du Commissariat général du Plan, soigneusement positionné hors des appareils ministériels, Monnet s’entoure d’une petite équipe d’ingénieurs venus du monde de l’entreprise et lance le système des commissions de modernisation, qui mettent au travail des groupes de représentants issus de chaque industrie. (…) C’est par opposition au principe de la planification centralisée par une bureaucratie pléthorique que Monnet constituait ses petits comités d’experts, de scientifiques et de praticiens de la société civile. L’Union européenne sera construite dans cet esprit de délégation à de petits groupes d’experts.

Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat bienveillant », Fayard, 2010, p.179-180

Document 19 : la planification française, une « ardente obligation » (De Gaulle)La planification indicative va accélérer le processus de « reconstruction et modernisation », nom du 1er plan (1947-1953), élaboré sous la houlette de Jean Monnet. Six secteurs prioritaires sont définis : transports intérieurs, charbon, électricité, sidérurgie, matériel agricole, matériaux de construction. Les entreprises publiques nationalisées jouent un rôle premier dans ce dispositif. Dans le cadre du Plan, des centaines d’experts sont envoyés aux Etats-Unis pour « des missions de productivité » et s’informer des méthodes de production américaines. Les quatre plans qui se succèdent ensuite de 1954 à 1970 achèvent la reconstruction, et le redressement de l’économie française pour mieux la préparer à la concurrence européenne et mondiale. Les années 1960 constituent l’âge d’or de la planification qui devient une « ardente obligation » (Charles de Gaulle), un instrument essentiel de l’économie concertée et impose « l’impératif industriel ». « Réducteur d’incertitude », le plan assure la cohérence des interventions publiques et met en place des dispositifs d’incitation destinés au secteur privé. De grands projets industriels sont mis en œuvre comme le Plan calcul en 1966, la création d’un complexe sidérurgique à Fos sur Mer en 1967, les grands programmes aéronautiques (programme Caravelle à la fin des années 1960), puis Concorde et Airbus (plus tard), le programme nucléaire, … Ce «  colbertisme high tech », selon E.Cohen, s’accompagne d’un encouragement à la concentration des groupes industriels français et des groupes bancaires afin de constituer des « champions nationaux ». (…) La France n’est pas le seul pays à se caractériser par un volontarisme industriel. En Grande-Bretagne, les entreprises nationalisées jouent un rôle déterminant dans le modèle économique anglais qui prendra fin avec M.Thatcher. un dispositif proche de la planification indicative est mis en place aux Pays-Bas. Au Japon, le ministère de l’industrie, le MITI (Ministry of Economy, Trade and Industry) organise une politique volontariste de conquête des marchés extérieurs et une politique de fermeture réglementaire financière et commerciale du marché intérieur.

Source : Dictionnaire de science économique, A.Colin, p. 348

Document 20 : les 70 ans du Plan en 2016Quelques rappels historiques : http://www.strategie.gouv.fr/travaux/1946-2016-plan-france-strategie

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Document 21 : l’interventionnisme public modifie l’allocation des ressourcesL’Etat volontariste : le cas français après la seconde guerre mondiale

Définition Effets attendus

La planification L’Etat définit pour les entreprises du secteur public et privé des objectifs de production et y affectent des investissements ;Le Plan est un « réducteur d’incertitudes » ;La planification, « une ardente obligation »

L’Etat définit les axes de l’allocation des ressources sur une période donnée (par exemple, au lendemain de la seconde guerre mondiale, les secteurs du transport et de l’énergie, puis plus tard dans les années 1960 les secteurs du nucléaire et de l’informatique)

Les nationalisations L’Etat détient le contrôle de certaines entreprises ;

L’Etat devient un acteur économique dans des secteurs qu’il estime stratégiques (aéronautique, automobile) et dans des « services publics » (énergie, transport, télécommunication, médias)

Les aides directes aux entreprises privées

L’Etat vient en aide aux industries en crise et aux industries en développement ;

Contrôler la transformation des secteurs productifs et stimuler les secteurs d’avenir ;

En résumé ; Approche « colbertiste » de la politique industrielle ; (Colbert, contrôle général des finances de Louis XIV crée des manufactures royales, tout comme d’ailleurs B.de Laffemas) ;

Stratégie des champions nationaux ;

Influence de J.Monnet : la planification « à la française » est une planification de technocrates, d’experts plus que de fonctionnaires (moins une planification « politique » qu’une planification « technique ») ;

Logique de rattrapage : la France envoie des experts aux Etats-Unis pour des « missions de productivité » ; les technologies militaires développées durant la guerre sont reproduites pour des biens civils à grande échelle (la radio ; le transport aérien ; le nucléaire civil …)

2.2.2 D’autres exemples de politiques industrielles verticales dans des pays en rattrapage : du décollage du Japon à la Chine contemporaine

Document 22 : Les stratégies d’industries industrialisantesCes stratégies d’industries industrialisantes s’inspirent du modèle socialiste de développement mis en œuvre dans les années 30. Il s’agit de favoriser, par une politique étatique volontariste utilisant les moyens de planification centralisée, les activités économiques situées en amont des filières de production. L’industrie lourde, les industries de biens d’équipement, sont les priorités de l’Etat et des entreprises publiques. On recherche ainsi un effet d’entraînement permettant, dans un second temps, de développer les industries de biens de consommation et d’agriculture. A la suite de l’Union soviétique, et des premiers plans quinquennaux mis en place sous Staline, l’Inde et la Chine mettent en œuvre ce type de politique dès la fin des années 1940. Plus tard, l’Algérie définit une politique fortement inspirée de ces exemples. Dès 1967, la planification algérienne repose sur une priorité absolue accordée aux secteurs des hydrocarbures et de la sidérurgie qui reçoivent la moitié des investissements industriels, celui-ci représentant près de 60% de l’investissement total (…). Les résultats sont incontestables puisque la croissance industrielle a été supérieure à 10% par an dans les années 1960, et de près de 8% par an dans les années 1970. La part de l’industrie dans le PIB passe du tiers à la moitié en vingt ans. Les bases industrielles de l’Algérie sont donc incontestables grâce à cette politique.

Source : Jean-Marc Huart « Croissance et développement », Bréal, coll. Thèmes et débats, 2003

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Document 23 : les stratégies d’industrialisation par substitution d’importations (ISI)Ces politiques consistent à remplacer les importations, notamment de produits manufacturés, par des productions locales, à l’abri de barrières douanières importantes. Trois étapes caractérisent cette politique :

- on commence par produire des biens de consommation non durable (alimentaires ou textiles) en protégeant ces activités par des droits de douanes élevés ou des barrières quantitatives ;

- on élabore ensuite une stratégie de remontée de filière en cherchant à produire les biens situés en amont des filières de production ;

- enfin, l’industrialisation doit permettre des exportations. Ces stratégies de substitution d’importations ont été adoptées dans l’entre-deux-guerres en Amérique latine et dans les années 1950 en Asie du Sud-Est.

Source : Jean-Marc Huart « Croissance et développement », Bréal, coll. Thèmes et débats, 2003

Document 24 : l’exemple du Brésil « 50 ans d'industrialisation en 5 ans » (Gvt Kubitschek)L'industrialisation par voie substitutive d'importation qui marque pendant plus d’une trentaine d’années l'économie du Brésil, peut être appréhendée selon deux phases.- La première phase concerne la substitution d’importations légères. Cette étape qui nécessite peu de capital et de main-d’œuvre qualifiée est d'autant plus aisée à franchir qu’elle s’appuie sur des capacités industrielles et des infrastructures préexistantes, générées par l’économie exportatrice. [...]- La deuxième phase de la substitution aux importations concerne des secteurs plus lourds (cimenterie, acier commun, chimie, biens d'équipement pour les industries textiles, métallurgie.. ) pour toucher plus tardivement d'autres secteurs plus complexes (équipement industriel, construction navale, matériel électrique, aciers spéciaux, pétrochimie...) et des biens de consommation durables (appareils ménagers, automobiles, radio, télévision...) ce qui nécessite plus de capital et une main d’œuvre mieux formée, plus différenciée. [...] L'Etat définit le cadre juridique de l'industrialisation (institution du Code minier en 1934 du Conseil national du pétrole en 1938..) ; il crée un Institut national de statistique, un Conseil fédéral du commerce extérieur ouvrant la voie à une ébauche de planification ; il poursuit également l'effort pour les infrastructures et met en place une législation sociale relativement avancée. Il intervient aussi directement dans la production quand il crée (en 1941) l'usine de Volta Redonda (Compagnie sidérurgique nationale) après que des grandes sociétés sidérurgiques étrangères eurent refusé de construire une aciérie. D'autres mesures [...] comme la création de la Banque Nationale de Développement économique (1952), de Pétrobas (1954) augmentent les instruments de l'Etat qui élargit par ailleurs ses interventions en faveur d'une diversification industrielle. C'est cependant le Plan Metas du gouvernement Kubitschek (1955-1961) qui donne l'impulsion décisive à la substitution d'importations lourdes dans le cadre d'une stratégie délibérée d'industrialisation intense symbolisée par le mot d'ordre : « 50 ans d'industrialisation en 5 ans ». [...]. Sur la période 1955-1961, l'économie croît de 8,1% par an tandis que la part de l'industrie dans le PIB passe de 21,9% en 1949 à 30,5% en 1960.

Source : A. Merad-Boudia, « Economie du développement Une perspective historique », L’Harmattan, 2012

Document 25 : politique industrielle visant à développer l’offre intérieure

Document 26 : les stratégies de développement fondées sur les marchés extérieurs, le rôle des politiques commerciales protectionnistes

Au 19ième siècle, le développement des pays occidentaux s’est déroulé dans un cadre d’essor des échanges internationaux. De manière logique, les pays du tiers-monde ont cherché à mettre en valeur leurs avantages afin de favoriser l’entrée des capitaux permettant le développement. Deux types de politiques ont été menées :

- la première politique vise à la promotion d’exportations de produits primaires agricoles ou miniers ; les pays cherchent, dans ce cas, à profiter de l’avantage qu’ils ont dans ce type de production ou des dotations importantes qu’ils détiennent. La spécialisation dans les exportations de produits pétroliers, dans les années 1970, en est un premier exemple, mais des pays d’Amérique latine ou africains (Côte d’ivoire, Sénégal …) ont adopté ce type de stratégie depuis les années 1960. Ces spécialisations,

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Industrie industrialisante : les investissements dans l’industrie lourde doivent générer des effets d’entraînement de l’amont vers l’aval

Substitutions aux importations : orienter la demande vers des producteurs locaux pour stimuler l’offre

généralement fondées sur un seul produit de base, se sont soldées par un bilan très mitigé  : la mono-exportation rend les ressources du pays très liées aux fluctuations internationales des prix. Les tentatives des cartels ont généralement échoué, sauf dans le cas de l’OPEP ;

- fondée sur la substitution d’exportations, la stratégie de valorisation des exportations de produits primaires consiste à transformer les produits primaires dans le pays pour valoriser les exportations. Le Brésil, l’Argentine, le Mexique, l’Egypte ont adopté cette politique à partir du milieu des années 1960. Les pays d’Asie du Sud-Est ont progressivement adopté cette stratégie, l’objectif étant, comme en Thaïlande ou en Corée du sud, de remplacer les exportations de produits primaires par des exportations de produits manufacturés. La Corée adopte, dès 1961, une stratégie extravertie fondée sur l’exportation de biens courants, comme le textile. Mais cette politique se double d’une stratégie de remontée de filière qui permet une industrialisation et des exportations de produits de plus en plus sophistiqués. L’aide de l’Etat, notamment des mesures protectionnistes, est essentielle. Une nouvelle vague d’industrialisation touche d’autres pays d’Asie dans les années 1980 (Malaisie, Philippines, Indonésie, Chine, Inde …). Ces pays réussissent progressivement à exporter des produits de plus en plus sophistiqués, en se fondant sur les avantages comparatifs liés au coût du travail.

Source : Jean-Marc Huart « Croissance et développement », Bréal, coll. Thèmes et débats, 2003

Document 27 : les politiques industrielles visant à stimuler les exportations

Document 28 : soutenir les producteurs nationaux, deux stratégies possibles

Document 29 : les NPI d’Asie Le rattrapage de l’Asie a été préparé par l’histoire longue de ce continent ainsi que par la période socialiste récente. La Chine et l’Inde ont été précédées par des chevau-légers qu’on a appelés les « nouveaux pays industrialisés » (NPI) et naturellement par le Japon qui avait débuté son rattrapage dans la deuxième moitié du 19ième siècle. Dans les années 1960-1970, le Japon est l’exemple même d’une croissance social-démocrate autocentrée de rattrapage extrêmement rapide. Peu d’investissements directs étrangers, un développement tiré en premier lieu par la croissance d’un marché intérieur très homogène : jusque dans les années 1980, 90% des japonais se disent appartenir à la classe moyenne. Le taux d’équipement des ménages en biens de consommation durable, pilier de la croissance fordiste, évolue très rapidement par vagues successives. D’une très forte compétition sur le marché intérieur émergent des champions nationaux, en général deux ou trois par secteurs. Ces champions font partie de grands groupes très diversifiés rassemblant des firmes industrielles, des maisons de commerce et des banques : les Keiretsu, héritiers des Zaibastu d’avant-guerre. Les Kereitsu entretiennent des rapports étroits et permanents avec l’Etat, en particulier avec le fameux MITI, ministère de l’industrie et du commerce extérieur. L’Etat les préserve de la concurrence extérieure par un protectionnisme délibéré et multiforme (…). Durant cette phase social-démocrate autocentrée, la croissance japonaise est très égalitaire. Dans les années 1980, le relais est pris par les exportations, puis par les investissements directs des firmes japonaises à l’étranger, aux Etats-Unis mais surtout en Asie, ce qui les place au sommet d’un système de production asiatique, et qui va leur faire jouer un rôle important dans l’industrialisation du reste de l’Asie, Chine comprise. Le rattrapage de la Corée suit celui du Japon d’après-guerre avec un décalage d’une quinzaine d’années, dans le cadre d’un capitalisme qui présente avec celui du Japon des années 1960 à 1980 d’importantes similitudes :

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Exportations de produits primaires Exportations de produits transformés avec remontée de filière (produits de plus en plus sophistiqués)

Développer le marché intérieur : développement auto-centré

Développer les exportations : insertion dans le commerce mondial

faiblesse des investissements directs à l’étranger, homogénéité sociale et inégalité sociale réduite, rôle décisif de l’Etat et collusion entre l’Etat et de grandes firmes industrielles : les Chaebols. Les traits distinctifs sont : une aide extérieure américaine, liée à la guerre de Corée et à ses suites, probablement plus importante dans la phase initiale ; une croissance plus nettement tirée par les exportations dès le départ ; une compétition politique avec le Nord socialiste ; enfin, une revanche à prendre vis-à-vis du Japon, la puissance colonisatrice honnie (…). Comme la Corée, et en raison de son caractère plus tardif, le rattrapage de Taiwan et Singapour s’appuie plus que celui du Japon sur les exportations ne serait-ce qu’en raison de l’étroitesse des marchés intérieurs.

Source : P.N.Giraud « La mondialisation. Emergences et fragmentations », Editions Sciences humaines, 2012, p.71-73

Document 30 : le cas du Japon et des autres pays asiatiques

Document 31: la promotion des exportations comme stratégie d’émergence, les NPI d’AsieLa stratégie d’insertion dans l’économie mondiale adoptée par les quatre dragons (Corée du Sud, Taiwan, Singapour, Hong-Kong) suit assez fidèlement celle du Japon, qui garde une à deux décennies d’avance tout au long du processus. On peut distinguer trois grandes phases dans la période qui couvre l’après-guerre jusqu’aux années 1990. La première phase (phase de stabilisation institutionnelle – 1945/1960) consiste à mettre en place les conditions politiques et institutionnelles d’une stabilisation de l’économie et de la société de ces pays : établissement d’un pouvoir politique stable, réduction du niveau de tension dans la société, réforme agraire, mise en place d’un cadre juridique cohérent. La seconde phase (l’amorçage de l’industrialisation par la sous-traitance internationale – 1955/1970). La puissance publique joue un rôle déterminant dans la planification et le financement du développement industriel. (…) Tout en menant une politique active de modernisation de leur tissu productif national, les futurs dragons se positionnent comme bases de sous-traitance pour l’industrie textile des pays avancés. (…) Le coût de la main d’œuvre est maintenu à un niveau très modeste : en 1984, il représente encore 17% (Corée du sud) des niveaux constatés en France. (…) A la fin de cette période, les dragons restent caractérisés par un niveau de vie encore relativement faible (particulièrement en Corée du sud, dont le PIB/Tête reste inférieur à celui de Corée du nord jusqu’en 1966), et une part modeste de l’emploi manufacturier (7% en Corée du Sud, 12% à Taiwan mais 32% à Hong Kong). Abandonnant explicitement les politiques de substitution aux importations au tournant des années 1960, les autorités décident de pratiquer une politique agressive de promotion des exportations, qui combine incitations

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Années 1960/1970Importance du développement du marché intérieur Demande intérieure dynamique et protégéLogique de conglomérat (Kereitsu)Peu d’IDE entrants

Années 1970/1980Importance du développement du marché extérieur : exportations et appui du MITIDemande extérieure dynamique Champions nationaux « Japonais »Davantage d’IDE entrants Monnaie faible

Corée du Sud : à partir années 1960Transferts de technologie et d’investissement US plus importants Importance des conglomérats (Chaebols)Rôle des exportations Remontée de filière par imitation technologie leader

Autres « dragons » : Taiwan, Singapour Marché intérieur petite taille Nécessité développement par exportation Rôle de la diaspora chinoise

fiscales, subventions aux exportations, et sous-évaluation de la monnaie nationale. On rentre alors dans la troisième phase, celle de diversification industrielle et de montée en gamme des exportations (1965/1990). (…) Le rôle structurant de l’Etat en Corée du sud est illustré (…) par la création de grands conglomérats nationaux capables de se porter directement sur les marchés mondiaux (les Chaebols). (…) L’effort d’investissement consenti pour moderniser l’économie est considérable : le taux d’accumulation représente 40% du Pib à Taiwan et Singapour.(…) Pour maintenir la compétitivité prix de leur économie, les autorités monétaires adoptent une gestion dynamique de leur taux de change, qui reste sous-évalué malgré son appréciation progressive, ce qui permet de protéger le secteur domestique de la concurrence internationale et de maintenir l’attractivité de l’économie pour les investisseurs étrangers.

Source : Julien Vercueil « Les pays émergents. Mutations économiques et nouveaux défis », Bréal

Document 32Les autres exemples historiques de politique industrielle volontariste

Le Japon / La Corée du Sud L’Algérie Le Brésil

Stratégies de développement

1950-1960 : substitution des importations et développement d’industrie à faible valeur ajoutée ; protectionnisme des secteurs en développement ; les marchés intérieurs sont concurrentiels mais protégés des étrangers ; quelques firmes leaders ressortent de cette concurrence, elles appartiennent aux Kereitsu ou au Chaebols (relation étroite entre banques, entreprises et Etat) ;à partir 1960 : remontée de filières et soutien aux exportations : au Japon, le Miti apporte son aide financière et logistique aux exportateurs ;

Années 1970Planification et développement de l’industrie lourde ; logique des industries industrialisantes ;

Substitution aux importations, développement industrie (lourde/équipement et consommation courante) et planification Plan Kubitschek à la fin des années 1960: « 50 ans d'industrialisation en 5 ans »

Rôle de l’Etat dans les pays « late comers »: A.Gerschenkron

L’Etat joue un rôle important dans les pays en retard car il permet une accumulation du capital plus importante que ne le feraient les initiatives privées, et il protège les industries naissantes ; Le rattrapage de ces économies vient donc de l’impulsion fournie par la puissance publique, mais aussi par les conditions d’imitation à moindre coût des technologies développées par les pays leaders ;

2.2.3 Les limites des politiques industrielles verticales

2.2.3.1 Interventionnisme public et défaillances de l’Etat

Document 33 : les défaillances de l’Etat(Les politiques verticales) supposent que l’Etat soit un agent à la fois bienveillant, impartial et efficace en fixant ses priorités industrielles, ce qui peut être contesté. Les entreprises protégées par un monopole, des réglementations favorables ou des aides directes ont tout intérêt à conserver les rentes de situation qui en découlent, elles peuvent dans ce but corrompre les agents publics, s’organiser en groupe de pression pour détourner les subventions et les réglementations à leur profit, et leur petit nombre facilite leur travail de lobbying face à l’éparpillement des clients. (…) L’échec du « Plan Calcul »,

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lancé en 1966 pour entraîner la formation d’une industrie informatique française autour de la société Bull est le symbole de cette difficulté à mener jusqu’au bout des choix innovants de façon volontariste.

Source : Manuel ESH A.Colin, 2013, p. 619

Document 34: les défaillances de l’EtatLes limites et effets pervers d’un Etat volontariste en matière de politique industrielle

Explications Exemples

L’intervention de l’Etat ne se fait pas dans le sens de l’intérêt général 

Situation de « capture du régulateur » ; poids des lobbys qui orientent la dépense et les investissements publics à leur profit plutôt que dans l’intérêt général ;

Lobby du nucléaire contre le développement des énergies alternatives (France) ;

L’Etat est lui-même victime d’asymétrie d’information dans la gestion des entreprises publiques : conséquence, sa gestion est défaillante

Bien qu’actionnaire, l’Etat peut être piégé par les dirigeants des entreprises publiques et s’avérer un mauvais gestionnaire ;

Le crédit Lyonnais (alors banque publique) est au bord de la faillite (1993) – intervention pour éviter la faillite (coût net environ 8 milliards d’euros)Areva et le scandale des mines d’uranium

2.2.3.2 Des institutions uniquement efficaces dans un contexte de rattrapage

Document 35:

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Situation de rattrapage

Les entreprises rattrapent leur retard technologique en bénéficiant d’une demande

intérieure dynamique et de politiques conjoncturelles contra-cycliques

Contexte institutionnel :Protection du marché intérieurPeu de concurrence intérieure

Soutien aux entreprises « stratégiques » ;Peu de flexibilité sur le marché de l’emploi

Dans les pays « imitateurs », les entreprises protégées par les barrières et soutenues par les pouvoirs publics ne sont plus compétitives et la concurrence a tendance à les éliminer

Ouverture croissante des économies / nouvelle mondialisation

Nécessité de changer de cadre institutionnel pour pousser à l’innovation (radicale) plutôt qu’à l’imitation

Document 36 : les économies qui arrivent à la frontière de production ne peuvent plus être compétitives par l’imitation des technologies les plus avancées

Pendant la période faste des Trente Glorieuses (…) la croissance des pays européens a reposé essentiellement sur le « rattrapage », c’est-à-dire sur la reconstitution du stock de capital et sur l’imitation technologique. L’organisation économique était dominée par les activités des grandes entreprises, soit publiques, soit fortement subventionnées par l’Etat, avec relativement peu d’ouverture au commerce extérieur, peu de concurrence sur les marchés de biens et services, et peu de flexibilité sur le marché de l’emploi. Dans ce contexte, pour assurer le plein emploi et le bien-être social, l’Etat disposait de trois leviers d’intervention. En premier lieu, un secteur public étendu donnait à l’Etat la possibilité d’orienter la politique industrielle. Ensuite, les politiques « keynésiennes » lui permettaient de gérer le cycle macroéconomique ; dans le cadre d’une économie relativement fermée, on pouvait en effet impulser l’activité économique en augmentant la dépense publique, sans craindre que cela ne profite à un pays voisin. Enfin, l’Etat-providence permettait à l’Etat de régler les problèmes sociaux résiduels à coups de subventions et de revenus de substitution, (protection sociale, allocations familiales …). Depuis les années 1980, ce modèle a cessé de fonctionner. Nous sommes entrés dans une ère où la croissance des pays développés est tirée non plus par l’imitation technologique mais par l’innovation. En effet, la mondialisation nous met directement en concurrence avec d’autres pays « imitateurs », mais qui disposent d’une main d’œuvre moins coûteuse ; la seule façon de survivre à cette concurrence est d’être parmi ceux qui inventent les nouveaux procédés ou produits, autrement dit qui innovent à la frontière technologique. Dans une économie désormais ouverte et tournée vers l’innovation, de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois sont créés en permanence, tandis que d’autres sont détruits ; d’où l’importance, pour l’Etat, non pas tant de contrôler directement les entreprises, mais de les réguler. De même, dans une économie mondialisée, la gestion macroéconomique par la demande perd de son efficacité, car relancer la dépense publique peut se traduire par un creusement du déficit commercial, et non par une reprise de l’activité. La France en a fait l’amer expérience entre 1981 et 1983, lorsque la relance de la consommation a profité essentiellement à nos partenaires, en stimulant davantage les importations que la production nationale. Enfin, l’ Etat providence théorisé par Beveridge dans les années 1940 est entré en crise : il ne s’agi plus seulement maintenant de protéger, mais d’accompagner les individus dans un parcours professionnel plus mobile que par le passé, où l’on change plus fréquemment d’emploi ou de métier. Ce modèle « keynésien » ayant vécu, il est nécessaire de relever, avec d’autres outils, d’autres perspectives, les défis imposés par la mondialisation des échanges et le passage à une économie de l’innovation. Dès lors, deux choix sont possibles : soit, comme le proposent les néolibéraux, réduire le rôle de l’Etat ; soit, renforcer les prérogatives de l’Etat en redéfinissant son rôle. C’est cette dernière approche que nous défendons. Source : P.Aghion et A.Roulet « Repenser l’Etat. Pour une social-démocratie de l’innovation », La république des idées, 2011, p. 9

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Document 37Les limites et effets pervers d’un Etat volontariste en matière de politique industrielle

Explications Exemples

L’intervention de l’Etat ne se fait pas dans le sens de l’intérêt général 

Situation de « capture du régulateur » ; poids des lobbys qui orientent la dépense et les investissements publics à leur profit plutôt que dans l’intérêt général ;

Lobby du nucléaire contre le développement des énergies alternatives (France) ;

L’Etat est lui-même victime d’asymétrie d’information dans la gestion des entreprises publiques : conséquence, sa gestion est défaillante

Bien qu’actionnaire, l’Etat peut être piégé par les dirigeants des entreprises publiques et s’avérer un mauvais gestionnaire ;

Le crédit Lyonnais (alors banque publique) est au bord de la faillite (1993) – intervention pour éviter la faillite (coût net environ 8 milliards d’euros)Le scandale Aréva et les mines d’uranium

L’approche volontariste (dite approche « top down ») ne fonctionne plus à l’approche de la frontière technologique

Dans les économies en rattrapage, l’Etat protège les industries naissantes à la fois de la concurrence intérieure (monopole public) et de la concurrence extérieure (protectionnisme) pour en faire des champions nationaux. Dans ce cas de figure, augmenter la concurrence a un double désavantage : la concurrence interne empêche la capacité à générer des économies d’échelle et donc à faire baisser les CUP. Augmenter la concurrence externe conduit les entreprises nationales « en retard » à disparaître face aux concurrents des pays leaders. Par contre, lorsque l’économie est à la frontière technologique, l’innovation ne vient pas des firmes « installées » (les champions nationaux) mais de « newcomers » qui cherchent à obtenir à leur tour une position de leader sur le marché. Dans ce cas, plus la concurrence est forte plus cela stimule les innovations entre les entreprises privées. Conclusion : lorsqu’une économie a rattrapé son retard (qu’elle se trouve à la frontière technologique), elle doit modifier le degré de concurrence sur les marchés (davantage de concurrence) et limiter l’intervention publique, afin de favoriser la concurrence entre une multitude d’entreprises privées.

