00a. l’Église vue par Érasme (document de 1511) :...

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00a. L’Église vue par Érasme (document de 1511) : ÉRASME, Éloge de la folie Si les Souverains Pontifes, qui sont à la place du Christ, s’efforçaient de l’imiter dans sa pauvreté, ses travaux, sa sagesse, sa croix et son mépris de la vie, s’ils méditaient sur le nom de Pape, qui signifie Père, et sur le titre de Très Saint qu’on leur donne, ne seraient-ils pas les plus malheureux des hommes ? Celui qui emploie toutes ses ressources à acheter cette dignité ne doit-il pas la défendre ensuite par le fer, le poison et la violence ? Que d’avantages à perdre, si la sagesse, un jour, entrait en eux ! et pas même la sagesse, mais un seul grain de ce sel dont le Christ a parlé. Tant de richesses, d’honneurs, de trophées, d’offices, dispenses, impôts, indulgences, tant de chevaux, de mules, de gardes, et tant de plaisirs, vous voyez quel trafic, quelle moisson, quel océan de biens j’ai fait tenir en peu de mots ! Il faudrait mettre à la place les veilles, les jeûnes, les larmes, les oraisons, les sermons, l’étude et la pénitence, mille incommodités fâcheuses. Que deviendraient aussi, ne l’oublions pas, tant de scripteurs, de copistes, de notaires, d’avocats, de promoteurs, de secrétaires, de muletiers, de palefreniers, de maîtres d’hôtel, d’entremetteurs, je dirais un mot plus vif, mais ne blessons pas les oreilles ? Cette multitude immense, qui est à la charge du Siège romain, je me trompe, qui a des charges auprès du Siège romain, serait réduite à la famine. Il serait donc inhumain, abominable et infiniment détestable que les grands chefs de l’Église, véritables lumières du monde, soient ramenés au bâton et à la besace. Aujourd’hui, la partie laborieuse de leur fonction, ils l’abandonnent à peu près à saint Pierre et à saint Paul, qui ont des loisirs ; ils gardent la part de la représentation et des agréments. Grâce à moi, par conséquent, il n’y a pas d’hommes vivant plus délicieusement. Personne n’a moins de soucis, puisqu’ils croient donner assez au Christ, s’ils se montrent dans leur pompe rituelle et presque théâtrale, revêtus des titres de Béatitude, de Révérence et de Sainteté, et font les évêques aux cérémonies en bénissant et anathématisant. Faire des miracles est un vieil usage désuet, qui n’est plus de notre temps ; enseigner les peuples est fatigant ; l’interprétation de l’Écriture Sainte appartient aux écoles ; prier est oiseux ; verser des larmes est affaire aux malheureux et aux femmes ; vivre pauvrement fait mépriser ; subir la défaite est une honte indigne de celui qui admet à peine les plus grands rois à baiser ses pieds ; mourir enfin est chose dure, et, sur la croix, ce serait infamant.

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00a. L’Église vue par Érasme (document de 1511) : ÉRASME, Éloge de la folieSi les Souverains Pontifes, qui sont à la place du Christ, s’efforçaient de l’imiter dans sa pauvreté, sestravaux, sa sagesse, sa croix et son mépris de la vie, s’ils méditaient sur le nom de Pape, qui signifie Père, etsur le titre de Très Saint qu’on leur donne, ne seraient-ils pas les plus malheureux des hommes ? Celui quiemploie toutes ses ressources à acheter cette dignité ne doit-il pas la défendre ensuite par le fer, le poison et laviolence ? Que d’avantages à perdre, si la sagesse, un jour, entrait en eux ! et pas même la sagesse, mais unseul grain de ce sel dont le Christ a parlé. Tant de richesses, d’honneurs, de trophées, d’offices, dispenses,impôts, indulgences, tant de chevaux, de mules, de gardes, et tant de plaisirs, vous voyez quel trafic, quellemoisson, quel océan de biens j’ai fait tenir en peu de mots ! Il faudrait mettre à la place les veilles, les jeûnes,les larmes, les oraisons, les sermons, l’étude et la pénitence, mille incommodités fâcheuses. Quedeviendraient aussi, ne l’oublions pas, tant de scripteurs, de copistes, de notaires, d’avocats, de promoteurs,de secrétaires, de muletiers, de palefreniers, de maîtres d’hôtel, d’entremetteurs, je dirais un mot plus vif,mais ne blessons pas les oreilles ? Cette multitude immense, qui est à la charge du Siège romain, je metrompe, qui a des charges auprès du Siège romain, serait réduite à la famine. Il serait donc inhumain,abominable et infiniment détestable que les grands chefs de l’Église, véritables lumières du monde, soientramenés au bâton et à la besace.

Aujourd’hui, la partie laborieuse de leur fonction, ils l’abandonnent à peu près à saint Pierre et àsaint Paul, qui ont des loisirs ; ils gardent la part de la représentation et des agréments. Grâce à moi, parconséquent, il n’y a pas d’hommes vivant plus délicieusement. Personne n’a moins de soucis, puisqu’ilscroient donner assez au Christ, s’ils se montrent dans leur pompe rituelle et presque théâtrale, revêtus destitres de Béatitude, de Révérence et de Sainteté, et font les évêques aux cérémonies en bénissant etanathématisant. Faire des miracles est un vieil usage désuet, qui n’est plus de notre temps ; enseigner lespeuples est fatigant ; l’interprétation de l’Écriture Sainte appartient aux écoles ; prier est oiseux ; verser deslarmes est affaire aux malheureux et aux femmes ; vivre pauvrement fait mépriser ; subir la défaite est unehonte indigne de celui qui admet à peine les plus grands rois à baiser ses pieds ; mourir enfin est chose dure,et, sur la croix, ce serait infamant.

00b. Pourquoi traduire les Saintes Écritures ? : ÉRASME, Novum Testamentum, 1516Le soleil est un bien commun, offert à tout le monde. Il n'en va pas autrement avec la science duChrist ; elle ne repousse personne, sinon celui qui se repousse lui-même par haine de lui-même.Je suis en effet tout à fait opposé à l'avis de ceux qui ne veulent pas que les lettres divines soienttraduites en langue vulgaire pour être lues par les profanes, comme si l'enseignement du Christétait si voilé que seule une poignée de théologiens pouvait le comprendre, ou bien comme si lerempart de la religion chrétienne était fait de l'ignorance où on la tiendrait. Les mystères des rois,peut-être valait-il mieux les taire, mais le Christ a voulu que ses mystères à lui fussent répandusle plus possible. Je voudrais que toutes les plus humbles des femmes lisent les évangiles, lisentles épîtres de saint Paul. Puissent ces livres être traduits en toutes les langues, de façon que lesÉcossais, les Irlandais, mais aussi les Turcs et les Sarrasins soient en mesure de les lire et de lesconnaître. Tel est le premier stade : les faire connaître par tout moyen. Admettons : beaucoup enriront, mais certains y seront pris. Puisse le paysan au manche de sa charrue en chanter despassages, le tisserand à ses lisses en moduler quelque air, ou le voyageur alléger la fatigue de saroute avec ses récits ; puissent ceux-ci faire les conversations de tous les chrétiens, car nousvalons à peu près ce que valent nos conversations de chaque jour. Il faut saisir ce qu'on peut,exprimer ce qu'on peut ; que le second ne jalouse pas qui le précède ; que celui qui va devantencourage qui le suit au lieu de le désespérer. Pourquoi restreindre à quelques-uns une professioncommune à tous ? Voici en effet qui est inadmissible : alors que le baptême - cette premièreprofession de la philosophie chrétienne - est un bien également commun à tous les chrétiens,alors que les autres sacrements, alors que la récompense de l'immortalité s'appliquent également àchacun, seuls les dogmes devraient-ils être réservés à cette poignée de gens qu'on appelleaujourd'hui ordinairement théologiens ou moines, alors qu'ils sont minoritaires dans le peuple quiporte le nom du Christ, à ces gens, dis-je, dont je souhaiterais qu'ils fussent un peu plusconformes à ce qu'on en croit ?

Portrait de Martin Luther (1483-1546), détails de Lucas Cranach l´Ancien,

1521. Portrait de Martin Luther, détails de Lucas Cranach

l´Ancien, 1523,.

