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    Fiscalit locale : une grille de lecture conomique

    Guy Gilbert, Professeur des universits lEcole normale suprieure (ENS)de Cachan ([email protected])

    Contact : Rjane Hugounenq, dpartement de la Recherche, AFD ([email protected])

    Agenc

    eFranaisedeD

    veloppement

    juillet 2007 87septembre 2009

    Agenc

    eFranaisedeD

    veloppement

    Agence Franaise de Dveloppement

    Direction de la Stratgie

    Dpartement de la Recherche

    5 rue Roland Barthes

    75012 Paris - France

    www.afd.fr

    Dpartement de la Recherche

    document

    de travail

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    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

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    Directeur de la publication : Jean-Michel SEVERINO

    Directeur de la rdaction : Robert PECCOUD

    ISSN : 1954-3131

    Dpt lgal : 3e trimestre 2009

    Mise en page : Anne-Elizabeth COLOMBIER

    Avertissement

    Les analyses et conclusions de ce document sont formules sous la responsabilit de ses auteurs. Elles ne refltent pas

    ncessairement le point de vue de lAFD ou de ses institutions partenaires.

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    Sommaire

    Introduction 5

    1. Fiscalit locale : dfinitions 7

    2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25 9

    2.1 Les fiscalits locales : prsentation gnrale 9

    2.2 Les ressources fiscales locales des pays de lUE 25 10

    2.3 Synthse des fiscalits locales europennes 14

    3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale 17

    3.1 Quels objectifs assigner la fiscalit locale ? 17

    3.2 Incidence des impts locaux : qui supporte le poids de limpt local ? 24

    4. Questions de fiscalit locale : construire des argumentaires conomiques 31

    4.1 Comment choisir entre impts locaux et redevances dusagers ? 31

    4.2 Quels impts locaux sur les rsidents ? 36

    4.3 Quels impts locaux sur les entreprises ? 38

    4.4 Des impts locaux sur la consommation : la TVA est-elle dcentralisable ? 42

    4.5 Comment partager les impts entre les chelons de gouvernement ? 43

    4.6 Quelle autonomie fiscale pour les collectivits locales ? 46

    Liste des sigles et abrviations 51

    Bibliographie 53

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    Ce document sinscrit dans le prolongement du travail de

    recherche entrepris par l Agence Franaise de

    Dveloppement (AFD) dans le domaine particulier de la fis-

    calit locale. En effet, ltude de Dafflon et al. (2008),

    publie dans la srie Notes et documents, aborde divers

    points concernant les ressources fiscales locales, dont ce

    document reprend certains dveloppements.

    Lobjectif de cette analyse est identique : il sagit de fournir

    une grille de lecture , cest--dire des questions, des

    outils et des critres de choix susceptibles dapplication

    concrte loccasion dune expertise de fiscalit locale,

    notamment dans les pays en dveloppement (PED).

    Elle en adopte les mmes cadres danalyse thorique,

    ceux de lconomie publique locale et du fdralismefinancier . Elle en partage aussi les limites, en adoptant

    une perspective exclusivement conomique de la fiscalit

    locale. Celle-ci nest certes pas la seule possible : dautres

    approches sont certainement tout aussi lgitimes, qui

    ressortissent par exemple de la science politique ou de la

    sociologie. Mais l analyse conomique fournit

    une grammaire rigoureuse et irremplaable au moins

    sur deux points. Elle permet, dune part, didentifier voire

    de mesurer les effets dun systme fiscal existant sur les

    comportements des agents conomiques (rsidents etentreprises). Dautre part, elle permet de juger de la

    pertinence du systme f iscal actuel ou de celle

    dventuelles rformes laune de critres normatifs

    poss a priori, tels que lefficacit conomique ou lquit.

    Il est ainsi possible de poser les termes des conflits entre

    objecti fs contradictoires et de rpondre des

    interrogations de caractre normatif telles que : combien

    en cote-t-il en termes defficacit ou dquit dimposer le

    principe capacits contributives gales, impt gal

    entre les citoyens ou entre les collectivits ? Ou

    bien : combien en cote-t-il en termes dquit et

    defficacit de spcialiser les impts par chelon de

    collectivits ?

    La rponse rigoureuse de lconomiste aux questions de

    fiscalit locale nest ni simple ni dfinitive, mais lutilit du

    dtour intellectuel par les finances locales na jamais t

    aussi grande quaujourdhui. Dans un monde globalis, o

    toutes les conomies sont ouvertes sur le reste du monde,

    toutes les finances publiques sont devenues locales .

    Ce document prsente dans un premier point les dfinitions

    indispensables qui permettent de distinguer les rgimes

    dautonomie fiscale des rgimes de fiscalit transfre et

    de fiscalit partage. Dans un second point, il expose les

    traits essentiels des rgimes de fiscalit locale dans les

    pays membres de lUnion europenne. Un troisime point,

    consacr aux principes de limpt local, sorganise autour

    des deux questions fondamentales : pourquoi limpt

    local ? Et : quels effets les impts locaux engendrent-ils (quisupporte les impts locaux) ? Dans une quatrime et der-

    nire section, les outils de lanalyse conomique sont mobi-

    liss pour analyser diffrents aspects, positifs et normatifs,

    de la fiscalit locale autonome.

    Introduction

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    Le partage des ressources locales entre diffrentes sous-

    catgories est ncessaire en raison des enjeux quil soul-

    ve sur le plan technique, constitutionnel ou politique. Il

    repose ncessairement sur des conventions de classement

    qui restent toujours fragiles.

    La question de lautonomie fiscale locale tant centrale

    dans toutes les approches empiriques, une attention toute

    particulire doit tre apporte la distinction entre les

    recettes fiscales autonomes, les recettes fiscales partages

    et les recettes fiscales transfres.

    Le degr de souverainet dont dispose chaque niveau de

    collectivit sexerce soit sur les bases ou assiettes dimpo-

    sition, soit sur les taux ou sur dautres lments du rgime

    dimposition (mesures fiscales drogatoires telles que les

    exemptions, les allgements).

    On adopte ici les conventions de dfinitions suivantes, voi-

    sines de celles de Dafflon et al. (2008). Ces dfinitions sont

    proches de celles utilises en la matire par les organismes

    internationaux (Ebel et al., 2001). En revanche, Dexia (2006)

    rassemble sous la rubrique ressources fiscales propres

    la fois les impts exclusifs et les impts partags.

    Impt exclusif : impt pour lequel un seul niveau de

    gouvernement peut exploiter lassiette fiscale et dont il

    peroit lintgralit du produit fiscal. Un systme empil

    dimpts exclusifs est dit systme de spcialisation fis-

    cale pure (chaque chelon dispose en propre dune

    gamme dimpts exclusifs). En gnral, un rgime dim-

    pts exclusifs sous-entend une souverainet fiscale int-

    grale des entits bnficiaires.

    Impt partag (shared tax) : dans ce cas, plusieurs

    chelons de gouvernement ont accs la mme assiet-

    te ou la mme base. Si chaque gouvernement dispose de

    la pleine souverainet fiscale, il peut dfinir la base, et se

    trouve confront des problmes de coordination et

    dharmonisation. Si un gouvernement dispose dune sou-

    verainet fiscale partielle, il ne peut fixer quune partie

    des critres dimposition (base, exemptions, dduction et

    dpenses fiscales et barme des taux). Cette catgorie

    correspond un certain type dimpts : ceux dont lassiet-

    te est identique mais partage par plusieurs chelons de

    gouvernement qui, chacun, choisissent librement le taux

    dimposition (shared tax base). Il convient de rserver le

    terme de flexibilit fiscale lorsque le gouvernement ne

    dcide que de son propre taux, son propre coefficient

    dimpt (base, dduction et barme tant identiques).

    Les systmes appliquant les centimes additionnels (peg-

    gyback tax) entrent aussi dans cette catgorie. Enfin,

    dans un contexte dimpt partag, il se peut quun gou-

    vernement ne puisse exercer ses prfrences fiscales et

    quil doive lever un impt conformment des rgles

    fixes par lchelon suprieur ; on dsigne ce rgime

    sous le nom de fiscalit obligatoire .

    Recettes fiscales transfres ou partage du produit

    fiscal (revenue sharing) : gnralement, lassiette fiscale

    et le taux dimposition sont dtermins par lchelon

    suprieur qui encaisse limpt, mais une proportion fixe

    des recettes fiscales est alloue aux collectivits appar-

    tenant lchelon de gouvernement infrieur. Il existe

    deux mthodes de partage. La premire permet le parta-

    ge du produit fiscal collect par lchelon suprieur, au

    prorata du produit peru dans la collectivit locale ( prin-

    cipe de drivation ). La seconde mthode encadre le

    partage du produit en fonction dune cl de rpartition

    comprenant diffrents lments tels que la population par

    exemple, ou visant rduire les diffrences de potentiel

    fiscal (dans ce dernier cas, on parle alors de prqua-

    tion des ressources ).

    1. Fiscalit locale : dfinitions

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    1. Fiscalit locale : dfinitions

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

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    Tableau 1. Dfinitions des types de fiscalit locale

    Matrise totale parles collectivits locales sur Matrise partielle sur Aucune matriseles rgles dimposition les rgles dimposition locale des rgles dimposition

    (assiette, taux, exemptions)Fiscalit exclusive Une seule catgorie de collectivits Une seule catgorie de collectivits

    (own-source taxation) peroit le produit fiscal dont elle peroit le produit fiscal dont elle matrise

    matrise seule les rgles dimposition partiellement les rgles dassiette

    (assiette, taux, exemptions) et/ou les taux

    Fiscalit partage Plusieurs chelons ont accs la Plusieurs chelons ont accs la mme

    (tax sharing) mme base dont ils matrisent base dont ils ne matrisent quen partie

    souverainement les rgles dimposition les rgles dassiette et de taux

    (assiette, taux, exemptions) (si les rgles dassiette sont identiques

    pour tous les niveaux de collectivits,

    cest le rgime de base partage

    - shared tax base -, comme dans le cas

    des centimes additionnels, des coefficients

    dimpts)Transfert de recettes fiscales Limpt est encaiss par le niveau

    (revenue sharing) suprieur qui fixe les rgles dimposition et

    rtrocde une part du produit fiscal :

    i) en fonction du produit peru dans la

    collectivit ( rgle de drivation ou

    fair return) ;

    ii) en fonction dautres critres de

    rpartition (prquation, compensation).

