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Fiscalit locale : une grille de lecture conomique
Guy Gilbert, Professeur des universits lEcole normale suprieure (ENS)de Cachan ([email protected])
Contact : Rjane Hugounenq, dpartement de la Recherche, AFD ([email protected])
Agenc
eFranaisedeD
veloppement
juillet 2007 87septembre 2009
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Agence Franaise de Dveloppement
Direction de la Stratgie
Dpartement de la Recherche
5 rue Roland Barthes
75012 Paris - France
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AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009
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Directeur de la publication : Jean-Michel SEVERINO
Directeur de la rdaction : Robert PECCOUD
ISSN : 1954-3131
Dpt lgal : 3e trimestre 2009
Mise en page : Anne-Elizabeth COLOMBIER
Avertissement
Les analyses et conclusions de ce document sont formules sous la responsabilit de ses auteurs. Elles ne refltent pas
ncessairement le point de vue de lAFD ou de ses institutions partenaires.
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Sommaire
Introduction 5
1. Fiscalit locale : dfinitions 7
2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25 9
2.1 Les fiscalits locales : prsentation gnrale 9
2.2 Les ressources fiscales locales des pays de lUE 25 10
2.3 Synthse des fiscalits locales europennes 14
3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale 17
3.1 Quels objectifs assigner la fiscalit locale ? 17
3.2 Incidence des impts locaux : qui supporte le poids de limpt local ? 24
4. Questions de fiscalit locale : construire des argumentaires conomiques 31
4.1 Comment choisir entre impts locaux et redevances dusagers ? 31
4.2 Quels impts locaux sur les rsidents ? 36
4.3 Quels impts locaux sur les entreprises ? 38
4.4 Des impts locaux sur la consommation : la TVA est-elle dcentralisable ? 42
4.5 Comment partager les impts entre les chelons de gouvernement ? 43
4.6 Quelle autonomie fiscale pour les collectivits locales ? 46
Liste des sigles et abrviations 51
Bibliographie 53
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Ce document sinscrit dans le prolongement du travail de
recherche entrepris par l Agence Franaise de
Dveloppement (AFD) dans le domaine particulier de la fis-
calit locale. En effet, ltude de Dafflon et al. (2008),
publie dans la srie Notes et documents, aborde divers
points concernant les ressources fiscales locales, dont ce
document reprend certains dveloppements.
Lobjectif de cette analyse est identique : il sagit de fournir
une grille de lecture , cest--dire des questions, des
outils et des critres de choix susceptibles dapplication
concrte loccasion dune expertise de fiscalit locale,
notamment dans les pays en dveloppement (PED).
Elle en adopte les mmes cadres danalyse thorique,
ceux de lconomie publique locale et du fdralismefinancier . Elle en partage aussi les limites, en adoptant
une perspective exclusivement conomique de la fiscalit
locale. Celle-ci nest certes pas la seule possible : dautres
approches sont certainement tout aussi lgitimes, qui
ressortissent par exemple de la science politique ou de la
sociologie. Mais l analyse conomique fournit
une grammaire rigoureuse et irremplaable au moins
sur deux points. Elle permet, dune part, didentifier voire
de mesurer les effets dun systme fiscal existant sur les
comportements des agents conomiques (rsidents etentreprises). Dautre part, elle permet de juger de la
pertinence du systme f iscal actuel ou de celle
dventuelles rformes laune de critres normatifs
poss a priori, tels que lefficacit conomique ou lquit.
Il est ainsi possible de poser les termes des conflits entre
objecti fs contradictoires et de rpondre des
interrogations de caractre normatif telles que : combien
en cote-t-il en termes defficacit ou dquit dimposer le
principe capacits contributives gales, impt gal
entre les citoyens ou entre les collectivits ? Ou
bien : combien en cote-t-il en termes dquit et
defficacit de spcialiser les impts par chelon de
collectivits ?
La rponse rigoureuse de lconomiste aux questions de
fiscalit locale nest ni simple ni dfinitive, mais lutilit du
dtour intellectuel par les finances locales na jamais t
aussi grande quaujourdhui. Dans un monde globalis, o
toutes les conomies sont ouvertes sur le reste du monde,
toutes les finances publiques sont devenues locales .
Ce document prsente dans un premier point les dfinitions
indispensables qui permettent de distinguer les rgimes
dautonomie fiscale des rgimes de fiscalit transfre et
de fiscalit partage. Dans un second point, il expose les
traits essentiels des rgimes de fiscalit locale dans les
pays membres de lUnion europenne. Un troisime point,
consacr aux principes de limpt local, sorganise autour
des deux questions fondamentales : pourquoi limpt
local ? Et : quels effets les impts locaux engendrent-ils (quisupporte les impts locaux) ? Dans une quatrime et der-
nire section, les outils de lanalyse conomique sont mobi-
liss pour analyser diffrents aspects, positifs et normatifs,
de la fiscalit locale autonome.
Introduction
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Le partage des ressources locales entre diffrentes sous-
catgories est ncessaire en raison des enjeux quil soul-
ve sur le plan technique, constitutionnel ou politique. Il
repose ncessairement sur des conventions de classement
qui restent toujours fragiles.
La question de lautonomie fiscale locale tant centrale
dans toutes les approches empiriques, une attention toute
particulire doit tre apporte la distinction entre les
recettes fiscales autonomes, les recettes fiscales partages
et les recettes fiscales transfres.
Le degr de souverainet dont dispose chaque niveau de
collectivit sexerce soit sur les bases ou assiettes dimpo-
sition, soit sur les taux ou sur dautres lments du rgime
dimposition (mesures fiscales drogatoires telles que les
exemptions, les allgements).
On adopte ici les conventions de dfinitions suivantes, voi-
sines de celles de Dafflon et al. (2008). Ces dfinitions sont
proches de celles utilises en la matire par les organismes
internationaux (Ebel et al., 2001). En revanche, Dexia (2006)
rassemble sous la rubrique ressources fiscales propres
la fois les impts exclusifs et les impts partags.
Impt exclusif : impt pour lequel un seul niveau de
gouvernement peut exploiter lassiette fiscale et dont il
peroit lintgralit du produit fiscal. Un systme empil
dimpts exclusifs est dit systme de spcialisation fis-
cale pure (chaque chelon dispose en propre dune
gamme dimpts exclusifs). En gnral, un rgime dim-
pts exclusifs sous-entend une souverainet fiscale int-
grale des entits bnficiaires.
Impt partag (shared tax) : dans ce cas, plusieurs
chelons de gouvernement ont accs la mme assiet-
te ou la mme base. Si chaque gouvernement dispose de
la pleine souverainet fiscale, il peut dfinir la base, et se
trouve confront des problmes de coordination et
dharmonisation. Si un gouvernement dispose dune sou-
verainet fiscale partielle, il ne peut fixer quune partie
des critres dimposition (base, exemptions, dduction et
dpenses fiscales et barme des taux). Cette catgorie
correspond un certain type dimpts : ceux dont lassiet-
te est identique mais partage par plusieurs chelons de
gouvernement qui, chacun, choisissent librement le taux
dimposition (shared tax base). Il convient de rserver le
terme de flexibilit fiscale lorsque le gouvernement ne
dcide que de son propre taux, son propre coefficient
dimpt (base, dduction et barme tant identiques).
Les systmes appliquant les centimes additionnels (peg-
gyback tax) entrent aussi dans cette catgorie. Enfin,
dans un contexte dimpt partag, il se peut quun gou-
vernement ne puisse exercer ses prfrences fiscales et
quil doive lever un impt conformment des rgles
fixes par lchelon suprieur ; on dsigne ce rgime
sous le nom de fiscalit obligatoire .
Recettes fiscales transfres ou partage du produit
fiscal (revenue sharing) : gnralement, lassiette fiscale
et le taux dimposition sont dtermins par lchelon
suprieur qui encaisse limpt, mais une proportion fixe
des recettes fiscales est alloue aux collectivits appar-
tenant lchelon de gouvernement infrieur. Il existe
deux mthodes de partage. La premire permet le parta-
ge du produit fiscal collect par lchelon suprieur, au
prorata du produit peru dans la collectivit locale ( prin-
cipe de drivation ). La seconde mthode encadre le
partage du produit en fonction dune cl de rpartition
comprenant diffrents lments tels que la population par
exemple, ou visant rduire les diffrences de potentiel
fiscal (dans ce dernier cas, on parle alors de prqua-
tion des ressources ).
1. Fiscalit locale : dfinitions
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1. Fiscalit locale : dfinitions
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Tableau 1. Dfinitions des types de fiscalit locale
Matrise totale parles collectivits locales sur Matrise partielle sur Aucune matriseles rgles dimposition les rgles dimposition locale des rgles dimposition
(assiette, taux, exemptions)Fiscalit exclusive Une seule catgorie de collectivits Une seule catgorie de collectivits
(own-source taxation) peroit le produit fiscal dont elle peroit le produit fiscal dont elle matrise
matrise seule les rgles dimposition partiellement les rgles dassiette
(assiette, taux, exemptions) et/ou les taux
Fiscalit partage Plusieurs chelons ont accs la Plusieurs chelons ont accs la mme
(tax sharing) mme base dont ils matrisent base dont ils ne matrisent quen partie
souverainement les rgles dimposition les rgles dassiette et de taux
(assiette, taux, exemptions) (si les rgles dassiette sont identiques
pour tous les niveaux de collectivits,
cest le rgime de base partage
- shared tax base -, comme dans le cas
des centimes additionnels, des coefficients
dimpts)Transfert de recettes fiscales Limpt est encaiss par le niveau
(revenue sharing) suprieur qui fixe les rgles dimposition et
rtrocde une part du produit fiscal :
i) en fonction du produit peru dans la
collectivit ( rgle de drivation ou
fair return) ;
ii) en fonction dautres critres de
rpartition (prquation, compensation).