Portrait de Martin Luther, détails de Lucas Cranach l´Ancien, 1529

Portrait de Martin Luther, détails de Lucas Cranach l´Ancien, 1540,

01. Quatre portraits de Luther

02. Les Quatre-vingt-quinze thèses (document du 31 octobre 1517)

« Par amour pour la vérité et dans le but de la préciser, les thèses suivantes serontsoutenues à Wittenberg, sous la présidence du Révérend Père Martin LUTHER, ermiteaugustin, maître es Arts, docteur et lecteur de la Sainte Théologie. Celui-ci prie ceuxqui, étant absents, ne pourraient discuter avec lui, de vouloir bien le faire par lettres. Aunom de notre Seigneur Jésus-Christ. Amen. […]21. C’est pourquoi les prédicateurs des Indulgences se trompent quand ils disent que lesindulgences du Pape délivrent l’homme de toutes les peines et le sauvent.22. Car le Pape ne saurait remettre aux âmes du Purgatoire d’autres peines que cellesqu’elles auraient dû souffrir dans cette vie en vertu des canons.23. Si la remise entière de toutes les peines peut jamais être accordée, ce ne saurait êtrequ’en faveur des plus parfaits, c’est-à-dire du plus petit nombre.24. Ainsi cette magnifique et universelle promesse de la rémission de toutes les peinesaccordées à tous sans distinction, trompe nécessairement la majeure partie du peuple.[…] 86. Et encore : pourquoi le Pape n’édifie-t-il pas la basilique de Saint-Pierre de sespropres deniers, plutôt qu’avec l’argent des pauvres fidèles, puisque ses richesses sontaujourd’hui plus grandes que celles de l’homme le plus opulent ?94. Il faut exhorter les chrétiens à s’appliquer à suivre Christ leur chef à travers lespeines, la mort et l’enfer.95. Et à entrer au ciel par beaucoup de tribulations plutôt que de se reposer sur la sécurité d’une fausse paix. »

03. La contestation de l’Église romaine selon MARTIN LUTHER, À la noblesse chrétienne de nation allemande (document de 1520)Avec une grande adresse, les Romanistes se sont entourés de trois murailles grâce àquoi ils se sont jusqu'ici protégés et ils ont empêché que quiconque puisse les réformer,si bien que la Chrétienté tout entière a, de ce fait, atteint un état d'effroyable décadence.[...] On a inventé que le Pape, les Évêques, les gens des monastères seraient appelés étatecclésiastique, les Princes, les Seigneurs, les artisans et les paysans l'état laïque, ce quiest certes une fine subtilité et une belle hypocrisie. Mais personne ne doit se laisserintimider par cette distinction, pour cette bonne raison que tous les Chrétiensappartiennent vraiment à l'état ecclésiastique, il n'existe entre eux aucune différence, sice n'est celle de la fonction, comme le montre Paul en disant (I Cor. 12), que noussommes tous un seul corps, mais que chaque membre a sa fonction propre, par laquelleil sert les autres, ce qui provient de ce que nous avons un même baptême, un mêmeÉvangile et une même foi et sommes de la même manière Chrétiens, car ce sont lebaptême, l'Évangile et la foi qui seuls forment l'état ecclésiastique et le peuple chrétien.Ce que fait le Pape ou l'Évêque, l'onction, la tonsure, l'ordination, la consécration, lecostume, différent de la tenue laïque, peuvent transformer un homme en cagot, ou enidole barbouillée d'huile, mais ils ne font pas le moins du monde un membre dusacerdoce ou un chrétien. [...]

04 Luther et les œuvres [MARTIN LUTHER, De la liberté du chrétien, 1520]

Vingt-deuxièmement. Donnons à ce sujet quelques comparaisons : il faut sereprésenter que les œuvres d'un chrétien qui, par sa foi et par la seule grâce de Dieu,gratuitement, est devenu juste et a pu parvenir à la félicité, ne sont pas différentes destravaux qu'Adam et Ève ont accomplis au Paradis au sujet desquels il est écrit (Gn, 2,15) que Dieu plaça l'homme qu'il avait créé dans le Paradis pour qu'il le cultivât et lagardât. [...] Ou encore, il en est comme d'un évêque consacré : quand celui-ci consacreune église, confirme ou accomplit quelqu'une des œuvres propres à sa fonction, ce nesont pas ces œuvres qui font de lui un évêque, et même, s'il n'avait pas précédemmentété consacré évêque, aucune de ces œuvres n'auraient de valeur, ce ne seraient que puresbouffonneries : de même un chrétien qui, consacré par a foi, accomplit de bonnesœuvres, n'est pas rendu meilleur pas ces œuvres ni davantage consacré chrétien (carseul l'accroissement de la foi produirait un tel résultat) et même si précédemment iln'avait pas été croyant et chrétien, toutes ces œuvres n'auraient eu aucune valeur maisn'auraient été que péchés extravagants, répréhensibles et condamnables.Vingt troisièmement. C'est pourquoi les deux formules sont vraies : « Des œuvres bonnes et justes ne font jamais un homme bon et juste, mais un homme bon et juste fait de bonnes œuvres ; Des œuvres mauvaises ne font pas un homme mauvais, mais un mauvais homme fait de mauvaises œuvres » en sorte que la personne doit toujours être bonne et juste préalablement, avant que d'accomplir toute bonne œuvre et les bonnes œuvres suivent et elles proviennent d'une personne juste et bonne. »

05 Discours de Martin Luther à la diète de Worms (document du 18 avril 1521)Je ne suis qu’un homme, cependant, et non pas Dieu, et je ne puis défendre mes traités autrement que Jésus-Christ Notre Seigneur n’a lui-même défendu son enseignement devant Anne. Alors qu’on l’interrogeait etqu’un serviteur l’avait souffleté : « Si j’ai mal parlé, dit-il, fais connaître ce que j’ai dit de mal ». Si leSeigneur même, qui se savait incapable d’erreur, ne refuse quand même pas d’entendre contester sonenseignement, à combien plus forte raison moi, lie du peuple, sans cesse exposé à l’erreur, ne dois-je pasdésirer et demander que l’on veuille contester mon enseignement ! C’est pourquoi, par la miséricorde deDieu, je prie votre S. majesté, vos illustres Seigneuries et quiconque le pourrait, le plus grand ou le moindre,de contester, de me convaincre de mes erreurs, de me réfuter par les écrits prophétiques et évangéliques ; si jedevais alors être mieux instruit, nul ne serait plus disposé que moi à rétracter quelque erreur que ce soit et jeserais le tout premier à jeter mes écrits au feu.

Ce que je viens de dire montre à l’évidence que j’ai assez considéré et pesé les dangers, les passions et les dissensions qui devaient surgir dans le monde à l’occasion de mon enseignement et qui m’ont valu hier de graves et d’abondants reproches. Pour moi, l’aspect le plus réjouissant de tous, en ces choses, est de voir que des passions et des dissensions surgissent au sujet de la Parole de Dieu. Car telle est bien la carrière du Verbe de Dieu sur terre, par les abîmes et par les sommets : « Je ne suis pas venu apporter la paix, dit-il, mais l’épée ; je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, etc. » (Matthieu, 10, 34 et suiv.). Il ne faut pas qu’en tentant de faire quelque chose pour apaiser les passions, l’on commence par rejeter la parole de Dieu, de peur que cette tentative ne tourne à un déluge de malheurs intolérables. Nous devons veiller à ce que le règne impérial de notre jeune prince Charles (sur qui, après Dieu, un grand espoir repose) ne soit pas malheureux et ne commence pas sous des auspices funestes. Je pourrais illustrer cela à l’aide de nombreux exemples de l’Écriture, qui touchent au Pharaon, au roi de Babylone et aux rois d’Israël, personnages qui connurent les plus grands désastres justement alors que leurs plus sages desseins tendaient à établir la paix et à affermir leur règne.

06 Charles Quint condamne Luther à Worms (19 avril 1521)

« Vous savez que je suis descendu des empereurs très chrétiens de la noble nation germanique, des roiscatholiques d’Espagne, des archiducs d’Autriche, des ducs de Bourgogne, lesquels tous ont été jusques à lamort fils fidèles de l’Église Romaine, ayant toujours été défenseurs de la foi catholique, des sacréescérémonies, décrets, ordonnances et saintes coutumes à l’honneur de Dieu, augmentation de la foi et salut desâmes, après le trépas desquels par droit naturel et héritage nous ont laissé lesdites saintes observationscatholiques, pour y vivre et mourir à leur exemple, auxquelles comme vrai imitateurs d’iceux nosprédécesseurs avons par la grâce de Dieu jusques à ici vécu.

À cette cause je suis délibéré d’entretenir tout ce que mesdits prédécesseurs et moi avonsentretenu jusques à présent et par espécial ce que a été ordonné par lesdits mes prédécesseurs, tant au concilede Constance que autres ; car il est certain que un seul frère erre en son opinion, laquelle est contre toute lachrétienté, tant du temps passé mille ans et plus que du présent, selon laquelle opinion toute ladite chrétientéserait et aurait toujours été en erreur ; parquoi je suis déterminé toutellement y employer mes royaumes etseigneuries, mes amis, mon corps, mon sang, ma vie et mon âme. Car ce serait grande honte à moi et à vous,qui êtes la noble et renommé nation de Germanie, qui sommes par privilège et prééminence singulièreinstitués défenseurs et protecteurs de la foi catholique que en notre temps son seulement hérésie, maissuspicion d’hérésie ou diminution de la religion chrétienne par notre négligence demeure après nous auxcourages [dans les cœurs] des hommes à notre perpétuel déshonneur et de nos successeurs.

Et ouïe la réponse que Luther donna hier en la présence de nous tous, je vous déclare que je merepens d’avoir tant délayé à procéder contre ledit Luther et sa fausse doctrine, et ne suis délibéré de plus outrel’ouïr parler, mais j’entends que incontinent selon la forme du mandat qu’il soit ramené, en gardant la teneurde son sauf-conduit, sans prêcher ni admonester le peuple de sa mauvaise doctrine et sans procurer queaucune émotion se fasse. Et, comme ci-dessus ai dit, suis délibéré me conduire et procéder à l’encontre de luicomme contre notoire hérétique, vous requérant que vous vous déclariez en cette affaire comme bonsChrétiens et êtes tenus de le faire et m’avez promis.