    Source : daprs Dafflon et al.(2008).

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    Le poids des ressources financires des gouvernements

    infranationaux par rapport au produit intrieur brut (PIB) est

    trs variable au sein de lUE 25. Il atteint 6,6 % du PIB en

    moyenne en 2005 (4,7 % pour les seuls pays unitaires), soit

    25 % environ des ressources publiques totales. Au

    Danemark et en Sude, deux pays unitaires, le poids est

    lev (autour de 16-17 % du PIB). Dans deux autres pays

    unitaires (Espagne et Finlande) le poids est intermdiaire

    (entre 9 et 11 %). En France, en Italie (5 % du PIB), en

    Lettonie, en Rpublique tchque et en Roumanie le poids

    se situe entre 4 et 7 % du PIB. La majorit des pays euro-

    pens se situe dans la fourchette de 2 4 % (Estonie,

    Hongrie, Lituanie, Pologne, Portugal, Slovaquie et

    Slovnie) ; tandis que la Grce, lIrlande, le Luxembourg,

    Malte, les Pays-Bas et le Royaume-Uni se situent dans la

    plage de 1 2 % du PIB. Dans les pays fdraux, le poids

    total est en moyenne plus lev dans la mesure o il totali-

    se les ressources des tats fdrs et celles de leurs col-

    lectivits locales. Ainsi, en Allemagne il reprsente 11,5 %

    du PIB (soit 8,5 et 3 respectivement), en Autriche 7 % (4 et

    3) et en Belgique 5 % (2,5 et 2,5).

    La part des redevances dusagers dans les ressources des

    gouvernements infranationaux est de 16 % en moyenne

    pour lensemble des pays de lUE 25 en 2005. Elle est fai-

    blement croissante en gnral et trs variable dun pays

    lautre, comprise entre 6 et 41 %. Certains pays, plutt fai-

    blement fiscaliss au niveau local, en tirent cependant des

    revenus apprciables (Irlande et Roumanie). De nombreux

    pays imposent des contraintes fortes sur lutilisation et la

    possibilit de modulation des redevances dusagers, et leur

    utilisation pour le financement de services publics locaux

    essentiels tels que la sant ou lducation est en gnral

    restreinte voire interdite.

    Les ressources que les collectivits locales europennes

    tirent des revenus de leurs proprits sont faibles en

    moyenne (2 % des ressources totales en 2005). Elles ne

    sont significatives que dans les pays o les collectivits dis-

    posent dun parc de logements substantiel (Autriche,

    Irlande, Pays-Bas et Pologne). Dans quelques pays, des

    ressources additionnelles proviennent des dividendes reti-

    rs de la proprit dentreprises (telles que les entreprises

    dnergie en Belgique).

    2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25

    2.1 Les fiscalits locales : prsentation gnrale

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    2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25

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    Tableau 2. Structures des ressources locales dans lUE 25 en 2005

    Impts (1)(dont ressources fiscales partages/transfres) Autres transferts (2) Autres (3)

    Sude 69 22 9

    France 53 (4) 34 13

    Danemark 52 (3) 23 25

    Finlande 47 (4) 27 26

    Italie 44 (10) 47 8

    Luxembourg 34 44 22

    UE 25 47 (20) 37 16

    Belgique 77 (50) 17 6

    Espagne 49 (24) 42 9

    Portugal 29 (4) 40 31

    Pays-Bas 17 56 27

    Pologne 37 (22) 47 16

    Allemagne 57 (42) 28 15

    Royaume-Uni 27 (12) 49 24

    Hongrie 30 (16) 29 41

    Roumanie 88 (75) 6 6

    Slovaquie 44 (32) 34 22

    Bulgarie 40 (30) 34 26

    Autriche 42 (33) 32 25

    Irlande 9 69 26

    Rpublique Tchque 49 (43) 39 12

    Lituanie 35 (30) 55 10

    Estonie 48 (44) 34 17

    Malte 80 20

    Lettonie 47 40 13

    Source : Dexia, 2006.

    (1) Tous impts locaux, y compris les impts partags et les ressources fiscales transfres au sens dfini dans le tableau 1.(2) Tous transferts hors ressources fiscales transfres.(3) Redevances et paiements divers par lutilisateur, revenus de la proprit.

    2.2 Les ressources fiscales locales des pays de lUE 25

    En ce qui concerne les ressources fiscales locales, les

    situations nationales sont extrmement diverses au sein

    de lUE 25. Il nexiste pas dtude empirique dont les

    dfinitions concideraient exactement avec celles

    retenues dans la section prcdente. La seule tude

    rcente (Dexia, 2006, 2008) utilise quatre concepts

    diffrents ; la fiscalit locale (ou ressources

    fiscales locales ) qui comprend galement une part de

    la fiscalit transfre et de la fiscalit partage, les

    ressources fiscales propres , les ressources

    fiscales partages .

    La fiscalit locale reprsente en moyenne 47 % des res-

    sources totales des collectivits locales dans les 25 pays

    membres de lUE en 2005. Ce poids varie considrable-

    ment dun pays lautre : il excde 60 % en Sude en

    Belgique, mais reprsente moins de 30 % en Hongrie, en

    Irlande, aux Pays-Bas, au Portugal et au Royaume-Uni.

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    Les ressources fiscales propres reprsentent en

    moyenne 57 % des ressources fiscales des collectivits

    locales, 27 % des ressources financires des gouverne-

    ments infranationaux et 15 % des prlvements obliga-

    toires. Les ressources fiscales partages (au sens de

    Dexia) reprsentent prs de 20 % des ressources finan-

    cires totales au niveau infranational au sein de lUE et

    43 % des ressources fiscales .

    Certains pays ne connaissent pas limpt partag (au sens

    large de Dexia) : Chypre, Grce, Irlande, Luxembourg,

    Pays-Bas et Sude. La Lettonie et Malte ne lvent aucun

    impt local.

    Les ressources fiscales locales reprsentent une partplus leve des recettes locales dans les pays unitaires

    que dans les pays fdraux ; la part des ressources fiscales

    dans les ressources totales est significativement plus le-

    ve dans les collectivits du niveau de base (municipalits).

    Les trois piliers de la fiscalit locale propre (sinon exclu-

    sive) sont les taxes sur la proprit (property tax), les taxes

    locales sur les activits conomiques et les impts person-

    nels sur le revenu.

    Pratiquement tous les pays membres de lUE disposent de

    taxes locales sur les proprits au niveau local. La taxe

    est le plus souvent exclusive au niveau des municipalits

    (sauf en Belgique, au Danemark et en France). Elle leur

    procure environ 12 % de leurs ressources financires

    totales et 21 % de leurs ressources fiscales. La proportion

    est particulirement leve (plus de 40 %) en Belgique,

    Espagne, Irlande, Italie, aux Pays-Bas, et au Royaume-Uni.

    A contrario, ce type de taxe locale est relativement peu

    important dans les pays nordiques o limpt local sur le

    revenu est prdominant. La taxe locale sur les proprits

    (taxe sur les rsidents ou/et sur les propritaires) est

    acquitte par les rsidents et prleve sur les activits co-

    nomiques. Elle est assise soit sur la surface utile des

    locaux dhabitation ou dactivits conomiques (solution

    retenue dans nombre de nouveaux pays membres -

    (NPM) - qui ne disposent pas de cadastre performant), soit

    sur des valeurs foncires des proprits (valeurs vnales

    ou valeurs cadastrales). Dune faon gnrale, le rende-

    ment de la taxe est beaucoup plus lev dans les pays o

    elle est assise sur des valeurs vnales ou administratives.

    Les taux sont assez librement fixs par les collectivits

    dans la plupart des pays de lUE 12. En revanche, les

    marges de discrtion sont plus faibles voire inexistantes

    dans la plupart des NPM. Des possibilits de modulation

    des taux en fonction des zones, de la nature des biens

    taxs, dexemptions permanentes ou temporaires sont sou-

    vent ouvertes aux collectivits locales. Dans un certain

    nombre de pays, les collectivits collectent elles-mmes les

    taxes locales sur la proprit.

    Les taxes locales sur les activits conomiques sontgalement rpandues (10 pays membres les utilisent, cf.

    tableau 3). Leur poids est trs variable dun pays lautre ;

    il est important en Allemagne, en France, en Italie et au

    Luxembourg o il reprsente de 15 30 % des ressources

    locales. Dans la plupart des pays, la taxe est municipale,

    sauf en France o elle est empile sur 4 niveaux, en Italie

    (exclusivement rgionale), en Espagne (municipale et pro-

    vinciale) et en Allemagne o une partie du produit de la taxe

    est rtrocd aux Lnderet au gouvernement fdral. Les

    taxes sont assises sur des bases varies. La valeur ajou-

    te, lorsquelle est utilise, est souvent calcule au cot

    des facteurs . Lassiette est gnralement tablie en fonc-

    tion de rgles fixes au niveau central, mais certains pays

    laissent des marges de discrtion aux collectivits.

    Cependant, de nombreuses limitations, exemptions tempo-

    raires ou non, sont imposes au niveau central. Les marges

    de discrtion en matire de taux sont elles aussi souvent

    limites. Rcemment, de nombreuses rformes ont eu lieu,

    notamment en France et en Allemagne o la part salaires a

    ainsi disparu dans les annes 80, et en Espagne o les

    plus petites activits sont exemptes depuis 2002-2003.

    Enfin, la compatibilit de lusage dune assiette valeur ajou-

    te locale avec la taxe la valeur ajoute (TVA) est exami-

    ne de trs prs par la Cour de justice europenne (cas de

    la taxe rgionale sur les activits productives - IRAP - et de

    la taxe hongroise).