Echec des politiques verticales ; par exemple, dans le domaine informatique qui se développe à partir des années 1960, la France élabore deux plans pour devenir un pays leader, mais qui seront deux échecs : Le Plan calcul (lancé en 1966) : son objectif est d’assurer l’indépendance de la France en matière de gros ordinateurs et de soutenir l’industrie électronique française ;Le Plan informatique pour tous (lancé en 1985) pour initié tous les élèves à l’informatique ; l’Etat choisit d’acheter des ordinateurs Thomson – qui est alors en situation financière difficile - plutôt qu’Apple ;

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Document 38 : distinguer les moteurs de l’innovation dans les pays en rattrapage et dans les pays à la frontière technologique

Des travaux récents le montrent : les leviers d’une croissance basée sur l’innovation sont différents de ceux d’une croissance fondée sur l’imitation ou le rattrapage technologique. Tout d’abord, l’innovation de pointe (ou d’innovation à « la frontière technologique ») a besoin d’un marché des biens concurrentiels, et cela pour deux raisons essentielles :

- d’une part, parce que davantage de concurrence incite à l’innovation pour justement échapper à la concurrence et réaliser des profits de monopole (au moins temporairement, jusqu’à ce que l’innovation soit rendue obsolète par de nouvelles innovations) ;

- d’autre parce, parce que les nouvelles idées sont souvent introduites par de nouveaux entrants sur le marché des biens, tandis que les firmes en place tendent à perfectionner les produits ou les technologies qu’elles ont inventé dans le passée. Ainsi, ce ne sont pas les grands producteurs d’avions à hélices qui ont introduit les avions à réaction, tout comme ce n’est pas IBM qui a le premier introduit les ordinateurs portables. Et, de fait, les travaux empiriques montrent que plus la croissance d’une économie repose sur l’innovation « frontière », plus cette croissance est stimulée par davantage de concurrence et de mobilité sur le marché des biens.

Le graphique suivant montre bien qu’une augmentation du niveau de la concurrence (ici, cela correspond à un taux d’entrée plus élevé des firmes étrangères) a un impact positif sur la croissance de la productivité (autrement dit sur l’innovation) pour les firmes qui sont proches de la frontière technologique. A l’inverse, cette même augmentation du niveau de concurrence a un effet négatif sur la croissance de la productivité pour les firmes qui sont loin derrière la frontière technologique. Dans le premier cas, plus de concurrence incite les firmes à innover davantage pour survivre, alors que dans le second cas, cela a l’effet inverse pour les firmes qui sont loin de la frontière technologique/ ces dernières savent qu’elles n’ont aucune chance face aux nouveaux entrants sur le marché des biens. Et plus l’économie est proche de la frontière technologique, plus est composée de firmes innovantes plutôt que de firmes installées, et par conséquent l’effet global de la concurrence sur l’innovation sera plus largement positif dans cette économie.

Source : P.Aghion, G.Cette et E.Cohen « Changer de modèle », O.Jacob, 2014, p.97

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Document 39 : l’efficacité des institutions dépend de la distance à la frontière technologique

2.3 L’essor des politiques industrielles « horizontales » : une place plus grande laissée à la régulation marchande

2.3.1 Dans le cadre européen, la politique industrielle se réduit à la politique de la concurrence

Document 40 : le marché unique doit permettre l’émergence de « champions européens »La méthode, suivie en Europe par la Commission européenne depuis les années 1980, a conduit à rapprocher politique industrielle et politique de la concurrence, et en particulier à favoriser l’ouverture à la concurrence des grands marchés européens de monopoles publics (énergie, transport, télécommunication), et la restriction progressive des aides à l’industrie allouées par les Etats. Le principe général est de permettre la constitution d’entreprises compétitives à l’échelle mondiale, en favorisant la concurrence au sein de l’UE pour sélectionner ainsi les firmes leaders de taille continentale, plutôt que de laisser chaque Etat protéger son « champion national » à l’abri de son marché intérieur. Cette stratégie est donc basée sur la recherche d’économie d’échelle au niveau européen, sur des marchés oligopolistiques où la taille est primordiale. Cela a entraîné une vaste réorganisation industrielle à l’échelle continentale, avec la concentration d’un certain nombre d’industries (automobile) et une redéfinition des relations industrielles au sein de l’UE (l’Allemagne et son réseau de filiales et de sous-traitants en Europe centrale).

Source : Manuel ESH A.Colin, 2013, p. 620

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Faire augmenter la PGF

Soutenir, protéger et aider les grandes firmes stratégiques, accumulation du capital et imitation : importance des entreprises déjà installées

Stimuler la concurrence pour faire apparaître des innovations de rupture : importance des newcomers

Institutions efficaces pour des pays avec une ouverture extérieure faible : les entreprises sont faiblement concurrencées par celles des pays situés à la frontière technologique

Institutions efficaces pour des pays avec une ouverture extérieure forte : les entreprises sont fortement concurrencées par celles des pays à la frontière technologique

Quelle stratégie pour les pays en rattrapage, pour conserver une compétitivité en économie ouverte ?

Conserver les institutions « de rattrapage » mais posséder une compétitivité prix élevée grâce à CUP faible

Changer d’institutions pour ne plus être dans une logique d’imitation

Document 61 : le développement de la politique européenne de la concurrence à partir des années 1980A l’origine, au niveau européen, le Traité de Rome ne fait aucune référence à la politique industrielle. Les institutions supranationales mises en place en 1958 ne disposent pas des mêmes compétences prévues par la CECA en matière de rationalisation des capacités de production. La doctrine sous-jacente au Traité de Rome est beaucoup plus libérale que celle de la CECA et rejette le principe qu’une intervention étatique planifiée puisse favoriser le développement de l’industrie. En ce sens, elle est beaucoup plus proche de l’ordo-libéralisme allemande que de la tradition colbertiste française. Il n’existe donc pas de compétences explicites supranationales relatives à la politique industrielle au cours des premières décennies du Marché Commun. Au cours des années 1960, la Commission considère la politique industrielle comme un frein à la concurrence intracommunautaire. En effet, les politiques industrielles de soutien aux champions nationaux poursuivies par plusieurs Etats membres maintiennent un haut degré de fragmentation du Marché commun. Dès la fin des années 1960, la pénétration des multinationales américaines en Europe et leur domination dans les nouvelles technologies comme l’informatique ou les avions met en évidence l’insuffisance des moyens financiers des firmes nationales des différentes Etats membres. A cette époque, la Commission commence à envisager de substituer une politique industrielle communautaire à ces politiques industrielles nationales. Cette politique industrielle prend essentiellement une forme horizontale. Elle envisage également de créer des normes techniques européennes pour stimuler la concurrence intracommunautaire, mais qui érigeraient des barrières techniques au commerce face aux concurrents extracommunautaires. Elle propose également de créer le statut européen des sociétés. Ce développement du droit commercial européen devrait favoriser les fusions et l’émergence de champions européens. En 1970, le rapport Colonna de la Commission européenne insiste sur la nécessité de créer une politique industrielle véritablement européenne dans le secteur de la haute technologie. Au cours des années 1970, la Commission essayera vainement de faire émerger un champion européen dans l’informatique. Ces initiatives visant à développer des politiques industrielles européennes restent pour la plupart lettre morte, car elles se heurtent aux logiques protectionnistes des Etats membres qui poursuivent leurs politiques de champions nationaux. C’est au cours des années 1980 que la stratégie des champions nationaux est remise en cause par l’intensification de la crise et de la concurrence internationale ainsi que par le passage à la production différenciée postfordiste par des grandes multinationales européennes. L’accroissement des coûts de R&D dans les nouvelles technologies qui se développent au cours des années 1980 et les moyens des politiques industrielles nippones et américaines soulignent les limites des politiques industrielles nationales poursuivies par les Etats membres et renforcent les partisans d’une politique industrielle européenne commune. En effet, l’Administration Reagan augmente les dépenses publiques en R&D (…) au moment où se forment des futurs géants des NTIC comme Microsoft et Intel. (…) Lorsque le gouvernement Mitterrand fait face à une détérioration grave de sa balance courante, il décide d’abandonner sa politique de relance et de soutien aux champions nationaux. (…) Soutenu par de nombreux chefs d’industrie français, Mitterrand essaye de proposer au niveau européen des politiques industrielles verticales dotées d’importants financements publics. (…) Ce projet se heurte aux positions allemande et britannique qui restent opposées aux politiques industrielles verticales et qui préfèrent soutenir une politique industrielle horizontale et un renforcement de la politique de la concurrence au niveau européen. La politique européenne va donc rester essentiellement horizontale avec quelques exceptions. Pour combler le retard européen dans les nouvelles technologies, la Commission propose, au début des années 1980, la création de programmes de recherche européens, mais ceux-ci resteront caractérisés par une gestion intergouvernementale avec quelques rares éléments de supranationalité européenne.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.246-279

Document 41 : « l’objectif même de la politique industrielle est de permettre à la concurrence de jouer » ; Commission européenne, 1990

En 1990, sous l’impulsion du Commissaire allemand (…), la Commission a élaboré une communication intitulée « la politique industrielle dans un environnement ouvert et concurrentiel » qui prône officiellement une politique industrielle horizontale. Le Commissaire semble rejeter définitivement les politiques industrielles verticales pour générer des champions européens. On insiste surtout sur le rôle de la concurrence et la nécessité de poursuivre l’intégration du marché européen pour améliorer la compétitivité des firmes européennes : « l’objectif même de la politique industrielle est de permettre à la concurrence de jouer. Tout cela est

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absolument étranger à une politique industrielle interventionniste. Il ne s’agit en aucun cas de fabriquer des champions européens à qui la politique industrielle confierait le soin de damer le pion aux japonais ou aux américains. » Cette position qui soumet la politique industrielle à la politique de la concurrence se maintien jusque dans les années 2000.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.246-279

Document 42 : les politiques industrielles et l’intégration européenne

Résumé 43 : les freins à la mise en œuvre d’une politique industrielle européenne verticaleExplications

Années 1960/1970 Les pays membres défendent leurs champions nationaux contre les entreprises non européennes (USA) mais aussi contre les projets de création de « champions européens » (les intérêts des pays membres priment sur l’intérêt européen) ; Echec du rapport Colonna (objectif : faire émerger un leader européen dans le domaine de l’informatique)

Années 1980 La tradition « colbertiste » française se heurte aux politiques industrielles horizontales britanniques et allemandes mais aussi aux coûts financiers du soutien aux champions (coûts des politiques verticales) ; Exceptions : programmes Airbus ou Ariane ;

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Années 1960 : développement des politiques de champions nationaux

Années 1970/1980 : concurrence FMN américaines + nouvelle concurrence asiatique

Quelle stratégie adopter ?

Passage au marché unique : recherche d’économie d’échelle ; normes européennes =

apparition de « champions européens »

Les entreprises européennes sont trop petites pour lutter contre concurrence internationale

Quelle politique industrielle européenne adopter ?

Verticale : position française Soutien champions européens par

l’UE

Horizontale : position britannique ou allemande

Régulation par le marché

Résumé 44 : le virage de la politique industrielle en Europe au début des années 1980 et ses conséquences sur les politiques industrielles verticales nationales

Effet attendu de la politique de la concurrence européenne =

une hausse du surplus du consommateur car

Monopoles publics Disparition (privatisation et ouverture des marchés – logique des marchés contestables et des industries de réseaux)

Champions nationaux Fin des aides aux entreprises nationales ; essor d’une concurrence véritablement européenne ; réalisation du marché unique / intégration plus poussée des marchés / économies d’échelle / capacité à innover plus importante

Degré de concurrence sur les marchés de chaque pays membres

Augmentation de la concurrence ;

Politique de la concurrence Supprimer les aides publiques nationalesInterdire les ententes entre les entreprises Contrôler les positions dominantes pour éviter que les « grandes entreprises » produites par le passage au marché unique étouffent volontairement la concurrence

Document 45 : Politique de la concurrence comme politique industrielle

2.3.2 D’autres réformes structurelles qui s’intègrent dans la logique horizontale pour créer un « environnement » favorable aux entreprises

Document 46: la libéralisation des marchés participe à la politique de désinflation compétitive en FranceLa situation française au début des années 1980 : chômage élevée, inflation importante, déficit de la balance commerciale. Début 1983, le gouvernement procède à un infléchissement de sa politique économique (après la relance Mauroy de 1981). (…) Cette politique dite « de désinflation compétitive » initiée par le gouvernement Mauroy sera poursuivie aussi bien par ses successeurs (…) jusqu’aux années 2000 et au contexte de l’entrée dans la « zone euro ». Les différentes composantes de cette politique furent exposées par Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, puis de la BCE ; il s’agissait de mener :

- une politique monétaire restrictive plus stricte, réduisant la croissance des moyens de paiement en circulation ;

- une politique budgétaire moins expansionniste ; l’objectif ultime étant le retour à l’équilibre des finances publiques ;

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Politique de la concurrence

Ouverture des marchés

Economies d’échelle

Champions de taille européenne

Fin champions nationaux

Contrôle des positions dominantes et des ententes

- une politique de « maîtrise des coûts de production » portant essentiellement sur les salaires, dont la croissance excessive est jugée cause d’inflation par les coûts et par la demande ;

- une politique structurelle visant à rendre plus d’autonomie aux entreprises par rapport à la tutelle de l’Etat (suppression de tout contrôle des prix et de l’autorisation administrative de licenciement, dénationalisation, engagement plus poussé au sein du « grand marché » européen) ;

L’objectif de cette politique était de permettre aux entreprises françaises de vendre leurs produits à des prix plus attractifs que ceux de leurs concurrents étrangers, dans une économie de plus en plus ouverte. Elle s’opposait à la politique de « dévaluation compétitive » de plusieurs points de vue : elle rendait possible l’adhésion de la France au SME reposant jusqu’en 2001 sur des changes fixes, puis sur une monnaie unique  ; elle faisait reposait la compétitivité sur des ajustements réels et non pas monétaires  ; elle était liée à une politique de monnaie forte, qui permet d’importer à moindre coût, ce qui renforce encore la compétitivité nationale. De plus, elle favorisait la réduction progressive des taux d’intérêt, car une monnaie forte attire les capitaux.

Source : Pierre Bezbakh « Inflation et désinflation », La découverte, 2006, p.91-103

Document 47 : pratiquer une dévaluation fiscale lorsque la dévaluation monétaire est impossible – le cas de la zone euro

Depuis, la création de l’euro, la dévaluation monétaire n’est plus option pour restaurer la compétitivité de l’économie française ; il faut donc, en cas de compétitivité insuffisante lui substituer la dévaluation fiscale. (…) Il faut au contraire prendre acte du fait que nous sommes en économie ouverte, et qu’il y a urgence à relance la dynamique de notre compétitivité pour regagner les parts de marché que nous avons perdues. Que la dévaluation fiscale soit alors un bon moyen de stimuler l’activité économique lorsque l’instrument de la dévaluation monétaire n’est plus disponible, Keynes lui-même l’avait déjà compris à l’époque de la Grande crise. L’idée de procéder à une dévaluation fiscale à travers un choc de compétitivité a été combattue jusqu’au bout au sein du Parti socialiste et du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, et la décision de finalement adopter le Pacte de Compétitivité (CICE) a été probablement le geste le plus audacieux du président et du gouvernement en faveur du passage d’une approche de l’économie purement dictée par la demande à une approche davantage dictée par l’offre.

Source : P.Aghion, G.Cette et E.Cohen « Changer de modèle », O.Jacob, 2014, p.97

Document 48Action sur la compétitivité prix Effets attendus ExemplesLibéralisation des marchés - Marché des biens et services Favoriser la concurrence sur les

marchés / hausse du surplus des consommateurs

Politique européenne de la concurrence et sa déclinaison au niveau national

- Marché des capitaux Favoriser un accès plus facile et moins coûteux au financement

Big bang de Londres en 1986 ; réforme des marchés en France et suppression de l’encadrement du crédit en 1984 ;

- Marché du travail Alléger les contraintes réglementaires du contrat de travail pour favoriser les flux de création et de destruction ; lutter contre le chômage volontaire ;

Réformes Hartz en Allemagne entre 2003 et 2005

Fiscalité Augmenter la compétitivité des entreprises en réduisant la fiscalité sur les bénéfices et les prélèvements obligatoires servant à financer la protection sociale (baisse des cotisations sociales) ;

Baisse des cotisations sociales : de la réforme Juppé de 1995 au CICE de 2013 en France ; Baisse de l’impôt sur les bénéfices entre 1980 et 2011 : de 60% à 30% en Allemagne ; de 50% à 33% en France ;

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Document 49 : la libéralisation des marchés source de compétitivité des entreprises

2.4 Les limites des politiques industrielles horizontales

2.4.1 Quand l’application de la politique de la concurrence freine l’innovation : l’écart Etats-Unis / Europe se creuse de nouveau

Document 50 : quand la politique de la concurrence freine l’innovationEn 1989, un rapport du MIT, sous la direction, notamment de R.Solow, met en évidence le déclin relatif de la compétitivité de l’industrie américaine par rapport à l’UE et au Japon depuis le début des années 1970. Ils recensent les causes présumées de ce déclin et les mesures à prendre pour le contrer. Parmi celles-ci, le rapport met en évidence le caractère décourageant du droit de la concurrence américain pour le partage de l’information et la recherche coopérative entre concurrents et souligne la nécessité de prendre en compte les gains d’efficacité dynamique issus de pratiques anticoncurrentielles telles que les ententes ou mêmes certains abus de position dominante. La fin des années 1980 marque un tournant aux Etats-Unis en matière de droit à la concurrence qui assouplit grandement les règles sur les ententes et leur donne une orientation plus schumpétérienne. (…) Du coup, certaines entreprises européennes ont critiqué les inadéquations entre les droits de la concurrence américaine et communautaire, soulignant la plus grande latitude donnée aux entreprises américaines, mais également japonaises, et l’avantage compétitif qu’une telle marge de manœuvre induit au niveau international. (…) Au début des années 2000, la position américaine est suivie par la Commission européenne (2004) qui publie de nouvelles lignes directrices renforçant la prise en compte des impacts économiques des opérations soumises à contrôle, notamment sur le plan de l’innovation.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

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Libéralisation des marchés

Marché des B&S Marché des capitaux Marché du travail

Ouverture extérieure Suppression monopole public

Politique de la concurrence

Déréglementation et décloisonnement des marchés financiers

Supervision prudentielle

Développement flexibilité numérique ; Réduction du coût du travail

Réduire les coûts de production

Concurrence comme aiguillon

Efficience allocation épargne

Impacts positifs attendus sur les conditions de l’offre

Document 51

2.4.2 Quand les défaillances de marché freinent l’accumulation de capital physique et technologique

Document 52 : les défaillances de marché pénalisent l’accumulation de capital physique et de capital technologique

Les contraintes de crédit limitent la capacité des entreprises ou des individus à emprunter pour réaliser leurs projets d’innovation, de formation ou d’évolution de carrière. Enfin, les entreprises ne prennent en compte l’impact de leurs décisions (procédés de production, embauche, délocalisation …) sur le capital humain, sur la patrimoine technologique, sur l’environnement et sur le climat social. En jargon économique , on parle « d’externalités » socio-économiques, que les entreprises ou les individus privés n’internalisent pas lorsqu’ils font leurs choix d’investissement. C’est l’ensemble de ces considérations qui nous amène à rejeter le paradigme néolibéral et à revendiquer, au contraire, une réaffirmation de l’action publique. Source : P.Aghion et A.Roulet « Repenser l’Etat. Pour une social-démocratie de l’innovation », La République

des idées, p.10-11, 2011

Document 53 : les défaillances de marché dans le cas des investissements énergétiquesLes investissements requis par le défi climatique ne font pas partie du business as usual. Ils sont affectés d’une double incertitude écologique et technologique, et par conséquence présentent des risques difficiles à appréhender, car ce sont des risques non financiers résultant d’externalités que le marché n’évalue pas. Ils s’insèrent dans des structures très lourdes qui sont affectées d’irréversibilités considérables. Ils requièrent des financements longs et de gros montants, alors que les retours sur investissement sont lointains. Pour toutes ces raisons, les marchés de capitaux n’offrent que des financements très insuffisants que l’on peut remarquer en observant la faible attraction des obligations « vertes ». car les investisseurs institutionnels détiennent des actions et des obligations facilement négociables, dont ne font pas partie les titres de dettes finançant les infrastructures et l’environnement. ce sont des actifs alternatifs que les investisseurs institutionnels ne détiennent presque pas (moins de 1% de leur portefeuille pour les fonds de pension des pays de l’OCDE). Quant aux banques, elles ne sont pas outillées pour immobiliser des crédits sur le long terme si elles ne peuvent pas partager les risques, donc trouver les relais d’investisseurs capables d’engagements à long terme. Bref, la transition sera trop lente si les Etats européens n’organisent pas la politique industrielle requise et l’intermédiation financière capable de la soutenir. Jusqu’ici rien n’est venu. Ainsi, les politiques énergétiques en Europe sont-elles chaotiques et contradictoires (…). L’incertitude politique et l’inaptitude des marchés financiers pour investir dans les infrastructures environnementales constituent un double handicap. (…) Les investissements verts ont des handicaps

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La politique de la concurrence doit arbitrer entre :

Stimuler la concurrence pour éviter les rentes

Permettre les ententes pour réduire l’incertitude

Conséquence : le niveau d’innovation est optimal pour un niveau de concurrence intermédiaire

La critique faite à l’UE : fixer un niveau de concurrence trop élevé qui freine l’innovation et handicape les

entreprises européennes par rapport à leurs concurrents étrangers

supplémentaires. Le plus rédhibitoire est l’inexistence ou l’inadéquation du prix du carbone déterminé sur le marché des droits à polluer. (…) Sans une valorisation crédible suffisante du carbone, garantie par les gouvernements et croissante dans le temps, et sans arrêt des subventions aux énergies fossiles, ces investissements sont dominés par les infrastructures existantes. Pour rediriger l’épargne dans les investissements bas carbone, il faut abaisser les profils de risque des projets pour les investisseurs sans surcharger les contribuables.

Source : M.Aglietta « Sortir de la crise et inventer l’avenir », Michalon, 2014, p. 288

Document  54

2.4.3 D’autres limites à la libéralisation des marchés : crises financières et pauvreté des actifs

Document 55 : conséquences négatives de la libéralisation des marchés financier et du travail

2.4.4 Les limites des stratégies de dumping fiscal Quand la course à la compétitivité conduit à des stratégies qui sont toujours non coopératives  : le cas du dumping fiscal et social dans l’UE

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Régulation marchande

Besoin de financement des newcomers et/ou des filières innovantes

Incertitude

Frein au financement = défaillance de marché

Marchés des capitaux

Cycles financiers et crises financières et économiques

Marché du travail

Hausse de la pauvreté et de la précarité chez les salariés

2.5 Repenser la politique industrielle : réformer les institutions pour mettre en œuvre « une social-démocratie de l’innovation » (Aghion & Roulet)

2.5.1 Les grands axes d’une nouvelle politique industrielle : réduire à la fois les défaillances de marché et les défaillances de l’Etat

Document 57 : redéfinir le cadre des politiques industrielles pour dépasser l’opposition politiques verticales vs politiques horizontales

Document 58 : promouvoir une nouvelle politique industrielle en France, la position d’Aghion, Cette et Cohen dans « Changer de modèle «  (2014)

Au sortie de la Seconde guerre mondiale, de nombreux pays ont engagé des politiques dites «  industrielles » dans le but de promouvoir de nouvelles industries et de protéger les activités domestiques contre la concurrence des pays étrangers plus avancés. Ainsi, en Asie de l’Est, des pays comme la Corée ou la Japon ont choisi de promouvoir l’exportation, en partie grâce à des barrières tarifaires et non tarifaires et en partie en maintenant des taux de change sous-évalués. En Europe, plusieurs pays se sont engagés dans des politiques de subventions ciblant certaines industries ou certains « champions nationaux », en particulier en France où le pouvoir gaulliste a pratiqué une politique colbertiste en soutenant fortement des secteurs en pointe tels que l’industrie aéronautique, les télécoms, l’espace, l’énergie. Cependant, la fin du rattrapage, l’intégration européenne qui interdit le protectionnisme, même offensif, et le passage à une économie de l’innovation basée sur la destruction créatrice (c’est-à-dire la création et la destruction permanente d’entreprises et d’activités) ont remis en cause ce modèle. En particulier, il lui est reproché d’empêcher ou de biaiser la concurrence, or celle-ci est un moteur clé du processus d’innovation. Ainsi, les décideurs publics ont progressivement basculé en faveur de politiques dites « horizontales » qui, au lieu de soutenir telle ou telle industrie, visent à améliorer l’environnement économique, dans lequel opèrent toutes les entreprises. En particulier, la Commission européenne prône une pleine libéralisation des marchés de biens et services et du marché du travail ainsi que la stabilité macroéconomique et financière. Mais l’histoire économique récente et la crise financière de 2008 son venues à leur tour bousculer cette nouvelle doxa anti-politique industrielle. Tout d’abord, l’expérience de la crise financière récente et la montée en force de la Chine sur la scène économique internationale ont démontré la supériorité des pays où l’Etat intervient pour soutenir des secteurs décisifs pour la croissance, autrement dit où l’Etat conduit une politique industrielle conséquente. Plus précisément, la crise a montré qu’en l’absence totale d’intervention de l’Etat, les pays se soumettent à des dynamiques de spécialisation uniquement dictées par les forces du marché et qui s’avèrent souvent sous-optimales. C’est ainsi, que en se spécialisant à l’excès dans les services domestiques non exportables (construction et immobilier), la Grèce et l’Espagne sont devenues particulièrement vulnérables à la crise. Et il est intéressant de remarquer également que, pour lutter contre la récession, les gouvernements de plusieurs pays avancés (France, Allemagne, Etats-Unis) ont renoué avec les politiques sectorielles et ont notamment tous soutenu leurs industries automobiles.

