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UNIVERSITE DE PARIS 1 – PANTHEON SORBONNE INSTITUT DE RECHERCHE ET D’ETUDES SUPERIEURES DU TOURISME
« Les lieux de mémoire de la Résistance en région
Rhône-Alpes face à de nouveaux enjeux culturels et
touristiques. »
Mémoire professionnel présenté pour l’obtention du
Diplôme de Paris 1 – Panthéon Sorbonne
MASTER PROFESSIONNEL « TOURISME » (2e année)
Spécialité Valorisation Touristique des Sites Culturels
Loriane Gouaille
Volume 1. Texte et annexes
Directeur de mémoire : Michel Tiard
Session de juin 2010
2
Table des matières
Introduction _______________________________________________________________ 3
Partie 1 : La patrimonialisation et la mise en tourisme des lieux de mémoire de la
Résistance en région Rhône-Alpes _____________________________________________ 6
A. Naissance et valorisation des lieux de mémoire en région Rhône-Alpes_______ 6
a) Les lieux de mémoire, de la mémorialisation à la patrimonialisation __________________________ 6 b) La multiplicité des fondateurs et des enjeux des lieux de mémoire __________________________ 14 c) La valorisation des lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes : la diversité des situations 17
B. L’état des lieux du tourisme de mémoire en France ______________________ 22 a) Définition et naissance du tourisme de mémoire ________________________________________ 22 b) Les initiatives de valorisation du tourisme de mémoire ___________________________________ 25 c) L’avenir du tourisme de mémoire en danger ? __________________________________________ 28
Partie 2 : Le renouvellement nécessaire de l’offre des lieux de mémoire de la Résistance en
région Rhône-Alpes ________________________________________________________ 33
A. Les lieux de mémoire face à de nouveaux enjeux pédagogiques et touristiques 33 a) La disparition des témoins et de la mémoire vivante _____________________________________ 33 b) L’érosion de l’intérêt pour les lieux de mémoire : des lieux sans visiteurs ? ___________________ 36 c) Les conséquences pour les lieux de mémoire de la Résistance ______________________________ 42
B. Les initiatives des lieux de mémoire de la Résistance : une offre culturelle et
touristique renouvelée ___________________________________________________ 45 a) La mise en place de réseaux des lieux de mémoire de la Résistance _________________________ 45 b) La réorientation et l’élargissement des discours muséographiques __________________________ 48 c) L’appui du tourisme et de ses acteurs dans la promotion des lieux de mémoire ________________ 53
Partie 3 : Quel avenir pour les lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes ? ____ 58
A. La valorisation du pouvoir mémoriel des sites __________________________ 58 a) Les lieux de mémoire de la Résistance, avant tout des lieux du souvenir ? ____________________ 58 b) De nouvelles structures mémorielles : Montluc et la Maison Dugoujon ______________________ 62
B. L’innovation indispensable dans les lieux de mémoire ___________________ 67
a) La valorisation des témoignages oraux ________________________________________________ 67 b) La recherche de nouveaux outils de présentation et de compréhension _______________________ 72 c) Le travail de communication et de promotion___________________________________________ 76
Conclusion _______________________________________________________________ 80
Bibliographie _____________________________________________________________ 83
Annexes _________________________________________________________________ 90
3
Introduction
Chaque année, au mois de juin, la Normandie accueille des milliers de touristes et les
délégations officielles des pays ayant pris part au Débarquement en 1944. Plus de soixante-
cinq ans plus tard, cet événement est toujours commémoré en grande pompe par les chefs
d’états et les derniers soldats de la Seconde Guerre Mondiale. Les touristes sont nombreux,
visitant les plages du Débarquement, les cimetières et les autres lieux de mémoire qui
couvrent le territoire normand. Les journaux télévisés diffusent des reportages en direct, des
témoignages. Parfois, la juxtaposition d’images permet de prendre conscience du problème
majeur de la patrimonialisation et de l’ouverture au public des lieux de mémoire. En effet, très
souvent, les reportages montrent le recueillement, le deuil parfois de visiteurs sur les sites
alors que quelques mètres plus long, des touristes jouent les apprentis soldats, en tenues
militaires, des armes anciennes au poing. La mémoire face au loisir et au ludique ? Le
recueillement face au tourisme ? Les lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale
peuvent-ils donc devenir des lieux du tourisme de mémoire ?
La question des lieux de mémoire est de plus en plus d’actualité, réactivée par de grandes
polémiques telles l’adoption de la mémoire d’un enfant juif décédé pendant la Shoah par les
scolaires ou la lecture de la lettre du résistant Guy Moquet dans les collèges et lycées. Elle est
aussi devenue un objet d’histoire à part entière, suscitant colloques et ouvrages.
Le terme de lieux de mémoire a été forgé par l’historien Pierre Nora au cours des années 1980
lors de la publication des ouvrages Les lieux de mémoire1. Selon la définition de Pierre Nora,
les lieux de mémoire sont « des lieux où s’est incarnée notre mémoire nationale et qui, par la
volonté des hommes ou le travail des siècles, en sont restés comme les plus éclatants
symboles »2, des lieux où apparaissent la mémoire collective, les idées et mentalités d’un
peuple.
Les événements de la Seconde Guerre Mondiale ont donc permis la création des lieux de
mémoire, nombreux sur l’ensemble du territoire français : plages du Débarquement en
Normandie, villages martyrs, camps d’internement, lieux de résistance tels que les maquis de
1 NORA Pierre (dir.). Les lieux de mémoire. Paris : Gallimard, 1992, 3 t., 7 vol.
2 Voir supra, idem. La République. Paris : Gallimard, 1992, t.I, vol.1, p.7.
4
Rhône-Alpes. Ces lieux de mémoire se sont créés au fur et à mesure du temps et des visites
des Français pour célébrer la mémoire d’un défunt ou pour se remémorer des événements
dramatiques.
La visite de ces lieux de mémoire semble connaître un succès important. L’exemple le plus
représentatif de cet intérêt pour les lieux de mémoire est le Mémorial de Caen recevant
environ 400.000 visiteurs par an. Les lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale sont
devenus des atouts touristiques ou culturels importants pour certaines régions et font partie de
l’offre plus globale des lieux de mémoire comprenant aussi bien les zones de combat de la
Première Guerre Mondiale que les maisons de grands personnages.
La région Rhône-Alpes accueille, pour des raisons historiques, de nombreux lieux de
mémoire, liés spécifiquement au mouvement de la Résistance, aussi bien lieux de massacres
ou de tortures que lieux de combats. Dès la fin de la guerre, ces lieux de mémoire ont fait
partie des parcours du tourisme de mémoire. A partir des années 1990, ces lieux ont été
patrimonialisés et institutionnalisés, modifiant de même le panorama des lieux de mémoire
associatifs traditionnels.
Malgré leur succès apparent, les lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale et de la
Résistance, en particulier, sont aujourd’hui confrontés à des changements radicaux. La
question de leur avenir se pose de manière pressante. Le souvenir direct des événements de la
Seconde Guerre Mondiale est en train de s’effacer, alors que les derniers témoins
disparaissent. Une rupture cognitive entre la mémoire et les jeunes générations s’opère
actuellement. Cette rupture s’accompagne d’une méconnaissance des événements et donc, par
conséquent, d’un possible désintérêt pour la visite des lieux de mémoire et de leurs espaces
muséographiques. Les gestionnaires des lieux de mémoire de la Résistance se doivent de
trouver de nouveaux outils pour faire évoluer les sites, pour faciliter la compréhension des
événements ainsi que la diffusion des valeurs soutenues par la Résistance et, surtout, pour
continuer à entretenir la mémoire.
Ce travail de mémoire de Master professionnel se place donc dans cette problématique
générale, qui touche l’ensemble des lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale. Pour
des raisons pratiques, une sélection de lieux de mémoire de la Résistance a été opérée sur le
territoire rhônalpin. Le mémoire ne traite donc pas de l’ensemble des sites en lien avec la
Résistance mais uniquement des lieux de mémoire les plus caractéristiques et les plus visités.
5
Ainsi, de manière plus spécifique, le travail s’est appuyé sur la situation du Centre d’Histoire
de la Résistance et de la Déportation de Lyon dans le département du Rhône, du Mémorial de
la Résistance et du Musée départemental de la Résistance de Vassieux-en-Vercors ainsi que
du site de la Grotte de la Luire dans le département de la Drôme, du plateau des Glières et de
l’ensemble mémoriel de la nécropole nationale de Morette dans le département de Haute-
Savoie et, enfin, du Musée du XXe siècle d’Estivareilles dans la Loire.
Pour mener à bien ce mémoire, en plus d’un travail livresque préparatoire sur la notion même
de lieu de mémoire, chaque site sélectionné a été visité et étudié selon la même grille
d’analyse. Des contacts avec les gestionnaires ont eu lieu, de manière plus ou moins fréquente
selon leur temps et motivation. En outre, la durée longue de préparation de ce mémoire sur
deux ans a permis de participer à plusieurs colloques organisés à Paris et à Lyon sur la
question des lieux de mémoire et de leur avenir. Finalement, pour approfondir certains points
mis en avant par l’observation sur le terrain ou par les conférences entendues lors de
colloques, des entretiens ont été menés avec certains gestionnaires.
Ce travail a pour objectif de faire un panorama de la situation des lieux de mémoire de la
Résistance en Rhône-Alpes et sur le tourisme de mémoire. Il doit aussi offrir des pistes de
réflexion alors que l’évolution des lieux de mémoire est de plus en plus nécessaire. Pourquoi
les lieux de mémoire se trouvent-ils à un tournant ? Quelles peuvent être les solutions pour
réduire et freiner la rupture cognitive entamée parmi les nouvelles générations ? Comment
dépasser ce tournant mémoriel tout en continuant à transmettre la mémoire malgré l’absence
des véritables témoins ? Simplement, comment poursuivre la transmission mémorielle des
événements et des valeurs prônées par la Résistance à des générations qui n’ont pas vécu la
Seconde Guerre Mondiale et qui n’ont même pas connu une guerre sur leur propre territoire
national ?
6
Les sites de la Seconde Guerre Mondiale et de la Résistance en Rhône-Alpes sont
rapidement devenus, après la fin de la guerre, des lieux de mémoire, recevant des visiteurs.
Depuis les années 1990, ces lieux de mémoire ont vu le passage d’un tourisme de pèlerinage à
un tourisme de mémoire, permis par leur patrimonialisation et leur valorisation pédagogique.
Ces lieux sont donc aujourd’hui des objets d’histoire, de mémoire et de tourisme.
A. Naissance et valorisation des lieux de mémoire en région Rhône-Alpes
La région Rhône-Alpes, un des lieux de théâtre des événements de la Seconde Guerre
Mondiale, possède aujourd’hui un réseau de lieux de mémoire sur cette période et plus
spécifiquement sur les actions de la Résistance. La patrimonialisation et la mise en valeur
pédagogique de ces lieux de mémoire ont connu plusieurs périodes, selon les rebondissements
de la mémoire de la Résistance et selon les objectifs des créateurs.
a) Les lieux de mémoire, de la mémorialisation à la patrimonialisation
La mémorialisation des lieux d’histoire de la Seconde Guerre Mondiale et de la
Résistance a débuté très rapidement, grâce à l’action des associations d’anciens résistants.
Processus de mise en mémoire collective, elle a été activée par les acteurs même de la
Seconde Guerre Mondiale pour opérer une réconciliation du pays fragilisé par les années
noires du gouvernement de Vichy. La mémorialisation n’est pourtant pas allée de soi tout au
long de la deuxième moitié du XXe siècle, avant d’être finalement actée au début des années
1990 et de laisser place au processus de patrimonialisation des lieux de mémoire.
- La mémoire de la Résistance en France
Alors que l’histoire de la Résistance intervient assez rapidement après la guerre avec
des initiatives de collectes de documents écrits et de témoignages, la mise en mémoire de la
Seconde Guerre Mondiale et de la Résistance est, quant à elle, plus longue et plus tortueuse.
Partie 1 : La patrimonialisation et la mise en tourisme des lieux
de mémoire de la Résistance en région Rhône-Alpes
7
La mémoire de la Résistance est traversée de plusieurs rebondissements et connaît donc
plusieurs périodes entre 1945 et 20103 :
- Entre la fin de la guerre et jusqu’en 1971, le mythe résistancialiste est
prédominant. Les résistants sont vus comme des héros, la France comme un pays
de résistants. La collaboration et Vichy sont effacés des mémoires. L’immédiat
après-guerre requiert une réconciliation du pays avec le traumatisme de la défaite
de 1940 et la période du gouvernement de Vichy. Cette mémoire unifiée est
valorisée et protégée par le Général de Gaulle qui l’utilise sur la scène
internationale pour faire de la France un des pays forts de l’après-guerre.
- Au début des années 1970, « un temps de doute »4 se développe, pendant lequel la
Résistance française et sa mémoire sont attaquées. En 1971, Marcel Ophuls réalise
le film Le chagrin et la pitié qui relate les années de guerre dans une ville de
province avec des habitants en grande majorité proches de l’occupant allemand.
En 1972, George Pompidou gracie Paul Touvier, chef de la Milice à Grenoble. La
mémoire de la Résistance est attaquée, le mythe résistancialiste est remis en cause
par des ouvrages universitaires tels celui de Robert Paxton intitulé La France de
Vichy5. Le rôle de la France dans la politique d’extermination nazie est rappelé.
Cette période provoque alors ce que l’historien Henry Rousso nomme le
« syndrome de Vichy » 6
.
- En 1989, Daniel Cordier, ancien secrétaire particulier de Jean Moulin à Lyon,
publie une biographie historique7 sur l’ancien préfet et résistant, Jean Moulin,
l’inconnu du Panthéon, mettant fin aux rumeurs et attaques menées contre ses
actions pendant la guerre. Le travail de Daniel Cordier ouvre la voie aux historiens
et leur offre une possibilité de diffuser leurs travaux critiques face à la production
littéraire des anciens résistants se considérant comme les « gardiens du Temple ».
3 L’histoire de la mémoire de la Résistance commence a été très bien étudiée. Voir, entre autres, WIEVIORKA
Olivier. La mémoire désunie. Le souvenir politique des années sombres de la Libération à nos jours. Paris :
Seuil, 2010, 308 p. et DOUZOU Laurent. La Résistance française : une histoire périlleuse. Essai
d’historiographie. Paris : Seuil, 2005, 365 p. 4 Voir BARCELLINI Serge. L’intervention de l’Etat dans les musées des guerres contemporaines.
In BOURSIER Jean Yves (dir.). Musées de guerres et mémoriaux. Paris : Editions de la Maison des sciences de
l’homme, 2005, pp.42-48. 5 PAXTON Robert. La France de Vichy 1940-1944. Paris : Seuil, 1997, 475 p.
6 Sur la construction de la mémoire de la Seconde Guerre Mondiale, voir ROUSSO Henry. Le syndrome de
Vichy. Paris : Seuil, 1987, 383 p. 7 CORDIER Daniel. Jean Moulin, l'inconnu du Panthéon. Paris : Jean-Claude Lattès, 1989-1993, 3 vol.
8
La mémoire de la Résistance est donc maintenant concurrencée par le travail des
historiens qui écrivent l’histoire de la Résistance, utilisant des archives auxquelles
ils appliquent la méthode de la critique historique.
Néanmoins, cette unanimité mémorielle connaît quelques failles, renforcées par
l’omniprésence d’anciens résistants sur la scène politique et dans l’administration. La
mémoire de la guerre a été traumatisante, voire même conflictuelle. La mémoire de la
Résistance devient multiple.
Certains partis politiques, certaines grandes personnalités politiques ont tenté d’utiliser à leurs
profits les idéaux prônés par le mouvement de la Résistance et défendus par les réseaux
établis pendant la guerre. Le parti communiste, « le parti des fusillés », dénonce l’abandon des
résistants communistes dans certains maquis. Il essaye d’utiliser les mouvements de résistance
communistes pour gagner une légitimité sur la scène politique en pleine Guerre Froide alors
que le Général de Gaulle et le parti gaulliste veulent apparaître comme les seuls libérateurs du
peuple français. Ces revendications politiques de la mémoire de la Résistance s’amplifient à
partir des années 1960 et 1970, marquées par l’absence d’une mémoire officielle produite par
l’Etat et par la présidence de Georges Pompidou.
Ainsi, l’après-guerre est marquée par toute une série de mythes concurrentiels et partisans.
Cette diversité des mémoires de la Résistance explique que la patrimonialisation des lieux de
mémoire de la région Rhône-Alpes a connu plusieurs périodes de création.
- 1ère
période de création : les marques des lieux de mémoire après-guerre
Au sortir de la guerre, chaque lieu de répression, de meurtre ou de souffrance est mis
en avant, rendu unique. Ces lieux de mémoire sont alors signalés par l’installation de plaques
ou de monuments commémoratifs qui deviennent vite des lieux de rassemblement lors des
commémorations du souvenir8.
La fin de la guerre voit aussi la mise en place des grandes nécropoles sur les lieux de
massacres de résistants. Les grandes nécropoles ont été généralement installées sur les lieux
de combats de la Seconde Guerre Mondiale, pour recevoir les corps des soldats ou des
résistants. Par exemple, le Mémorial de la France combattante au Mont Valérien est inauguré
8 Pour une étude d’analyse des plaques et des monuments commémoratifs en souvenir des résistants lyonnais,
voir CARDON Cécilia. Quelles mémoires de la Résistance à Lyon ?. Mémoire de recherche sous la direction de
Laurent DOUZOU. Lyon : Institut d’Etudes Politiques, Université Lumière-Lyon II, 2004, 413 p. Disponible sur
Internet : <http://doc-iep.univ-lyon2.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/MFE2004/cardon_c/pdf/
cardon_c.pdf> (Consulté 10.02.10).
9
en 1960 par le Général de Gaulle. Lieu d’exécution des résistants parisiens, dont les résistants
du groupe Manouchian, le Mémorial a reçu les corps de 16 combattants (15 corps en 2010, le
seizième caveau est réservé au dernier compagnon de la Libération toujours en vie) de toutes
origines géographiques, religieuses ou politiques.
Dans la région Rhône-Alpes, les deux grandes nécropoles sont ainsi situées à côté des deux
grands maquis : le maquis des Glières et le maquis du Vercors. Les nécropoles, de même que
les grands cimetières en Normandie, ont été dès la fin de la guerre des destinations de visites
de familles parties en pèlerinage sur la tombe d’un proche. Aujourd’hui, elles sont devenues
des lieux de mémoire dont le souvenir est réactivé lors des grandes commémorations.
La nécropole de Morette, en Haute-Savoie, à quelques kilomètres d’Annecy, est créée en
1944. Alors qu’un officier allemand ordonnait d’enfouir les corps des résistants du maquis des
Glières dans une fosse commune, le maire de Thônes fit inhumer, contre les ordres, les corps
des résistants dans des cercueils et des tombes surmontées d’une croix de bois. Ainsi, la
nécropole a reçu les corps de 105 résistants fusillés sur le site même de Morette ou lors de
l’encerclement du maquis au plateau des
Glières. Cette création de fait d’une nécropole
fut entérinée par la venue du Général de
Gaulle dès novembre 1944 pour se recueillir
devant les tombes et par son inauguration en
1947 par le président de la République,
Vincent Auriol.
Nécropole nationale de Morette
Source : Photographie personnelle
La nécropole de Vassieux-en-Vercors, dans l’Isère, a été mise en place en 1948 pour
recevoir les corps des 187 résistants tués dans les attaques allemandes du maquis du Vercors.
Elle regroupe toutes les plaques commémoratives déposées par les associations d’anciens
résistants, un monument aux morts et une Salle du souvenir. Construite à l’initiative de
l’Amicale des Pionniers du Vercors, elle a aussi reçu en 1981 une Salle du Souvenir.
