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Chapitre 7

POINT DE VUELE MAL HOLLANDAIS, LE FÉDÉRALISME FISCAL ET L’ÉCONOMIE DU QUÉBECSerge Coulombe1

Département de science économique, Université d’Ottawa

Résumé

Le boom des ressources naturelles de 2002 à 2008 est l’événement qui a le plus marqué l’évolution des économies régionales au Canada au cours du présent millénaire.

Dans Coulombe (2013a), nous montrions que plus des trois quarts des disparités des capacités fiscales entre les provinces canadiennes en 2012 étaient imputables à l’évolution relative des termes de l’échange provinciaux entre 2002 et 2007. Une amélio‑ration des termes de l’échange survient lorsque le prix de nos exportations augmente par rapport à celui de nos importations. L’évolution des prix sur les marchés internationaux entre 2000 et 2008 a été très favorable au secteur des ressources naturelles. Trois provinces canadiennes, l’Alberta, la Saskatchewan et Terre‑Neuve‑et‑Labrador, ont été les grandes gagnantes de cette transformation.

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L e présent chapitre vise à montrer que le boom des ressources n’est pas nécessairement profitable à l’ensemble des provinces canadiennes et plus particulièrement au Québec. Il est possible que

l’expansion du secteur des ressources naturelles exerce une incidence négative sur le secteur manufacturier, qui est en concurrence avec les entreprises étrangères sur les marchés des exportations. Le boom entraîne une appréciation du dollar canadien et une perte de compétitivité de nos exportateurs de produits manufacturiers, dont les prix sont fixés sur les marchés internationaux en dollars américains. Les économistes ont étiqueté ce mécanisme comme étant « le mal hollandais ». Cependant, une partie des gains régionaux découlant du boom des ressources est redistri‑buée automatiquement dans l’ensemble des provinces par le truchement du fédéralisme fiscal canadien. Dans le présent chapitre, nous allons tenter d’évaluer les tenants et les aboutissants de ces deux mécanismes en nous concentrant sur une étude de cas du Québec.

La première section renferme une introduction au mal hollandais et résume les études empiriques canadiennes. Dans la deuxième, nous vérifions si l’évolution d’importants indicateurs de l’économie québécoise est compatible avec les prédictions du modèle du mal hollandais. La réponse est oui. Nous présentons une brève analyse comparative des économies québécoise et ontarienne dans la troisième section. Dans la quatrième, nous analysons comment une partie des gains régionaux du boom des ressources est redistribuée par le truchement du fédéralisme fiscal canadien mais expliquons que le fonctionnement de ce mécanisme, en particulier le système de péréquation, qui est le véhicule central de la redistribution interprovinciale au Canada, n’est pas bien adapté à la réalité du XXIe siècle.

Un élément de prospective intimement lié au taux de change, au mal hollandais et au fédéralisme fiscal est analysé dans la cinquième section. Nous tenterons de déterminer si le Québec est bien servi par un dollar canadien qui s’apparente à un pétrodollar. Cette question prend toute son importance pour l’étude des avantages et des coûts des différentes options monétaires d’un Québec indépendant. Depuis la fin des années 1970, la position officielle du mouvement souverainiste est qu’un Québec indépendant devrait conserver le dollar canadien. À la lumière de l’analyse du mal hollandais et de l’expérience récente des économies de la zone euro dans la foulée de la crise financière, nous concluons que le Parti

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Le mal hollandais, le fédéralisme fiscal et l’économie du Québec

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Québécois devrait revoir cette position. Abandonner le fédéralisme fiscal canadien tout en conservant un pétrodollar est une mauvaise option. Du point de vue de la stabilisation économique, un Québec indépendant serait mieux servi en créant sa propre monnaie ou en adoptant le dollar américain. Nous conclurons en proposant une stratégie de négociation du Québec pour un renouvellement du fédéralisme fiscal.

Le mal hollandais

Le mal hollandais tient son nom du déclin apparent de l’industrie manufacturière hollandaise à la suite du développement de l’exploitation d’importantes sources de gaz naturel en mer du Nord au début des années 1960. En 1977, la revue The Economist créait le terme « Dutch disease », traduit par « mal hollandais », pour décrire l’incidence potentiellement néfaste d’un boom des ressources naturelles sur le secteur manufac‑turier d’une économie. Les éditeurs de la prestigieuse revue craignaient effectivement que le développement de l’industrie pétrolière au large de l’Écosse puisse entraîner la disparition de l’industrie manufacturière britannique. Corden et Neary (1982) ont proposé un modèle théorique du mal hollandais. Certains ont critiqué le choix de l’appellation en soulignant à juste titre que la Hollande ne s’est pas trop mal tirée de son mal hollandais. Nous garderons la terminologie officielle dans ce chapitre, sachant, comme l’a si bien dit Shakespeare, qu’une rose, quel que soit son nom, dégage toujours un parfum agréable. Dans le cas canadien, il s’agit d’un parfum aux étuves bitumineuses.

Considérons l’incidence d’un boom des ressources dans une petite économie ouverte au commerce international. L’origine du boom peut découler d’une hausse exogène du cours des matières premières ou de la découverte d’un nouveau gisement d’une ressource qui est en forte demande sur les marchés internationaux. En outre, il est possible que l’ex‑traction d’un certain type de ressource devienne soudainement profitable en raison des progrès techniques. On suppose que l’économie exporte sur les marchés internationaux une partie de sa production de ressources naturelles. L’économie exporte également des biens manufacturiers sur les marchés internationaux. L’hypothèse d’une petite économie ouverte implique que, pour les exportateurs, les prix internationaux sont fixés en dollars américains.

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Dans un tel contexte2, le boom des ressources accroît la valeur des exportations de ressources naturelles. Sur les marchés des devises, la demande pour la monnaie nationale augmente. Dans un régime de taux de change flottant, comme dans le cas du Canada, ou l’objectif premier de la banque centrale est de maîtriser l’inflation et non de maintenir le taux de change fixe, le taux de change s’apprécie. Cette appréciation fait reculer la compétitivité des exportateurs de produits manufacturiers.

