« notre cerveau aime l’imprimé - paper chain forum · 2019-01-22 · le « multisense institute...

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peu à l’installation de celle-ci se- lon la psychologie de la percep- tion. L’imprimé, au contraire, présente des qualités fortes pour la construction de la marque. Ce qui est d’ailleurs dans la nature des choses : nous pouvons nous méprendre ou nous interroger, mais pas nous leurrer nous- mêmes. Le toucher est notre « sens du vrai », qui est intime- ment lié à la crédibilité et à l’es- time. Voilà pourquoi l’imprimé conserve toute sa valeur, même à l’ère de la digitalisation ! En dé- pit des prédictions répétées, l’imprimé n’est pas mort. Le sec- teur graphique en revient à ses fondamentaux. Et ses points forts tiennent moins à la rapidité qu’à la qualité émotionnelle. Nous le voyons dans le monde de l’édition. Des publications qui ne s’appuient pas sur l’actua- lité quotidienne, mais sur la qualité et l’émotion, se portent à merveille aujourd’hui.” Vous avez récemment étudié l’impact publicitaire de l’im- primé et de sa finition dans le cadre d’une méta-analyse. Comment vous y êtes-vous pris ? OLAF HARTMANN. “Dans le cadre de l’initiative « Creatura » de la « Fachverband Medienpro- duktion » (Association profes- sionnelle allemande des produc- teurs de médias), nous avons analysé plus de 300 études inter- nationales consacrées à l’in- fluence en termes publicitaires de l’imprimé et de sa finition. Ce travail a été mené sur une pé- riode d’une année, à l’issue de la- quelle nous avons compilé l’état actuel des connaissances sur l’impact de l’imprimé. Le corpus se composait aussi bien d’études scientifiques que d’enquêtes sec- torielles ou de rapports de meil- leures pratiques.” Quelles ont été les principales questions posées ? OLAF HARTMANN. “Les problématiques de départ ont été déduites des cinq dimensions du modèle ARIVA. Comment l’imprimé peut-il capter l’atten- tion de manière optimale ? Quel est son impact sur la mémorisa- tion, la crédibilité, l’estime et l’appétence d’achat ? Toute cam- pagne de marketing poursuit ces objectifs concrets. Ce métani- veau a été décortiqué jusqu’au plan des actions concrètes. En quoi l’imprimé rend-il les cam- pagnes plus efficaces et effi- cientes ? Comment contribue-t- il à bâtir la confiance dans la marque et sa notoriété ? Com- ment différencie-t-il les marques et les produits par rapport à la L’impact de l’imprimé « Notre cerveau aime l’imprimé » Monsieur Hartmann, pouvez- vous brièvement nous présen- ter le ‘Multisense Institute’ ? OLAF HARTMANN. “Depuis notre fondation en 2009, nous nous sommes spécialisés dans l’amélioration multisensorielle du marketing – du design jusqu’aux processus de vente en passant par la communication de la marque. Nous jetons des ponts entre la recherche et la pratique. La progression des connaissances dans les neuros- ciences et la psychologie a été ex- plosive ces 15 dernières années. En particulier dans le domaine de l’économie comportemen- tale, branche qui a connu une formidable impulsion depuis l’attribution du Prix Nobel à Daniel Kahneman en 2002. Une découverte importante est que notre cerveau perçoit plus rapi- dement les signaux multisenso- riels. Il les retient mieux et leur attribue une plus grande crédibi- lité. Une information particuliè- rement pertinente pour qui veut mettre en place une communi- cation efficace et fabriquer des produits attrayants. Notre insti- tut a entamé un partenariat avec Deutsche Messe AG visant à ras- sembler ce savoir et à le diffuser à travers des événements tels que le « Multisense Forum ». Ayant fait le constat que la demande dépassait le cadre de cette colla- boration temporaire, nous avons choisi de prolonger l’activité du « Multisense Institute » depuis 2012, sous la forme d’une agence de conseil en marketing.” Quel genre de conseils votre institut prodigue-t-il ? OLAF HARTMANN. “L’ac- cent est mis sur des questions de marketing très spécifiques. Comment la promesse d’une marque ou d’un produit se tra- duit-elle en stimuli multisenso- riels ? Comment améliorer l’at- tractivité de produits pour des groupes-cibles particuliers ? Quel est le papier le plus indiqué pour un certain mailing ? Quel type de finition correspond le mieux aux promesses véhiculées par un produit ? Quand em- ployer un vernis olfactif ? Nous optimisons le marketing en réfé- rence au modèle ARIVA – At- tention, Recall, Integrity, Value, Action. Car il s’agit de bien plus que de simplement attirer l’at- tention. Les clients doivent conserver le produit et le mes- sage publicitaire en tête, consi- dérer la marque comme crédi- ble, en apprécier la valeur et se sentir incités à acheter ou à réa- gir. Nous savons depuis Pesta- lozzi qu’une communication qui en appelle à plusieurs sens est « brain-friendly », c’est-à-dire qu’elle opère en harmonie avec les mécanismes du cerveau. Sa maxime « On apprend mieux avec la tête, le cœur et les mains » peut aussi se transposer au mar- keting. L’expérience multisenso- rielle génère compréhension, mémorisation et émotion – ce qui veut dire que son effet est aussi plus puissant. Les mé- thodes d’imagerie utilisées dans la recherche moderne sur le cer- veau confirment cette thèse. Avec cet enseignement majeur : notre cerveau aime l’imprimé ! ” Vous dites cela à l’ère de l’ad- diction au smartphone et à In- ternet ? OLAF HARTMANN. “Plutôt deux fois qu’une ! Des études ont démontré que nous assimi- lons les textes sur papier plus en profondeur et que nous les rete- nons mieux. La révolution nu- mérique ne va pas rattraper l’évolution humaine dans le fu- tur non plus. Les études stimu- lus-réponse montrent que notre activité cérébrale augmente d’un facteur 10 chaque fois qu’il est fait appel à un sens supplémen- taire : l’amplification multisen- sorielle a donc un effet exponen- tiel. L’imprimé est capable d’en- coder les messages à différents niveaux sensoriels : optique, acoustique, olfactif et surtout haptique (tactile). Les produits imprimés peuvent être saisis, au sens propre comme au figuré. Tous les contacts de médias n’ont pas la même valeur. Les différences qualitatives et psy- chologiques sont considérables. Il suffit de comparer les taux de réponse à une invitation selon qu’elle est envoyée par courriel ou adressée sur papier. Une chose que l’on oublie souvent : la publicité dans l’espace numé- rique monétise la confiance dans la marque mais ne contribue que Le « Multisense Institute pour le marketing sensoriel », à Remscheid, étudie scientifiquement les effets des différents canaux de communication et en tire des enseignements utiles pour les entreprises désireuses d’améliorer leur stratégie marketing et d’optimiser leur développement de produits. L’équipe constituée autour de son associé-directeur Olaf Hartmann a évalué dernièrement l’efficacité de la publicité imprimée à travers une méta-analyse de plus de 300 études internationales. Il en détaille quelques conclusions sur- prenantes à la faveur d’une interview. L’impact de l’imprimé Olaf Harttmann NOUVELLES GRAPHIQUES 10 14 NOUVELLES GRAPHIQUES 10 15 NG10-014_Reportage 24/12/18 13:04 Pagina 14