- 2e période : les initiatives individuelles ou associatives dès les années 1965
Face aux attaques, à l’utilisation partisane de la mémoire, à la présence médiatique de
résistants de la toute dernière heure, des plaques commémoratives sont installées et les
premiers musées de la Résistance sont créés en France et, plus spécialement dans la région
10
Rhône-Alpes9. Ces actions ne pouvaient être que des initiatives personnelles, individuelles,
face au silence mémoriel de l’Etat. Serge Barcellini, actuel contrôleur général des Armées,
appelle ces premiers musées des « lieux chauds »10
de la mémoire de la Résistance, dans
lesquels les anciens résistants tenaient une place importante et faisaient vivre leur propre
mémoire.
La nécropole de Morette voit la construction de deux structures : le Musée de la Résistance
en 1964 par l’Association des Rescapés des Glières et le Mémorial départemental de la
Déportation en 1965 par l’Union Nationale des Déportés, Internés et Familles de la Haute-
Savoie (UNADIF). Situés sur le site même du lieu de mémoire de la nécropole, les deux
nouveaux sites ont une fonction commémorative qui vient renforcer la fonction mémorielle de
la nécropole. De plus, le Musée départemental de la Résistance, installé dans un chalet
semblable à ceux occupés par les maquisards haut-savoyards, conserve, dans une sorte de
crypte, les croix de bois des tombes de la nécropole, enlevées entre 1960 et 1963 pour les
remplacer par des croix de bronze11
. Au cours des années 1970, peut-être face aux attaques
que connaît la Résistance sur la scène nationale, les deux structures évoluent vers plus de
professionnalisme. Le Musée de la Résistance est pris en charge par le département de Haute-
Savoie en 1978 et le Mémorial est installé dans un nouveau bâtiment construit en 1975, pour
le 30e anniversaire de la libération des camps.
Le Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors, dans la Drôme, est l’exemple le plus
représentatif de ces « lieux chauds ». Inauguré en juin 1973, il a été entièrement créé par
Joseph La Picirella, ancien maquisard du Vercors et du « 11e Cuir », collaborateur de Fernand
Rude au Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale. Après une collecte de
documents pendant plusieurs dizaines d’années, il a ouvert un musée dont il a rédigé
l’ensemble de la présentation historique et des cartels.
En 1984, le Musée départemental de l’Armée secrète et de la Résistance est créé par les
membres de l’Association de l’Armée secrète de la Loire qui ont collecté des objets et
9 Sur la naissance des musées de la Résistance dans la région Rhône-Alpes, voir MAUD Martin. Etude de
l’évolution des musées de la Résistance et de la Déportation en région Rhône-Alpes. Mémoire de Maîtrise
d’Information Communication. Lyon : Université Lumière Lyon II, 1993, 80 p. 10
Terme rappelé par Jean-Yves Boursier. Voir BOURSIER Jean-Yves (dir.). Musées de guerres et mémoriaux.
Paris : Editions de la Maison des sciences de l’homme, 2005, p.8-9. 11
Voir les photographies en annexe n°VIII.4.
11
documents. Le musée est consacré à l’Armée secrète et à la bataille d’Estivareilles d’août
1944 qui a permis l’arrêt des troupes allemandes dans le Haut-Forez.
Le plateau des Glières est un des lieux de mémoire de la Résistance situé dans le
département de la Haute-Savoie. Terrain de parachutage des Alliés, le plateau des Glières a
accueilli jusqu’à plus de 400 maquisards. Le 26 mars 1944, des troupes allemandes et des
miliciens français au nombre de 10.000 soldats encerclent le plateau et lancent une attaque. Le
bilan est macabre, tout en restant relativement faible au vu du nombre de soldats mobilisés :
129 maquisards et 20 résistants des vallées tués ou morts en déportation. Le 1e août 1944, le
plateau est de nouveau utilisé par les maquisards et reçoit des parachutages de résistants qui
permettent la libération de la Haute-Savoie.
Au printemps 1971, l’Association des Rescapés du plateau des Glières décide de construire un
monument commémoratif sur le plateau. Un concours est ouvert en 1971. Le projet d’Emile
Gilioli est choisi en 1972 et inauguré par André Malraux en septembre 1973. Le monument
est conçu comme une figure de proue dans le
paysage, orienté selon la direction générale du
plateau. Il se compose d’une forme triangulaire
et d’un cercle en suspension. L’intérieur est
laissé vide pour permettre le recueillement12
.
Le monument d'Emile Gilioli au plateau des Glières Source : Photographie personnelle
- 3e période de création : les initiatives institutionnelles des années 1990
Les années 1990, favorisées par le développement politique de la mémoire encouragé
par François Mitterrand, voient la création des lieux de mémoire de la Résistance à partir
d’initiatives institutionnelles.
L’Etat retrouve son rôle d’organisateur de la mémoire. La maison du docteur Dugoujon à
Caluire (Rhône) où fut arrêté Jean Moulin est inscrite à l’inventaire supplémentaire des
Monuments historiques en 1990, la Maison des enfants d’Izieu (Ain) en 1991. En 1994,
François Mitterrand vient inaugurer lui-même le Musée-mémorial des enfants d’Izieu,
12
Voir les photographies en annexes VII. Sur le projet d’Emile Gilioli, voir LE COZ Françoise. Etude des
projets d’Emile Gilioli, dessins et maquettes, en vue du Monument national de la Résistance au Plateau des
Glières. Mémoire de Maîtrise d’histoire de l’art. Paris : Université Paris IV Sorbonne, 1980, 72 p.
12
considéré comme une priorité nationale. Le contexte est favorable au développement des lieux
de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale et de la Résistance. Les cérémonies du
cinquantenaire du Débarquement en Normandie ont lieu en juin 1994.
Les municipalités et les régions se sentent le devoir de réactiver et de s’approprier la mémoire
en organisant de grandes cérémonies commémoratives, en créant de nouveaux musées très
différents des lieux de mémoire installés dans les années 1970. Des événements spécifiques à
la région Rhône-Alpes, avec comme événement fondateur le procès de Klaus Barbie à Lyon,
font de l’entretien de la mémoire de la Résistance un devoir civique alors qu’augmentent,
dans les universités lyonnaises, des attaques révisionnistes et négationnistes.
Ces « lieux froids »13
, comme les définit Serge Barcellini, se caractérisent par l’absence d’un
groupe social mémoriel. Même si les résistants sont encore présents au sein des associations
d’Amis des musées, ils ne sont plus les initiateurs de ces lieux de mémoire. La mémoire et
son entretien ont été confiés à des professionnels qui n’ont pas connu la Seconde Guerre
Mondiale, ni la Résistance. Le discours et les objectifs aussi ont évolué. En plus des objectifs
politiques des collectivités, les lieux de mémoire se doivent de mettre en avant des
préoccupations éducatives et pédagogiques. Les musées de la Résistance doivent ranimer la
mémoire. Plusieurs institutions et lieux de mémoire sont créés en l’espace de très peu de
temps, en Rhône-Alpes.
Le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon (Rhône) est inauguré
en octobre 1992 par le maire Michel Noir. Héritier d’un premier musée créé en 1967 par
Louis Pradel, ancien résistant et maire de Lyon, il est situé dans les anciens locaux de l’Ecole
de Santé Militaire, occupés par la Gestapo, entre le printemps 1943 et le 26 mai 1944, qui les
utilisait comme siège et lieu d’interrogatoires des prisonniers.
Le Mémorial de la Résistance de Vassieux-en-Vercors (Drôme), pièce maîtresse du Site
national historique de la Résistance en Vercors, est inauguré en juillet 1994 par le premier
ministre Edouard Balladur. Dès leur congrès en mai 1987, l’association Les Pionniers du
Vercors milite pour un projet de mémorial. Leur action est motivée par un besoin de mémoire
mais aussi par une volonté revancharde envers J. La Picirella et son musée, mis en place de
manière individuelle, sans aucun recours à l’association. Le projet relayé par le Parc naturel
13
Voir note 10, idem.
13
régional du Vercors qui en devient le maître d’œuvre alors que l’Etat aide financièrement à la
construction du mémorial au Col de la Chau, au dessus de Vassieux-en-Vercors. En plus de la
construction d’un équipement, le projet permet la création du Site National Historique de la
Résistance qui regroupe plusieurs autres lieux de mémoire situés sur le territoire du Parc.
Dans le département de Haute-Savoie, le conseil général décide de mener une politique
mémorielle intense avec la construction de plusieurs bâtiments d’accueil sur les différents
lieux de mémoire. Sur le plateau des Glières, un bâtiment est réalisé au printemps 2003 pour
permettre l’accueil des visiteurs et la tenue d’activités pédagogiques. Sur le site de la
nécropole de Morette, un autre bâtiment est construit au printemps 2004, à côté du Musée de
la Résistance et du Mémorial de la Déportation.
- Les sites de la Seconde Guerre mondiale en région Rhône-Alpes14
Chaque région française a connu les événements de la Seconde Guerre Mondiale, avec
des spécificités militaires et historiques, des personnalités régionales. La région Rhône-Alpes
est connue pour son rôle dans la Résistance avant 1942 et après l’invasion de la zone libre par
l’armée allemande. Lyon est souvent surnommée la capitale de la Résistance, le plateau des
Glières et le Vercors sont deux des maquis les plus importants de France. De grandes
personnalités ont été arrêtées, voire tuées dans la région : Jean Moulin, les époux Aubrac,
l’historien Marc Bloch.
Le rôle de la région dans les mouvements de Résistance justifie donc la nature des lieux de
mémoire et des musées consacrés à la Seconde Guerre Mondiale. Alors que la Normandie ou
la Provence possèdent des musées et des plages du Débarquement, la région Rhône-Alpes se
caractérise par une majorité de sites rappelant la Résistance. Ainsi, en 1996, elle accueillait,
en plus des lieux de mémoire, douze musées (certains musées pouvant être considérés comme
des lieux de mémoire) consacrés à la Seconde Guerre Mondiale ou, spécifiquement à la
Résistance15
:
- le Musée haut-savoyard de la Résistance à Bonneville (Savoie),
14
Voir les cartes d’emplacement des lieux de mémoire et des musées consacrés à la Seconde Guerre Mondiale,
en annexes I. 15
Pour le dénombrement des musées de la Seconde Guerre Mondiale, voir JOLY Marie-Hélène, GERVEREAU
Laurent. Musées et collections d’histoire en France : guide. Paris : Association internationale des musées
d’histoire, 1996, p. 86-87. Sur l’implantation des musées de la Résistance en Rhône-Alpes, voir MARTIN Maud.
Etude de l’évolution des musées de la Résistance et de la Déportation en région Rhône-Alpes. Mémoire de
Maîtrise d’Information Communication. Lyon : Université Lumière Lyon II, 1993, 80 p.
14
- le Musée départemental de l’Armée secrète d’Estivareilles (Loire),
- le Musée de la Résistance et de la Déportation de Grenoble (Isère),
- la Maison des enfants d’Izieu (Ain),
- le Musée départemental de la Résistance du Teil d’Ardèche (Ardèche),
- le Centre d’histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon (Rhône),
- le Musée de la Résistance et de la Déportation de Nantua (Ain),
- le Musée de la Résistance de Romans-sur-Isère (Drôme),
- le Musée de la Déportation et de la Résistance de Thônes (Haute-Savoie),
- le Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors (Drôme),
- le Mémorial du Vercors à Vassieux-en-Vercors (Drôme),
- le Musée de la Résistance et de la Déportation de Vénissieux (Rhône).
La région Rhône-Alpes offre ainsi une multitude de musées et de lieux de mémoire consacrés
aux événements de la Seconde Guerre Mondiale. Cette diversité des sites entraîne donc aussi
une diversité des fondateurs et des objectifs qui ont sous-tendu leur volonté créatrice.
b) La multiplicité des fondateurs et des enjeux des lieux de mémoire
La mémoire de la Résistance est multiple, traversée par des courants de pensée et des
engagements politiques différents. Alors que les associations de résistants ont créé des lieux
de mémoire à partir des années 1965, l’initiative de la création est devenue institutionnelle,
avec des enjeux très différents.
- Les fondateurs : les anciens résistants
Les anciens résistants, au sein des associations, ont joué un rôle de fondateurs des
premiers lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes dès la fin de la guerre. En effet,
dès 1945, ils ont participé à la mise en place de plaques commémoratives dans les grandes
nécropoles. Leur intervention est devenue plus radicale à partir des années 1965, dans un
contexte difficile : attaque du mythe de la Résistance, absence d’une véritable politique
mémorielle nationale avec la suppression en 1970 du Commissariat général aux Monuments
commémoratifs des guerres et de la Résistance et l’abandon en 1975 du caractère national de
la commémoration du 8 mai16
. Emmanuelle François, dans son rapport sur les musées de la
16
Sur la position de l’Etat à propos de la mémoire de la Résistance, voir BARCELLINI Serge. L’Etat
républicain, acteur de mémoire : des morts pour la France aux morts à cause de la France. In BLANCHARD
15
Seconde Guerre Mondiale, explique que la moitié des musées répertoriés a été fondée par des
associations d’anciens résistants ou déportés17
.
De même que l’ensemble du territoire français, la région Rhône-Alpes a connu plusieurs
formes de création : la création d’un lieu de manière individuelle par un ancien résistant
comme le Musée départemental de la Résistance de Vassieux-en-Vercors ou la création et la
gestion d’un lieu par une association d’anciens résistants. Les projets ont souvent été portés
sur la scène publique par des hommes politiques, anciens résistants et figures locales ou
nationales importantes. Par exemple, le projet du Musée de l’Armée secrète et de la
Résistance d’Estivareilles a été soutenu par Lucien Neuwirth, personnalité de la Résistance et
ancien président du conseil général de la Loire, venu l’inaugurer en 1984.
Les objectifs principaux sont simples : entretenir le souvenir des combats des résistants,
transmettre l’histoire des événements de la Seconde Guerre Mondiale en offrant des exemples
de sacrifices ainsi que rappeler les valeurs morales prônées par la Résistance. Il faut noter,
néanmoins, qu’en plus de ces objectifs mémoriels, ont pu se greffer des enjeux politiques en
pleine Guerre froide pour les anciens résistants communistes ou gaullistes.
La survie ou la création de la plupart des lieux de mémoire de la Résistance actuels en région
Rhône-Alpes sont donc le fait des anciens résistants. Cependant, dès le début des années
1990, les lieux de mémoire sont confrontés à une nécessaire professionnalisation de leur
valorisation qui passait par une institutionnalisation des sites.
- Les collectivités territoriales
Les collectivités territoriales de la région Rhône-Alpes ont pris le relais au début des
années 1990, de manière générale, des nombreuses associations d’anciens résistants ou de
déportés qui avaient eu l’initiative de la valorisation de la plupart des lieux de mémoire de la
Seconde Guerre Mondiale. En effet, ces associations étaient alors fragilisées par l’implication
de moins en moins dynamique des résistants vieillissants et par l’arrivée de nouveaux
adhérents enfants ou petits-enfants des résistants. Surtout, les associations n’avaient plus les
moyens ni financiers, ni juridiques pour continuer à porter des lieux de mémoire qui
recevaient de plus en plus de visiteurs par le biais du tourisme de mémoire.
Pascal (dir.). Les guerres de mémoires : la France et son histoire, enjeux politiques, controverses historiques,
stratégies médiatiques. Paris : La Découverte, 2008, pp.209-219. 17
FRANCOIS Emmanuelle. Les musées d’histoire dans la Seconde Guerre mondiale : rapport au ministère de
la Culture. Paris : Direction des Musées de France, 1996, pp.32-34.
16
L’intervention des collectivités territoriales revêt plusieurs objectifs :
- l’enjeu de la mise en place d’une politique mémorielle volontaire utilisant les lieux
de mémoire comme des outils pédagogiques à destination de l’ensemble de la
population, mais surtout des jeunes générations,
- un enjeu moral et politique pour des collectivités et des hommes politiques qui se
veulent les héritiers des valeurs prônées par la Résistance et qui doivent, dans
certains cas, endiguer des mouvements négationnistes,
- un enjeu identitaire pour certaines collectivités départementales qui ont voulu
s’appuyer sur les événements de la Seconde Guerre Mondiale pour créer un lien
entre les populations,
- un enjeu économique et touristique pour faire venir des visiteurs qui dépensent de
l’argent dans un hébergement, dans la restauration et dans les services de loisir
annexes proposés par les entreprises du territoire.
Par exemple, le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation est un musée
municipal de la ville de Lyon. En 1990, Michel Noir, maire de la ville, décide de créer un
grand musée sur la Résistance lyonnaise à partir d’un premier musée modeste constitué en
1967 par Louis Pradel, ancien résistant et maire de Lyon. Les enjeux de cette création sont
cette fois-ci en grande partie politiques et moraux, en plus de revêtir un enjeu pédagogique
incontestable. Au début des années 1990, les universités lyonnaises sont reconnues pour être
des lieux d’accueil du négationnisme universitaire avec comme enseignants Robert Faurisson
et Bernard Notin. Ce dernier, enseignant à l’Université Lyon III, publie d’ailleurs en 1990 un
article négationniste dans une revue subventionnée par le CNRS. Ainsi, Michel Noir veut
rappeler le rôle de Lyon dans la Résistance, lancer une contre-attaque contre cette image
négationniste et associer la ville aux valeurs de la Résistance.
De même, à partir de 1998, le conseil général de la Haute-Savoie a voulu s’engager dans une
politique mémorielle active et dynamique, après sa sollicitation par les responsables du bureau
de l’Association des Rescapés des Glières en recherche d’une pérennisation de leur
patrimoine mémoriel. Une première convention pour le site du plateau des Glières est passée
en 1997 et une seconde en 1998 pour le site de Morette. L’enjeu identitaire est primordial
pour expliciter l’intervention du département : « renforcer dans l’esprit de nos concitoyens
leur conscience d’appartenir à une collectivité départementale possédant une personnalité
17
propre et une identité haut-savoyarde fortement affirmée »18
. Le choix spécifique de cette
thématique comme support de l’identité peut apparaître relativement étonnant. Pourtant, il
s’explique par l’histoire spécifique de ce territoire, démuni de grands monuments phares à la
renommée nationale et rattaché à la France depuis peu de temps. La Seconde Guerre
Mondiale apparaît comme un des événements marquants pour le territoire haut-savoyard
français.
Au sein de l’Office Départemental de l’Action Culturelle (ODAC), un service spécifique a été
mis en place pour gérer les lieux de mémoire départementaux, intitulé « Service Mémoires et
citoyenneté »19
qui employait neuf personnes en avril 2010. Le département, par le biais de ce
service, possède plusieurs sites mémoriels et travaille à leur valorisation : le plateau des
Glières, les deux musées sur la nécropole de Morette, le Musée départemental haut-savoyard
de la Résistance de Bonneville. Il est aussi devenu le partenaire principal de l’Inspection
académique pour l’organisation du Concours national de la Résistance et de la Déportation.
Les lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale sont nés de la conjonction
d’événements dramatiques sur ces sites et de leurs visites quelques années plus tard par une
population curieuse et reconnaissante. Certains lieux de mémoire n’ont pas connu de
modifications depuis la fin de la guerre mais ils restent très rares. La plupart du temps, les
lieux de mémoire ont été valorisés.
c) La valorisation des lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes : la
diversité des situations
Les lieux de mémoire ont, pour la plupart, été créés de manière spontanée, leur
valorisation intervenant par la suite pour entériner et pérenniser leur rôle. La question de la
valorisation des sites et de leur pouvoir mémoriel démontre une multitude de situations, du
lieu de mémoire recevant un simple panneau explicatif au mémorial mis en valeur par une
muséographie et une scénographie complexes. Certains lieux de mémoire ont été,
volontairement, mis en place avec un objectif de valorisation. La muséographie devient donc
un atout pour la patrimonialisation des lieux de mémoire et leur présentation. Néanmoins, la
diversité des fondateurs et des enjeux des lieux de mémoire entraîne aussi une dichotomie
18
Document d'orientation à destination du Ministère de la Défense, du Conseil régional Rhône-Alpes dans le
cadre des demandes de subventions concernant le réaménagement des sites du Plateau des Glières et de
Morette. Annecy : Conseil général, 2003, p.3. 19
Site Internet du service Mémoire et citoyenneté du conseil général de Haute-Savoie : <http://www.culture74.
fr/ index.php?option=com_content&task=view&id=14&Itemid=150> (Consulté 08.05.10).
