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Page 1 sur 14 ELEMENTS DE REFLEXION SUR LE PROJET DE CANDIDATURE DE LA MARTINIQUE COMME SITE DU PATRIMOINE MONDIAL Remarques générales Le titre actuel "Forêts et volcans de la Martinique" est suivi de deux sous-titres, ce qui est beaucoup. Le premier sous-titre est plus précis que le titre lui-même: "Massifs forestiers et espaces sommitaux des volcans de la Martinique". Il y aurait presque une contradiction entre ces deux niveaux puisque le titre fait penser que l'on va prendre en compte tout le volcanisme et toutes les forêts de l'île, ce qui est réduit dans le libellé du sous-titre. L'esquisse de délimitation du Bien est conforme au titre, ce qui génère un Bien en grappe ou en série. La question doit donc être posée de la prise en compte d'une part de 6 ensembles, d'autre part à l'intérieur de ces ensembles, tous les espaces sont ils du niveau du patrimoine mondial ? Faut-il vouloir intégrer tous les éléments du volcanisme et des espaces forestiers ou faut-il se limiter à quelques espaces clés? Ces questions se posent tant au niveau de la VUE que de l'intégrité ou de la protection ou encore de la gestion. Le second sous-titre "Un monument naturel archipélique" renvoie à la conception de l'écrivain Edouard Glissant sur une pensée non systématique et intuitive. Hors de son contexte (c'est-à- dire dans ce sous-titre), il y a des risques de mauvaise interprétation par les experts internationaux qui pourraient d'une part s'interroger sur la pratique d'une approche intuitive pour un dossier patrimoine mondial, d'autre part sur le sens même d'"archipélique" dans le cas de l'arc antillais.

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Page 1: patrimoinemondial.airesprotegees.frpatrimoinemondial.airesprotegees.fr/files/2014/07/Note … · Web viewLe premier sous-titre est plus précis que le titre lui-même: "Massifs forestiers

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ELEMENTS DE REFLEXION SUR LE PROJET DE CANDIDATURE DE LA MARTINIQUE COMME SITE DU PATRIMOINE MONDIAL

Remarques générales

Le titre actuel "Forêts et volcans de la Martinique" est suivi de deux sous-titres, ce qui est beaucoup.

Le premier sous-titre est plus précis que le titre lui-même: "Massifs forestiers et espaces sommitaux des volcans de la Martinique". Il y aurait presque une contradiction entre ces deux niveaux puisque le titre fait penser que l'on va prendre en compte tout le volcanisme et toutes les forêts de l'île, ce qui est réduit dans le libellé du sous-titre.L'esquisse de délimitation du Bien est conforme au titre, ce qui génère un Bien en grappe ou en série.La question doit donc être posée de la prise en compte d'une part de 6 ensembles, d'autre part à l'intérieur de ces ensembles, tous les espaces sont ils du niveau du patrimoine mondial ? Faut-il vouloir intégrer tous les éléments du volcanisme et des espaces forestiers ou faut-il se limiter à quelques espaces clés? Ces questions se posent tant au niveau de la VUE que de l'intégrité ou de la protection ou encore de la gestion.

Le second sous-titre "Un monument naturel archipélique" renvoie à la conception de l'écrivain Edouard Glissant sur une pensée non systématique et intuitive. Hors de son contexte (c'est-à-dire dans ce sous-titre), il y a des risques de mauvaise interprétation par les experts internationaux qui pourraient d'une part s'interroger sur la pratique d'une approche intuitive pour un dossier patrimoine mondial, d'autre part sur le sens même d'"archipélique" dans le cas de l'arc antillais.

Le second sous-titre devrait guider le travail de réflexion pour le dossier.

Analyse des éléments du dossier

Définition du territoire

Le territoire proposé semble très ambitieux avec des questions qui doivent être résolues si il devait être retenu tel quel:- certains territoires ne semblent pas au même niveau que d'autres (valeur patrimoniale)- un Bien en grappe ou en série n'est pas une addition de valeurs des éléments de la grappe mais chaque élément doit à la fois démontrer sa VUE et le tout doit démontrer une VUE ajoutée et cohérente (ceci manque dans la démonstration actuelle)

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- les "couloirs de biodiversité" ne permettent pas des relations entre tous les éléments; il faudrait d'ailleurs un développement précis décrivant les fonctionnalités de ces couloirs.- le territoire potentiel proposé doit maintenant être critiqué sur les bases d'analyses scientifiques plus fines avant d'être confronté aux outils de protection et de gestion

Le principe d'utilisation des zonages de la Charte du PNRM (cf. les 3 cartes disposées côte à côte) est bien entendu excellent puisqu'il prend en compte à la fois des valeurs déjà évaluées et qu'il renvoie à un document clé de gestion. Il conduit toutefois à une dispersion des territoires qui rend peu lisible l'unité patrimoniale du Bien proposé.L'autre question qui se pose st celle de l'homothétie qui existerait entre zones d'intérêt majeur et zones éligibles au patrimoine mondial.Il conviendrait donc de critiquer ce point de départ pour en vérifier la pertinence à une autre échelle (celle du patrimoine mondial).