07 Les Douze Articles de la paysannerie souabe

1. « Chaque communauté aura le droit d’élire et de déplacer un pasteur s’il ne se conduit pas décemment. Le pasteur doit prêcher simplement un Évangile non remanié et sans aucune modification humaine manifeste car il est écrit que nous pouvons seulement aller vers Dieu par la vraie foi. […]3. Il a été établi que nous sommes tenus en servage depuis longtemps ce qui est une grande pitié car le Christ nous a racheté en versant son sang, du berger jusqu’au plus haut placé, personne n’est exclu. Alors que l’Écriture précise que nous sommes et que nous voulons être libres.4. Il n’est pas fraternel et conforme à la parole divine que le commun n’ait pas le droit de chasse et de pêche. Car quand Dieu, notre maître, a créé l’homme, il lui a donné tout pouvoir sur les animaux, les oiseaux dans le ciel et les poissons dans les eaux.5. Les seigneurs se sont appropriés les forêts […] C’est pourquoi toutes les forêts qui n’ont pas d’acte d’achat doivent rendues aux communautés afin que chacun se serve en bois de feu et de construction.6. A propos des corvées qui ne cessent d’augmenter de jour en jour, on tendra vers celles dues par nos parents pour servir exclusivement en accord avec la parole de Dieu. […]8. De nombreuses propriétés ne peuvent supporter le cens […]9.De nouvelles règles sont toujours conçues en grand sacrilège. On ne doit pas punir en fonction de l’accusé mais avec jugement […]10. Certains se sont appropriés les prairies et les champs communaux. Nous en voulons le retour aux mains de tous. […]12. C’est notre décision et notre avis définitif que si un (ou plusieurs) des articles ci-dessus n’est pas conforme à la parole divine, nous le retirerons si on nous en donne la preuve sur la base de l’Écriture

08 La foi selon Thomas Mun(t)zer 1521« Moi, Thomas Münzer de Stolberg, faisant retentir d'un chant nouveau avec le regretté et très illustre

combattant du Christ, Jean Hus, les claires trompettes d'airain, j'atteste en soupirant, devant l'Église des Élus et à la face du monde entier, que le Christ et ses Élus, qui m'ont connu depuis ma jeunesse, témoignent en ma faveur que, plus que tous mes contemporains, j'ai consacré un zèle ardent à me rendre digne d'acquérir une science plus parfaite et rare de l'invincible et sainte foi chrétienne.De cette foi, les hommes qui furent en place jusqu'à présent, notez-le, bavardent froidement. Ils volent dans la bouche de leur prochain la Parole qu'eux-mêmes jamais n'ont perçue. Oui bien, je les ai entendus répétant cette simple Écriture qu'ils ont volée à la Bible comme d'agiles larrons et ravisseurs. Mais voici venu le temps où le Seigneur fera éclater sur eux une colère très drue, parce qu'ils défigurent la vraie foi. […] Inspirés par une corruption papale, ils ont reçu l'ordre et l'onction d'un chrême de péché qui coule sur eux de la tête au talon ; c'est dire que, du violateur et de l'apostat, le Diable procède leur folie et qu'elle pénètre jusqu'au tréfonds de leur cœur, lequel est vide, privé de son possesseur, le Saint Esprit. […] Ainsi j'ai pris à cœur le très intolérable dommage que subit la chrétienté parce que la Parole est souillée et obscurcie, parce qu'après la mort des Apôtres, rompant son mariage avec l'Esprit, la pure et virginale Église est devenue une putain […] Mais réjouissez-vous, amis, vos campagnes se courbent, elles blanchissent pour la moisson. Le ciel m'a embauché au salaire de un sou par jour et j'aiguise ma faucille pour couper la récolte. Il faut que ma bouche médite sur les plus hautes vérités et que mes lèvres jettent l'anathème sur les athées que je suis venu en votre beau pays, ô mes chers frères de Bohême, reconnaître et exterminer. Le seul but de mon effort est que vous accueilliez la vivante Parole en laquelle je vis et je respire. […] Je sais et je suis sûr que les pays du Nord seront entraînés par le flot de la grâce jaillissante. C'est ici que prendra commencement l'Église rénovée des Apôtres et c'est d'ici qu'elle s'étendra au monde entier. Ainsi donc, hâtez-vous d'aller au devant de sa Parole dont rapide sera le cours ; par une indicible corruption, de la sainte Église de Dieu ils ont fait un sombre chaos, une Église brisée, abandonnée, dispersée. Mais le Seigneur la restaurera, la consolera, l'unifiera […] . Amen. »l’Intimatio Thomae Muntzeri manu propria scipta et affixa Pragae a. 1521 contra Papistas (document de 1521)

09 Proclamation de Thomas Mün(t)zer, 1525« Mes chers frères, jusqu’à quand dormirez-vous ? Ne suivrez-vous jamais la volonté du Seigneur, parce que, dans votre ignorance, vous vous croyez abandonnés ? Que de fois vous ai-je répété mes enseignements ? […] Il faut tenir ferme […] On doit ou souffrir pour la cause de Dieu, ou devenir le martyr du diable.

Tenez donc ferme ; ne succombez pas à la peur, ni à la mollesse ; cessez de flatter les visionnaires et les scélérats impies. Debout et combattez le combat du Seigneur. Le temps presse. Commandez à vos frères d’honorer la parole de Dieu ; sinon tous périront. L’Allemagne, la France, l’Italie sont toutes entières soulevées […]

Sus, sus, sus ! Il est temps, les méchants tremblent. Pas de pitié, si même Ésaü vous donne de belles paroles ; fermez les oreilles aux lamentations des impies ; ils vous imploreront d’une manière si touchante, ils pleureront comme des enfants ; n’en soyez pas émus […] Soulevez les villes et les villages, surtout les mineurs des montagnes […]. Sus, sus, sus ! Pendant que le feu brûle ; que le fer tiède de sang ne puisse se refroidir […]Donné à Mülhausen, en 1525Thomas Münzer, serviteur de Dieu contre les impies. »

10 Les anabaptistes : décrets des Anciens de Münster (avril 1534)Premier décretIl n’est d’autorité qu’en Dieu. Ceux qui s’y opposent seront jugés. […] Quiconque s’entache par des péchés contrevenant aux enseignements salutaires du Christ […] doit être exterminé par le glaive de l’autorité instituée par Dieu. Bienheureux, ceux qui sont dans la ville, car, comme il est dit dans l’Apocalypse (XXII, 15, 16) : « Dehors les chiens, les enchanteurs, les impudiques, les meurtriers, les idolâtres, et quiconque aime et pratique le mensonge ! ». Deuxième décretDevoirs et articles à suivre en toute fidélité par le peuple d'Israël et les enfants de Dieu. A l’avenir : 1. On observera ce que l’Écriture ordonne ou proscrit. 2. On exercera son métier avec application, on respectera l’autorité instituée par Dieu. […] 7. Le prophète Jean de Leyde proclamera et présentera les décisions des Anciens. […] 9. Les préposés aux repas dans les maisons communes présenteront les mets prévus aux frères et aux soeurs, qui ne pourront rien exiger d’autre. […] 16. Quatre maîtres tailleurs assureront le service des vêtements. Ils veilleront qu’il n’y ait pas de coupe nouvelle et inusitée de vêtements. 17. Personne ne portera de vêtements déchirés ou découpés. […] 19. Deux hommes seront responsables de la surveillance des canons et des mousquets. […] 20. Un homme (désigné) est chargé du vin pour les malades et les mélancoliques. 21. Quatre hommes seront responsables des réserves d’or et d’argent, de leur emploi juste et légal. Ils devront veiller à ce que ne soit faite aucune dépense inutile et que tout soit utilisé pour le bien commun. […] 28. Un homme (désigné) est chargé des déblais et gravats ; il se servira de voitures à deux ou quatre chevaux; il prendra soin de récupérer le cuivre, le plomb et l’étain des clochers et des tours abattus. 29. Tout étranger, frère, compatriote, proche parent arrivant dans la ville sera aussitôt amené à BerndtKnipperdollinck (le bourreau). […] 33. Si un chrétien vient à mourir, victime de l’ennemi ou pour une autre raison, ses biens et ses armes seront apportés à Berndt Knipperdollinck. Celui-ci les transmettra aux Anciens, qui décideront à qui ils doivent être attribués.