18
muséographique : des lieux de mémoire avec une muséographie à vocation mémorielle et des
lieux de mémoire aux muséographies pédagogiques.
- Une valorisation sobre des lieux de mémoire
Des gestionnaires ou propriétaires de lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-
Alpes ont voulu conserver aux sites une vocation purement mémorielle. Ils ont ainsi laissé
intacts certains lieux de mémoire de toutes constructions d’équipements lourds pouvant
accueillir un dispositif explicatif pour privilégier des interventions de moindre ampleur.
La valorisation pédagogique n’est donc pas évacuée de ces sites qui se doivent d’être
expliqués aux visiteurs. Elle prend la forme d’une signalétique relativement simple avec
quelques panneaux explicatifs rappelant l’histoire du site.
Certains lieux de mémoire, de par leur nature spécifique, ont été valorisés uniquement par des
panneaux, sans aucune mise en scène. C’est le cas des deux grandes nécropoles de résistants à
Vassieux-en-Vercors et à Morette ou du village martyr de Valchevrière dont les ruines ont été
conservées après les attaques allemandes. Dans le Vercors, les différentes étapes constituant
le Site National Historique de la Résistance, dont le village de Valchevrière, sont balisées par
des panneaux explicatifs, réalisés selon le même format et la même charte graphique20
. Le
poids mémoriel des lieux de mémoire est tellement fort que la valorisation se doit d’être la
moins visible possible pour laisser place à l’émotion et au recueillement.
- Des muséographies à vocation mémorielle
Tous les lieux de mémoire de la Résistance ont évidemment une vocation mémorielle :
la muséographie doit permettre aux visiteurs de se souvenir des événements de la Résistance
et rappeler la mort des résistants pour la défense de leur pays. Cependant, certains lieux de
mémoire en Rhône-Alpes se caractérisent par une muséographie avec une vocation
mémorielle primordiale, entraînant ainsi des choix spécifiques et des caractéristiques uniques.
Le Musée départemental de la Résistance de Vassieux-en-Vercors est certainement le lieu
de mémoire le plus singulier. Cette singularité muséographique est due à la personnalité et
aux objectifs du créateur, J. La Picirella, ancien résistant du maquis du Vercors. Il est possible
de définir la muséographie comme une muséographie partisane qui doit asséner un discours
élogieux des résistants face aux ennemis allemands totalement déshumanisés.
20
Voir les photographies en annexe n°VI.4.
19
Le musée se compose de deux salles principales contenant quarante-neuf panneaux
explicatifs, illustrés de photographies. Ils sont installés selon une chronologie journalière des
mois qui marquent l’épisode résistant du plateau du Vercors. Le texte, presque uniquement
narratif, est omniprésent. Il est souligné par des encadrés de photographies qui sont laissés
vides et dont l’objectif est de les remplir régulièrement, selon les dons de familles de
résistants. Les objets sont accumulés dans les vitrines.
La muséographie et les textes se caractérisent par une
évocation importante des massacres qui ont eu lieu à
Vassieux-en-Vercors et sur le plateau. Les
photographies ne cachent rien : images des ruines, des
résistants torturés et décédés. Certains panneaux
présentent les photographies des résistants avant la
guerre avec, en pendant, les images des corps identifiés.
La brutalité des combats est montrée sans filtre et
renforcée par les textes des cartels. Par exemple, une
photographie est accompagnée du cartel « patriotes
découpés à la scie à ruban ».
Intérieur du Musée départemental de la Résistance
Source : Photographie personnelle
L’autre lieu de mémoire de Vassieux-en-Vercors, le Mémorial de la Résistance, est
caractéristique de deux tendances muséographiques compatibles qui se développent dans
certains lieux de mémoire en France : une « déréalisation »21
de la muséographie et la mise en
place de « monuments scéno-muséographiés »22
.
Le Mémorial correspond à la définition que donne Dominique Trouche d’un « monument
scéno-muséographié ». Ce terme « fait référence aux musées d’histoire des guerres travaillés
par la muséographie et la scénographie. L’ajout du terme « monument » entend matérialiser
l’implication des architectes et faire le lien entre ces bâtiments et les monuments
commémoratifs. »23
. La création du Mémorial, décidée par François Mitterrand, est le fruit
d’une longue réflexion sur le rôle et l’impact du bâtiment et de sa localisation auprès des
21
Terme utilisé par Gille Vergnon. Voir VERGNON Gilles. Le Vercors : Histoire et mémoire d’un maquis.
Paris : Editions de l’Atelier / Editions ouvrières, Paris, 2002, p.181. 22
Terme utilisé par Dominique Trouche. Voir TROUCHE Dominique. Des dispositifs techniques producteurs de
fiction. Communication au colloque MEOTIC : Institut de la Communication et des Médias (Université
Stendhal), 7-8 mars 2007, p.3. Disponible en ligne : <http://w3.u-grenoble3.fr/les_enjeux /2007-meotic/
Trouche/index.html> (Consulté 03.05.10). 23
Voir supra, idem.
20
visiteurs. Ainsi, le Mémorial est situé au Col de la Chau, au point culminant, au-dessus du
village martyr de Vassieux-en-Vercors et de la plaine ayant permis l’atterrissage des avions
allemands. L’entrée du Mémorial représente une grotte, les visiteurs semblant s’enfoncer dans
les parois étroites du col montagneux, les couloirs sont réduits, les salles plongées dans la
pénombre, une montée symbolique amène les visiteurs jusqu’aux témoignages des
résistants24
. Les gestionnaires considèrent que la muséographie du Mémorial doit être aussi
forte que le discours scientifique : « Dans dix ans, la plupart des visiteurs n’auront pas
mémoire de ces événements et seront privés de références historiques. Le projet, son langage
muséographique, devront être suffisamment forts pour rendre contemporain un message qui
pourrait n’être plus entendu par les générations suivantes. »25
.
Organisation de l’espace de l’exposition permanente du Mémorial de Vassieux-en-Vercors
Source : Document Visites de groupes adultes, p.5.
Le Mémorial est divisé en quatre espaces :
- l’espace A rappelant le quotidien sous la guerre et le début de la Résistance,
- l’espace B présentant les événements de la Résistance dans le Vercors au moyen
d’une maquette animée,
- l’espace C permettant l’écoute de témoignages ainsi que de vidéos,
- l’espace D diffusant un film « Résister, encore ! ».
La muséographie, quant à elle, répond au principe de déréalisation. Les années noires de
l’Occupation sont présentées uniquement par des objets symboles parfois caricaturaux : un
vélo pour la débâcle, une baignoire avec des marchandises pour le rationnement et le marché
noir. Des raccourcis historiques et pédagogiques apparaissent comme, par exemple, le cartel
sur le gouvernement de Vichy : « la majorité des Français, affolés par la déroute, s’en
24
Voir les photographies en annexes IV. 25
Journal d’information du Parc naturel régional du Vercors. Site National historique de la Résistance en
Vercors. Le devoir de mémoire. Lans-en-Vercors : n° spécial, février 2005, p.3.
21
remettent à un vieillard, ancienne gloire de l’autre guerre »26
. La présentation du maquis du
Vercors intervient uniquement dans les deux espaces centraux, grâce à des témoignages, sans
véritable analyse du contexte. L’objectif du musée est d’universaliser le discours de la
Résistance en faisant du maquis du Vercors un exemple pour toutes les résistances : « La
muséologie relèvera moins de l’exposé historique utilisé jusqu’à présent dans la plupart des
lieux de mémoire que d’un souci d’analyse et d’expression de comportements humains. Le
but est de souligner la valeur universelle du témoignage du Vercors. »27
.
- Des muséographies à vocation pédagogique
En plus d’une vocation mémorielle primordiale, les lieux de mémoire sont valorisés
pour permettre la diffusion d’un discours scientifique et pédagogique. Les muséographies se
basent donc sur la description historique des événements locaux et internationaux tout en
utilisant l’émotion pour mieux transmettre les informations.
Le Musée de la Résistance de la nécropole de Morette en Haute-Savoie déroule le récit des
événements du maquis sur trois niveaux et cinq salles28
. Le premier niveau expose les
événements et la vie quotidienne pendant la guerre jusqu’en 1944, aussi bien au niveau local
que national. Des affiches, photographies et journaux accompagnent le déroulement
chronologique des événements. Le deuxième niveau est entièrement consacré à l’histoire
locale de la bataille des Glières entre janvier et mars 1944 jusqu’au grand parachutage en août
1944 et à la libération du département de la Haute-Savoie. Le troisième niveau correspond au
soubassement du chalet où sont conservés les croix en bois et les plaques commémoratives
installées dans l’ancien cimetière (devenu nécropole nationale).
Le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon a fait le choix dès sa
création d’associer l’émotion avec le discours scientifique, l’un n’empêchant pas l’autre :
« L’équipe directrice a voulu jouer sur l’émotion. Les scénographes ont voulu intégrer dans la
visite la métaphore de la nuit et celle de l’enfermement. (…) On circule dans une atmosphère
d’enfermement car on avance dans une sorte de goulot étroit entouré de murs de
cloisonnement déclinés en gris. De même, lorsque l’on descend les escaliers de la cave, le
malaise imprègne les visiteurs. C’est l’atmosphère qui a été privilégiée pour susciter l’intérêt
26
Voir la photographie en annexe n°IV.3. 27
Voir note n°25, idem. 28
Voir les photographies du musée en annexes VIII.
22
et l’émotion. »29
. L’exposition se déploie sur trois plateaux illustrant chacun une thématique :
« Engagement », « Information et propagande » et « Espace et temps ».
La patrimonialisation des lieux de mémoire de la Résistance a connu plusieurs phases
principales. Cependant, leur mémorialisation a été assez rapide, dès la fin de la guerre pour
certains sites, permettant au tourisme de mémoire de se développer et d’apparaître comme un
atout économique pour les territoires.
B. L’état des lieux du tourisme de mémoire en France
Le tourisme de mémoire prend des ampleurs importantes lors des grandes cérémonies
commémoratives de la Seconde Guerre Mondiale et du Débarquement en Normandie. Quelles
sont les régions privilégiées par ces touristes ? Le tourisme de mémoire est-il devenu un atout
économique pour certaines régions ? Quelle est la place de la région Rhône-Alpes parmi les
régions favorisées par le tourisme de mémoire ?
a) Définition et naissance du tourisme de mémoire
Les chercheurs, les acteurs du monde touristique et culturel s’interrogent sur la notion
même du tourisme de mémoire qui a remplacé, au fur et à mesure des années, le traditionnel
tourisme de pèlerinage.
- Une tentative de définition du tourisme de mémoire
Lors de la conférence « Tourisme et mémoire », tenue au Ministère du Tourisme à
Paris le 27 mai 2009, Rémy Knafou, chef de projet du Mémorial du Camp des Milles à Aix-
en-Provence, a rappelé la difficulté de définir le tourisme de mémoire. En effet, plusieurs
définitions coexistent et peuvent même varier selon les périodes et les pays.
Le monde anglo-saxon envisage le tourisme de mémoire comme la visite d’espaces associés à
la souffrance et à la mort. D’ailleurs, les termes utilisés pour traduire l’expression « tourisme
de mémoire » – dark tourism ou thanatourism – démontrent le caractère macabre de cette
forme touristique. Pour exemple, la Louisiane et, plus particulièrement, la Nouvelle-Orléans,
sont devenues une des nouvelles destinations privilégiées du dark tourism aux Etats-Unis
29
FORESTIER Aude. Exposer les lieux de Résistance du département du Rhône. Rapport de stage de Maîtrise
d’Histoire sous la direction de Denis PELLETIER. Lyon : Université Lumière Lyon II, 2003, vol.2, p.III.
23
depuis l’ouragan Katerina, en août 200530
: « le tourisme de catastrophe se doit de répondre à
un horizon d’attente des visiteurs venus constater les dégâts laissés par Katerina, de sorte que
deux types de lieux sont privilégiés par ces tours (…) dont ceux où le niveau de destruction
est suffisamment spectaculaire pour qu’ils deviennent des curiosités touristiques »31
.
En France, l’expression de « tourisme de mémoire » est assez récente et apparaît dans les
années 1990 alors que Pierre Nora publie son ouvrage Les lieux de mémoire32
. François
Cavaignac, chargé de mission Chemins de Mémoire à la Direction de la Mémoire, du
Patrimoine et des Archives (DPMA) au sein du Ministère de la Défense, explique que cette
expression nouvelle consistait, au début des années 1990, « tout simplement, au départ à
valoriser le patrimoine exceptionnel dont dispose la France, patrimoine à la fois civil et
militaire, et à permettre au plus grand nombre, que ce soit aux touristes ou aux jeunes, d’avoir
accès et de s’enrichir dans la référence au passé »33
.
Dépassant la définition originelle, R.Knafou considère le tourisme de mémoire comme
l’ensemble des processus de visites des lieux de mémoire. Selon lui, les lieux de mémoire se
définissent comme des espaces où se sont déroulés des événements d’une importance
primordiale pour un groupe, où est entretenue vivante une charge mémorielle et identitaire et
où les touristes deviennent des « co-porteurs de la mémoire » en sauvegardant la légitimité du
lieu par leur visite34
.
Le tourisme de mémoire intéresse de plus en plus et a donc fait l’objet d’une parution dans la
revue Espaces35
. Dans un des articles, F.Cavaignac participe aux réflexions autour de la
définition du tourisme de mémoire, « démarche incitant le public à explorer des éléments du
patrimoine mis en valeur pour y puiser l’enrichissement civique et culturel que procure la
référence au passé »36
.
30
Sur le dark tourism à la Nouvelle-Orléans, voir HERNANDEZ Julie. Le tourisme macabre à la Nouvelle-
Orléans après Katerina : résilience et mémorialisation des espaces affectés par des catastrophes majeures. In
Norois, n°208, 2008, p.61-73. 31
Voir supra, idem, p.68. 32
NORA Pierre (dir.). Les lieux de mémoire. Paris : Gallimard, 1992, 7 vol. 33
CAVAIGNAC François, LE PADELLEC Jean-Pierre. Le tourisme de mémoire à travers l’exemple d’un site
internet : les chemins de mémoire. In Actes des premières rencontres internationales sur la mémoire partagée.
Paris : La Documentation française, p.107. 34
Rémy Knafou (27 mai 2009), Tourisme et mémoire, Communication présentée dans le cadre des conférences
mensuelles de l’IREST, Ministère du Tourisme. 35
Le tourisme de mémoire : vecteur de conscientisation du citoyen et outil de développement local. Les cahiers
espaces, décembre 2003, n°80, 121 p. 36
CAVAIGNAC François, DEPERNE Hervé. Les chemins de mémoire. Une initiative de l’Etat. In Les cahiers
Espaces : Le Tourisme de mémoire, n° 80, décembre 2003, p.14.
24
- Du tourisme de pèlerinage au tourisme de mémoire
La visite des hauts lieux mémoriels en France a débuté au cours de la Première Guerre
Mondiale37
. Dès 1917, un Guide Michelin des champs de bataille paraît en France pour
rappeler le souvenir des ouvriers de l’entreprise Michelin décédés au combat et pour localiser
les lieux de bataille38
. Après la guerre, de plus en plus de touristes, dont dans un premier
temps les Britanniques, viennent en France pour rendre hommage aux soldats défunts, en
faisant un pèlerinage sur les tombes de leurs proches. Ces voyages prennent ainsi la forme
d’un tourisme de pèlerinage, avec pour objectif de retrouver sur les sites des combats, les
traces d’un parent.
Dans la deuxième moitié du XXe siècle, les lieux de mémoire ont vu l’arrivée de visiteurs,
venus découvrir des lieux symboliques de la Seconde Guerre Mondiale et se recueillir sur les
tombes de soldats et de résistants. Ce tourisme de pèlerinage a pris une ampleur de plus en
plus importante au fur et à mesure de l’avancée du travail de deuil nécessaire. Cependant, à
partir des années 1990 et la naissance de nouvelles générations, une évolution sémantique est
apparue, faisant évoluer le tourisme de pèlerinage vers le tourisme de mémoire : un tourisme
pour se souvenir, pour ne pas oublier. Annick Leduc explique cette transformation par la
disparition des témoins des événements : « la disparition des acteurs et des témoins a modifié
la nature de ce tourisme : il s’agit moins de se souvenir de la bataille, de ses héros ou de ses
victimes, de ses lieux que de comprendre ce qui s’est passé »39
.
- Les dérives du tourisme de mémoire et les appréciations du monde culturel
L’expression de tourisme de mémoire peut apparaître assez antithétique et porte en
elle-même les difficultés spécifiques à cette forme touristique. En effet, elle rapproche deux
termes paraissant à première vue antagoniste : le tourisme qui est lié à la notion de plaisir, de
loisir et la mémoire qui est liée à la notion, plus grave et solennelle, de recueillement. Ainsi, le
tourisme de mémoire a pour fonction de rassembler ces deux notions en offrant aux touristes
des visites qui les distraient et un discours pédagogique et civique.
L’ambiguïté de l’expression explique alors certaines dérives que peut connaître le tourisme de
mémoire depuis le début des années 2000, dans des pays à majorité anglo-saxonne. Cette
37
Sur le début du tourisme de pèlerinage après la Première Guerre Mondiale, voir BRANDT Susanne. Le
voyage aux champs de bataille. Vingtième Siècle : Revue d’histoire, 1994, vol.41, n°1, p.18-22. 38
Voir supra, p.20. 39
LEDUC Annick. L’est de la Somme : territoire des tourismes de mémoire de la Grande Guerre.
Réappropriation de la mémoire de la bataille de la Somme et construction territoriale. In Pré-actes des sixièmes
rencontres de Mâcon « Tourisme et territoire », p.1 [en ligne]. Consultable sur Internet : <www.recherche-
maconnais.org/Leduc.pdf> (consulté 09.03.10).
25
tendance s’explique par la spécificité du tourisme de mémoire aux Etats-Unis, Canada et
Australie où le dark tourism s’appuie principalement sur des sites de mort et favorise la
distraction (entertainment) au lieu de la pédagogie et du recueillement. Ces dérives, associées
à celle du tourisme de masse, ont reçu un écho médiatique important, en 2008, lors de la
sortie du film allemand de Robert Thalheim, Et puis les touristes, qui montrait par les moyens
d’une fiction l’arrivée massive des touristes à Auschwitz. Par la suite, des anciens déportés et
des journalistes ont rapporté l’augmentation des comportements honteux sur des lieux
destinés au souvenir et au recueillement40
. Face à ces nouvelles tendances dues, en partie à
l’ouverture vers un tourisme de masse, les gestionnaires des lieux de mémoire en France
restent encore assez méfiants face à la valorisation touristique de leurs sites.
Le tourisme de mémoire, de par son expression, est considéré de manière méfiante par les
acteurs culturels qui ont, quelque peu, délaissé la valorisation des lieux de mémoire au profit
des acteurs étatiques et touristiques.
b) Les initiatives de valorisation du tourisme de mémoire
Si les acteurs du monde culturel ne sont pas les principaux acteurs de la valorisation
des lieux de mémoire, les initiatives de valorisation du tourisme de mémoire sont dues à l’Etat
qui a compris assez tôt le rôle économique et mémoriel du tourisme.
- Les initiatives étatiques
Depuis le début des années 2000, l’Etat et ses différents organes représentatifs ont mis en
place une politique de mémoire volontaire qui a été soutenue par la valorisation du tourisme
de mémoire : « La politique de mémoire que mène l’État en concertation avec de nombreux
acteurs répond à trois priorités : commémorer et célébrer, éduquer et transmettre, entretenir et
conserver. »41
.
Tous les rapports annuels pour les projets de loi de finances, réalisés par l’Assemblée
nationale, offrent une place au tourisme de mémoire ainsi que des propositions financières
40
Sur Auschwitz comme lieu privilégié du tourisme de masse et de ses dérives, voir FUNÈS Nathalie.