Source : daprs Dafflon et al.(2008).
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Le poids des ressources financires des gouvernements
infranationaux par rapport au produit intrieur brut (PIB) est
trs variable au sein de lUE 25. Il atteint 6,6 % du PIB en
moyenne en 2005 (4,7 % pour les seuls pays unitaires), soit
25 % environ des ressources publiques totales. Au
Danemark et en Sude, deux pays unitaires, le poids est
lev (autour de 16-17 % du PIB). Dans deux autres pays
unitaires (Espagne et Finlande) le poids est intermdiaire
(entre 9 et 11 %). En France, en Italie (5 % du PIB), en
Lettonie, en Rpublique tchque et en Roumanie le poids
se situe entre 4 et 7 % du PIB. La majorit des pays euro-
pens se situe dans la fourchette de 2 4 % (Estonie,
Hongrie, Lituanie, Pologne, Portugal, Slovaquie et
Slovnie) ; tandis que la Grce, lIrlande, le Luxembourg,
Malte, les Pays-Bas et le Royaume-Uni se situent dans la
plage de 1 2 % du PIB. Dans les pays fdraux, le poids
total est en moyenne plus lev dans la mesure o il totali-
se les ressources des tats fdrs et celles de leurs col-
lectivits locales. Ainsi, en Allemagne il reprsente 11,5 %
du PIB (soit 8,5 et 3 respectivement), en Autriche 7 % (4 et
3) et en Belgique 5 % (2,5 et 2,5).
La part des redevances dusagers dans les ressources des
gouvernements infranationaux est de 16 % en moyenne
pour lensemble des pays de lUE 25 en 2005. Elle est fai-
blement croissante en gnral et trs variable dun pays
lautre, comprise entre 6 et 41 %. Certains pays, plutt fai-
blement fiscaliss au niveau local, en tirent cependant des
revenus apprciables (Irlande et Roumanie). De nombreux
pays imposent des contraintes fortes sur lutilisation et la
possibilit de modulation des redevances dusagers, et leur
utilisation pour le financement de services publics locaux
essentiels tels que la sant ou lducation est en gnral
restreinte voire interdite.
Les ressources que les collectivits locales europennes
tirent des revenus de leurs proprits sont faibles en
moyenne (2 % des ressources totales en 2005). Elles ne
sont significatives que dans les pays o les collectivits dis-
posent dun parc de logements substantiel (Autriche,
Irlande, Pays-Bas et Pologne). Dans quelques pays, des
ressources additionnelles proviennent des dividendes reti-
rs de la proprit dentreprises (telles que les entreprises
dnergie en Belgique).
2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25
2.1 Les fiscalits locales : prsentation gnrale
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2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25
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Tableau 2. Structures des ressources locales dans lUE 25 en 2005
Impts (1)(dont ressources fiscales partages/transfres) Autres transferts (2) Autres (3)
Sude 69 22 9
France 53 (4) 34 13
Danemark 52 (3) 23 25
Finlande 47 (4) 27 26
Italie 44 (10) 47 8
Luxembourg 34 44 22
UE 25 47 (20) 37 16
Belgique 77 (50) 17 6
Espagne 49 (24) 42 9
Portugal 29 (4) 40 31
Pays-Bas 17 56 27
Pologne 37 (22) 47 16
Allemagne 57 (42) 28 15
Royaume-Uni 27 (12) 49 24
Hongrie 30 (16) 29 41
Roumanie 88 (75) 6 6
Slovaquie 44 (32) 34 22
Bulgarie 40 (30) 34 26
Autriche 42 (33) 32 25
Irlande 9 69 26
Rpublique Tchque 49 (43) 39 12
Lituanie 35 (30) 55 10
Estonie 48 (44) 34 17
Malte 80 20
Lettonie 47 40 13
Source : Dexia, 2006.
(1) Tous impts locaux, y compris les impts partags et les ressources fiscales transfres au sens dfini dans le tableau 1.(2) Tous transferts hors ressources fiscales transfres.(3) Redevances et paiements divers par lutilisateur, revenus de la proprit.
2.2 Les ressources fiscales locales des pays de lUE 25
En ce qui concerne les ressources fiscales locales, les
situations nationales sont extrmement diverses au sein
de lUE 25. Il nexiste pas dtude empirique dont les
dfinitions concideraient exactement avec celles
retenues dans la section prcdente. La seule tude
rcente (Dexia, 2006, 2008) utilise quatre concepts
diffrents ; la fiscalit locale (ou ressources
fiscales locales ) qui comprend galement une part de
la fiscalit transfre et de la fiscalit partage, les
ressources fiscales propres , les ressources
fiscales partages .
La fiscalit locale reprsente en moyenne 47 % des res-
sources totales des collectivits locales dans les 25 pays
membres de lUE en 2005. Ce poids varie considrable-
ment dun pays lautre : il excde 60 % en Sude en
Belgique, mais reprsente moins de 30 % en Hongrie, en
Irlande, aux Pays-Bas, au Portugal et au Royaume-Uni.
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Les ressources fiscales propres reprsentent en
moyenne 57 % des ressources fiscales des collectivits
locales, 27 % des ressources financires des gouverne-
ments infranationaux et 15 % des prlvements obliga-
toires. Les ressources fiscales partages (au sens de
Dexia) reprsentent prs de 20 % des ressources finan-
cires totales au niveau infranational au sein de lUE et
43 % des ressources fiscales .
Certains pays ne connaissent pas limpt partag (au sens
large de Dexia) : Chypre, Grce, Irlande, Luxembourg,
Pays-Bas et Sude. La Lettonie et Malte ne lvent aucun
impt local.
Les ressources fiscales locales reprsentent une partplus leve des recettes locales dans les pays unitaires
que dans les pays fdraux ; la part des ressources fiscales
dans les ressources totales est significativement plus le-
ve dans les collectivits du niveau de base (municipalits).
Les trois piliers de la fiscalit locale propre (sinon exclu-
sive) sont les taxes sur la proprit (property tax), les taxes
locales sur les activits conomiques et les impts person-
nels sur le revenu.
Pratiquement tous les pays membres de lUE disposent de
taxes locales sur les proprits au niveau local. La taxe
est le plus souvent exclusive au niveau des municipalits
(sauf en Belgique, au Danemark et en France). Elle leur
procure environ 12 % de leurs ressources financires
totales et 21 % de leurs ressources fiscales. La proportion
est particulirement leve (plus de 40 %) en Belgique,
Espagne, Irlande, Italie, aux Pays-Bas, et au Royaume-Uni.
A contrario, ce type de taxe locale est relativement peu
important dans les pays nordiques o limpt local sur le
revenu est prdominant. La taxe locale sur les proprits
(taxe sur les rsidents ou/et sur les propritaires) est
acquitte par les rsidents et prleve sur les activits co-
nomiques. Elle est assise soit sur la surface utile des
locaux dhabitation ou dactivits conomiques (solution
retenue dans nombre de nouveaux pays membres -
(NPM) - qui ne disposent pas de cadastre performant), soit
sur des valeurs foncires des proprits (valeurs vnales
ou valeurs cadastrales). Dune faon gnrale, le rende-
ment de la taxe est beaucoup plus lev dans les pays o
elle est assise sur des valeurs vnales ou administratives.
Les taux sont assez librement fixs par les collectivits
dans la plupart des pays de lUE 12. En revanche, les
marges de discrtion sont plus faibles voire inexistantes
dans la plupart des NPM. Des possibilits de modulation
des taux en fonction des zones, de la nature des biens
taxs, dexemptions permanentes ou temporaires sont sou-
vent ouvertes aux collectivits locales. Dans un certain
nombre de pays, les collectivits collectent elles-mmes les
taxes locales sur la proprit.
Les taxes locales sur les activits conomiques sontgalement rpandues (10 pays membres les utilisent, cf.
tableau 3). Leur poids est trs variable dun pays lautre ;
il est important en Allemagne, en France, en Italie et au
Luxembourg o il reprsente de 15 30 % des ressources
locales. Dans la plupart des pays, la taxe est municipale,
sauf en France o elle est empile sur 4 niveaux, en Italie
(exclusivement rgionale), en Espagne (municipale et pro-
vinciale) et en Allemagne o une partie du produit de la taxe
est rtrocd aux Lnderet au gouvernement fdral. Les
taxes sont assises sur des bases varies. La valeur ajou-
te, lorsquelle est utilise, est souvent calcule au cot
des facteurs . Lassiette est gnralement tablie en fonc-
tion de rgles fixes au niveau central, mais certains pays
laissent des marges de discrtion aux collectivits.
Cependant, de nombreuses limitations, exemptions tempo-
raires ou non, sont imposes au niveau central. Les marges
de discrtion en matire de taux sont elles aussi souvent
limites. Rcemment, de nombreuses rformes ont eu lieu,
notamment en France et en Allemagne o la part salaires a
ainsi disparu dans les annes 80, et en Espagne o les
plus petites activits sont exemptes depuis 2002-2003.
Enfin, la compatibilit de lusage dune assiette valeur ajou-
te locale avec la taxe la valeur ajoute (TVA) est exami-
ne de trs prs par la Cour de justice europenne (cas de
la taxe rgionale sur les activits productives - IRAP - et de
la taxe hongroise).