11 Lettre de Luther sur Thomas Mün(t)zer (1525)« Grâce et paix de la part de Dieu! Je vous remercie [...] des nouvelles que vous m'envoyez, et je serais désireux d'en apprendre davantage, singulièrement en ce qui concerne l'attitude de Thomas Münzer. Je vous en prie, voulez-vous me faire savoir comment il a été trouvé et fait prisonnier et comment il s'est comporté ; car il est utile de savoir quelle a été l'attitude prise par cet esprit orgueilleux. Que l'on traite si cruellement ces pauvres gens, cela fait pitié. Mais que doit-on faire ? Il est nécessaire, et Dieu le veut aussi, de leur inspirer la peur et la crainte. Sinon, Satan ferait des choses encore bien pires. Tel est le jugement de Dieu : Qui accipit gladiumgladio peribit (1). Il est consolant que l’Esprit se soit manifesté, afin que les paysans sachent à quel point ils sont dans leur tort, et que peut-être ils abandonnent leur révolte ou la modèrent. Ne soyez pas si durement affligé ; car cela profitera à beaucoup d'âmes, qui seront conservées grâce à cette crainte salutaire.

Mon très gracieux seigneur le Prince-Électeur est mort le jour même où j'ai pris congé de vous, entre cinq et six heures, presque au même moment où Osterhausen était détruit, avec un courage tranquille, en pleine possession de son intelligence et de sa raison ; il a reçu le sacrement sous les deux espèces, et non l'extrême-onction. Il nous a aussi quittés sans messes et sans vigiles, et pourtant ses funérailles ont été magnifiques [...] Il n'a pas encore su grand-chose de la révolte des paysans : mais il a écrit à son frère d'essayer tous les moyens de la douceur avant d’en venir à la bataille; il est donc mort en chrétien [...] Maintenant il est temps de se tenir en repos et de laisser Dieu agir ; ainsi nous verrons la paix. Amen [...]A Wittenberg, le mardi après Vox jocunditatis 1525. »LUTHER, Werke, 8 : Lettres, Genève, p. 102-103, 1959)(1) Matthieu (26:51-52 «Et voici, un de ceux qui étaient avec Jésus étendit la main, et tira son épée; il frappa le serviteur du souverain sacrificateur, et lui emporta l’oreille. Alors Jésus lui dit: Remets ton épée à sa place; car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée.»

12 « Ein feste Burg », manuscrit de Luther et traduction

C'est un rempart que notre Dieu :Si l'on nous fait injure,Son bras puissant nous tiendra lieuDe cuirasse et d'armure.L'ennemi contre nousRedouble de courroux :Vaine colère !Que pourrait l'adversaire ?L'Eternel détourne ses coups

13. Le petit catéchisme de Martin Luther (1529) : modèle d'un examen de conscience«proposé par le dr Martin Luther a l'usage de ceux qui désirent participer au saint sacrement afin que nous apprenions à regarder nos péchés avec terreur et à les considérer comme des transgressions effroyables. »1. crois-tu que tu es pécheur ?oui, je le crois, je suis pécheur. 2. d'où le sais-tu ? des dix commandements - car je ne les ai point observés. 3. est-ce que tu regrettes tes péchés ? oui, j'ai un regret sincère d'avoir péché contre Dieu. 4. Qu'as-tu mérite devant dieu à cause de tes péchés ? j'ai mérité sa colère et son juste châtiment : la mort ici-bas, et la damnation éternelle. rom. 6, 21,23.5. espères-tu être sauve ? oui, j'en ai la ferme assurance. 6. en qui mets-tu ta confiance ? en Jésus-Christ, mon seigneur. 7. qui est Jésus-Christ ? il est le fils de Dieu, vrai dieu et vrai homme. 8. combien de dieux y a-t-il ? il n'y a qu'un seul Dieu ; mais il y a trois personnes divines : le père, le fils et le Saint-Esprit. 9. qu'est-ce que le Christ a fait pour toi, pour que tu puisses espérer en lui ? il est mort pour moi, il a verse son propre sang sur la croix pour la rémission de mes péchés. 10. est-ce que le père, lui aussi, est mort pour toi ? non, car le père est seulement Dieu ; le Saint-Esprit de même ; mais le fils est vrai Dieu et en même temps vrai homme ; il est mort et a versé son sang pour moi. 11. d'ou sais-tu cela ? je l'ai appris dans le saint évangile et dans les paroles d'institution du saint sacrement, dans lequel Jésus affirme me donner son corps et son sang en garantie de ma rédemption. […] 13. crois-tu que dans le sacrement tu reçois réellement le vrai corps et le vrai sang du christ ? oui, je le crois sincèrement. 14. sur quoi fondes-tu ton assurance ? sur la parole de Jésus : prenez, mangez, ceci est mon corps ; buvez-en tous, ceci est mon sang. 15. que devons-nous faire lorsque nous mangeons son corps et buvons son sang, en gage de notre rédemption ? nous devons annoncer et commémorer sa mort et le sacrifice de son sang, comme il nous l'a ordonne : faites ceci toutes les fois que vous en boirez, en mémoire de moi. …

14. Le luthéranisme en Europe du Nord (carte)

Danemark 1537> césaropapisme évangélique.Norvège, Islande force Suède, Vasa diète de Västeraas (1527) Duché de Prusse. Albert de Brandebourg Ordre teutoniquePays baltes Finlande

15. Confession d’Augsbourg (document de 1530)Accord avec les catholiquesArticle 1. -- De DieuNos Églises enseignent en parfaite unanimité la doctrine proclamée par le Concile de Nicée : à savoir qu'il y a un seul Être divin, qui est appelé et qui est réellement Dieu. Pourtant, il y a en lui trois Personnes, également puissantes et éternelles : Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit ;Article 2. -- Du Péché OriginelNous enseignons que par suite de la chute d'Adam, tous les hommes nés de manière naturelle sont conçus et nés dans le péché[…]Article 3. -- Du Fils de DieuNous enseignons aussi que Dieu le Fils est devenu homme, né de la pure Vierge Marie, et que les deux natures, la divine et l'humaine, unies inséparablement dans une personne unique, constituent un seul Christ, qui est vrai Dieu et vrai homme […]Article 4. -- De la JustificationNous enseignons aussi que nous ne pouvons pas obtenir la rémission des péchés et la justice devant Dieu par notre propre mérite, par nos œuvres ou par nos satisfactions, mais que nous obtenons la rémission des péchés et que nous sommes justifiés devant Dieu par pure grâce[…]Article 6. -- De la Nouvelle ObéissanceNous enseignons aussi que cette foi doit produire des fruits et des bonnes œuvres, et qu'il faut qu'on fasse, pour l'amour de Dieu, toutes sortes de bonnes œuvres que Dieu lui-même a commandées […]Article 10. -- De la Sainte-CèneQuant à la Sainte Cène du Seigneur, nous enseignons que le vrai corps et le vrai sang de Christ sont réellement présents, distribués et reçus dans la Cène, sous les espèces du pain et du vin. Nous rejetons donc la doctrine contraire. […]Article 18. -- Du Libre ArbitreEn ce qui concerne le Libre Arbitre, nous enseignons que l'homme possède une certaine liberté de volonté pour mener une vie extérieurement honorable et pour choisir entre les choses accessibles à la raison[…]Article 20. -- De la Foi et des Bonnes ŒuvresC'est à tort qu'on nous accuse de prohiber les bonnes œuvres. Car les écrits des nôtres sur les Dix Commandements et sur d'autres sujets analogues prouvent qu'ils ont donné des instructions et des exhortations utiles et solides au sujet des divers états chrétiens et de leurs œuvres.DivergencesArticle 22. -- De la Communion sous les Deux Espèces […] Article 23. -- Du Mariage des Prêtres […] Article 24. -- De la Messe […]C'est à tort qu'on nous reproche d'avoir aboli la Messe, […]Article 25. -- De la ConfessionPour ce qui est de la Confession, elle n'a pas été abolie par nos prédicateurs. […]Article 27. -- Des Vœux Monastiques[…]Article 28. -- Du Pouvoir des Évêques […]CONCLUSIONVoilà les principaux articles qui sont considérés comme matière de controverse. […]Nous n'avons fait qu'énumérer les points dont il nous a paru nécessaire de parler, pour que l'on comprenne d'autant mieux, qu'aussi bien en matière de doctrine que de rites, nous n'avons rien adopté qui soit contraire à l'Écriture ou à l'Église chrétienne universelle

16A Portrait de Fréderic III le Sage, Grand électeur de Saxe (1463-1525). Peinture de Albrecht Durer (1471-1528). 1524

[neveu]16B Jean Fréderic de Saxe, dit le Magnanime, grand électeur (1532-1547) et comte palatin et protecteur de Martin Luther (1483-1546). Peinture de Lucas Cranach l'ancien (1472-1553). 1545

[petit cousin]16D "Portrait du prince électeur Auguste Ier de Saxe dit le Pieux (1526-1586)" Peinture de Lucas Cranach le jeune (1515-1586) 1565

16. Les Souverains de Saxe au XVIe siècle

[petit cousin]16C "Portrait du duc puis électeur Maurice de Saxe (1521-1553)" Peinture de Lucas Cranach le jeune (1515-1586) 1551

Saxe ernestine –Leipzig > 1547 Saxe albertine - Dresde

17 Extraits de l’ Épitomé du Livre de Concorde 1580

1. Le péché originel n'est pas une légère, mais une si profonde corruption de la nature humaine que rien sain ou non corrompu n’est resté dans le corps de l'homme ou dans son âme.