Le mécanisme du mal hollandais est bien documenté, tant du point de vue empirique que théorique. L’étude exhaustive de Harding et Venables (2010) portant sur l’expérience de 138 pays dans les dernières décennies concluait qu’en moyenne une augmentation des exportations de ressources naturelles de 1 dollar se traduit par une baisse des exportations de produits manufacturiers d’environ 50 cents. Les modèles d’équilibre général calculables calibrés à l’économie canadienne de Dissou (2010) et Iscan (2013) montrent bien que la théorie économique prédit qu’une hausse des exportations de ressources naturelles entraîne une baisse des exporta‑tions de produits manufacturiers. Les résultats des analyses empiriques de Beine, Bos et Coulombe (2012), Shakeri, Gray et Leonard (2012), et Beine, Coulombe et Vermeulen (2013) font ressortir que le boom des ressources au Canada entre 2002 et 2008 a entraîné une baisse des emplois et de la production dans le secteur manufacturier canadien.

S’il est indéniable qu’un boom des ressources naturelles exerce une incidence négative sur les industries manufacturières d’exportation, il faut également reconnaître que, tant qu’elle perdure, l’expansion du secteur des ressources est favorable du point de vue agrégé à l’ensemble de l’économie. Il ne faut pas oublier que le corollaire de l’analyse de Harding et Venables (2010) est que l’augmentation des exportations de ressources de 1 dollar du pays se traduit néanmoins par une augmentation des expor‑tations globales (ressources plus produits manufacturiers) de 50 cents.

Un boom des ressources accompagné de l’élimination graduelle du secteur manufacturier peut devenir un problème à moyen et à long terme étant donné la nature temporaire de l’exploitation de certaines ressources naturelles. L’agriculture et la pêche, par exemple, ont su générer dans le passé des flux de revenus stables pour une économie. Cependant, les leçons de l’histoire montrent que l’exploitation de plusieurs ressources naturelles (ruées vers l’or, boom du guano, etc.) est bien

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souvent caractérisée par des envolées et des chutes brutales. Le caractère épuisable de plusieurs ressources naturelles et les fortes variations des cours des matières premières font en sorte que l’activité économique dans les régions riches en ressources est souvent marquée par une évolution en dents de scie. Comme le montre Krugman (1987), le mal hollandais devient vraiment une maladie quand la ressource est épuisée et que le secteur manufacturier a disparu. Il est probable que l’activité manufacturière ne puisse pas reprendre, car il est difficile de concurrencer des compéti‑teurs qui sont bien implantés sur les marchés internationaux. L’existence d’économies d’échelle, par exemple, peut empêcher l’industrie manufactu‑rière de renaître de ses cendres. Dans le pire des cas, l’économie peut être à ce point détruite qu’une ville se transformera en ville fantôme.

Il est trop tôt pour savoir si le mal hollandais est vraiment néfaste pour l’économie canadienne dans son ensemble. On doit attendre de voir quand et comment la flamme qui alimente le boom canadien s’éteindra. Cependant, on peut pousser l’analyse beaucoup plus loin en se consacrant sur l’incidence du boom des ressources sur l’économie du Québec.

L’économie du Québec souffre‑t‑elle du mal hollandais ?

Trois conditions sont nécessaires afin de conclure que l’économie du Québec souffre du mal hollandais : 1) les effets bénéfiques du boom des ressources naturelles doivent être concentrés dans les autres provinces, 2) le boom des ressources doit entraîner une appréciation du dollar canadien et 3) l’appréciation du dollar doit être néfaste pour l’industrie manufacturière québécoise qui est en concurrence avec les entreprises internationales sur le marché national ou sur les marchés internationaux. Malheureusement pour l’économie du Québec, ces trois conditions sont actuellement réunies.

Notre analyse du premier point est tirée de Coulombe (2013a). Le graphique 7‑1 illustre l’évolution des termes de l’échange des 10 provinces canadiennes durant la période du boom des ressources, qui s’est étendue entre 2002 et le début de la crise financière, en 2008. Un changement dans les termes de l’échange produit nécessairement des gagnants et des perdants. Une augmentation des cours du pétrole entraîne une améliora‑tion des termes de l’échange de l’Arabie‑Saoudite (exportateur de pétrole) et une détérioration de ceux du Japon (importateur de pétrole).

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Contribution des changements des termes de l’échange régionaux à l’augmentation du niveau de vie dans les provinces canadiennes, 2002‑2008

Graphique 7-1Source : Coulombe (2013a) (adaptation).

Le graphique 7‑1 illustre bien qu’en moyenne le Canada a bénéfi cié de l’augmentation des cours des matières premières découlant notamment de la croissance accélérée en Chine entre 2002 et 2008. Cependant, le même graphique illustre surtout que la bonne fortune n’a pas touché l’ensemble des provinces. Trois d’entre elles, la Saskatchewan, Terre‑Neuve‑et‑Labrador et l’Alberta, se sont accaparées le gros de la manne. En Saskatchewan, l’évolution favorable des cours des matières premières (potasse, pétrole, blé) a entraîné à elle seule une augmentation du niveau de vie de 4,7 % par année. Pour l’ensemble de la période 2002‑2008, cette évolution implique une augmentation cumulative du niveau de vie de 33 %. Dans le centre du Canada cependant, les économies du Québec et de l’Ontario ont vu leurs termes de l’échange se détériorer légèrement. Les bénéfi ces du boom des ressources sont essentiellement concentrés en Saskatchewan, à Terre‑Neuve‑et‑Labrador et en Alberta, et dans une moindre mesure au

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Manitoba et en Colombie‑Britannique. Si le Québec bénéficie du boom des ressources, c’est par le truchement du fédéralisme fiscal opéré par le gouvernement fédéral. Nous traiterons de ce point spécifiquement dans la quatrième section.

La deuxième condition nécessaire pour déterminer si le Québec souffre du mal hollandais est que le dollar canadien soit positivement corrélé avec les cours des matières premières. Cette relation est particulièrement bien étayée par des études empiriques. À la suite de l’étude de Amano et van Norden (1993), une longue tradition s’est établie à la Banque du Canada pour documenter empiriquement la relation entre les prix des matières premières, énergétiques et non énergétiques, et le taux de change réel bilatéral Canada–États‑Unis.