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Des impts locaux spcifiques sur le revenu personnel
sont pratiqus dans une minorit de pays (Danemark,
Finlande et Sude). Ils y procurent entre 85 et 100 % des
ressources fiscales locales. Les bases sont celles de lim-
pt sur le revenu (IR) national. Jusquen 2002, au
Danemark, une complte libert de vote des taux tait
gnralement laisse aux gouvernements locaux. Depuis
cette date, la hausse des impositions applique par cer-taines collectivits doit tre compense par une baisse
quivalente dans dautres secteurs de taxation, de telle
faon que le taux local consolid se stabilise au niveau
atteint en 2002. Ces trois pays mis part, dans lUE 25 la
taxation prend ventuellement la forme dune imposition
additionnelle limpt sur le revenu prlev par ltat cen-
tral/fdral ; dans ce dernier cas, des marges de discrtion
sont laisses en matire de taux. Cest le cas en Belgique
des centimes additionnels de limpt des personnes
physiques (IPP) - avec un taux moyen pondr de 16 % -,et en Italie, o limpt additionnel limpt sur le revenu
(IRE) est soumis des marges de progression annuelles
plafonnes.
Des impts locaux divers (le plus souvent municipaux)
viennent complter les prcdents dans certains pays, tels
que les taxes sur les dchets et leur traitement, sur les vhi-
cules moteur, sur les licences et permis, sur les trans-
ports, sur les transactions immobilires, sur les hritages
ou donations, sur les activits touristiques, sur les ventes
de tabac, dalcools, sur les jeux, les chiens, les marchs
La libert des taux est souvent encadre. La part des res-
sources locales quils procurent est trs variable et peut ne
pas tre marginale.
Les dispositifs de fiscalit partage (au sens de Dexia)
sont dusage gnral dans 20 pays membres de lUE. Sept
pays seulement ne disposent pas de tels dispositifs (Chypre,
Grce, Irlande, Luxembourg, Malte, Pays-Bas et Sude).
Dans les nouveaux pays membres, des dispositifs de partage
fiscal se substituent aux anciennes dotations mais un
mouvement gnral vers davantage de dcentralisation sy
manifeste galement. Les impts dtat les plus productifs -
IR, impt sur les socits (IS) et TVA - sont au centre des
dispositifs de partage fiscal. Au total, ce partage fiscal procure
20 % des ressources totales des gouvernements
infranationaux et 43 % de leurs ressources fiscales .
Les mcanismes de partage fiscal sont dusage gn-
ral dans les pays fdraux ou en voie de fdralisation ; ils
y rgissent tous les impts les plus productifs. De tels dis-
positifs existent galement dans la plupart des nouveaux
pays membres, o ils ne concernent que les impts sur le
revenu. Des pays unitaires comme la France, le Royaume-
Uni et certains pays nordiques recourent plus ponctuelle-
ment au partage fiscal.
2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25
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Tableau 3. Impts locaux sur lactivit conomique, pays de lUE 25, 2005
Pays Nom de la taxe/chelon Assiette % des produits fiscaux locaux % des ressources financires locales
Autriche Kommunalsteuer/municipalits Salaires 20 10
Chypre Business tax/municipalits Structure du capital et 18 11
nombre demploys
France Taxe professionnelle/communes, Valeur locative des 29 16communauts, dpartements et rgions immobilisations conomiques(et valeur ajoute)
Allemagne Gewerbesteuer/municipalits, Profit des entreprises 43 19
Lnderet tat fdral
Hongrie Local business tax/municipalits Diffrence entre recettes et 38 12certains lments de cotsde production (hors salaires)
Italie Imposition rgionale sur les activits Valeur ajoute nette de lamortissement 54 24
productives (IRAP)/rgion
Luxembourg Impt commercial/communal Profit dexploitation 91 31
Espagne Impt sur les activits conomiques Profit des activits conomiques 9 3
(IAE)/municipalits et provinces (services inclus)
Source : Dexia, 2006.
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En Allemagne, le Finanzausgleich est dfini par la
Constitution et conduit au partage entre Bundet Lnderdes
recettes des trois impts principaux (IR, IS et TVA). En
Autriche, le partage se fait entre ltat fdral, les Lnderet
les municipalits selon une formule dfinie pour 3 ans. Il
concerne 14 taxes, dont les plus importantes pour les col-
lectivits sont la taxe foncire et la taxe sur les transactions
immobilires. En Allemagne comme en Autriche, les cri-
tres de partage sont ngocis entre le Bundet les Lnder
et le taux des taxes partages est fix par ltat fdral,
sans ngociation. En Allemagne, les ressources fiscales
transfres reprsentent 60 % des ressources des Lnder
et 30 % de celles des municipalits ; en Autriche, les pro-
portions quivalentes sont de 30 % pour les Lnder et les
municipalits.
En Belgique, le systme (rform en 1989 et en 2001) est
assez complexe. Il conduit au partage fiscal entre ltat, les
communauts et les rgions de limpt personnel sur le
revenu et, pour les autres impts, un systme mixte de
partage fiscal et de centimes additionnels. Au total, prs de
80 % des ressources fiscales des communauts et des
rgions proviennent de ressources fiscales partages, ce
qui correspond 72 % de leurs ressources totales. En
Espagne, le systme est assez complexe et volutif. Dans
le cas des rgions Basque et Navarre, la plupart des impts
sont collects au niveau rgional et une part de leur produit
est reverse ltat. Les autres rgions espagnoles reoi-
vent une part des impts sur le revenu (avec certaines pos-
sibilits de modulation des taux ou des bases), de la TVA
ou des accises. En Italie, le systme est lui aussi complexe,
des impts tant la fois partags et donnant lieu des
modulations de taux locales. Ainsi, par exemple, limpt sur
le revenu personnel donne lieu une imposition addition-
nelle taux variables au niveau des municipalits et des
rgions, et un partage de la ressource nationale dIR
taux fixe. Des modalits spcifiques sajoutent ce dispo-
sitif dans les rgions statut spcial qui bnficient de
rtrocessions dimpts nationaux divers.
Au Danemark et en Finlande, le partage fiscal ne concerne
plus aujourdhui que lIS. Au Portugal, il concerne lIR. En
France, les dispositifs ont pris de lampleur avec la secon-
de vague de dcentralisation en 2004. La taxe intrieure
sur les produits ptroliers (TIPP) est partage entre tat,rgions ( taux variables) et dpartements, la taxe sur le
chiffre daffaires (TCA) et la taxe dapprentissage (TA)
bnficient aux dpartements ( taux fixes) et doivent tre
considres comme des transferts. Ces taxes partages
reprsentent 18 % des ressources fiscales des dparte-
ments et 10 % de celles des rgions. En Angleterre, en
cosse et au Pays de Galles, la taxation des entreprises
est partage, reprsentant prs de la moiti des ressources
fiscales des trois nations.
Un examen dtaill monte que la frontire entre fiscalit
partage et transferts financiers verticaux est souvent mal-
aise et trs dpendante de conventions comptables. Le
cas de la France est, de ce point de vue, sinon unique du
moins emblmatique.
2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25
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Pour rsumer, au terme de cette comparaison
internationale des fiscalits locales et au-del des
particularits propres chaque pays, certaines constantes
se dessinent la fois au niveau des problmes rencontrset des solutions adoptes.
Le partage vertical dimpts nationaux entre administra-
tions locales et centrale constitue une pratique rpandue.
Les rpartitions sappuient sur des rgles lgales, voire
constitutionnelles, daffectation des ressources. Les col-
lectivits territoriales chappent alors aux alas des poli-
tiques budgtaires centrales et bnficient en dfinitive
dun droit de proprit identique celui de ltat sur cer-
taines taxes. Dans cette perspective, deux types de pro-cdures sont envisageables. Le partage peut porter soit
sur les bases imposables, offrant aux localits la possibi-
lit de modrer les taux, soit au contraire sur les produits
encaisss, leur tant ainsi la facult dinflchir localement
la pression fiscale. Dans cette dernire ventualit, la
rpartition sapparente une dotation globale avec
cependant une diffrence essentielle : lapplication stric-
te du principe de territorialit du prlvement carte de
facto toute ide de redistribution.