    2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

    11

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    Des impts locaux spcifiques sur le revenu personnel

    sont pratiqus dans une minorit de pays (Danemark,

    Finlande et Sude). Ils y procurent entre 85 et 100 % des

    ressources fiscales locales. Les bases sont celles de lim-

    pt sur le revenu (IR) national. Jusquen 2002, au

    Danemark, une complte libert de vote des taux tait

    gnralement laisse aux gouvernements locaux. Depuis

    cette date, la hausse des impositions applique par cer-taines collectivits doit tre compense par une baisse

    quivalente dans dautres secteurs de taxation, de telle

    faon que le taux local consolid se stabilise au niveau

    atteint en 2002. Ces trois pays mis part, dans lUE 25 la

    taxation prend ventuellement la forme dune imposition

    additionnelle limpt sur le revenu prlev par ltat cen-

    tral/fdral ; dans ce dernier cas, des marges de discrtion

    sont laisses en matire de taux. Cest le cas en Belgique

    des centimes additionnels de limpt des personnes

    physiques (IPP) - avec un taux moyen pondr de 16 % -,et en Italie, o limpt additionnel limpt sur le revenu

    (IRE) est soumis des marges de progression annuelles

    plafonnes.

    Des impts locaux divers (le plus souvent municipaux)

    viennent complter les prcdents dans certains pays, tels

    que les taxes sur les dchets et leur traitement, sur les vhi-

    cules moteur, sur les licences et permis, sur les trans-

    ports, sur les transactions immobilires, sur les hritages

    ou donations, sur les activits touristiques, sur les ventes

    de tabac, dalcools, sur les jeux, les chiens, les marchs

    La libert des taux est souvent encadre. La part des res-

    sources locales quils procurent est trs variable et peut ne

    pas tre marginale.

    Les dispositifs de fiscalit partage (au sens de Dexia)

    sont dusage gnral dans 20 pays membres de lUE. Sept

    pays seulement ne disposent pas de tels dispositifs (Chypre,

    Grce, Irlande, Luxembourg, Malte, Pays-Bas et Sude).

    Dans les nouveaux pays membres, des dispositifs de partage

    fiscal se substituent aux anciennes dotations mais un

    mouvement gnral vers davantage de dcentralisation sy

    manifeste galement. Les impts dtat les plus productifs -

    IR, impt sur les socits (IS) et TVA - sont au centre des

    dispositifs de partage fiscal. Au total, ce partage fiscal procure

    20 % des ressources totales des gouvernements

    infranationaux et 43 % de leurs ressources fiscales .

    Les mcanismes de partage fiscal sont dusage gn-

    ral dans les pays fdraux ou en voie de fdralisation ; ils

    y rgissent tous les impts les plus productifs. De tels dis-

    positifs existent galement dans la plupart des nouveaux

    pays membres, o ils ne concernent que les impts sur le

    revenu. Des pays unitaires comme la France, le Royaume-

    Uni et certains pays nordiques recourent plus ponctuelle-

    ment au partage fiscal.

    2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

    12

    Tableau 3. Impts locaux sur lactivit conomique, pays de lUE 25, 2005

    Pays Nom de la taxe/chelon Assiette % des produits fiscaux locaux % des ressources financires locales

    Autriche Kommunalsteuer/municipalits Salaires 20 10

    Chypre Business tax/municipalits Structure du capital et 18 11

    nombre demploys

    France Taxe professionnelle/communes, Valeur locative des 29 16communauts, dpartements et rgions immobilisations conomiques(et valeur ajoute)

    Allemagne Gewerbesteuer/municipalits, Profit des entreprises 43 19

    Lnderet tat fdral

    Hongrie Local business tax/municipalits Diffrence entre recettes et 38 12certains lments de cotsde production (hors salaires)

    Italie Imposition rgionale sur les activits Valeur ajoute nette de lamortissement 54 24

    productives (IRAP)/rgion

    Luxembourg Impt commercial/communal Profit dexploitation 91 31

    Espagne Impt sur les activits conomiques Profit des activits conomiques 9 3

    (IAE)/municipalits et provinces (services inclus)

    Source : Dexia, 2006.

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    En Allemagne, le Finanzausgleich est dfini par la

    Constitution et conduit au partage entre Bundet Lnderdes

    recettes des trois impts principaux (IR, IS et TVA). En

    Autriche, le partage se fait entre ltat fdral, les Lnderet

    les municipalits selon une formule dfinie pour 3 ans. Il

    concerne 14 taxes, dont les plus importantes pour les col-

    lectivits sont la taxe foncire et la taxe sur les transactions

    immobilires. En Allemagne comme en Autriche, les cri-

    tres de partage sont ngocis entre le Bundet les Lnder

    et le taux des taxes partages est fix par ltat fdral,

    sans ngociation. En Allemagne, les ressources fiscales

    transfres reprsentent 60 % des ressources des Lnder

    et 30 % de celles des municipalits ; en Autriche, les pro-

    portions quivalentes sont de 30 % pour les Lnder et les

    municipalits.

    En Belgique, le systme (rform en 1989 et en 2001) est

    assez complexe. Il conduit au partage fiscal entre ltat, les

    communauts et les rgions de limpt personnel sur le

    revenu et, pour les autres impts, un systme mixte de

    partage fiscal et de centimes additionnels. Au total, prs de

    80 % des ressources fiscales des communauts et des

    rgions proviennent de ressources fiscales partages, ce

    qui correspond 72 % de leurs ressources totales. En

    Espagne, le systme est assez complexe et volutif. Dans

    le cas des rgions Basque et Navarre, la plupart des impts

    sont collects au niveau rgional et une part de leur produit

    est reverse ltat. Les autres rgions espagnoles reoi-

    vent une part des impts sur le revenu (avec certaines pos-

    sibilits de modulation des taux ou des bases), de la TVA

    ou des accises. En Italie, le systme est lui aussi complexe,

    des impts tant la fois partags et donnant lieu des

    modulations de taux locales. Ainsi, par exemple, limpt sur

    le revenu personnel donne lieu une imposition addition-

    nelle taux variables au niveau des municipalits et des

    rgions, et un partage de la ressource nationale dIR

    taux fixe. Des modalits spcifiques sajoutent ce dispo-

    sitif dans les rgions statut spcial qui bnficient de

    rtrocessions dimpts nationaux divers.

    Au Danemark et en Finlande, le partage fiscal ne concerne

    plus aujourdhui que lIS. Au Portugal, il concerne lIR. En

    France, les dispositifs ont pris de lampleur avec la secon-

    de vague de dcentralisation en 2004. La taxe intrieure

    sur les produits ptroliers (TIPP) est partage entre tat,rgions ( taux variables) et dpartements, la taxe sur le

    chiffre daffaires (TCA) et la taxe dapprentissage (TA)

    bnficient aux dpartements ( taux fixes) et doivent tre

    considres comme des transferts. Ces taxes partages

    reprsentent 18 % des ressources fiscales des dparte-

    ments et 10 % de celles des rgions. En Angleterre, en

    cosse et au Pays de Galles, la taxation des entreprises

    est partage, reprsentant prs de la moiti des ressources

    fiscales des trois nations.

    Un examen dtaill monte que la frontire entre fiscalit

    partage et transferts financiers verticaux est souvent mal-

    aise et trs dpendante de conventions comptables. Le

    cas de la France est, de ce point de vue, sinon unique du

    moins emblmatique.

    2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

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    Pour rsumer, au terme de cette comparaison

    internationale des fiscalits locales et au-del des

    particularits propres chaque pays, certaines constantes

    se dessinent la fois au niveau des problmes rencontrset des solutions adoptes.

    Le partage vertical dimpts nationaux entre administra-

    tions locales et centrale constitue une pratique rpandue.

    Les rpartitions sappuient sur des rgles lgales, voire

    constitutionnelles, daffectation des ressources. Les col-

    lectivits territoriales chappent alors aux alas des poli-

    tiques budgtaires centrales et bnficient en dfinitive

    dun droit de proprit identique celui de ltat sur cer-

    taines taxes. Dans cette perspective, deux types de pro-cdures sont envisageables. Le partage peut porter soit

    sur les bases imposables, offrant aux localits la possibi-

    lit de modrer les taux, soit au contraire sur les produits

    encaisss, leur tant ainsi la facult dinflchir localement

    la pression fiscale. Dans cette dernire ventualit, la

    rpartition sapparente une dotation globale avec

    cependant une diffrence essentielle : lapplication stric-

    te du principe de territorialit du prlvement carte de

    facto toute ide de redistribution.

    La gamme des impts locaux volue sensiblement dun

    pays lautre mme si des similitudes existent, simplement

    en raison du nombre de choix en dfinitive limits : impts

    sur le revenu des facteurs de production ; impts laconsommation, gnrale ou spcifique ; impts sur le capi-

    tal, notamment foncier et immobilier. Au plan international,

    par consquent, la fiscalit territoriale couvre la totalit du

    spectre des possibilits et ne sloigne gure sur ce point

    de la fiscalit nationale. Les spcialisations observes dun

    pays lautre apparaissent, en partie, lies aux conceptions

    densemble des systmes nationaux dimposition. Par

    exemple, le rle prpondrant accord au niveau central

    limpt sur le revenu dans les pays nordiques se retrouve

    au niveau local. Toutefois, la reproduction, quasiment lidentique, de la structure fiscale du haut en bas de la pyra-

    mide administrative ne constitue pas la rgle gnrale mais

    plutt lexception. Le plus souvent, les systmes fiscaux

    sorganisent, certes avec de nombreux chevauchements et

    des diffrences dun pays lautre, suivant le principe inver-

    se de la spcialisation verticale. Ainsi, aux tats-Unis, le

    gouvernement fdral reoit lessentiel de ses ressources

    de limposition du revenu, les taxes la consommation se

    concentrent au niveau des tats et les localits disposent

    2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

    14

    Tableau 4. Impts locaux sur le revenu des personnes physiques

    chelon bnficiaire Taux dimposition % des recettes fiscales locales % des ressources locales totales

    Belgique Centimes Municipalits Libert totale de vote des 36 16

    additionnels taux (avec facult de

    lIPP recommandations rgionales,

    par exemple en Wallonie)

    Taux moyen 7,3 %

    Danemark Impt personnel Municipalits et comts Libert totale de principe, mais 86 45sur le revenu (jusquen 2006) gel global consolid depuis 2002

    Taux de 20,8 % (municipalits)et de 11,9 % (comts) en 2005

    Finlande Impt municipal Municipalits Libert totale 87 41

    sur le revenu Taux moyen de 18,3 % en 2005

    (entre 16 et 21 %)

    I tal ie Impt addit ionnel Municipali ts et rgions Taux municipaux rglements 6 (municipali ts) 3 (municipali ts) lIRE Surtaxe rgionale de 1,4 %

    (taux gel de 2002-2006) 10 (rgions 4 (rgions)Sude Impt personnel Municipalits et comts Libert totale 100 69

    sur le revenu En 2005, taux moyen de 20,8 %

    (municipalits) et de 10,8 % (comts)

    Source : Dexia, 2006.