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Politiques horizontales Politiques verticales

Défaillances de l’Etat

Défaillances du marché

Enjeu : est-il possible de mettre en place une intervention publique en réponse aux défaillances de marché qui ne produise pas de

défaillance de l’Etat et assure un degré élevé de concurrence ?

Stimule la concurrence

Réponses aux défaillances de marché

Cela signifie-t-il qu’il faille retourner aux pratiques anciennes et à cette conception dirigiste (top-down) de la politique industrielle ? Nous ne le pensons pas. Certes, il y a une place pour des politiques sectorielles même dans une économie de l’innovation, mais ces politiques doivent être profondément repensées et réinventées. Elles passent par une meilleure définition du rôle des acteurs, une gouvernance plus rigoureuse (…).

Source : P.Aghion, G.Cette et E.Cohen « Changer de modèle », O.Jacob, 2014, p.86-87

2.5.2 Réduire les défaillances de marché pour soutenir les entreprises innovantes

Document 59: l’action de l’Etat pour soutenir le financement des entreprises innovantesLa supériorité américaine par rapport à l’Europe en matière d’innovation tient d’abord au fait que les Etats-Unis dominent largement en termes de création de nouvelles entreprises. par ailleurs, alors que 50% des innovations aux Etats-Unis émanent d’entreprises qui ont moins de 10 ans d’âge, en Europe, 90% des innovations proviennent d’entreprises établies depuis plus de 10 ans. Le contraste entre l’Europe et les Etats-Unis ne concerne pas seulement la création de nouvelles entreprises, mais également leur croissance : les entreprises américaines augmentent beaucoup plus rapidement leurs effectifs que leurs homologues européennes, et tirent parti de l’immigration à tous les niveaux de qualification, y compris dans le high-tech. Comment expliquer cette relative apathie du secteur des entreprises en Europe et tout particulièrement en France ? (…) Les contraintes de crédit représentent la principale barrière à l’entrée et à la croissance des entreprises, loin devant les réglementations : ces contraintes empêchent de nombreuses PME à fort potentiel de se développer et freinent ainsi l’innovation. Pour aider les PME innovantes à contourner l’obstacle du crédit, l’Etat dispose de trois leviers essentiels :

- un small business act, qui permettrait à l’Etat de soutenir les PME innovantes en leur réservant une part constante des commandes publiques. L’Etat peut également réformer le crédit interentreprises en réduisant drastiquement les délais de paiement qui pèsent fortement sur l’activité et la profitabilité desPME. Enfin, il faudrait revoir le droit des faillites qui, par la priorité qu’il accorde systématiquement à l’Etat sur les autres créanciers, inhibe les banques dans leur métier de prêteur.

- Le crédit d’impôt recherche, qui exonère de l’impôt une partie des dépenses consacrées à la recherche et au développement constitue un autre outil de soutien aux start up innovantes ;

- Enfin, la Banque publique de développement, dont l’objectif serait d’aider les entreprises et leurs partenaires financiers à prendre des risques : garantie des financements bancaires, financements directs de certains investissements …

Ces trois leviers doivent s’accompagner d’une fiscalité qui ne décourage pas l’investissement innovant. Source : P.Aghion et A.Roulet « Repenser l’Etat. Pour une social-démocratie de l’innovation », La république des idées, 2011, p. 9

Document 59

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Défaillance de marché : difficulté accès au crédit / financement

Intervention de la puissance publique

commandes publiques « small business act »

Crédit d’impôt recherche

Banque publique de développement

Risque « mauvais choix », « captation » des

subventions

Risque corruption

En particulier des « jeunes » entreprises innovantes

2.5.3 Soutenir les entreprises innovantes sans défaillances de l’Etat

Document 60: subventionner des secteurs plutôt que des firmesDes études récentes montrent qu’en ciblant des subventions sur des secteurs, et non sur des firmes, on limite le risque de choisir un mauvais « champion ». En outre, si les subventions se concentrent sur des secteurs où opèrent déjà plusieurs firmes concurrentes, alors la concurrence au sein du secteur continue à opérer, favorisant l’innovation et la croissance. Plus précisément, on observe que des aides sectorielles sont d’autant plus favorables à la croissance qu’elles interviennent dans des secteurs fortement compétitifs. De même, on peut montrer que les aides sectorielles ont plus d’impact sur la croissance si elles sont ciblées sur des secteurs qui misent davantage sur la qualification des travailleurs. Il est donc possible de définir des critères pertinents de sélection des secteurs. D’autres études montrent qu’il importe de bien penser la gouvernance des subventions. Des subventions sectorielles ont un effet sur la croissance d’autant plus positif qu’elles sont « égalitaires », c’est-à-dire qu’elles ne privilégient pas une entreprise ou un sous-groupe d’entreprises au sein d’un secteur. A cet égard, décentraliser la politique industrielle peut aider : par exemple, en Allemagne, le fait que l’aide sectorielle soit décentralisée au niveau des Lander fait que , même si chaque région choisit son propre champion, la multiplicité des région garantit la pluralité des entreprises bénéficiaires au sein d’un même secteur au niveau national. Enfin, l’analyse historique des banques de développement, notamment en France et en Allemagne, ainsi que celles des processus de transition dans les PECO, suggère que des aides publiques sectorielles cofinancées avec le secteur privé offrent la garantie que des investissements qui se révèlent infructueux ne seront pas poursuivis indéfiniment. En résumé, la question n’est pas tant de savoir si les pays développés ont besoin ou non d’une politique industrielle que de la définir intelligemment. Comment concevoir et gouverner la politique industrielle de façon à limiter ses effets négatifs, et comment la réconcilier avec la politique de la concurrence, étant donné que cette dernière exerce un rôle positif sur l’innovation et la croissance ? . (…) En résumé, la question n’est pas tant de savoir si les pays développés ont besoin ou non d’une politique industrielle, que de concevoir et gouverner cette politique industrielle de façon à la rendre compatible avec la concurrence, qui elle-même stimule l’innovation. (…) En particulier, on constate à partir de données chinoises que plus la concurrence dans le secteur recevant l’aide de l’Etat est élevée, plus cette aide est de nature à stimuler l’innovation et la croissance dans ce secteur. On s’aperçoit aussi qu’une aide sectorielle a des effets positifs élevés sur l’innovation et la croissance de la PGF si cette aide est moins concentrée, autrement dit si elle ne privilégie pas une ou quelques entreprises dans le secteur. En résumé, plutôt que de s’accrocher aux principes passéistes de l’Etat interventionniste ou au contraire à une opposition systématique à tout ciblage sectoriel, nous proposons une refonte des politiques industrielles française et européenne qui permette de les réconcilier avec les exigences d’une économie de l’innovation.

Source : P.Aghion et A.Roulet « Repenser l’Etat. Pour une social-démocratie de l’innovation », La république des idées, 2011, p. 9

Document 61 : une condition pour que l’action publique ne bénéficie pas à certaines entreprises, l’absence de corruption

Dans les économies développées, le principal moteur de la croissance est l’innovation de pointe, ce que l’on appelle l’innovation à la frontière technologique. Or, la démocratie se trouve avoir un effet très positif sur l’innovation de pointe. Au contraire, dans les pays les moins développés, la croissance est davantage tirée par l’imitation technologique ou l’accumulation du capital, pour lesquelles la démocratie joue un rôle moins important. (…) Dans le graphique suivit, on voit que plus un pays limite les pratiques de népotisme et de corruption, plus le nombre de brevets qu’il dépose tend à augmenter.

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(…) La corruption érige des barrières à l’entrée de nouvelles entreprises innovantes. Dans une démocratie « corrompue » c’est-à-dire où les dirigeants accordent régulièrement des faveurs ou des privilèges en échange de gratifications matérielles ou symboliques, le processus de « destruction créatrice » est faussé. En effet, si les entrepreneurs en place bénéficient de traitements de faveur, en particulier de législations favorables à leurs intérêts, il devient difficile à tout entrant potentiel de s’imposer sur le marché en question. dans un pays miné par le népotisme, sans appuis politiques, point de salut. Et inversement, lorsque l’on dispose d’assez d’influence et de poids pour défendre ses intérêts, il n’est plus besoin d’innover pour se maintenir sur le marché. au contrainte, dans une économie où il n’y a pas de collusion entre le gouvernement et les entreprises en place, les barrières à l’entrée sont plus faibles et, par conséquent, l’innovation a toutes ses chances. Non seulement, elle est portée par de nouveaux entrants, mais de plus la menace de nouvelles entrées sert de catalyseur et oblige les entreprises en place à innover pour se maintenir sur le marché. A cet égard, le graphique suivant est très parlant : un pays qui contrôle mieux sa « corruption » est également un pays où les barrières à l’entrée sont plus faibles. C’est un pays où le processus de destruction créatrice est plus dynamique et ouvert.

Source : P.Aghion et A.Roulet « Repenser l’Etat. Pour une social-démocratie de l’innovation », La république des idées, 2011, p. 95

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Document 62 : une condition pour que l’action publique ne bénéficie pas à certaines entreprises, la transparence de l’information et l’évaluation des politiques publiques

Des historiens de l’économie, comme Mancur Olson, ont expliqué le déclin de l’économie anglaise, au début du 20ième siècle, par le fait que les grandes entreprises issues de la révolution industrielle, constituées en groupes de pression, avaient réussi à obtenir du gouvernement britannique des mesures restreignant l’entrée de nouveaux concurrents sur leurs marchés. Plus récemment, des études ont montré l’ampleur des moyens dont peuvent disposer les lobbies. (…) L’action des lobbies sur les choix gouvernementaux et sur les hommes politiques ne constitue pas seulement une entrave à la mise en œuvre des réformes visant à dynamiser l’économie en la rendant plus concurrentielle, plus flexible et plus ouverte. Elle pervertit également les effets de toute politique d’intervention ciblée. (…) La capacité d’une politique d’aide sectorielle à générer de la croissance est liée à sa bonne gouvernance et notamment au respect de critères objectifs dans le choix des secteurs et de modalités claires et vérifiables pour l’attribution de l’aide aux entreprises d’un même secteur. En particulier, il est capital que les bénéficiaires des aides soient déterminés en fonction de leur capacité à générer de la croissance, indépendamment de toute pression provenant de groupes influents et « généreux ». Mais concrètement, comment faire pour éviter que népotisme et favoritisme ne minent la démocratie ? On peut distinguer deux leviers importants et insuffisamment développés en France par rapport à d’autres pays de l’OCDE : d’une part, des médias suffisamment indépendants (pour pointer du doigt les pratiques politiques douteuses ou abusives) ; d’autre part, des institutions adéquates et dotées de moyens suffisants pour évaluer les politiques publiques de façon systématique, indépendante et rigoureuse. Source : P.Aghion et A.Roulet « Repenser l’Etat. Pour une social-démocratie de l’innovation », La république des idées, 2011, p. 9

Document 63 : limiter les défaillances de l’Etat dans le domaine du soutien aux entreprises innovantes

2.5.4 Une fiscalité incitative mais qui ne produit pas des inégalités : l’exemple de la fiscalité des pays socio-démocrates d’Europe du Nord

Document 64 : les pays scandinaves montrent qu’il est possible d’avoir un système fiscal qui combine équité (réduction des inégalités) et efficacité (incitation à l’innovation)

Une fiscalité juste est d’abord souhaitable d’un point de vue éthique : elle est un préalable indispensable à l’édification d’un système social sans exclusion ni par le haut ni par le bas, un système solidaire où chacun trouve son compte et où personne n’est laissé sur le bord de la route. Mais une fiscalité équitable est également facteur d’efficacité économique : elle génère davantage de croissance en ouvrant l’accès aux opportunités d’investissement et d’innovation au plus grand nombre. (…) Lorsque l’on compare ces deux critères (équité et efficacité), le plus frappant est qu’il ne semble pas y avoir d’arbitrage systématique entre équité et efficacité. Au contraire, lorsqu’on compare la France à la Finlande ou à la Suède, on voit que ces deux pays nordiques font mieux que la France aussi bien en matière de redistribution (avce un coefficient de Gini après impôt plus faible) qu’en nombre de brevets ou en croissance de la productivité. Les bonnes performances des Scandinaves

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Contre le risque de corruption et de captation de la dépense publique (lobbies)

Contre le risque de « mauvais choix »

Subventionner des secteurs plutôt que des firmes : laisser la concurrence entre firmes se dérouler

Transparence de l’information + Evaluation des politiques publiques = régime démocratique

Contre le risque de défaillance de l’Etat

montrent que certains pays ont su mettre en place des systèmes fiscaux à la fois redistributifs et incitatifs à l’innovation.

Source : P.Aghion et A.Roulet « Repenser l’Etat. Pour une social-démocratie de l’innovation », La république des idées, 2011, p. 9

Document 65 : les pays nordiques réforment leur fiscalité dans les années 1990 pour s’adapter au nouveau contexte de la mondialisation

Il est intéressant de noter que les différents pays scandinaves ont tous réformé leur système fiscal au cours des 25 dernières années et qu’ils convergent vers des fiscalités relativement similaires, avec un système « dual » dans lequel les revenus du travail sont soumis à des taux d’imposition progressif, tandis que, pour les revenus du capital, c’est un taux forfaitaire qui est appliqué. Dans le cas de la Suède, le tournant a été pris en 1991. Cette année-là ont été parallèlement introduites une réforme fiscale et une série de réformes structurelles (budgétaires, …). Les deux piliers de la réforme fiscale ont été d’une part, un abaissement significatif du taux marginal de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu (de 88% à 55%) et, d’autre part, le passage à un taux d’imposition forfaitaire de 30% pour les revenus du capital (au lieu d’une imposition progressive en vigueur jusque-là). Par ailleurs, les plus values foncières sont taxées à 22%. La Finlande a également modifié son système au début des années 1990. (…) quant au Danemark, l’année 1993 a également été marquée par l’introduction de changements dans la fiscalité. (…) Cette vague de réformes scandinaves nous paraît intéressante parce qu’elle témoigne de démarches parallèles suivies par les gouvernements sociaux-démocrates de différents pays : ces démarches sont dictées par un même souci de stimuler l’innovation pour mieux s’adapter à l’économie mondialisée, tout en préservant une distribution équitable des revenus en maintenant un niveau d’investissement publics conséquent, en particulier dans l’éducation et la santé. Ces gouvernements ont tâtonné au fil des années, mais en fin de compte, leurs fiscalités ont convergé vers des systèmes qui répondent au mieux à cette double exigence d’équité et d’efficacité, tout en respectant des règles strictes d’équilibre budgétaire.

Source : P.Aghion et A.Roulet « Repenser l’Etat. Pour une social-démocratie de l’innovation », La république des idées, 2011, p. 9

Document 66 : une pression fiscale élevée peut être compatible avec l’innovationUne caractéristique commune aux systèmes fiscaux scandinaves actuels est que les prélèvements obligatoires y demeurent, malgré les réformes, globalement élevés et fortement progressifs. Cette progressivité marquée, ainsi que l’absence de niches fiscales, expliquent que la distribution des revenus après impôts soit dans ces pays plus équitables que dans les autres. Par ailleurs, dans tous les pays scandinaves, le taux marginal de l’impôt sur le revenu s’appliquant à la tranche supérieure avoisine ou dépasse les 50%. Néanmoins, ces pays ont su préserver leurs incitations à l’innovation et à l’investissement dans le capital humain. Comment expliquer ce tour de force ? Que nous enseignent ces graphiques ? Tout d’abord que le poids des prélèvements obligatoires n’est pas en soi un frein à l’innovation, puisque, par exemple, la Suède se distingue de la France à la fois par une pression fiscale plus importante et par davantage de brevets par habitant. Cela donne tort à ceux qui prônent une fiscalité minimale au nom de la croissance ou de la compétitivité. Deuxième enseignement : il existe un écart entre la Suède et le Danemark en termes de brevets, alors même que ces deux pays semblent avoir un rendement de l’impôt globalement similaire. L’une des différences entre la fiscalité danoise et celle des autres pays scandinaves concerne la taxation des revenus du capital  : ainsi, le Danemark est le seul à taxer encore ces revenus de façon progressive, tandis que la Suède, la Norvège et la Finlande leur appliquent un taux forfaitaire d’environ 30%. Si des pays comme la Suède ou la Finlande, qui sont par ailleurs fortement redistributifs et ont un taux de prélèvement obligatoire élevé, ont choisi de taxer forfaitairement les revenus du capital, cela n’est pas sans raison, et leurs performances en matière de brevets et de croissance de la productivité ne sont pas étrangères à ce choix. Dernier constat frappant : on voit apparaître un véritable décollage du nombre de brevets suédois après 1991, date à laquelle la Suède à réformer sa fiscalité. (…)Une fiscalité fortement redistributive peut augmenter les opportunités d’investissement dans une économie où les marchés sont imparfaits. D’autre part, l’analyse de la relation entre fiscalité et croissance ne peut s’abstraire de celle de l’utilisation qui est faite des revenus fiscaux. En particulier, si les revenus fiscaux sont affectés en priorité aux investissements

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de croissance (éducation, santé, flexicurité, politique industrielle) plutôt qu’à la satisfaction d’objectifs clientélistes, alors des hausses de taux d’imposition peuvent avoir un effet positif sur l’innovation et la croissance.

Source : P.Aghion et A.Roulet « Repenser l’Etat. Pour une social-démocratie de l’innovation », La république des idées, 2011, p. 9

Document 67 : la dynamique vertueuse des « social-démocraties de l’innovation »(à partir de Aghion & Roulet)

Document 68 : le système fiscal français fait peser le poids de la fiscalité des entreprises sur les PMELa France est le pays européen qui affiche le taux d’impôt sur les sociétés le plus élevé (34,4%), qui dénonce avec le plus de vigueur le dumping fiscal irlandais mais qui constate année après année que le rendement de son IS est plus faible que celui de l’Irlande ! Le résultat peut surprendre mais les chiffres sont éloquents : les taux implicites d’IS en Irlande et en France sont respectivement de 29,1% et de 7,6% mais le rendement en points de PIB est de 2,9% contre 2,8%. Ce que l’Irlande perd en taux, elle le gagne en assiette, ce qui maximise le rendement. Pour améliorer le rendement des impôts sur les entreprises (hors de l’Impôt sur les sociétés), la France n’a cessé de multiplier les taxes qui pèsent sur le cycle productif (sur les transports pour 6,5 mds d’euros, sur la formation pour 6 mds d’euros, … ). Comme les grandes entreprises localisent de moins en moins leurs activités productives sur le sol national et qu’elles savent faire de l’optimisation fiscale en reportant les charges en France et les bénéfices hors de France, elles paient au total un tiers de moins que ce qu’elles devraient nominalement payer alors que les PME paient à peu près leur IS au taux nominal. (…) La France n’arrive pas à faire émerger des grosses PME innovantes et exportatrices. Si la création d’entreprise est dynamique, si le taux de survie est comparable à ce qui s’observe en Europe, les PME ne parviennent pas à grandir. Les explications sont plurielles (financement, …) mais la médiocrité de la rentabilité des entreprises françaises (29% d’EBE contre 40% en Allemagne) explique le cercle vicieux de la sous-compétitivité : des faibles marges dissuadent les prises de risques en R&D, l’export et l’investissement, la dégradation de la compétitivité hors coût dégrade davantage la capacité à bénéficier des marchés extérieurs sauf à rogner sur des marges faibles, ce qui déprime à nouveau l’EBE…

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Le modèle fiscal des pays d’Europe du Nord

Une fiscalité sur le revenu des ménages élevée et progressive

Une fiscalité sur le capital faible et

forfaitaire

Redistribution importante : réduction

des inégalités de revenus

Incitation à l’investissement /

innovation = compétitivité

Education, santé, infrastructure

Politique industrielle (le degré élevé de

démocratie du système permet d’éviter les

défaillances de l’Etat)

Permet le financement

Formation et suivi des chômeurs +

Indemnités chômeurs

Marché du travail flexible

Les entreprises s’adaptent à la destruction créatrice

permanente de l’innovation

Redonner de l’oxygène aux PME dont la rentabilité est une des plus médiocres d’Europe suppose au minimum que l’on puisse redéployer la fiscalité qui pèse sur les entreprises.

Source : P.Aghion, G.Cette et E.Cohen « Changer de modèle », O.Jacob, 2014, p.230

Document 69 : les points clés d’une réforme fiscale françaiseEn nous inspirant des modèles scandinaves, nous prônons la mise en place d’un système « dual » dans lequel le travail serait taxé de manière progressive alors que le capital serait prélevé à un taux relativement bas. L’impôt sur les successions permettrait quant à lui de limiter les fortes inégalités de patrimoine. Ce système est celui utilisé dans la plupart des pays du nord de l’Europe. Considérant par ailleurs qu les revenus actuels de l’impôt sur le revenu sont trop faibles (un foyer sur deux ne paie pas l’IR), nous estimons nécessaire d’en élargir l’assiette en l’alignant sur celle de la CSG. En résumé, une réforme fiscale juste et efficace passe par la mise en œuvre d’orientations simples et claires en particulier :

- rendre l’impôt sur le revenu plus efficace en élargissant son assiette et en supprimant les niches fiscales qui n’ont pas d’impact avéré sur la compétitivité ;

- mettre en place une taxation duale avec un impôt progressif sur les revenus du travail et un impôt forfaitaire sur le revenus du capital productif ;

- augmenter la TVA ou la CSG et utiliser cette augmentation pour réduire les cotisations sociales employeurs (celles qui financent les dépenses sociales non contributives comme les cotisations familiales) ;

- diminuer l’impôt sur les sociétés en visant une convergence fiscale au niveau européen ; Source : P.Aghion, G.Cette et E.Cohen « Changer de modèle », O.Jacob, 2014, p.232

2.5.5 Réformer le fonctionnement du marché du travail : vers le modèle de flexicurité

Document 70 : l’importance du capital humain et de la flexibilité sur le marché du travail dans l’économie de l’innovation

Une économie tournée vers l’innovation a besoin de mobilité sur le marché du travail. En effet, l’innovation « frontière » implique la « destruction créatrice » pour utiliser l’expression chère à l’économiste J.Schumpeter. Autrement dit, l’innovation entraîne la création en permanence de nouveaux emplois et de nouvelles entreprises qui viennent remplacer des emplois ou des entreprises rendues obsolètes par l’innovation. Pour que ce processus puisse se dérouler facilement, il faut de la flexibilité sur le marché du travail, à la fois pour embaucher si une nouvelle activité est créée, et pour licencier quand une activité ancienne disparaît. Un défi majeur pour l’Etat et les partenaires sociaux est de réconcilier une plus grande flexibilité à l’embauche et au licenciement avec une sécurisation des parcours professionnels, c’est-à-dire une assurance à la fois sur le revenu des travailleurs et sur leur possibilité de rebondir facilement d’un emploi à un autre, notamment grâce à un bon système de formation professionnelle.Une économie dont la croissance repose sur l’innovation a besoin d’universités performantes, notamment en matière de recherche. Certains en France minimisent l’importance d’avoir des universités bien notées par les classements de Shanghai ou du Times, voire les récusent au nom d’une irréductibilité spécificité française. Or, on peut montrer que les pays qui ont des universités bien classées par Shanghai ou le Tims sont également ceux qui ont les meilleures performances en matière d’innovation et de brevets. Autrement dit, alors que la France des Trente glorieuses pouvait se contenter d’avoir se grandes écoles pour former le cercle étroit de ses élites polyvalentes tout en laissant à ses universités la formation de ses cadres, une France de l’innovation a besoin d’universités ancrées dans la recherche (…). On remarque que plus un Etat américain est proche de la frontière technologique, et plus l’investissement en troisième cycle universitaire stimule la croissance de la productivité dans cet Etat (c’est le cas de la Californie ou du Massachusetts). En revanche, plus un Etat est loin derrière la frontière technologique (Mississipi, Alabama), et plus c’est le premier cycle universitaire (avec l’école et le collège) qui stimule la croissance de la productivité de cet Etat.

Source : P.Aghion, G.Cette et E.Cohen « Changer de modèle », O.Jacob, 2014, p.99

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Document 71 : le résultat des réformes entreprises sur les marchés des biens et services et des capitaux est conditionné par le fonctionnement du marché du travail

Document 72 : mesurer les gains de croissance à s’aligner sur les meilleures pratiquesUn défi majeur pour la France aujourd’hui est de pouvoir mobiliser ces trois leviers :

- concurrence ;- mobilité sur le marché du travail et économie du savoir ;- tout en réduisant ses déficits et sa dette publics.