4. Nous pensons que ce ne sont pas les bonnes œuvres qui maintiennent la foi et le salut en nous, mais l'Esprit de Dieu seul, par la foi, dont la présence et l’incarnation se trouvent renforcées par les bonnes œuvres dont elles sont la preuve.

18 Zwingli « Vous devez être théodidactes »Jusqu'ici, tu as été à travers les Écritures pour y trouver ce qui était conforme à ton opinion [...]. Lorsque nous trouvons dans l'Écriture une parole que nous pouvons [...] appliquer à notre pensée, bien que cette parole n'ait rien à voir quant au sens et à la situation où elle se trouve, nous le faisons et voulons forcer le sens de l'Écriture afin qu'elle dise ce que nous pensons. Par exemple : notre opinion et notre jugement sont déjà là, d'avance. Nous sommes comme cet homme qui va chez son voisin, une hache à la main, pour solliciter quelque chose. Ce qui vaut autant de dire : si tu n'obtempères pas, la hache parlera ! C'est ainsi que nous nous approchons de l'Écriture. Les papes [...], les voilà devenus puissants et portant l'épée. Alors ils vont à l'Écriture, l'épée en main et disent : « Regale sacerdotium, la prêtrise royale. » [...] La pensée de Pierre est : tous les chrétiens sont élus aux honneurs royaux et à la prêtrise par le Seigneur [...] ; chacun est un prêtre [...]. Dès lors, appelle la grâce de Dieu sur toi avec ferveur pour qu'Il te donne son esprit et ce que dit cet esprit afin que ce ne soit pas tes propres idées mais les Siennes que tu accueilles. Aie bien alors la ferme confiance qu'Il te donnera la droite compréhension que tu Lui demandes, car toute sagesse vient de Dieu [...]. Vous devez être théodidactes, c'est-à-dire enseignés de Dieu, et non des hommes. [...]. Tout homme qui se présente comme expert ou juge se rend par là même suspect. [...]Celui qui t'enseigne selon ses propres idées, et non selon ce que prescrit Dieu, t'enseigne faussement, quel qu'il soit. Mais s'il t'enseigne selon la parole de Dieu, exclusivement, ce n'est plus lui qui t'enseigne, c'est Dieu. Car qui sommes-nous, dit Paul (1 Corinthiens 4:1), sinon les administrateurs ou les dispensateurs des choses cachées de Dieu ?Huldrych Zwingli, De la parole de Dieu (1522)

19. La Confession de Schleiteim (1527) une redéfinition de l’anabaptisme1. [...] Le baptême doit être donné à tous ceux qui sont enseignés concernant la repentance et le changement de vie, et qui croient en vérité que leurs péchés ont été ôtés par le Christ [...], à tous ceux qui veulent marcher dans la résurrection de Jésus-Christ et désirent être ensevelis avec Lui dans la mort pour qu'ils puissent ressusciter avec Lui. [...] Par là se trouve exclu tout baptême d'enfants. [...]4. Nous avons été unis pour la séparation (avec le monde). Elle doit se faire d'avec la méchanceté et d'avec le mal que le diable a plantés dans le monde uniquement afin que nous n'ayons pas de communion avec lui et ne courions pas avec lui, participant à la multitude de ses abominations. [...] De cette manière, se détacheront aussi de nous [...] les armes diaboliques de la violence, telles qu'épée, armures et autres choses semblables, avec toutes leurs utilisations, en faveur denos amis ou contre nos ennemis.6. [...] Le glaive est une ordonnance de Dieu, en dehors de la perfection de Christ, qui punit et met à mort le méchant, protège et abrite le bon. [...] Dans la perfection de Christ cependant, seule l'exclusion est employée pour avertir et séparer celui qui a péché, on ne met pas à mort la chair, mais on utilise uniquement l'exhortation et le commandement de ne plus pécher. [...] Mais beaucoup, qui ne reconnaissent pas la volonté de Christ envers nous, nous demandent si un chrétien peut ou doit employer le glaive pour la défense et la protection du bon, ou à cause de l'amour. La réponse est révélée unanime : Christ nous enseigne que nous devons apprendre de Lui, car Il est doux et humble de coeur et nous trouverons ainsi le repos de nos âmes.[...] Le gouvernement de l'autorité est selon la chair, mais celui des chrétiens, selon l'Esprit ; leur maison et leur habitation restent dans ce monde, celles des chrétiens, au ciel ; leur citoyenneté est dans ce monde, celle des chrétiens au ciel (Philippiens 3.20) [...]. Les magistrats du monde sont armés de pointes et de fer, mais les chrétiens sont armés de l'armure de Dieu, de la vérité, de la justice, de la paix, de la foi, du salut et de la Parole de Dieu. [...]7. [...] Le serment est une confirmation entre ceux qui se querellent ou qui font des promesses. Dans la loi, il a été demandé qu'il soit fait au Nom de Dieu uniquement pour dire la vérité et non pour tromper (LV 19.12). Christ, qui enseigne la perfection de la Loi, interdit aux siens tout serment [...] et cela pour les raisons qu'Il donne peu après : « Car vous ne pouvez rendre un seul cheveu noir ou blanc. » [...]L'Entente fraternelle de Schleithen (1527)

Refus du baptême des enfants, séparation d’avec le monde corrompu, refus de la violence, de l’autorité civile et du serment

Mouvement développé à Zurich par Conrad Grebel qui refuse le césaropapisme > février 1527 ce qui reste des anabaptistes se réunit en Suisse > texte largement diffusé > Frères Moraves et surtout Menno Simons (1496-1561)

20. Le partage confessionnel de la Suisse au milieu du XVIe siècle (carte)

21A. Petite catéchèse selon HEINRICH BULLINGER (document de 1551)« En quel sens dit-on que seule la foi justifie ?Il n’y a aucun danger ici que les bonnes œuvres ne viennent à perdre leur valeur et n’aient aucune place dans l’Église. Car on dit que la foi seule justifie par deux modes de raisonnement: ou bien pour la raison qu’elle exclut notre mérite et nos œuvres de sorte que la justification ne leur soit pas attribuée à eux mais à la pure grâce de Dieu par Jésus-Christ. Et ainsi il est tout à fait vrai, orthodoxe et catholique que nous soyons justifiés par la foi seule. Ou bien pour la raison que la foi isolée soit affirmée sans bonnes œuvres. Et par ce raisonnement la proposition ou l’exposition de la proposition du raisonnement est très fausse. Quand en effet nous accueillons Christ en le recevant par la foi, il n’est pas superflu en nous. Et qu’est de cette façon que saint Jacques apôtre dit que nous sommes justifiés par la foi sans les œuvres (Ja., 2, 24).C’est pourquoi, en attribuant la justification à la foi et en la retirant aux œuvres, nous n’affirmons pas que la vraie foi soit sans charité ou sans bonnes œuvres, mais nous nions que les bonnes œuvres, qui sont la conséquence de la foi, soient vraiment la cause propre de notre salut. Christ est en effet notre justice. Par analogie : la chaleur seule du soleil est ce qui réchauffe la terre et ce qui est sur la terre, cependant la chaleur n’est pas seule dans le soleil puisqu’elle est toujours unie à la lumière et à la clarté. A cause cependant de cette union indissoluble de la chaleur et de la clarté, la seconde ne fait pas ce que fait la première. Quoiqu’il n’y ait pas de chaleur sans lumière, la lumière cependant ne chauffe pas, mais seulement la chaleur. Ainsi, comme il n’y a pas de foi sans charité ou bonnes œuvres, celles-ci ne justifient pas : la seule foi justifie.QU’EST-CE QUE LA FOI ?La foi est à proprement parler une conviction solide de notre conscience et de notre esprit, un souffle reçu du Saint Esprit de Dieu, par lequel nous recevons avec fermeté le Christ avec ses bienfaits en nous y attachant et nous le croyons être à nous, comme il nous est offert dans l’Évangile par sa prédication. La foi donc à vrai dire saisit et reçoit le Christ, comme le soleil, à vrai dire, chauffe par la chaleur. Du soleil provient la lumière; de la foi, l’espérance et la charité. QU’EST-CE QUE L’ESPÉRANCE ?Par l’espérance nous attendons ce qui nous a été promis si nous persistons dans la patience, selon ce que dît l’apôtre : C’est par l’espérance que nous sommes sauvés. Or l’espérance, si elle est vue, n’est plus l’espérance. En effet pourquoi espérer cela même qu’on voit ? Si cependant nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons par la patience (Rom. B, 24-25). Ainsi l’espérance se distingue de la foi, puisque on nous dit que l’espérance est à proprement parler un don de l’Esprit du Seigneur. Raffermis par ce don, nous attendons d’un esprit ferme et égal que s’accomplissent en nous le salut et l’adoption, saisis par la foi en Christ. Mais c’est par la charité que nous nous reposons en Dieu et par le respect en tout de ses commandements que nous méritons ses bonnes grâces.QU’EST-CE QUE LA CHARITÉ ?La charité est à proprement parler un don de Dieu par lequel nous jouissons de sa charité envers nous et nous l’aimons, lui qui nous a aimés le premier, et nous nous employons pour nos frères, manifestant ainsi que nous avons accueilli le Christ. C’est donc en cela tout simplement que la charité se distingue de la foi et de l’espérance. Puisque la charité se tire et se déploie, elle l’emporte sur la foi en ce que cette dernière accueille alors que la première donne et dispense. C’est ainsi que l’apôtre la dit plus grande (1 Cor., 13, 13). » ,Brève et pieuse institution de la religion chrétienne écrite aux ministres des églises du Christ et autres serviteurs de Dieu en Hongrie