Auschwitz tour. In Le Nouvel Observateur, avril 2009, n°2319 [en ligne]. Disponible sur Internet :
<http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2319/articles/a399254-auschwitz_tour.html> (consulté 12.03.10). 41
France. Assemblée nationale. Tome II, Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation. Avis présenté au
nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de la loi des finances pour 2008
(n° 189), présenté par Jean-Claude MATHIS. Paris : Assemblée nationale, 11 octobre 2007, p.10 [en ligne].
Disponible sur Internet : <http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/budget/plf2008/a0277-tII.pdf> (consulté
12.03.10).
26
pour le soutenir et instaurer la politique mémorielle nationale : « L’objectif est en effet
d’ouvrir à de nouvelles générations de visiteurs, au moyen d’équipements culturels invitant à
une réflexion universelle, de hauts lieux de mémoire conçus à l’origine comme lieux de
recueillement pour les témoins ou les acteurs des événements commémorés. »42
.
Les financements directs pour le tourisme de mémoire ont été réduits depuis 200543
mais
celui-ci profite toujours du financement d’actions spécifiques selon les années dont, par
exemple, la restauration des cimetières militaires et nécropoles nationales. Surtout, le
tourisme de mémoire et ses sites peuvent bénéficier des contrats de plan Etat-région (CPER)
permettant à certaines régions d’utiliser le tourisme comme outil de développement local.
Ainsi, la région Lorraine a reçu 6,1 millions d’euros dans le cadre du CPER 2000-2006 dans
lequel elle avait inscrit le tourisme de mémoire.
La volonté étatique de valorisation du tourisme de mémoire apparaît aussi dans la signature de
la Convention Tourisme de mémoire44
, entre le secrétaire d’Etat au tourisme, Léon Bertrand et
le secrétaire d’Etat aux anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, à Lille le 9 février 2004.
Cette convention résulte du constat de la progression significative du tourisme de mémoire,
sur le territoire français, de touristes nationaux et internationaux. Les objectifs sont doubles :
utiliser le tourisme de mémoire pour permettre le développement économique et territorial de
certaines zones ainsi que pour transmettre la mémoire des conflits aux jeunes générations. Le
travail commun des deux secrétariats d’Etat s’articule autour d’une amélioration de la qualité
d’accueil des touristes sur les lieux de mémoire, la promotion des sites en France par
l’intermédiaire des services déconcentrés, des offices de tourisme ou des tours opérateurs.
Enfin, la convention entérine la création d’un site Internet intitulé Les Chemins de la
mémoire45
, outil de communication et de promotion autour des lieux de mémoire.
Le site Internet des Chemins de la mémoire est une initiative du Ministère de la Défense, géré
par la DPMA et ouvert depuis juin 2004. Sa création a été permise par un travail d’inventaire
des lieux de mémoire, répartis en plusieurs territoires de mémoire, et par la création de
plusieurs itinéraires de visite physique et évidemment virtuelle, jalonnés de sites symboles de
la mémoire combattante française. Les itinéraires sont regroupés autour de quatre
42
Voir la note n°41, idem, p.20. 43
Sur les financements du tourisme de mémoire et de la politique mémorielle de la France, voir les tableaux de
financement des actions de mémoire en annexes II. 44
La Convention Tourisme de mémoire est disponible sur Internet : <http://www.veilleinfotourisme.fr/ servlet/
com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?CODE_FICHIER=1216284916903&ID_FICHE=17769> (consulté
09.03.10). 45
Site Internet des Chemins de la mémoire : <http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/> (consulté 09.03.10).
27
thématiques : la thématique relative aux fortifications (XVIe siècle - XX
e siècle), trois
thématiques chronologiques représentant les grands conflits auxquelles la France a pris part
(1870-1871, 1914-1918, 1939-1945). Le site Internet donne des informations pratiques sur les
sites patrimoniaux ainsi que des ressources pédagogiques pour comprendre les lieux et les
événements mis en valeur. Une étude a permis de démontrer le succès croissant du site
Internet auprès des Français mais aussi, depuis la traduction du site en anglais, par les
Britanniques : « 1,5 million de pages sont consultées annuellement par une clientèle jeune et
diversifiée : 40 % des internautes ont moins de 25 ans, 45 % sont des particuliers, 25 % des
professionnels du tourisme »46
.
Ainsi, il apparaît que depuis le début des années 2000, l’Etat a choisi de faire du tourisme de
mémoire une des composantes de sa politique mémorielle, en permettant le financement des
lieux de mémoire, en encourageant les partenariats entre les différents acteurs publics de la
mémoire et en offrant un outil de communication par l’intermédiaire du site Internet Les
Chemins de la mémoire. Néanmoins, la valorisation et l’entretien des lieux de mémoire se
déroulent en grande partie dans les régions, avec une multitude d’acteurs.
- Les acteurs spécifiques de la mémoire dans les régions
Le tourisme de mémoire est géré au niveau des régions, entre autres, par les acteurs
traditionnels du tourisme tels que les offices du tourisme, les Comités Départementaux du
Tourisme et les Comités Régionaux du Tourisme. Mais, ces derniers doivent néanmoins
compter, pour la thématique particulière du tourisme de mémoire, sur l’ensemble des
associations d’anciens combattants et sur l’Office National des Anciens Combattants et des
Victimes de Guerre (ONACVG).
En effet, la spécificité du tourisme de mémoire et des lieux mémoriels est la présence
importante des représentants des anciens combattants qui jouent, depuis la fin de la guerre, un
rôle de protecteur et de promoteur de la mémoire combattante. Ainsi, les nombreuses
associations d’anciens combattants, telles que le Souvenir français, l’Association Nationale
des Anciens Combattants et Amis de la Résistance (ANACR) organisent régulièrement des
voyages sur les lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale pour les scolaires et pour
leurs adhérents.
46
Voir la note n°41, idem, p.29.
28
Depuis 2009, l’ONACVG est en voie de devenir un des acteurs principaux de la mémoire
dans les départements. Etablissement public placé sous la tutelle du Ministère de la Défense
créé en 1916, possédant des délégations départementales, il a pour fonction de défendre les
intérêts des anciens combattants français. Ses missions ont été élargies en 2009, avec la
signature d’un nouveau Contrat d’objectifs et de moyens de l’Office National des Anciens
Combattants et des Victimes de Guerre : « Dans le cadre d’une convention établie avec la
DMPA, l’Office décline au niveau départemental la politique de mémoire définie par cette
dernière, et notamment les commémorations et actions nationales, ainsi que la mise en valeur
mémorielle des nécropoles et hauts-lieux de mémoire. »47
. Ainsi, l’ONACVG est maintenant
chargé de mener des opérations pédagogiques et de valoriser les lieux de mémoire dont il a la
charge dans les départements. Face à la vaste tâche transférée par la DPMA, l’ONACVG a
mis en place des « coordonnateurs mémoire et communication » régionaux pour répondre à
l’intérêt de la population concernant les lieux de mémoire : « Placés sous l’autorité
fonctionnelle du département de la mémoire du siège, ces coordonnateurs mémoire et
communication participent à la conception, à l’impulsion et à la coordination d’initiatives de
mémoire pédagogiques et à la valorisation médiatique des opérations mises en œuvre dans la
zone de compétence géographique de leur pôle. »48
.
Le tourisme de mémoire revêt des formes spécifiques, avec des acteurs particuliers,
valorisant, entre autres, le patrimoine de la mémoire combattante française. Néanmoins, quel
est son avenir ? Le tourisme de mémoire peut-il souffrir du désintérêt des touristes ?
c) L’avenir du tourisme de mémoire en danger ?
Depuis la fin des années 2000, des organisations étatiques ainsi que des étudiants, dans
le cadre de mémoires d’études49
, se sont interrogés sur l’avenir du tourisme de mémoire et ont
parfois envisagé son déclin.
47
Contrat d’objectifs et de moyens de l’Office National des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre,
p.13. 48
Voir supra, idem, p.13. 49
Voir le titre significatif du mémoire de Master II Tourisme de Marie Aubry réalisé à l’IREST : AUBRY
Marie. Le tourisme de mémoire : avenir certain ou devenir fragile. Mémoire de Master II Professionnel
Tourisme Valorisation touristique des sites culturels sous la direction de Noël LE SCOUARNEC. Paris : Paris 1
Panthéon-Sorbonne, Institut de Recherche et d’Etudes Supérieures du Tourisme, 2007, 108 p.
29
- Les objectifs du tourisme de mémoire
La mise en avant du tourisme de mémoire en France répond à des objectifs multiples,
aussi bien civiques qu’économiques. En effet, l’objectif primordial du tourisme de mémoire
est de permettre l’éducation des populations. L’entretien et la valorisation des lieux de
mémoire revêtent une mission pédagogique et mémorielle. Les Français, en visitant les lieux
emblématiques de la Seconde Guerre Mondiale, doivent s’interroger sur le bien fondé de toute
guerre et pouvoir étayer leur réflexion sur des exemples édifiants. Cette vocation civique et
didactique est la base de la politique mémorielle nationale française et est inscrite dans tous
les cahiers des charges des musées d’histoire de la Seconde Guerre Mondiale.
D’autre part, le tourisme de mémoire est aussi devenu une manne économique indéniable
dans des régions dont le tourisme est une des principales ressources financières. La mémoire
et l’histoire sont de nouveaux produits d’appel pour les touristes et excursionnistes, cette
nouveauté étant due à l’augmentation des courts séjours thématiques, souvent
désaisonnalisés50
. Certaines régions vivent de cette forme touristique spécifique qui peut
prendre une ampleur importante lors des grandes cérémonies de commémoration. Alors que le
tourisme de mémoire a été déclaré filière d’excellence dans le Schéma régional pour
l’aménagement, le développement et l’organisation touristique 2006-2010 et plan marketing
de Champagne-Ardenne51
, le Comité Régional du Tourisme associé à la Délégation Régionale
au Tourisme et au cabinet d’ingénierie Public et Culture ont mené une étude novatrice et
unique sur les retombées économiques de la filière du tourisme de mémoire. Les résultats ont
été publiés au cours du premier trimestre 201052
et démontrent le poids économique de cette
filière touristique particulière. Le tourisme de mémoire représente ainsi 4,28 % des nuitées, 70
emplois, 5,6 millions d’euros de chiffre d’affaire de l’hôtellerie ou, encore 19,51 millions
d’euros de dépenses.
Depuis la décentralisation, les collectivités régionales, départementales et locales considèrent
les lieux de mémoire comme des outils d’aménagement et de valorisation du territoire. Les
initiatives fleurissent pour valoriser la fonction mémorielle d’un monument, d’un espace
50
MONFERRAND Alain. Le tourisme culturel. In COMPÈRE-MOREL Thomas, JOLY Marie-Hélène (dir.).
Des musées d’histoire pour l’avenir. Paris : Noêsis, 1998, p.335-341. 51
Le Schéma régional est téléchargeable sur Internet : <http://www.cr-champagne ardenne.fr/ getFile. aspx?
FILEID=1050> (consulté 04.04.10). 52
CHAMPAGNE-ARDENNES TOURISME, PLANETH, PUBLIC&CULTURE. Enquête Tourisme de
mémoire. Résultats d’étude. 2009, p.46 [en ligne]. L’étude est disponible sur Internet :
<http://observatoire.tourisme-champagne-ardenne.com/Marches/Filieres/Tourisme-de-memoire/fichiers/
Presentation-tourisme-memoire-4mars2010.pdf> (consulté 16.04.10).
30
naturel, pour l’ouvrir aux visiteurs53
. En effet, la mise en place de structures sur les sites
mémoriels joue un rôle dans le désenclavement de certains territoires délaissés par l’industrie.
Elle permet aussi de créer une identité spécifique, une mémoire autour de faits historiques,
des liens entre les habitants.
- Les formes actuelles du tourisme de mémoire
Certaines régions françaises sont plus portées à développer le tourisme de mémoire, du
fait de la présence sur leur territoire de hauts lieux mémoriels. Ainsi, les zones du tourisme de
mémoire correspondent aux zones des grands conflits qui ont eu lieu en France telles que les
zones frontalières souvent théâtres des combats de la Première et Seconde Guerres Mondiales.
Néanmoins, certaines régions, plus dynamiques et peut-être plus visionnaires, ont utilisé ce
patrimoine spécifique comme un produit d’appel touristique. Par exemple, les régions
Normandie, Picardie, Champagne-Ardenne et Nord-Pas-de-Calais ont compris que le
tourisme de mémoire était un outil de développement économique dans des zones
industrielles parfois sinistrées. Elles ont donc mis en place une politique touristique basée
essentiellement sur la promotion du tourisme de mémoire. Cette politique touristique,
soutenue par les conseils généraux et régionaux, se caractérise par un important travail de
communication et de promotion régulièrement dirigé vers des populations cibles
(Britanniques, Américains) et s’accompagne de la mise en place de réseaux des sites
mémoriels portés par la création de sites Internet. Par exemple, dans ce cadre, en 2004, le
Comité Départemental de la Somme, aidé du Conseil Général, a mis en place un site Internet
destiné aux nombreux visiteurs britanniques : « www.somme-battlefields.com ».
La typologie des publics du tourisme de mémoire est connue par les différentes études de
public réalisées par quelques Comités Départementaux du Tourisme (CDT) et Comités
Régionaux du Tourisme (CRT) du nord de la France. Elles démontrent toutes une présence
très forte du public scolaire pouvant représenter jusqu’à 50% des visiteurs de certains lieux de
mémoire : 52% des visiteurs du CHRD de Lyon et du Camp du Struthof, 42% des visiteurs de
53
Le tourisme de mémoire : plus que jamais d’actualité. DEPTOURmag, juin 2006, n°25, p.10-11 [en ligne].
Disponible sur : <http://www.fncdt.net/pdf/deptourmag/Deptour25.pdf> (consulté 16.02.10).
31
la Maison d’Izieu54
. Le CRT Nord Pas-de-Calais a ainsi produit deux études55
sur les
clientèles des sites du tourisme de mémoire dans la région.
Les résultats ne peuvent évidemment pas être généralisés et être considérés comme totalement
représentatifs de la situation du tourisme de mémoire. Chaque lieu de mémoire possède des
caractéristiques selon sa localisation géographique et son histoire qui influent sur la typologie
des visiteurs. Néanmoins, ils permettent d’offrir un panorama assez typique du tourisme de
mémoire en France.
Ainsi, les études ont mis en avant la présence de deux tiers de Français, les Britanniques
représentant près de 20% des touristes étrangers. Le tourisme de mémoire s’adresse
essentiellement à des personnes de plus de cinquante ans, ce qui s’explique par l’intérêt de
cette catégorie d’âge pour l’Histoire mais aussi par les liens qu’elle possède avec cette période
connue par les récits de leurs parents.
- Quel tourisme de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale en Rhône-Alpes ?
Située au sud de la ligne de démarcation, la région Rhône-Alpes n’a connu l’invasion
de son territoire qu’à partir de 1942. Elle a joué un rôle important dans le mouvement de la
Résistance, encore amplifié après l’installation des troupes allemandes. De grandes figures de
la Résistance lyonnaise sont connues au niveau national comme, par exemple, les époux Lucie
et Raymond Aubrac. La région a aussi été le théâtre d’événements qui ont marqué l’histoire
de la Seconde Guerre Mondiale en France : l’arrestation de Jean Moulin à Caluire et des
enfants juifs d’Izieu, l’organisation du maquis dans les zones montagneuses des Glières et du
Vercors. Les lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale dans la région sont donc
nombreux et variés : lieux de tortures, d’arrestations, d’assassinats, de résistances, de
bombardements, nécropoles.
Malgré cette richesse patrimoniale, la région Rhône-Alpes ne possède pas de lieux aussi
emblématiques de la Seconde Guerre Mondiale que les plages du débarquement ou de grands
musées tels que le Mémorial de Caen. Les différents entretiens réalisés confortent cet état de
fait. Isabelle Doré-Rivé, directrice du CHRD de Lyon, considère que le tourisme de mémoire
54
Pour les pourcentages du public scolaire, voir BONNIN Luc, De FONCLARE Amélie. N’oubliez pas les
scolaires. Les cahiers Espaces, mars 2006, n°235, p.49-56. 55
Voir COMITÉ RÉGIONAL DE TOURISME NORD PAS-DE-CALAIS. Etude de la clientèle des
équipements du tourisme de la mémoire [en ligne]. Disponible sur : <www.tourismenordpasdecalais.fr/BM
telechargement.asp?chemin=/upload&fichier=synthese_memoire_2007.pdf> (consulté 05.01.09) et COMITÉ
RÉGIONAL DE TOURISME NORD PAS-DE-CALAIS. Etude des sites de tourisme de mémoire et analyse de
leurs clientèles [en ligne]. Disponible sur : <http://www.udotsinord.net/TELECHARGEMENT/ Etudes% 20
diverses%20(regionales,%20departementales,%20locales)/etudes/Etude_Memoire_2007.pdf> (consulté
05.01.09).
32
n’existe pas en Rhône-Alpes. Philippe Rivé, directeur de l’ONACVG du Rhône, tempère cette
vision en rappelant que les lieux de mémoire du Vercors connaissent, dans une certaine
mesure, des formes du tourisme de mémoire56
.
Les lieux de mémoire de la région Rhône-Alpes sont nombreux et diversifiés, répartis sur
l’ensemble du territoire régional. D’une mémorialisation déjà ancienne, ils ont connu une
patrimonialisation et une valorisation voulues et prises en charge par les associations et les
collectivités locales. La région n’apparaît pourtant pas comme une zone privilégiée pour le
tourisme de mémoire. Ainsi, pour pouvoir survivre dans le panorama culturel et touristique
des sites de la Seconde Guerre Mondiale, les lieux de mémoire de la Résistance de la région
Rhône-Alpes sont contraints de faire évoluer leur offre.
56
Voir les retranscriptions d’entretiens dans le dossier d’outils méthodologiques
Confronté à la renommée de certains lieux de mémoire soutenus par des régions très
actives dans le tourisme de mémoire, les lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes
se doivent de modifier leur offre. Ce renouvellement est d’autant plus urgent que les lieux de
mémoire sont confrontés à de nouveaux enjeux pédagogiques et touristiques remettant en
cause leur avenir.
A. Les lieux de mémoire face à de nouveaux enjeux pédagogiques et
touristiques
Les lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale se trouvent confrontés à de
nouveaux enjeux pédagogiques, touristiques et économiques. La disparition des témoins de la
guerre et de la Résistance s’accompagne de la fin de la mémoire vivante qui rendait ces lieux
captivants pour tous les publics. Quelles sont les conséquences de la disparition des témoins à
court et long termes ? Les lieux de mémoire risquent-ils de devenir des lieux sans visiteur ?
a) La disparition des témoins et de la mémoire vivante
Les anciens résistants ont fait partie intégrante du processus de mémorialisation, puis
de patrimonialisation des lieux de mémoire. Leur présence, au jour le jour dans les sites
auprès des gestionnaires et des visiteurs, conférait aux lieux de mémoire une légitimité et une
véracité leur offrant ainsi une place importante dans la mémoire collective de la Seconde
Guerre Mondiale. Cependant, soixante ans après la guerre, les derniers témoins décèdent,
interrompant la transmission directe de la mémoire des événements entre les générations.
- La spécificité des lieux de mémoire en Rhône-Alpes : la présence des témoins
Alors qu’une partie des lieux de mémoire en France sont des créations
institutionnelles, les lieux de mémoire de la Résistance de la région Rhône-Alpes se
caractérisent par une forte présence des témoins dans leur processus de création. Cette
Partie 2 : Le renouvellement nécessaire de l’offre des lieux de
mémoire de la Résistance en région Rhône-Alpes
34
caractéristique explique donc la place primordiale des témoins au sein de ces lieux de
mémoire et l’ampleur des conséquences de leur disparition. En effet, les témoins de la
Seconde Guerre Mondiale et plus spécifiquement de la Résistance en Rhône-Alpes ont
toujours été très actifs dans les lieux de mémoire de différentes manières :
- en participant à la gestion des lieux de mémoire,
- en témoignant de leurs actions pendant la guerre lors d’ateliers ou de visites,
- en organisant et en participant aux commémorations.