En outre, il faut viser une croissance « inclusive », c’est-à-dire une croissance qui ne laisse personne sur le bord de la route. (…) Que peut espérer la France en termes de croissance de sa productivité en mobilisant ces trois leviers ? Nous avons chiffré les gains en croissance potentielle découlant d’un alignement des politiques de libéralisation du marché des biens et du marché du travail ainsi que de l’investissement en éducation supérieure, sur les meilleures pratiques au sein de l’OCDE. L’investissement en éducation supérieure est mesuré par la proportion des 25-64 ans ayant obtenu un diplôme du supérieur. La libéralisation sur le marché du travail est mesurée par un indice de l’OCDE quantifiant la libéralisation du marché. Enfin, la libéralisation du marché du travail est inversement mesurée par un indice de l’OCDE quantifiant la protection de l’emploi. Les résultats sont que les effets de convergence pour la régulation du marché des biens et du travail génèrent une croissance de 0,3% à 0,4% sur le court terme-moyen terme, alors que ceux pour l’éducation supérieure induisent un gain de croissance plus faible sur le court terme mais qui pourraient atteindre un quart de point sur les dix prochaines années. Mis ensemble, c’est 0,75 à 1 point entier de croissance qui peut être dégagé en s’alignant sur les meilleures pratiques au sein de l’OCDE. Source : P.Aghion, G.Cette et E.Cohen « Changer de modèle », O.Jacob, 2014, p.93

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Réformes marchés des B&S et marché des capitaux

Croissance Stimuler la destruction créatrice issue des innovations

Conditions ? 

Flexibilité numérique des entreprises vs rigidité du marché du travail

Qualité de la formation initiale et continue ; qualité de la protection sociale

Mobilité géographique des actifs et absence de chômeurs volontaires

Les trois éléments réunis = flexicurité Des entreprises qui proposent des emplois Des actifs protégés qui acceptent les emplois proposés L’offre et la demande de travail se rencontrent sans inadéquations

Document 73: la situation française par rapport à la dynamique vertueuse des « social-démocraties de l’innovation »

Document 74 : l’innovation « sociale » facteur clé de la compétitivitéC’est l’innovation sociale qui est le facteur prédominant de la compétitivité : effort public de formation et de recyclage des travailleurs, lien étroit des entreprises et des institutions scolaires dans l’apprentissage. Il faut y ajouter ce que ne fait pas l’Allemagne, mais que fait la scandinavie : l’égalité hommes/femmes dans l’emploi et la mobilité professionnelle, l’aide publique à la prise en charge de l’enfance préscolarisée. La dynamique auto-entretenue de la croissance industrielle implique une organisation des rapports entre puissance publique et acteurs privés. Elle requiert aussi des politiques dédiées aux systèmes d’innovation. La stratégie industrielle doit être insérée dans les territoires. En France, il revient aux régions de promouvoir un nouvel état d’esprit. Elles doivent sélectionner des entreprises capables de développer des avantages compétitifs régionaux, détecter des segments d’industries prometteurs et monter des projets pilotes associés à des cofinancements publics – privés. Pour inciter les PME à innover et exporter, il peut être utile en France d’instituer un statut de PME innovantes qui auraient accès à des financements attractifs et d’aider beaucoup plus efficacement les PME à l’étranger. Enfin, reterritorialiser l’industrie et engendrer des flux d’innovations incrémentales repose sur la définition du développement durable comme axe de stratégie à la fois européenne et nationale.

Source : M.Aglietta « Sortir de la crise et inventer l’avenir », Michalon, 2014, p. 146-148

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La situation française

Fiscalité sur le revenu des ménages élevée et progressive mais qui

touche 50% des foyers fiscaux + niches fiscales

Fiscalité sur le capital élevée, qui touche surtout les PME

Situation paradoxale : la redistribution réduit les inégalités de revenus

mais pas avec le Top 1% des plus riches !

Faible incitation à l’investissement /

innovation notamment des PME et des

newcomers = déficit de compétitivité

santé, infrastructure,

éducation

Politique industrielle (le degré peu élevé de

démocratie du système ne permet pas d’éviter

les défaillances de l’Etat)

Permet le financement

Mauvaise formation + Indemnités pour 50%

des chômeurs

Marché du travail peu flexible

Les entreprises s’adaptent mal à la destruction

créatrice permanente de l’innovation et dualisation

du marché du travail

Document 75

2.2.4.4 Définir l’espace géographique de la politique industrielle

Document 76 : les forces d’agglomération stimulent la croissance mais renforcent les inégalités territoriales

Les politiques de croissance ne s’envisagent pas uniquement à l’échelon des nations. Les gouvernements mettent en place des politiques de développement régional (dites en France les politiques d’aménagement du territoire). Au niveau européen, la cohésion régionale est inscrite dans le Traité : les fonds structurels constituent 31% du budget européen et 90% de ces fonds ont pour objectif la convergence de PIB/hab des régions de l’Europe. (…) L’économie géographique amène à jeter un regard nouveau sur les politiques régionales. Nous avons vu qu’elle mettait en regard des forces de concentration des activités, dues aux externalités d’offre et de demande, et les forces de dispersion liées aux coûts de transport. (…) Les forces de concentration ont une double implication : en présence de tels effets, les inégalités entre régions s’accroissent spontanément. La seconde implication est normative : il est en général efficace, au sens de la maximisation du PIB par tête de ne pas s’opposer à cette concentration. Bien au contraire, il faut l’encourager avec l’apparition de pôle de croissance.

Source : Bénassy-Quéré p. 514

Document 77L’intervention publique destinée à catalyser la localiser des activités dans une région particulière est ainsi plus efficace pour les activités innovantes, plus mobiles car le stock de capital existant y jour un rôle moins important. C’est l’objectif en France des Pôles de compétitivité créés par le Gvt Raffarin (2005). (…) A l’inverse, les incitations publiques seront moins efficaces dans des secteurs qui bénéficient spontanément d’externalités très fortes. Ainsi, le soutien public aux places financières de Paris et de Francfort n’a pu éviter une concentration croissante des activités financières à Londres, où elles bénéficient d’externalités de réseau et d’un accès au marché mondial du travail très qualifié. Il est possible pour favoriser les régions périphériques de réduire les coûts de transport afin d’infléchir l’équilibre entre les forces de dispersion et les forces de concentration. Mais cela peut, au moins dans un premier temps, favoriser la concentration en rendant plus facile les déplacements de main d’œuvre. C’est ainsi que l’existence du TGV a encouragé la concentration en région parisienne, en permettant aux provinciaux proches d’aller travailler à Paris. Ce phénomène est efficace (parce qu’il accroît le PIB par tête de la France) mais il accroît la polarisation géographique et les inégalités territoriales.

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Compétitivité des entreprises

Stimuler les entreprises innovantes

Innovation « sociale » (M.Aglietta)

Synergie entre acteurs publics et privés

Sur un territoire donné

Un autre moyen de résoudre le dilemme entre efficacité (qui suggère de laisser les activités se concentrer pour exploiter les externalités) et équité (qui impose de répartir les activités sur l’ensemble du territoire) consiste à laisser s’opérer la concentration et à mettre en place un système de transferts budgétaires compensatoires vers les régions périphériques : c’est dans une large mesure ce qui prévaut aux Etats-Unis. Le rapport Sapir au président de la Commission européenne (2004) propose dans cet esprit de séparer les fonctions d’allocation et de redistribution du budget européen en distinguant en son sein un « fonds de croissance » dont l’objectif serait de financer les projets les mieux à même de contribuer à la croissance de l’ensemble de l’Union, et un « fonds de convergence » réservé aux pays ou aux régions en retard de développement.

Source : Bénassy-Quéré p. 514

Document 78 : les activités innovantes renforcent les phénomènes d’agglomération

Document 79 : la création des pôles de compétitivité en France en 2005Dans la plupart des pays, l’Etat favorise la collaboration entre les acteurs publics et privés, en s’appuyant sur des mesures incitatives afin de créer des effets externes positifs. En France, par exemple, la constitution de 67 pôles de compétitivité en 2005 met en œuvre un partenariat entre recherche et industrie, entre grandes et petites et moyennes entreprises autour de grands programmes (nucléaire quatrième génération, automobile propre, mobile G4 …). Un pôle de compétitivité se définit « comme la combinaison, sur un espace géographique donné, d’entreprises, de centres de formation et d’unités de recherche publiques ou privées, engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets innovants ».

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Activités innovantes

Domaine des NTIC : coût de distance faible

Importance des économies d’échelle

externe

Renforce le phénomène d’agglomération

Creusement inégalités territoriales

Maximisation utilisation des ressources

Dilemme efficacité / équité

Financer le rattrapage et la convergence : investissements en infrastructures publics mais risque d’accentuer la dynamique de

concentration, peu efficace pour lutter contre concentration (surtout quand défaillances de

l’Etat)

Politique de « redistribution compensatoires » : les transferts

budgétaires assurent la cohésion sociale plus que le rattrapage économique

(idée du « fonds de convergence » du rapport Sapir 2004)

Quelle réponse ?

La politique structurelle ne s’inscrit donc plus dans le triptyque : recherche publique/entreprise publique/commande publique. Mais sous des formes renouvelées, en concentrant les moyens autour d’un petit nombre d’acteurs pour des projets industriels circonscrits, la politique industrielle cherche à favoriser les effets d’agglomération et la concentration oligopolistique, en l’occurrence au niveau européen.

Source : Dictionnaire de science économique, A.Colin, p. 354

Document 80 : le fonctionnement des Pôles de compétitivitéLe rapprochement des acteurs industriels, scientifiques et de la formation d’un même territoire, sur le modèle des "clusters", constitue :

- une source d’innovation : la proximité stimule la circulation de l’information et des compétences et facilite ainsi la naissance de projets plus innovants,- une source d’attractivité : la concentration des acteurs sur un territoire offre une visibilité internationale,- un frein aux délocalisations : la compétitivité des entreprises est liée à leur ancrage territorial grâce à la présence des compétences et des partenaires utiles.

L'État s'attache à promouvoir un environnement global favorable aux entreprises et à l'innovation et à soutenir l'effort de recherche et de développement déployé au sein des pôles de compétitivité. Ainsi, aux niveaux national ou régional, il accompagne leurs développements avec les collectivités territoriales :

- en octroyant, via le fonds unique interministériel (FUI), des aides financières aux meilleurs projets de R&D et de plates-formes d'innovation, lors d'appels à projets ;- en finançant partiellement les structures de gouvernance des pôles (associations), aux côtés des collectivités locales et des entreprises;- en aidant financièrement des actions collectives thématiques initiées par les pôles dans des domaines très divers, par l'intermédiaire des DIRECCTE ;- en impliquant divers partenaires : l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance ou encore la Caisse des Dépôts.

Source : http://competitivite.gouv.fr/politique-des-poles-471.html

Document 81 : quelles politiques pour renforcer les effets des pôles de compétitivité ?Il n’y a pas de miracle à attendre des pôles de compétitivité. Les gains des clusters, en terme de productivité, existent bien : le point de départ des politiques de cluster et donc vérifié. Ces gains ne sont pas négligeables, mais ils apparaissent comme des effets de second ordre (…). Les clusters se forment naturellement et ils ont un impact positif sur la productivité, mais il existe un certain nombre de freins à leur expansion qui font qu’en moyenne ils n’atteignent pas toujours la taille optimale. Les freins les plus importants sont ceux liés à la mobilité des travailleurs : les coûts de transaction élevés sur le marché immobilier, les réglementations locales qui réduisent l’offre immobilière, la faible qualité des services publics dans les grandes agglomérations. Pour les moins aisés, les locataires sont rendus « captifs » de leur logement car le droit au logement social n’est en pratique pas transférable d’une ville à l’autre. D’autres freins réglementaires et politiques limitent la mobilité du côté des entreprises en augmentant le coût de fermeture ou d’ouverture des sites de production. (…) L’explosion des coûts du foncier ou des services locaux, la congestion des réseaux de transport, la réduction de la qualité de vie limitent aussi le développement des clusters. Dès lors, que vaut-il mieux faire pour le décideur public : inciter les secteurs à augmenter leur niveau de concentration géographique à l’aide de subventions ou réduire les obstacles auxquels se heurte l’établissement de clusters d’une taille efficace ? La tendance actuelle des politiques françaises du type « politique de compétitivité » privilégie clairement la première option, notre travail suggère qu’il faut au minimum se poser la question de la pertinence de la seconde. Ce constat n’est certes pas entièrement nouveau : au niveau local, les politiques de transports urbains, la mise en place de biens publics, les réglementations sur l’utilisation des terrains, etc., ont toujours constitué le fondement des politiques économiques des autorités locales, qui fournissent les conditions d’un développement autonome de compétences économiques de type cluster. Ce genre d’action est assurément moins excitant que de tenter de créer un cluster en biotechnologie ou une nouvelle Silicon Valley, mais certainement plus raisonnable au vu des connaissances accumulées par les économistes sur cette question.

Source : G.Duranton, P.Martin,T.Mayer et F.Mayneris « Les Pôles de compétitivité : que peut-on en attendre ? » CEPREMAP, 2008, p.82

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Document 82 : les pôles de compétitivité, quels résultats ?

Résumé 83 : les pôles de compétitivité en France, que doit-on en attendre ?Pôle de compétitivité Caractéristiques Date de création en France / nombre actuel ?

2005 (près de 70 pôles en 2014)

Objectif Générer une synergie entre acteurs publics (recherche fondamentale, université) et privés (entreprises privées, associations) ; les acteurs se regroupent sur des bassins « industriels » pour y bénéficier d’externalités positives

Modalités de l’intervention publique

Essentiellement financière + infrastructures ; l’Etat cherche donc à attirer les entreprises afin de produire des économies d’échelle externe (sur le principe des « districts marshalliens » ou des clusters)

Constat critique des auteurs du rapport du CEPREMAP en 2008 (Duranton et alii)

Les subventions publiques sont peu incitatives pour attirer les entreprises ; par contre, les clusters ont parfois du mal à se développer (dépasser une taille critique) car ils se heurtent à des difficultés de recrutement liées à la mobilité géographique des actifs trop rigide en France. Les auteurs du rapport suggèrent qu’il vaudrait mieux consacré les sommes dépensées en subvention pour attirer les entreprises en sommes dépensées pour régler les problèmes de mobilité géographique des salariés.

Conséquence sur les inégalités territoriales

Elles se renforcent ;

Document 84 : le Mittelstand allemandDans les «Trente glorieuses », la France avait construit un système industriel efficace organisé par l’Etat, que l’on peut appeler « système d’innovation industrialo-étatique ». Les entreprises publiques en étaient le fer de lance. L’aéronautique, les transports terrestres, le nucléaire et la chimie étaient les secteurs d’intégration industrielle. L’Etat dominait directement le financement avec l’aide de la Caisse des dépôts. Le retrait de l’Etat et la conversion politique au fondamentalisme de marché dans les années 1980 et surtout 1990 ont laissé le pays sans stratégie de reconversion industrielle dans le cadre de la concurrence mondiale. Ce flou de l’organisation industrielle française contraste avec le Mittelstand qui est la référence de l’excellence compétitive en Europe. Le renforcement de la puissance exportatrice de l’Allemagne depuis la création de l’euro fait pendant à la lente désindustrialisation de la France. Les entreprises allemandes ont investi massivement l’Europe de l’Est pour

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Objectif : subventionner les entreprises pour qu’elles s’installent dans un périmètre donné et génèrent des économies d’échelle externe

Mais double constat

Les clusters apparaissent « naturellement » : la dépense publique est peu incitative donc peu efficace

Les clusters rencontrent des problèmes de développement en raison : prix du foncier, taille du bassin d’emploi, réseaux transports

Les politiques qui jouent sur ces critères ont plus d’impact sur le développement des clusters que les incitations financières

accroître la compétitivité des systèmes d’innovation sur leur territoire. Elles ont fortement intégré leurs investissements à l’étranger dans les systèmes industriels installés dans les Lander. Au contraire, sous l’influence de leur actionnariat anglo-saxon, les entreprises françaises se sont découplées du territoire national, déterritorialisant mêmes des centres de recherche. Le Mittelstand est une sorte d’écosystème autoreproduit qui fabrique un cercle vertueux dont dépendent sa résilience aux chocs et sa longévité historique. Le cœur du système est la qualité des actifs intangibles renouvelée dans la durée. Elle rend possible une innovation incrémentale continue ; ce que l’on appelle « la perfection du banal ». Ce n’est donc pas un système qui fait des percées fulgurantes dans les innovations radicales. Mais cette innovation incrémentale, répandue dans toute l’industrie, nourrit des avantages compétitifs hors prix qui garantissent des parts de marché solides et compatibles avec des marges élevées. Grâce à la solidité des comptes d’exploitation, l’autofinancement est la première source de l’investissement ; ce qui favorise l’indépendance par rapport à la finance, donc la continuité du contrôle capitalistique par un actionnariat principalement familial. Le maintien de ce contrôle permet aux conseils de surveillance, dans lesquels la représentation des salariés est paritaire, d’affirmer leur indépendance stratégique sur des horizons longs et de négocier des financements externes en position de force. C’est la condition essentielle pour que la finance soit mise au service de l’économie. Grâce à cette indépendance, des stratégies de spécialisation peuvent être poursuivies qui entretiennent l’innovation incrémentale et donc les parts de marché.Trois leçons peuvent être tirées de l’expérience allemande. En premier lieu, l’innovation est le plus souvent incrémentale à partir d’une base industrielle maîtrisée. En second lieu, de petites niches au niveau national peuvent produire des exportations très profitables sur les marchés globaux. En troisième lieu, on peut préserver une vaste gamme d’activités de la concurrence des pays émergents si l’on sait innover sur ses points forts. C’est l’innovation sociale qui est le facteur prédominant de la compétitivité : effort public de formation et de recyclage des travailleurs, lien étroit des entreprises et des institutions scolaires dans l’apprentissage. Il faut y ajouter ce que ne fait pas l’Allemagne, mais que fait la scandinavie : l’égalité hommes/femmes dans l’emploi et la mobilité professionnelle, l’aide publique à la prise en charge de l’enfance préscolarisée. La dynamique auto-entretenue de la croissance industrielle implique une organisation des rapports entre puissance publique et acteurs privés. Elle requiert aussi des politiques dédiées aux systèmes d’innovation. La stratégie industrielle doit être insérée dans les territoires. En France, il revient aux régions de promouvoir un nouvel état d’esprit. Elles doivent sélectionner des entreprises capables de développer des avantages compétitifs régionaux, détecter des segments d’industries prometteurs et monter des projets pilotes associés à des cofinancements publics – privés. Pour inciter les PME à innover et exporter, il peut être utile en France d’instituer un statut de PME innovantes qui auraient accès à des financements attractifs et d’aider beaucoup plus efficacement les PME à l’étranger. Enfin, reterritorialiser l’industrie et engendrer des flux d’innovations incrémentales repose sur la définition du développement durable comme axe de stratégie à la fois européenne et nationale. Source : M.Aglietta « Sortir de la crise et inventer l’avenir », Michalon, 2014, p. 146-148

« Mittelstand » allemand CaractéristiquesPME ou grande entreprise ? PMEOrienté marché intérieur ou exportation ?

Exportations

Fonctionnement de la DIPP : délocalisation totale ou partielle ?

Partielle

Actionnariat ouvert ou fermé ? Fermé Relation avec les banques ? Importante et durable Formation continue ou initiale ? Continue Innovation radicale ou incrémentale ?

Incrémentale

Document 85 : conclusion, contre la thèse de la stagnation séculaireLe quadruple déficit de balance courante, de finances publiques et sociales, d’emploi et de compétitivité, et son aggravation continue pourraient laisser croire que la France est devenue l’homme malade de l’Europe. C’est oublier que, par le passé, elle a connu des situations comparables et qu’elle les a surmontées. C’est méconnaître les exemples étrangers de rebond à partir des situations tout aussi dégradées. C’est surtout tenir pour quantité négligeable les opportunités de l’actuelle phase de la mondialisation et de la nouvelle révolution industrielle.

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L’instar d’autres pays industrialisés, la France peut, par des politiques structurelles fortes, profiter de l’arrivée de nouvelles vagues technologiques pour accélérer la croissance de sa productivité. (…) Sur la longue période, la croissance de la productivité aux Etats-Unis a connu des vagues technologiques successives Les gains de productivité induits par la révolution technologique associée aux chemins de fer et à la machine à vapeur s’épuisent au début du XXième siècle. Les effets de la révolution technologique suivante, associée à la diffusion de l’usage de l’électricité, du moteur à explosion et de la chimie moderne, induisent alors une nouvelle vague de croissance de la productivité qui s’étend sur près de trois quart de siècle avec un point culminant au milieu du 20ième siècle. Cette vague connaît un fort ralentissement transitoire au moment de la crise des années 1930. Les effets de la dernière révolution technologique, associée à la production et à l’usage des technologies de l’information et de la communication, induisent une nouvelle vague de croissance de la productivité beaucoup plus courte (un peu plus d’un quart de siècle) et moins élevée que la précédente

A l’époque où la diffusion de produits intégrant des nouvelles technologies s’intensifie auprès des ménages, la baisse des gains de productivité associées à la dernière révolution, celle des TIC, peut sembler paradoxale. Cette baisse, qui n’a rien de conjoncturel et qui est au contraire structurelle, s’explique pourtant assez bien et fait l’objet d’une littérature aujourd’hui abondante. Ce qui est ici pris en compte correspond aux gains de performance productive des TIC, qui induisent des gains de productivité des entreprises. Ces gains de performance des TIC sont eux-mêmes principalement liés au nombre de transistors qu’un microprocesseur (puce) peut contenir. Ce nombre a doublé tous les deux ans environ, du début des années 1960 jusqu’au début des années 2000 (c’est évolution est parfois appelée la « loi de Moore » du nom de l’ingénieur qui l’a théorisée initialement), avec une accélération au milieu des années 1990. Cette amélioration des performances ne cesse de ralentir ensuite (épuisement de la loi de Moore) du fait des contraintes d’ordre physique à augmenter continûment le nombre de transistors introduits dans les puces. Il est souvent considéré qu’une nouvelle vague de gains de performance des TIC devrait émerger dans les prochaines années, associée à la fabrication et à la diffusion des puces 3D, puis des « biochips », et, enfin, dans une avenir beaucoup plus lointain, à l’électronique quantique. Dans cette hypothèse réaliste, la révolution technologique associée aux TIC induirait une seconde vague de croissance de la productivité, qui pourrait même être plus importante que la première vague, et qui s’amorcerait dans quelques années. La croissance de la productivité en France connaît des vagues décalées par rapport à celles observées aux Etats-Unis. La productivité était en France très inférieure au début du XXième siècle à celle des Etats-Unis.  Un phénomène de rattrapage se produit au tournant du siècle et dans l’entre-deux-guerres, qui se caractérise par une diffusion tardive de la précédente révolution technologique dont ont déjà bénéficié les Etats-Unis. Puis la

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France ne profit qu’après la seconde guerre mondiale de la vague technologique suivante dont les Etats-Unis ont déjà tiré le plein bénéfice. Ce retard dans la diffusion des vagues technologiques s’explique par différents facteurs, parmi lesquels bien entendu le fait que la France a pâti sur son propre sol des deux guerres mondiales, mais aussi et surtout par des institutions moins adaptées à une diffusion généralisée et rapide des vagues technologiques. Cette inadaptation des institutions concerne à la fois les structures des biens, une certaine flexibilité sur le marché du travail, la qualification de la population en âge de travailler, la fiscalité …. (…) Le moindre bénéfice des TIC de la France comparée aux Etats-Unis s’explique par leur moindre diffusion dans nos entreprises. Ce phénomène qui concerne plus largement les pays européens et pas seulement la France a fait l’objet de nombreuses analyses ; ici encore, les principaux facteurs explicatifs semblent être une moindre flexibilité du marché du travail, un environnement moins compétitif sur le marché des biens, et enfin un moindre niveau d’éducation moyen de la population en âge de travailler. On constate notamment qu’une moindre flexibilité sur le marché des biens et sur le marché du travail expliquerait la moitié de l’écart de diffusion des TIC vis-à-vis des Etats-Unis, l’autre moitié étant justifiée par un niveau d’éducation plus faible de la population en âge de travailler. Quelles leçons peut-on tirer des constats qui précèdent ? Tout d’abord, que des réformes structurelles ambitieuses, sur les marchés du travail et des biens et dans le domaine éducatif, permettraient de rattraper le retard de diffusion des TIC et de bénéficier d’une accélération de la productivité. Ensuite, que ce rattrapage permettrait à la France de ne pas connaître le fléchissement de la productivité que traversent actuellement les Etats-Unis, entre les deux vagues associées aux TIC. Ainsi, la France pourrait connaître de façon prolongée des gains de productivité soutenus, tout d’abord en rattrapant son moindre bénéfice de la première vague des TIC, puis en bénéficiant immédiatement et pleinement de la seconde vague des TIC. La condition à cela est la mise en œuvre de réformes structurelles ambitieuses. L’accélération de la productivité qui pourrait ainsi être obtenue dynamiserait la croissance de l’économie française, ce qui faciliterait simultanément l’amélioration du niveau de vie moyen, la soutenabilité d’un système sociale protecteur, généreux mais coûteux et la consolidation des finances publiques.

Source : P.Aghion, E.Cohen et G.Cette « Changer de modèle », p. 42-48

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Document 86 : en résumé

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Les politiques industrielles

Comment faire augmenter la croissance potentielle ?