21B Bucer (1491-1551) et le bien public Traité de l'amour du prochain (1523)Dieu nous a créés, ainsi que toutes les créatures, dans l'intention de faire connaître Sa bonté : Il a voulu que, existant par cette bonté, les créatures en jouissent continuellement et la reconnaissent. C'est pourquoi nous, Ses créatures, pouvons et devons l'aider dans l'exercice de cette bonté. En d'autres termes, chaque créature doit se mettre au service de toutes les autres avec toutes les qualités dont Dieu l'a pourvue, afin que de toute part s'élève et éclate la louange : « L'Éternel est bonenvers toutes choses, et sa bienveillance s'étend sur toutes ses œuvres. » (Psaume 145.)[...] De tout cela, il résulte clairement que nul ne doit vivre pour soi-même : car Dieu a créé toutes choses afin qu'elles ne vivent pas pour elles-mêmes, mais qu'elles servent au bien des autres et soient des preuves de la bonté divine dont toutes choses doivent être témoins. Après le ministère pastoral, qui a pour fonction de servir fidèlement la communauté en prêchant la parole de Dieu, le ministère de l'autorité civile est le plus estimable. Cette fonction exige des hommes capablesde s'oublier entièrement et qui ne recherchent en rien leur intérêt. [...] Le service que l'autorité civile doit à la collectivité ne consiste pas à prêcher la parole de Dieu et la Loi. Toutefois, il lui appartient de gouverner selon la Loi divine et, selon ses capacités, de frayer la voie à la parole divine. En effet, il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu et partout les autorités qui existent ont été instituées par Dieu (Épître aux Romains, chapitre 13) ; il en résulte avec certitude que le pouvoir doitêtre exercé conformément à l'ordre et à la volonté de Dieu. C'est de cette manière seulement qu'il pourra procurer le bien-être à ceux qui lui sont soumis [...]Hélas, beaucoup de gouvernants agissent comme si leur serment ne les liait qu'aux hommes et non pas à Dieu. Ils ne tiennent aucun compte de la Loi de Dieu et agissent, dans leurs fonctions de gouvernement, souvent intentionnellement contre elle. C'est pourquoi ils prennent leurs décisions en fonction de leur propre intérêt et nullement en fonction du bien public, à moins qu'ils ne songent à accroître en même temps leur prestige et leur fortune. Et il arrive ce que nous avons constaté chez les mauvais clercs : plus ils s'élèvent et parviennent à des fonctions dans lesquelles ils devraient être utiles —mais dont ils ne s'acquittent pas —, plus ils tombent bas, plus ils deviennent méprisables par l'abus de leurs hautes fonctions et plus ils deviennent nuisibles à la cité qu'ils dirigent.Martin Bucer, Traité de l'amour du prochain (1523)

> « Puisque Dieu me donne gratuitement son salut, comment vivre en vrai chrétien dans la société » ?> Les autorités politiques sont utiles mais pour le bien public

22B Calvin à 41 ans. Peinture anonyme, 1550.

22A Calvin à 24 ans, au collège royal. Gravure du XIXe siècle.

22C Calvin peu avant sa mort. Gravure du XIXe siècle.

23 Comment on doit comprendre le Notre Père selon GUILLAUME FAREL, Le Pater Noster et le Credo en françoys (document de 1524)

[…] Mais parce que nous ne savons pas comment nous devons prier, le bon Jésus, qui tant s’est humilié pour nous, nous a voulu montrer la forme et la manière, comment nous devons prier, nous commandant que quant nous voudrons prier, nous prions ainsi : Notre père qui est.Et nous devons dire ceste oraison avec une très grande révérence et humilité de cœur, et très grande ferveur d’esprit, en pensant tous les mots qui sont en la dicte oraison, pour l’honneur d’icelluy que l’on prie. En quoi jusques à maintenant les brebis de Dieu ont esté très mal instruites, par la grand négligence des pasteurs, qui les devaient instruire de prier en langage qu’on entendit, et non pas ainsi seulement bouger des lèvres sans rien entendre. Car, comme dit saint Paul, Si je prie de la langue, mon entendement est sans fruit. Et pourtant il commande, que tout ce qu’on dit en la congrégation des fideles, qui est l’Église, qu’on le die en langage que tous l’entendent, autrement qu’on se taise.

24 Les circonstances de la rédaction de l’Institution de la religion chrétienne selon JEAN CALVIN

« Et de fait, laissant le pays de France, je m’en vins en Allemagne de propos délibéré afin que là je pusse vivre en quelque lieu inconnu, comme je l’avais toujours désiré. Mais voici : pour ce que, cependant que je demeurais à Bâle, étant là comme caché et connu de peu de gens, on brûla en France plusieurs fidèles et saints personnages, et que le bruit étant venu aux nations étrangères ces brûlements furent trouvés fort mauvais par une grande partie des Allemands, tellement qu’ils conçurent un dépit contre les auteurs de telle tyrannie.Pour l’apaiser on fit courir certains petits livres malheureux et pleins de mensonges, qu’on ne traitait ainsi cruellement autres qu’anabaptistes et gens séditieux qui par leurs rêveries et fausses opinions renversaient non seulement la religion mais aussi tout ordre politique.Lors moi, voyant que ces pratiqueurs de cour par leurs déguisements tâchaient de faire non seulement que l’indignité ce cet effusion de sang innocent demeurât ensevelie par les faux blâmes et calomnies desquels ils chargeaient les saints martyrs après leur mort mais aussi que par après, il y eût moyen de procéder à toute extrémité de meurtrir les pauvres fidèles sans que personne en pût en avoir compassion, il me sembla que, sinon que je m’y opposasse vertueusement en tant qu’en moi était, je ne pouvais m’excuser qu’en me taisant je me fusse trouvé lâche et déloyal.Et ce fut la cause qui m’incita à publier mon Institution de la Religion chrétienne. Premièrement afin de répondre à ces méchants blâmes que les autres semaient et en purger mes frères desquels la mort était précieuse en la présence du Seigneur. Puis après, afin que, d’autant que les mêmes cruautés pouvaient bientôt après être exercées contre beaucoup de pauvres personnes, les nations étrangères fussent pour le moins touchées de quelque compassion et sollicitude envers iceux. Car je ne mis pas alors en lumière le livre tel qu’il est maintenant, mais c’était simplement un petit livret contenant sommairement les principales matières, et non à autre intention sinon qu’on fût averti quelle foi tenait ceux lesquels je voyais que ces méchants et déloyaux flatteurs diffamaient vilainement et malheureusement. »Préface, Commentaires sur le livre des psaumes, 1558.

25 Extraits de L’Institution, ed. 1560L’autorité de la sainte Écriture (IRC, 1, 6, 1 ; 1, 7, 1).« L'Écriture, recueillant en nos esprits la connaissance de Dieu, qui autrement serait confuse et éparse abolit l'obscurité pour nous montrer clairement quel est le vrai Dieu (…).Le Salut par la foi (IRC, 3, 9, 11).« II me semble admis que j'ay assez diligemment exposé ci-dessus comment il ne reste qu'un seul refuge de salut aux hommes : à savoir en la foi, puisque par la loi ils sont tous maudits. La double prédestination (IRC, 3, 21, 5).« Nous appelons Prédestination le conseil éternel de Dieu par lequel il a déterminé ce qu'il voulait faire d’un chacun homme. Car il ne les créé pas tous en pareille condition, mais ordonne les uns à vie éternelle, les autres à Éternelle damnation. Ainsi, selon la fin à laquelle est créé l'homme, nous disons qu'il est prédestiné à mort ou à vie. »Les sacrements (IRC, 4, 14, 1 ; 4, 15, 1 ; 4, 17, 11).Le Baptême est la marque de notre Chrétienté et le signe par lequel nous sommes reçus en la compagnie de l'Église, afin qu'étant incorporés en Christ, nous soyons réputés du nombre des enfants de Dieu. Je dis donc, comme il a toujours été reçu en l'Église, et comme parlent aujourd'hui ceux qui enseignent fidèlement,, qu'il y a deux choses en la sainte Cène, à savoir les signes visibles qui nous sont là donnés pour notre infirmité, et la vérité spirituelle, laquelle nous est figurée pariceux, et pareillement exhibée. [...] Je dis donc qu’en la Cène Jésus Christ nous est vraiment donné sous les signes du vain et du vin, voire son corps et son sang, auxquels il a accompli toute justice pour nous acquérir salut. »Le sacerdoce universel (IRC, 2, 7, 1 ; 4, 19, 29).« Ceux auxquels Jésus Christ est apparu par l'Évangile ont reçu plus de biens que leurs pères, d'autant qu'ils sont tous ornés et revêtus d'honneur sacerdotal et royal afin d'avoir liberté de se présenter devant Dieu franchement par le moyen de leur médiateur […].Nous sommes bien tous prêtres en lui [Jésus Christ], mais c'est seulement pour offrir louanges et actions de grâces à Dieu. »Les images (IRC, 2, 8, 17).« Le second commandement. Tu: ne te feras point image taillée, ni semblance aucune des choses qui sont en haut du ciel, ni ici-bas en la terre, ni ès eaux dessous là mer. Tu ne les adoreras, ni honoreras […]. Le commandement a deux parties. La première réprime notre témérité, à ce que ne présumions d'assujettir à notre sens Dieu, qui est incompréhensible, ou de le représenter par aucune image. La seconde partie défend de n’adorer aucunes images par manière de religion. »