En 1993, juste après l’inauguration du CHRD à Lyon en octobre 1992, l’Union des
Associations de Résistants et Déportés (UARD) a été créée auprès du CHRD. Elle regroupe
aujourd’hui l’Association des Amis du CHRD, l’Union Départementale du Rhône des
Combattants Volontaires de la Résistance (UDCVR), l’Association Nationale des Anciens
Combattants de la Résistance (ANACR), la Fédération Départementale des Familles des
Fusillés et Disparus, Déportés et Internés, Résistants et Patriotes du Rhône, le Mouvement
d’Union et d’Action des Déportés et Internés de la Résistance (MUADIR), l’Association
Nationale des Médaillés de la Résistance Française, la Fondation de la France Libre.
Cette association a pour fonction de représenter l’ensemble des associations ainsi que
l’ensemble des victimes de la Seconde Guerre Mondiale. Ses membres participent de plein
droit au Conseil d’orientation du CHRD et siègent à nombre égal avec les représentants des
collectivités territoriales impliquées (la Ville de Lyon, le Conseil général du Rhône et le
Conseil régional de Rhône-Alpes). Le Conseil d’orientation, réuni chaque trimestre, donne
des avis sur les activités, la programmation et les grandes orientations du CHRD. Les témoins
apparaissent comme des références morales auxquelles le CHRD confère un rôle consultatif,
mais néanmoins primordial.
Le Musée départemental de l’Armée secrète et de la Résistance d’Estivareilles a été créé par
des anciens résistants de l’Armée secrète de la Loire. Aujourd’hui encore et malgré la
modification thématique du musée, le comité de gestion du musée regroupe des adhérents de
plusieurs associations de Résistance de la Loire. En 2003, l’Association des fondateurs du
musée de l’Armée secrète et de la Résistance a même été créée afin d’animer le musée et de
veiller à la diffusion des valeurs de la Résistance.
Les témoins de la Seconde Guerre Mondiale ont pris conscience de l’importance de témoigner
dès les années 1970, au moment du regain du mythe résistancialiste. Au CHRD de Lyon, les
anciens résistants ont toujours participé aux activités éducatives proposées aux scolaires. Dès
35
janvier 1993 et l’ouverture du musée au public scolaire, les associations ont mis en place un
calendrier des permanences pour permettre la présence quotidienne d’un témoin, et donc sa
présence lors de la venue de classes scolaires. Ainsi, en 2008, 15.325 visiteurs en groupes
(jeunes et adultes) ont bénéficié d’un témoignage. En 2009, alors même que le nombre
d’ateliers ne baisse pas, ils n’ont été que 12.729 visiteurs en 2009 à bénéficier de ces
rencontres, du fait de la disparition des témoins.
Pour le Mémorial de Vassieux-en-Vercors, jusqu’en 2009, des « journées Résistance » étaient
organisées sur les lieux de mémoire et se terminaient par le témoignage d’un ancien résistant.
En avril 2010, il ne reste plus que deux résistants sur la zone du Vercors sud, obligeant le
Mémorial à arrêter ces rencontres après l’intervention de Paul Borrel prévue le 15 août 2010.
- La rupture cognitive dans les lieux de mémoire
La disparition des témoins au sein des lieux de mémoire de la Résistance pose un
problème majeur : la rupture cognitive avec les visiteurs des jeunes générations.
Les témoins assuraient la légitimité du discours scientifique produit dans les lieux de mémoire
et des missions pédagogiques et mémorielles qui leur sont attribuées. Ils participaient aux
actions de médiation destinées, en particulier, au jeune public lors des visites guidées, des
ateliers en racontant leurs expériences, en apportant des témoignages.
Surtout, ils conféraient au discours scientifique, aux événements décrits une matérialité par
leur simple présence et par leurs témoignages. Ils créaient alors une réalité commune avec des
visiteurs qui ont de plus en plus de difficultés aujourd’hui à comprendre la société et la vie
sous la Seconde Guerre Mondiale, à s’identifier aux anciens résistants. La présence des
témoins facilitait une identification émotionnelle des visiteurs et la transmission de la
mémoire ou des valeurs de la Résistance.
Les lieux de mémoire se trouvent aujourd’hui face à un tournant. La disparition des derniers
témoins entraîne des conséquences qui n’avaient pas obligatoirement été pressenties par les
gestionnaires des sites. Tout d’abord, la disparition des témoins et leur absence des lieux de
mémoire, aussi bien lors des activités pédagogiques que dans les activités quotidiennes des
sites, obligent les lieux de mémoire à repenser leur programme pédagogique, voire leur
exposition permanente. Certains lieux de mémoire fondaient leur discours scientifique, mais
aussi leur légitimité à participer à la transmission mémorielle, en s’appuyant sur la présence
des témoins.
36
Ensuite, la disparition des témoins et leur absence de la scène médiatique rendent les
événements de la Seconde Guerre Mondiale plus lointains et sans aucune matérialité pour
plusieurs générations de Français qui sont nées bien après 1945. Comment les lieux de
mémoire peuvent-ils attirer et intéresser véritablement les nouvelles générations ? La
fréquentation des lieux de mémoire de la Résistance de la région Rhône-Alpes est restée
stable durant la première décennie du XXIe siècle. Néanmoins, ces chiffres de fréquentation
doivent être analysés avec minutie pour prendre conscience de la part majoritaire des scolaires
parmi les visiteurs. Les lieux de mémoire semblent être devenus des lieux de visite obligés
pour la plupart des écoliers, collégiens et lycéens de la région. Cette tendance ne cesse
d’augmenter, réduisant par la même la part du public non captif.
La disparition des témoins risque-t-elle de désintéresser les visiteurs des lieux de mémoire et
ainsi provoquer un recul de la fréquentation ?
b) L’érosion de l’intérêt pour les lieux de mémoire : des lieux sans visiteurs ?
La Seconde Guerre Mondiale n’est plus considérée au début des années 2010 comme
un événement significatif et fondateur de l’Histoire européenne et mondiale. D’autres guerres
ont eu lieu dans la deuxième moitié du XXe siècle, des actes terroristes ont marqué la
mémoire collective. Les générations ayant vécu la guerre sont de moins en moins nombreuses.
Les lieux de mémoire sont donc confrontés à une rupture cognitive et à l’éloignement
temporel, voire même psychologique, de la Seconde Guerre Mondiale. Leur fréquentation est-
elle donc touchée par un phénomène d’érosion ?
- Analyse de la fréquentation des lieux de mémoire de la Résistance
Les lieux de mémoire de la Résistance en région Rhône-Alpes ont pratiquement tous,
depuis le milieu des années 2000 des systèmes de comptage des entrées. Ces données,
primordiales pour toute mise en place d’une politique des publics stratégique, sont
aujourd’hui fournies aux acteurs du tourisme de la région.
Le site mémoriel le plus visité en Rhône-Alpes est le CHRD de Lyon qui oscille entre 65.000
et 55.000 visiteurs. Les deux sites de Vassieux-en-Vercors, le Mémorial et le Musée
départemental, reçoivent environ 35.000 visiteurs par an. L’année 2005 a été marquée par une
baisse de fréquentation du Musée départemental qui s’explique par la mise en place d’une
entrée payante ayant permis aussi un comptage plus strict des visiteurs. Malgré une certaine
37
stabilité, la fréquentation générale des lieux de mémoire apparaît chaotique, avec des pics de
fréquentation. En effet, la fréquentation des lieux de mémoire semble être influencée par les
grandes commémorations de la Seconde Guerre Mondiale. Les sites ont ainsi connu en 2004
des records d’affluence.
Diagramme des courbes de fréquentations des lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes
Néanmoins, malgré les dispositifs mis à disposition des lieux de mémoire, aucun gestionnaire
n’a encore fait réaliser une véritable étude des publics. Pourtant, la labellisation du CHRD et
le Musée du XXe siècle d’Estivareilles en « Musées de France » les oblige à mener une étude
des publics. Deux études des publics sont à disposition : une étude réalisée en 2002 au
CHRD1 par des étudiants de l’IUP IESA, à partir de l’administration de questionnaires au
cours du premier semestre et une étude menée en 2007 par Pierre-Louis Fillet, conservateur
du Musée départemental de la Résistance de Vassieux-en-Vercors.
L’enquête du CHRD a permis de faire un portrait des publics du centre et de faire un bilan de
sa fréquentation. Ainsi, elle se caractérise tout d’abord par un ancrage local des visiteurs.
Ainsi, environ 50% des visiteurs résident à Lyon ou dans son agglomération. Cette
appartenance est confirmée par la provenance des groupes visitant le CHRD à 75% issus de la
région Rhône-Alpes dont 46% du département du Rhône et 33% du Grand Lyon
(communauté urbaine de Lyon regroupant 47 communes de l’agglomération lyonnaise). Le
CHRD connaît aussi un taux très important de groupes scolaires alors que les groupes
d’adultes représentent une part extrêmement faible, soit environ 10% de l’ensemble des
groupes (environ 5.000 visiteurs par an). Cette spécificité ne peut pas être considérée comme
tendancielle puisqu’elle est apparue dès les premières années de fonctionnement du CHRD.
1 Voir DUCOURTHIAL Laurence. Publics du CHRD, analyse des questionnaires distribués au premier
semestre 2002. Lyon : CRHD, 2002.
38
Elle s’explique par une volonté des gestionnaires de faire du public scolaire un des publics
privilégiés. Quelques tentatives de partenariats ont été menées en 1998 avec les comités
d’entreprises de la SNCF et de plusieurs banques sans grand résultat.
L’étude des publics2 du Musée départemental de la Résistance de Vassieux-en-Vercors a été
réalisée à partir des données des années 2005 et 2006. Elle démontre que les visites se
concentrent sur la période allant de mai à septembre, les deux mois estivaux représentant plus
de 40% des entrées annuelles. La fréquentation très réduite au cours de la période hivernale
s’explique par la fermeture annuelle du musée au mois de janvier et les conditions
météorologiques difficiles connues par le Vercors. Le profil des visiteurs change en fonction
des périodes : les visites de groupes d’adultes et de scolaires se concentrent sur les mois de
mai, juin et septembre alors que les visites d’individuels dominent pour la période estivale.
Par rapport au CHRD, les visites de groupes scolaires ne sont pas prédominantes : les
individuels représentent 70% des visiteurs, les groupes scolaires 14% et les groupes adultes
16% qui sont un public de visiteurs âgés venus par l’intermédiaire d’un tour opérateur.
Cependant, comme à Lyon, le public est essentiellement issu de la région Rhône-Alpes.
Typologie de la fréquentation de l’année 2006 au Musée départemental de Vassieux-en-Vercors
Source : Etude des publics fournie par le musée
- Les questions du « public captif » et de l’enfant prescripteur
À partir des années 1990 et l’intervention des collectivités dans la gestion des lieux de
mémoire, la valorisation des parcours a été pensée pour le public scolaire. Les gestionnaires
considéraient que leur site devait permettre la compréhension globale des événements de la
Seconde Guerre Mondiale et du mouvement de la Résistance, tout en diffusant des valeurs
2 Cette étude des publics a été fournie par Pierre-Louis Fillet, conservateur du musée. Elle n’a pas été publiée, ni
mise en ligne sur Internet.
39
universelles de citoyenneté, des idéaux. Les lieux de mémoire ont revêtu une valeur
pédagogique qui existait déjà auparavant mais qui était tournée vers l’ensemble des visiteurs.
Rapidement, les lieux de mémoire sont devenus des destinations privilégiées des sorties
scolaires.
Les lieux de mémoire de la Résistance en région Rhône-Alpes ont donc répondu à cette
nouvelle demande et ont mis en place des outils d’animation pédagogique variés et ajustés à
l’âge des élèves. L’ensemble des lieux de mémoire propose des visites guidées avec des
animateurs pour faire découvrir l’exposition permanente, des ateliers pédagogiques sur une
thématique particulière. Les animations sont adaptées au niveau scolaire de la classe et au
contenu du programme d’histoire. Du fait de l’éloignement géographique de certains sites, les
animateurs des lieux de mémoire organisent même des journées thématiques permettant de
visiter plusieurs sites3.
Le conseil général de Haute-Savoie, gestionnaire et propriétaire des lieux de mémoire de la
Résistance du département, conçoit par le biais de son service de l’Office Départemental de
l’Action Culturelle, des visites sur les sites du plateau des Glières et de la nécropole de
Morette, à la demande des enseignants. D’autre part, il propose aux instituteurs et aux classes
de primaires une journée « Rando-Glières » dont il prend en charge l’ensemble des frais de
transport et d’encadrement pédagogique. La « Rando-Glières » est encadrée par un guide de
moyenne montagne et permet, par l’ascension du plateau des Glières, de découvrir le rôle
historique du site pendant la Seconde Guerre Mondiale. À la fin de la journée, le
rassemblement de l’ensemble des classes s’accompagne d’un discours du représentant de
l’Association des Glières et de la lecture de message de paix par un élève de chaque classe.
Au CHRD de Lyon, des ateliers sur les images et la presse sont proposés aux lycéens :
l’atelier « Presse clandestine » et l’atelier « La guerre…des affiches ». L’ensemble des
niveaux scolaires peut bénéficier de l’atelier « Justice et citoyenneté », atelier autour du
procès Barbie qui se compose de la projection d’extraits du procès et d’une explication du
contexte juridique et historique, des rouages du procès et de ses enjeux.
D’autre part, les lieux de mémoire de la région apparaissent comme des relais et des lieux de
ressources pour les scolaires participant au Concours National de la Résistance et de la
3 Voir le programme des journées de visite organisées par le Mémorial de Vassieux-en-Vercors, pour les
scolaires, sur l’ensemble des lieux composant les Chemins de la Liberté : <http://www.memorial-
vercors.fr/pdf/ressources/docCommScolaire_09.pdf> (Consulté 26.04.10).
40
Déportation. Créé en 1961 par le ministre de l’Éducation nationale et destiné aux élèves de
troisième et aux lycéens, ce concours a pour objectifs de perpétuer la mémoire de la
Résistance et de la Déportation parmi les jeunes générations et de diffuser des valeurs
civiques et des leçons de vie. Chaque année, un thème spécifique est désigné et doit être traité
par les élèves. En 2010, le jury a choisi le thème « L’appel du 18 juin 1940 du général De
Gaulle et son impact jusqu’en 1945 ». Chaque année, le CHRD, aidé par des professeurs
d’histoire-géographie, met en place un dossier de préparation au concours4. Il oriente les
élèves vers des problématiques et s’appuie sur des documents issus des collections. Le
Mémorial de Vassieux-en-Vercors met aussi à la disposition des professeurs et des élèves des
ressources pédagogiques à télécharger sur son site Internet. De plus, certains gestionnaires des
lieux de mémoire de la région participent au comité de sélection des projets. Ainsi, la remise
du Prix régional du concours 2009 a eu lieu en janvier 2010, lors de la journée d’étude
régionale du réseau MEMORHA qui rassemble les lieux de mémoire de la Résistance de
Rhône-Alpes.
Le positionnement des lieux de mémoire de la région Rhône-Alpes vers le public scolaire
remonte donc à la création de la seconde génération de sites mémoriels. L’enjeu principal et
originel était évidemment pédagogique puisque les lieux de mémoire ont pour fonction
d’éduquer de futurs citoyens. Cette fonction éducative fait partie de la plupart des cahiers des
charges lors de la construction ou de la valorisation des lieux de mémoire. Le dossier de
presse du Musée du XXe siècle d’Estivareilles désigne les jeunes visiteurs comme un public
privilégié : « Pour la première fois, un musée est conçu dans sa totalité pour accueillir de
manière originale et spécifique le jeune public. »5.
En outre, le public scolaire est devenu au fil des ans un véritable enjeu économique,
permettant aux sites d’augmenter leurs chiffres de fréquentation et leurs rentrées financières.
En effet, les collectivités locales, les départements et la région Rhône-Alpes financent les
visites scolaires. La rémunération des activités pédagogiques fournit aux lieux de mémoire
des rentrées d’argent assurées, toutes les années. Par exemple, le week-end du samedi 20 mars
et du dimanche 21 mars, le CHRD a accueilli 345 visiteurs individuels (184 visiteurs le
samedi et 161visiteurs le dimanche) mais 300 visiteurs scolaires le mercredi 17 mars, soit
4 Pour le dossier de préparation au concours de 2010, voir sur Internet : <http://www.chrd.lyon.fr/static/
chrd/contenu/pdf/pedago/CNRD/CNRD10_18juin.pdf> (Consulté 27.04.10). 5 Voir le dossier de presse fourni par le musée après une demande pour courrier électronique.
41
presque autant que pour deux jours complets6. Il faut aussi rappeler le rôle de prescripteurs
des enfants qui jouent un rôle primordial, auprès de leurs parents et de leur famille, en les
incitant à revenir visiter un site qu’ils connaissent par le biais d’une sortie scolaire. La
conjonction de ces deux facteurs explique donc les pourcentages élevés de scolaires dans les
chiffres de fréquentation globaux de certains lieux de mémoire. Ainsi, au CHRD, la part des
scolaires atteint 50% de l’ensemble des visiteurs, soit 25.000 à 30.000 scolaires selon les
années.
Malgré les avantages apportés par cette forte fréquentation des publics scolaires, la venue
importante d’enfants et d’adolescents dans les lieux de mémoire de la Résistance pose des
problèmes d’ordres très différents aux gestionnaires.
Dans un premier temps, il faut poser la question de la motivation de ce public captif obligé de
venir dans un lieu de mémoire par des professeurs. En effet, cette « captivité » oblige les
animateurs des sites à adapter leur discours pour empêcher le désintérêt des élèves et à exercer
une surveillance plus importante envers les élèves dilettantes.
D’autre part, Isabelle Doré-Rivé explique dans un entretien7 que les animateurs et les
gestionnaires du CHRD sont confrontés aux conséquences de cette omniprésence des
scolaires qui a entraîné une réduction du nombre des visiteurs individuels. Ces derniers sont
agacés par la place prise par les groupes dans des lieux d’exposition étroits ainsi que par des
attitudes souvent déplacées dans un site culturel comme du bruit, des chamailleries. Ainsi, au
début de l’année 2010, la directrice du CHRD a décidé d’instaurer un nombre maximum de
visites scolaires pour ne pas impacter la qualité de visite des visiteurs individuels. Cette
décision a été aussi motivée par le nombre croissant de problèmes d’incivilités, voire d’actes
de dégradation du matériel du CHRD pendant les animations pédagogiques. Accueillir des
scolaires représente une charge de travail plus importante que dans les années 1990 et au
début des années 2000. Cette augmentation du travail est d’ailleurs symbolisée par
l’accaparement du service des publics par la création de nouveaux ateliers pédagogiques qui
doivent évoluer tous les cinq ans afin de correspondre à l’évolution du niveau scolaire en
baisse.
6 Ces chiffres ont été fournis par Sandrine Guillet, animatrice au service des publics du CHRD lors d’un entretien
le mercredi 24 mars. La retranscription de l’entretien se trouve dans le dossier d’outils méthodologiques. 7 Voir la retranscription de l’entretien en dans le dossier d’outils méthodologiques.
42
c) Les conséquences pour les lieux de mémoire de la Résistance
Les changements auxquels sont confrontés les lieux de mémoire entraînent des
conséquences majeures qui pourraient bouleverser leur gestion et leur organisation.
- Le désintérêt du public ?
Les lieux de mémoire doivent évoluer pour éviter de provoquer le désintéressement du
public et pour ne pas devenir des lieux sans visiteurs. Plusieurs facteurs peuvent provoquer
l’inadéquation de la valorisation des lieux de mémoire avec leurs publics :
- l’absence des témoins et la rupture avec la mémoire vivante qui provoquaient de
l’intérêt et qui facilitaient la compréhension des visiteurs,
- l’ancienneté des expositions permanentes qui ont été installées dans les années
1990, voire avant, et ne correspondent plus aux connaissances du public,
- le vieillissement des installations qui ont besoin de travaux pour se rapprocher des
nouvelles structures muséales offrant aux visiteurs des présentations modernes.