Les politiques horizontales

Portée Limites : les défaillances de l’Etat dans un environnement économique mondialisé

Les politiques verticales

Portée Limites : les défaillances de marché freinent l’investissement ; la libéralisation de certains marchés ont des effets non souhaités ; risque dumping fiscal

Redéfinir les politiques industrielles

Intervention de l’Etat pour éviter défaillances de marché

Mais une bonne gouvernance pour éviter défaillances de l’Etat

Une réforme de la fiscalité réduisant les inégalités et incitative

Une réforme du marché du travail permettant la destruction créatrice des

emplois nécessaires à l’innovation

Des politiques industrielles au niveau des territoires qui stimulent l’innovation « sociale » (interaction public-privé)

Des politiques de redistribution entre territoires pour répondre au creusement des performances économiques des territoires

en raison des phénomènes d’agglomération (admettre que le rattrapage économique est

impossible)Une réforme des marchés des biens et services pour éliminer les rentes qui ne

sont pas utiles à l’innovation

La mise en œuvre d’autres réformes structurelles pour favoriser la

dynamique de destruction créatrice qui accompagne les innovations :

2.3 La transition énergétique et les politiques environnementales : un nouveau cadre pour les politiques structurelles et industrielles

2.3.1 Un détour par la problématique du bien-être et du développement : distinguer croissance, bien-être et développement

2.3.1.1 Comment rendre compte du bien-être économique ? Les limites du PIB

Document 87 : ce que le PIB ne voit pasLe changement climatique, les atteintes à la biodiversité et à la dégradation des écosystèmes entament chaque jour un peu plus, dans la méconnaissance générale, notre qualité de vie future et celle de ceux qui nous suivront. (…) « Le retour de la croissance » que l’on annonce en France pour 2015 et 2016 sera une attente déçue. L’enjeu n’est donc pas de tenter de forcer l’allure en alimentant une chaudière poussive au besoin en désossant la coque de notre navire mais de se doter d’une boussole fiable pour éviter le naufrage et naviguer aussi paisiblement que possible sur les eaux du nouveau monde économique. les indicateurs de bien-être et de soutenabilité, qui visent à aller au delà du PIB sont parfois perçus ou caricaturés comme d’amusants gadgets. Ils sont bien plus que cela : ce sont des vecteurs de transition et des viatiques démocratiques. La mesure précise et pertinente du bien-être et de la soutenabilité est en effet une dimension essentielle de la qualité du débat public. (…) Les indicateurs économiques conventionnels (comme le PIB) peuvent être utiles pour comprendre une partie de la réalité, mais cette partie est bien trop limitée et se réduit comme peau de chagrin à mesure que montent en puissance les défis écologiques. On connaît les critiques classiques adressées au PIB qui découlent de sa dénomination même : le produit intérieur brut. (…) On peut corriger ces défauts et améliorer le PIB. Mais le véritable enjeu consiste à le dépasser dans trois directions. « En deçà du PIB » émergent les déterminants profonds du développement humain qui sous-tendent l’accumulation quantitative des facteurs de production et l’amélioration qualitative de leur assemblage nécessaire à l’accroissement du niveau de production. Les institutions, la géographie, l’ouverture internationale se combinent depuis des siècles pour ouvrir ou fermer la possibilité de l’expansion économique.« A côté du PIB » prospère ou non le bien-être humain qui dépend bien plus de la santé et de l’éducation que de l’accumulation du revenu et qui n’y est pas réductible. (…) Augmenter le PIB ne suffit pas à se développer humainement, il y faut des politiques spécifiques qui se donnent pour objet direct l’éducation, la santé, les conditions environnementales ou encore la qualité démocratique. Sans la considération de cette pluralité du bien-être, une dimension, généralement la dimension économique, s’impose aux autres et les écrase, mutilant la développement humain. « Au-delà du PIB » se dessine l’enjeu écologique : que nous importe un taux de croissance de 10% du PIB si les écosystèmes, l’eau, l’air qui sous-tendent notre bien-être sont ravagés ? Que nous importe la croissance si la vie même devient impossible ? Ou pour le dire avec les mots du ministre de l’Environnement chinois Zhou Shengxian en 2011 : « si notre terre est dévastée et que notre santé est anéantie, quel bienfait nous procure notre développement ? »Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité

au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.10-13Document 88

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Conditions de la croissance : « En deçà du Pib »

Croissance (mesurée par le PIB)

Autres dimensions du bien-être : « à côté du PIB »

Enjeu écologique du développement humain : « au-delà du Pib »

Le développement = augmentation du bien-être humain (élargir les choix qui s’offrent aux individus de mener la vie qu’ils souhaitent)

Le développement durable= augmentation du bien-être humain de

génération en génération

Document 89 : Mesurer le bien-être économique, du Pib au niveau de vie des ménagesDistinguer PIB et revenu, c’est établir une distinction entre la production de richesses et leur répartition effective entre les membres de la société. Mesurer le revenu, c’est évaluer le revenu des ménages, c’est-à-dire le revenu qui leur parvient effectivement au terme du processus de création de richesse économique (la production). Le grand partage social de la richesse commence entre salaires et profits. (…) On peut encore affiner le diagnostic en mesurant dans l’ensemble des profits la part qui revient à la finance représentée par la distribution de dividendes des entreprises à leurs actionnaires. (…) Mais y a-t-il vraiment une différence entre la mesure du développement économique à partir du PIB, des profits, de la progression des marchés financiers et du revenu des ménages ? Ne peut-on pas dire que ces grandeurs évoluent dans le même sens ? La réponse est négative, et elle l’est d’autant plus dans la période actuelle. Un détour par les derniers chiffres de l’économie américaine permet de s’en convaincre.

Les données disponibles sur les Etats-Unis sont tout à fait claires : la régression du revenu des ménages résulte autant de la part de la richesse revenant aux entreprises et captée par la finance que de celle qui est accaparée par les plus hauts revenus. L’économiste Emmanuel Saez a montré que depuis la reprise de la croissance du PIB en 2010, 90% des gains de revenu ont été captés par le 1% supérieur de la distribution des revenus. Autrement dit, la « reprise » économique est un mirage pour 99% des citoyens américains, qui n’ont vu leur revenu augmenter que de 0,8% entre 2009 et 2012 tandis que les revenus du 1% les plus riches augmentaient d’environ 35% dans le même temps (soit 45 fois plus). Il s’agit là de la reprise économique la plus inégalitaire depuis que les statistiques économiques modernes existent. La croissance du PIB américain ne nous dit rien de ces phénomènes d’inégalité. (…) Les données européennes nous invitent à une décomposition plus fine des éléments qui forment le revenu des ménages, celui-ci comprenant au moins trois composantes principales  : le revenu tiré des activités marchandes, les impôts et cotisations versés et enfin les prestations sociales perçues. Le revenu des ménages ne se limitent pas au revenu marchand mais est correctement mesuré par le «  revenu disponible brut ». (…) Dans le cas français, une décomposition du revenu des ménages entre les années 2010 et 2013 montre une perte totale de revenu de plus de 1600 euros, qui s’explique par une baisse du revenu marchand, une hausse des prestations sociales et une hausse de la fiscalité. Les trois effets se cumulent donc ici : la crise économique qui se poursuit et explique la perte du revenu marchand, le soutien de l’Etat providence qui vient compenser cette baisse et la politique d’austérité qui s’est traduite par une hausse de la fiscalité. Alors même que pendant la période 2010-2013, le PIB affiche une progression de 1,2% en moyenne.

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Il importe de prendre en considération au moins deux éléments nouveaux pour apprécier à sa juste mesure la situation réelle des français et passer du revenu disponible brut au niveau de vie, qui est le revenu tel qu’il est vécu par les personnes. Le premier élément est l’inflation, (…) le deuxième élément est la partie des ménages qui est dite « contrainte » ou « préengagée ». Ces dépenses représentent en moyenne 30% du budget des français et leur part a doublé au cours des dernières décennies, sous l’effet de la hausse des dépenses de logement.(…) Une fois pris en compte ces éléments, le niveau de vie des ménages recule de 2,3% en 2012, tandis que le PIB lui augmente de 0,4%. L’écart entre l’indicateur de référence du débat public et celui qui mesure le revenu vécu des français s’établit à près de 3 points de pourcentage, la différence entre une croissance faible et une récession profonde ! Comment s’étonner dans ces conditions du malaise démocratique français ? on mesure l’écart qui se forme entre un discours politique fondé sur les chiffres de la croissance du PIB et la réalité quotidienne des citoyens. (…) Utiliser de mauvais indicateurs économiques, c’est courir le risque de parler à ses concitoyens dans une langue étrangère. Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.10-13

Document 90: quel indicateur pour mesurer le bien-être économique ?

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Le PIB PIB/hab Revenu des ménages RDB Niveau de vie

Tenir compte de la répartition des revenus primaires et des inégalités de revenus

Tenir compte de la taille de la population

Tenir compte de la redistribution des revenus

Tenir compte de l’inflation et des dépenses préengagées

2.3.1.2 Comment rendre compte du bien-être humain ? Le bien-être ne se résume pas à un bien-être économique

Document 91: la notion de développement humainPour Mahbub ul Haq, co-concepteur avec Sen du premier Rapport mondial sur le développement humain de 1990, « le principal objectif du développement est d’élargir les choix qui s’offrent aux gens. (…) Les gens attachent de la valeur aux réussites qui ne transparaissent pas du tout, ou immédiatement, dans les chiffres relatifs aux revenus ou à la croissance économique : un meilleur accès aux connaissances, une meilleure nutrition, de meilleurs services de santé, des moyens d’existence plus sûrs, une certaine sécurité contre la criminalité et la violence physique, du temps libre bien rempli, des libertés politiques et culturelles et un sentiment de participation aux activités de la communauté. L’objectif du développement est de créer un environnement favorisant l’épanouissement pour que les gens puissent jouir d’une vie longue, saine et créative ». Le développement devient, avec cette approche qui dépasse le seul revenu, le processus d’expansion des libertés réelles dont jouissent les individus. (…) L’emploi reste, dans les économies développées, la principale source de revenu, d’insertion sociale et d’épanouissement personnel. Dès lors, l’accès de tous ceux qui le souhaitent à un emploi doit demeurer l’un des objectifs premier de toute politique économique et sociale. (…) Mais ces politiques ne doivent pas se contenter de poursuivre un objectif quantitatif de création d’emplois, condition nécessaire mais non suffisante du progrès humain : elles doivent aussi viser à en améliorer la qualité. La santé est sans doute la dimension du bien-être humain la plus intuitive, celle que tout un chacun reconnaît d’emblée comme la plus essentielle. (…) La santé a une dimension directe et indirecte : elle procure directement du bien-être via la longévité et elle garantit indirectement le bien-être économique via la capacité de travailler et donc de « gagner sa vie ». il n’est donc guère surprenant de voir la santé sous forme de « capital humain ». (…) L’IDH présente le grand intérêt d’aborder l’enjeu du développement en agrégeant ensemble trois dimensions : le revenu, la santé et l’éducation. (…) L’éducation occupe un place à part parmi les dimensions du bien-être humain pour deux raisons principales. La première est qu’elle représente à la fois un bénéfice immédiat et la promesse d’un bien-être futur. La seconde est que l’éducation est à la fois un accomplissement personnel et une réalisation sociale. (…) Le bonheur est assurément la dimension du bien-être humain la plus insaisissable. (…) Le point de départ de toute étude sur le bonheur doit donc être la reconnaissance de sa polysémie et de sa pluralité. L’étude des relations entre bonheur et revenu se révèle précieuse car elle permet d’éclairer les relations entre indicateurs objectifs et subjectifs de bien-être. (…) Le paradoxe d’Easterlin permet d’éclairer cette question. il se compose de (…) constats empiriques. Le premier constat est que les plus riches dans une société donnée à un moment donné, se déclarent plus heureux que les plus pauvres. (…) Cependant, deuxième constat, à mesure que le revenu augmente dans le temps pour un pays donné, les individus ne se déclarent pas plus heureux. (…) Il n’y a donc pas de relation mécanique au cours du temps entre accroissement du revenu et accroissement du bonheur. (…) Compte tenu de la nature actuelle de la croissance économique des pays, l’augmentation a des conséquences environnementales néfastes alors même que le progrès qu’elle induit en matière de bonheur est très faible. Pour le dire clairement, les chinois ont beaucoup perdu de leurs ressources environnementales les plus vitales sous l’effet d’une croissance effrénée pour un gain en termes de bonheur qui paraît limité. (…) Si la relation entre bonheur et revenu est forte lorsque seules ces deux variables sont mises en présence, elle s’efface devant l’importance des relations sociales et de la jouissance des libertés civiles dès que ces autres déterminants sont pris en considération. Si les pouvoirs publics veulent augmenter le niveau de bonheur des citoyens, il est donc plus important d’améliorer directement ces dimensions plutôt que d’augmenter le revenu. (…) La confiance est tout autant un déterminant qu’une dimension du bien-être humain. on peut désirer la confiance pour elle-même comme pour ce qu’elle permet d’accomplir dans les sociétés humaines. La confiance est la clé de la coopération sociale. elle domestique l’incertitude attachée aux conduites humaines pour la transformer en risque acceptable ou non. Elle favorise la réciprocité et accélère les transactions de tous les ordres. Ce faisant, elle libère la puissance de l’intelligence collective qui est au cœur de la prospérité. (…) La confiance est à la fois un moyen et un résultat du bien-être, ce que l’on appelle parfois le « capital social ». (…) Les institutions sont les formes concrètes de la coopération sociale, l’incarnation des règles et des principes qu’une société se donne à elle-même pour se gouverner et se projeter dans le temps. elles sont (DC.North) « les contraintes humainement formées qui structurent les interactions politiques, économiques et sociales ». (…)

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Elles sont les règles du jeu et du progrès social, un jeu pratiqué par les personnes mais aussi les organisations comme les entreprises, les syndicats ou encore les associations. En mesurant la qualité des institutions, on entend dépasser les indicateurs économiques pour adopter une perspective longue du développement humain, qui n’est pas durable sans des institutions de qualité, à commencer par les institutions les plus élémentaires qui garantissent l’ordre public et la paix civile, telles que la police et la justice, la défense et la diplomatie. (…) Un enjeu important pour les pays en développement est la question de la justice sociale ou de l’égalité, qui dépasse la question des droits politiques et des libertés civiles pour évaluer les démocraties dans leur deuxième âge, celui des droits sociaux. Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité

au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.20-126

Document 92: les autres dimensions du bien-être humain

2.3.1.3 Passer du développement au développement soutenable : répondre au défi climatique

Document 93: l’exemple de la ChineNous vivons encore sous le règne du PIB mais force est de constater que le nouveau monde économique est en train d’être défriché sous nos yeux. Nul pays n’illustre mieux la révolution du bien-être et de la soutenabilité en cours que la Chine, qui est véritablement entre deux mondes, celui de l’économie du 20 ième siècle et celui du 21ième siècle, en train de basculer de l’un vers l’autre. Ainsi donc, si l’on en croit les récents calculs du FMI, la Chine a ravi en 2014 aux Etats-Unis la place de première puissance économique mondiale mesurée par le PIB. (…) Mais la Chine est l’illustration parfaite des raisons pour lesquelles le PIB doit être dépassé en ce début de 21 ième siècle. Mieux encore : les dirigeants chinois en paraissent convaincus ! Pour commencer la taille de l’économie chinoise ne nous dit rien du bien-être économique réel des chinois. (…) Or on constate que le revenu par habitant en Chine est non seulement 10 fois moins important qu’en Suède (la Chine est classée 121ième pays) mais qu’il est en outre deux fois plus inégalement réparti. (…) Le bien être humain ne se limite pas ailleurs pas au bien-être économique. dans des dimensions aussi essentielles pour le développement que la santé et l’éducation, la Chine se situe nettement derrière le groupe des nations les plus avancées. Des indicateurs comme le bonheur des habitants relèguent la Chine au même rang (fait notable  : alors même que le revenu par habitant a été multiplié par 4 ces 20 dernières années, les indicateurs de bonheur des Chinois ont eu tendance à reculer). Lorsque l’on élargit la focale pour envisage le progrès social, et notamment la question des libertés civiles et des droits politiques, la situation apparaît encore plus dégradée : la Chine se classe parmi les 5% des pays les moins libres de la planète.Enfin, et serait-on tenté de dire surtout, les dégradations environnementales massives dont la Chine est le théâtre depuis les années 1990 font douter que la première puissance économique du monde puisse le demeurer longtemps. Apprécié sous l’angle non plus seulement du niveau de vie statique mais du développement soutenable, le modèle de croissance chinois de ces dernières années s’apparente à une véritable autodestruction. (…)La bonne nouvelle pour l’avenir vient du fait que les dirigeants chinois ont désormais accepté cette réalité : en conséquence, ils abaissent leur objectif de croissance du PIB pour rehausser leurs objectifs de développement. Le pouvoir chinois a ainsi adopté depuis 2006 ce qui revient à un tableau de bord de développement soutenable comprenant des cibles environnementales qui viennent compléter les objectifs économiques et sociaux que se

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Bien être humain dépend

Bien être « économique » : du Pib au niveau de vie des ménages

Bien être non « économique » : éducation, santé, emploi, bonheur, confiance, institution

fixe le pays. Cette nouvelle stratégie de développement « harmonieux » qui reconnaît que la croissance économique a marche forcée finira par anéantir le développement humain a été très clairement explicitée dès 2006 par le Premier Ministre Wen Jiabao.

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.240

Document 94 : l’amélioration du bien-être humain dans le temps

Document 95: l’ensemble des « capitaux » transmis aux générations suivantesConstruire une mesure de la soutenabilité globale sous la forme d’une indicateur unique suppose que l’on définisse précisément ce qui permet aux générations présentes et futures de subvenir à leurs besoins, ou, dans une optique plus large, d’assouvir leur aspiration au bien-être. (…) De même que les économistes ont l’habitude de penser la fourniture de biens et services comme nécessitant l’utilisation, dans le processus de production d’un stock de capital productif (outils, machines, bâtiments), les différentes personnes qui participent à la production, avec leurs qualifications ; la fourniture des autres composantes du bien-être peut être comprise comme le résultat de la mobilisation de stocks de capitaux de nature différente : le capital naturel, qui fournit aux humains les ressources naturelles, l’environnement et tous les bénéfices qu’il recèle, et le capital social, constitué des institutions, modes d’organisation sociale, de toutes les habitudes, traditions, pratiques culturelles qui régissent la vie en société et les rapports des individus entre eux au sein de ces sociétés humaines. La somme de toutes ces composantes (le capital productif produit par l’homme, le capital humain, le capital naturel, le capital social) constitue la « véritable richesse des nations » ; c’est cet ensemble de capitaux qui, combinés en mobilisant les techniques et les savoirs disponibles, assure aux générations présentes la couverture de leurs besoins et leur fournit le bien-être dont elles jouissent. C’est donc aussi cet ensemble de « moyens de bien-être », ces stocks de capital, qu’il convient de préserver, voire d’accroître, et de léguer aux générations futures pour qu’elles puissent, à leur tour, satisfaire leurs besoins et jouir d’un bien-être au moins égal au nôtre : c’est en somme le patrimoine de l’humanité.

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

Document 96 : la réalisation du bien-être humain doit être soutenableC’est un rapport des Nations Unies publié en 1987 sous la direction de Gro Harlem Brundtland (alors premier ministre de Norvège) qui a posé les bases et formulé pour la première fois une définition générale de la soutenabilité, en introduisant ce que l’on appelle en France le développement durable. Le rapport, préparatoire

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Réalisation du bien-être humain au temps t

Réalisation du bien-être humain au temps t+n

Transmettre des capitaux qui sont des « moyens de bien-être » : Le capital physiqueLe capital humain Le capital technologiqueLe capital socialLe capital institutionnel Le capital naturel

La « véritable richesse des nations » : le patrimoine qui sera transmis =

Le « capital total »

au Sommet de la Terre de Rio (1992) met en exergue la notion de capacité limitée de l’environnement naturel à répondre aux « besoins » présents et futurs des humains. L’objectif n’est donc pas tant de « sauver la planète » que de ne pas compromettre la possibilité pour le plus grand nombre d’humains de continuer d’y vivre et d’y prospérer. (…)

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

Document  97 : les activités humaines modifient l’environnement de manière ample et brutale, on assiste à une dégradation du stock de capital naturel

La concentration de gaz à effet de serre dans les basses couches de l’atmosphère, responsable du changement climatique, responsable du changement climatique, s’accroît de manière exponentielle depuis un peu plus de deux siècles : un peu moins de 280 ppm, en moyenne au cours des siècles qui ont précédé le commencement de l’ère industrielle, plus de 400 ppm aujourd’hui, avec un rythme annuel d’émissions mondiales qui s’accélère dangereusement au cours des trois dernières décennies au lieu de se réduire. Le changement climatique qui en résulte est désormais incontestable et perceptible : non seulement la température moyenne à la surface de la terre augmente (elle s’est accrue d’environ 0,8° C depuis la fin du 19 ième

siècle), mais les phénomènes climatiques extrêmes (sécheresses, canicules, tempêtes, ouragan, cyclones, inondations …) deviennent plus fréquents et plus intenses dans toutes les régions du globe. (…) La vie sur notre planète prend des formes d’une variété presque infinie. C’est cette diversité biologique que l’on désigne par le terme de biodiversité. (…). Selon les données collectées par l’Union internationale pour la conservation de la nature, environ 30% des espèces connues sont menacées. (…) La planète est entrée dans une nouvelle ère d’extinction massive d’espèce, la sixième recensée par les paléontologues, la précédente ayant été, il y a environ 65 millions d’années, celles qui a vu disparaître les dinosaures. Parallèlement, la disparition de nombreux ecosystèmes (du fait de la pollution, des changements d’utilisation des sols notamment du fait de l’artificialisation engendrée par l’urbanisation et l’aménagement des voies de communication et autres infrastructures) se produit à un rythme rapide. Les modifications de l’environnement engendrées par les activités humaines depuis un peu plus de deux siècles sont trop amples et trop brutales pour que le processus de l’évolution permette à la plupart des espèces vivantes et aux écosystèmes de s’y adapter, comme cela a pu se produire dans le passé lorsque les changements ont été progressifs. (…)

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

Document 98 : un indicateur pour mesurer l’impact de l’activité humaine sur la terre, l’empreinte écologique

Certains chercheurs ont eu l’idée d’évaluer l’ampleur des « traces » des activités humaines à l’aide d’indicateurs appelés « empreintes » dont le plus connu est « l’empreinte écologique ». Il s’agit de mesurer la pression qu’exercent la vie et les activités humaines sur l’environnement naturel, soit sur un phénomène spécifique et bien identifié (par exemple l’empreinte carbone, pour évaluer la pression sur le climat) soit en s’efforçant d’inclure et de synthétiser différentes dimensions des atteintes à l’environnement global et aux ressources naturelles. (…) L’attrait de cette évaluation par empreinte tient à ce qu’elle permet, en principe, d’évaluer la « capacité biologique » de la planète, représentant l’offre disponible de ressources naturelles et de services écosystémiques, et de la comparer à ce que nécessiterait (…) la consommation effectivement observée : l’écart entre cette « offre biologique » et la « demande » émanant des consommations humaines donne une indication sur la « pression excessive » de ces dernières sur les capacités naturelles de la planète. (…) L’évaluation de l’empreinte écologique indique ainsi que depuis 1980 l’humanité a dépassé la capacité biologique de la planète et « surexploite » désormais, et de plus en plus, les ressources biologiques disponibles. (…) Même si elles sont fondée sur une méthodologie discutable (…) ces empreintes pointent vers l’enjeu essentiel : la « résilience » de la planète, c’est-à-dire sa capacité d’endurance. La démarche adoptée par l’approche dite des « limites planétaires » peut être vue comme une généralisation de celles des empreintes qu’elle améliore de différentes manières. (…) Cet indicateur fait clairement apparaître les quatre domaines dans lesquels, en l’état actuel de nos connaissances scientifiques, les risques sont élevés  : les atteintes à la biosphère, et les perturbations des cycles biochimiques de l’azote et du phosphore, l’utilisation des sols et le changement climatique, Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

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Document 99 : impact des activités humaines sur l’environnement

2.3.1.4 Expliquer la destruction du capital naturel : les activités économiques produisent des externalités négatives et les agents manifestent une préférence pour le présent

Document 100 : le développement suppose l’accumulation des formes de « capitaux », cette accumulation réagit à des incitations

Document 101 : l’importance du soutien au secteur de l’énergie en raison des défaillances de marchéOn a pu montrer que des aides ciblant des secteurs à forte concentration de main d’œuvre qualifiée stimulent davantage la croissance. Un autre critère, étroitement relié au précédent, est celui de la contribution potentielle du secteur à la croissance de l’économie dans son ensemble (l’existence d’externalités technologiques). Ainsi, un premier domaine où l’intervention sectorielle s’impose naturellement est celui des énergies renouvelables et de l’environnement. Outre les externalités environnementales (une firme individuelle ne prend pas en compte les effets de son activité de production sur l’environnement et le climat), il y a une « dépendance historique » (path-dependance) dans le processus d’innovation technologique. Plus précisément, des entreprises ou individus qui ont innové dans les technologies polluantes dans le passé tendent à innover dans ces mêmes technologies dans le futur. Une étude récente utilise une base de données internationale sur les brevets dans l’industrie de l’automobile afin d’établir la dépendance historique qui caractérise les innovations propres et sales. Cette étude montre que si le prix du pétrole augmente (par exemple, à la suite d’une augmentation de la taxe carbone), les entreprises redirigent leurs innovations vers les brevets propres. En outre, la propension à innover de manière propres est positivement corrélée avec les stocks d’innovations propres déjà détenus, mais négativement corrélée avec les stocks d’innovations sales déjà détenus. En d’autres termes, on observe bien un effet de path dependance dans les activités innovantes des entreprises, puisque des entreprises qui ont précédemment investi dans des technologies pour les moteurs à combustion continuent d’investir dans ces technologies dans le futur, et inversement pour les entreprises qui ont investi dans des technologies pour les moteurs électriques. L’effet de path dependance dans l’innovation, couplé au fait que les entreprises ont jusqu’à présent investi principalement dans des innovations « sales », implique d’en l’absence d’intervention gouvernementale, nos économies tendent à générer trop d’inventions « sales ». c’est ainsi que nous avons pu montrer que l’équilibre d’une économie en « laisser-faire » est susceptibles de conduire à des désastres environnementaux. Il est au contraire souhaitable que le gouvernement intervienne pour rediriger le

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Accumulation : Le capital physiqueLe capital humain Le capital technologiqueLe capital naturel

Le capital socialLe capital institutionnel

Incitation / impact sur le calcul coûts-avantages des AE

Activités humaines

Emission de GES Destruction biodiversité Destruction Ecosystème

Réchauffement climatique / phénomènes climatiques extrêmes

progrès technologique vers les inventions propres. en fait, la politique optimale pour combattre le changement climatique est de combiner une taxer carbone et une politique de subvention des innovations propres. Source : P.Aghion, G.Cette et E.Cohen « Changer de modèle », O.Jacob, 2014, p.200

Document 102 : l’existence d’un chemin de dépendance incite à agir vite pour stimuler la transition énergétique

Parmi ceux qui sont convaincus de la nécessité d’une transition énergétique mais reconnaissent en même temps qu’une telle transition est coûteuse, le débat achoppe souvent autour de l’arbitrage entre les coûts immédiats d’une intervention et ses bénéfices à long terme. Préfère-t-on supporter un coût maintenant et des bénéfices demain parce que l’on valorise davantage l’avenir que le présent, auquel cas il faut intervenir dès à présent pour préserver notre environnement, ou bien accorde-t-on davantage d’importance à notre bien être immédiat au détriment de notre bien être futur (et de celui de nos enfants), auquel cas, on différera toujours la lutte contre le réchauffement climatique ? Le rapport Stern, qui suppose une faible préférence pour le présent prône une intervention immédiate, tandis que l’économiste W.Nordhaus fait l’hypothèse d’une préférence plus forte pour le présent, ce qui le conduit à recommander des politiques plus graduelles. La prise en compte de l’innovation dans le débat sur le réchauffement climatique remet en cause le calendrier optimal des politiques environnementales. Elle incite à agir vite et par conséquent donne raison à N.Stern. En effet, ne pas intervenir induit non seulement une détérioration de l’environnement mais, de plus, en l’absence d’intervention de l’Etat, les entreprises continuent d’innover dans les technologies polluantes où elles ont déjà acquis une avance technologique. Et plus les technologies polluantes prennent de l’avance par rapport aux technologies vertes, plus les politiques environnementales requises pour redresser la barre et faire basculer l’économie vers les technologies propres seront coûteuses.