La gamme des impts locaux volue sensiblement dun
pays lautre mme si des similitudes existent, simplement
en raison du nombre de choix en dfinitive limits : impts
sur le revenu des facteurs de production ; impts laconsommation, gnrale ou spcifique ; impts sur le capi-
tal, notamment foncier et immobilier. Au plan international,
par consquent, la fiscalit territoriale couvre la totalit du
spectre des possibilits et ne sloigne gure sur ce point
de la fiscalit nationale. Les spcialisations observes dun
pays lautre apparaissent, en partie, lies aux conceptions
densemble des systmes nationaux dimposition. Par
exemple, le rle prpondrant accord au niveau central
limpt sur le revenu dans les pays nordiques se retrouve
au niveau local. Toutefois, la reproduction, quasiment lidentique, de la structure fiscale du haut en bas de la pyra-
mide administrative ne constitue pas la rgle gnrale mais
plutt lexception. Le plus souvent, les systmes fiscaux
sorganisent, certes avec de nombreux chevauchements et
des diffrences dun pays lautre, suivant le principe inver-
se de la spcialisation verticale. Ainsi, aux tats-Unis, le
gouvernement fdral reoit lessentiel de ses ressources
de limposition du revenu, les taxes la consommation se
concentrent au niveau des tats et les localits disposent
2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25
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Tableau 4. Impts locaux sur le revenu des personnes physiques
chelon bnficiaire Taux dimposition % des recettes fiscales locales % des ressources locales totales
Belgique Centimes Municipalits Libert totale de vote des 36 16
additionnels taux (avec facult de
lIPP recommandations rgionales,
par exemple en Wallonie)
Taux moyen 7,3 %
Danemark Impt personnel Municipalits et comts Libert totale de principe, mais 86 45sur le revenu (jusquen 2006) gel global consolid depuis 2002
Taux de 20,8 % (municipalits)et de 11,9 % (comts) en 2005
Finlande Impt municipal Municipalits Libert totale 87 41
sur le revenu Taux moyen de 18,3 % en 2005
(entre 16 et 21 %)
I tal ie Impt addit ionnel Municipali ts et rgions Taux municipaux rglements 6 (municipali ts) 3 (municipali ts) lIRE Surtaxe rgionale de 1,4 %
(taux gel de 2002-2006) 10 (rgions 4 (rgions)Sude Impt personnel Municipalits et comts Libert totale 100 69
sur le revenu En 2005, taux moyen de 20,8 %
(municipalits) et de 10,8 % (comts)
Source : Dexia, 2006.
2.3 Synthse des fiscalits locales europennes
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dun impt foncier et immobilier. Des arrangements simi-
laires sobservent dans de nombreux autres pays fdraux
ou unitaires. Par exemple, en France, les taxes locales
reposent galement, en grande partie, sur des bases fon-
cires et immobilires.
De ce bref survol international se dgagent deux enseigne-
ments. Tout dabord, la nature de la fiscalit territoriale nap-
parat pas dtermine par le niveau dadministration de lim-
pt. Lhtrognit des solutions retenues en tmoigne.
Ensuite, les choix oprs semblent plus particulirement se
cristalliser autour de deux principaux systmes dimposi-
tion : dune part la taxation du revenu, dautre part limposi-
tion du patrimoine foncier et immobilier. Do, apparem-
ment, un nouvel arbitrage possible entre deux conceptions
concurrentes de la fiscalit.
2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25
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Les objectifs que lon peut assigner au systme fiscal sont
multiples (Stiglitz, 1989). La science conomique en retient
deux, pour lessentiel : la recherche de lefficacit producti-
ve et allocative et la contribution lquit, qui forment le
dilemme usuel efficacit/quit. Il convient cependant de
ne pas mconnatre dautres dimensions importantes qui
suggrent un autre dilemme a priori tout aussi pertinent
mme sil est inusuel sous la plume des conomistes, le
dilemme libert/galit. Lanalyse de limpt local nchap-
pe pas ce double clivage (Gilbert et al., 1998).
3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale
3.1 Quels objectifs assigner la fiscalit locale ?
Le principe fiscal de lquivalence sous-tend la recherche
dun impt local efficace
Limpt local rpond prioritairement une logique de cou-
verture des dpenses engendres par la fourniture de ser-
vices collectifs de proximit. cet objectif financier est
associ un principe de rpartition des contributions entre
les redevables, le principe de lquivalence (ou principede lutilisateur-payeur). Limpt permet par consquent de
financer les besoins de consommations collectives expri-
mes par les usagers, via la mdiation politique des lus.
Lnonc nest pas si trivial quil y parat de prime abord.
Car, comme le confirme lobservation des budgets locaux
de par le monde, les sources de financement des budgets
locaux sont diverses : emprunts, transferts financiers en
provenance dautres chelons de gouvernement, recettes
tarifaires et domaniales, impt enfin.
Enfin, les collectivits territoriales bnficient dimpts loca-
liss. Nanmoins, lautonomie fiscale des administrations
dcentralises, qui varie sensiblement dun pays lautre,
reste toujours plus ou moins limite. En effet, lexclusion
des tats membres dune fdration, qui partagent avec le
pouvoir central des prrogatives tendues, les localits au
sens strict du terme ne possdent pas, en gnral, le pou-
voir de crer des impts. Elles disposent seulement du droit
de voter le taux de certaines taxes dans le cadre des dispo-
sitions fixes par la loi. Par exemple, en France, la lgisla-
tion nationale dtermine la gamme des impts locaux, les
modalits de calcul des bases dimposition, et les taux pla-
fonds de prlvement ne pouvant pas tre dpasss.
Lautonomie du secteur public local apparat ainsi, pour
lessentiel, lie la facult de moduler le niveau de la pres-
sion fiscale. Deux consquences en dcoulent. Dune part,la diversit des choix et des situations engendre naturelle-
ment des ingalits de taxation entre contribuables. La
localisation de limpt, ncessaire lexercice dune com-
ptence fiscale, produit ainsi spontanment des disparits
territoriales de taux. Dautre part, les tensions politiques,
mais aussi conomiques et sociales, suscites par les
ingalits, favorisent linstauration de prquations finan-
cires et donc dune dlocalisation partielle des ressources
locales. Do lobligation, nouveau, darbitrer entre deux
aspirations contradictoires et par consquent de recher-cher, en gnral par des ajustements successifs, un qui-
libre jug acceptable entre financements dcentraliss et
centraliss.
Fiscalit locale et dilemme libert/galit
Lenjeu dcisionnel de la dcentralisation financire sins-
crit, pour lessentiel, dans le cadre du dilemme libert/ga-
lit. En effet, les prlvements locaux engendrent invita-
blement des carts de taux dimposition entre redevables.
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Les diffrences de pression fiscale rsultent, dune part,
des dcisions de gestion des autorits territoriales et,
dautre part, des disparits de situation conomique, socia-
le et gographique des localits, qui sont amplifies par la
finesse plus ou moins grande du dcoupage administratif.
Le propre de la dcentralisation financire est ainsi de crer
des ingalits fiscales. La libert dimposition souhaite par
les lus possde donc un prix, souvent jug excessif par les
contribuables attachs, notamment en France, au principe
dgalit devant limpt.
Par consquent, des voix slvent rgulirement, notam-
ment dans le monde des lus locaux ou des reprsentants
des ministres des finances nationaux ou fdraux, pour
critiquer la solution dun financement localis des budgetset recommander loption alternative dun financement cen-
tralis, par exemple dans le cadre de partage dimpts
nationaux sans contrle local des taux (condition sine qua
non dradication la source des disparits). Certes, les
lus perdraient le pouvoir darbitrer entre dpense publique
dune part, et prlvement fiscal dautre part, mais ils
conserveraient la facult de rpartir librement les crdits
disponibles en fonction des besoins. Par ailleurs, llastici-
t des produits encaisss, sous rserve de choisir des
indexations suffisamment volutives, compenserait le
dsagrment occasionn par la disparition de lautonomie
fiscale.
Pour certains spcialistes toutefois, les facettes dcision-
nelles et financires de la dcentralisation forment un atte-
lage cohrent. Selon eux, la suppression de la libert fisca-
le dnaturerait profondment linstitution publique locale au
nom dune vision troite de lgalit devant limpt, faute de
prendre en considration la diversit des services rendus.
Labsence de modulation possible du niveau des budgetsne permettrait pas aux lus de rpondre aux attentes
variables des citoyens, susceptibles en effet dvoluer sen-
siblement dans lespace suivant leurs conditions dhabitat
ou de revenu. Les collectivits territoriales, dpendantes
des ressources nationales et des critres de rpartition
choisis par ltat, deviendraient alors de simples relais du
pouvoir central, dispensateur unique des moyens et, par
consquent, juge ultime des besoins. De ce fait, dans de
nombreux pays et notamment en France, le droit de lever
limpt accord aux lus et, via le renouvellement prio-
dique des conseils municipaux, la possibilit dy consentir
fournie aux lecteurs contribuables, constituent deux attri-
buts jugs indissociables de la dmocratie locale et donc
dune vritable dcentralisation publique.
Lanalyse conomique voit galement, mais avec des
nuances, des avantages dans un financement localis des
budgets. Largumentation repose, pour lessentiel, sur lexa-
men des contraintes particulires de choix des biens et ser-
vices collectifs. Juridiquement, le pouvoir de dcision
appartient aux lus dans le cadre des lois et rglements en
vigueur. Cependant, le renouvellement priodique des
mandats ne permet pas aux conseils municipaux dignorer
durablement les prfrences, ventuellement divergentes,des lecteurs, sans risque de perdre les lections sui-
vantes. De ce fait, en toile de fond du pouvoir dcisionnel
des lus, se profile le consentement dmocratique limpt
et la dpense publique dune majorit de citoyens. Par
consquent, le vote avec les urnes reprsente soit directe-
ment (rfrendums budgtaires en rgime de dmocratie
directe), soit indirectement (dsignation de reprsentants
en rgime de dmocratie reprsentative), la source primai-
re des choix collectifs. Toutefois, le vote permet-il dexpri-
mer correctement la volont des citoyens ? En dautres
termes, loffre de services publics par les lus correspond-
elle la demande des lecteurs ?