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Les critères proposés

Critère vii

L'argumentaire repose pour le moment sur un texte littéraire qui ne pourra suffire à valider ce critère.Il existe des documents qui constitueraient une base pour un travail plus précis: l'atlas des paysages de la Martinique a défini d'une part les ensembles et unités paysagères, d'autre part listé des paramètres permettant de qualifier les paysages (cf. ci-dessous)

La VUE liée à ce critère semble difficile à démontrer sauf à renvoyer aux aspects culturels (histoire des Hauts et des esclaves, éruption de 1902...).Il ne faudra pas sous-estimer le fait que ce critère sera évalué par des experts de l'UICN qui le feront avant tout sur la base étroite de la définition décrite dans les Orientations (Unesco, 2013): "représenter des phénomènes naturels remarquables ou des aires d’une beauté naturelle et d’une importance esthétique exceptionnelles".L'utilisation de la méthode LCA (Landscape Chararacter Assessment) mise en œuvre par le Royaume Uni, propose une méthodologie permettant de décrier et d'évaluer les valeurs (cf. le site de la Countryside Commission).

Notons enfin que l'hydrologie est un élément fort du territoire martiniquais avec les cascades et chutes qui constituent un lien entre les 4 critères retenus: il devrait être mis en avant.

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Critère viii

Comme pour le Bien "Pitons, cirques et remparts de l'île de La Réunion", le projet de dossier devra être prudent sur la mise en avant de ce critère. Le rapport "Volcanoes" de l'UICN ne mentionne la Martinique que pour l'aspect iconique de la Montagne Pelée.On notera que l'argument se référant au types volcanique (type péléen) n'est pas pris en compte dans l'étude ci-dessus. Il peut s'agir d'une lacune ou d'une erreur mais cela doit de toutes façons rester à l'esprit dans le développement du dossier.

Les argumentaires scientifiques concernant l'arc antillais devront avoir pour corollaires des éléments patrimoniaux directement lisibles, pas seulement des écrits universitaires.Le Bien en grappe ou en série se justifie peut être plus pour ce critère que pour les ix et x (on peut lire toute ou presque toute l'histoire géologique de ce morceau de l'arc antillais). Il faudrait donc se poser la question de complémentarité des aires séparées pour le domaine biologique: quel niveau de relation ou d'intérêt (espèces, habitats...)?Ce critère devrait aussi être mieux mis en relation avec les autres critères, notamment vii, et x.

Critère ix

Il faudra se souvenir de la critique très ferme de l'UICN sur les processus évolutifs dans le Bien "Pitons, cirques et remparts de l'île de La Réunion".Le rapport d'expertise à redit que les processus de spéciation, de radiation...observé et décrits n'étaient pas exceptionnels dans le cas d'une île certes plus isolée car océanique que ne l'est la Martinique.Il faudra certainement disposer ici d'une étude comparative précise sur des processus concernant des espèces comparables.

Critère x

Les Caraïbes sont considérées comme un des 34 hotspots de biodiversité.Il faudra donc démontrer en quoi la Martinique y contribue.

La faune doit être prise en compte surtout pour les espèces endémiques menacées.Les oiseaux (180 espèces) pourraient être le domaine le plus pertinent pour la conservation d'espèces menacées plus que pour la diversité d'espèces. Il convient en effet de noter ce qu'écrit BirdLife pour l'IBA Martinique: "L'avifaune est relativement pauvre pour une région tropicale".La Martinique est incluse dans la zone d'endémisme "Petites Antilles" (EBA 030) et compte 18 des 33 espèces à distribution restreint, dont une espèce endémique classée menacée au niveau mondial, Icterus bonana, Oriole ou Carouge de la Martinique (VU).Certaines espèces de l'avifaune au statut de conservation difficile (cf. Pterodroma hasitata, Pétrel diablotin (EN)) sont des espèces marines mais dont une partie de l'habitat dépend de biotopes terrestres, notamment dans les Hauts.La Martinique étant située sur un couloir de migration, il faudrait en évaluer l'importance sur la définition du territoire (10 sur 13 sont des oiseaux marins).Les invertébrés constituent certainement un potentiel important mais comme partout il sera difficile de disposer de données tant le domaine est vaste et peu connu