D’autre part, comme le démontrent les chiffres de fréquentation, les lieux de mémoire
risquent d’être confrontés à une uniformisation de leurs publics qui, selon les sites, s’orientent
vers une majorité de scolaires ou vers une majorité de visiteurs âgés. Les lieux de mémoire ne
pourraient plus qu’intéresser une petite frange de la population alors que le message défendu
est universel et s’adresse à toutes les générations. Surtout, le risque de l’uniformisation de la
fréquentation peut entraîner une perte d’image, de notoriété et de publicité. Les lieux de
mémoire ne seraient alors plus capables de toucher un public plus large. De ce risque
découleraient par la suite des difficultés pour assumer la pérennité financière des lieux de
mémoire.
- La pérennité financière des lieux de mémoire
Les lieux de mémoire se trouvent aussi confrontés à la question de leur pérennité
financière et de leur soutien par les collectivités, nouveaux propriétaires depuis les années
1990 de la plupart des sites de la région Rhône-Alpes. L’intervention des collectivités
territoriales a totalement modifié les données financières des lieux de mémoire. Alors que les
premiers sites étaient dirigés par des associations, de manière bénévole et avec des fonds très
limités, les nouvelles créations muséales se sont caractérisées par des budgets de travaux et de
gestion très importants et par l’emploi d’un personnel qualifié et rémunéré.
43
Certains sites mémoriaux ont reçu des constructions imposantes et coûteuses. Par exemple, le
Mémorial de Vassieux-en-Vercors a coûté 2,72 millions d’euros. En plus du budget
d’investissement, les lieux de mémoire sont des structures lourdes à gérer financièrement.
Elles demandent un financement important pour les frais de personnels et les frais de gestion
au quotidien des sites. Le budget de fonctionnement pour l’année 2005 du CHRD s’élevait
ainsi à 860.000 euros. Comme le montre le tableau des frais de gestion des sites mémoriels du
département de Haute-Savoie, le poids financier peut être réparti sur plusieurs structures :
conseil général ou communauté de communes. Sur un an, les frais de gestion quotidienne
s’élèvent à plus de 131.000 euros pour deux sites : le Plateau des Glières et la nécropole de
Morette. Il est alors nécessaire de rappeler que le département de Haute-Savoie possède
d’autres sites et mène une politique dynamique d’activités culturelles qui doivent être, elles
aussi, financées par le conseil général.
Charges en 2002
Morette
Communauté de
Communes
Plateau des Glières
Conseil général
Conservatoire d’art et
d’histoire
Conseil Général
Frais de personnel 16.409,23 € 26.000 € 72.000 €
Frais déplacements 200 € 550 € Non déterminable
Electricité 653,81 € Non déterminable ‘’
Téléphone 456,61 € ‘’ ‘’
Frais de photocopies 183, 89 € ‘’ ‘’
Maintenances Portes 312,83 € ‘’ ‘’
Informatique 0 0 3.048 €
Promotion 0 10.300 € 0
Réception 0 26,83 € 0
Matériel pédagogique 0 769,26 € 0
18.224,77 € 37.645 € 75.048 €
Total 130.918,86 €
Frais de gestion des sites historiques départementaux du Plateau des Glières et Morette pour 2002
Source : Document d'orientation à destination du Ministère de la Défense, du Conseil régional Rhône-Alpes
dans le cadre des demandes de subventions concernant le réaménagement des sites du Plateau des Glières et
de Morette. Annecy : Conseil général, 2003, p.14.
D’autre part, la politique mémorielle des collectivités ne représente pas uniquement la gestion
des lieux de mémoire mais aussi plusieurs séries de mesures et d’initiatives qui demandent
des financements. Le deuxième tableau sur l’estimation de la part du budget départemental de
Haute-Savoie pour le patrimoine de mémoire lors de l’année 2002 démontre que le budget
total se répartit de manière homogène :
- un tiers du budget pour la gestion des sites,
- un tiers du budget pour des investissements dans des travaux sur les sites,
44
- un tiers du budget pour des activités pédagogiques.
Actions Charges fonctionnement
et/ou subventions Opérations exceptionnelles
Gestion Glières 11.645 € 45.250 € (travaux)
Gestion Morette 14.227 € 0
Archives 22.325 € 0
Concours de la Résistance 35.281 € 0
Aides au Monde combattant 30.407 € 0
113.885 € 45.250 €
Total 159.135 €
Estimation de la part du budget départemental pour le patrimoine de mémoire pour l’année 2002
Source : Document d'orientation à destination du Ministère de la Défense, du Conseil régional Rhône-Alpes
dans le cadre des demandes de subventions concernant le réaménagement des sites du Plateau des Glières et
de Morette. Annecy : Conseil général, 2003, p.26.
Cette intervention financière des collectivités s’explique en partie par l’importance des lieux
de mémoire dans leur politique en général et dans leur politique mémorielle en particulier.
Leur soutien aux lieux de mémoire prend une place importante dans leur politique d’action
culturelle : les lieux de mémoire doivent être visités par le plus grand nombre pour permettre
la diffusion d’un message pacifiste. Ainsi, les collectivités influent sur le choix de la politique
tarifaire en demandant des prix d’entrée très peu élevés, voire quasi inexistants. Ainsi, au
CHRD de Lyon, l’entrée pour l’exposition permanente est gratuite jusqu’à 26 ans et l’accès
aux sites du conseil général de Haute-Savoie est gratuit pour tous. Le tarif d’entrée le plus
élevé est celui du Mémorial de Vassieux-en-Vercors, régie du Parc naturel régional du
Vercors, avec un montant de 5 euros.
Tarif réduit Tarif plein Enfant
CHRD Lyon 2 € 4 € Gratuit
Mémorial de Vassieux-en-Vercors 4 € 5 € 2,50 €
Musée de Vassieux-en-Vercors 2 € 3 € 1 €
Plateau des Glières Gratuit Gratuit Gratuit
Nécropole de Morette Gratuit Gratuit Gratuit
Estivareilles 2 € 3,10 € Gratuit
Tarifs d’entrée dans les lieux de mémoire en région Rhône-Alpes pour l’année 2010
D’autre part, des initiatives de certaines collectivités favorisent l’accès aux lieux de mémoire.
Ainsi, la municipalité de Lyon a créé la Carte musées qui donne un accès illimité à tous les
musées municipaux, dont le CHRD, pour 20 euros annuels. Véritable outil culturel et
politique, la carte pose néanmoins un problème financier au CHRD qui ne perçoit plus les
entrées. Les lieux de mémoire sont incapables de s’autofinancer et ont besoin de l’apport
45
financier des collectivités. Cependant, les collectivités vont-elles pouvoir encore longtemps
soutenir de telles institutions alors que la réforme des collectivités territoriales en cours risque
de les charger de nouvelles dépenses ?
Poids financiers des lieux de mémoire pour les propriétaires, érosion de la fréquentation et
risque d’un désintérêt du public, disparition des témoins et acteurs traditionnels des sites, les
lieux de mémoire sont confrontés à des enjeux majeurs. Afin de répondre à ces enjeux, les
gestionnaires ont lancé des initiatives pour renouveler et proposer une offre culturelle et
touristique en accord avec leur temps.
B. Les initiatives des lieux de mémoire de la Résistance : une offre
culturelle et touristique renouvelée
Les gestionnaires des lieux de mémoire de la Résistance ne sont pas restés inactifs face à
ces nouveaux enjeux. Ils ont ainsi pris conscience de la nécessité de créer des liens avec les
autres lieux de mémoire avec la mise en place de différents réseaux, de modifier leurs
discours scientifiques et parfois les salles des expositions permanentes de manière radicale et,
pour certains sites, de travailler en collaboration avec les acteurs du tourisme.
a) La mise en place de réseaux des lieux de mémoire de la Résistance
La mise en réseau des lieux de mémoire de la région Rhône-Alpes est un des outils
pour freiner le désenclavement de certains sites situés dans des territoires difficilement
accessibles. Surtout, elle permet de produire une publicité commune à moindres frais tout en
échangeant les expériences et en mutualisant les ressources. Elle prend deux formes
principales en Rhône-Alpes : le réseau MEMORHA et le réseau La Mémoire des Alpes.
- Un réseau de professionnels et d’universitaires : MEMORHA
Le réseau MEMORHA8 a été créé à la suite de l’organisation d’un séminaire en 2007
qui avait pour objectif d’étudier les histoires et mémoires de la Résistance. Sans identité
juridique, il regroupe des lieux de mémoire de la région Rhône-Alpes ainsi que des chercheurs
des universités de Lyon et Saint-Etienne. Sa création a été suscitée par la prise de conscience
commune de ces différents acteurs d’être confrontés à de nouvelles problématiques ayant des
8 Site Internet du réseau MEMORHA : <http://www.memorha.over-blog.com/> (consulté 21.01.10).
46
conséquences aussi bien dans le cadre de la recherche historique que dans la gestion des lieux
de mémoire. Soutenu par le Ministère de la Culture, le réseau a mis en place un plan d’actions
triennal (2008-2010) visant à élargir les publics des lieux de mémoire, à modifier les
expositions permanentes et temporaires en accord avec les nouvelles avancées
historiographiques et à chercher des moyens de renouveler la transmission des informations
spécialement auprès des nouvelles générations.
Son objectif principal est donc de travailler sur des thématiques renouvelées régulièrement et
choisies en fonction de leurs actualités historiographiques. Le programme 2008-2010 mettait
en avant une démarche comparative européenne de la situation de la mémoire et de l’histoire
de la Résistance, « Comparer histoires et mémoires de la Résistance et de la guerre 1939-
1945/ France-Allemagne-Italie », avec une focalisation plus précise sur les conséquences de la
disparition des derniers témoins. Après ces questionnements, deux axes de travail sont en
train d’être développés : la formation de guides ou de médiateurs compétents et la réalisation
de films ou documentaires sur les derniers témoins encore en vie.
- Un réseau pour la valorisation patrimoniale : la Mémoire des Alpes
La Mémoire des Alpes est un projet plus original de coopération transfrontalière, lancé
dans le cadre du programme communautaire Interreg III 2000-2006, ainsi qu’un réseau
transnational regroupant différents partenaires en Italie, en France et en Suisse : des musées,
des universités, des Parcs naturels dont le Pnr du Vercors, des collectivités. La Mémoire des
Alpes se base sur le constat d’une histoire et d’une identité communes à cette région alpine
qui dépassent les frontières nationales et qui expliquent la perméabilité économique, sociale et
culturelle actuelle.
En plus d’un travail de recherche universitaire, ce projet se compose de deux
parties principales : une partie ethnologique avec la mise en place de centres de ressources sur
la culture matérielle dans le territoire alpin et une partie historique avec la création des
Chemins de la Liberté se concentrant sur la période de la Seconde Guerre Mondiale. Les
objectifs sont multiples : protéger et valoriser un patrimoine culturel commun, renforcer
l’identité culturelle alpine, offrir une offre touristique renouvelée. Plusieurs actions ont été
menées. Un portail Internet a été lancé pour rendre disponible les résultats des recherches
ainsi que pour proposer des parcours virtuels thématiques. Des colloques sont organisés, des
livres édités par la Mémoire des Alpes.
47
- Les réseaux actuels et le tourisme : usages et perspectives
Aujourd’hui, le réseau MEMORHA ne se place pas dans une optique touristique. Lors
d’un entretien en mars 2010, Isabelle Doré-Rivé, directrice du CHRD, explique que l’absence
d’entité juridique rend difficile toute coopération plus poussée, voire impossible, sur des
projets demandant un financement commun9. Ainsi, MEMORHA ne permet pas actuellement
de créer un réseau de lieux de visite avec des circuits organisés ou la mise en place de
passeports de fidélité encourageant les visiteurs à se rendre sur d’autres sites culturels
appartenant à MEMORHA. Ce réseau est néanmoins utile pour échanger des bonnes
pratiques, trouver de nouveaux outils afin de remédier à la disparition des témoins et raviver
les relations entre l’Université et les lieux de mémoire de la Résistance.
La position de la Mémoire des Alpes est très différente par rapport au tourisme puisque cette
composante a fait partie intégrante du projet dès le départ. La fiche projet prévoit ainsi un
objectif touristique dans le fonctionnement des Chemins de la mémoire : « Le projet peut
contribuer à créer une offre touristique de caractère historico-culturel, éco-compatible,
complémentaire de celle présente aujourd’hui, fondée avant tout sur les patrimoines
environnementaux et naturels et connectée à une utilisation excursionniste et sportive du
territoire. On peut obtenir ainsi une augmentation de la présence touristique et sportive et de
l’échange touristique national et international, avec une retombée économique dans le secteur
réceptif et commercial et la possibilité de nouveaux débouchés occupationnels pour les jeunes
qui ont l’intention de continuer à vivre et à opérer dans la montagne. »10
.
En effet, tous les lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale, aussi bien en France
qu’en Italie, et participant au projet La Mémoire des Alpes, ont mis en place des parcours
thématiques, avec des panneaux explicatifs, des aires de repos pour les visiteurs ou
randonneurs. Des sentiers et des fiches pour randonneurs ont été réalisés du côté italien, dans
les provinces d’Alessandria et d’Asti par exemple.
Concernant les lieux de mémoire de la Résistance étudiés en Rhône-Alpes, le Pnr du Vercors
a ainsi élaboré Les Chemins de la Liberté en Vercors, projet de signalisation et de valorisation
9 Voir la retranscription de l’entretien dans le dossier d’outils méthodologiques.
10 Pour l’ensemble du projet, voir le site Internet : <http://www.memoiredesalpes.net/index.php>. Pour la fiche
projet, voir MEMOIRE DES ALPES. Fiche projet. p.12 [en ligne]. Disponible sur Internet :
<http://www.memoiredesalpes.net/download/GRUPPO01~documents_fr_ok/Fiche_Projet.zip> (consulté
17.04.10).
48
de plusieurs lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale sur son territoire. Plusieurs
sites11
ont été retenus pour bénéficier des réalisations de ce projet :
- le village de Malleval,
- la grotte de la Luire,
- la nécropole de Vassieux-en-Vercors,
- la nécropole de Saint-Nizier,
- la Cour des Fusillés,
- les ruines du village de Valchevrière,
- le Pas de l’Aiguille.
Des panneaux explicatifs, avec une charte graphique commune12
, ont été installés sur chacun
des sites alors que des flyers, reprenant le parcours des Chemins de la Liberté, sont distribués
par les offices du tourisme et les musées répartis sur le territoire.
b) La réorientation et l’élargissement des discours muséographiques
Le travail de réflexion, entamé dans les réseaux des lieux de mémoire de la Résistance
en Rhône-Alpes, a démontré l’obsolescence des dispositifs muséographiques des sites ainsi
que leur non-adéquation aux nouveaux besoins d’explication des jeunes générations. Les
gestionnaires des lieux de mémoire ont alors travaillé vers plusieurs directions : les
transformations muséographiques, l’élargissement chronologique et thématique du discours
scientifique et l’attractivité des expositions temporaires.
- Les transformations muséographiques
La plupart des équipements créés sur les sites des lieux de mémoire, dans la région
Rhône-Alpes, date des années 1990, comme par exemple les expositions permanentes du
CHRD de Lyon et du Mémorial de Vassieux-en-Vercors.
Face aux attentes renouvelées des visiteurs, les expositions permanentes sont devenues
obsolètes en ne correspondant plus aux évolutions historiographiques de la Seconde Guerre
Mondiale, ni aux connaissances générales des visiteurs sur la période. D’autre part, la mise en
place de nouvelles salles d’exposition permet aux gestionnaires des sites de créer un
événement médiatique, tout en renouvelant l’intérêt des visiteurs. Le Mémorial de Caen est
l’exemple le plus caractéristique de ces incessantes transformations muséographiques. En
effet, il opère depuis les années 2000 une grande opération de refonte de ses espaces
11
Voir la carte des Chemins de la Liberté en Vercors en annexe n°IV.6. 12
Voir les photographies en annexe n°VI.4.
49
permanents13
avec la transformation de plus de 50% de l’exposition permanente et l’ouverture
depuis février 2010 d’un espace consacré à la Bataille de Normandie dont l’intensité sera
rendue par la diffusion de plusieurs films.
La question de la transformation muséographique reste tout de même épineuse. En mettant de
côté la question pécuniaire qui implique toujours des choix, le renouveau du discours
historique et pédagogique doit correspondre à l’évolution du niveau culturel des visiteurs. Il
faut rendre compréhensible, par la muséographie, des événements, des représentations
historiques et les valeurs de la Résistance, sans tomber dans la dramatisation spectaculaire des
faits historiques ou la diminution de l’intérêt historique et touristique des lieux de mémoire.
Le Mémorial de Vassieux-en-Vercors est le premier lieu de mémoire de la Résistance en
région Rhône-Alpes à avoir opéré une modification au sein de son exposition permanente.
Même si le mémorial est de création récente, les gestionnaires ont choisi de modifier son
dernier espace de visite. Cette pièce était utilisée pour faire revivre le martyre d’une jeune
adolescente en août 1944, sous la forme d’un spectacle sons et lumières. Les visiteurs, assis
sur des plots lumineux, assistaient à l’apparition d’un mannequin sortant de ruines en feu,
dans une nuit totale. La bande-son reproduisait des chants d’oiseaux, des aboiements de
chiens, le bruit des éclairs, l’Ave Maria ainsi que le témoignage de la jeune fille, décédée en
avril 1944, sous les bombardements de Vassieux-en-Vercors. La suppression de cette salle
avait pour objectif de supprimer une pièce au discours historique questionnable, pouvant
impressionner les plus jeunes, avec un spectacle à la limite du mauvais goût. L’espace est
maintenant dédié à la projection d’un film « Résister, encore ! ».
Quant au Musée départemental de la Résistance de Vassieux-en-Vercors, il a fermé ses portes
en septembre 2009, jusqu’en juin 2010, pour permettre le tenue de travaux dans les salles
d’exposition permanente. Les salles et les vitrines avaient été installées en 1974 par J. La
Picirella, créateur et précédent propriétaire du musée. Le propos était littéralement vengeur :
objets ayant appartenu à des soldats allemands exposés comme des trophées, photographies
macabres des résistants décédés. Le département de la Drôme, nouveau propriétaire du musée,
a lancé une grande opération en faisant du musée le témoin de l’esprit des résistants dans les
13
Sur les chantiers de rénovation du Mémorial de Caen, voir le portail Internet qui leurs est consacré :
<http://www.memorial-caen.fr/chantiers-renovation/> (consulté 21.01.10). Un guide des chantiers est mis à la
disposition du public : <http://www.memorial-caen.fr/chantiers-renovation/Guide_chantiers.pdf> (consulté
21.01.10).
50
années 1970, de leurs réflexions sur la guerre : un musée sur un musée et sur sa présentation
particulière des faits. Selon les informations obtenues auprès du directeur du musée, Pierre-
Louis Fillet, certaines vitrines vont être conservées, d’autres allégées de leurs nombreux
objets. Des textes scientifiques vont expliquer à la fois les événements décrits mais aussi la
manière de les représenter, telle une « autopsie » sociologique du courant de pensée des
anciens résistants dans les années 1970.
Comme l’a confirmé Isabelle Doré-Rivé, le CHRD de Lyon doit aussi renouveler son
exposition permanente après la fermeture du centre et des travaux au cours de l’année 201214
.