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peu à l’installation de celle-ci se-lon la psychologie de la percep-tion. L’imprimé, au contraire,présente des qualités fortes pourla construction de la marque. Cequi est d’ailleurs dans la naturedes choses : nous pouvons nousméprendre ou nous interroger,mais pas nous leurrer nous-mêmes. Le toucher est notre « sens du vrai », qui est intime-ment lié à la crédibilité et à l’es-time. Voilà pourquoi l’impriméconserve toute sa valeur, même àl’ère de la digitalisation ! En dé-pit des prédictions répétées,l’imprimé n’est pas mort. Le sec-teur graphique en revient à sesfondamentaux. Et ses pointsforts tiennent moins à la rapiditéqu’à la qualité émotionnelle.Nous le voyons dans le monde

de l’édition. Des publicationsqui ne s’appuient pas sur l’actua-lité quotidienne, mais sur laqualité et l’émotion, se portent àmerveille aujourd’hui.”Vous avez récemment étudiél’impact publicitaire de l’im-primé et de sa finition dans lecadre d’une méta-analyse.Comment vous y êtes-vouspris ? OLAF HARTMANN. “Dans lecadre de l’initiative « Creatura »de la « Fachverband Medienpro-duktion » (Association profes-sionnelle allemande des produc-teurs de médias), nous avonsanalysé plus de 300 études inter-nationales consacrées à l’in-fluence en termes publicitairesde l’imprimé et de sa finition.Ce travail a été mené sur une pé-