Il est possible que la corrélation positive entre le dollar canadien et les cours des matières premières découle du fait que le dollar canadien et les prix des matières premières sont mesurés en dollars américains. Si la valeur du dollar américain baisse à la suite d’un choc typiquement américain, le dollar canadien s’appréciera et les cours des matières premières augmen‑teront. Il ne faudrait pas attribuer une appréciation du dollar canadien pour cette raison à un boom des ressources. L’étude de Beine, Bos et Coulombe (2012) (BBC pour la suite) tient compte de cette dimension. BBC précisent que le taux de change bilatéral du dollar canadien est le ratio entre une composante canadienne et une composante américaine. Cette décom‑position est fondée sur le fait qu’un taux de change est nécessairement le ratio entre la valeur (composante) de deux monnaies. Pour le Canada, cette décomposition permet d’enrichir l’analyse, car la très grande majorité des exportations canadiennes (plus de 75 % en 2012) sont destinées aux États‑Unis. Une baisse idiosyncratique de la valeur du dollar américain, comme celle observée dans la mouvance de l’explosion de la bulle Internet au début du siècle, entraîne une appréciation du taux de change bilatéral Canada–États‑Unis et une perte de compétitivité des exportateurs canadiens sur le marché américain. Cette dépendance économique envers les États‑Unis fait en sorte que les chocs idiosyncratiques qui viennent heurter sporadiquement l’économie américaine se traduisent par des changements dans nos termes de l’échange. Les résultats économétriques de BBC font ressortir clairement que la composante canadienne du taux de change est soumise à l’évolution des cours des matières premières énergé‑tiques et non énergétiques. La composante américaine est indépendante,

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quant à elle, du cours des matières premières. Les analyses empiriques tendent donc à montrer que la deuxième condition requise pour affi rmer que le Québec souffre du mal hollandais est également vérifi ée. Une partie de l’appréciation du dollar canadien entre 2002 et 2008 est bien imputable à un boom des ressources. Coulombe (2013b) associe les pertes d’emplois entre 2002 et 2008 découlant de la baisse idiosyncratique de la valeur du dollar américain au « mal canadien ».

Le graphique 7‑2 illustre l’évolution de la part des ressources naturelles dans les exportations canadiennes. Cette part a doublé, passant de 15,5 % à 32,9 % entre 2002 et 2008. Cette évolution donne à penser que la relation empirique positive entre les cours des matières premières et le dollar canadien risque de se solidifi er dans l’avenir puisque le commerce international canadien est de plus en plus tributaire des exportations de ressources naturelles.

Part des ressources naturelles dans les exportations canadiennes

Graphique 7-2Source : Industrie Canada, données sur le commerce en direct.

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La troisième condition pour déterminer que le Québec souffre du mal hollandais est que l’appréciation du taux de change canadien qui est imputable au boom des ressources exerce une incidence négative sur la performance des industries manufacturières d’exportation au Québec. Ici, il n’existe pas de résultats empiriques propres au Québec. La méthodologie empirique moderne en macroéconomie consiste à combiner des informa‑tions temporelles avec des informations portant sur différentes industries, régions ou pays afin de contourner les nombreux pièges découlant des analyses qui se limitent à l’utilisation de séries temporelles pures. Les résultats empiriques canadiens cités auparavant s’appliquent à des ensembles d’industries ou aux 10 provinces canadiennes. Pour traiter parti‑culièrement du Québec, il faut avoir recours à des preuves circonstancielles qui ont nécessairement moins d’intérêt du point de vue strictement scien‑tifique. Pour les besoins du présent chapitre, nous allons tout de même procéder à un tel exercice. Afin d’éviter de contaminer l’analyse graphique par les événements purement cycliques qui découlent de la récession qui a suivi la crise financière de 2008, nous limitons la période d’analyse aux années 2001 à 2008, période qui correspond à celle de la hausse des prix des matières premières sur les marchés internationaux avant la dernière récession.

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L’évolution de deux indicateurs clés est présentée dans les graphiques 7‑3 et 7‑4. Le graphique 7‑3 illustre l’importante chute des exportations de produits manufacturés dans le PIB québécois. Entre 2001 et 2008, cette part est passée de 28,4 % à 20,8 %. Cette évolution donne à penser que les exportateurs manufacturiers du Québec ont perdu des parts importantes sur les marchés internationaux durant le boom des ressources. Le marché du travail a également été touché. Le graphique 7‑4 montre qu’entre 2001 et 2008, le nombre d’emplois dans le secteur manufacturier au Québec est passé de 555 000 à 452 000.

Part des exportations de produits manufacturiers dans le PIB du Québec

Graphique 7-3Source : Industrie Canada, données sur le commerce en direct.

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Emplois dans le secteur manufacturier au Québec

Graphique 7-4Source : Statistique Canada, CANSIM série v1716002.

Bien entendu, l’appréciation du dollar canadien n’est pas le seul facteur ayant contribué aux problèmes du secteur manufacturier au Québec. Durant cette période, la Chine et d’autres pays émergents ont connu une progression remarquable sur les marchés internationaux. La concurrence est donc devenue plus vive.

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BBC tentent d’isoler l’incidence du taux de change de celle des autres facteurs structurels en estimant un modèle qui compare l’évolution de l’emploi dans différentes industries au Canada et aux États‑Unis. L’incidence des facteurs structurels sur l’emploi dans une industrie canadienne donnée est saisie par l’évolution de l’emploi durant la même période dans l’industrie américaine équivalente. Ainsi, l’appréciation du taux de change canadien n’a rien à voir avec cette composante des pertes d’emplois. Elle devrait cependant saisir l’effet de la croissance des expor‑tations de la Chine, puisqu’il est normal de supposer que des industries comparables au Canada et aux États‑Unis, comme celle du textile, ont été touchées de façon similaire par ce bouleversement. Les résultats donnent à penser qu’entre 2002 et 2008, une part de 14 % des pertes d’emplois dans le secteur manufacturier canadien serait imputable aux facteurs structurels, et le reste, à l’appréciation du dollar canadien. La hausse de la composante canadienne du taux de change qui est liée au boom des ressources compterait pour 31 % des pertes d’emplois, et la baisse de la composante américaine du taux de change canadien, pour 55 %.