Rsultat essentiel de lanalyse conomique des dcisions
collectives, la capacit du processus dmocratique pro-
duire des choix budgtaires efficaces, cest--dire
conformes aux attentes des citoyens, dpend des informa-
tions fournies aux votants sur les cots des prestations
offertes. Or, le moyen la fois le plus simple et le plus exact
de sensibiliser les lecteurs aux charges collectives consis-te lier les demandes au paiement dune contribution pcu-
niaire. Lexistence dun lien entre services rendus et finan-
cement acquitt apparat ainsi ncessaire une expression
dmocratique efficace des choix collectifs. En outre, le rle
informatif dvolu limpt local ne se limite pas au vote
avec les urnes. La mobilit des rsidents et des entre-
prises, appele vote avec les pieds , fournit en effet un
autre mcanisme possible de choix des services publics
locaux, rserv cependant aux seuls usagers contribuables
3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale
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la recherche dune nouvelle localisation communale (le
droit de vote avec les urnes tant accord aux citoyens
domicilis, et donc immobiles au plan rsidentiel). En
optant pour une implantation, les nouveaux arrivants choi-
sissent, implicitement ou explicitement, un environnement
collectif local et se trouvent donc potentiellement en mesu-
re doprer un arbitrage entre, dune part les services
publics offerts, et dautre part limpt demand.
De la mobilit gographique des rsidents et des activits
dcoulent les caractristiques originales de limpt local,
notamment par rapport aux impts des chelons centrali-
ss, longtemps peu concerns par les dplacements pos-
sibles des bases taxables dans lespace. En revanche,
aujourdhui, lanticipation dune circulation accrue deshommes et des capitaux dans la perspective du march
unique transforme progressivement les fiscalits nationales
en fiscalits locales lchelle europenne. La mobilit des
redevables ajoute en effet une dimension supplmentaire
la dcision fiscale locale soumise dsormais deux
influences, lune interne la circonscription de prlvement
(le vote avec les urnes), lautre externe (le vote avec les
pieds ). La mobilit spatiale place de facto les localits en
situation de concurrence. Ds lors, lautonomie financire
des lus apparat en dfinitive toujours limite car dpen-
dante, non seulement des contraintes lgales dutilisation
des impts ou des ractions lectorales des contribuables,
mais galement des impratifs du dveloppement cono-
mique local.
Fiscalit locale et dilemme quit/efficacit
Instrument de collecte des ressources, indicateur de cot
des services, limpt local constitue aussi un vecteur de
redistribution des revenus et donc dattnuation des inga-
lits sociales. Or, un mme systme fiscal ne peut pas, en
rgle gnrale, assurer dans de bonnes conditions ces trois
missions la fois. Do, aprs larbitrage entre finance-
ments centraliss ou dcentraliss, un nouveau dilemme
face au choix des objectifs prioritaires assigns aux taxes :
soit la recherche de lefficacit conomique, soit la qute de
la justice fiscale.
Le concept defficacit possde deux sens complmen-
taires en conomie. Pour une production donne de biens
ou de services, lefficacit technique suppose la compres-
sion des cots comptables au niveau dtiage des cots
conomiques correspondant, par dfinition, au minimum de
facteurs productifs (travail, capital, terre) utiliss avec la
technologie la plus performante. Lefficacit technique vise
en dautres termes faire mieux, quantitativement et quali-
tativement, sans dpenser plus. Pour une production
variable, donc dterminer, lefficacit allocative sectoriel-
le dfinit les quantits maximales de biens et de services
produire compte tenu, dune part, des prfrences et des
besoins des consommateurs et, dautre part, des res-
sources primaires disponibles. La rpartition des moyens
productifs entre activits concurrentes, produit et dtruit
la fois du bien-tre social. Par exemple, si le dveloppe-
ment des services publics locaux rpond bien aux besoins
collectifs des habitants et des entreprises, il saccompagne
en contrepartie dune rduction de la consommation prive
individuelle hauteur du prlvement fiscal. Ds lors, un
partage efficace des facteurs productifs implique de dve-
lopper chaque production tant que lutilit sociale cre en
contrepartie demeure suprieure lutilit sociale dtruite.
la marge, lutilit du dernier franc dpens doit tre iden-
tique dans tous ses usages alternatifs.
la condition daffectation sectorielle optimale des res-
sources entre consommations alternatives, sajoute une
condition de rpartition optimale des localisations cono-
miques et rsidentielles entre collectivits territoriales. En
effet, la spcificit de lconomie publique locale rside
dans la dimension spatiale de loffre et de la demande de
consommations collectives. Les destinataires des presta-
tions doivent par consquent oprer au pralable un choix
de localisation durable (par exemple dune rsidence prin-
cipale) ou temporaire (par exemple touristique) pour en
bnficier. De ce fait, une fiscalit locale efficace doit aussi
favoriser une distribution gographique optimale des
mnages et des entreprises. Un amnagement optimal du
territoire, pour employer le terme retenu en France,
implique quaucune modification des localisations ne puis-
se accrotre le bien-tre social. loptimum territorial, la
mobilit ne permet plus alors damliorer la situation de cer-
tains individus sans dgrader celle des autres. De ce fait,
les incitations aux changements dimplantation disparais-
sent et, par consquent, les flux migratoires entre localits.
3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale
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La rgle dgalisation des utilits marginales fournit appa-
remment un critre defficacit sectorielle dpourvu de por-
te pratique. En effet, les utilits relevant du domaine sub-
jectif des prfrences individuelles, aucun observateur
extrieur ne saurait se substituer aux lecteurs et aux lus
pour apprcier lintrt social des activits publiques
locales. Toutefois, le vote ne produit pas ncessairement,
en toutes circonstances, un choix social efficace. La lgiti-
mit dmocratique ne garantit pas automatiquement lga-
lisation des utilits marginales. Le rsultat dpend de lor-
ganisation institutionnelle et financire du processus de
choix. Idalement, les dcisions devraient tre prises dans
le cadre de rfrendums budgtaires, donnant ainsi la pos-
sibilit aux citoyens dexprimer leurs prfrences sur
chaque projet (solution retenue dans certains cantons
suisses). Dans cette perspective, la dmocratie reprsenta-
tive fournit un substitut certes commode, mais imparfait,
la dmocratie directe. Toutefois, le rsultat dpend gale-
ment du systme financier local. Lefficacit sectorielle sup-
pose en effet la rpercussion intgrale sur les payeurs
locaux, usagers ou contribuables, des dpenses suppl-
mentaires occasionnes par le dveloppement des ser-
vices publics locaux.
La rgle defficacit spatiale peut apparatre aussi sans
contenu concret car, faute de pouvoir valuer les utilits
individuelles, une vrification de la condition dinvariance
du bien-tre ne peut pas tre opre. nouveau, si le cri-
tre doptimalit nest pas directement mesurable, lanalyse
conomique fournit les conditions ncessaires et suffi-
santes pour atteindre lobjectif. De mme, le rsultat
dpend des modalits de financement des biens et ser-
vices publics locaux. Le service des impts locaux doit four-
nir aux contribuables mobiles, donc la recherche dune
nouvelle implantation, une information complte sur les
cots sociaux induits par leur choix de localisation et
notamment le montant des dpenses additionnelles sup-
portes par la commune daccueil, mais aussi les ventuels
cots environnementaux.
Deux consquences en dcoulent. Tout dabord, le rle de
gestionnaire des responsables locaux se limite, pour les-
sentiel, au domaine de lefficacit technique, avec pour but
de minorer les cots de production par la mise en uvre
des mthodes modernes du management public. Sy ajou-
te, en dmocratie reprsentative, la responsabilit politique
des lus dapprcier les besoins de leurs concitoyens en
labsence dexpression directe des prfrences. Ensuite, la
recherche de lefficacit sectorielle et spatiale relve de la
comptence du lgislateur, dans la mesure o le rsultat
dpend des institutions mises en place. Tout progrs en ce
sens suppose en effet des rformes adquates des struc-
tures territoriales, budgtaires et fiscales.
Toutefois, limpt local ne constitue pas seulement un
instrument dcentralis defficacit conomique. La
fiscalit locale reprsente aussi un outil de redistribution
des revenus et/ou des patrimoines, et donc un instrument
de justice sociale. La rpartition du prlvement fiscalterritorial soulve un double problme dquit, le premier
commun avec limpt dtat, le second spcifique. Dans
chaque localit, le partage de la charge fiscale entre
redevables dots de capacits contributives ingales
suppose ladoption dassiettes et de barmes de taux
adapts au but poursuivi (critres dits dquit verticale).
Entre localits, limposition de redevables dots de
capacits contributives gales, mais localiss dans des
communes distinctes, et donc bnficiaires de services
publics diffrents, pose un problme dquit dite
horizontale ou territoriale.
Lobjectif defficacit vise maximiser les performances
productives de lconomie pour une distribution donne des
revenus et des patrimoines. En revanche, lobjectif dquit
se proccupe exclusivement de redistribuer les ressources
produites. Apparemment donc, la complmentarit des
domaines dintervention carte tout risque dinterfrences
entre politiques. Par consquent, les collectivits territo-
riales devraient tre capables dassocier harmonieusementperformance conomique et justice sociale. En ralit,
quit et efficacit constituent deux objectifs concurrents,
la fois aux niveaux des rsultats et des moyens. Il faut donc
accepter des sacrifices mutuels sur les buts viss. En
dautres termes, toute fiscalit efficace sera coteuse en
termes dquit et, inversement, toute fiscalit quitable
sera coteuse en termes defficacit. Il est donc ncessai-
re darbitrer entre des systmes fiscaux spcialiss adap-
ts un des objectifs et non lautre.