riode d’une année, à l’issue de la-quelle nous avons compilé l’étatactuel des connaissances surl’impact de l’imprimé. Le corpusse composait aussi bien d’étudesscientifiques que d’enquêtes sec-torielles ou de rapports de meil-leures pratiques.”Quelles ont été les principalesquestions posées ? OLAF HARTMANN. “Lesproblématiques de départ ontété déduites des cinq dimensionsdu modèle ARIVA. Commentl’imprimé peut-il capter l’atten-tion de manière optimale ? Quelest son impact sur la mémorisa-tion, la crédibilité, l’estime etl’appétence d’achat ? Toute cam-pagne de marketing poursuit cesobjectifs concrets. Ce métani-veau a été décortiqué jusqu’au

plan des actions concrètes. Enquoi l’imprimé rend-il les cam-pagnes plus efficaces et effi-cientes ? Comment contribue-t-il à bâtir la confiance dans lamarque et sa notoriété ? Com-ment différencie-t-il les marqueset les produits par rapport à la

L’ impact de l ’ imprimé

« Notre cerveauaime l’imprimé »

Monsieur Hartmann, pouvez-vous brièvement nous présen-ter le ‘Multisense Institute’ ? OLAF HARTMANN. “Depuisnotre fondation en 2009, nousnous sommes spécialisés dansl’amélioration multisensorielledu marketing – du designjusqu’aux processus de vente enpassant par la communicationde la marque. Nous jetons desponts entre la recherche et lapratique. La progression desconnaissances dans les neuros-ciences et la psychologie a été ex-plosive ces 15 dernières années.En particulier dans le domainede l’économie comportemen-tale, branche qui a connu uneformidable impulsion depuisl’attribution du Prix Nobel àDaniel Kahneman en 2002. Unedécouverte importante est quenotre cerveau perçoit plus rapi-dement les signaux multisenso-riels. Il les retient mieux et leurattribue une plus grande crédibi-lité. Une information particuliè-rement pertinente pour qui veutmettre en place une communi-cation efficace et fabriquer desproduits attrayants. Notre insti-

tut a entamé un partenariat avecDeutsche Messe AG visant à ras-sembler ce savoir et à le diffuserà travers des événements tels quele « Multisense Forum ». Ayantfait le constat que la demandedépassait le cadre de cette colla-boration temporaire, nous avonschoisi de prolonger l’activité du« Multisense Institute » depuis2012, sous la forme d’uneagence de conseil en marketing.”Quel genre de conseils votreinstitut prodigue-t-il ? OLAF HARTMANN. “L’ac-cent est mis sur des questions demarketing très spécifiques.Comment la promesse d’unemarque ou d’un produit se tra-duit-elle en stimuli multisenso-riels ? Comment améliorer l’at-tractivité de produits pour desgroupes-cibles particuliers ?Quel est le papier le plus indiquépour un certain mailing ? Queltype de finition correspond lemieux aux promesses véhiculéespar un produit ? Quand em-ployer un vernis olfactif ? Nousoptimisons le marketing en réfé-rence au modèle ARIVA – At-tention, Recall, Integrity, Value,

Action. Car il s’agit de bien plusque de simplement attirer l’at-tention. Les clients doiventconserver le produit et le mes-sage publicitaire en tête, consi-dérer la marque comme crédi-ble, en apprécier la valeur et sesentir incités à acheter ou à réa-gir. Nous savons depuis Pesta-lozzi qu’une communication quien appelle à plusieurs sens est « brain-friendly », c’est-à-direqu’elle opère en harmonie avecles mécanismes du cerveau. Samaxime « On apprend mieuxavec la tête, le cœur et les mains »peut aussi se transposer au mar-keting. L’expérience multisenso-rielle génère compréhension,mémorisation et émotion – cequi veut dire que son effet estaussi plus puissant. Les mé-thodes d’imagerie utilisées dansla recherche moderne sur le cer-veau confirment cette thèse.Avec cet enseignement majeur :notre cerveau aime l’imprimé ! ”Vous dites cela à l’ère de l’ad-diction au smartphone et à In-ternet ? OLAF HARTMANN. “Plutôtdeux fois qu’une ! Des études

ont démontré que nous assimi-lons les textes sur papier plus enprofondeur et que nous les rete-nons mieux. La révolution nu-mérique ne va pas rattraperl’évolution humaine dans le fu-tur non plus. Les études stimu-lus-réponse montrent que notreactivité cérébrale augmente d’unfacteur 10 chaque fois qu’il estfait appel à un sens supplémen-taire : l’amplification multisen-sorielle a donc un effet exponen-tiel. L’imprimé est capable d’en-coder les messages à différentsniveaux sensoriels : optique,acoustique, olfactif et surtouthaptique (tactile). Les produitsimprimés peuvent être saisis, ausens propre comme au figuré.Tous les contacts de médiasn’ont pas la même valeur. Lesdifférences qualitatives et psy-chologiques sont considérables.Il suffit de comparer les taux deréponse à une invitation selonqu’elle est envoyée par courrielou adressée sur papier. Unechose que l’on oublie souvent :la publicité dans l’espace numé-rique monétise la confiance dansla marque mais ne contribue que