En appliquant ces proportions au niveau d’emploi observé dans le graphique 7‑4, on trouve que l’appréciation du taux de change canadien aurait causé l’élimination de 88 500 emplois dans le secteur manufactu‑rier au Québec entre 2002 et 2008. La composante structurelle, quant à elle, serait responsable de la perte de 14 400 emplois. Des 88 500 pertes d’emplois imputables à l’appréciation du taux de change, 31 900 décou‑leraient de l’appréciation de la composante canadienne et 56 600 de la composante américaine. Ces estimations, qui doivent être considérées comme telles et donc être prises avec un grain de sel, donnent à penser que le mal hollandais aurait contribué à la perte de près de 32 000 emplois au Québec dans le secteur manufacturier lors du boom des ressources de 2002‑2008. En raison de la baisse de la valeur du dollar américain sur les marchés internationaux, 56 000 autres emplois manufacturiers auraient été éliminés.

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On peut donc conclure que l’économie québécoise souffre du mal hollandais, car : 1) elle n’a pas profité directement du boom des ressources, 2) la hausse du cours des matières premières entre 2002 et 2008 a entraîné une appréciation du dollar canadien et 3) cette appréciation a nui à la compétitivité des exportateurs québécois de produits manufacturés. Cependant, on remarque que le mal hollandais ne serait pas le principal facteur des difficultés rencontrées par le secteur manufacturier québécois entre 2002 et 2008. Il s’agirait plutôt du mal canadien. Après 2008, le secteur manufacturier québécois a été touché par la crise financière et la forte récession américaine. La dernière décennie aura donc été très difficile pour le secteur manufacturier au Québec en raison de la montée de l’économie chinoise, du mal hollandais, du mal canadien et enfin de la récession américaine.

Deux comparaisons avec l’Ontario

Entre 2001 et 2008, l’économie ontarienne a perdu 172 000 emplois dans le domaine manufacturier. En appliquant la même décomposition tirée de BBC utilisée précédemment pour le Québec, il ressort que 24 000 pertes d’emplois sont imputables aux facteurs structurels, 95 000 à la baisse de la valeur du dollar américain et 53 000 au mal hollandais. Les chiffres sont plus élevés qu’au Québec, mais la taille de l’économie ontarienne et de son secteur manufacturier est aussi plus importante.

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À des fi ns de comparaison, nous avons normalisé à 100 le ratio des exportations manufacturières au PIB et le nombre d’emplois dans le secteur manufacturier dans les deux provinces en 2001. La remarquable similarité de l’évolution des deux indicateurs entre 2001 et 2008 est illustrée dans les graphiques 7‑5 et 7‑6. Dans le premier graphique, la chute des ratios des exportations manufacturières au PIB est similaire tout au long de la période. Les deux ratios normalisés s’entrecroisent et se retrouvent presque au même niveau (73,2 % pour le Québec contre 70,7 % pour l’Ontario) en 2008. Dans les deux économies, l’importance des exportations manufactu‑rières dans le PIB a chuté de près de 30 % au cours de la période.

Indice du ratio des exportations manufacturières au PIB, Québec et Ontario (2001 = 100)

Graphique 7-5Source : Industrie Canada, données sur le commerce en direct.

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Indice de l’emploi manufacturier,Québec et Ontario (2001 = 100)

Graphique 7-6Source : Statistique Canada, CANSIM séries v1716002 et v1716268.

La chute de l’emploi manufacturier normalisé au Québec évolue de façon remarquablement similaire à celle de l’Ontario (graphique 7‑6). Les deux courbes sont presque superposées et dans les deux économies l’emploi manufacturier a chuté de près de 20 %.

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Ces résultats peuvent paraître surprenants, car les secteurs manufac‑turiers ontarien et québécois sont très différents. La plus grande différence découle de l’importance dominante de l’industrie automobile en Ontario. De son côté, la région de Montréal est l’un des plus grands centre de l’aérospa‑tial au monde. De plus, l’industrie du textile était beaucoup plus importante au Québec qu’en Ontario. Or, le développement de l’économie chinoise n’a rien à voir avec les déboires de l’industrie automobile nord‑américaine entre 2002 et 2009. Elle n’est pas étrangère cependant à ceux de l’industrie textile au Québec.

On peut expliquer les similitudes observées dans l’évolution des économies ontarienne et québécoise dans les années précédant la crise financière si l’on suppose que les deux économies ont été affectées par un ou des chocs communs. L’appréciation du taux de change canadien entre 2002 et 2008 est évidemment la première à mettre au banc des accusés. Le cœur manufacturier canadien se situe dans ces deux provinces et les deux économies ont eu à composer avec l’appréciation du dollar canadien la plus forte de son histoire (Coulombe 2013b). Beine et Coulombe (2003) ont conclu leur étude empirique fondée sur la théorie des zones monétaires de Mundell (1961) en affirmant que les économies du Québec et de l’Ontario seraient mieux servies par un dollar américain que par un dollar canadien dont l’évolution gouvernée par les cours des matières premières contribue à les déstabiliser. Nous reviendrons sur cette question dans la section Élément de prospective : les options monétaires d’un Québec souverain.

Le fédéralisme fiscal

Si le Canada était un État unitaire, un peu comme la Suède ou la France, on ne se soucierait guère de la redistribution interrégionale d’un boom des ressources. Dans un tel contexte, l’administration centrale dispose de l’ensemble des outils de taxation et fournit le financement à l’ensemble des services publics. Le gouvernement central taxera là où l’activité économique est réalisée et financera les services publics là où les besoins se font sentir.