Suite à un entretien le 24 mars 2010, la directrice du CHRD a divulgué les grands principes
du futur réaménagement. Le CHRD doit mettre fin à certaines orientations de la mise en scène
originelle : des salles avec très peu d’objets, un discours historique ouvert sur les formes de la
Résistance en général. La nouvelle exposition permanente devra insister sur l’histoire et les
spécificités de la Résistance lyonnaise tout en présentant des objets et documents appartenant
aux collections du musée. Un important travail de médiation sera proposé. L’absence des
témoins de la Résistance et de la transmission directe de l’histoire des événements entre les
différentes générations oblige à une amélioration de la pédagogie. Une period room permettra
d’expliquer la Seconde Guerre Mondiale et de recontextualiser la Résistance alors que
plusieurs niveaux de visite seront mis en place, dont un parcours de visite spécialement conçu
pour les enfants.
- L’élargissement chronologique et thématique des lieux de mémoire
D’autre part, les lieux de mémoire commencent à opérer « un redéploiement »15
de
leur discours scientifique, de leurs activités et de leurs actions de promotion. Plusieurs formes
de redéploiement apparaissent, offrant des propositions pour un changement.
La plupart des lieux de mémoire ont réorienté leurs discours scientifiques vers la question
plus générale des droits de l’homme et du thème plus universel de la Résistance dans le
monde. Certains lieux de mémoire cherchent à insérer leurs collections et leur discours
scientifique dans une étude plus large de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale. Ils
abandonnent la vision trop locale pour placer leurs collections dans des relations d’interaction
avec l’histoire d’un territoire régional ou national. Les conservateurs s’ouvrent au
14
Pour la retranscription de l’entretien, voir le dossier d’outils méthodologiques. 15
Terme proposé par Marie-Thérêse Têtu. Voir TÊTU Marie-Thérèse. Vercors et Résistance, un tournant
mémoriel. Rapport de recherche. Paris : Mission à l’ethnologie - Ministère de la culture et de la communication -
Direction de l’architecture et du patrimoine, 2006, 97p.
51
comparatisme qui favorise une meilleure compréhension des visiteurs et ravive l’attrait de
leurs lieux de mémoire.
Ce travail de redéploiement du discours peut prendre des formes concrètes, voire plus
radicales avec des modifications du projet scientifique et de l’espace muséographique. Le
Musée de l’Armée secrète et de la Résistance d’Estivareilles (Loire) a été créé en 1984 pour
commémorer les événements de la bataille d’Estivareilles et rappeler le rôle de l’Armée
Secrète de la Loire pour la libération du département. En 1999, après quelques mois de
fermeture pour travaux, il est devenu le Musée d’histoire du XXe siècle. L’ensemble de la
muséographie a été revu pour mettre en place un parcours amenant le visiteur des années 1900
jusqu’à 1999, avec néanmoins un développement plus important de la période de la Seconde
Guerre Mondiale et de la bataille d’Estivareilles en 1944. Les grandes modifications sociales
et politiques sont mises en scène dans le parcours telles que l’industrialisation de la Loire, la
colonisation, le Front populaire, les années noires, la naissance de la société de consommation
et la création de l’Union Européenne. Chaque période est symbolisée par un objet
emblématique, une scène caractéristique. A la fin des années 1990, les gestionnaires du musée
ont compris l’importance d’aller au-delà de la simple présentation des faits de la Résistance
pendant la Seconde Guerre Mondiale qui n’était plus aussi bien comprise des nouvelles
générations. Le dossier de presse explique cette volonté de recontextualiser le discours
scientifique : « La Résistance et l’horreur de la Déportation sont situées « dans le siècle »,
sont mises en perspective, en situation, pour une meilleure compréhension et pour tirer les
leçons pertinentes de l’Histoire. »16
.
Avec la suppression de la dernière salle du parcours muséographique au Mémorial de
Vassieux-en-Vercors, les gestionnaires ont eu la possibilité d’ouvrir le discours scientifique à
d’autres périodes sans devoir, néanmoins, entamer une refonte totale de l’ensemble des salles.
Le spectacle faisant revivre le martyre d’Arlette Blanc a laissé la place à une salle de cinéma
où est projeté le film « Résister, encore ! », réalisé et écrit par Franck Pavloff17
. Pour clore la
visite, le film se concentre sur l’après-guerre et la naissance de l’ONU, sur plusieurs
mouvements de résistance dans le monde entier partageant des valeurs communes. Il est
entrecoupé par le témoignage de Rosine Crémieux, une des dernières résistantes du Vercors
16
Voir le dossier de presse du Musée d’Estivareilles qui est disponible sur demande auprès des gestionnaires. 17
Pour une présentation de ce documentaire, voir sur Internet : <http://www.brutprod.com/swf/pdf/vercors/
vercors.pdf> (Consulté 16.04.10).
52
encore en vie. Le film démontre la continuité du combat des résistants du Vercors avec
d’autres formes de Résistance tout au long du XXe siècle et ouvre vers un discours plus large
sur les valeurs des résistants en général, du Vietnam au Chili, en passant par l’Afrique du Sud,
l’Inde ou le Tibet.
A la fin des années 1990, Marie-Hélène Joly critiquait la plupart des musées d’histoire en
France, victimes d’une « myopie généralisée »18
, centrant leurs discours sur une histoire
locale, sans aucun travail de contextualisation dans le temps et dans l’espace. Le
redéploiement thématique de certains lieux de mémoire de la région Rhône-Alpes répond à
l’incompréhension croissante des jeunes générations devant une simple description des
événements de la Seconde Guerre Mondiale ou des valeurs défendues par la Résistance. En
offrant un discours sur une longue durée, en insérant les événements de la guerre dans
d’autres mouvements de résistance plus proches dans le temps des nouvelles générations, le
discours scientifique devrait être mieux compris et assimilé.
- Le recours à l’événementiel : les expositions temporaires
L’événementiel, et plus spécifiquement les expositions temporaires, apparaît aussi
comme des outils supplémentaires, à la disposition des gestionnaires pour offrir une nouvelle
offre culturelle plus diversifiée, aux thèmes nouveaux et attrayants. En effet, les expositions
temporaires sont un moyen pour produire un renouvellement du discours des lieux de
mémoire sans pour autant intervenir, de manière plus durable et coûteuse, sur les expositions
permanentes.
Comme le rappelle le dossier de presse du CHRD, cette ouverture des expositions temporaires
a pour objectif de créer un lien entre les événements de la Seconde Guerre Mondiale et les
valeurs prônées par la Résistance avec des situations contemporaines : « Dès l’origine du
Centre d’Histoire, la programmation des expositions temporaires a été en partie orientée vers
des sujets couvrant une période plus vaste que celle de la Seconde Guerre mondiale. Cette
option d’un élargissement temporel des thématiques a généralement été adoptée par toutes les
structures muséales à dimension mémorielle. (…) Centrée sur des problématiques
contemporaines, en prise directe avec les atteintes aux droits de l’homme dans le monde,
attentive à valoriser les avancées de la recherche historique dans sa période de prédilection, la
18
JOLY Marie-Hélène. Comparatisme local, régional, national, que choisir ? In GERVEREAU Laurent (dir.).
Quelles perspectives pour les musées d’histoire en Europe ?. Paris : Association internationale des musées
d’histoire, 1997, p.36.
53
programmation contribue à ancrer l’image d’un lieu ouvert sur la ville et le monde. »19
. Par
exemple, le CHRD a organisé :
- en 2000 l’exposition « Tibet, un peuple en sursis »,
- en 2005 « Chronique d’un génocide : Cambodge, 1975-1979 »,
- en 2006-2007 « Elles. Exister, résister… Ici et ailleurs. » sur des grandes figures
de femmes résistantes tout au long du XXe siècle,
- en 2009 « Voyages pendulaires. Les Roms au cœur de l’Europe, en France et en
Roumanie »,
- en 2009-2010 « Nous sommes le peuple : vers la chute du Mur de Berlin ».
Ces exemples d’expositions prouvent l’ouverture temporelle mais aussi géographique des
gestionnaires du CHRD qui choisissent de traiter, en plus, de sujets parfois polémiques.
D’autre part, la diversité thématique des expositions temporaires peut servir à la
transformation et au renouvellement des publics des lieux de mémoire, en amenant vers les
sites de nouvelles catégories de visiteurs intéressés par les problématiques plus
contemporaines ou en fidélisant des publics déjà venus. Certaines expositions temporaires
peuvent devenir aussi des succès en terme de fréquentation, voire en termes financiers.
c) L’appui du tourisme et de ses acteurs dans la promotion des lieux de
mémoire
Les relations entre les gestionnaires des lieux de mémoire de la Résistance et les
différents acteurs du monde touristique restent encore assez distendues, à la différence des
régions du nord de la France. Néanmoins, de manière individuelle, certains gestionnaires
considèrent que le tourisme est un appui non négligeable pour développer leur structure.
- L’adéquation de la thématique mémorielle à l’offre touristique globale
Surtout, certains gestionnaires des lieux de mémoire ont pris conscience de
l’obligation de réinsérer la mémoire de la Résistance dans un discours et une offre touristique
plus larges. Pour limiter la disparition du tourisme de pèlerinage, pour lequel les visiteurs
venaient dans les lieux de mémoire de manière délibérée, certains lieux de mémoire de
Rhône-Alpes cherchent à conjuguer leurs sites avec des formes touristiques plus globales.
Cette nouvelle orientation, lancée au départ par des lieux de mémoire de gestion privée,
19
CHRD. Dossier de presse de présentation du CHRD. Lyon : CHRD, p.14 [en ligne]. Disponible sur Internet :
<http://www.chrd.lyon.fr/static/chrd/contenu/pdf/presse/institutionnel/PReseau_vBAT.pdf> (consulté 03.04.10).
54
commence à rallier les autorités culturelles des différents départements et d’autres
gestionnaires comme le Parc naturel régional du Vercors.
La Grotte de la Luire, entreprise privée gérée par un couple d’anciens étudiants en tourisme, a
choisi de ne plus se concentrer uniquement sur le pouvoir mémoriel du site. Les nouveaux
gestionnaires valorisent au contraire l’histoire d’un site naturel, au fil de plusieurs siècles. La
visite de la grotte s’arrête évidemment sur les événements de 1944 pendant lesquels des
résistants réfugiés ont été fusillés par des Allemands. Mais, elle est surtout assortie d’une
découverte de la constitution de la grotte, de ses éléments fossiles : « Le circuit habituel
opposait les thématiques Résistance et Hydrogéologie. Pour rendre le nouveau circuit de visite
plus cohérent et interactif, il est apparu évident qu’il fallait au contraire rassembler les
différentes thématiques, et ainsi aborder de manière transversale toutes les aventures
humaines, qu’elles soient liées à la résistance, à l’exploration spéléologique, au passage de
précurseurs ou des charbonniers, tout en mettant ces aventures en parallèle avec l’activité
naturelle du site, ses crues exceptionnelles.»20
. Pour confirmer cette volonté de ne plus
valoriser la seule thématique mémorielle, les gestionnaires ont adhéré au réseau Séquence
Nature Rhône-Alpes21
, regroupement de vingt-huit sites touristiques volontaires à vocation
marchande et ouverts au public, situés dans la région Rhône-Alpes. La création de ce réseau a
été soutenue par la Mission d’Ingénierie Touristique Rhône-Alpes (MITRA) et aidée
financièrement par la Région Rhône-Alpes. Séquence Nature Rhône-Alpes rassemble des
sites valorisant et présentant la nature dans toute sa diversité (grottes, jardins, espaces de
nature et parcs animaliers). L’association de la thématique Nature avec la vocation
mémorielle des lieux fonctionne uniquement dans les zones de maquis, historiquement situées
dans des espaces sauvages, telles que le Vercors ou le Plateau des Glières.
Les sites du Vercors semblent avoir été les premiers à travailler à l’insertion des lieux de
mémoire dans une offre touristique plus large. Cette expérience est peut-être due à deux
raisons principales :
- la volonté depuis la fin de la guerre d’intégrer le patrimoine historique et mémoriel
à l’offre touristique essentiellement basée sur les sports d’hiver,
20
Sur le travail des gestionnaires de la Grotte de la Luire avec les acteurs du tourisme rhônalpin, voir l’article La
Grotte de la Luire cherche à séduire [en ligne]. Disponible sur Internet : <http://pro.rhonealpes-
tourisme.com/articles/la-grotte-de-la-luire-cherche-a-seduire-944-1.html> (03.02.10) 21
Voir le site Internet de Séquence Nature Rhône-Alpes : <http://www.sequence-nature.fr/> (Consulté 01.04.10).
55
- la présence du Parc naturel régional du Vercors qui, dès sa création en 1970, a
mêlé intimement la culture à la nature.
En 1984, le Pnr du Vercors met en place une enquête d’opinion pour connaître la notoriété et
l’image du Vercors. Les résultats le confortent dans son travail d’association des
thématiques : 82% personnes interrogées disent avoir déjà entendu parler du Vercors parmi
lesquelles 52% y voient un lieu où la nature est préservée et 51% y voient un haut lieu de la
Résistance22
.
Le Pnr du Vercors, gestionnaire du Mémorial de la Résistance de Vassieux-en-Vercors, a
lancé un nouveau projet pour améliorer la visibilité du maquis du Vercors et des lieux de
mémoire de la Résistance. Dans son Projet pour l’aménagement et la coordination du
mémorial et du musée de la Résistance23
, daté de juin 2003, le Pnr du Vercors rappelle bien le
choix d’associer la thématique de la mémoire de la Résistance à d’autres propositions de
séjour, « l’articulation entre des prestations différentes mais complémentaires : artistiques,
sportives, culturelles »24
. Il va même plus loin, dans sa nouvelle charte courant de 2008 à
2020, en associant clairement dans ce texte fondateur les équipements des lieux de mémoire et
le tourisme : « la gestion des équipements muséographiques et de mémoire, propriété du Parc,
et leur intégration dans une stratégie de développement touristique et culturel à l’échelle du
massif et de la région »25
.
Le maire de Valchevrière (Isère), commune détruite en partie par les soldats allemands en
août 1944 et laissé en l’état, a choisi de travailler à raviver la mémoire de la Résistance tout en
l’incorporant dans une mémoire plus large, celle des savoir-faire artisanaux, de la vie
quotidienne des paysans au XIXe siècle et au début du XX
e siècle. Pour mettre en valeur ce
passé, dont la Résistance est une des composantes, un écomusée a été construit.
- L’utilisation des outils et des compétences des acteurs du tourisme
Cette insertion du tourisme de mémoire et de certains de ses lieux de visite a été
réalisée avec l’intervention des acteurs traditionnels du tourisme. La Mission d’Ingénierie de
22
Voir VERGNON Gilles. Le Vercors : Histoire et mémoire d’un maquis. Paris : Editions de l’Atelier / Editions
ouvrières, Paris, 2002, p.212. 23
Projet consultable sur Internet à la page <http://www.memoiredesalpes.net/ index.php?method =section& id
= 181> (consulté le 13.06.09). 24
Parc Naturel Régional du Vercors. Projet pour l’aménagement et la coordination du mémorial et du musée de
la Résistance. Juin 2003, p.6. 25
PARC NATUREL RÉGIONAL DU VERCORS. 2008-2020 La charte du Parc du Vercors. 2008, p.28 [en
ligne]. Disponible sur Internet : <http://www.parc-du-vercors.fr/charte/pdf/PNRV_CHARTE.pdf> (consulté
07.04.10).
56
Rhône-Alpes Tourisme a été sollicitée par les gestionnaires de la Grotte de la Luire pour
repenser son positionnement marketing26
: « En septembre 2006, le jeune couple de
gestionnaire, Daphné Thomas et Cyril Brun, a repris la grotte. (…) Comme l’ont fait d'autres
cavités touristiques de Rhône-Alpes , ils ont entamé une réflexion pour la création d'un projet
de site en se posant un certain nombre de questions qu'ils ont souhaité soumettre au groupe de
travail dont font partie la MITRA et d’autres partenaires, comme le CDT de la Drôme, le Parc
naturel régional du Vercors et le CDRA Royans - Vercors ; l’objectif étant de les
accompagner à repositionner le site pour renouer avec une fréquentation plus importante. ».
Ce repositionnement est intervenu de différentes manières : une modification de l’offre
proposée par les gestionnaires, une valorisation de l’éco-responsabilité de la gestion du site et
le renouvellement de l’image de la Grotte de la Luire.
La dilution de la thématique mémorielle dans une mise en valeur plus générale de la grotte
s’est accompagnée d’une diversification de l’offre qui, auparavant, était réduite à la visite du
lieu de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale, sans mettre véritablement en avant les
richesses géologiques du site. Ainsi, les nouveaux gestionnaires ont créé un éventail d’offres
plus variées, avec des personnes cibles différentes. Par exemple, pour plaire aux personnes
éprises de curiosités géologiques, des parcours de spéléologie sont proposés, de même que
des visites découvertes de la faune avec observation de chauve-souris ou des visites
thématiques. Pour coller aux attentes des visiteurs, certaines visites sont guidées uniquement à
la bougie et sont accompagnées d’un spectacle son et lumière à l’intérieur de la grotte. Enfin,
au mois de juin, chaque année, le festival « Festiluire » permet au site d’accueillir des
concerts, des projections, des stands de démonstration et des panneaux d’expositions sur des
thématiques variées. Néanmoins, les gestionnaires ont aussi adapté leur offre aux touristes
venus spécialement pour le lieu de mémoire, situé à l’entrée du porche, et proposent donc en
2010 une visite « Résistance » en expliquant l’utilisation spécifique et le rôle des espaces
naturels, forêts, grottes, abris sous roche pendant la Seconde Guerre Mondiale. Cette visite
répond à la situation spécifique du porche qui ne rentre pas dans les prérogatives de gestion de
la grotte et qui a été valorisé de manière anarchique par l’ensemble des acteurs mémoriels du
territoire.
26
Voir la note n°20, idem.
57
Le repositionnement a ainsi impliqué une modification de la communication de la Grotte de la
Luire. De lieu de mémoire, le site est devenu un lieu éco-responsable, en accord avec les
enjeux environnementaux actuels. Une exploitation durable du site a été mise en avant avec
l’installation de toilettes sèches, de papier recyclé, de consommation d’énergies
renouvelables. Les bâtiments d’accueil sont en bois, rappelant l’architecture des chalets
alpins. Des tables de pique-nique ont été installées, avec des poubelles permettant de limiter
l’impact des visiteurs et de leurs déchets sur l’espace naturel. Cet engagement écologique
apparaissait comme une suite logique de l’adhésion à Séquence Nature. Le renouvellement de
l’image a aussi eu pour conséquence une modification de l’ensemble des flyers proposés sur
la Grotte de la Luire. Alors que les flyers des années précédentes mettaient en avant le lieu de
mémoire, les dépliants distribués à partir de 2009 montrent des images de la grotte en tant
qu’espace naturel27
. Cette modification de l’image se heurte à la conception de la grotte par
les autorités dont la Direction régionale de l’Environnement Rhône-Alpes (DIREN) qui
produit des dépliants valorisant le site classé en tant que lieu de mémoire28
.
Les lieux de mémoire de la Résistance de la région Rhône-Alpes doivent faire face à de
nouveaux enjeux structurels, pédagogiques et touristiques. Les gestionnaires ont pris
conscience rapidement des risques encourus par leurs structures et ont alors proposé des
solutions de plus ou moins grandes ampleurs. Ces initiatives sont-elles suffisantes ou doivent-
elles être accompagnées par de nouvelles actions ? Quel est donc l’avenir des lieux de
mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes ?
27
Voir le flyer de la Grotte de la Luire en annexe n°VI.1. 28
Voir le flyer de la DIREN sur la Grotte de la Luire en annexe n°VI.2.
Pour permettre aux lieux de mémoire de rester des destinations attractives pour les
visiteurs et les touristes, les gestionnaires doivent entamer un travail de rénovation des
structures. Cette rénovation doit prendre en compte deux aspects fondamentaux : la
revalorisation du pouvoir mémoriel des sites ainsi que l’indispensable insertion des lieux de
mémoire dans l’innovation aussi bien technologique que stratégique.