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En matire de f inances publiques, le dilemme
efficacit/quit se cristallise dans lopposition de deux
conceptions majeures du partage interindividuel de limpt :
la premire opre un calcul au prorata des bnfices ou
des cots ; la seconde, en fonction des capacits contribu-
tives et donc des revenus et/ou des patrimoines. Lefficacit
conomique implique de rattacher les paiements aux avan-
tages de consommations collectives retirs ou aux cots
induits par les usagers. Dans cette perspective, la tarifica-
tion (ou plus exactement la souscription) constitue le mode
de financement le plus performant. Ce mode relve de la
logique de lchange volontaire et, ce titre, vhicule lin-
formation la plus prcise sur les utilits sociales compares
des activits publiques et prives, en donnant aux utilisa-
teurs la facult dexprimer sans intermdiaire, et donc sans
biais, leurs prfrences et leurs besoins. La logique mar-
chande du tarif reprsente galement un facteur puissant
defficacit technique, car il incite les gestionnaires com-
primer les cots afin dviter une dsaffection de services
aux prix trop levs.
Cependant, la tarification gnralise des prestations
locales, indpendamment de tout arbitrage entre efficacit
et quit, nest pas envisageable (cf. section 3.1.). Un
premier obstacle rsulte de lindivisibilit technique de
certains services collectifs et/ou du cot administratif trop
lev dindividualisation des consommations (par
exemple, la protection contre lincendie ou lusage de la
voirie urbaine). Le recours limpt devient alors
ncessaire pour couvrir les dpenses. Un second
obstacle provient du partage complexe des avantages des
services publics, non seulement entre utilisateurs, mais
aussi entre non-utilisateurs. Par exemple, les transports
collectifs urbains sont directement utiles aux voyageurs,
sous la forme dun service de dplacement, mais
galement indirectement aux automobilistes, en rduisant
la circulation des vhicules individuels, et donc la
congestion du trafic et la pollution. Or, lusager des
transports collectifs acceptera difficilement de payer le
service rendu au-del du bien-tre personnel retir du
dplacement et donc de financer volontairement les
conomies, dites externes, cres au profit des non-
utilisateurs ; plus encore, lusager potentiel des services
collectifs acceptera mal de contribuer au financement de
services quil nuti lise pas dans le prsent. Un
financement fiscal complmentaire devra par consquent
tre institu pour rpartir effectivement les charges au
prorata des services rendus, conformment aux rgles de
lefficacit conomique ; mme si, en pratique, la tche
savre dlicate car il est difficile dvaluer avec prcision
le partage des avantages personnels et collectifs.
La coexistence ncessaire de la tarification et de limpt
nimplique nullement la remise en cause du principe central
de financement au prorata des bnfices ou des cots.
Dans une perspective defficacit sectorielle et spatiale, la
diffrence entre tarif et impt ne rside pas dans le but vis
mais dans la mthode de rcupration des dpenses, dansle premier cas directe, dans le second indirecte. Do, logi-
quement, lobligation de concevoir aussi la fiscalit locale
dans la mme optique. En dautres termes, larbitrage entre
la tarification et limpt ne relve pas ici dune conception
duale du financement public local, mais dune simple sp-
cialisation instrumentale au service dun objectif unique de
rpartition des charges collectives au prorata des presta-
tions rendues.
En revanche, le partage du prlvement fiscal en fonctiondes capacits contributives, dans un souci de justice socia-
le, relve dune logique apparemment inconciliable avec la
prcdente. En effet, rien ne garantit a priori une distribu-
tion des bnfices de laction collective proportionnelle aux
revenus et/ou aux patrimoines, et donc la possibilit
concrte dinstaurer une rgle unique de ventilation des
charges publiques locales, susceptible de satisfaire simul-
tanment les objectifs dquit et defficacit.
En consquence, toute proposition de rforme fiscale repo-
se, implicitement ou explicitement, sur la volont de privil-
gier lune des conceptions au dtriment de lautre. Dans ces
conditions, peut-on encore parler dimpt local au singulier ?
Ou faut-il imprativement dvelopper deux visions parallles
de la fiscalit territoriale axes, lune sur des considrations
de justice distributive, lautre sur des considrations deffica-
cit conomique ? Et dans le vaste ensemble des choix pos-
sibles, nexiste-t-il pas une solution de compromis permettant
de minorer au mieux le conflit dobjectifs ?
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Application : dilemme quit/efficacit et spcialisation
des fiscalits de chaque chelon de collectivits
La thorie traditionnelle du fdralisme financier ne fournit
pas directement des cls de rpartition des impts entre
niveaux de gouvernement. Elle assigne des macro-objec-
tifs ou des fonctions , poursuivis chaque niveau
(Musgrave, 1983 et 2000 ; Boadway et al. 2000 ; Dafflon et
al., 2008), dont il est possible de tirer ensuite des cons-
quences fiscales en rapprochant les paramtres des impts
(bases et taux principalement) des macro-objectifs poursui-
vis. De plus, au niveau dabstraction auquel se situe la
thorie, la porte de ses prescriptions reste trs gnrale et
il est illusoire de penser quil existerait une rpartition ida-
le des ressources fiscales valable de tout temps et pour
tous les pays.
Les principales conclusions issues de la thorie tradition-
nelle du fdralisme financier peuvent tre rparties en
cinq points.
1) Les impts contribuant la stabilisation macroco-
nomique doivent tre prlevs par le gouvernement
central. Les ressources fiscales des chelons de gou-
vernements de niveau infrieur (en particulier au niveau
des communes) doivent tre stables. En effet, si lescapacits demprunt sont rduites ou limites au finan-
cement des investissements, les gouvernements locaux
auront des difficults faire appel des emprunts
court terme permettant de lisser la trsorerie. Une autre
manire de faire, plus dlicate politiquement, serait de
crer, en priode de bonne conjoncture, un fonds de
compensation (en anglais : rainy day fund) auquel il
serait fait appel en priode de mauvaise conjoncture et
de baisse de recettes fiscales. Avec cette seconde solu-
tion, leffet de stabilisateur automatique produit auniveau local ne sinscrirait pas en contradiction avec
laction macroconomique du gouvernement central.
2) Les impts progressifs ayant une vocation de redis-
tribution interpersonnelle doivent rester du ressort
du gouvernement central :
a) car les politiques de redistribution locales sont insuf-
fisamment discriminantes ; elles corrigent de faon
incohrente les situations individuelles (par
exemple, la situation dun contribuable pauvre dans
une collectivit riche et celle dun mme pauvre
dans une collectivit pauvre) ;
b) quand les bases imposes sont potentiellementmobiles (par exemple, dans limpt sur le revenu,
les personnes physiques dont les ressources pro-
viennent principalement du rendement du patrimoi-
ne et des placements et de la gestion de fortune,
plutt que du salaire) ;
c) quand on cherche taxer un revenu imposable dont
le fait gnrateur trouve son origine dans plusieurs
juridictions ;
d) a contrario, les politiques locales de redistribution
trouvent une certaine efficacit si dune part la dis-
tance (au sens gographique du terme) entre
donateur et donataire influe sur la satisfaction du
donateur, et dautre part si linformation concernant
les revenus est dautant plus prcise que la distan-
ce est faible (Pauly, 1973 ; Derycke et al., 1988).
3) Les chelons de gouvernement infrieurs devraient
taxer des bases imposables faiblement mobiles
pour viter la concurrence fiscale (ou course au
moins-disant fiscal ) ou plus gnralement la concur-
rence budgtaire. Rappelons que les impts ont une
contrepartie - les services publics offerts - et que les
contribuables, dans la logique du vote avec les
pieds de Tiebout (1956), choisissent leur lieu de rsi-
dence en prenant en compte ces deux aspects. Cette
question reste en ralit tout fait ouverte car, schma-
tiquement, deux positions sopposent son propos.
Pour les uns (voir par exemple Wilson, 1999, pour une
revue de littrature), la concurrence fiscale conduit (i)
une surenchre la baisse des taux dimposition
locaux ; (ii) une offre sous-optimale de biens publics
locaux ; (iii) reporter la charge fiscale sur les agents
conomiques les moins mobiles. Pour les autres, la
mobilit des individus est un mcanisme de rvlation
des prfrences la Tiebout, dont les proprits en
termes defficacit reposent sur un jeu dhypothses
relativement strictes. Pour les tenants de la thorie du
Lviathan, la concurrence fiscale est un moyen de limi-
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ter les comportements de prdation dlus supposs
opportunistes (voir Brennan et al., 1977 et 1980, initia-
teurs et piliers de cette cole de pense).
4) Comme le soulignent Dafflon et al. (2008), les bases
fiscales faisant lobjet dune rpartition trs ingali-
taire sur le territoire national devraient tre centra-
lises . Pour simplifier, on peut considrer que ces
bases ont deux origines : soit une dotation locale en
ressources naturelles (ressources minires, ptrole,
etc.), soit un positionnement gographique propice au
dveloppement conomique.
e) Dans le premier cas, une centralisation pourrait tre
justifie pour des raisons dquit territoriale, et
donc de cot budgtaire des politiques de prqua-
tion. Cependant, un tel choix pourrait faire natre un
sentiment dexpropriation pour les rgions abritant
ces ressources (entorse au principe de fair fiscal
return). Mais le gouvernement central pourrait aussi
prendre ombrage de cette rente qui pourrait soit tre
capte par une lite locale, soit servir les intrts
dune opposition au pouvoir central.
f) Dans le second cas, imaginons que les activits
conomiques soient trs ingalement rparties sur
le territoire national. Cela peut tre d un position-
nement gographique plus ou moins favorable sur
le territoire national, mais aussi la volont de dve-
loppement des acteurs locaux. Doit-on alors suivre
le mme raisonnement centralisateur et en dduire
que la taxation des activits conomiques doit tre
exclusivement du ressort des autorits nationales ?