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Boadway, Coulombe et Tremblay (2013a) montrent que le grand défi en matière de politique économique qui découle du boom des ressources naturelles au Canada réside dans la conjonction de trois faits. Premièrement, le Canada est une fédération très décentralisée où les provinces vont chercher elles‑mêmes des revenus autonomes afin de financer les plus importants services publics que sont l’éducation et la santé. Deuxièmement, le Canada est l’une des seules fédérations au monde où les ressources naturelles appartiennent littéralement aux gouvernements provinciaux, et troisièmement, la très grande proportion des gains directs du boom des ressources est concentrée dans les provinces de l’Alberta, de la Saskatchewan et de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, qui ne réunissent que 15 % de la population canadienne. Si les gains de la manne des ressources naturelles ne sont pas redistribués entre toutes les provinces, les Canadiens devront peut‑être devoir tous s’installer près d’un puits de pétrole afin de pouvoir bénéficier d’une bonne éducation pour les enfants, de soins de santé adéquats, et ce, sans avoir à payer trop d’impôts.

La redistribution interprovinciale est opérée jusqu’à un certain point par le truchement du fédéralisme fiscal canadien. Le gouvernement fédéral ne taxe pas directement la production de ressources naturelles, mais il taxe les revenus des entreprises et des particuliers générés par le boom. Or, les profits des entreprises et les salaires des particuliers, à cause du boom, sont gonflés dans les trois provinces riches en ressources. Un système d’imposition progressif comme celui qu’utilise le gouvernement fédéral implique que les provinces riches paient une plus grande proportion d’impôt que les provinces pauvres. De plus, le gouvernement fédéral transfère des ressources directement aux administrations provinciales et aux parti‑culiers. La péréquation est un programme de transfert qui permet, dans une certaine mesure, une redistribution de la richesse entre les provinces par le gouvernement fédéral. Le programme a précisément pour objet de permettre aux provinces moins nanties d’offrir des services publics de qualité sensiblement comparables sans avoir à augmenter indûment les taux d’imposition. Naturellement, les trois provinces riches en ressources de l’Alberta, de la Saskatchewan et de Terre‑Neuve‑et‑Labrador ne reçoivent pas de péréquation. Il est cependant intéressant de constater que la Saskatchewan et Terre‑Neuve‑et‑Labrador en recevaient avant le boom.

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Le fonctionnement du fédéralisme fi scal canadien est illustré dans les graphiques 7‑7 à 7‑10. En utilisant les données de Statistique Canada sur les comptes économiques provinciaux, nous avons calculé le solde budgétaire du gouvernement fédéral au Québec et dans les trois provinces qui ont profi té du boom des ressources naturelles durant la période 2000‑20083. Ce solde est exprimé en pourcentage du PIB de chaque province. Il est à noter que durant toute cette période, le solde budgétaire du gouvernement fédéral pour l’ensemble du Canada a été continuellement en surplus.

Solde budgétaire du gouvernement fédéral au Québec

Graphique 7-7Source : Statistique Canada, tableau CANSIM 384‑0004, calculs de l’auteur.

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Solde budgétaire du gouvernement fédéral en Alberta

Graphique 7-8Source : Statistique Canada, tableau CANSIM 384‑0004, calculs de l’auteur.

Solde budgétaire du gouvernement fédéral à Terre‑Neuve‑et‑Labrador

Graphique 7-9Source : Statistique Canada, tableau CANSIM 384‑0004, calculs de l’auteur.

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Solde budgétaire du gouvernement fédéral en Saskatchewan

Graphique 7-10Source : Statistique Canada, tableau CANSIM 384‑0004, calculs de l’auteur.

Le premier constat que l’on peut faire à la lumière du graphique 7‑7 est que pour l’ensemble de la période, le gouvernement fédéral affi che un défi cit budgétaire au Québec. C’est‑à‑dire que la somme des dépenses encourues au Québec par le gouvernement fédéral excède les revenus qu’il va y chercher. Cette situation est simplement attribuable au fonction‑nement du fédéralisme budgétaire : les recettes du gouvernement fédéral par habitant sont plus élevées dans les provinces riches que dans les provinces pauvres. Les dépenses du gouvernement fédéral, incluant la péréquation, sont en général quant à elles plus élevées dans les provinces pauvres4.

Le point le plus frappant, cependant, qui émerge à la lecture du graphique 7‑7 est la détérioration spectaculaire du solde budgétaire fédéral au Québec à partir de 2004. Le défi cit budgétaire se creuse continuellement

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pour atteindre 4 % du PIB en 2008, juste avant la récession. Ce chiffre correspond à 12,3 milliards de dollars en 2008, soit 11,4 milliards de plus qu’en 2004 (ce qui équivaut à 3,7 % du PIB). Ces 11,4 milliards de dollars (soit environ 1 500 $ par habitant) ont certainement un parfum bitumineux. On peut avancer que le mécanisme du fédéralisme fiscal a pris du temps à se mettre en branle, puisque le boom des ressources a débuté en 2002. Il est notamment reconnu que le mécanisme de péréquation réagit avec lenteur à la suite d’un choc venant perturber les économies régionales canadiennes. De plus, par suite de la réforme du programme opérée en 2007, les paiements de péréquation sont devenus plus tributaires de l’évolution des ressources naturelles. La réforme a entraîné une augmen‑tation des paiements de péréquation du Québec de 1,6 milliard de dollars en 2007‑2008.

Si le solde budgétaire du gouvernement fédéral se détériore au Québec durant le boom des ressources, les graphiques 7‑8, 7‑9 et 7‑10 illustrent qu’il en est tout autrement pour l’Alberta, la Saskatchewan et Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Entre 2003 et 2007, le surplus budgétaire du gouvernement fédéral en Alberta a augmenté, passant de 4,7 à 8,2 % du PIB. L’augmentation est encore plus spectaculaire à Terre‑Neuve‑et‑Labrador, qui a vu le déficit budgétaire du gouvernement fédéral fondre pour passer de 19,7 % en 2001 à 6,8 % en 2008. L’amélioration de la position budgétaire fédérale dans cette province est contrecarrée en 2005, par le versement ponctuel de 2 milliards de dollars versés par le gouvernement fédéral à Terre‑Neuve‑et‑Labrador à la suite de la mise en œuvre de l’accord sur les ressources extracôtières. Enfin, le graphique 7‑10 montre que le boom des ressources a fait sentir ses effets sur la situation budgétaire du gouver‑nement fédéral en Saskatchewan à partir de 2004. Entre 2004 et 2008, le déficit budgétaire du gouvernement fédéral dans cette province a diminué, passant de 6,8 % à 2,1 % du PIB.