26 David Joris (1501-1556) plaide pour Michel Servet (document de 1553)Anabaptiste clandestin (nicomédiste) connu alors sur le nom de Jean de Bruges.« [...] Il a été dit partout, et je l’ai entendu moi-même, que les docteurs, les prédicateurs et ceux qui ont la charge des âmes, ont tenu conseil et écrit à certaines cités pour leur recommander de prononcer contre lui [Michel Servet] une sentence de condamnation à mort. Cette nouvelle m’a tellement bouleversé que je ne retrouverai pas la paix [...] tant que je n’aurai pas élevé ma voix en tant que membre du corps du Christ, tant que je n’aurai pas en toute humilité ouvert mon cœur devant vos Grandeurs et libéré ma conscience. J’aime à croire que ces docteurs, souhaitant le mal et assoiffés de sang, n’auront pasd’influence sur vous et ne parviendront pas à vous impressionner ; et s’ils devaient trouver faveur auprès de vous (comme les Scribes et les Pharisiens ont su le faire avec Ponce Pilate, dans le cas de N. S. Jésus-Christ) ils offenseraient le Roi des Rois et notre maître à tous, le Christ, qui nous a enseigné, non seulement par le texte des Écritures, mais aussi par sa parole divine, que personne ne devait être crucifié ni mis à mort à cause de son enseignement. Et pourtant, lui aussi a été crucifiéet mis à mort. Mais il n’a pas dit que cela : il a aussi interdit formellement la persécution. Ne serait-ce donc pas alors grande perversion, aveuglement, méchanceté et œuvre de ténèbres que de se laisser aller à désobéir impudemment sous le coup de la haine et de l’envie ? Il faudrait déjà avoir perdu la raison, avant de se permettre d’ôter la vie, de damner une âme pour l’éternité, et de la précipiter en enfer ! Est-ce là une manière d’agir chrétienne, est-ce là celle de la vraie sagesse ? Je répondrai non, éternellement non, quelque plausible que cela puisse paraître. Si tel n’est pas l’avis des prédicateurs, mais qu’ils veuillent éviter de pécher contre le Saint Esprit, qu’ils se gardent bien de saisir et de tuer des hommes au nom de cequ’ils croient être leurs bonnes intentions et leurs croyances. Qu’ils se rappellent, ces prédicateurs, qu’ils sont appelés, envoyés et oints par Dieu pour sauver les âmes, pour conduire les hommes vers la droiture et la vérité, c’est-à-dire pour rendre la vie aux morts, et non pas détruire, offenser, corrompre, et à plus forte raison ôter la vie. Car cela appartient à Celui seul à qui cela a été accordé, à Celui qui a été crucifié, qui est mort et qui a souffert.[...] Ceux dont l’esprit est mauvais devraient être instruits, et non pas mis à mort dans le temps de leur ignorance et de leur aveuglement (…) Afin que personne n’ait à se charger de juger, le Seigneur nous a donné dans son amour le nouveau commandement d’agir envers les autres comme nous voudrions qu’ils agissent envers nous. Soyez donc bons, bienveillants et miséricordieux, Messeigneurs ; agissez comme il a été agi envers vous-mêmes, comme le désire le Seigneur: « Ne jugez point afin de n’être point jugés. » Ne condamnez pas, afin de n’être pas condamnés. Ne répandez pas le sang, et ne commettez pas de violences, mes bons Seigneurs. Comprenez bien de qui vous êtes les disciples […]. »

27 Genève, un centre européen de l’imprimerie au temps de Calvin

28 Les Nicodémites selon JEAN CALVIN, Excuse à Messieurs les Nicodémites (document de 1554)

Considérations générales« Or parce que ces Nicodémites ne sont pas tous d'une sorte, il sera bon que je touche ici en passant les espèces principales que je connaisLa « première secte » : les prêcheursCe sont ceux qui ont toujours le mot d'édification en la bouche. Et se plaisent tellement en ce qu'ils font qu'il leur semble proprement avis, qu'il n'y ait qu'eux au monde qui sache l'art d'édifier. Plaît à Dieu qu'ils s'en acquittassent si bien qu'il n'y eut que redire. Je ne leur en porterais point d'envie, quant à moi. Mais quoi ? qu'ils entrent en leurs consciences; et puis qu'ils me sachent à dire, à quelle intention ils chantent messe, laquelle ils connaissent être un sacrilège abominable; et induisent les autres par leur exemple à idolâtrer […]La « seconde secte » : les « protonotaires délicats »« Il y a puis après une seconde secte. Ce sont les protonotaires délicats, qui sont bien contents d'avoir l'Évangile, et d'en deviser joyeusement et par débat avec les Dames, moyennant que cela ne les empêche point de vivre à leur plaisir. Je mettrais en un même sac les mignons de cour, et les Dames qui n'ont jamais appris que d'être mignardées, […]. Quant à moi, je ne me suis point loué à eux pour leur complaire. » La « troisième secte » : les lettrés« Il y a la troisième espèce, de ceux qui convertissent à demi la Chrétienté en philosophie, ou pour le moins ne prennent pas les choses fort à cœur, mais attendent, sans faire semblant de rien, voir s'il se fera quelque bonne reformation. De s'y employer, en tant qu'ils voient que c'est chose dangereuse, ils n'y ont point le cœur. Davantage, il y en a une partie d'eux, qui imaginent des idées Platoniques en leurs testes, touchant la façon de servir Dieu ; et ainsi excusent la plupart des folles superstitions qui sont en la Papauté, comme choses dont on ne se peut passer. Cette bande est quasi toute de gens de lettres.

29 Portrait de Théodore de Bèze(1519-1605). Peinture anonymefrançaise, 1597.

30 Le synode de Paris (1559)Or quelques difficultés qui se présentassent de toutes parts contre les pauvres fideles, tant s’en fallut pour tout cela, qu’ils en perdissent courage, qu’au contraire ce fut en ce temps, que Dieu par la singulière grâce inspira toutes les Églises Chrétiennes dressées en France, de s’assembler pour s’accorder en unité de doctrine, et discipline, conformément à la parole de Dieu. Donc, à savoir le vingt-sixième de mai 1559 s’assemblèrent à Paris les députés de toutes les Églises établies jusques alors en France: et là d’un commun accord fut écrite la confession de foi, ensemble fut dressée la discipline ecclésiastique au plus près l’institution des Apôtres, et selon que la circonstance des temps portait alors: chose vraiment conduite par l’esprit de Dieu pour maintenir l’union, qui a toujours persévéré depuis. L’occasion de cette assemblée fut, que sur la fin de l’année précédente 1558 étant Antoine de Chandieu envoyé par l’Église de Paris à l’Église de Poitiers pour quelque affaire, et même pour rendre témoignage de certain personnage dont ceux de Poitiers étaient en peine, le temps portait lors que la sainte Cène fut célébrée en cette Église là: que se fit en très grande assemblée, non seulement, de peuple, mais aussi de ministres circonvoisins, qui s’y trouvèrent: et après la célébration de la Cène, les ministres étant assemblés communiquèrent par ensemble tant de la doctrine, que de l’ordre et discipline entre eux observée, et par les choses qu’ils traitaient commencèrent à appréhender quel bien ce serait s’il plaisait à Dieu que toutes les Églises de France dressassent d’un commun accord une confession de foi, et une discipline ecclésiastique: comme au contraire, cela ne se faisant, les grands maux qui pourraient survenir, et divisions tant en la doctrine, qu`en la discipline, les églises n’étant liées ensemble, et régnées sous un même joug d’ordre et de police ecclésiastique. Partant cette petite assemblée qui était là donna alors charge audit de Chandieu d’en communiquer à l’Église de Paris, pour voir s’il y aurait moyen de pouvoir procurer aux Églises un tel bien pour l’avenir, sans lequel elles semblaient être menacées beaucoup de confusions. Ce rapport étant fait à l’Église de Paris, après infinies incommodités surmontées, étant les Églises averties par lettres de ce qui était mis en avant touchant le Synode national, pour avoir leur avis, fut conclu que ledit Synode serait tenu à Paris, non pour attribuer quelque prééminence ou dignité à cette Église là, mais pour être lors la ville plus commode pour recevoir secrètement beaucoup de ministres et Anciens. Ainsi le Synode se tint à Paris, et y furent dressées tant la confession de foi que la discipline ecclésiastique, comme nous avons dit. THÉODORE DE BÈZE, Histoire Ecclésiastique des Églises Réformées au Royaume de France.