Source : P.Aghion, G.Cette et E.Cohen « Changer de modèle », O.Jacob, 2014, p.91-93

Document 103 : chemin de dépendance et marchés financiersPlusieurs indices montrent que les marchés financiers n’ont pas encore pris en considération l’ampleur du réchauffement climatique et de ses conséquences économiques. ils continuent à financer massivement les énergies « sales » et ne répondent que partiellement aux besoins de financement de la transition vers une économie bas carbone. Ainsi entre 2011 et 2013, les investissements dans les énergies renouvelables ont diminué de 23% malgré les immenses besoins énergétiques de la planète ; de ce fait, l’écart cumulé entre besoins de financement et financement apportés augmente. (…) Ce déficit de financement a été qualifié par le Programme des Nations Unies pour l’environnement de « mauvaise allocation flagrante des capitaux. (…) Comment comprendre ce défaut de prise en compte des enjeux climatiques ? il faut se référer à ce que les économistes appellent des imperfections de marché. Ces imperfections désignent l’ensemble des phénomènes susceptibles d’entraîner de mauvaises décisions de la part des acteurs, en raison de la structure du marché ou de défaillances informationnelles. Le climat cumule la quasi-totalité des catégories d’imperfections dégagées par les économistes : déficit d’information, dispositifs incitatifs qui favorisent la performance à très court terme, caractère de bien public global du climat à l’origine d’incapacités à décider et de comportements de « passagers clandestins », les uns comptant sur les autres pour initier des actions et en assumer les coûts. Ajoutons que les marchés ont longtemps perçu le risque climatique comme une incertitude, c’est-à-dire une menace probabilisable.

Source : ss la direction de J.Mistral « Le climat va-t-il changer le capitalisme ? », Eyrolles, 2015, p. 141

Document 104 : prix du carbone et marché incompletL’incertitude politique et l’inaptitude des marchés financiers pour investir dans les infrastructures environnementales constituent un double handicap. (…) Les investissements verts ont des handicaps supplémentaires. Le plus rédhibitoire est l’inexistence ou l’inadéquation du prix du carbone déterminé sur le marché des droits à polluer. (…) Sans une valorisation crédible suffisante du carbone, garantie par les gouvernements et croissante dans le temps, et sans arrêt des subventions aux énergies fossiles, ces investissements sont dominés par les infrastructures existantes. Pour rediriger l’épargne dans les investissements bas carbone, il faut abaisser les profils de risque des projets pour les investisseurs sans surcharger les contribuables.

Source : M.Aglietta « Sortir de la crise et inventer l’avenir », Michalon, 2014, p. 288

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Document 105 : les défaillances de l’Etat se rajoutent aux défaillances de marchéLa régulation des marchés, la fiscalité et les subventions n’ont pas encore été adaptées au monde psot-énergies fossiles. A titre d’illustration, les subventions pour les énergies propres atteignent 100 milliards de dollars par an, contre 600 pour les énergies fossiles. Ce ratio, défavorable à la transition énergétique, se retrouve dans différentes formes de politique publique : la politique industrielle à travers les subventions aux exportations, le soutien à l’innovation à travers les subventions à la recherche. Il ne faut donc pas opposer l’inefficience des marchés au volontarisme des Etats : marchés et Etats doivent travailler à mieux intégrer les enjeux climatiques et sont appelés à évoluer ensemble.

Source : ss la direction de J.Mistral « Le climat va-t-il changer le capitalisme ? », Eyrolles, 2015, p.145

Document 106 : une première difficulté, en présence d’externalités l’absence de prix empêche un calcul économique efficient (défaillance de marché)

Dans son principe, cette démarche est séduisante, parce qu’elle nous maintient en terrain familier et procède par généralisation des catégories auxquelles nous sommes habitués. Elle focalise sur la dimension intrinsèquement dynamique de la soutenabilité : le capital, ou le patrimoine, peut être accumulé ou, inversement, consommé et détruit. Mais elle soulève des objections de principe et des difficultés redoutables : peut-on tout quantifier ? peut-on mesurer ces différentes composantes de la richesse véritable à l’échelle de la nations ? (…) Dans nos économies de marché, le prix d’un bien remplit en principe une double fonction : il agit comme un signal envoyé aux producteurs et aux consommateurs, qu’il renseigne sur la rareté relative du bien ; et il permet l’évaluation des biens lorsqu’on cherche à faire des comparaisons ou des additions de biens disparates. (…) Or on sait maintenant, à la suite des travaux précurseurs de l’économiste britannique Arthur Pigou, que, dans de nombreuses circonstances, les prix de marché ne reflètent pas l’intégralité des coûts. C’est notamment le cas en présence des externalités : toutes les situations dans lesquelles les choix et les actions d’un individu ou d’une entreprise ont des conséquences induites sur le bien-être ou sur les coûts d’un autre individu ou d’une autre entreprise, conséquences qui ne sont pas prises en considération par celui qui les occasionne et qui ne reçoivent pas de prix sur le marché. L’exemple classique d’une telle situation d’externalité est justement celui de la pollution. (…) L’existence d’externalités entraîne donc une « inefficacité sociale », une « défaillance de marché » : l’équilibre atteint est sans doute optimal du point de vue des décideurs individuels mais ne l’est pas du point de vue de la collectivité tout entière.

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

Document 107 : comment appréhender les externalités et leur donner une valeur ? Le cas du carboneComment faire en sorte que ces « externalités négatives », ces nuisances, soient éliminées, ou en tout cas limitées, et qu’elles soient effectivement prises en compte dans les indicateurs qui mesurent le bien-être et la soutenabilité ? Dans certains cas, il est possible d’interdire purement et simplement l’activité qui engendre la nuisance  : on interdit bien le tapage nocturne ; on a de même interdit l’amiante dans un certain nombre de pays développés ; les gaz fluorés contenus dans les aérosols et les systèmes de réfrigération nocifs pour la couche d’ozone ont été bannis par le protocole de Montréal en 1987 et ont aujourd’hui presque disparu. (…) Mais beaucoup de choses ne peuvent tout simplement pas être interdite. (…) On ne peut pas bannir les émissions de CO2, dont une part est inhérente au métabolisme des organismes vivants et dont l’essentiel provient de nos consommations d’énergie.Mais on peut les limiter, et il faut pour cela que les émetteurs y soient incités. Il faut que les atteintes à l’environnement fassent supporter à ceux qui en sont les auteurs, un coût économique, afin de les inciter à « économiser » la nature. C’est le principe « pollueur-payeur » ; mais c’est aussi la condition pour que les nuisances ou les activités qui sont à leur origine puissent être intégrées dans les indicateurs de bien-être et de soutenabilité. Deux méthodes alternatives permettent, en principe, de faire supporter au décideur (producteur ou consommateur) le coût « total » de ses activités : la taxe ou la vente de permis ; leur résultat est parfaitement équivalent quant à l’inclusion du coût de la nuisance dans le calcul économique des décideurs et quant à l’évaluation.

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La différence tient aux outils de l’intervention publique dans le mécanisme de prix : alors que la taxe oblige les autorités à en fixer le montant, le système de « permis » exige qu’elles déterminent la quantité totale autorisée, la détermination du prix étant laissée au marché, par confrontation entre cette offre totale, fixée par elles, et la demande émanant des agents privés à l’origine de la nuisance. A quel niveau fixer le prix ? En théorie, la réponse est simple : le prix doit être tel que le dommage causé soit tout juste compensé par le coût que supporte celui qui l’inflige. Mais, en pratique, nous n’avons, la plupart du temps, pas d’indications précises sur le coût du dommage à l’environnement, que l’on ne peut donc approcher que de manière indirecte. (…) L’incertitude demeure toutefois importante, la plupart du temps, comme l’illustre l’exemple du prix du carbone : la plupart des pays n’en impose aucun ; les pays de l’UE ont instauré un « marché » du carbone » sur lequel le prix de la tonne de carbone émise est aujourd’hui voisin de 5 euros ; tandis que certains pays, comme la Suède, ont institué, depuis longtemps, une taxe carbone dont le montant est aujourd’hui d’environ 130 euros la tonne.

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

Document 108 : deuxième difficulté, comment comparer le présent et l’avenir ? quel taux d’actualisation utiliser ?

Autre défi de taille, l’analyse dynamique suppose de valoriser le temps. En effet, si les politiques publiques comme les choix privés se font sur la base d’un calcul coût-bénéfices, le contexte de la soutenabilité est comparable à celui des décisions d’investissement, elles ont une dimension temporelle. On ne peut donc se contenter de comparer simplement les coûts supportés aujourd’hui avec les bénéfices futurs, d’autant que ceux-ci sont hypothétiques et susceptibles de profiter à des générations qui ne sont pas encore nées, donc pas parties prenantes à la décision. Dès lors que l’analyse coûts-bénéfices a une dimension temporelle, on ne peut comparer directement les sommes qui surviennent à des dates différentes, en raison de ce que les économistes appellent la « dépréciation du futur » : les sommes placées aujourd’hui rapportent un intérêt ; les individus ont également une « préférence pour le présent » qui leur fait préférer une somme aujourd’hui à la promesse de la même somme dans le futur. Il convient donc de convertir les sommes futures en leur montant équivalent actuel. (…) Le taux d’actualisation est donc le prix du temps. Lorsque ce calcul concerne des décisions privées, d’investissement par exemple, il est usuel de choisir une valeur du taux d’actualisation proche du taux d’intérêt observé sur le marché, dans la mesure où l’alternative à une telle décision est la possibilité de placer la somme dont on dispose à ce taux. Mais comment choisir le taux d’actualisation applicable à des décisions publiques, comme les politiques environnementales, et aux évaluations de phénomènes dont les conséquences sont, par nature, souvent très lointaines dans l’avenir et entachées, dans tous les cas, d’une incertitude qui tient avant tout aux limites de notre savoir ? C’est un choix politique. (…) Bien sûr, les générations futures seront plus riches que nous, si la croissance économique se poursuit comme cela a été le cas dans les siècles passés, mais les dommages qu’elles subiront du fait de nos actes doivent aussi être mis en balance avec les coûts des mesures que nous pouvons prendre pour éviter ces dommages. Si le taux d’actualisation choisi varie de 1,4% à 6% on assiste à une différence de 1 à 10 dans l’évaluation des gains ou des pertes.

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Le danger de cet instrument qu’est l’actualisation est donc évident : dès lors que l’on s’intéresse à des coûts survenant à des dates suffisamment éloignées dans le temps, choisir une valeur positive, même très faible, du taux d’actualisation conduit à minimiser les coûts supportés par les générations futures, au regard des éventuels bénéfices que les projets analysés sont susceptibles de procurer aux générations présentes. (…) La controverse suscitée par le Rapport Stern (2007) qui tentait d’évaluer les coûts et les bénéfices des politiques climatiques a eu le mérite de montrer que le choix du taux d’actualisation social était déterminant dans l’évaluation. Elle a aussi permis de mettre en pleine lumière cette question de l’incertitude. Martin Weitzman a ainsi montré que si le changement climatique augmentait la probabilité d’évènements climatiques aux effets catastrophiques, alors il convenait de retenir une valeur très basse, voire nulle, de la préférence pour le présent  : c’est, en quelque sorte, une application opérationnelle du principe de précaution. Lorsque l’incertitude est grande, ce qui est le cas dans la plupart des contextes de l’évaluation de la soutenabilité, la prudence est de mise et le taux d’actualisation doit être très faible.

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

Document 109Pour engager sérieusement la lutte contre le réchauffement climatique, la première démarche est sans doute de donner aux citoyens les signaux qui rendent le changement non seulement souhaitable mais acceptable. (…) Mais il existe une schizophrénie dans les opinions publiques entre la prise de conscience du dérèglement climatique, qui appelle l’action des gouvernements, et la préférence indécrottable pour le présent qui freine les initiatives et aboutit à un certain immobilisme. Les responsables politiques ont d’ailleurs bien senti qu’il était contre-productif de résoudre le défi climatique sous la forme d’une « pénalité » ou d’une « punition » (…). Il apparaît donc avisé de changer de méthode en mettant, par exemple, l’accent sur les créations d’emploi. Mais peut-on réellement parier sur les retombées, les innovations, les investissements, les emplois de la «  croissance verte » ? (…) Une épargne abondante est disponible, prête à s’investir, mais les investissements qui pourraient stimuler cette « croissance verte » sont découragés par le manque de visibilité en particulier pour le paramètre central, le prix du carbone. La lutte contre le réchauffement climatique change indubitablement la politique, mais ce changement se présente à ce jour sous une forme paradoxale puisqu’un consensus assez large sur sa réalité semble établi dans les opinions publics et les médias … alors que les décisions politiques, soumises aux froids calculs des électeurs et des élus, sont plutôt marquées du sceau de l’attentisme voire de l’immobilisme.

Source : ss la direction de Jacques Mistral « Le climat va-t-il changer le capitalisme » Eyrolles, 2015, p.19

Document 110 : les difficultés « d’accumulation » du capital naturel

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Conséquence négative sur l’accumulation de capital naturel

Le capital socialLe capital institutionnel

Incitation / impact sur le calcul coûts-avantages des AE

Deux problèmes :

L’activité économique entraîne des externalités : l’utilisation de l’énergie émet des GES, …

Les AE dans leurs activités économiques manifestent une préférence pour le présent

Comment modifier les comportements des AE pour réduire ces externalités ?

La préservation du bien-être futur nécessite des dépenses au temps présent : quel montant de dépenses est-on prêt à fournir ? si la préférence pour le présente est forte, la dépense pour le future sera faible ;

Comment augmenter la préférence pour l’avenir ?

L’absence de prix rend l’allocation des ressources sous-optimale

2.3.2 Comment faire face au défi climatique ?

Document 111

2.3.2.1 Fabriquer des indicateurs de développement soutenable pour observer la réalité (autrement qu’avec le PIB)

Document 111 : prendre en compte des « actifs manquants » et des « prix imputés »Le bien être des individus aujourd’hui et demain dépend de beaucoup d’autres dimensions que celles qui sont comptabilisées dans le PIB ; et ce dernier est produit en mobilisant des ressources dont les coûts ne sont pas pris en compte du tout, ou pas complètement. L’intuition qui fonde l’analyse dynamique de la soutenabilité est donc qu’il existe des « actifs manquants », des ingrédients essentiels du bien-être humain qui ne sont pas inclus dans la mesure usuelle du capital et qu’il convient de valoriser convenablement. La construction d’indicateurs de soutenabilité véritablement dynamique repose donc sur une approche patrimoniale et s’apparente à la démarche d’une organisation cherchant à évaluer ses actifs productifs pour établir son bilan : recenser les éléments qui constituent son actif et ceux qui viennent en déduction ; les valoriser, en utilisant les prix de marché lorsqu’ils paraissent fiables, mais en recourant à des prix « imputés » dans tous les autres cas, notamment pour valoriser les coûts futurs anticipés. Tout indique que notre « hors-bilan »- tout ce qui n’apparaît pas dans le bilan établi selon les normes comptables usuelles – est probablement plus important que ce que l’on comptabilise habituellement ; mais les méthodes nécessaires à son évaluation n’en sont qu’à leurs balbutiements.

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

Document 112 : construire un indicateur unique de soutenabilité, l’analyse par les fluxLes tentatives de construction d’indicateurs synthétiques alternatifs au PIB incluant des dimensions autres que la production et la consommation recensées par les comptables nationaux ont des origines diverses. En 1972, Tobin et Nordhaus avaient proposé d’élargir le champ d’évaluation en incluant dans leur mesure du « bien-être économique soutenable » des éléments du capital naturel et du capital humain. (…) Des progrès considérables ont été depuis lors accomplis dans la collecte et l’analyse de données sur l’environnement, les ressources naturelles, les écosystèmes et la nature et l’ampleur des atteintes que les activités humaines infligent. Parallèlement les comptables nationaux ont affiné et harmonisé les méthodes d’évaluation économiques de certains des flux de nuisance … Même si les prix retenus pour estimer la valeur économique de ces flux sont sujets à discussion, leur évaluation fournit une base commune pour la publication d’une nouvelle comptabilité nationale, tel que le « PIB vert » qui retranche à la mesure usuelle de la croissance, une évaluation monétaire de plusieurs flux prélevés sur les ressources naturelles et des pollutions infligées à l’environnement. Ces indicateurs corrigés ne sont toutefois pas des indicateurs de soutenabilité : tout au plus nous renseignent-ils sur la vraie valeur nette de ce que nous produisons, et sur la part de notre consommation présente qui sera prélevée sur ce que nous laisserons aux générations futures. Ce qui est déjà bien, mais purement statique.

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Conséquence négative sur l’accumulation de capital naturel

Le capital socialLe capital institutionnel

Incitation / impact sur le calcul coûts-avantages des AE

Agir sur les comportements : éviter défaillances de marché ;

sortir du chemin de dépendance

Agir sur les valeurs/les idées pour modifier les institutions et produire les bonnes incitations

Instruments ? Débat ?

L’effort d’évaluation économique de la soutenabilité a cependant franchi une étape importante avec l’élaboration et l’évaluation par la Banque mondiale de la notion d’épargne nette ajustée, première tentative pour mettre en œuvre la notion de « capital total ». La première étape consiste à passer de l’épargne brute à l’épargne nette, en soustrayant une estimation de la dépréciation du stock de capital productif produit. (…) A l’évolution de cette épargne nationale nette, il convient d’ajouter les investissements faits dans d’autres catégories de capital (capital humain) ou en soustrayant une estimation de la dépréciation du stock de capital naturel (pollution ou exploitation des ressources naturelles). (…) Les pays exportateurs de matières premières ne sont soutenables que s’ils réinvestissent dans la formation de capital humain ou de capital productif. (…) Mais le commerce international de matière première introduit à l’évidence une distorsion dans l’image que donne l’indicateur de la contribution de chaque pays à la soutenabilité globale : la Chine ou, dans une moindre mesure la France, apparaissent très soutenables en partie parce qu’elles sont importatrices nettes de ressources naturelles minérales, tandis qu’à l’inverse, les exportations de matières premières grèves les indicateurs de soutenabilité des autres pays. (…)

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

Document 113 : construire un indicateur unique de soutenabilité, l’analyse par les stocksLes évaluations de la richesse véritable des nations publiées par la Banque mondiale en 2010, qui concerne cette fois les stocks et non les flux, fournissent des informations intéressantes sur la répartition du capital total dont dispose l’humanité.

L’une des principales limitations de l’indicateur de « richesse véritable » élaboré par la Banque mondiale tient aux méthodes d’évaluation des composantes du capital, singulièrement, bien sûr, celles qui sont les plus éloignées des rapports marchands, et pour lesquelles les prix utilisés sont des prix « imputés ». (…) Dépasser certaines au moins de ces limites est précisément l’ambition du programme IWR (Inclusive Wealth Report) lancé par les Nations Unies dont le premier rapport à été publié en 2012. Concentré sur 20 pays, il s’appuie sur une analyse plus générale de la soutenabilité pour proposer une évaluation plus satisfaisante des composantes de la « richesse totale » des nations. La principale amélioration par rapport à l’épargne nette ajustée tient à une définition plus large et une meilleure évaluation du capital naturel, pour tenir compte, notamment des éco-systèmes. L’indicateur de richesse véritable est, de ce fait, plus sensible aux dégradations environnementales. Mais la valorisation du capital humain demeure très discutable, alors même que son accumulation domine, comme dans la richesse véritable calculée par la BM, les évolutions de la richesse totale. (…) La répartition de la richesse totale mondiale semble moins déséquilibrée : le capital humain en constitue 54%, le capital naturel 28% et le capital manufacturé 18%.(…) Le stock mondial de richesse par habitant ainsi corrigé a diminué de 0,3% par an entre 1990 et 2010.

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

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2.3.2.2 La construction des indicateurs nécessite des choix (exprimer des préférences collectives) : l’espace démocratique permet l’émergence et l’application de ces choix

Document 114 : la construction d’un indicateur synthétique s’appuie sur le concept de soutenabilité faible

L’une des principales objections que soulève cette cette évaluation de la soutenabilité à l’aide d’un indicateur unique de « richesse véritable » ou de « richesse totale » tient à la démarche d’addition des différentes composantes de ce stock, qui suppose que celles-ci sont parfaitement et indéfiniment substituables : un euro accumulé en capital productif ou en capital humain compense un euro perdu en capital naturel. (…) avec ce type d’indicateur, si la population mondiale continue d’augmenter, et pourvu bien sûr qu’elle soit suffisamment éduquée, alors le processus actuel de développement économique apparaît éminemment soutenable (…). C’est d’ailleurs une critique qui s’applique aussi à l’IDH : les trois dimensions étant considérées sur un pied d’égalité dans la construction de l’indice, une baisse dans l’une d’elles peut être compensée par une hausse d’une autre. Peut-on raisonnablement faire l’hypothèse d’une substituabilité sans limite entre les différentes composantes du stock de richesse véritable, à l’échelle de la planète ou celle d’un pays ? On peut dans une certaine mesure substituer, grâce aux progrès technologiques, du capital manufacturé au capital naturel : l’Europe a certes massivement réduit la taille des forêts depuis le Moyen Age, mais qui songerait à se plaindre que des villes ou des champs cultivables les aient remplacés ? Il y a bien des possibilités de substitution, et elles sont d’autant plus étendues que nos compétences et nos savoirs, donc notre capital humain, s’accumulent. Mais cette substitution peut-elle être poursuivie sans limite et sans risque ? C’est ici, deux conceptions de la soutenabilité qui affleure : la notion de soutenabilité « faible » qui sous-tend la construction des indicateurs discutés précédemment, et celle de soutenabilité « forte ». Alors que la première postule la substituabilité entre les différentes composantes du capital total, la seconde met l’accent sur les limites qu’impose la disponibilité des ressources naturelles épuisables, la capacité d’absorption ou de résistance de l’environnement naturel, en un mot la résilience de la biosphère. (…) Il n’est à l’évidence, ni raisonnable ni politiquement et moralement défendable d’opter pour la soutenabilité « forte » qui implique de préserver à n’importe quel prix (donc à un prix fantôme infini) l’environnement naturel et les écosystèmes existants, jusque y compris en sacrifiant les possibilités de développement humain de la partie de l’humanité dont les besoins vitaux ne sont aujourd’hui pas assouvis. Mais si la soutenabilité « faible » nous permet d’espérer que le monde que nous laisserons aux générations futures sera vivable, elle laisse planer une incertitude sur la capacité des humains d’aujourd’hui et de demain à maîtriser les risques qu’elle porte en germe, et ne nous garantit nullement que ce monde de demain sera agréable ou aimable. Evaluer en termes monétaires est donc utile, indispensable même pour pointer les pires erreurs de trajectoire et pour peser sur les choix, individuels et collectifs ; mais la monétisation a ses limites. La mesure de la soutenabilité ne saurait donc se réduire à la seule dimension économique : c’est une affaire démocratique.