Selon Boadway, Coulombe et Tremblay (2013b), cependant, le fédéralisme fiscal canadien n’est pas adéquat pour faire face aux défis découlant d’un boom spectaculaire des ressources naturelles localisé en très grande partie dans trois provinces relativement petites. Les auteurs montrent qu’en 2001, le système de péréquation diminuait de 40 % les différences entre les capacités fiscales des provinces canadiennes5. En 2012, cette réduction se limitait à 30 %. Le boom des ressources a effec‑tivement contribué à augmenter de 20 % la dispersion entre les capacités

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fiscales des provinces avant péréquation entre 2001 et 2012. L’une des conséquences de l’affaiblissement du pouvoir distributif de la péréquation est qu’au cours de cette période, la dispersion entre les capacités fiscales après péréquation a encore plus augmenté, pour atteindre 30 %.

Le système de péréquation canadien est un mécanisme extrêmement complexe et nous aurions probablement tort de nous aventurer beaucoup plus loin sur cette question ici. L’affaiblissement récent du système de péréquation découle essentiellement des limites imposées en 2009 par le gouvernement fédéral sur la croissance de l’enveloppe globale des paiements de péréquation. Il est aussi dû au fait que l’Ontario, la plus populeuse province canadienne, est maintenant elle aussi bénéficiaire du programme. Enfin, il résulte également du fait que la péréquation, contrai‑rement à ce qu’on observe en Australie ou en Allemagne par exemple, ne diminue pas la capacité fiscale des provinces riches.

Force est de conclure qu’une partie des revenus générés par le boom des ressources naturelles dans les provinces riches en ressources est redistribuée aux autres provinces par le truchement du fédéralisme fiscal opéré par le gouvernement fédéral. Cependant, le mécanisme est incomplet et l’évolution des déséquilibres régionaux au Canada devrait inquiéter les décideurs en matière de politique économique canadienne.

Le Québec a profité du boom des ressources naturelles grâce au fonctionnement du fédéralisme fiscal canadien. Le solde budgétaire du gouvernement fédéral s’est fortement amélioré dans les trois provinces qui ont profité du boom des ressources. Le gouvernement fédéral a ainsi pu augmenter les transferts aux particuliers et aux provinces et diminuer les taux d’imposition sans mettre en péril sa position budgétaire. Nous avons mesuré la part du Québec par l’accroissement du déficit budgétaire du gouvernement fédéral dans la province durant la période de boom. Une partie de l’accroissement de ce déficit découle de l’abandon de 2 points de TPS par le gouvernement Harper entre 2006 et 2008. Nous avons estimé qu’en 2008 le boom des ressources au Canada s’était traduit par un transfert net du gouvernement fédéral au Québec équivalent à 3,7 % du PIB, soit 11,7 milliards de dollar par année.

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Élément de prospective : les options monétaires d’un Québec souverain

L’analyse du mal hollandais présentée à la section L’économie du Québec souffre‑t‑elle du mal hollandais ? tend à démontrer que pour l’économie du Québec, il est coûteux d’avoir une monnaie dont le taux de change est déterminé en partie par les cours des produits de base. Le cœur manufacturier canadien est situé au Québec et en Ontario, et le boom des ressources a essentiellement profité directement aux économies de l’Alberta, de la Saskatchewan et de Terre‑Neuve‑et‑Labrador. L’appréciation du taux de change qui en résulte a fait fondre les expor‑tations du Québec sur les marchés internationaux et a fait perdre des dizaines de milliers d’emplois dans le secteur manufacturier. Toutefois, dans la section Le fédéralisme fiscal, nous avons montré que le Québec a pu s’approprier une part de la manne des ressources naturelles par le truchement du fédéralisme fiscal canadien.

Dans la présente section, nous faisons ressortir les leçons que l’on peut tirer de ces constats en regard des options monétaires d’un Québec souverain. Évidemment, la question de la souveraineté du Québec déborde largement de l’analyse du mal hollandais. L’objectif premier de la présente section, même si celle‑ci sera évidemment incomplète, consiste essentiel‑lement à dépoussiérer un débat tenu à une époque totalement différente, du point de vue économique, de celle que nous connaissons aujourd’hui.

Le choix d’une option monétaire pour un Québec souverain est une question épineuse pour la science économique. La position traditionnelle du Parti Québécois sur la question, prise lors du référendum de 1980, est basée sur l’excellente étude préparée par Bernard Fortin en 1978 pour le compte du ministère des Affaires intergouvernementales du Québec. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis 35 ans et, à notre avis, il serait temps de réévaluer cette question. Deux événements économiques survenus depuis 1978 donnent à penser que l’option retenue par René Lévesque et ses stratèges à l’époque ne serait peut‑être plus optimale aujourd’hui. Le premier événement est la transformation graduelle, depuis les années 1980, du dollar canadien en pétro‑monnaie et, par conséquent, la possibilité pour le Québec de souffrir du mal hollandais. Le second événement est l’expérience des pays périphériques de la zone euro à la suite de la crise financière de 2008. Les coûts en pertes de stabilisation

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macroéconomique et financière de laisser à une tierce partie le droit d’imprimer sa monnaie ont clairement été sous‑évalués à l’époque du premier référendum québécois.

Fortin (1978) avait conclu que la meilleure option monétaire d’un Québec indépendant serait de conserver le dollar canadien avec ou sans la participation du Québec à la politique monétaire commune. Selon l’auteur (1978, p. 64), la conservation du dollar canadien (l’union monétaire) serait préférable à la création d’un dollar québécois parce que : « les faibles gains en termes de stabilisation économique (discrétionnaire ou automatique) qui pourraient en découler ne compenseraient pas les coûts sociaux élevés des fluctuations du taux de change. » Cette conclusion, qui était possible‑ment valide en 1978, est difficilement défendable aujourd’hui.