La situation est ici diffrente car il existe une vri-
table ligne de tension entre le souci dquit territo-
riale et la ncessit de maintenir des incitations
locales au dveloppement. Des solutions plus
souples et ngocies (telles que la prquation ou
lintercommunalit) sont alors ncessaires.
5) Les redevances dutilisation et autres taxes prle-
ves selon le principe dquivalence (ou principe de
lutilisateur-payeur, dans sa mise en uvre)
devraient tre utilises de manire approprie
tous les chelons de gouvernement. Ce choix
devient prioritaire si, entre collectivits, les disparits de
prfrences pour les biens publics locaux sont impor-
tantes. Ce choix a un impact redistributif puisque la
redevance permet de faire supporter lutilisateur (et
non plus au contribuable) tout ou partie du cot du ser-
vice qui lui est rendu. Mais cet impact redistributif peut
tre pris en charge par le gouvernement central si la
fonction de redistribution est centralise. Bien quil
soulve la question de la capacit de paiement et de la
politique redistributive qui le sous-tend, ce type de pr-
lvement est rarement envisag et malheureusement
trop peu utilis dans les pays en dveloppement et les
pays en transition.
3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale
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Encadr 1. Les principes fondamentaux du partage des impts dans le cadre du fdralisme financier
Les impts (et les redevances dutilisation) visant principalement promouvoir lefficacit conomique, ils doivent tre partags entre les
niveaux de gouvernement raison de la taille de leur base, en raison inverse de leur degr de mobilit et du champ gographique des
externalits quils engendrent, et en proportion de lampleur des disparits de prfrences pour les biens publics locaux (si la taxation se
fait selon le principe de lutilisateur-payeur).
Les impts vise principalement redistributrice (entre les individus) doivent tre rservs en priorit au niveau centralis.
Les impts dont la modulation rpond principalement des considrations de stabilisation macroconomique doivent tre confis lche-
lon central.
Les effets croiss ventuels (par exemple, les consquences redistributives des fiscalits dcentralises mises en place dans une pers-
pective defficacit conomique, ou les consquences distributives des politiques de stabilisation) doivent tre traits au niveau central.
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La question de lincidence des impts locaux est essentiel-
le pour lexpertise fiscale mene dans une perspective co-
nomique. Elle est aussi particulirement complexe car lim-
pt local a une double dimension, conomique - le contri-
buable vis par limpt est-il celui qui en supportera la char-
ge en dfinitive ? Ou comment la charge fiscale se transf-
re-t-elle dun agent sur un autre ? - et une dimension spa-
tiale - O les contribuables initiaux et finaux se trouvent-ils
localiss, et donc comment la charge fiscale se transmet-
elle dun territoire vers un autre ?
Pour y rpondre, la thorie conomique sarticule autour de
deux concepts centraux ; celui dexportation fiscale (tax
exporting), et celui dexternalits fiscales.
Le premier concept sera brivement voqu au travers de
lexemple des impts locaux sur la proprit immobilire ; la
prsentation du second concept, dj analys par Dafflon
et al. (2008), reprendra leurs thses sans changements
majeurs.
Lincidence dun impt local sur les proprits immobilires
Selon lopinion courante, les impts fonciers sont les imptslocaux par excellence car leur assiette est directement lie
au territoire local. Une des difficults consiste prcisment
savoir prcisment qui lon taxe au travers de tels impts.
Trois visions des impts fonciers se sont dveloppes au fil
du temps en conomie (Gilbert et al., 1988 ; Wildasin,
1986 ; Stiglitz, 1989 ; Gilbert et al., 2002).
Premire vision : limpt immobilier, taxe spcifique sur le
capital investi dans le secteur immobilier
Dans cette perspective, la taxe foncire est toujours sup-porte intgralement par son propritaire, car loffre de ter-
rains est suppose donne une fois pour toutes. Les
valeurs capitalises des biens taxs enregistrent une capi-
talisation fiscale ngative. Symtriquement, une taxe sur
lutilisateur du bien foncier tax est supporte par lutilisa-
teur.
Un tel raisonnement ne peut se transposer directement la
plupart des impts locaux (tels que les taxes foncires sur
les proprits bties acquittes par les propritaires ou les
taxes sur les rsidents, quils soient propritaires ou loca-
taires). En effet, si les marchs des capitaux sont parfaits,
cest le capital investi en logement que frappe la taxe ; le
capital pourra alors se dplacer du secteur tax vers des
secteurs moins taxs, ce qui permettra aux propritaires
dchapper en partie limpt. Le locataire qui nacquitte
pas la taxe foncire peut dans ce cas en supporter la char-
ge ; en totalit si llasticit-prix de la demande est nulle
(bien prioritaire), en partie seulement si llasticit est non-
nulle. Au total, limpt immobilier acquitt par le propritaire
est support par celui-ci au prorata de la part proprement
foncire de la base dimposition, et par le locataire si le bien
est lou pour la part restante. Ce type de raisonnement
conduit des considrations redistributives importantes ;
limpt foncier apparat comme progressif par rapport au
revenu si lon considre quil est support par le propritai-
re, rgressif si on le considre comme acquitt en dfiniti-
ve par le locataire. Cest ce dernier rsultat qui merge des
tudes empiriques effectues notamment aux tats-Unis
sur la property tax.
Deuxime vision : limpt local sur limmobilier, impt sur le
capital
Selon cette conception, la taxe foncire locale nest pas
prioritairement vue comme un impt sur le capital foncier
et/ou immobilier, cest un impt qui frappe le capital en
tant que tel (certes sous une forme spcifique, certes de
faon diffrente dune collectivit lautre en fonction des
taux dimposition locaux, mais le capital quand mme).
Cest donc un impt qui accrot le cot du capital par
rapport aux autres facteurs de production (travail par
exemple), puisquil conduit les dtenteurs de capital exiger un rendement avant impt plus lev, de faon
compenser le paiement de limpt. Dans ces conditions,
la taxe engendre deux effets outre leffet proprement
gographique de dlocalisation des bases : un effet
factoriel et un effet sectoriel. Leffet factoriel conduit
subsituer du facteur non tax (ici le travail) au facteur
tax (le capital) ; leffet sectoriel conduit substituer des
biens dont la production est peu intensive en facteur tax
aux biens dont la production requiert beaucoup de
facteur tax. Au total, le capital (suppos mobile dune
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3.2 Incidence des impts locaux : qui supporte le poids de limpt local ?
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collectivit lautre et dun actif lautre) ira se placer
dans des collectivits fiscalit plus faible et sur des
actifs diffrents, jusqu ce que les taux de rendement
des actifs sgalisent entre toutes les collectivits et tous
les actifs. Les effets de la taxe foncire locale sont alors
des effets plus globaux (effets dits d quil ibre
gnral ).
Troisime vision : limpt local sur limmobilier, redevance
sur lusager de services publics de proximit
Si limpt sur limmobilier constitue la principale source de
financement des budgets locaux et que ceux-ci ne compor-
tent en dpenses que le cot de fourniture des services de
proximit, alors limpt immobilier peut tre assimil au prix
demand pour bnficier desdits services.
Une analyse en termes dincidence fiscale perd alors toutson intrt puisque limpt local est assimil un prix. En
consquence, limpt nengendre aucune distorsion si le
nombre de collectivits est suffisamment lev pour que,
mobilit aidant, chaque contribuable-usager puisse
trouver une collectivit offrant le meilleur rapport entre
services dsirs et cot fiscal. La capitalisation des
impts locaux dans les valeurs foncires se double dune
capitalisation (positive) des services rendus.
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Encadr 2. Approfondissement thorique : la capitalisation fiscale existe-t-elle ?
Lexistence dune interrelation troite entre les bnfices procurs par les biens publics locaux et la formation de la rente foncire, et donc
le rle incontournable de la dimension spatiale, apparaissent ds lorigine dans la littrature consacre lconomie publique locale, et
notamment dans le modle fondateur de Tiebout (1956). Toutefois, lespace est rapidement neutralis , soit par des hypothses dimmo-
bilit des acteurs (comme dans les modles de comportement budgtaire), soit par une reprsentation ponctuelle des localisations (comme
dans les modles de comptition fiscale).
Le seul courant de lconomie publique locale centr sur la dimension spatiale sintresse logiquement au rle des biens publics localiss
et des impts locaux dans la formation des prix fonciers et immobiliers. Le sol est ainsi introduit dans lanalyse mais pas la notion formelle
de distance, comme le signalent Scotchmer et al. (1993). Lanalyse des processus de capitalisation fiscale, fonde sur lestimation de fonc-
tions hdoniques, confirme en gnral la validit de lhypothse dun impact significatif des dcisions budgtaires locales sur la rente fon-cire.
Lhypothse de capitalisation des biens publics locaux dans les prix immobiliers et fonciers
Lhypothse de capitalisation fiscale constitue un pilier essentiel de lconomie publique spatialise, aux cts du thorme dHenry
George et de la rgle de Samuelson .
Le mcanisme de capitalisation fiscale repose sur lhypothse que lenchre formule par un acheteur potentiel dun actif immobilier ou fon-
cier intgre positivement la valeur quil attribue aux biens publics locaux associs sa localisation, et ngativement limpt sur la proprit
exig en contrepartie (en tenant compte galement des multiples autres caractristiques du bien immobilier ou foncier et en particulier sa
situation dans lespace et ses caractristiques physiques). Le prix de march final dpend des enchres des autres acqureurs potentiels.