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

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Document 115 : la construction d’un indicateur synthétique de développement soutenable

Document 138 : mais l’application du concept de soutenabilité « faible » soulève des remarques

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Construire un indicateur unique (synthétique) de soutenabilité

Difficultés méthodologiques : pour certains « actifs » (les actifs manquants), il

n’existe pas de prix de marché ; il faut donc les valoriser (les prix imputés)

Mesurer l’évolution des flux des actifs qui forment le « capital total » :

Le bien-être économique soutenableLe Pib vert

L’épargne nette ajustée (BM)

Mesurer l’évolution des stocks des actifs qui forment le « capital total » :

La richesse véritable des nations (BM)La richesse totale des nations (ONU)

Ces indicateurs adoptent la démarche de la soutenabilité faible, pour laquelle les

variations de capitaux peuvent se compenser

Critique du critère de soutenabilité « forte » : le capital naturel doit avoir une

valeur supérieure aux autres et ce « capital » est strictement complémentaire

des autres pas substituables ; mais l’application stricte de ce principe

empêcherait l’accumulation des autres formes de capitaux

Admettre que tous les capitaux ne sont pas parfaitement substituables; au-delà

d’un certain seuil, il n’est plus possible de remplacer une qualité de l’environnement dégradé par du progrès technique ou du

capital humain ;

(position intermédiaire) Il est donc indispensable de pouvoir exprimer les choix de la société en faveur de telle ou telle combinaison des capitaux, dans un contexte d’incertitude et de préférence

pour le présent +/- forte ; il faut donc construire un indicateur qui indique la trend de soutenabilité et la

position par rapport à une/des situations dangereuses ;

Construire un indicateur unique (synthétique) de soutenabilité = utiliser le concept de soutenabilité « faible » =

Considérer que les différents capitaux sont substituables

2.3.2.3 Engager le débat politique sur la préservation du capital naturel : le rôle de la démocratie

Document 116

Document 117 : les incitations découlent des institutionsLes conditions nécessaires de la transition des valeurs vers le bien-être et la soutenabilité sont politiques  : il faut construire des institutions qui portent sur les principes du nouveau monde économique. Le débat contradictoire et parfois le conflit sont nécessaires dans cette perspective. mais nous disposons pour cela, en Europe et en France en tout cas, du système politique le plus efficace qui soit : le régime démocratique, dont la qualité première est de pouvoir sans cesse interroger ses erreurs pour se remettre en cause. (…) Le débat public en économie n’est pas une page blanche sur laquelle il suffirait de commencer à écrire, en ce début du 21ième siècle, le chapitre de la transition du bien-être et de la soutenabilité. Le débat économique est en réalité peuplé d’indicateurs qui dominent les commentaires et les analyses. (…) Au cœur des préoccupations contemporaines on trouve le « carré mystique » formé par la performance des marchés boursiers, le niveau du déficit et de la dette publics et la croissance du PIB. Aucun de ces indicateurs n’a trait au bien-être ou à la soutenabilité. (…) La priorité pour entamer la nécessaire dépollution du débat économique consiste à rendre pluriel ce qui est monolithique et à introduire de la complexité dans cet ensemble de fausses certitudes. (…) C’est donc à restaurer la pluralité des valeurs économiques qu’il nous faut employer et nul régime politique n’est plus apte à cette tâche que la démocratie. La qualité d’un indicateur n’est en effet pas déterminée par sa valeur technique (même si elle importe à l’évidence) mais par sa « contestabilité » démocratique, c’est-à-dire qu’il puisse être mis en débat de manière contradictoire et compréhensible. (…) Beaucoup peut tout d’abord être fait dans le cadre du Parlement et de l’action gouvernementale, en travaillant en deux directions. La première consiste à intégrer les indicateurs de bien-être et de soutenabilité à la décision budgétaire, qui est historiquement le lieu de la délibération démocratique. (…) L’enjeu est d’aboutir à la création d’une Commission permanente d’information et d’évaluation des choix budgétaires au sein du Parlement, composée de représentant de l’Etat, des territoires et des citoyens. cette instance pourrait devenir un lieu de délibération continue de l’impact des choix publics sur le bien-être et la soutenabilité. (…) Autrement dit, il faut créer une

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Construction des indicateurs de

développement soutenable

Méthode : développer le débat démocratique sur le développement

soutenable

Objectif = changer les comportements : prendre en

compte les externalités

Enjeu préservation du capital naturel : modifier les valeurs et les

comportements

Objectif = changer les valeurs : priorité à la soutenabilité (au bien-

être durable plutôt que présent)

Définition des instruments et

évaluation des politiques publiques

Définition de l’espace adéquat des politiques publiques : territoire,

nation, monde

Redéfinir le cadre des politiques économiques pour les nouveaux enjeux du 21ième

siècle

véritable culture parlementaire du bien-être et de la soutenabilité. La seconde direction dans laquelle œuvrer est celle de l’évaluation des politiques publiques. (…) La démocratie participative doit venir renforcer ces réformes du gouvernement représentatif. Il importe de comprendre à ce sujet que la démocratie n’est pas seulement une dimension du bien-être, mais aussi et surtout, la méthode qui doit présider à sa définition. (…) En tout état de cause, les commissions d’experts, comme la Commission Stiglitz en 2009, ne peuvent au mieux qu’attirer l’attention publique. Il est donc préférable d’associer le plus tôt possible les citoyens et leurs représentants à ce qui est avant tout une délibération démocratique sur des valeurs et non une décision technique sur des outils. C’est précisément pourquoi le collectif FAIR (Forum pour d’autres indicateurs de richesse) a été constitué en 2008 comme s’en sont expliqués ses membres fondateurs : « Nous pensons que l’on ne peut pas confier à des groupes d’experts, dont les contributions sont évidemment utiles, le soin de dire quelles sont les fins à considérer et comment les prendre en compte. la participation de la société, la délibération politique sont indispensables pour dire et sélectionner les fins que l’on vise, et pour pondérer les critères d’évaluation qui leur correspondent ». Ce qui nous amène finalement à la dimension militante de la démocratie. Comme le montre l’économiste écologique Joan Martinez Alier, il existe des conflits « écologico-distributifs », c’est-à-dire des conflits sociaux qui portent sur la répartition des ressources et des nuisances naturelles. Son argument tient dans l’idée que le coût de l’extraction, du transport et de la consommation des ressources naturelles est d’abord supporté par les plus pauvres et les plus vulnérables. De cet état de fait, résulte une vérité contre-intuitive : l’écologie n’est pas un luxe mais une nécessité, elle n’est pas l’apanage d’une classe aisée qui aurait sublimé le besoin matériel mais la condition de survie des défavorisés de tous les continents. Les pauvres sont soucieux de leur environnement parce qu’ils sont les premières victimes de sa dégradation.

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

Document 118 : les instruments pour de nouveaux comportements et de nouvelles valeursLa capacité de changement des sociétés humaines dépend de deux leviers fondamentaux : les attitudes et les comportements de leurs membres. Les comportements sont déclenchés par des signaux économiques que les personnes perçoivent (ou non) et auxquels elles choisissent (ou pas) de répondre. (…) Il nous faut avancer, anticiper l’inversion des valeurs qui est déjà en marche et qui est en train de remettre le développement économique à sa place pour donner le priorité au bien-être et à la soutenabilité. Cette transition des valeurs prendra de longues décennies et on ne peut pas compter sur les marchés pour la porter, en tout cas pas spontanément. Il nous faut modifier nous-mêmes le système de valorisation sociale, en diminuant celle de la croissance économique et en réhaussant celle du développement humain et du développement soutenable, en diminuant celle des bénéfices des générations présentes pour augmenter le bien-être des générations à venir. (…) Les instruments économiques peuvent être de puissants alliés dans cette entreprise à condition d’être contrôlés par la puissance publique. C’est tout le sens de la taxation du carbone que beaucoup, au-delà des seuls économistes, voient comme une solution efficace pour lutter contre le changement climatique : on espère ainsi canaliser la puissance des échanges marchands au service d’une modification des comportements de production, de consommation, de logement, de transport, …qui va progressivement réduire le rôle des énergies fossiles dans le système économique. mais ce changement des comportements doit s’accompagner d’une prise de conscience qui conduira les individus à opter pour des solutions bas carbone parce qu’ils sont convaincus de leurs bénéfices et pas seulement parce qu’ils y sont contraints par le système de prix.

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

Document 119 : Répondre au défi climatique : un enjeu aussi important pour les démocraties que la réponse à la Question Sociale du 19ième siècle

Le défi climatique devrait bien conduire à changer la logique du capitalisme, ou plus largement de l’économie industrielle qui a produit le réchauffement. Et si l’on se place dans une perspective d’histoire économique et politique, on peut y voir un défi à certains égards comparable à celui qu’à représenté la transformation du capitalisme concurrentiel du 19ième en un capitalisme organisé ou institutionnalisé au 20 ième. Cette « grande transformation » a abouti à un ensemble d’innovations institutionnelles dont la théorie de la régulation a formalisé la logique, elle a mis en mouvement des forces économiques nouvelles connues sous le nom de « fordisme ». Au 20ième siècle, le capitalisme a ainsi connu une première mutation, le salariat s’est transformé, le

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pouvoir d’achat a augmenté, la protection sociale s’est généralisée ; au 21ième siècle, le climat le met au défi d’une mutation d’ampleur comparable. Le paramètre déterminant était, pour le fordisme, le lien entre salaire réel et productivité ; le paramètre déterminant dans la lutte contre le réchauffement climatique, c’est le prix du carbone. Mais si le jeu de ces paramètres économiques est dans les deux cas essentiel, c’est comme l’enseigne l’histoire, le contexte politique qui joue un rôle déterminant pour organiser de telles mutations : le climat peut-il aussi changer la logique des choix politiques ? La prise de conscience par les opinions publiques de la réalité et des dangers du réchauffement climatique est bien le point de départ d’une révolution. C’est en effet dans les régimes démocratiques qu’est née la sensibilité aux questions d’environnement et que sont apparus ses premiers fruits, il suffit de comparer l’état de l’Europe occidentale et de l’Europe orientale au lendemain de la chute du mur de Berlin pour s’en convaincre.

Source : ss la direction de Jacques Mistral « Le climat va-t-il changer le capitalisme » Eyrolles, 2015, p.18

2.3.3 Quel niveau d’action publique pour promouvoir la soutenabilité de la croissance et du développement ?

2.3.3.1 Les politiques publiques territoriales pour promouvoir le bien-être dans toutes ses dimensions

Document 120: Les territoires et la « transition polycentrique » (E.Ostrom)Il existe au moins trois raisons fortes qui font des territoires (régions, métropoles, départements, villes) plus que les Etats-nations, les vecteurs par excellence de la transition du bien-être et de la soutenabilité. La première tient à leur montée en puissance sous le double effet de la mondialisation et de l’urbanisation. Les territoires ne sont plus des subdivisions administratives de l’espace national mais des multiplicateurs autonomes de développement. Toute politique publique est désormais territoriale. Deuxièmement, la nécessité de mesurer et d’améliorer le bien-être humain au plus près des réalités vécues par les personnes impose l’échelle territoriale. L’IDH calculé pour la France entière est utile pour les comparaisons internationales ou historiques mais il ne nous dit rien du développement humain réel dans le pays et notamment des différences parfois fortes qui peuvent exister entre les territoires. Enfin, les territoires sont plus agiles que les Etats et davantage capables de mettre en mouvement les nouveaux indicateurs et de les traduire en nouvelles politiques. On parle à ce sujet, à la suite d’Elinor Ostrom (Prix Nobel 2009) de « transition polycentrique » pour signifier que chaque échelon de gouvernement peut s’emparer de la transition du bien-être et de la soutenabilité sans attendre une impulsion venue d’en haut. (…) L’approche territoriale du bien-être est indispensable et le cas de la France permet de s’en convaincre complètement. Une étude conduite récemment pour l’Association des régions de France par la Direction de la prospective du Nord-Pas-de-Calais, très en pointe sur la conception et l’usage des indicateurs de bien-être de soutenabilité, permet de saisir tout ce que ces indicateurs apportent à la compréhension des trajectoires de développement des régions françaises. L’étude croise 3 indicateurs : le PIB par habitant, l’IDH et l’indicateur de santé sociale. ce dernier présente l’avantage d’enrichir encore l’approche du bien-être par rapport à l’indice de développement humain en agrégeant non pas trois mais quatorze indicateurs parmi lesquels les conditions de travail, de logement, la sécurité ou encore la qualité du lien social. En comparant le classement des différentes régions françaises obtenu selon ces trois indicateurs, on constate trois faits particulièrement intéressants. Tout d’abord, les régions les mieux classées selon le PIB par habitant ne sont pas les mieux classées selon l’IDH. Pour autant, deuxième constat, la corrélation entre PIB/hab et IDH n’est pas négligeable. Mais dernier constat, les dimensions non monétaires du développement humain (santé et éducation) sont quant à elles très faiblement corrélées au PIB/hab. Ces considérations nous dévoilent deux réalités essentielles : d’une part, la carte du PIB par habitant ne coincide pas en France avec celle du développement humain, autrement dit les régions les plus riches économiquement ne sont pas nécessairement les plus développées humainement ; d’autre part, les dimensions non monétaires du développement humain, la santé et l’éducation, ne « découlent » pas du revenu : il faut donc des politiques spécifiques qui prennent ces enjeux à bras-le-corps car le simple fait d’être riche ne suffit pas pour être bien éduqué et en bonne santé, ou riche humainement. Tout dernier constat, le niveau du Pib par habitant et l’indicateur de santé social sont encore moins corrélés que le PIB par habitant et le niveau de développement humain. ce dernier point nous indique que lorsque le revenu est remis à sa place dans un ensemble plus vaste qui vise à mieux appréhender la pluralité du bien-être humain,

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son influence diminue. Autrement dit, en élargissant la définition du bien-être pour y inclure de nouvelles dimensions, on met encore plus de distance entre la carte de France de la richesse économique et celle de la richesse humaine. Les travaux de qualité sur le bien-être territorial en France se multiplient ces dernières années et permettent de laisser de côté des débats devenus trop étroits sur le développement économique territorial (réduit au pib ou au revenu par habitant) ou « l’attractivité économique » considéré sous le seul angle d’une « compétitivité » dont la définition est mal assise. (…) L’Insee a ainsi proposé récemment une étude de la qualité de vie dans les territoires français en croissant une trentaine d’indicateurs. Il en résulte une cartographie du bien-être territorial. (…) L’Insee dégage huit grands types de territoires. Ce qui apparaît c’est une carte de France des arbitrages territoriaux entre différentes dimensions du bien-être humain. (…) L’OCDE s’est aussi récemment engagé sur le terrain de la mesure du bien-être territorial.

On repère immédiatement qu’en matière de logement ou d’environnement, la région capitale est nettement en dessous de la moyenne des autres régions françaises alors qu’elle les dépasse en matière de revenu et de santé. Il s’agit là d’éléments très utiles portés à la connaissance des pouvoirs publics franciliens qui peuvent les mettre à profit dans la conception de politiques publiques adaptées au profil du bien être territorial de la région.

Source : E.Laurent et J. Le Cacheux « Un nouveau monde économique. Mesurer le bien être et la soutenabilité au 21ième siècle », O.Jacob, 2015, p.150

Document 121Les gouvernements européens ont voulu adjoindre des objectifs de politique générale visant au développement durable et à la diminution de l’intensité carbone. C’est ce que l’on appelle le paquet climat-énergie, une décision européenne de 2009 qui impose la règle des « 3x20 pour 2020 » : améliorer de 20% l’efficacité énergétique, monter la part des énergies renouvelables à 20% du bilan énergétique et réduire de 20% nos émissions de GES par rapport au niveau atteint en 1990. (…)La dynamique de la transition énergétique est aujourd’hui très profondément installée dans la plupart des pays européens. L’une des interrogations majeures porte sur la vitesse à laquelle va se faire cette transition. (…) La transition possède une forte composante décentralisée. (…) Les collectivités locales sont beaucoup plus motivées pour agir sur le plan économique et social et le couple énergie-environnement est un thème qui motive localement les consommateurs-électeurs. (…) La polarisation sur des projets locaux correspond à une volonté des citoyens d’âgir directement sur leur environnement quotidien. (…) Plusieurs types de collectivités locales sont concernées par la décentralisation : les régions, les départements, les communautés de communes, les communes elles-mêmes. Après l’adoption du paquet climat-énergie en 2009, plusieurs centaines de villes européennes s’étaient mobilisées à Bruxelles pour affirmer qu’elles souhaitaient aller « plus vite et plus fort » que les 3x20 pour 2020. Elles sont aujourd’hui des milliers à être engagées dans des programmes locaux. (…) Cet enracinement décentralisé constitue un élément nouveau de l’équation énergie-climat et on le trouve fréquemment au niveau international

Source : ss la direction de J.Mistral « Le climat va-t-il changer le capitalisme ? », Eyrolles, 2015, p. 93

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2.3.3.2 Une nouvelle politique industrielle au niveau national pour stimuler l’innovation nécessaire à la transition énergétique

Document 122 : la transition énergétique à l’origine d’un nouveau cycle long d’innovationL’investissement dans la maîtrise du changement climatique a le potentiel de renouveler profondément le régime de croissance dans le sens du développement durable. La transition énergétique, liée au changement climatique et pas seulement à la rareté à venir des sources d’énergie fossile, n’est pas qu’un processus de substitution des sources d’énergie renouvelables à des non renouvelables. C’est une transformation d’ensemble de la production dans le sens de l’efficacité énergétique à laquelle l’efficacité carbone est étroitement corrélée. En ce sens, on peut qualifier cette transformation de vague d’innovation séculaire. Les innovations séculaires nourrissent l’accumulation du capital sur de longues périodes parce qu’elles bouleversent la vie des sociétés. C’est une coévolution du changement des structures économiques et des institutions sociales qui oriente des trajectoires de croissance sur de très longues périodes. S’inscrivant dans la logique capitaliste, ces innovations radicales sont concrétisées dans les structures de la production et dans les modes de vie par les paris de la finance. Les crises d’adaptation sont donc toujours marquées par des crises financières de grande ampleur qui résultent des excès dans la valorisation des promesses de rentabilité que ces innovations engendrent. A travers ces crises financières, c’est le régime de croissance qui se redéfinit. Les grandes vagues d’innovation peuvent se chevaucher, la crise d’adaptation d’un type d’innovation coexistant avec l’émergence du suivant. C’est ainsi que l’organisation taylorienne du travail développée dans les chaînes intégrées de production de l’industrie lourder a essaimé dans la production de masse des biens durables de consommation, fer de lance de la vague d’innovations suivante. En recoupant les informations sur les dates des révolutions industrielles et sur les déclenchements des crises financières majeures, puis sur l’étude de l’époque dite fordiste, on peut dresser le tableau suivant complété par des connaissances parcellaires sur les révolutions en cours des technologies de l’information et de l’environnement.

Ce tableau décrit le déploiement de ces innovations qui scandent les époques historiques du capitalisme depuis la première révolution industrielle. Elles sont bien au-delà des politiques économiques. toute la société des pays qu’elles transforment est concernée, soit directement, soit par les répercussions de la mobilité du travail sur les secteurs plus traditionnels. Toutefois, ces innovations requièrent une complémentarité des investissements publics et privés. C’est ainsi que l’automobile a remodelé entièrement les villes. Elles se déploient en phases successives. Les investissements structurants jouant un rôle majeur dans leur expansion parce qu’ils induisent des flux d’investissement qui réalisent le paradigme de l’innovation majeure dans l’ensemble de l’économie. c’est le lien entre l’innovation générique qui révolutionne le progrès technique et transforme le mode de vie et les innovations incrémentales qui la réalisent concrètement dans les entreprises. La possibilité d’une vague d’innovations radicales fondées sur l’environnement n’est pas reconnue par tous. Si l’on fait remonter l’événement inaugural à l’avertissement du Club de Rome en 1972, la phase d’émergence est particulièrement longue. Même le sommet de la terre à Rio en 1992, et les conférences internationales qui ont suivi n’ont pas véritablement lancé la phase de diffusion. Celle-ci est en effet la phase où le principe qui porte l’innovation séculaire considérée devient dominant dans les choix d’investissement des pays leaders dans les

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technologies qui concrétisent cette innovation. Même si de plus en plus d’acteurs économiques et de gouvernements sont convaincus de la réalité du changement climatique et de son origine humaine, le lien financier qui déclenche les investissements massifs de l’entrée en phase de diffusion n’a pas encore été noué.

Source : M.Aglietta « Sortir de la crise et inventer l’avenir », Michalon, 2014, p. 288

Résumé 123 : la position d’Aghion, Cette et Cohen « Changer de modèle » 2014Une nouvelle politique industrielle verticale

Agir sur l’environnement des entreprises

Mobilité sur le marché du travail ; Accès au financement des activités innovantes ; Dévaluation fiscale ; Stimuler l’enseignement supérieur ; Favoriser la mobilité professionnelle

Aides financières aux entreprises : comment aider des entreprises sans aider un champion national (ie sans choisir le vainqueur de la compétition avant) ?

En subventionnant des secteurs concurrentiels plutôt que des entreprises ;

Tenir compte de la transition énergétique (l’enjeu du développement durable)

Le financement des activités liées à la transition énergétique est touché par de nombreuses défaillances de marché auxquelles l’Etat doit répondre et qui le conduisent à se substituer au marché ; Il faut éviter que ne se renforcent des phénomènes de chemins de dépendance dans des technologies sales ; Les innovations dans le secteur de l’environnement sont le moteur d’une nouvelle phase d’« innovation séculaire »

Document 124 : les modalités de l’intervention publiqueLa lutte contre le réchauffement climatique est une affaire collective. Elle est « additive » : tous y contribuent à hauteur de leurs émissions. Les pouvoirs publics ont un rôle particulier à y jouer. D’une part, il leur incombe de mener des actions de financement direct pour développer la recherche et l’information et pour adapter les infrastructures publiques aux exigences climatiques. De l’autre, taxation, réglementation, subventions, assurances … sont essentielles pour créer un cadre général favorable aux investissements verts. (…) Le défi est de parvenir à mobiliser le secteur privé pour la fourniture d’un bien public, à savoir la lutte contre le réchauffement climatique. Pourquoi les investisseurs privés ne s’engagent-ils pas plus avant dans les investissements verts favorables au climat ? Essentiellement parce qu’ils n’ont pas à être gouvernés par la philanthropie et que le profil des retours financiers est trop incertain et lointain. Les politiques publiques peuvent améliorer ce profil de plusieurs façons : en donnant plus de visibilité au cadre réglementaire et au calendrier d’introduction de normes plus exigeantes en termes d’émissions de carbone ; en soutenant la recherche et l’information sur le réchauffement climatique lui-même, mais aussi sur les innovations techniques ; en partageant certains risques (techniques, climatiques, politiques) ; ou encore en contribuant à soutenir la demande pour les produits issus des investissements verts.

Source : ss la direction de J.Mistral « Le climat va-t-il changer le capitalisme ? », Eyrolles, 2015, p.120

Document 125 : Agir sur le financement (aides publiques et nouveaux instruments financiers)Un frein majeur au développement rapide de la transition est celui du financement  : pas de prix carbone, peu de transferts tarifaires, peu de ressources disponibles du côté des Etats, de charges financières importantes pour les compagnies européennes d’électricité touchées par le développement rapide des renouvelables. Une véritable politique de la transition énergétique impliquerait d’importantes innovations financières. Ainsi l’Allemagne s’est dotée d’un groupe bancaire public très actif dans la promotion de cette transition. Plus généralement, le développement rapide de green bonds (obligations vertes) et de certaines formes de crowdfunding montre que les investissements de changement peuvent attirer des fonds. En France, des propositions ont été faites pour rendre éligibles à la politique de rachat de la BCE des titres privés dont l’impact bas carbone serait garanti par le gouvernement.

Source : ss la direction de J.Mistral « Le climat va-t-il changer le capitalisme ? », Eyrolles, 2015, p. 93Document 126: le coût de la transition, la préférence allemande pour une énergie chère

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En Allemagne, la transition énergétique s’accompagne de la sortie du nucléaire. Dans ce pays, les énergies renouvelables se développent rapidement. Leur production d’électricité est institutionnellement achetée par les électriciens à des prix préférentiels. Cela entraîne la diminution de la production des grandes centrales thermiques voire la fermeture de certaines d’entre elles. En 2013 et 2014, plusieurs dizaines de gigawatts de capacité ont ainsi été mis sous cocon. Au niveau européen, l’électricité renouvelable allemande se traduit parfois par une vente d’électricité à un prix négatif aux pays voisins car l’Allemagne ne peut absorber toute sa production. la transition énergétique allemande est coûteuse : la fermeture des centrales nucléaires entraîne la construction de centrales à charbon qui augmentent temporairement les émissions de GES. Le coût de la transition allemande fait débat mais les citoyens paraissent pour l’instant prêts à payer des prix élevés pour une électricité de transition.

Source : ss la direction de J.Mistral « Le climat va-t-il changer le capitalisme ? », Eyrolles, 2015, p. 90

Document 127 : les contradictions de la politique énergétique dans le cadre européenL’organisation traditionnelle des systèmes énergétiques est très vivement interpellée par la transition énergétiques et la nécessité de diminuer l’intensité carbone des structures en place. (…) La construction d’un marché européen de l’énergie est fondée sur un principe essentiel du traité de Rome : la libre circulation des marchandises et des services, qui doit être orchestrée par le jeu des marchés et de la concurrence. Pour l’électricité et le gaz naturel, des filières qui étaient souvent organisées en monopole, il a fallu attendre 1996 et 1998 pour que deux directives européennes déclenchent la libéralisation des marchés. En fonction de ces directives, la concurrence doit être introduite partout où cela est possible et l’intégration verticale doit être brisée afin de séparer clairement les activités jugées concurrentielles de celles qui doivent être maintenue en monopole. (…) C’est ainsi que les pays européens ont été amenés à créer des autorités de régulation pour le gaz naturel et l’électricité, des autorités en principe indépendantes des instances politiques. A côté du principe des marchés et de la concurrence, les gouvernements européens ont voulu adjoindre des objectifs de politique générale visant au développement durable et à la diminution de l’intensité carbone. C’est ce que l’on appelle le paquet climat-énergie, une décision européenne de 2009 qui impose la règle des « 3x20 pour 2020 » : améliorer de 20% l’efficacité énergétique, monter la part des énergies renouvelables à 20% du bilan énergétique et réduire de 20% nos émissions de GES par rapport au niveau atteint en 1990. On comprend bien que ce ne sont pas les marchés et la concurrence qui vont automatiquement conduire à la réalisation de ces objectifs. Il existe donc une sorte de contradiction entre le principe de la concurrence et ce que l’on peut appeler une « vision européenne de l’énergie » qui reflète une prise de conscience et une responsabilité politique collective vis-à-vis du réchauffement climatique. En 2014-2015, la réduction des émissions de GES a été réaffirmée en fixant un nouvel objectif de réduction à hauteur de 40% à l’horizon 2030. (…)

Source : ss la direction de J.Mistral « Le climat va-t-il changer le capitalisme ? », Eyrolles, 2015, p. 93

2.3.3.3 La coopération internationale pour mettre en œuvre une gouvernance mondiale sur l’enjeu climatique

Document 128 : la coopération internationale se heurte aux comportements de passager clandestinL’économie politique du réchauffement climatique n’est pas très favorable à la réalisation de l’optimum social  : les coûts d’un comportement vertueux sont supportés aujourd’hui par le pays le mettant en œuvre, et la quasi-totalité de ses bénéfices vont à l’étranger et à des générations qui ne sont pas en âge de voter. (…) Quel serait un bon accord international ? Comment obtenir l’adhésion des pays ? quelle feuille de route établir pour parvenir à un résultat meilleur ? (…)

Source : Jean Tirole dans « Le climat va-t-il changer le capitalisme » ss la direction de J.Mistral, Eyrolles, 2015, p. 49

Document 129 : la coopération internationale en matière environnementale (rappels historiques)Dans l’histoire des accords environnementaux, le protocole de Montréal de 1987 occupe une place particulière. Cet accord à portée universelle a conduit la communauté internationale à pratiquement cesser les émissions de gaz CFC dont l’accumulation dans l’atmosphère provoquait la destruction de la couche d’ozone. Ce succès a reposé sur trois piliers : un engagement politique fort des gouvernements concernés, un système rigoureux et indépendant de suivi, des instruments économiques adaptés.