Le « Multisense Institute pour le marketing sensoriel », à Remscheid, étudiescientifiquement les effets des différents canaux de communication et entire des enseignements utiles pour les entreprises désireuses d’améliorerleur stratégie marketing et d’optimiser leur développement de produits.L’équipe constituée autour de son associé-directeur Olaf Hartmann a évaluédernièrement l’efficacité de la publicité imprimée à travers une méta-analysede plus de 300 études internationales. Il en détaille quelques conclusions sur-prenantes à la faveur d’une interview.

L’ impact de l ’ imprimé

Olaf Harttmann

N O U V E L L E S G R A P H I Q U E S 1 014 N O U V E L L E S G R A P H I Q U E S 1 015

NG10-014_Reportage 24/12/18 13:04 Pagina 14

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ble dans de nombreux do-maines. Les jeunes surtout sontparticulièrement réceptifs à laqualité haptique et acoustique.Les disques vinyles sous po-chette et avec livret imprimé dé-passent les téléchargements entermes de ventes. Le streamingdigital a du succès. Mais lorsqueles gens s’approprient la mu-sique et souhaitent établir unlien émotionnel avec celle-ci, ilsdemandent à pouvoir toucher.L’effet de l’imprimé ne faiblitpas non plus dans le marketing.Les coûts d’un mailing sont dis-suasifs dans un premier temps.Mais à y regarder de plus près, lerapport coûts/avantages est im-battable. Jochen Schweizer,fournisseur de bons-événementsbien connu en Allemagne, agrandi sur Internet, mais il y atouché les limites de sa crois-sance. Seul l’investissementdans des mailings papier lui apermis d’engranger une nou-velle progression. L’imprimé estle canal le moins cher de tous entermes de coûts par commande.Quand Aldi a voulu faire deséconomies sur ses encarts publi-citaires dans le « Bild », le reculde clientèle fut immédiatementmesurable. Ce n’est qu’aprèsleur retour dans le quotidienque les clients ont retrouvé lechemin des magasins. Le papiernous touche ; il nous met enmouvement. Les gens ne sontpas uniquement motivés par desobjectifs d’efficience ; ils sontencore et toujours socialisésd’une manière multisensorielle.Ils continueront à l’avenir d’at-tacher une grande importanceau fait de pouvoir faire l’expé-rience du monde à travers tousleurs sens. Le développementcognitif reste un processus mul-tisensoriel.”

Quelles sont les implicationspour les fournisseurs de tech-nologies dans le domaine del’imprimerie et du papier ? OLAF HARTMANN. “L’in-dustrie doit développer des tech-nologies qui contribuent à ac-centuer la charge émotionnellede l’imprimé. Produits indivi-dualisés, mécanismes d’ouver-ture raffinés, surfaces de hautequalité, papiers et cartons hautde gamme, mais aussi la possibi-lité de travailler avec des odeursassorties ou des structures desurface à l’acoustique intéres-sante, en sont quelques exem-ples. Le génie mécanique doitapporter sa contribution à l’ap-proche sensorielle des marqueset des produits – et ce à un prixabordable, naturellement. Etc’est exactement ce que l’indus-trie est occupée à faire. Elle pré-pare ses machines et ses systèmesà des changements de travauxplus fréquents afin de leur per-mettre d’enchaîner les courts ti-rages individualisés. Elle met enpermanence au point de nou-velles techniques d’ennoblisse-ment, des vernis à effets op-tiques au marquage à froid enpassant par des gaufrages dehaute qualité. Les constructeursde presses d’imprimerie et demachines à papier peuvent s’ap-puyer sur une longue tradition.Notre méta-analyse montre queces technologies ne sont en rienobsolètes et qu’elles continuentde jouer un rôle majeur dans lacommunication multicanal.”Pour en savoir plus, on peutcommander la méta-analyse dela « Fachverband Medienpro-duktion e.V. » (en anglais ou enallemand) sur le sitehttps://www.creatura.de/metaa-nalyse – imprimée sur papier,cela va de soi. ■