Ainsi, si tous les enchrisseurs possdent des prfrences identiques, leurs valuations sont convergentes et les prix fonciers et immobi-
liers capitalisent alors intgralement les bnfices nets de laction publique. En revanche, dans lhypothse dune diversit des prfrences,
la capitalisation est incomplte.
Lhypothse de capitalisation ne se confond pas avec le thorme dHenry George, malgr le lien tabli dans les deux cas entre rente fon-
cire et biens publics locaux. Kuroda (1994) en a apport la dmonstration partir dun modle simple. Le thorme dHenry George carac-
trise le niveau optimal de la population de la collectivit locale. La population dune collectivit locale est considre comme optimale quand
la dpense publique est intgralement couverte par la rente foncire, dduction faite des revenus attribus aux propritaires fonciers. La
condition doptimalit dmographique ne dpend donc pas des prfrences des rsidents ; elle relve du domaine technique et non de celui
de lutilit. Toutefois, ce rsultat particulirement prcis constitue pour lessentiel une simple curiosit . Il repose en effet sur des hypo-
thses restrictives et peu ralistes, linstar du caractre parfaitement indivisible des biens publics locaux.
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Effets externes horizontaux et verticaux
Les ressources fiscales des collectivits publiques dcen-
tralises reposent non seulement sur des impts exclusifs
mais aussi, trs souvent, sur des impts partags, sources
deffets externes verticaux. Lexistence deffets externes est
susceptible davoir une incidence sur de multiples plans
dont lefficacit conomique, lquit et lautonomie fiscale
locale.
Un effet externe horizontal se produit lorsque la dcision
fiscale de la collectivit A exerce un effet sur la situation
financire dune collectivit B situe au mme niveau de
gouvernement. Cet effet peut tre direct (exportation
dimpts) ou indirects (par dlocalisation par exemple). Une
externalit fiscale verticale survient lorsque le choix fiscal
dun chelon de gouvernement influe sur la contrainte
budgtaire dun autre chelon de gouvernement (Vigneault
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La rgle de Samuelson dfinit le niveau optimal des biens publics par lgalit de la somme des dispositions marginales payer des
usagers et du cot marginal de production. La condition doptimalit dpend ici des prfrences des consommateurs.
Enfin, la condition de capitalisation suppose lincorporation dans les valeurs foncires des bnfices montaires des investissements publics.
la diffrence du thorme dHenry George, lhypothse de capitalisation intgre dune part les prfrences des acqureurs et, dautre part,ne porte pas sur le niveau global, mais seulement sur la variation marginale des biens publics locaux offerts par la localit.
Lventualit dune capitalisation intgrale des bnfices des investissements publics locaux dans les valeurs foncires apparat toutefois
trs faible, mme dans lhypothse la plus propice dhomognit des prfrences. En effet, si la population locale est optimale, une capi-
talisation intgrale implique labsence de propritaires non rsidents, sauf dans un monde de petites collectivits ouvertes preneuses
dutilit. Si les prfrences sont htrognes, la capitalisation ne peut pas tre intgrale. En outre, si les marchs fonciers ne sont pas
concurrentiels, les sources de distorsion saccroissent et les variations de prix ne sont plus reprsentatives des variations de bien-tre.
En consquence, lvolution des valeurs foncires et immobilires ne fournit pas, en gnral, une valuation sans biais des bnfices
sociaux des investissements publics locaux. De ce fait, le mcanisme de capitalisation ne propose pas un critre indiscutable dvaluation
des investissements et, par extension, des politiques publiques ; sans mme voquer la difficult dimputer une action particulire une
quote-part de la variation de rente foncire, produite par une multiplicit de facteurs.
Les tests empiriques de lhypothse de capitalisation fiscale
Lhypothse de capitalisation prsente nanmoins un grand intrt pour analyser lactivit des collectivits locales. Toutefois, les estimations
conomtriques, fondes sur lajustement de fonctions hdoniques, demeurent relativement peu nombreuses en raison notamment du cot
lev de collecte des informations sur les transactions immobilires et foncires. Les tests effectus sur la France, par exemple, conduisent
ne pas rejeter lhypothse dune capitalisation, au moins partielle, des bnfices des biens publics locaux et des taxes foncires et dha-
bitation dans les valeurs immobilires.
La premire tentative de vrification conomtrique de lhypothse de capitalisation fiscale a t ralise sur 900 transactions de maisons
individuelles (march secondaire), effectues en 1980 et 1983 sur 70 communes de la banlieue et grande banlieue de Rennes (Guengant,1992). Lajustement statistique de la courbe enveloppe des enchres immobilires retrace environ les deux tiers de la variance observe des
prix. La relative bonne qualit de lestimation, notamment pour des donnes individuelles, suggre que les enchres immobilires nchap-
pent pas certains dterminismes gnraux, linstar de la distance par rapport au centre de lagglomration, de loffre de services collec-
tifs et des taux dimposition locaux.
Ainsi, lallongement du temps de dplacement vers le centre rduisait, lpoque (1983), de 4 000 francs par minute supplmentaire le prix
des maisons sur le march secondaire, toutes choses tant gales par ailleurs. Lajustement statistique ne conduisait pas rejeter lhypo-
thse de capitalisation fiscale. Pour lchantillon tudi, une progression de 10 % du niveau des services publics locaux par habitant aug-
mentait de 2 % environ la valeur vnale des habitations desservies. loppos, un relvement de 10 % de la pression fiscale foncire rdui-
sait de 4 % le prix des transactions, ceteris paribus.
Depuis, dautres valuations des prix hdoniques des logements ont confirm lexistence dune capitalisation partielle des biens publics
locaux dans les valeurs foncires (Gravel et al., 1997).
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et al., 1996). Tel est le cas :
1) quand les impts prlevs par un chelon de gouverne-
ment donnent droit un crdit ou une dduction fisca-
le pour un autre chelon de gouvernement1 ;
2) quand deux ou plusieurs chelons de gouvernement
accordent des exonrations fiscales ;
3) quand plusieurs chelons de collectivits publiques
taxent une mme base imposable (ide que lon retrou-
ve sur le vocable de concurrent taxation ou tax basesharingdans la littrature nord-amricaine).
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Tableau 5. Typologie des externalits fiscales territoriales
Exemples Effets
Directes Exportation dimpts (taxes sur les La collectivit recourt trop aux impts
Externalits fiscales horizontales activits touristiques) exportables
Indirectes Concurrence f iscale par dlocal isation Taux dimposition t rop faibles
(impt local sur base mobile)
Directes Fiscalit empile (concurrent taxation/taxbase sharing) Un ou plusieurs niveaux taxent trop
Exonrations imposes par un autre niveau
Externalits fiscales verticales de collectivit
Indirectes External it de ressources (pol it ique de Offre insuff isante de services
dveloppement conomique local qui accrot locaux gnrateurs de flux de
les ressources fiscales centrales via les impts ressources externes
nationaux)
Si les deux premiers points font lobjet dune littrature dj
ancienne (voir par exemple Gilbert, 1996), ce nest que plusrcemment que la thorie du fdralisme fiscal sest int-
resse la question des externalits verticales rsultant de
lexercice du pouvoir dimposer une mme base par plu-
sieurs chelons de gouvernement. Cela peut paratre para-
doxal car la superposition fiscale (autrement dit lempile-
ment de taux de prlvement sur une mme base impo-
sable) concerne la plupart des pays (cf. section 2. sur le cas
de lUE 25), que ceux-ci soient centraliss ou dcentrali-
ss. Musgrave (1983) traite cette question dans une pers-
pective essentiellement administrative : il sintresse lop-portunit de confier la collecte des impts provenant de la
taxation dune mme base imposable une seule agence
de recouvrement. Il montre que le choix rsulte alors dun
arbitrage entre les conomies dchelle que permettrait une
telle solution, et le risque dala moral quelle occasionne-
rait si lagence en question favorisait un chelon de gouver-
nement au dtriment de lautre - cas qui est loin dtre une
hypothse dcole dans un pays comme la Russie, o les
fonctionnaires locaux collectent la part des impts allant
lchelon fdral (Tanzi, 1995).
Ce sont finalement les articles (peu connus) de Flowers
(1988) et Johnson (1988) qui remettent lordre du jour laquestion de la superposition fiscale. Les travaux de Keen
(1995, 1998), Wrede (1996), Flochel et al. (2002) et Keen
et al. (2002) sont galement reprsentatifs de cette nouvel-
le approche. Il apparat finalement que limposition conjoin-
te dune mme base imposable par plusieurs chelons de
gouvernement conduit une surexploitation de la base
commune (autrement dit, un taux de prlvement global
excessif).
1 A titre dexemple, en France, la taxe professionnelle (TP, impt local) est dductible delassiette de limpt sur les socits (impt national). Une partie de la charge fiscale paye parle contribuable local est donc, de fait, reporte sur le contribuable national. A contrario, desexonrations ou allgements sont apports la TP par le gouvernement central lesquels,partiellement compenss par ltat central, sont donc en partie supports par les collectivits
locales.
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3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale
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Encadr 3. Impts superposs et tragdie des communs : les enseignements des modles thoriques
Soient deux niveaux de gouvernement diffrents et aux territoires gographiquement imbriqus. Supposons quils aient pour objectif de
maximiser leurs recettes fiscales nettes des cots de prlvements. Pour ce faire, ils disposent dune mme base imposable dont on sup-
pose que le volume ragit ngativement toute hausse des taux dimposition, et chaque gouvernement considre le taux dimposition de
lautre