    2.3 Synthse des fiscalits locales europennes

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    dun impt foncier et immobilier. Des arrangements simi-

    laires sobservent dans de nombreux autres pays fdraux

    ou unitaires. Par exemple, en France, les taxes locales

    reposent galement, en grande partie, sur des bases fon-

    cires et immobilires.

    De ce bref survol international se dgagent deux enseigne-

    ments. Tout dabord, la nature de la fiscalit territoriale nap-

    parat pas dtermine par le niveau dadministration de lim-

    pt. Lhtrognit des solutions retenues en tmoigne.

    Ensuite, les choix oprs semblent plus particulirement se

    cristalliser autour de deux principaux systmes dimposi-

    tion : dune part la taxation du revenu, dautre part limposi-

    tion du patrimoine foncier et immobilier. Do, apparem-

    ment, un nouvel arbitrage possible entre deux conceptions

    concurrentes de la fiscalit.

    2. Les fiscalits locales dans les pays de lUnion europenne (UE) 25

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

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    17

    Les objectifs que lon peut assigner au systme fiscal sont

    multiples (Stiglitz, 1989). La science conomique en retient

    deux, pour lessentiel : la recherche de lefficacit producti-

    ve et allocative et la contribution lquit, qui forment le

    dilemme usuel efficacit/quit. Il convient cependant de

    ne pas mconnatre dautres dimensions importantes qui

    suggrent un autre dilemme a priori tout aussi pertinent

    mme sil est inusuel sous la plume des conomistes, le

    dilemme libert/galit. Lanalyse de limpt local nchap-

    pe pas ce double clivage (Gilbert et al., 1998).

    3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale

    3.1 Quels objectifs assigner la fiscalit locale ?

    Le principe fiscal de lquivalence sous-tend la recherche

    dun impt local efficace

    Limpt local rpond prioritairement une logique de cou-

    verture des dpenses engendres par la fourniture de ser-

    vices collectifs de proximit. cet objectif financier est

    associ un principe de rpartition des contributions entre

    les redevables, le principe de lquivalence (ou principede lutilisateur-payeur). Limpt permet par consquent de

    financer les besoins de consommations collectives expri-

    mes par les usagers, via la mdiation politique des lus.

    Lnonc nest pas si trivial quil y parat de prime abord.

    Car, comme le confirme lobservation des budgets locaux

    de par le monde, les sources de financement des budgets

    locaux sont diverses : emprunts, transferts financiers en

    provenance dautres chelons de gouvernement, recettes

    tarifaires et domaniales, impt enfin.

    Enfin, les collectivits territoriales bnficient dimpts loca-

    liss. Nanmoins, lautonomie fiscale des administrations

    dcentralises, qui varie sensiblement dun pays lautre,

    reste toujours plus ou moins limite. En effet, lexclusion

    des tats membres dune fdration, qui partagent avec le

    pouvoir central des prrogatives tendues, les localits au

    sens strict du terme ne possdent pas, en gnral, le pou-

    voir de crer des impts. Elles disposent seulement du droit

    de voter le taux de certaines taxes dans le cadre des dispo-

    sitions fixes par la loi. Par exemple, en France, la lgisla-

    tion nationale dtermine la gamme des impts locaux, les

    modalits de calcul des bases dimposition, et les taux pla-

    fonds de prlvement ne pouvant pas tre dpasss.

    Lautonomie du secteur public local apparat ainsi, pour

    lessentiel, lie la facult de moduler le niveau de la pres-

    sion fiscale. Deux consquences en dcoulent. Dune part,la diversit des choix et des situations engendre naturelle-

    ment des ingalits de taxation entre contribuables. La

    localisation de limpt, ncessaire lexercice dune com-

    ptence fiscale, produit ainsi spontanment des disparits

    territoriales de taux. Dautre part, les tensions politiques,

    mais aussi conomiques et sociales, suscites par les

    ingalits, favorisent linstauration de prquations finan-

    cires et donc dune dlocalisation partielle des ressources

    locales. Do lobligation, nouveau, darbitrer entre deux

    aspirations contradictoires et par consquent de recher-cher, en gnral par des ajustements successifs, un qui-

    libre jug acceptable entre financements dcentraliss et

    centraliss.

    Fiscalit locale et dilemme libert/galit

    Lenjeu dcisionnel de la dcentralisation financire sins-

    crit, pour lessentiel, dans le cadre du dilemme libert/ga-

    lit. En effet, les prlvements locaux engendrent invita-

    blement des carts de taux dimposition entre redevables.

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    Les diffrences de pression fiscale rsultent, dune part,

    des dcisions de gestion des autorits territoriales et,

    dautre part, des disparits de situation conomique, socia-

    le et gographique des localits, qui sont amplifies par la

    finesse plus ou moins grande du dcoupage administratif.

    Le propre de la dcentralisation financire est ainsi de crer

    des ingalits fiscales. La libert dimposition souhaite par

    les lus possde donc un prix, souvent jug excessif par les

    contribuables attachs, notamment en France, au principe

    dgalit devant limpt.

    Par consquent, des voix slvent rgulirement, notam-

    ment dans le monde des lus locaux ou des reprsentants

    des ministres des finances nationaux ou fdraux, pour

    critiquer la solution dun financement localis des budgetset recommander loption alternative dun financement cen-

    tralis, par exemple dans le cadre de partage dimpts

    nationaux sans contrle local des taux (condition sine qua

    non dradication la source des disparits). Certes, les

    lus perdraient le pouvoir darbitrer entre dpense publique

    dune part, et prlvement fiscal dautre part, mais ils

    conserveraient la facult de rpartir librement les crdits

    disponibles en fonction des besoins. Par ailleurs, llastici-

    t des produits encaisss, sous rserve de choisir des

    indexations suffisamment volutives, compenserait le

    dsagrment occasionn par la disparition de lautonomie

    fiscale.

    Pour certains spcialistes toutefois, les facettes dcision-

    nelles et financires de la dcentralisation forment un atte-

    lage cohrent. Selon eux, la suppression de la libert fisca-

    le dnaturerait profondment linstitution publique locale au

    nom dune vision troite de lgalit devant limpt, faute de

    prendre en considration la diversit des services rendus.

    Labsence de modulation possible du niveau des budgetsne permettrait pas aux lus de rpondre aux attentes

    variables des citoyens, susceptibles en effet dvoluer sen-

    siblement dans lespace suivant leurs conditions dhabitat

    ou de revenu. Les collectivits territoriales, dpendantes

    des ressources nationales et des critres de rpartition

    choisis par ltat, deviendraient alors de simples relais du

    pouvoir central, dispensateur unique des moyens et, par

    consquent, juge ultime des besoins. De ce fait, dans de

    nombreux pays et notamment en France, le droit de lever

    limpt accord aux lus et, via le renouvellement prio-

    dique des conseils municipaux, la possibilit dy consentir

    fournie aux lecteurs contribuables, constituent deux attri-

    buts jugs indissociables de la dmocratie locale et donc

    dune vritable dcentralisation publique.

    Lanalyse conomique voit galement, mais avec des

    nuances, des avantages dans un financement localis des

    budgets. Largumentation repose, pour lessentiel, sur lexa-

    men des contraintes particulires de choix des biens et ser-

    vices collectifs. Juridiquement, le pouvoir de dcision

    appartient aux lus dans le cadre des lois et rglements en

    vigueur. Cependant, le renouvellement priodique des

    mandats ne permet pas aux conseils municipaux dignorer

    durablement les prfrences, ventuellement divergentes,des lecteurs, sans risque de perdre les lections sui-

    vantes. De ce fait, en toile de fond du pouvoir dcisionnel

    des lus, se profile le consentement dmocratique limpt

    et la dpense publique dune majorit de citoyens. Par

    consquent, le vote avec les urnes reprsente soit directe-

    ment (rfrendums budgtaires en rgime de dmocratie

    directe), soit indirectement (dsignation de reprsentants

    en rgime de dmocratie reprsentative), la source primai-

    re des choix collectifs. Toutefois, le vote permet-il dexpri-

    mer correctement la volont des citoyens ? En dautres

    termes, loffre de services publics par les lus correspond-

    elle la demande des lecteurs ?

