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Automne 2014 Numéro 32 46 Etiquetés comme un des CHU les plus déficitaires de France en raison d’investissements aussi nécessaires que considérables, atteignant au total près d’un milliard d’euros, les Hospices Civils de Lyon ont conduit ces cinq dernières années un plan de redressement dénommé « Cap 2013 » qui a permis de ramener ce déficit à 17,5 millions d’euros contre 100 millions auparavant. Un deuxième plan, baptisé « Horizon 2017 » a pour objectif de poursuivre cet effort à travers soixante-quinze projets touchant tous les secteurs de l’activité hospitalière, de la blanchisserie à la réorganisation des blocs opératoires, en passant par le développement de l’ambulatoire, l’efficience des chemins cliniques, la mutualisation de la biologie ou des secrétariats médicaux. Plutôt que de considérer ces chantiers comme des contraintes, la direction du CHU en a fait de véritables défis, enjoignant ses équipes à viser la performance. Interview - Interview - Interview - Interview - Interview - Interview - Interview - Interview - Interview Dominique Deroubaix, directeur général des Hospices Civils de Lyon : « Faire des HCL un CHU plus ouvert, plus simple, plus innovant, plus performant. » Quelle est la situation financière actuelle des HCL ? Dominique Deroubaix : Grâce à des efforts considérables, conduits par l’ensemble de la com- munauté hospitalière, les HCL sont sortis de la très difficile situation financière qu’ils ont connue dans les années 2000 et qui avait pour origine la conjonction de deux phénomènes concomitants : dans les années 1995-2000, les HCL ont mené une grande réflexion sur le développement urbain qui a abouti à des investis- sements nécessaires mais considérables avec, notamment, la construction du bâtiment médico- chirurgical de l’hôpital de la Croix-Rousse, du pavillon médical au Centre Hospitalier Lyon - Sud et l’hôpital Femme-Mère-Enfant (HFME) à l’Est. Soit un total de près d’un milliard d’euros. Au même moment, en 2008, était appliquée la tarification à l’activité à 100% qui comporte une grave limite : la T2A ne prend pas en compte les frais d’amortissement et financiers liés à des investissements lourds. Avec la dotation globale, ces réalisations étaient supportables et les HCL étaient solvables. Avec la T2A, les HCL ont encaissé un choc qui s’est traduit en un an par un déficit de 94 millions d’euros auquel s’est ajoutée une perte de 50 à 60 millions des aides annuelles de la tutelle. Un premier plan, appelé Cap 2013, avait pour objectif un retour à l’équilibre budgétaire en 2013. Cap 2013 identifiait cent quarante-cinq chantiers dans tous les domaines avec l’objectif de réduire les coûts tout en améliorant la prise en charge du patient. Grâce aux efforts de tous, le déficit a été ramené à 17,5 millions en 2013. Il n’a pas pu être totalement comblé parce qu’il a fallu appliquer certaines dispositions règlementaires comme des augmentations de salaires ou de cotisations, mais je n’ai jamais vu, au cours de ma carrière, une telle évolution positive. Tout le monde s’y est mis.

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• Automne 2014 • Numéro 3246

Etiquetés comme un des CHU les plus déficitaires de France en raison d’investissements aussi nécessaires que considérables, atteignantau total près d’un milliard d’euros, les Hospices Civils de Lyon ont conduit ces cinq dernières années un plan de redressement dénommé« Cap 2013 » qui a permis de ramener ce déficit à 17,5 millions d’euros contre 100 millions auparavant. Un deuxième plan, baptisé « Horizon 2017 » a pour objectif de poursuivre cet effort à travers soixante-quinze projets touchant tous les secteurs de l’activité hospitalière, de la blanchisserie à la réorganisation des blocs opératoires, en passant par le développement de l’ambulatoire, l’efficiencedes chemins cliniques, la mutualisation de la biologie ou des secrétariats médicaux. Plutôt que de considérer ces chantiers comme des contraintes, la direction du CHU en a fait de véritables défis, enjoignant ses équipes à viser la performance.

Interview - Interview - Interview - Interview - Interview - Interview - Interview - Interview - InterviewDominique Deroubaix, directeur général des Hospices Civils de Lyon : « Faire des HCL un CHU plus ouvert,plus simple, plus innovant, plus performant. »

Quelle est la situationfinancière actuelle desHCL ?Dominique Deroubaix :Grâce à des efforts

considérables, conduitspar l’ensemble de la com-

munauté hospitalière, les HCLsont sortis de la très difficile situation financièrequ’ils ont connue dans les années 2000 et qui avaitpour origine la conjonction de deux phénomènesconcomitants : dans les années 1995-2000, lesHCL ont mené une grande réflexion sur le développement urbain qui a abouti à des investis-sements nécessaires mais considérables avec,

notamment, la construction du bâtiment médico-chirurgical de l’hôpital de la Croix-Rousse, dupavillon médical au Centre Hospitalier Lyon -Sud et l’hôpital Femme-Mère-Enfant (HFME) àl’Est. Soit un total de près d’un milliard d’euros.Au même moment, en 2008, était appliquée latarification à l’activité à 100% qui comporteune grave limite : la T2A ne prend pas en compteles frais d’amortissement et financiers liés àdes investissements lourds. Avec la dotationglobale, ces réalisations étaient supportableset les HCL étaient solvables. Avec la T2A, lesHCL ont encaissé un choc qui s’est traduit enun an par un déficit de 94 millions d’euros auquels’est ajoutée une perte de 50 à 60 millions des

aides annuelles de la tutelle. Un premier plan,appelé Cap 2013, avait pour objectif un retourà l’équilibre budgétaire en 2013. Cap 2013identifiait cent quarante-cinq chantiers danstous les domaines avec l’objectif de réduire lescoûts tout en améliorant la prise en charge dupatient. Grâce aux efforts de tous, le déficit aété ramené à 17,5 millions en 2013. Il n’a paspu être totalement comblé parce qu’il a falluappliquer certaines dispositions règlementairescomme des augmentations de salaires ou decotisations, mais je n’ai jamais vu, au cours dema carrière, une telle évolution positive. Toutle monde s’y est mis.