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La flore est certainement à prendre en compte pour soutenir une validation du critère: 2960 espèces, 396 arbres (56 en danger, 12 en danger total d'extinction) dont 20% d'endémiques des Petites Antilles, 196 phanérogames menacés.Il faudra développer un argumentaire au delà des espèces pour mieux apprécier les ensembles (forêt semi sèche, forêt hygrophiles, forêt d'altitude...).

Les risques menaçant ce patrimoine biologique devront être décrits:- morcellement des milieux- défrichements- chasse et braconnage (32 espèces de l'avifaune sont considérées comme gibier dont des endémiques)

Le critère x semble donc le plus apte à soutenir une VUE,. C'est d'ailleurs ce que retient l'UICN dans son rapport "La biodiversité terrestre et la Liste du patrimoine mondial". En effet la Martinique figure parmi les 78 aires protégées les plus irremplaçables pour la conservation des espèces d’amphibiens, d’oiseaux et de mammifères du monde entier. Elle n-y figure pas au titre des 100 aires protégées pour toutes les espèces mais au titre des 100 AP pour les espèces menacées.

Etude comparative

Le dossier conclut très rapidement sur l'impossibilité de comparer le volcanisme martiniquais avec les sites inscrits sur la Liste:

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Cela ne peut être suffisant. Il faut au minimum, dans un premier temps, analyser ce que dit le rapport "World Heritage Volcanoes" (UICN, 2009) qui décrit les lacunes de la Liste. Il faut aussi regarder ce qui existerait comme dossier traitant du volcanisme dans les Listes indicatives. Enfin il faut se poser la question de volcans qui ne sont pas sur ces Listes mais qui présenteraient un intérêt patrimonial majeur.

Pour les critères ix et x, la notion d'endémisme ne peut justifier à elle seule leur validation dans le cadre de la VUE du projet. C'est un des éléments mais la comparaison avec des ordres de grandeur trouve vite ses limites. Il serait intéressant de resituer La Martinique au sein des 100 espaces où se trouvent les espèces les plus menacées puisque c'est à ce titre que le rapport "La biodiversité terrestre et la Liste du patrimoine mondial" (UICN, 2013) suggère une étude de faisabilité d'un projet martiniquais.

Enfin, il manque une étude comparative pour le critère vii. L'analyse notamment de l'Etude sur l'application du critère vii" (UICN, 2013) permettrait de mieux comprendre ce qui a retenu l'attention des experts pour les sites inscrits à ce titre, dont certains avec ce seul critère.

Menaces

Risques naturels

Le dossier devra préciser d'une part les risques existants ou potentiels, d'autre part les moyens mis en œuvre pour les connaître, les prévenir et y remédier:- volcanisme/observatoire permanent/alerte- cyclones/alerte- sismicité/observatoire permanent/alerte- mouvements de terrain/études/réglementation- inondations/alerte- espèces animales et végétales envahissantes/études/actions

Risques anthropiques

Le dossier devra décrire précisément des différentes menaces existantes ou potentielles concernant le Bien proposé.La Charte du PNRM en décrit un certain nombre:"L'insularité et notamment l'exiguïté de l'espace martiniquais permettent difficilement de juguler les effets néfastes d'une forte pression humaine et d'une occupation croissante de l'espace liées à l'évolution des modes de vie. L'existence de nombreux espaces naturels, mais aussi agricoles, garants du maintien d'une biodiversité naturelle, se trouve ainsi clairement menacée. Ce risque est d'autant plus marqué que les milieux naturels sont pour la plupart de taille réduite et que leur morcellement excessif condamne à terme la plupart de leurs fonctionnalités. Cette évolution extrêmement rapide des modes de vie, marquée notamment par la diffusion d'un modèle occidental de consommation, provoque également une rupture culturelle. L'alliance traditionnelle des hommes avec la nature et ses ressources est effectivement bouleversée, à l'instar des processus sociaux de transmission culturelle séculaires qui en assuraient la pérennité. Il en est de même pour certains liens de solidarité traditionnels. La spécialisation de l'économie insulaire autour d'une agriculture d'exportation et d'un tourisme de masse, facteurs de dépendance économique, de banalisation de l'espace et de