    Rsultat essentiel de lanalyse conomique des dcisions

    collectives, la capacit du processus dmocratique pro-

    duire des choix budgtaires efficaces, cest--dire

    conformes aux attentes des citoyens, dpend des informa-

    tions fournies aux votants sur les cots des prestations

    offertes. Or, le moyen la fois le plus simple et le plus exact

    de sensibiliser les lecteurs aux charges collectives consis-te lier les demandes au paiement dune contribution pcu-

    niaire. Lexistence dun lien entre services rendus et finan-

    cement acquitt apparat ainsi ncessaire une expression

    dmocratique efficace des choix collectifs. En outre, le rle

    informatif dvolu limpt local ne se limite pas au vote

    avec les urnes. La mobilit des rsidents et des entre-

    prises, appele vote avec les pieds , fournit en effet un

    autre mcanisme possible de choix des services publics

    locaux, rserv cependant aux seuls usagers contribuables

    3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

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    la recherche dune nouvelle localisation communale (le

    droit de vote avec les urnes tant accord aux citoyens

    domicilis, et donc immobiles au plan rsidentiel). En

    optant pour une implantation, les nouveaux arrivants choi-

    sissent, implicitement ou explicitement, un environnement

    collectif local et se trouvent donc potentiellement en mesu-

    re doprer un arbitrage entre, dune part les services

    publics offerts, et dautre part limpt demand.

    De la mobilit gographique des rsidents et des activits

    dcoulent les caractristiques originales de limpt local,

    notamment par rapport aux impts des chelons centrali-

    ss, longtemps peu concerns par les dplacements pos-

    sibles des bases taxables dans lespace. En revanche,

    aujourdhui, lanticipation dune circulation accrue deshommes et des capitaux dans la perspective du march

    unique transforme progressivement les fiscalits nationales

    en fiscalits locales lchelle europenne. La mobilit des

    redevables ajoute en effet une dimension supplmentaire

    la dcision fiscale locale soumise dsormais deux

    influences, lune interne la circonscription de prlvement

    (le vote avec les urnes), lautre externe (le vote avec les

    pieds ). La mobilit spatiale place de facto les localits en

    situation de concurrence. Ds lors, lautonomie financire

    des lus apparat en dfinitive toujours limite car dpen-

    dante, non seulement des contraintes lgales dutilisation

    des impts ou des ractions lectorales des contribuables,

    mais galement des impratifs du dveloppement cono-

    mique local.

    Fiscalit locale et dilemme quit/efficacit

    Instrument de collecte des ressources, indicateur de cot

    des services, limpt local constitue aussi un vecteur de

    redistribution des revenus et donc dattnuation des inga-

    lits sociales. Or, un mme systme fiscal ne peut pas, en

    rgle gnrale, assurer dans de bonnes conditions ces trois

    missions la fois. Do, aprs larbitrage entre finance-

    ments centraliss ou dcentraliss, un nouveau dilemme

    face au choix des objectifs prioritaires assigns aux taxes :

    soit la recherche de lefficacit conomique, soit la qute de

    la justice fiscale.

    Le concept defficacit possde deux sens complmen-

    taires en conomie. Pour une production donne de biens

    ou de services, lefficacit technique suppose la compres-

    sion des cots comptables au niveau dtiage des cots

    conomiques correspondant, par dfinition, au minimum de

    facteurs productifs (travail, capital, terre) utiliss avec la

    technologie la plus performante. Lefficacit technique vise

    en dautres termes faire mieux, quantitativement et quali-

    tativement, sans dpenser plus. Pour une production

    variable, donc dterminer, lefficacit allocative sectoriel-

    le dfinit les quantits maximales de biens et de services

    produire compte tenu, dune part, des prfrences et des

    besoins des consommateurs et, dautre part, des res-

    sources primaires disponibles. La rpartition des moyens

    productifs entre activits concurrentes, produit et dtruit

    la fois du bien-tre social. Par exemple, si le dveloppe-

    ment des services publics locaux rpond bien aux besoins

    collectifs des habitants et des entreprises, il saccompagne

    en contrepartie dune rduction de la consommation prive

    individuelle hauteur du prlvement fiscal. Ds lors, un

    partage efficace des facteurs productifs implique de dve-

    lopper chaque production tant que lutilit sociale cre en

    contrepartie demeure suprieure lutilit sociale dtruite.

    la marge, lutilit du dernier franc dpens doit tre iden-

    tique dans tous ses usages alternatifs.

    la condition daffectation sectorielle optimale des res-

    sources entre consommations alternatives, sajoute une

    condition de rpartition optimale des localisations cono-

    miques et rsidentielles entre collectivits territoriales. En

    effet, la spcificit de lconomie publique locale rside

    dans la dimension spatiale de loffre et de la demande de

    consommations collectives. Les destinataires des presta-

    tions doivent par consquent oprer au pralable un choix

    de localisation durable (par exemple dune rsidence prin-

    cipale) ou temporaire (par exemple touristique) pour en

    bnficier. De ce fait, une fiscalit locale efficace doit aussi

    favoriser une distribution gographique optimale des

    mnages et des entreprises. Un amnagement optimal du

    territoire, pour employer le terme retenu en France,

    implique quaucune modification des localisations ne puis-

    se accrotre le bien-tre social. loptimum territorial, la

    mobilit ne permet plus alors damliorer la situation de cer-

    tains individus sans dgrader celle des autres. De ce fait,

    les incitations aux changements dimplantation disparais-

    sent et, par consquent, les flux migratoires entre localits.

    3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

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    La rgle dgalisation des utilits marginales fournit appa-

    remment un critre defficacit sectorielle dpourvu de por-

    te pratique. En effet, les utilits relevant du domaine sub-

    jectif des prfrences individuelles, aucun observateur

    extrieur ne saurait se substituer aux lecteurs et aux lus

    pour apprcier lintrt social des activits publiques

    locales. Toutefois, le vote ne produit pas ncessairement,

    en toutes circonstances, un choix social efficace. La lgiti-

    mit dmocratique ne garantit pas automatiquement lga-

    lisation des utilits marginales. Le rsultat dpend de lor-

    ganisation institutionnelle et financire du processus de

    choix. Idalement, les dcisions devraient tre prises dans

    le cadre de rfrendums budgtaires, donnant ainsi la pos-

    sibilit aux citoyens dexprimer leurs prfrences sur

    chaque projet (solution retenue dans certains cantons

    suisses). Dans cette perspective, la dmocratie reprsenta-

    tive fournit un substitut certes commode, mais imparfait,

    la dmocratie directe. Toutefois, le rsultat dpend gale-

    ment du systme financier local. Lefficacit sectorielle sup-

    pose en effet la rpercussion intgrale sur les payeurs

    locaux, usagers ou contribuables, des dpenses suppl-

    mentaires occasionnes par le dveloppement des ser-

    vices publics locaux.

    La rgle defficacit spatiale peut apparatre aussi sans

    contenu concret car, faute de pouvoir valuer les utilits

    individuelles, une vrification de la condition dinvariance

    du bien-tre ne peut pas tre opre. nouveau, si le cri-

    tre doptimalit nest pas directement mesurable, lanalyse

    conomique fournit les conditions ncessaires et suffi-

    santes pour atteindre lobjectif. De mme, le rsultat

    dpend des modalits de financement des biens et ser-

    vices publics locaux. Le service des impts locaux doit four-

    nir aux contribuables mobiles, donc la recherche dune

    nouvelle implantation, une information complte sur les

    cots sociaux induits par leur choix de localisation et

    notamment le montant des dpenses additionnelles sup-

    portes par la commune daccueil, mais aussi les ventuels

    cots environnementaux.

    Deux consquences en dcoulent. Tout dabord, le rle de

    gestionnaire des responsables locaux se limite, pour les-

    sentiel, au domaine de lefficacit technique, avec pour but

    de minorer les cots de production par la mise en uvre

    des mthodes modernes du management public. Sy ajou-

    te, en dmocratie reprsentative, la responsabilit politique

    des lus dapprcier les besoins de leurs concitoyens en

    labsence dexpression directe des prfrences. Ensuite, la

    recherche de lefficacit sectorielle et spatiale relve de la

    comptence du lgislateur, dans la mesure o le rsultat

    dpend des institutions mises en place. Tout progrs en ce

    sens suppose en effet des rformes adquates des struc-

    tures territoriales, budgtaires et fiscales.

    Toutefois, limpt local ne constitue pas seulement un

    instrument dcentralis defficacit conomique. La

    fiscalit locale reprsente aussi un outil de redistribution

    des revenus et/ou des patrimoines, et donc un instrument

    de justice sociale. La rpartition du prlvement fiscalterritorial soulve un double problme dquit, le premier

    commun avec limpt dtat, le second spcifique. Dans

    chaque localit, le partage de la charge fiscale entre

    redevables dots de capacits contributives ingales

    suppose ladoption dassiettes et de barmes de taux

    adapts au but poursuivi (critres dits dquit verticale).

    Entre localits, limposition de redevables dots de

    capacits contributives gales, mais localiss dans des

    communes distinctes, et donc bnficiaires de services

    publics diffrents, pose un problme dquit dite

    horizontale ou territoriale.

    Lobjectif defficacit vise maximiser les performances

    productives de lconomie pour une distribution donne des

    revenus et des patrimoines. En revanche, lobjectif dquit

    se proccupe exclusivement de redistribuer les ressources

    produites. Apparemment donc, la complmentarit des

    domaines dintervention carte tout risque dinterfrences

    entre politiques. Par consquent, les collectivits territo-

    riales devraient tre capables dassocier harmonieusementperformance conomique et justice sociale. En ralit,

    quit et efficacit constituent deux objectifs concurrents,

    la fois aux niveaux des rsultats et des moyens. Il faut donc

    accepter des sacrifices mutuels sur les buts viss. En

    dautres termes, toute fiscalit efficace sera coteuse en

    termes dquit et, inversement, toute fiscalit quitable

    sera coteuse en termes defficacit. Il est donc ncessai-

    re darbitrer entre des systmes fiscaux spcialiss adap-

    ts un des objectifs et non lautre.