L’analyse empirique de BBC montre que la corrélation positive entre le dollar canadien et les prix des matières premières énergétiques et non énergétiques est un phénomène observé à partir de 1983 seulement. D’un point de vue prospectif, Coulombe (2013b) montre que la forte augmenta‑tion de la part des exportations de matières premières dans les exportations canadiennes depuis le début du millénaire (elle a triplé) donne à penser que cette corrélation risque de se renforcer dans l’avenir.

Il n’était donc pas possible à Fortin (1978) ou à René Lévesque d’envisager que l’économie du Québec puisse un jour souffrir du mal hollandais. Or, l’analyse de la section L’économie du Québec souffre‑t‑elle du mal hollandais ? montre que le Québec souffre du mal hollandais quand un boom des ressources est essentiellement concentré dans les autres provinces. Du point de vue de la stabilisation macroéconomique, l’économie du Québec, tout comme celle de l’Ontario par ailleurs, serait mieux servie par une monnaie qui est indépendante des cours des matières premières, comme le dollar américain ou l’euro. En quittant la fédération canadienne et en gardant le dollar canadien, le Québec n’aurait plus accès aux bienfaits découlant de la distribution du boom des ressources par le mécanisme du fédéralisme fiscal, mais conserverait une pétro‑monnaie. Un Québec indépendant ne conserverait que les aspects négatifs liés au mal hollandais.

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À notre avis, pour un Québec indépendant, l’option d’une union monétaire avec les États‑Unis domine celle d’une union monétaire avec le Canada. Tant qu’à laisser tomber les bénéfices d’un fédéralisme fiscal, autant délaisser du même coup un dollar qui plonge ou qui s’envole au gré des cycles des ressources. En délaissant le dollar canadien, les coûts des transactions avec les autres provinces canadiennes augmenteraient pour le Québec. Cette hausse des coûts microéconomiques, pour reprendre la terminologie de Fortin (1978), serait compensée par une baisse des coûts de transaction avec les États‑Unis. Les dernières données sur le commerce du Québec montrent que les flux d’exportation vers les États‑Unis sont d’un niveau comparable à ceux des exportations du Québec vers les autres provinces. Les exportations vers les États‑Unis étaient plus importantes, cependant, avant l’apparition du mal hollandais découlant du boom des ressources6.

Un autre facteur important à considérer est le fait que l’expérience européenne récente tend à montrer que les pays qui ont laissé à une tierce partie le pouvoir de créer leur monnaie ont beaucoup perdu sur le plan de la stabilisation économique. À l’intérieur de l’Union européenne, le fédéralisme fiscal est considérablement moins développé qu’il ne l’est dans la fédération canadienne. Les conséquences de la crise financière ont forcé les économies périphériques de la zone euro comme l’Irlande, le Portugal, l’Italie, l’Espagne et la Grèce à un ajustement extrêmement coûteux. Contrairement aux économies qui ont conservé leur propre monnaie et qui ont pu la dévaluer, ces pays ont dû s’ajuster en ayant recours à une pénible réduction des coûts de production nationaux. Dans le cas du Portugal, de l’Espagne et de la Grèce, l’évolution de plusieurs indicateurs économiques rappelle malheureusement celle observée au pire de la crise des années 1930. Certains États américains, comme la Floride et le Nevada, ont également connu un ajustement très difficile depuis. Cependant, les États américains ont pu profiter du fédéralisme fiscal américain. Le déficit budgétaire de ces États n’a pas explosé comme ceux des pays en périphérie de la zone euro. Comme le mécanisme illustré avec le déficit du gouvernement fédéral dans la section Le fédéralisme fiscal, une partie importante de la stabilisation automatique opérée par la politique budgétaire s’est traduite par une hausse du déficit de l’adminis‑tration fédérale américaine dans les États fortement touchés par la crise.

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L’expérience européenne montre également qu’il est beaucoup plus difficile et coûteux pour un gouvernement qui a abandonné la possibilité de créer sa propre monnaie de jouer le rôle de prêteur de dernier recours. Avant la dernière crise financière, les économistes avaient oublié que ce rôle est l’un des plus importants incombant à une banque centrale. Cela donne à penser que dans le cas d’un Québec souverain, le gouvernement aurait intérêt à se doter d’un nouvel outil de stabilisation macroéconomique et financier pour pallier la perte du fédéralisme fiscal canadien en créant sa propre monnaie. Le dollar québécois pourrait alors servir d’outil de stabili‑sation en période de crise, et sa valeur pourrait se fixer sur celle du dollar américain en période plus calme.

En demeurant à l’intérieur de la fédération canadienne, l’économie du Québec sera condamnée à souffrir du mal hollandais avec l’appréciation du dollar canadien en période de boom des ressources. Cependant, une partie des fruits de ce boom est redistribuée vers le Québec par le truchement du fédéralisme fiscal canadien. En quittant la fédération canadienne et en conservant le dollar canadien, le Québec abandonnerait les gains que lui offre la fédération canadienne et ne conserverait que les coûts qu’une pétro‑monnaie fait subir à son secteur manufacturier. Le monde a bien changé depuis 1978.

L’analyse présentée dans la présente section est évidemment incomplète. Son objectif premier est de montrer qu’il faut parfois dépous‑siérer un débat quand celui‑ci a eu lieu à une époque aussi différente, du point de vue économique, de celle que nous connaissons aujourd’hui. Pour ceux qui préconisent que le Québec devrait laisser la fédération canadienne afin d’assumer pleinement son destin, il serait bon de préciser qu’il est difficile d’assumer pleinement son destin avec un boulet à son pied. Pour un Québec indépendant, une pétro‑monnaie représenterait un boulet.

Conclusion : pipelines contre péréquation

L’analyse présentée jusqu’ici montre que la manne produite par le boom des ressources naturelles au Canada tombe essentiellement dans les trois provinces que sont l’Alberta, la Saskatchewan et Terre‑Neuve‑et‑Labrador. La conséquence directe, soit l’appréciation du dollar canadien, est nuisible à l’économie du Québec, dont le secteur manufacturier est évincé par le

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mal hollandais. Heureusement, le fédéralisme fiscal canadien transfère une partie, non négligeable, du boom des ressources au Québec. Cette redis‑tribution est cependant incomplète, car le système de péréquation est mal adapté à la nouvelle réalité du XXIe siècle. On serait tenté de penser que le Québec n’a qu’à prendre son mal en patience.