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concurrence ? Pensons à Apple,dont le packaging se reconnaîtimmédiatement même dans lapénombre. Le rôle de l’imprimédans les processus des ventesétait également au cœur de la re-cherche. Pour quels produits lestechniques d’ennoblissement envalent (ou n’en valent-elles pas)la peine ? Notre méta-analyse adébouché sur des enseignementstrès intéressants, mais avonsaussi découvert des zones viergessur la carte scientifique. En toutétat de cause, le résultat est parti-culièrement encourageant pourle secteur graphique.”Quelle fut à vos yeux laconclusion majeure de laméta-analyse ? OLAF HARTMANN. “Un en-seignement basique est que notrecerveau traite consciemment 40bits d’information par seconde,mais jusqu’à 11 millions de ma-nière inconsciente. Autrementdit, les décisions d’achat sontprises au niveau du ventre et sontjustifiées par la tête. Ce qui n’im-plique pas de facto qu’elles soientstupides ; l’instinct a après toutété déterminant dans notre évo-lution. Il a toutefois besoin decodes qu’il puisse déchiffrer. Jeprends un exemple tiré de l’unedes études que nous avons analy-sées. Les cobayes avaient le choixentre trois emballages pour unecrème de visage : un non traité,un doté d’une finition soft-touchet un avec un relief décoratif. Ilsont trouvé de prime abord que ledernier packaging était le plus at-tirant. Dans le processus d’achaten revanche, la solution douce autoucher arrivait en tête. Soncontact agréable véhiculait lemieux la promesse intuitived’une « peau de pêche », pour la-quelle les personnes étaient dis-posées à payer plus. Le compor-

tement n’est donc pas com-mandé par la perceptionconsciente, mais par l’interpréta-tion inconsciente de notre per-ception. Là est la clé d’un usageefficace de l’imprimé. Le but estde viser les filtres des consomma-teurs de manière à ce que leursdécisions soient régies par leurinstinct. L’imprimé, en tant quecanal porteur de crédibilité et deforce d’activation instinctives,contribue de manière significa-tive au succès des campagnescross-médias. Il rend en fait tousles autres canaux plus efficaces.”Ce message est-il entendu ? Lerapport numérique/analo-gique est-il en train de changerdans les budgets publicitaires ? OLAF HARTMANN. “Aprèsl’euphorie du numérique, cer-taines entreprises commencent àchanger leur fusil d’épaule. Ellesse rendent compte qu’elles ontfocalisé à l’excès leur mix médiassur le digital et que le rendementde leurs campagnes va déclinant.Il ressort de l’analyse de plus de3 200 campagnes que chaquecanal supplémentaire ajouté enaccroît l’efficacité – jusqu’à

35 %. D’où l’importance d’unerépartition intelligente des bud-gets. Le fait est que l’imprimé, latélé et la radio contribuent leplus au brand building. Les pro-phètes du numérique ont sou-vent présenté cette réalité sousun jour différent, et beaucouples ont suivis aveuglément. Laprudence, en l’occurrence, a étérécompensée. Le fabricant dechemises Olymp, par exemple, aconsacré 90 % de son budgetmédias au print sur les dix der-nières années. Et sur cette pé-riode, son chiffre d’affaires a aumoins triplé, passant de 80 à230 millions d’euros. Le capital-confiance et la crédibilité d’unemarque se créent à travers le motimprimé. Quand les médias im-primés leur consacrent quelqueslignes, même les youtubeurs in-fluents et les twittos les plus envue le prennent comme unemarque de reconnaissance.”La communication numériqueserait-elle dès lors totalementsurfaite ? OLAF HARTMANN. “Ilconvient de distinguer processuset communication. Les proces-

sus numériques sont plus ra-pides et plus souples. Ils peuventaussi être mis en œuvre à plusgrande échelle. Toutefois, le faitque le traitement numérique del’image soit désormais une va-leur établie n’implique pas pourautant qu’un écran plein depixels laisse une impression aussiforte qu’une image imprimée.Le cross-média est le maître-atout ; nos analyses ne laissentplaner aucun doute là-dessus. Letout est d’arriver à faire passerdes messages adéquats sur tousles canaux. Ikea, par exemple,continue d’imprimer des cata-logues, utilise la visualisation di-gitale dans la mise en page selonune approche du client différen-ciée par région (avec des cadresde vie différents) et mise de plusen plus sur la réalité augmen-tée.”Qu’adviendra-t-il de l’im-primé lorsque les « digital na-tives » en seront arrivés à l’ave-nir à ne plus remplir que despaniers électroniques ? OLAF HARTMANN. “En dé-pit de l’avancée du numérique,un retour à l’analogique est visi-

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Une découverte importante est que notre cerveau perçoit plus rapidement les signaux multisensoriels. Il lesretient mieux et leur attribue une plus grande crédibilité.

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