31. Les signes de « la bête » (1559-1566) : JOHN KNOX, History of the Reformation in Scotland« Chacun de ces points étant suffisamment élucidé, il [Knox] aborda l’antithèse; et reprenant ses remarques sur le texte [Daniel, 7], il montra que l’Esprit de Dieu, dans le Nouveau Testament, donne à ce roi d’autres noms, à savoir, « homme de péché », « prostituée de Babylone », « Antichrist ». Il montra comment cet homme de péché ou Antichrist ne se limitait pas à la personne d’un seul homme, pas plus que, par la quatrième bête, il ne fallait comprendre un empereur particulier. Par ces noms, l’Esprit de Dieu mettait en garde ses élus contre un corps et une multitude ayant un chef maléfique, qui non seulement pécherait lui-même mais serait aussi une occasion de péché pour tous ceux qui lui seraient assujettis (tout comme le Christ est cause de justice pour tous les membres de son corps); et on l’appelle l’Antichrist, c’est-à-dire contraire au Christ, parce qu’il lui est opposé par sa conduite, sa doctrine, ses lois et ses sujets. Puis il se mit à analyser la vie des divers papes et celle des tonsurés en général ; il prouva clairement que leur doctrine et leurs lois sont contraires à la doctrine et aux lois de Dieu le Père et du Christ Jésus, son Fils. Cela, il le prouva en comparant la doctrine de la justification telle qu’elle s’exprime dans les Écritures, qui enseignent que l’homme est « justifié par la foi seule », que « le sang de Jésus-Christ nous lave de tous nos péchés » ; et la doctrine des papistes, qui attribue la justification aux œuvres de la loi, davantage, aux œuvres inventées par l’homme, tels que pèlerinages, pardons et pareilles sornettes... En traitant des signes de la Bête donnés dans le texte, il pria de considérer si ces signes: « Il se lèvera une tête différente des autres dont la bouche parlera avec arrogance », pouvaient s’appliquer à quelqu’un d’autre que le pape et son royaume. Car, dit-il, si ce ne sont pas des paroles arrogantes et blasphématoires que de parler du « successeur de Pierre », du « Vicaire du Christ », du « Chef de l’Église », « Très saint », « bienheureux », « infaillible ».. si ces paroles et bien d’autres qu’on peut trouver dans le droit canon ne sont pas arrogantes et blasphématoires, et inouïes chez aucun mortel jusqu’ici, que le monde en juge. Pourtant, dit-il, voici le signe le plus évident de tous : « Jean, dans l’Apocalypse, dit que cette prostituée de Babylone fera marchandise, entre autres choses, des corps et des âmes. Eh bien! que les papistes jugent eux-mêmes si jamais quiconque avant eux ne s’est arrogé le droit de relaxer les peines des âmes en purgatoire, comme ils affirment au peuple qu’ils le font tous les jours par les mérites de leur messe et autres balivernes »

32 Portrait de John Knox (1514-1572), peinture du XVIe siècle.

33A Portrait d'Henri VIII (1491-1547) Peinture de Hans Holbein Le Jeune (1497-1543).

33B Portrait d’Henri VIII (Jonathan Rhys-Meyers) pour la série anglaise Tudors (2007).

34 Acte pour la Soumission du clergé et Acte de Suprématie (1534)Acte pour la Soumission du clergé« Par lequel les sujets humbles et obéissants du Roi, le clergé de ce royaume d'Angleterre reconnaissent, qu'en vérité, les assemblées de ce même clergé sont, ont et doivent toujours être convoquées uniquement par le commandement du Roi et aussi, se soumettant à la majesté du Roi, ont promis que, désormais, ils ne voteront ni promulgueront ni exécuteront de nouveaux canons sans que sa Majesté ait donné son autorisation pour cela. [...] Que cela soit ainsi arrêté par le Parlement ici présent, selon la dite soumission et les dites pétitions du dit clergé. [...] Et qu'il soit également arrêté par l'autorité susdite qu'aucun appel ne sera entendu, initié ou fait hors de ce royaume [...] par l'évêque de Rome ni par le Saint-Siège […], mais que tous les appels de quelque nature ou de quelque caractère que ce soit doivent être faits et poursuivis à l'intérieur de ce royaume. […] Et, en cas d'absence de justice dans les cours des archevêques de ce royaume, les plaignants pourront faire appel à Sa Majesté, à la cour royale de Chancery. Et, que pour chaque appel, une commission de juges sera nommée par Sa Majesté […], et que tout jugement et décision que décideront et décréteront les dits juges seront valables, effectifs et définitifs, et qu'aucun appel ne pourra être fait auprès de ces juges pour la même cause. »Acte de Suprématie« Étant donné que Sa Majesté le Roi doit être, en vérité, et est réellement le chef suprême de l'Église d'Angleterre, et qu'il est reconnu comme tel par le clergé de ce royaume dans ses assemblées ; néanmoins, afin de confirmer et de corroborer ceci, et pour l'accroissement de la vertu dans la religion du Christ, dans ce royaume d'Angleterre, et afin d'y réprimer et d'y extirper toute les erreurs, les hérésies et autres énormités et abus jusqu'ici trouvés, l'autorité du Parlement ici présent déclare que le Roi, notre seigneur souverain, est accepté et réputé seul chef suprême de l'Église d'Angleterre sur terre, appelée Anglicana Ecclesia, comme le seront ses héritiers et ses successeurs, également rois du royaume, et qu'il détiendra et usera de tout le pouvoir et de toute l'autorité attachés à cette couronne pour visiter, réprimer, redresser, réformer, ordonner, corriger, restreindre et amender toutes ces erreurs, hérésies, abus, offenses et énormités quelles qu'elles soient. »

35 Édouard VI (1537-1553) lors de son accessionau trône. Peinture de l'école anglaise. XVIe siècle.

36 Un luthérien présumé mis à la question par le tribunal de l’Inquisition espagnole (1569)

En l'audience du matin de la sainte Inquisition de Tolède, le 19 du mois d'août de 1569 devant les seigneurs inquisiteurs, Juan Beltràn de Guevara et Don Pedro Velarde fut amené Francisco Robert.Interrogé sur ce qu'il avait dit au sujet des saints et de la messe et sur ce qu'il s'était moqué des moines, ce qui, d'après les témoins permet de présumer qu'il adhère aux erreurs de Luther [...], il ne sut répondre autre chose que: “Je l'ai dit mais je ne le crois pas. ”Interrogé de nouveau sur le fait qu'il semblait auxdits seigneurs inquisiteurs qu'il ne disait pas la vérité et que pour cette raison il serait mis à la question, admonesté de dire la vérité pour l'amour de Dieu, il a répondu: “J'ai déjà dit la vérité. ” En conséquence, nous avons condamné ledit Francisco Robert à subir le tourment de l'eau et des cordes selon la forme accoutumée, et nous l'avons averti que s'il en mourait, ou si un membre était cassé, la faute lui en incomberait et non à nous [...]. Interrogé à nouveau pour qu'il dise la vérité, il a répondu: “Je ne sais quoi dire. ” Il fut ensuite amené à la chambre de torture et dénudé. Admonesté encore de dire la vérité pour l'amour de Dieu, il dit: “ Je ne sais pas ce que veulent dire vos seigneuries. ” Ensuite, il fut assis sur un banc et on commença à lui lier les bras avec la corde et la corde reçut un tour de serrage. Il dit: “ O Seigneur Dieu. ” Après un deuxième tour de corde il dit: “Que voulez-vous que je dise, je suis le serviteur de Vos Seigneuries. ” Au troisième tour de corde, il ne dit rien. Au cinquième tour, rien. Au sixième tour, il dit: “ J'ai dit la vérité, je dis la vérité ”, puis il se tut [Au total, treize tour de corde sont infligés; à la fin l'accusé dit : “ J'étais fou, j'étais ivre, je ne savais pas ce que je disais ”.]Ensuite ledit Robert fut étendu sur le chevalet. Admonesté de dire la vérité, il déclara: “Mon père et ma mère m'ont enseigné ce que disent vos seigneuries. Je ne sais quoi dire d'autre. ” Ensuite, il fut lié sur le chevalet, par les bras, les genoux, et les cuisses, avec un garrot sur chaque lien, et la tête attachée. Il commença à pleurer et pour l'inciter à dire la vérité on donna un tour de corde au garrot du bras droit, puis à celui du bras gauche. Il poussa des cris et gémit : “Adieu, Vierge Marie. ”[…] Ensuite, lui fut ingurgitée une jarre d'eau. Admonesté à nouveau de dire la vérité, il répondit : “ Je renie mon père et ma mère. ” Interrogé pourquoi il reniait son père et sa mère, il dit son Pater Noster, et qu'il n'en savait pas davantage. Après ingurgitation d'une nouvelle jarre d'eau, il dit : “Laissez-moi aller au monastère, que je prie Dieu pour Vos Seigneuries ”, puis qu'il irait se jeter dans un puits.Les seigneurs inquisiteurs, le voyant en cet état, décidèrent d'interrompre la question, et le firent détacher de ses liens.