    3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

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  • 7/29/2019 087-fiscalit.pdf

    21/62

    En matire de f inances publiques, le dilemme

    efficacit/quit se cristallise dans lopposition de deux

    conceptions majeures du partage interindividuel de limpt :

    la premire opre un calcul au prorata des bnfices ou

    des cots ; la seconde, en fonction des capacits contribu-

    tives et donc des revenus et/ou des patrimoines. Lefficacit

    conomique implique de rattacher les paiements aux avan-

    tages de consommations collectives retirs ou aux cots

    induits par les usagers. Dans cette perspective, la tarifica-

    tion (ou plus exactement la souscription) constitue le mode

    de financement le plus performant. Ce mode relve de la

    logique de lchange volontaire et, ce titre, vhicule lin-

    formation la plus prcise sur les utilits sociales compares

    des activits publiques et prives, en donnant aux utilisa-

    teurs la facult dexprimer sans intermdiaire, et donc sans

    biais, leurs prfrences et leurs besoins. La logique mar-

    chande du tarif reprsente galement un facteur puissant

    defficacit technique, car il incite les gestionnaires com-

    primer les cots afin dviter une dsaffection de services

    aux prix trop levs.

    Cependant, la tarification gnralise des prestations

    locales, indpendamment de tout arbitrage entre efficacit

    et quit, nest pas envisageable (cf. section 3.1.). Un

    premier obstacle rsulte de lindivisibilit technique de

    certains services collectifs et/ou du cot administratif trop

    lev dindividualisation des consommations (par

    exemple, la protection contre lincendie ou lusage de la

    voirie urbaine). Le recours limpt devient alors

    ncessaire pour couvrir les dpenses. Un second

    obstacle provient du partage complexe des avantages des

    services publics, non seulement entre utilisateurs, mais

    aussi entre non-utilisateurs. Par exemple, les transports

    collectifs urbains sont directement utiles aux voyageurs,

    sous la forme dun service de dplacement, mais

    galement indirectement aux automobilistes, en rduisant

    la circulation des vhicules individuels, et donc la

    congestion du trafic et la pollution. Or, lusager des

    transports collectifs acceptera difficilement de payer le

    service rendu au-del du bien-tre personnel retir du

    dplacement et donc de financer volontairement les

    conomies, dites externes, cres au profit des non-

    utilisateurs ; plus encore, lusager potentiel des services

    collectifs acceptera mal de contribuer au financement de

    services quil nuti lise pas dans le prsent. Un

    financement fiscal complmentaire devra par consquent

    tre institu pour rpartir effectivement les charges au

    prorata des services rendus, conformment aux rgles de

    lefficacit conomique ; mme si, en pratique, la tche

    savre dlicate car il est difficile dvaluer avec prcision

    le partage des avantages personnels et collectifs.

    La coexistence ncessaire de la tarification et de limpt

    nimplique nullement la remise en cause du principe central

    de financement au prorata des bnfices ou des cots.

    Dans une perspective defficacit sectorielle et spatiale, la

    diffrence entre tarif et impt ne rside pas dans le but vis

    mais dans la mthode de rcupration des dpenses, dansle premier cas directe, dans le second indirecte. Do, logi-

    quement, lobligation de concevoir aussi la fiscalit locale

    dans la mme optique. En dautres termes, larbitrage entre

    la tarification et limpt ne relve pas ici dune conception

    duale du financement public local, mais dune simple sp-

    cialisation instrumentale au service dun objectif unique de

    rpartition des charges collectives au prorata des presta-

    tions rendues.

    En revanche, le partage du prlvement fiscal en fonctiondes capacits contributives, dans un souci de justice socia-

    le, relve dune logique apparemment inconciliable avec la

    prcdente. En effet, rien ne garantit a priori une distribu-

    tion des bnfices de laction collective proportionnelle aux

    revenus et/ou aux patrimoines, et donc la possibilit

    concrte dinstaurer une rgle unique de ventilation des

    charges publiques locales, susceptible de satisfaire simul-

    tanment les objectifs dquit et defficacit.

    En consquence, toute proposition de rforme fiscale repo-

    se, implicitement ou explicitement, sur la volont de privil-

    gier lune des conceptions au dtriment de lautre. Dans ces

    conditions, peut-on encore parler dimpt local au singulier ?

    Ou faut-il imprativement dvelopper deux visions parallles

    de la fiscalit territoriale axes, lune sur des considrations

    de justice distributive, lautre sur des considrations deffica-

    cit conomique ? Et dans le vaste ensemble des choix pos-

    sibles, nexiste-t-il pas une solution de compromis permettant

    de minorer au mieux le conflit dobjectifs ?

    3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

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    Application : dilemme quit/efficacit et spcialisation

    des fiscalits de chaque chelon de collectivits

    La thorie traditionnelle du fdralisme financier ne fournit

    pas directement des cls de rpartition des impts entre

    niveaux de gouvernement. Elle assigne des macro-objec-

    tifs ou des fonctions , poursuivis chaque niveau

    (Musgrave, 1983 et 2000 ; Boadway et al. 2000 ; Dafflon et

    al., 2008), dont il est possible de tirer ensuite des cons-

    quences fiscales en rapprochant les paramtres des impts

    (bases et taux principalement) des macro-objectifs poursui-

    vis. De plus, au niveau dabstraction auquel se situe la

    thorie, la porte de ses prescriptions reste trs gnrale et

    il est illusoire de penser quil existerait une rpartition ida-

    le des ressources fiscales valable de tout temps et pour

    tous les pays.

    Les principales conclusions issues de la thorie tradition-

    nelle du fdralisme financier peuvent tre rparties en

    cinq points.

    1) Les impts contribuant la stabilisation macroco-

    nomique doivent tre prlevs par le gouvernement

    central. Les ressources fiscales des chelons de gou-

    vernements de niveau infrieur (en particulier au niveau

    des communes) doivent tre stables. En effet, si lescapacits demprunt sont rduites ou limites au finan-

    cement des investissements, les gouvernements locaux

    auront des difficults faire appel des emprunts

    court terme permettant de lisser la trsorerie. Une autre

    manire de faire, plus dlicate politiquement, serait de

    crer, en priode de bonne conjoncture, un fonds de

    compensation (en anglais : rainy day fund) auquel il

    serait fait appel en priode de mauvaise conjoncture et

    de baisse de recettes fiscales. Avec cette seconde solu-

    tion, leffet de stabilisateur automatique produit auniveau local ne sinscrirait pas en contradiction avec

    laction macroconomique du gouvernement central.

    2) Les impts progressifs ayant une vocation de redis-

    tribution interpersonnelle doivent rester du ressort

    du gouvernement central :

    a) car les politiques de redistribution locales sont insuf-

    fisamment discriminantes ; elles corrigent de faon

    incohrente les situations individuelles (par

    exemple, la situation dun contribuable pauvre dans

    une collectivit riche et celle dun mme pauvre

    dans une collectivit pauvre) ;

    b) quand les bases imposes sont potentiellementmobiles (par exemple, dans limpt sur le revenu,

    les personnes physiques dont les ressources pro-

    viennent principalement du rendement du patrimoi-

    ne et des placements et de la gestion de fortune,

    plutt que du salaire) ;

    c) quand on cherche taxer un revenu imposable dont

    le fait gnrateur trouve son origine dans plusieurs

    juridictions ;

    d) a contrario, les politiques locales de redistribution

    trouvent une certaine efficacit si dune part la dis-

    tance (au sens gographique du terme) entre

    donateur et donataire influe sur la satisfaction du

    donateur, et dautre part si linformation concernant

    les revenus est dautant plus prcise que la distan-

    ce est faible (Pauly, 1973 ; Derycke et al., 1988).

    3) Les chelons de gouvernement infrieurs devraient

    taxer des bases imposables faiblement mobiles

    pour viter la concurrence fiscale (ou course au

    moins-disant fiscal ) ou plus gnralement la concur-

    rence budgtaire. Rappelons que les impts ont une

    contrepartie - les services publics offerts - et que les

    contribuables, dans la logique du vote avec les

    pieds de Tiebout (1956), choisissent leur lieu de rsi-

    dence en prenant en compte ces deux aspects. Cette

    question reste en ralit tout fait ouverte car, schma-

    tiquement, deux positions sopposent son propos.

    Pour les uns (voir par exemple Wilson, 1999, pour une

    revue de littrature), la concurrence fiscale conduit (i)

    une surenchre la baisse des taux dimposition

    locaux ; (ii) une offre sous-optimale de biens publics

    locaux ; (iii) reporter la charge fiscale sur les agents

    conomiques les moins mobiles. Pour les autres, la

    mobilit des individus est un mcanisme de rvlation

    des prfrences la Tiebout, dont les proprits en

    termes defficacit reposent sur un jeu dhypothses

    relativement strictes. Pour les tenants de la thorie du

    Lviathan, la concurrence fiscale est un moyen de limi-

    3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

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    ter les comportements de prdation dlus supposs

    opportunistes (voir Brennan et al., 1977 et 1980, initia-

    teurs et piliers de cette cole de pense).

    4) Comme le soulignent Dafflon et al. (2008), les bases

    fiscales faisant lobjet dune rpartition trs ingali-

    taire sur le territoire national devraient tre centra-

    lises . Pour simplifier, on peut considrer que ces

    bases ont deux origines : soit une dotation locale en

    ressources naturelles (ressources minires, ptrole,

    etc.), soit un positionnement gographique propice au

    dveloppement conomique.

    e) Dans le premier cas, une centralisation pourrait tre

    justifie pour des raisons dquit territoriale, et

    donc de cot budgtaire des politiques de prqua-

    tion. Cependant, un tel choix pourrait faire natre un

    sentiment dexpropriation pour les rgions abritant

    ces ressources (entorse au principe de fair fiscal

    return). Mais le gouvernement central pourrait aussi

    prendre ombrage de cette rente qui pourrait soit tre

    capte par une lite locale, soit servir les intrts

    dune opposition au pouvoir central.

    f) Dans le second cas, imaginons que les activits

    conomiques soient trs ingalement rparties sur

    le territoire national. Cela peut tre d un position-

    nement gographique plus ou moins favorable sur

    le territoire national, mais aussi la volont de dve-

    loppement des acteurs locaux. Doit-on alors suivre

    le mme raisonnement centralisateur et en dduire

    que la taxation des activits conomiques doit tre

    exclusivement du ressort des autorits nationales ?