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folklorisation de la culture, trouve également ses limites, non sans avoir eu des effets néfastes pour le patrimoine local.L’exiguïté de l’île engendre en effet une exploitation intensive du territoire martiniquais, qui contribue fortement à le modifier et dont les menaces se ressentent aux différentes échelles suivantes : -à celle de la Martinique tout d’abord, où la concentration de près des trois quarts des hommes et des activités dans la plaine centrale et un mode de consommation qui tend à s’uniformiser suivant des normes occidentales sont à l’origine de dégradations très fortes des milieux liées à des pollutions diverses ; -à l’échelle du territoire du Parc Naturel Régional de la Martinique ensuite, dont les paysages se banalisent progressivement sous l’effet d’un étalement urbain croissant et diffus. L’emprise urbaine s’est en effet accrue de plus d’un tiers en seulement 10 ans, passant de 19.500 à 26.400 hectares de 1994 à 2004, alors que la population n’augmentait que de 7% au cours de la même période. La densité tous usages est donc passée de 19 habitants/hectare en 1994 à 14,9 habitants/hectare en 2004 ; -et enfin à l’échelle de certains sites, espèces et espaces particulièrement menacés et vulnérables, qui disparaissent progressivement sous l’effet de la consommation extensive de sols, due à une spéculation foncière grandissante, renforcée par les risques de «littoralisation», phénomène déjà en œuvre en métropole. La réglementation et le dispositif sur les 50 pas géométriques ne permettent pas de pallier ces menaces. " Charte 2012-2024 du PNRM.

Les projets de géothermie pourraient constituer aussi une menace sur l'intégrité du Bien. Il s'agit d'un enjeu majeur pour le développement de la transition énergétique de l'île qui devra être mesuré à l'aune du dossier patrimoine mondial.Sur les deux prospections effectuées, l'une ne concerne pas directement le projet (plaine du Lamentin) et elle est par ailleurs qualifiée de pas ou peu exploitable (chaleur de l'eau insuffisante). La seconde, celle de la Montagne Pelée et des Pitons du Carbet et d'Anse d'Arlet, qualifiée d'exploitable, concerne directement le Bien.

in Géosciences, n°11, 2011

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Le projet d'interconnexion avec La Dominique, point de production, serait une alternative.

Même si la géothermie n'est pas décidée, l'intérêt reste très fort au niveau des instances socio-économiques locales. Les projets pourraient donc activer et dans ce cas susciter les mêmes difficultés que celles rencontrées par le dossier 3pitons, cirques et remparts e l'île de La Réunion."La Martinique ayant toujours un volcanisme actif fait parti des zones ou la géothermie à encore de beaux jours devant elle." Rapport du Conseil économique et Social Régional de La Martinique, 2010

La question d'une politique cohérente alliant les moyens et les pouvoirs de l'Etat, des collectivités territoriales et du PNRM sera au cœur du plan de gestion du Bien proposé.

Protection

Le dossier démontre qu'il y a des outils voire des superpositions d'outils qui concernent le Bien proposé.On remarquera toutefois qu'il n'y a pas, concernant les valeurs naturelles, d'outil de protection de niveau national supérieur (parc national, réserve naturelle intégrale) ni d'ordre international (Ramsar, Réserve de biosphère).Pour rappel, les ZNIEFF sont des documents de référence et s'ils doivent servir à la mise en place d'outils réglementaire de protection, ils ne sont pas des outils de protection.

Concernant la protection des paysages, il faudra considérer attentivement la loi sur la patrimoine prévue pour le printemps 2015: les projets actuels proposent la suppression des sites inscrits ou leur transformation en sites classés. Si cela était confirmé, l'appui du Bien proposé sur des sites inscrits perdraient toute valeur.

Gestion

Le document n'aborde pas ce sujet. Même si la première question doit être la valeur scientifique et patrimoniale du Bien envisagé, on ne peut éluder la question de la gestion. Quel dossier de nomination pourrait être proposé sans un solide gestionnaire ou système de gestion ?