L’expansion soutenue, courante et prévue, de la production de pétrole à partir des sables bitumineux en Alberta est menacée sérieusement depuis peu par les difficultés rencontrées pour transporter le pétrole hors de l’Alberta. Pour des raisons politiques, environnementales et économiques, les Américains paraissent plus frileux maintenant à l’idée de transporter le pétrole albertain sur leur territoire pour le raffiner au Texas. L’Alberta a donc besoin de la collaboration des autres provinces canadiennes, celles où la manne ne tombe pas, afin de réaliser pleinement le potentiel de ses immenses réserves énergétiques.

À notre avis, le Québec devrait lier l’acceptation de transporter le pétrole albertain, ou tout autre pétrole en provenance de l’Ouest, sur son territoire à une réforme en profondeur de la péréquation. Toute réforme du système de péréquation est un processus complexe. Comme l’Alberta paraît pressée, le Québec devrait exiger de revoir les limites à la croissance de la péréquation qui ont été imposées unilatéralement par le gouvernement canadien en 2009. Ces limites devraient être levées rétrospectivement. La stratégie du Québec devrait être : pipelines contre péréquation.

Notes1. Une partie importante de ma recherche des deux dernières années a été consacrée à

l’analyse du mal hollandais dans le contexte canadien. J’ai produit un certain nombre d’ouvrages où l’on trouve des éléments théoriques, empiriques et d’analyse des politiques économiques. Le présent chapitre peut être vu comme une tentative d’application de l’analyse élaborée dans ces recherches à l’économie du Québec. Certaines de ces recherches ont été réalisées avec de remarquables co‑auteurs : Michel Beine, Robin Boadway, Charles Bos, Jean‑François Tremblay et Wessel Vermeulen. Ce chapitre est en partie le fruit de leurs travaux. Le texte a également bénéficié des commentaires pertinents des membres du comité de lecture du Québec économique et de Luc Godbout. Je demeure seul responsable des erreurs et omissions.

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2. Nous simplifions ici l’analyse du mal hollandais en ne conservant que le mécanisme qui s’applique le mieux à l’analyse des conséquences du boom canadien des ressources naturelles sur l’économie du Québec. Le lecteur intéressé trouvera une analyse plus complète dans Boadway, Coulombe et Tremblay (2013a), dans la section portant sur le mal hollandais (section 2. Dutch Disease 101 and 401).

3. La méthode utilisée dans les comptes économiques provinciaux pour allouer les dépenses du gouvernement fédéral entre les provinces canadiennes est critiquable, notamment en ce qui concerne la façon dont les paiements en intérêts sur la dette fédérale sont distribués. Comme le mentionne un des membres du comité de lecture, Statistique Canada faisait une mise en garde en ce qui a trait à l’utilisation des comptes économiques provinciaux dans l’Observateur économique canadien publié en février 2007 : « Il est erroné de procéder à une analyse coûts‑avantages de la Confédération à partir uniquement des estimations des revenus et dépenses de l’administration fédérale comprises dans les CEP. Les dispositions financières de notre confédération sont beaucoup plus subtiles […]. » Nous ne procédons pas ici à une étude coûts‑avantages de la Confédération pour le Québec. Ce qui compte dans l’analyse qui suit relativement aux graphiques 7‑7 à 7‑10 est l’évolution de 2002 à 2008 du solde budgétaire fédéral. Cette évolution temporelle est peu tributaire de la méthode de distribution, car la méthodologie utilisée par les comptes économiques provinciaux est demeurée constante durant la période.

4. Comme le mentionne justement un membre du comité de lecture, Terre‑Neuve‑et‑Labrador est un contre‑exemple. Même si cette province ne reçoit plus de péréquation depuis 2008‑2009 à la suite de la hausse marquée de ses revenus tirés des ressources extracôtières, le déficit fédéral en proportion du PIB y est encore très important (voir graphique 7‑9).

5. Boadway, Coulombe et Tremblay (2013) utilisent l’écart‑type du logarithme des capacités fiscales comme mesure de dispersion. La capacité fiscale d’une province est un concept très rapproché de celui du PIB nominal. Son niveau n’est pas une fonction des taux d’imposition des provinces.

6. Cette analyse est basée sur les données du tableau CANSIM 384‑0002 et sur les données du commerce en direct du site d’Industrie Canada.

RéférencesAjouter la bibliographie ici lorsqu’elle est prête...

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Page 30: 07 19750 Cirano Chapitre n07 ep03aix1.uottawa.ca/~scoulomb/pages/Q%c95%20-%20Coulombe.pdffiscal canadien mais expliquons que le fonctionnement de ce mécanisme, en particulier le système

Le mal hollandais, le fédéralisme fiscal et l’économie du Québec

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Directives particulières à ce chapitre

Notes général

‑ La bibliographie du chapitre n’est pas incluse dans le document. Elle vous sera fournie plus tard, lorsque les bibliographies de tous les chapitres auront été reçues et corrigées.

‑ Les styles ont été appliqués au meilleur de notre capacité. Il est, cepen‑dant, possible que certains éléments soient légèrement différents des styles « officiels ». Dans tous les cas, les styles que Mardigrafe a utilisés lors de la production des éditions passées du Québec économique sont les styles à adopter. Les styles de contenus dans ce document sont à titre indicatif seulement.

Notes spécifiques

‑ Graphique 7‑1 : Vérifier l’espacement entre «Nouvelle» et «Écosse» (il faut éviter que l’accent aigu soit perdu dans le v). Même chose pour « Île‑du‑Prince‑Édouard ».

‑ Graphique 7‑3 : Ajouter les étiquettes « 0,284 » et « 0,208 » au début et à la fin de la courbe. (Je n’ai pas pu les ajouter sur le graphique dans le Web.)

‑ Graphique 7‑4 : Ajouter les étiquettes « 555 000 » et « 452 000 » au début et à la fin de la courbe. (Je n’ai pas pu les ajouter sur le graphique dans le Web.)

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