    La situation est ici diffrente car il existe une vri-

    table ligne de tension entre le souci dquit territo-

    riale et la ncessit de maintenir des incitations

    locales au dveloppement. Des solutions plus

    souples et ngocies (telles que la prquation ou

    lintercommunalit) sont alors ncessaires.

    5) Les redevances dutilisation et autres taxes prle-

    ves selon le principe dquivalence (ou principe de

    lutilisateur-payeur, dans sa mise en uvre)

    devraient tre utilises de manire approprie

    tous les chelons de gouvernement. Ce choix

    devient prioritaire si, entre collectivits, les disparits de

    prfrences pour les biens publics locaux sont impor-

    tantes. Ce choix a un impact redistributif puisque la

    redevance permet de faire supporter lutilisateur (et

    non plus au contribuable) tout ou partie du cot du ser-

    vice qui lui est rendu. Mais cet impact redistributif peut

    tre pris en charge par le gouvernement central si la

    fonction de redistribution est centralise. Bien quil

    soulve la question de la capacit de paiement et de la

    politique redistributive qui le sous-tend, ce type de pr-

    lvement est rarement envisag et malheureusement

    trop peu utilis dans les pays en dveloppement et les

    pays en transition.

    3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

    23

    Encadr 1. Les principes fondamentaux du partage des impts dans le cadre du fdralisme financier

    Les impts (et les redevances dutilisation) visant principalement promouvoir lefficacit conomique, ils doivent tre partags entre les

    niveaux de gouvernement raison de la taille de leur base, en raison inverse de leur degr de mobilit et du champ gographique des

    externalits quils engendrent, et en proportion de lampleur des disparits de prfrences pour les biens publics locaux (si la taxation se

    fait selon le principe de lutilisateur-payeur).

    Les impts vise principalement redistributrice (entre les individus) doivent tre rservs en priorit au niveau centralis.

    Les impts dont la modulation rpond principalement des considrations de stabilisation macroconomique doivent tre confis lche-

    lon central.

    Les effets croiss ventuels (par exemple, les consquences redistributives des fiscalits dcentralises mises en place dans une pers-

    pective defficacit conomique, ou les consquences distributives des politiques de stabilisation) doivent tre traits au niveau central.

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    24/62

    La question de lincidence des impts locaux est essentiel-

    le pour lexpertise fiscale mene dans une perspective co-

    nomique. Elle est aussi particulirement complexe car lim-

    pt local a une double dimension, conomique - le contri-

    buable vis par limpt est-il celui qui en supportera la char-

    ge en dfinitive ? Ou comment la charge fiscale se transf-

    re-t-elle dun agent sur un autre ? - et une dimension spa-

    tiale - O les contribuables initiaux et finaux se trouvent-ils

    localiss, et donc comment la charge fiscale se transmet-

    elle dun territoire vers un autre ?

    Pour y rpondre, la thorie conomique sarticule autour de

    deux concepts centraux ; celui dexportation fiscale (tax

    exporting), et celui dexternalits fiscales.

    Le premier concept sera brivement voqu au travers de

    lexemple des impts locaux sur la proprit immobilire ; la

    prsentation du second concept, dj analys par Dafflon

    et al. (2008), reprendra leurs thses sans changements

    majeurs.

    Lincidence dun impt local sur les proprits immobilires

    Selon lopinion courante, les impts fonciers sont les imptslocaux par excellence car leur assiette est directement lie

    au territoire local. Une des difficults consiste prcisment

    savoir prcisment qui lon taxe au travers de tels impts.

    Trois visions des impts fonciers se sont dveloppes au fil

    du temps en conomie (Gilbert et al., 1988 ; Wildasin,

    1986 ; Stiglitz, 1989 ; Gilbert et al., 2002).

    Premire vision : limpt immobilier, taxe spcifique sur le

    capital investi dans le secteur immobilier

    Dans cette perspective, la taxe foncire est toujours sup-porte intgralement par son propritaire, car loffre de ter-

    rains est suppose donne une fois pour toutes. Les

    valeurs capitalises des biens taxs enregistrent une capi-

    talisation fiscale ngative. Symtriquement, une taxe sur

    lutilisateur du bien foncier tax est supporte par lutilisa-

    teur.

    Un tel raisonnement ne peut se transposer directement la

    plupart des impts locaux (tels que les taxes foncires sur

    les proprits bties acquittes par les propritaires ou les

    taxes sur les rsidents, quils soient propritaires ou loca-

    taires). En effet, si les marchs des capitaux sont parfaits,

    cest le capital investi en logement que frappe la taxe ; le

    capital pourra alors se dplacer du secteur tax vers des

    secteurs moins taxs, ce qui permettra aux propritaires

    dchapper en partie limpt. Le locataire qui nacquitte

    pas la taxe foncire peut dans ce cas en supporter la char-

    ge ; en totalit si llasticit-prix de la demande est nulle

    (bien prioritaire), en partie seulement si llasticit est non-

    nulle. Au total, limpt immobilier acquitt par le propritaire

    est support par celui-ci au prorata de la part proprement

    foncire de la base dimposition, et par le locataire si le bien

    est lou pour la part restante. Ce type de raisonnement

    conduit des considrations redistributives importantes ;

    limpt foncier apparat comme progressif par rapport au

    revenu si lon considre quil est support par le propritai-

    re, rgressif si on le considre comme acquitt en dfiniti-

    ve par le locataire. Cest ce dernier rsultat qui merge des

    tudes empiriques effectues notamment aux tats-Unis

    sur la property tax.

    Deuxime vision : limpt local sur limmobilier, impt sur le

    capital

    Selon cette conception, la taxe foncire locale nest pas

    prioritairement vue comme un impt sur le capital foncier

    et/ou immobilier, cest un impt qui frappe le capital en

    tant que tel (certes sous une forme spcifique, certes de

    faon diffrente dune collectivit lautre en fonction des

    taux dimposition locaux, mais le capital quand mme).

    Cest donc un impt qui accrot le cot du capital par

    rapport aux autres facteurs de production (travail par

    exemple), puisquil conduit les dtenteurs de capital exiger un rendement avant impt plus lev, de faon

    compenser le paiement de limpt. Dans ces conditions,

    la taxe engendre deux effets outre leffet proprement

    gographique de dlocalisation des bases : un effet

    factoriel et un effet sectoriel. Leffet factoriel conduit

    subsituer du facteur non tax (ici le travail) au facteur

    tax (le capital) ; leffet sectoriel conduit substituer des

    biens dont la production est peu intensive en facteur tax

    aux biens dont la production requiert beaucoup de

    facteur tax. Au total, le capital (suppos mobile dune

    3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

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    3.2 Incidence des impts locaux : qui supporte le poids de limpt local ?

  • 7/29/2019 087-fiscalit.pdf

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    collectivit lautre et dun actif lautre) ira se placer

    dans des collectivits fiscalit plus faible et sur des

    actifs diffrents, jusqu ce que les taux de rendement

    des actifs sgalisent entre toutes les collectivits et tous

    les actifs. Les effets de la taxe foncire locale sont alors

    des effets plus globaux (effets dits d quil ibre

    gnral ).

    Troisime vision : limpt local sur limmobilier, redevance

    sur lusager de services publics de proximit

    Si limpt sur limmobilier constitue la principale source de

    financement des budgets locaux et que ceux-ci ne compor-

    tent en dpenses que le cot de fourniture des services de

    proximit, alors limpt immobilier peut tre assimil au prix

    demand pour bnficier desdits services.

    Une analyse en termes dincidence fiscale perd alors toutson intrt puisque limpt local est assimil un prix. En

    consquence, limpt nengendre aucune distorsion si le

    nombre de collectivits est suffisamment lev pour que,

    mobilit aidant, chaque contribuable-usager puisse

    trouver une collectivit offrant le meilleur rapport entre

    services dsirs et cot fiscal. La capitalisation des

    impts locaux dans les valeurs foncires se double dune

    capitalisation (positive) des services rendus.

    3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale

    AFD Document de travail n 87 Fiscalit locale : une grille de lecture conomique septembre 2009

    25

    Encadr 2. Approfondissement thorique : la capitalisation fiscale existe-t-elle ?

    Lexistence dune interrelation troite entre les bnfices procurs par les biens publics locaux et la formation de la rente foncire, et donc

    le rle incontournable de la dimension spatiale, apparaissent ds lorigine dans la littrature consacre lconomie publique locale, et

    notamment dans le modle fondateur de Tiebout (1956). Toutefois, lespace est rapidement neutralis , soit par des hypothses dimmo-

    bilit des acteurs (comme dans les modles de comportement budgtaire), soit par une reprsentation ponctuelle des localisations (comme

    dans les modles de comptition fiscale).

    Le seul courant de lconomie publique locale centr sur la dimension spatiale sintresse logiquement au rle des biens publics localiss

    et des impts locaux dans la formation des prix fonciers et immobiliers. Le sol est ainsi introduit dans lanalyse mais pas la notion formelle

    de distance, comme le signalent Scotchmer et al. (1993). Lanalyse des processus de capitalisation fiscale, fonde sur lestimation de fonc-

    tions hdoniques, confirme en gnral la validit de lhypothse dun impact significatif des dcisions budgtaires locales sur la rente fon-cire.

    Lhypothse de capitalisation des biens publics locaux dans les prix immobiliers et fonciers

    Lhypothse de capitalisation fiscale constitue un pilier essentiel de lconomie publique spatialise, aux cts du thorme dHenry

    George et de la rgle de Samuelson .

    Le mcanisme de capitalisation fiscale repose sur lhypothse que lenchre formule par un acheteur potentiel dun actif immobilier ou fon-

    cier intgre positivement la valeur quil attribue aux biens publics locaux associs sa localisation, et ngativement limpt sur la proprit

    exig en contrepartie (en tenant compte galement des multiples autres caractristiques du bien immobilier ou foncier et en particulier sa

    situation dans lespace et ses caractristiques physiques). Le prix de march final dpend des enchres des autres acqureurs potentiels.