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25 ans de négociations climatiques n’ont pas permis d’engranger des résultats comparables, bien au contraire  : durant la décennie 2000, les émissions mondiales de GES se sont accélérées et augmentent d’autant notre exposition collective au risque climatique. (…)La mise en œuvre d’un accord international sur le climat se heurte au problème très classique du passager clandestin. (…) De plus, les impacts les plus sévères sont éloignés dans le temps, ce qui incite chaque acteur à reporter l’intégralité des coûts du changement climatique sur les générations futures. Dans un tel contexte, chaque joueur a intérêt à attendre que ses voisins lancent l’action. (…) Inversement, aucun acteur n’a intérêt à s’engager unilatéralement tant qu’il n’a pas la conviction que d’autres suivront dans le cadre d’une coalition plus large. (…) Face à cette question du passager clandestin, l’Europe et les Etats-Unis ont adopté des attitudes opposées. L’Europe a toujours considéré que l’engagement unilatéral des pays riches était de nature à provoquer un effet d’aspiration des autres pays qui rejoindraient spontanément une large coalition internationale. A l’opposé, le Sénat américain adopté dès 1997 une résolution s’opposant à la ratification de tout traité sur le climat qui lierait les Etats-Unis sans que des pays comme la Chine ou l’Inde soient engagés à des efforts équivalents. Cette résolution rendait impossible la ratification par les Etats-Unis du protocole de Kyoto et contribua à l’enlisement des négociations climatiques. (…)

Source : C.de Perthuis et P.A.Jouvet dans « Le climat va-t-il changer le capitalisme ? » ss la direction de J.Mistral, 2015, p. 52

Document 130

Document 131 : la méthode utilisée à partir de la Conférence des Parties (COP) de Kyoto (1997)La question du climat s’est introduite dans la vie internationale en 1990 avec la publication du premier rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) destiné à fournir aux décideurs une information fiable sur l’état des connaissances scientifiques en matière de changements climatiques. Deux ans après, la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques était signée à Rio lors du Sommet de la Terre de 1992.

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La stabilité climatique : un bien public mondial

Les externalités environnementales ne s’arrêtent pas aux frontières de chaque Etat ;

Tous les Etats profitent de la qualité de l’environnement (non excluabilité)

La production de ce BPM se heurte à : - une difficulté spécifique aux relations internationales : les comportements de passage clandestin ; chaque Etat attend des autres qu’ils prennent les mesures nécessaires pour

assurer la qualité de l’environnement ; - des difficultés classiques aux problèmes environnementaux : défaillance de marché

(externalités négatives) et préférence pour le présent

Comment dépasser ces difficultés ?

Comment inciter les Etats à ne pas jouer les passagers clandestins ?

Comment faire internaliser les externalités afin que les AE intègrent dans leurs calculs économiques les

coûts générés sur l’environnement ?

Cette convention ratifiée par 196 pays pose trois principes de base : - le principe de reconnaissance : chaque partie reconnaît l’existence des changements climatiques en

cours et leur lien avec l’accumulation de GES d’origine anthropique ; - le principe de stabilisation : l’objectif de limiter à 2°C le réchauffement moyen relativement à l’ère

préindustrielle a été adopté en décembre 2009 lors du Sommet de Copenhague. Cet objectif est peu contraignant tant qu’il n’est pas associé à une trajectoire précise d’émission et de concentration de GES. Les travaux du GIEC permetttent de tracer de telles trajectoires. Une idée simple est qu’en l’absence d’une réduction de 40% à 70% des émissions mondiales de GES entre 2010 et 2050, cet objectif de 2° est probablement inatteignable ;

- le principe de « responsabilité commune mais différenciée » : ce principe de différenciation du degré de responsabilité suivant le niveau de développement des pays est incontestable.

La convention cadre des Nations Unies introduit un mode de gouvernance de la question climatique (…) et fait de la négociation climatique un processus continu à travers la « Conférence des parties » (COP) qui doit statutairement se réunir chaque année et prend des décisions au consensus des 196 parties. La COP réunie à Kyoto (1997) introduit deux éléments clés : - un engagement contraignant de réduction de 5% des émissions de GES ;- la mise en place d’un système de cape and trade permettant aux pays d’échanger des droits d’émission pour faire émerger un prix international du carbone. A Copenhague, les pays émergents et les Etats-Unis ont accepté de prendre des engagements de réduction des émissions. Mais l’avancée s’est accompagnée d’un affaiblissement drastique du dispositif  : engagements volontaires de certains pays, sans homogénéisation des méthodes ni système de vérification qui garantissent leur matérialité. Un tel dispositif n’a quasiment aucune change d’aboutir à l’objectif des 2°C. Depuis Copenhague, la négociation fait du surplace. (…) Peut-on espérer un sursaut qui conduise à un accord reposant sur le trépied : engagement politique fort des gouvernements, dispositif crédible de reporting, instruments économiques puissants dépendant de la tarification du carbone. (…)

Source : C.de Perthuis et P.A.Jouvet dans « Le climat va-t-il changer le capitalisme ? » ss la direction de J.Mistral, 2015, p. 52

Document 132 : la mise en place d’une gouvernance mondiale sur la question climatique

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Sommet de la Terre : Rio 1992Signature de la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique

Reconnaissance de trois principes : - Principe de reconnaissance : c’est bien l’activité humaine qui produit des GES responsables du changement climatique - Principe de stabilisation : définir un objectif de croissance max de la température et d’une trajectoire d’évolution des émissions de GES pour l’atteindre - Principe de responsabilité commune mais différencié : en fonction du niveau de développement

COP de Kyoto 1997

Comment inciter les Etats à ne pas jouer les passagers clandestins ?

Comment faire internaliser les externalités ?

Mettre en place un accord contraignant

Mettre en place un marché mondial des quota d’émission de GES = faire

apparaître un prix mondial du carbone

Document 133 : avant la COP 21 à Paris (2015)

Document 134 : un « bon accord » pour réduire les défaillances de marché selon J.Tirole

Document 135 : un « bon accord » pour réduire les défaillances de marché selon J.TiroleUn bon accord serait :

- un accord où le prix du carbone serait le même dans tous les pays et toutes les industries ; (…)- un accord où la force d’engagement assure une visibilité sur une longue période. En effet, toute

décision de déploiement privé (énergie, bâtiment, transport…) exerce ses effets pendant 20 ans, 40 ans ou plus. Il en va de même des engagements de R&D dans les technologies vertes ;

Quant au choix de l’instrument, (…) je préfère la solution des marchés de permis d’émission. Avec le cap and trade les vérifications sont plus faciles. Il suffit de mesurer les émissions totales d’un pays, tandis qu’avec les taxes il faut vérifier qu’elles sont effectivement collectées par les Etats alors que ceux-ci peuvent adopter des comportements de passagers clandestins et donc qu’ils n’ont pas dans ce cas d’incitation à les collecter. De plus, même si la taxe carbone est collectée, il faut vérifier qu’elle n’est pas compensée par une subvention compensatoire. Le cap and trade peut être instauré pour une longue durée alors que les taxes sont d’ordinaire réexaminées tous les ans. L’octroi d’un permis est souvent un moyen aisé et politiquement moins visible de pratiquer une compensation.Imaginons par exemple une démarche de cap and trade de plafonnement et de marché de droits d’émission négociables. Elle pourrait reposer sur les principes suivants :

- un chemin cible de pollution globale défini et lui apporter des ajustements pour tenir compte d’incertitudes à venir quant au rythme d’accumulation des technologies (…) ;

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Mettre en place un accord contraignant ?

Mettre en place un marché mondial des quota d’émission de GES ?

De nombreux pays grands émetteurs de GES n’ont pas ratifié le protocole

de Kyoto

Pas de marché mondial, mais des tentatives régionales de marché des

permis (UE) mais échec relatif

Les pays avancent en ordre dispersé, sans objectifs, méthodes ou contrôle

communs

Accord contraignant : objectifs, méthodes et

contrôle communs

Mise en place marché mondial des permis

d’émission (cap and trade) = prix unique du carbone

Rôle du FMI pour contrôler les engagements nationaux

Le marché des quotas : un instrument plus facile à

contrôler que les taxes et plus acceptable politiquement

Mise en place de consortium mondiaux de R&D sur le

modèle d’ITER

Pour éviter passager clandestin

Pour éviter défaillances de marché

- chaque pays se voit allouer des permis et doit en acheter de nouveaux sur le marché mondial si la pollution les dépasse ;

- chaque pays choisit sa propre politique intérieure en matière de CO2 ; - les engagements nationaux devraient être comptabilisés et traités comme des dettes nationales. cela

implique que le FMI ait un rôle dans la gouvernance internationale des accords sur le climat ; - le respect des engagements est un sujet très délicat et un point faible de toutes les négociations. (…) un

pays qui viole les règles de l’OMC s’expose à des mesures de rétorsion qui pourraient lui coûter cher. Etre exclu du libre-échange est indésirable pour la plupart des pays. Dans les questions environnementales, être exclu de l’accord ne bénéfice qu’au pays concerné qui peut alors agir de manière opportuniste au détriment des autres ;

- pour corriger deux dysfonctionnement du marché (externalités polluantes et retombées non appropriables de la R&D), deux instruments sont nécessaires : le prix du carbone et les subventions à la R&D. Les subventions à la R&D non appropriable posent le même problème que la pollution : l’incitation à l’opportunisme est substantielle. Ce qui soulève une autre question : comment organiser des consortiums internationaux de R&D comme ITER ? Les négociations (sur la désignation des contributeurs et sur l’emplacement des installations) et l’obtention d’une gouvernance et de financements durables sont des sujets complexes.

Source : Jean Tirole dans « Le climat va-t-il changer le capitalisme » ss la direction de J.Mistral, Eyrolles, 2015, p. 49

Document 136: comment inciter des pays à entrer dans l’accord ? la proposition de C.de PerthuisUn bon accord pour réduire les défaillances de marché

Document 137 : les propositions de Christian de PerthuisTentons de tracer les contours de l’accord « idéal » : une forme de jeu coopératif dans lequel tous les agents coopèrent sans dévier, sans passager clandestin, ni arrière pensée. Dans ce jeu, un prix unique du carbone s’applique à chaque tonne de GES quel que soit l’endroit du globe où elle est émise. Par exemple, une tarification uniforme de 25 dollars dans le monde ferait apparaître un rente environnementale de 1250 milliards de dollars, à niveau d’émission inchangé. (…) Les effets distributifs d’un prix unique du carbone constitue depuis 20 ans la véritable pierre d’achoppement de la négociation climatique. Les écarts de richesse entre pays sont tels que la mise en place d’un prix uniforme du carbone semble impossible : le prix du carbone adapté au Nord sera toujours trop élevé pour le Sud (…). Si on veut traiter cette question (…) il faut opérer des transferts massifs entre Nord et Sud. (…)

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Pour les agents privés : mise en place cap and trade

Solution ? une redistribution mondiale pour financer la transition énergétique dans les PVD

Un inconvénient : un prix trop élevé pour les PVD = refus de signer accord S

Avantage : un prix mondial du carbone 

Comment financer cette redistribution ? créer un système de bonus/malus environnemental pour les Etats afin de les inciter à être vertueux (obtenir un bonus)

Pour inciter les gouvernements à entrer dans le jeu, il manque un mécanisme permettant de satisfaire les contraintes de participation et d’incitation. Un dispositif de type bonus/malus s’appliquant aux gouvernements. Dans un tel système, tout pays dépassant le niveau moyen d’émission par tête verserait une contribution pour chaque tonne émise au-dessus du seuil ; symétriquement, chaque pays émettant moins que ce niveau de référence recevrait une compensation calculée sur le nombre de tonnes qu’il a permis d’économiser par rapport à la moyenne mondiale. Par construction, ce dispositif s’équilibrerait d’année en année. Il bénéficierait au démarrage aux pays ayant les plus faibles émissions par habitant qui correspondent au groupe des pays les moins avancés. Le bonus/malus inciterait l’ensemble des pays à réduire leurs émissions par habitant plus vite que la moyenne pour alléger leur malus ou accroître leur bonus suivant leur position initiale. Ce système incite les pays bénéficiaires à intégrer le système de reporting et donc à révéler leur niveau d’émissions. (…) C’est pourquoi nous préconisons une double évolution pour sortir de l’impasse :

- l’établissement d’un bonus/malus carbone international pour inciter les pays les moins avancés à rejoindre l’accord ;

- la constitution d’une coalition restreinte mais ouverte sur le reste du monde pour poser les bases d’un marché transcontinental du carbone d’ici à 2020 qui révèle le prix du carbone associé à une trajectoire d’émission compatible avec l’objectif de 2°C. (…) Source : C.de Perthuis et P.A.Jouvet dans « Le climat va-t-il changer le capitalisme ? » ss la direction de

J.Mistral, 2015, p. 52

Document 138 : un bon accord pour réduire les défaillances de marché selon P.Aghion

Document 139 : innovation de rupture et innovation « par imitation »Si les pays du Nord incitent leurs entreprises à l’innovation dans les technologies vertes, et s’ils facilitent la diffusion de ces technologies vers les pays du Sud, des progrès très substantiels pourraient être accomplis dans la lutte contre le changement climatique. En particulier il n’est pas forcément nécessaire de taxer les facteurs de production polluants dans les pays du Sud pour éviter la catastrophe planétaire. L’incitation aux innovations vertes dans le Nord doit permettre d’enclencher dans les pays riches le cercle vertueux du changement technologique environnemental, qui à son tour (si les technologies sont partagées) doit enclencher un processus d’imitation à l’échelle planétaire, d’où un cercle vertueux de croissance verte globale. En d’autres termes, les pays du Nord ont la responsabilité d’assumer le leadership en faisant le premier pas, et ils doivent adopter une attitude proactive en matière de transferts de technologie Nord/Sud. Voilà qui constitue un argument en faveur d’une action unilatérale des pays développés et de la maximisation des transferts Nord/Sud (plus les retombées technologiques Nord/Sud sont importantes, plus l’imitation des pays du Sud pouvant fonctionner à plein régime).

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Dans les pays à la frontière technologique, les innovations produisent des externalités positives

La présence de ces externalités positives limite l’innovation

Les politiques industrielles et la fiscalité verte (taxe carbone) dans les PDEM stimulent l’innovation

Accord pour des transferts de technologie PDEM vers PVD

Imitation des technologies avancées dans les PVD

Bien sûr, cet argument n’apporte aucune réponse à l’épineux problème des « fuites de carbone » qui apparaît dès lors qu’on prend en considération le commerce international : dans un monde de libre-échange, si la pollution est taxée dans un pays mais pas dans un autre, les entreprises sont incitée à se délocaliser et à innover dans le « paradis polluant », puis à exporter leurs produits et leurs innovations à partir de celui-ci dans les pays du Nord. Pour résoudre ce problème, les pays développés doivent instaurer (ou menacer de façon crédible d’instaurer) une « taxe carbone aux frontières ».

Source : P.Aghion dans « Les économistes peuvent-ils sauver la planète ? » Revue Regards croisés sur l’économie n°6, La découverte, p.173

Document 140 : il est possible d’utiliser les outils de l’analyse économique des défaillances de marché pour concevoir les modalités de fonctionnement des accords internationaux (de la gouvernance mondiale

pour produire un BPM : qualité environnement)

Document 141 : une approche alternative de la coopération internationale pour sortir de l’impasse du modèle enclenché à Kyoto

On soutient que l’accord de Paris, qui devrait être signé inaugurera une nouvelle économie politique des changements politiques. Pendant deux décennies, l’espoir fut de construire une politique globale de réduction des émissions « par la haut » basé sur ce que l’on appelle le partage du fardeau entre Etats. L’architecture retenue consistait dans le cadre d’un accord international contraignant à répartir des quotas de réduction entre pays, avec un système international de marché de permis de carbone pour assurer de la flexibilité et atteindre leurs objectifs au moindre coût. L’ambition représentée par le protocole de Kyoto n’a pas été tenue. Une autre politique et un autre accord sont devenus nécessaires. Dans les termes de l’analyse économique, la première politique, que l’on qualifiera de « pollutionniste » fut d’obédience néoclassique, dominé par les concepts de la boîte à outils standard : le dioxyde de carbone a été appréhendé comme une pollution, une externalité, disent les économistes susceptibles d’être internalisée par le signal des prix délivré par le marché des permis de carbone, qui serait un instrument de politique d’environnement des plus incitatifs. (…)En cohérence avec le modèle d’équilibre général néoclassique, le point de vue d’A.C.Pigou a irrigué durablement l’économie standard de l’environnement. En donnant un prix à la pollution par le biais d’un instrument économique du type taxe chez lui, ou permis négociable pour les économistes inspirés par Coase, l’externalité peut être externalisée. (…) La construction de l’action jusqu’au protocole de Kyoto en 1997 a reposé sur ce cadre d’analyse avec trois composantes :

1) Un diagnostic : la réduction des émissions de CO2 est un problème de pollution, une externalité pour les économistes ;

2) une vision d’ensemble « par le haut » : puisque la pollution est globale, l’enjeu planétaire et le climat un « bien public global » un accord international contraignant est la seule réponse appropriée pour répartir les

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Défaillances de marché

Bien collectif = passager clandestin

Externalité négative = trop de GES

Externalité positive = pas assez d’innovation verte

Contrainte / incitation à participer

Internalisation de l’externalité négative

grâce à un prix mondial du carbone

(cape and trade)

Politique industrielle dans PDEM pour

stimuler innovation et transfert d’innovation

vers les PVD

Le but de l’accord international = limiter ces défaillances de marché au niveau mondial

efforts de réduction des émissions entre tous les Etats, et empêcher que certains ne se comportent en « passager clandestin » ;

3) une pierre d’angle : le signal des prix offert par le système des marchés de permis négociables est l’instrument le plus incitatif, le plus efficace et le plus efficient pour modifier les comportements des entreprises et des consommateurs en direction de technologies et de biens à moindre teneur en carbone. Ces trois piliers de l’architecture climatique initiale ont tous montré leurs limites. (…)Lorsque s’engagent les premières négociations, le modèle d’accord que les négociateurs ont en vue est celui adopté pour la préservation de la couche d’ozone (en interdisant les gaz CFC qui trouent la couche d’ozone). Mais on se trompe si l’on croit que le protocole de Montréal a été initialement impulsé par «le haut  » pour ensuite s’imposer aux Etats. Il a été préparé et engagé par des actions nationales bien antérieures à la construction d’un accord international, avec l’interdiction décisive des aérosols aux Etats-Unis en 1978 suite à des actions de mouvements environnementalistes devant les tribunaux. (…) La nouvelle économie politique du climat glisse vers une approche « par le bas », plus en termes d’économie de la production du point de vue de la pensée économique. Les politiques nationales, l’action graduelle des Etats et la réglementation, les technologies à basse teneur en carbone, les méthodes concrètes de réduction des émissions et les actions d’agents multiples à des échelles variées en seront les maîtres mots. (…) Les Etats-Unis ont été le premier pays à faire connaître en 2014 leurs propositions pour la Conférence de Paris : des « politiques nationales » avec des « contributions » et non plus des engagements. Loin du substrat « économiciste » qui présidait au design du protocole de Kyoto, les Etats-Unis se placent aujourd’hui sur un terrain plus politique, qui privilégie l’acceptabilité interne de l’accord international. Ces orientations représentent le seul dénominateur commun acceptable pour une majorité de grands pollueurs et de pays en développement. La Cop 21 marquera ainsi un triple tournant :

- un accord sur le climat sera fondé sur les seules politiques nationales : il tournera le dos à la première politique climatique à l’architecture ancienne « par le haut » et à l’ambition d’un accord international contraignant ; ça ne sera pas un protocole qui demande à être ratifié par les parlements nationaux, un opération inenvisageable aux Etats-Unis ;

- des contributions nationalement déterminées sont attendues pour réduire les émissions. Ces contributions seront de nature hétérogènes et d’ambitions modestes à court terme ; du fait de leur responsabilité historique, celles des pays développés sont attendues plus ambitieuses ;

- l’accord de Paris est là pour durer ; il n’aura pas d’échéance fixe et sera ensuite périodiquement évalué et renforcé.

Entre les travaux économiques de l’époque Kyoto et ceux qui ont la Conférence de Paris en ligne de mire, un glissement des analyses et préoccupations est perceptible : la politique climatique change de paradigme. Le rapport qui s’annonce comme une publication marquante pour la Conférence de Paris coordonné par l’institut du développement durable et des relations internationales dirigé par Laurence Tubiana et le réseau onusien animé par Jeffrey Sachs est lui, comme la soumission américaine, sans substrat explicite de théorie économique. Entrepris à la demande du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, le rapport du DDPP est centré sur les trajectoires nationales, concrètes de décarbonisation à long terme des douze plus grands émetteurs de GES représentant environ 70% des émissions mondiales. L’originalité de la démarche est de tenir compte, aussi finement que possible, de ce qui fait la spécificité de chaque pays, chacun avec ses enjeux politiques, ses débats et conditions propres : potentiel de technologies, acceptabilité ou pas de certaines options comme le nucléaire, inertie du stock d’infrastructures urbaines et de transport, enjeux de développement comme les inégalités et la pauvreté, l’emploi, la pollution locale et la santé. Cette approche en termes de « décarbonisation profonde » est, là aussi, prévue pour durer, puisqu’elle accompagnera l’évaluation, la révision et le renforcement des « contributions nationalement déterminées ». La politique climatique a été construite jusqu’à Kyoto autour d’un seul instrument : le signal prix offert par les marchés de permis de carbone. Les politiques publiques, les réglementations, les actions à entreprendre par de multiples acteurs sont demeurées à la marge des analyses et des préconisations. La nouvelle politique climatique inverse les priorités. Tout en haut de l’agenda, il y a maintenant les politiques nationales et les Etats, les réglementations, les technologies à basse teneur en carbone, la modification des comportements. La question essentielle d’un prix minimal et crédible à donner au carbone, pour inciter les entreprises à modifier leurs technologies et les consommateurs leurs comportements sera bien présente à Paris, mais comme complément des politiques nationales et actions des acteurs.

Source : M.Damian et F.D.Vivien in Problèmes économiques HS n°8, p.116

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Document 166 : la position de F.D.Vivien, vers une nouvelle forme de coopération internationale, une politique climatique mondiale « par le bas »

Document 142 : l’accord de la CPO21 (Paris 2015)S’il fallait résumer d’une formule la teneur des 32 pages de l’Accord de Paris (et des décisions afférentes) adopté le 12 décembre 2015 par la COP 21, on pourrait dire que jamais l’ambition n’a été aussi forte mais que jamais la contrainte n’a été aussi faible. C’est l’arbitrage fondamental du texte et sans doute était-ce la condition de son adoption par tous les Etats de la planète. On pensait que l’enjeu, à Paris, serait d’étendre aux pays émergents, à commencer par la Chine et l’Inde, les engagements contraignants acceptés à Kyoto voilà dix-huit ans par les pays développés. C’est exactement l’inverse qui s’est produit  : sous l’impulsion du gouvernement américain, qui aura dominé de bout en bout et jusqu’à la dernière minute ce cycle de négociations (dont l’UE a été cruellement absente), tous les pays se trouvent désormais de fait hors de l’Annexe 1 du Protocole de Kyoto, libérés de toute contrainte juridique quant à la nature de leurs engagements dans la lutte contre le changement climatique, qui se résument à  des contributions volontaires qu’ils déterminent seuls et sans référence à un objectif commun. (…)La nécessité de donner un prix au carbone (et donc de lui conférer une valeur sociale), dont l’affirmation croissante aura été mise en lumière dès l’inauguration de la COP 21 sous l’égide d’Angela Merkel et du nouveau gouvernement canadien, figurait encore dans l’avant-dernière version du texte. Elle a disparu de la dernière mouture (sous la pression combinée de l’Arabie Saoudite et du Venezuela). Il ne fait pourtant pas de doute que c’est en internalisant le prix du carbone que l’on mettra le système économique au service de la transition climatique. Mais il semble à ce stade que les Etats aient choisi d’externaliser cette fonction d’internalisation au secteur privé. Il leur faudra vite reprendre la main, au plan interne et mondial. (…)la critique la plus sévère que l’on peut adresser à un accord d’architecture, qui est un programme d’intentions plutôt qu’un véritable plan d’action, est de n’être pas assez évolutif et dynamique et de ne pas davantage anticiper ses propres insuffisances et son dépassement futur en ouvrant la voie à de nouveaux principes, de nouveaux instruments et de nouveaux acteurs. En outre, comment comprendre qu’il faille patienter jusqu’en 2020 pour sa mise en œuvre, alors que les signes du dérèglement climatique sont partout visibles ?Le desserrement de cette contrainte temporelle viendra peut-être du grand pays qui s’est montré le plus constructif avant et pendant la COP 21 : la Chine. C’est de Chine qu’est venue, cinq jours avant la conclusion de l’Accord, la meilleure nouvelle climatique depuis l’annonce du ralentissement de la déforestation amazonienne au cours de la décennie 2000 : les émissions mondiales de CO2, après avoir connu une quasi-stabilisation en 2014, devraient légèrement diminuer en 2015. Cette atténuation tient à leur fléchissement en Chine sous l’effet combiné de la décélération économique (la sortie choisie de l’hyper-croissance) et de la dé-carbonisation de la croissance (liée à la moindre consommation de charbon). Cette baisse elle-même s’explique par la pression de plus en plus forte des Chinois sur leur gouvernement, car ils ont compris que le développement économique de leur pays est en train de détruire le développement humain de leurs enfants. On peut donc espérer que la Chine contienne les émissions mondiales dans les cinq années qui nous séparent de 2020 et rende l’attente de l’Accord de Paris plus supportable. A condition de la mettre à profit pour sortir de l’incohérence climatique.

Source : Eloi Laurent « Après l’accord de Paris, sortir de l’incohérence climatique », Blog de l’OFCE, 15/12/2015

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La coopération internationale de Kyoto à Copenhague : une politique climatique par « le

haut » :

L’accord surplombe les politiques nationales et les contraint ;

Les Etats doivent adapter leurs actions au cadre défini par l’accord : ils se plient à des engagements

et peuvent être sanctionnés ; La mise en œuvre d’un prix mondial du carbone est

essentielle

La coopération internationale à partir de Paris: une politique climatique par « le

bas » :

Les Etats proposent des contributions dans lesquelles ils fixent leurs propres

méthodes, objectifs : « les trajectoires nationales » ; la mise en œuvre d’un prix mondial du carbone n’est pas essentielle