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Ces efforts sont-ils suffisants ?D.D : Nécessaires, c’est évident. Suffisants,malheureusement non. Car un autre challengeest devant nous, compte tenu de la situationéconomique du pays et je ne vois pas au nomde quel principe le monde de la santé seraitexonéré de l’effort de réduction de la dette quiest demandé à toute la nation. Nous allons devoirfaire face à des nouvelles contraintes écono-miques et financières. Nous savons déjà quel’Objectif national des dépenses de l’Assurancemaladie (ONDAM) sera en 2015 autour de 2%contre 2,4 ou 2,6% jusqu’à présent. Or la dyna-mique naturelle de la dépense hospitalière atteint 2,5%. Ces 2% d’augmentation devrontcouvrir également les dépenses de la médecinede ville et du secteur médico-social. Aussi nerestera-t-il pour l’hôpital que 1,6 ou 1,7, peut-être1,8% d’augmentation, ce qui est bien inférieurà ce que nous avons connu ces dernières années.Nous savons donc que nous entrons dans unepériode difficile. Le nouveau projet Horizon2017 ne comporte que 80 projets, mais il devraitentraîner une transformation profonde des HCLen s’appuyant sur quatre principes : faire desHCL un CHU plus ouvert, plus simple, plus innovant, plus performant. Plus ouvert sur sonenvironnement, en développant des liens avecla médecine de ville et en facilitant l’accès del’hôpital public au patient. Plus simple, en allégeant les procédures et en modernisant lessystèmes d’information car la complexité a uncoût. Plus innovant, en optimisant la recherchequi représente un potentiel considérable (en allantchercher des contrats auprès des industriels,en renforçant les programmes hospitaliers derecherche clinique), mais aussi innovant dansles prises en charge (ambulatoire, fast track.,chemins cliniques). Plus performant, enfin, enrévisant les paradigmes de fonctionnement, les

process administratifs, en se remettant en cause.L’efficience, ce n’est pas seulement réduire lesdépenses, c’est améliorer l’organisation internedu CHU.

Avez-vous les moyens de cette ambition ? D.D : Nous allons nous appuyer sur deux volets.Tout d’abord, les négociations avec l’Agencerégionale de Santé (ARS), en vue d’un retour àl’équilibre en 2017, nous ont permis d’obtenirune aide « sanctuarisée » de 16 millions d’eurospar an. Par ailleurs, nous avons égalementcontractualisé un plan de relance des investis-sements, avec notamment deux grosses opérationsessentielles pour les HCL : la 1ere tranche de lamodernisation de l’hôpital Edouard Herriot etla rénovation de l’hôpital Louis Pradel. Au total,plus de 900 millions d’investissements sur dixans pour divers travaux, les équipements et lessystèmes d’information. Au milieu des années2000, les HCL investissaient 170 millions par an.Nous n’avons aujourd’hui plus que 80 à 90 millionspar an mais au bout de dix ans, nous ne seronspas loin du milliard. Ce programme d’investis-sements est justifié : il reste la moitié des litsà rénover aux HCL. Mais il faut le réaliser sansalourdir les frais d’exploitation. D’où le planHorizon 2017 qui a pour objectif d’améliorer laperformance du CHU. L’hôpital public est encontinuelle mutation. Mais le mouvement s’accélère,le temps se précipite. Nous devons faire faceà un vieillissement du matériel et des techno-logies. Si nous voulons offrir des soins au meilleurcoût, il faut viser la performance des équipeset des équipements. La médecine ne connaîtrapeut-être plus de progrès spectaculaires, maisdes améliorations dans les traitements, la priseen charge des pathologies et du vieillissement.C’est une évolution culturelle.

Ce plan s’accompagnera forcément d’uneréduction des effectifs. Comment allez-vous manager les relations humaines ?D.D : Le CHU perd une centaine d’emplois paran, sans licenciements mais par non remplacementdes départs ou par non renouvellement de certainscontrats. Les réductions d’effectifs ont doncpour origine ces départs ou fins de contrats.Surtout, elles sont l’occasion de réorganisationsimportantes, de regroupements de services, demutualisations qui doivent permettre de main-tenir, voire d’améliorer, la qualité de notre offre.Nous faisons aussi le choix de l’externalisationde certaines activités comme nous le réalisonsactuellement avec la fonction ménage. Au-delà,il est évident que la gestion des ressources humaines, dans une telle période de réformeset de changements, nécessite un managementfin. La première priorité est d’être le plus clairet le plus transparent possible, dans les choixstratégiques effectués. Il faut donner le cap,expliquer sans relâche le sens de l’actionconduite. Les êtres humains ont besoin de com-prendre l’organisation dans laquelle ils s’ins-crivent et ce n’est qu’à ce prix qu’ils peuvent yadhérer. Il faut aussi accompagner les personnelsvers un changement culturel : celui de la nécessaire adaptation, permanente, des orga-nisations. Enfin, nous devons avoir un managementqui s’appuie davantage encore sur l’encadrementintermédiaire et notamment les médecinschefs de service et les cadres, dans une colla-boration à encourager sans cesse.

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