    Ainsi, si tous les enchrisseurs possdent des prfrences identiques, leurs valuations sont convergentes et les prix fonciers et immobi-

    liers capitalisent alors intgralement les bnfices nets de laction publique. En revanche, dans lhypothse dune diversit des prfrences,

    la capitalisation est incomplte.

    Lhypothse de capitalisation ne se confond pas avec le thorme dHenry George, malgr le lien tabli dans les deux cas entre rente fon-

    cire et biens publics locaux. Kuroda (1994) en a apport la dmonstration partir dun modle simple. Le thorme dHenry George carac-

    trise le niveau optimal de la population de la collectivit locale. La population dune collectivit locale est considre comme optimale quand

    la dpense publique est intgralement couverte par la rente foncire, dduction faite des revenus attribus aux propritaires fonciers. La

    condition doptimalit dmographique ne dpend donc pas des prfrences des rsidents ; elle relve du domaine technique et non de celui

    de lutilit. Toutefois, ce rsultat particulirement prcis constitue pour lessentiel une simple curiosit . Il repose en effet sur des hypo-

    thses restrictives et peu ralistes, linstar du caractre parfaitement indivisible des biens publics locaux.

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    26/62

    Effets externes horizontaux et verticaux

    Les ressources fiscales des collectivits publiques dcen-

    tralises reposent non seulement sur des impts exclusifs

    mais aussi, trs souvent, sur des impts partags, sources

    deffets externes verticaux. Lexistence deffets externes est

    susceptible davoir une incidence sur de multiples plans

    dont lefficacit conomique, lquit et lautonomie fiscale

    locale.

    Un effet externe horizontal se produit lorsque la dcision

    fiscale de la collectivit A exerce un effet sur la situation

    financire dune collectivit B situe au mme niveau de

    gouvernement. Cet effet peut tre direct (exportation

    dimpts) ou indirects (par dlocalisation par exemple). Une

    externalit fiscale verticale survient lorsque le choix fiscal

    dun chelon de gouvernement influe sur la contrainte

    budgtaire dun autre chelon de gouvernement (Vigneault

    3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale

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    La rgle de Samuelson dfinit le niveau optimal des biens publics par lgalit de la somme des dispositions marginales payer des

    usagers et du cot marginal de production. La condition doptimalit dpend ici des prfrences des consommateurs.

    Enfin, la condition de capitalisation suppose lincorporation dans les valeurs foncires des bnfices montaires des investissements publics.

    la diffrence du thorme dHenry George, lhypothse de capitalisation intgre dune part les prfrences des acqureurs et, dautre part,ne porte pas sur le niveau global, mais seulement sur la variation marginale des biens publics locaux offerts par la localit.

    Lventualit dune capitalisation intgrale des bnfices des investissements publics locaux dans les valeurs foncires apparat toutefois

    trs faible, mme dans lhypothse la plus propice dhomognit des prfrences. En effet, si la population locale est optimale, une capi-

    talisation intgrale implique labsence de propritaires non rsidents, sauf dans un monde de petites collectivits ouvertes preneuses

    dutilit. Si les prfrences sont htrognes, la capitalisation ne peut pas tre intgrale. En outre, si les marchs fonciers ne sont pas

    concurrentiels, les sources de distorsion saccroissent et les variations de prix ne sont plus reprsentatives des variations de bien-tre.

    En consquence, lvolution des valeurs foncires et immobilires ne fournit pas, en gnral, une valuation sans biais des bnfices

    sociaux des investissements publics locaux. De ce fait, le mcanisme de capitalisation ne propose pas un critre indiscutable dvaluation

    des investissements et, par extension, des politiques publiques ; sans mme voquer la difficult dimputer une action particulire une

    quote-part de la variation de rente foncire, produite par une multiplicit de facteurs.

    Les tests empiriques de lhypothse de capitalisation fiscale

    Lhypothse de capitalisation prsente nanmoins un grand intrt pour analyser lactivit des collectivits locales. Toutefois, les estimations

    conomtriques, fondes sur lajustement de fonctions hdoniques, demeurent relativement peu nombreuses en raison notamment du cot

    lev de collecte des informations sur les transactions immobilires et foncires. Les tests effectus sur la France, par exemple, conduisent

    ne pas rejeter lhypothse dune capitalisation, au moins partielle, des bnfices des biens publics locaux et des taxes foncires et dha-

    bitation dans les valeurs immobilires.

    La premire tentative de vrification conomtrique de lhypothse de capitalisation fiscale a t ralise sur 900 transactions de maisons

    individuelles (march secondaire), effectues en 1980 et 1983 sur 70 communes de la banlieue et grande banlieue de Rennes (Guengant,1992). Lajustement statistique de la courbe enveloppe des enchres immobilires retrace environ les deux tiers de la variance observe des

    prix. La relative bonne qualit de lestimation, notamment pour des donnes individuelles, suggre que les enchres immobilires nchap-

    pent pas certains dterminismes gnraux, linstar de la distance par rapport au centre de lagglomration, de loffre de services collec-

    tifs et des taux dimposition locaux.

    Ainsi, lallongement du temps de dplacement vers le centre rduisait, lpoque (1983), de 4 000 francs par minute supplmentaire le prix

    des maisons sur le march secondaire, toutes choses tant gales par ailleurs. Lajustement statistique ne conduisait pas rejeter lhypo-

    thse de capitalisation fiscale. Pour lchantillon tudi, une progression de 10 % du niveau des services publics locaux par habitant aug-

    mentait de 2 % environ la valeur vnale des habitations desservies. loppos, un relvement de 10 % de la pression fiscale foncire rdui-

    sait de 4 % le prix des transactions, ceteris paribus.

    Depuis, dautres valuations des prix hdoniques des logements ont confirm lexistence dune capitalisation partielle des biens publics

    locaux dans les valeurs foncires (Gravel et al., 1997).

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    et al., 1996). Tel est le cas :

    1) quand les impts prlevs par un chelon de gouverne-

    ment donnent droit un crdit ou une dduction fisca-

    le pour un autre chelon de gouvernement1 ;

    2) quand deux ou plusieurs chelons de gouvernement

    accordent des exonrations fiscales ;

    3) quand plusieurs chelons de collectivits publiques

    taxent une mme base imposable (ide que lon retrou-

    ve sur le vocable de concurrent taxation ou tax basesharingdans la littrature nord-amricaine).

    3. Principes et outils de lanalyse conomique de la fiscalit locale

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    Tableau 5. Typologie des externalits fiscales territoriales

    Exemples Effets

    Directes Exportation dimpts (taxes sur les La collectivit recourt trop aux impts

    Externalits fiscales horizontales activits touristiques) exportables

    Indirectes Concurrence f iscale par dlocal isation Taux dimposition t rop faibles

    (impt local sur base mobile)

    Directes Fiscalit empile (concurrent taxation/taxbase sharing) Un ou plusieurs niveaux taxent trop

    Exonrations imposes par un autre niveau

    Externalits fiscales verticales de collectivit

    Indirectes External it de ressources (pol it ique de Offre insuff isante de services

    dveloppement conomique local qui accrot locaux gnrateurs de flux de

    les ressources fiscales centrales via les impts ressources externes

    nationaux)

    Si les deux premiers points font lobjet dune littrature dj

    ancienne (voir par exemple Gilbert, 1996), ce nest que plusrcemment que la thorie du fdralisme fiscal sest int-

    resse la question des externalits verticales rsultant de

    lexercice du pouvoir dimposer une mme base par plu-

    sieurs chelons de gouvernement. Cela peut paratre para-

    doxal car la superposition fiscale (autrement dit lempile-

    ment de taux de prlvement sur une mme base impo-

    sable) concerne la plupart des pays (cf. section 2. sur le cas

    de lUE 25), que ceux-ci soient centraliss ou dcentrali-

    ss. Musgrave (1983) traite cette question dans une pers-

    pective essentiellement administrative : il sintresse lop-portunit de confier la collecte des impts provenant de la

    taxation dune mme base imposable une seule agence

    de recouvrement. Il montre que le choix rsulte alors dun

    arbitrage entre les conomies dchelle que permettrait une

    telle solution, et le risque dala moral quelle occasionne-

    rait si lagence en question favorisait un chelon de gouver-

    nement au dtriment de lautre - cas qui est loin dtre une

    hypothse dcole dans un pays comme la Russie, o les

    fonctionnaires locaux collectent la part des impts allant

    lchelon fdral (Tanzi, 1995).

    Ce sont finalement les articles (peu connus) de Flowers

    (1988) et Johnson (1988) qui remettent lordre du jour laquestion de la superposition fiscale. Les travaux de Keen

    (1995, 1998), Wrede (1996), Flochel et al. (2002) et Keen

    et al. (2002) sont galement reprsentatifs de cette nouvel-

    le approche. Il apparat finalement que limposition conjoin-

    te dune mme base imposable par plusieurs chelons de

    gouvernement conduit une surexploitation de la base

    commune (autrement dit, un taux de prlvement global

    excessif).

    1 A titre dexemple, en France, la taxe professionnelle (TP, impt local) est dductible delassiette de limpt sur les socits (impt national). Une partie de la charge fiscale paye parle contribuable local est donc, de fait, reporte sur le contribuable national. A contrario, desexonrations ou allgements sont apports la TP par le gouvernement central lesquels,partiellement compenss par ltat central, sont donc en partie supports par les collectivits

    locales.

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    Encadr 3. Impts superposs et tragdie des communs : les enseignements des modles thoriques

    Soient deux niveaux de gouvernement diffrents et aux territoires gographiquement imbriqus. Supposons quils aient pour objectif de

    maximiser leurs recettes fiscales nettes des cots de prlvements. Pour ce faire, ils disposent dune mme base imposable dont on sup-

    pose que le volume ragit ngativement toute hausse des taux dimposition, et chaque gouvernement considre le taux dimposition de

    lautre