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La Martinique dispose de l'outil obligatoire aux termes de la loi sur les parcs nationaux, les réserves marines et les parcs naturels régionaux (loi de 2006): la charte. La nouvelle charte 2012-2024 couvre largement la construction du dossier patrimoine mondial en créneau temporel (pas de révision dans les 3-4 ans qui viennent) et disposent d'axes et orientations qui concernant les objets de la proposition."Axe 1 : Préserver et valoriser ensemble la nature en MartiniqueIl s’agit de poursuivre l’acquisition de connaissances scientifiques en élaborant une stratégie concertée avec d’autres acteurs afin de préserver l’ensemble des milieux naturels et les espèces les plus sensibles de la Martinique.Le Parc œuvrera pour l’amélioration du cadre de vie en promouvant, en partenariat avec les communes, un aménagement équilibré et respectueux des ressources patrimoniales et paysagères du territoire en partenariat avec les communes.Orientation 1-1 : poursuivre l’acquisition de connaissances scientifiques et le partenariat avec les autres acteurs dans le but de préserver l’ensemble des milieux naturels à enjeux de la Martinique Orientation 1-2 : valoriser l’identité paysagère de la Martinique " Charte 2012-2024 du PNRM

La question de la propriété publique et privée se posera (elle figure nommément dans le format des dossiers Unesco). Elle concerne notamment les espaces forestiers pour lesquels le poids de la propriété privée est très important.L'autre aspect de cette question de gestion est aussi lié au projet de 6 aires séparées: les aires du nord sont du ressort forestier public , celles du sud sont essentiellement du ressort privé."La multifonctionnalité de la forêt, à la fois réservoir de biodiversité, élément majeur du paysage, manteau protecteur des sols et élément déterminant de la qualité des eaux de surface, souligne les enjeux autour de la préservation des forêts humides, sèches et intermédiaires. Si la forêt publique représente 15.500 hectares environ, on estime que la forêt privée couvre 30.000 hectares et présente de grands enjeux s’agissant des formations végétales « mésophiles (intermédiaires) » et « xérophiles (sèches) ». Cette forêt privée est aujourd’hui peu connue et très peu gérée, ne bénéficiant d’aucune structure d’animation et de relais. Les formations « hygrophiles (humides) » sont quant à elles bien représentées en forêt publique, où elles font l’objet de mesures de protection très avancées, notamment avec la nouvelle réserve biologique et les projets de réserves biologiques en cours (Montagne Pelée, Pitons du Carbet). Un projet forestier global doit voir le jour à l’échelle de la Martinique, prenant en compte les statuts publics et privés de la forêt, avec comme objectif principal la préservation de la diversité forestière." Charte 2012-2024 du PNRM

Il faudra aussi prendre en considération ce qui pourrait ressortir de la loi d'avenir agricole en préparation, qui donnerait aux documents d'aménagement forestier le pas sur tout autre document y compris ceux relevant de labels ou classement internationaux."TITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES À LA FORÊTArt.29, I, 2 à 14 La révision de la gouvernance de la politique forestièreIl est instauré, dans un nouvel article L. 121-2-2, un programme national de la forêt et du bois (PNFB), visant à préciser les grandes orientations de la politique forestière (6°).À un échelon inférieur, des programmes régionaux de la forêt et du bois (PRFB), prévus à l'article L. 122-1, fusionnent des orientations régionales forestières et des plans pluriannuels de développement forestier (7°). Relayant et mettant en œuvre le PNFB au niveau régional, ils doivent veiller à une gestion durable des massifs forestiers et à leur renouvellement.Les relations entre ces PRFB et d'autres types de document de planification administrative sont précisées. Ainsi, doivent « tenir compte » de ces programmes l'ensemble des documents

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d'orientation produits par l'État et les collectivités, dont la liste sera précisée par décret, et qui auraient une « incidence » sur le secteur forêt-bois. La contrainte est plus forte encore pour les orientations régionales de gestion de la faune sauvage et de ses habitats et les schémas départementaux de gestion cynégétique, dont l'existence et le régime sont prévus par le code de l'environnement, qui doivent leur être « compatibles »." Projet de loi d'avenir agricole (état du texte au 1er août 2014).

Le PNRM apparaît comme l'outil essentiel de gestion d'un Bien patrimoine mondial. Il ne constitue toutefois pas à lui seul l'organe possible de gestion pour un certain nombre de raisons:- deux communes (Sainte Luce et Le Marin) n'ont pas approuvé la Charte, ce qui peut rendre délicat la gestion de la 6e aire dispersée du Sud- le PNRM n'a pas de pouvoir réglementaire ni de pouvoir de surveillance

Il s'agirait donc plutôt d'un système de gestion s'appuyant sur le PNRM, sur les documents d'aménagement du territoire (les zones naturelles remarquables sont pour l’essentiel déjà matérialisées dans le Schéma d’Aménagement Régional (SAR)) et avec l'aide des services de l'Etat en Région.

Gérard Collin

Président du Groupe de travail Patrimoine mondialUICN France

26 août 2014