A. La valorisation du pouvoir mémoriel des sites
Certains lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes ont choisi de mettre en avant
le travail pédagogique, explicatif. De lieux de mémoire, ils sont parfois devenus lieux
d’histoire, faisant une place importante aux historiens et à la compréhension historique des
visiteurs. Ainsi, certains sites ont abandonné, ou peut-être simplement mis de côté, leur
caractéristique principale qui les différencie nettement de l’ensemble des musées de la
Résistance et de la Déportation : la valeur mémorielle de leur site.
a) Les lieux de mémoire de la Résistance, avant tout des lieux du souvenir ?
Les lieux de mémoire de la Résistance sont situés sur des sites au lourd passé
historique et mémoriel : zones de massacres, lieux de batailles entre les résistants et les
soldats allemands, lieux d’inhumations de corps de résistants, lieux de torture et
d’emprisonnement. Cependant, cette valeur mémorielle est-elle véritablement bien comprise
par les visiteurs lors de leurs arrivées sur les sites ?
- Des lieux de commémorations : une remémoration continuelle
L’ensemble des lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes sont des supports
pour les commémorations de la Seconde Guerre Mondiale. Les gestionnaires des lieux de
mémoire participent aux commémorations de différentes manières. Ils peuvent organiser les
Partie 3 : Quel avenir pour les lieux de mémoire de la
Résistance en Rhône-Alpes ?
59
cérémonies avec les associations d’anciens résistants et avec les ONAC, services
départementaux du ministère de la Défense en charge de la mise en place des
commémorations. Ils mettent aussi à disposition les lieux de mémoire, emplacements
privilégiés des cérémonies, ainsi que les locaux d’accueil des visiteurs pour recevoir les
participants. Au Musée du XXe siècle d’Estivareilles, une Salle d’Honneur a été créée pour
rappeler le souvenir des résistants de l’Armée de la Loire et pour conserver les drapeaux
commémoratifs utilisés pendant les cérémonies.
Les cérémonies peuvent avoir lieu lors des anniversaires d’événements nationaux mais aussi
locaux. Par exemple, les associations d’anciens résistants
se retrouvent au plateau des Glières à la fin du mois de
mars pour célébrer la bataille du 26 mars 1944. La
dernière commémoration a eu lieu le 26 mars 2010, pour
le 66e anniversaire de la bataille, à la nécropole nationale
de Morette, en présence d’anciens résistants, d’élus,
d’enfants et de la 1e compagnie Glières du 27
e bataillon
des chasseurs alpins d’Annecy.
Commémoration à la nécropole de Morette en mars 2010
Source : http://armanddesimone.hautetfort.com
Les commémorations sur les lieux de mémoire sont un des facteurs de survie et de transfert du
souvenir des événements de la Résistance et de la Seconde Guerre Mondiale. Elles renforcent
la légitimité des lieux de mémoire qui apparaissent comme les lieux d’une remémoration
continuelle.
- Des lieux aux lourds passés historiques
Les lieux de mémoire sont devenus, pour la plupart, des lieux pédagogiques, pour
expliquer des faits historiques aux visiteurs. Ce travail pédagogique est indispensable mais il
est parfois, dans certains cas, devenu prioritaire au détriment de la valeur mémorielle des
sites. Les lieux de mémoire sont des lieux du souvenir, où les traces des événements ont été
sacralisées. Il semble parfois nécessaire de rappeler aux visiteurs la valeur et le pouvoir
mémoriels des sites qu’ils sont en train de visiter, pour les replacer dans une atmosphère de
souvenirs parfois propice à la compréhension. Cette revalorisation du pouvoir mémoriel des
lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes est d’autant plus aisée que les sites sont
60
tous installés sur les lieux d’événements dramatiques dont il reste parfois encore des traces
dans le paysage.
Le Musée départemental de la Résistance est situé, dans le village de Vassieux-en-Vercors,
sur les lieux mêmes de l’attaque aérienne qui détruisit quasiment entièrement le village. Les
traces de la guerre ont été conservées : les vestiges d’une carcasse de planeur allemand ayant
atterri à proximité du village, des containers de munitions allemands encore dressés dans un
enclos1.
Le CHRD est installé dans les anciens locaux de l’Ecole du Service de santé militaire,
réquisitionnés par la Gestapo à Lyon. En mars 1943, plusieurs sections de la Sipo-SD, dont la
section IV de la Gestapo dirigée par Klaus Barbie, s’installent dans les bâtiments. Ils
deviennent alors les lieux d’interrogatoire des prisonniers incarcérés à la prison de Montluc,
dans le centre de Lyon. De lieux d’interrogatoire, les bâtiments sont aussi devenus des lieux
de torture et d’exécution. Les parties supérieures des bâtiments ayant été bombardées en mai
1944 par les Alliés visant les infrastructures ferroviaires toutes proches et laissées libres par le
déménagement des soldats allemands, elles ont été reconstruites pour permettre l’installation
du centre. Pourtant, la valeur mémorielle du site n’est pas véritablement explicitée. Une
plaque de verre à l’entrée recouvre un trou noir qui plonge le regard du visiteur vers les caves
du bâtiment, sans aucune véritable explication sur le choix muséographique opéré.
Rapidement, une fois le début de l’exposition permanente passé, les visiteurs ne ressentent
plus le poids historique et mémoriel du lieu qui devient simplement une enveloppe d’accueil
pour le CHRD.
- Des « lieux de sensibilité » : la sacralisation mémorielle des traces
Ainsi, certains lieux de mémoire pourraient utiliser les traces de la Seconde Guerre
Mondiale et des combats au sein même de leur parcours muséographique. Une trace
matérielle de l’époque en question, est toujours plus édifiante qu’un texte sur un panneau ou
un cartel. La trace crée une matérialité qui est plus difficilement accessible par le texte. Cette
utilisation des traces a été mise en avant par certains sites qui ont compris son importance. Les
gestionnaires ont donc créé « des lieux de sensibilité », des lieux de mémoire qui font appel à
la sensibilité des visiteurs, par le biais des traces et de leur matérialité.
1 Voir la photographie en annexe n°V.4.
61
Les différents lieux de mémoire du Site national historique de la Résistance se caractérisent
ainsi par ce pouvoir mémoriel. Le devoir d’histoire n’a pas effacé certaines traces de la
Seconde Guerre Mondiale et de ses événements. Lorsque les visiteurs découvrent ces lieux, ils
en ressentent le poids historique et le pouvoir mémoriel. Ils sont restés des « lieux de
sensibilité ». Situé à proximité de Vassieux-en-Vercors, le village de Valchevrière, utilisé
l’été par les agriculteurs et occupé par des maquisards pendant la guerre, a été détruit et
incendié par les soldats allemands en juillet 1944. Seule la chapelle, située en contrebas des
habitations, a été laissée intacte. Les ruines ont été conservées en l’état, débroussaillées et
consolidées, les traces de l’incendie toujours visibles sur les murs.
Le Mémorial de Vassieux-en-Vercors a joué dans sa muséographie et sa scénographie sur le
pouvoir mémoriel du site. L’emplacement même du mémorial, au-dessus de la plaine
d’atterrissage des avions allemands en août 1944 et au-dessus du village de Vassieux-en-
Vercors détruit quasiment entièrement a pour objectif de rappeler le drame. Pour quitter la
dernière salle d’exposition, les visiteurs doivent emprunter un corridor. Une des parois est
recouverte de 840 feuilles de plomb fixées au mur et dans lesquelles ont été introduits, par des
enfants, les noms des victimes des communes du Parc naturel régional du Vercors lors de la
Seconde Guerre Mondiale2. La fin de l’exposition permanente emmène les visiteurs sur un
belvédère panoramique où ils doivent ressentir, dans ce lieu, le poids de l’histoire et des
atrocités commises.
Un Jardin du souvenir a été conçu par l’artiste Emmanuel Saulnier, sur l’ancien cimetière de
Vassieux-en-Vercors3, en face du Musée départemental de la Résistance ; sa destination
originelle est encore signifiée par la présence de pierres tombales et de monuments funéraires
anciens, placés contre les murs du jardin. L’œuvre d’Emmanuel Saulnier est un monument
dédié aux soixante-treize victimes civiles des bombardements. Ainsi, soixante-treize lames de
verre ont été érigées sur un parterre gazonné symbolisant par l’emploi du verre la fragilité de
la vie et l’innocence des victimes. Sur le mur en marbre, les noms des victimes ont été
inscrits, accompagnés par l’inscription « Rester – Résister ».
Le Musée de la Résistance, dans la nécropole nationale de Morette en Haute-Savoie, a
conservé, dans la cave accessible de plain-pied par les visiteurs, l’ensemble des croix de bois
2 Voir la photographie du corridor en annexe n°IV.5.
3 Voir l’œuvre d’Emmanuel Saulnier en annexe n°V.3.
62
installées sur les tombes et remplacées par des croix en bronze. Cette cave pourrait se
confondre avec un espace sacralisé, une crypte. Les
croix en bois sont adossées aux murs, quelques
plaques funéraires ont été conservées alors qu’une
grande croix de Lorraine est posée au sol et fleurie
régulièrement.
Cave du musée de la Résistance Source : Photographie personnelle
Il faudrait néanmoins s’interroger sur la véracité de ce pouvoir mémoriel sur les habitants des
lieux de mémoire. Il apparaît indéniable pour les touristes et les anciens résistants. Cependant,
il semblerait que dans certaines zones très touchées par les combats et les destructions, tel que
le Vercors, les habitants n’acceptent pas ces traces de la guerre, conservées dans le paysage.
En effet, Marie-Thérèse Têtu-Delage, socio-anthropologue, s’est intéressée à la mémoire de la
guerre chez les habitants4. Elle démontre que les habitants sont réticents à se souvenir,
préférant le silence comme mode de résilience collective5. Ainsi, la conservation et
l’utilisation de traces suscitant le pouvoir de remémoration des lieux de mémoire n’ont-elles
pas été conservées uniquement pour les visiteurs du tourisme de mémoire ?
b) De nouvelles structures mémorielles : Montluc et la Maison Dugoujon
La région Rhône-Alpes a vu la patrimonialisation et la valorisation de deux nouveaux
lieux de mémoire qui doivent être inaugurés au cours du deuxième semestre de l’année 2010.
Malgré le poids des associations d’anciens résistants et déportés, ces nouvelles structures
revêtent un objectif politique primordial, sans toutefois être assorti des moyens financiers
nécessaires.
4 Voir TÊTU Marie-Thérèse. Vercors et Résistance, un tournant mémoriel. Rapport de recherche, février 2006,
Mission à l’ethnologie - Ministère de la culture et de la communication - Direction de l'architecture et du
patrimoine, 97p. [en ligne]. Disponible sur : <http://www.culture.gouv.fr/mpe/recherche/pdf/AFR_
TETUDELAGE.pdf> (consulté 11.11.09) 5 Sur le rôle des ruines pour la résilience collective, voir la conférence de LE BLANC Antoine. Conservation des
ruines traumatiques en milieu urbain. Communication présentée dans le cadre du Séminaire Géographie et
Résilience urbaine de l’Ecole Normale Supérieure (11 février 2010, Ecole Normale Supérieure, Paris).
63
- La prison Montluc
Le Fort Montluc a été construit à Lyon au début des années 1830, afin de servir de prison
militaire. En 1921, le site a ensuite abrité une prison. En 1942, après l’invasion de la zone
libre par les soldats allemands, la prison est réquisitionnée pour permettre l’incarcération de
prisonniers français dont, entre autres, Jean Moulin après son arrestation à Caluire. Alors que
la prison est libérée le 24 août 1944, les prisonniers détenus sont fusillés par les soldats, sur
l’ordre de Klaus Barbie. Au total, environ 7.700 personnes auront été incarcérées, torturées
puis, pour la plupart, fusillées entre 1942 et 1944.
En 1947, le fort devient une prison civile qui est
finalement fermée en 2009, après le
déménagement des prisonnières féminines vers
de nouveaux lieux de détention.
Premier étage de la prison Montluc
Source : <http://www.leprogres.fr/fr/images/get.aspx
?i Media=13239263>
Le projet de valorisation a été validé par le secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens
combattants Jean-Marie Bockel en mars 2009 et certaines parties de la prison ont été inscrites
le 25 juin 2009 au titre des Monuments Historiques. Une partie de la prison doit recevoir une
valorisation particulière, pour rappeler le destin des prisonniers pendant la Seconde Guerre
Mondiale. Le projet de valorisation se concentre autour de plusieurs cellules ainsi que du mur
des fusillés où les impacts de balle des exécutions sont encore visibles. En plus de la création
d’un lieu de mémoire, la prison doit recevoir des locaux administratifs de l’université Lyon III
et des logements étudiants. Le chantier de restauration, la mise en sécurité des locaux et la
valorisation sont financés, en partie, par l’Etat, dans le cadre du plan de relance qui apporte
150.000 euros. Les travaux de reconversion ont commencé en mai 2010 pour permettre une
inauguration entre le mois d’août et le mois de septembre 2010.
Un comité de pilotage a été mis en place avec, à sa tête, le procureur général de la cour
d’appel de Lyon, Jean-Olivier Viout qui était le substitut général pour le ministère public lors
du procès de Klaus Barbie. Il comprenait aussi des représentants des associations de résistants
et de déportés, de la DRAC Rhône-Alpes et de l’ONAC Rhône. Le projet de valorisation se
veut sobre, pour faire des cellules un lieu du souvenir et de recueillement. Grâce à un
64
entretien avec le directeur de l’ONAC du Rhône, Philippe Rivé, il est possible d’esquisser les
grandes lignes du projet6.
Dix panneaux seront installés pour permettre une recontextualisation de l’histoire de la prison.
Trente-six cellules recevront un panneau racontant la vie et l’expérience d’un prisonnier
détenu à Montluc. Le comité de pilotage a choisi avec soin les différents portraits afin de
montrer la diversité des parcours des détenus. La prison de Montluc n’était pas destinée à
l’incarcération d’une catégorie précise de prisonniers mais recevait l’ensemble des personnes
arrêtées par la Gestapo à Lyon et dans la région lyonnaise, aussi bien des résistants que des
prisonniers juifs ou les enfants d’Izieu. Deux cellules spécifiques sont destinées à recevoir des
panneaux explicatifs sur Jean Moulin et Klaus Barbie qui, de manière symbolique, a été
enfermé à la prison pendant son procès.
- La Maison Dugoujon
La Maison Dugoujon est située à Caluire, dans la banlieue lyonnaise. Cette maison, louée
par le docteur Dugoujon, accueillit le 21 juin 1943 une réunion des principaux chefs de la
Résistance dans la zone sud. Du fait d’une négligence ou d’une traîtrise, la réunion fut
interrompue par la Gestapo et l’ensemble
des participants capturés. Jean Moulin,
amené à la prison Montluc, fut interrogé et
torturé par Klaus Barbie avant d’être
transféré au siège de la Gestapo à Paris.
La Maison du docteur Dugoujon
Source : www.cheminsdememoire.gouv.fr
La patrimonialisation de la Maison Dugoujon est assez récente, peut-être du fait du mystère et
des rumeurs de traîtrise entourant l’arrestation de Jean Moulin et a connu plusieurs étapes :
- l’inscription de la maison à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en
1990,
- le rachat de la maison en juin 2000 par le conseil général du Rhône dans l’objectif de
la transformer en lieu de mémoire,
6 Voir la retranscription de l’entretien dans le dossier d’outils méthodologiques.
65
- la mise en place d’une statue de Jean Moulin, en face de la
maison, sculptée en bronze par l’artiste Christiane Guillaubey
qui a représenté Jean Moulin, avec son écharpe et son
chapeau, debout regardant l’entrée de la maison et enserré
entre des piliers.
Statue de Jean Moulin
Source : www.parigones.net/IMG/jpg/Histoire_-_MOULIN_Jean_-_Statue.jpg
La Maison Dugoujon doit devenir le Mémorial Jean Moulin dont l’ouverture est prévue pour
le 21 juin 2010, date de l’anniversaire de l’arrestation. La maison a été transformée pour
retrouver son style et sa décoration de 1943, lors de l’arrestation de Jean Moulin. Le
département a reçu le soutien financier de la Fondation Crédit Agricole « Pays de France »
mais a été obligée de revoir son projet de travaux à la baisse du fait de leurs coûts financiers
élevés.
Le sous-sol de la maison doit être aménagé en espace multimédia permettant de diffuser des
montages audiovisuels, avec des pupitres pour la consultation de documents et de
photographies. Le rez-de-chaussée retrouve sa fonction initiale avec la restitution à l’identique
du bureau du docteur Dugoujon et de la salle d’attente. Les visiteurs pourront écouter des
témoignages audio tout en regardant des portraits des participants de la réunion de 1943. Au
premier étage, où étaient installées la salle à manger et la chambre, des photographies
d’époque et des documents historiques sonorisés mettront fin à l’exposition.
- L’avenir de ces nouveaux lieux de mémoire
L’avenir de ces deux nouveaux lieux de mémoire reste encore en suspens quelques mois
avant leurs inaugurations. Des questions se posent encore sur l’amplitude de leurs ouvertures
ou, pour la prison Montluc, sur l’identité de son prochain propriétaire à la fin de l’année 2010.
L’avenir de ces lieux de mémoire passe par leur inscription physique dans l’ensemble des
sites de la Seconde Guerre Mondiale de la région lyonnaise. Cette inscription physique passe
par la réalisation de documents explicatifs, d’insertion sur les cartes des lieux culturels ou
dans les annuaires des acteurs culturels. Elle peut aussi prendre la forme de visites guidées
organisées soit par le CHRD, de manière exceptionnelle sur demande ou lors des Journées
Européennes du Patrimoine, soit par l’Office du tourisme de la ville de Lyon. Ainsi, le
CHRD, dans le cadre d’une exposition sur Jean Moulin, a proposé un dossier, à destination du
66
public scolaire, pour visiter plusieurs sites aussi bien à Lyon que dans la banlieue lyonnaise.
Ce dossier, téléchargeable sur Internet7, fait le lien entre les deux nouvelles structures
mémorielles et les sites déjà existants - le CHRD, les monuments commémoratifs - du
quartier de Perrache, à la Presqu’île, les pentes de la Croix-Rousse et ses traboules, la Maison
Dugoujon de Caluire et finalement la prison de Montluc.
Néanmoins, ces lieux de mémoire vont-ils devenir des structures culturelles pérennes ?
Plusieurs incertitudes pèsent encore sur ces deux structures alors que les inaugurations sont
prévues pour l’été 2010.
La prison Montluc est peut-être la structure la plus précaire. En effet, à la fin 2010, la
propriété des bâtiments par le ministère de la Justice (par le biais de France domaine) va
changer sans savoir qui en sera le nouveau bénéficiaire : l’Etat par le biais du ministère de la
Culture et de la Communication avec une gestion par la DRAC Rhône-Alpes, la ville de Lyon
avec une gestion par le CHRD. Les solutions sont nombreuses et chacune entraînant des
modifications importantes pour l’avenir du projet, d’autant plus que les horaires d’ouverture
et leur amplitude n’ont pas encore été décidés. La prison Montluc ne peut, de toute manière,
être ouverte qu’à un nombre restreint de visiteurs du fait de l’exiguïté des locaux (15
personnes peuvent être admises, en même temps, au second étage selon les consignes de
sécurité). La prison sera-t-elle uniquement ouverte lors des Journées du Patrimoine ou lors
d’événements exceptionnels comme des cérémonies commémoratives ? Dans ce cas précis, la
mise en tourisme de la prison Montluc et son insertion dans l’offre touristique de la ville de
Lyon ne sera pas évidente. Surtout, les investissements financiers pour la valorisation du site
ne pourront pas être remboursés, l’action de valorisation étant alors uniquement un acte
politique qui ne pourra pas déboucher sur une utilisation culturelle et touristique de plus
grande ampleur.
L’avenir de ces deux nouveaux lieux de mémoire reste encore en suspens quelques mois avant
leurs inaugurations. Les lieux de mémoire, malgré des constructions nouvelles suscitant de
l’intérêt, ont besoin d’innover pour paraître toujours intéressants aux yeux des visiteurs.
7 Parcours Jean Moulin, réalisé et proposé par le service des publics du CHRD, téléchargeable sur Internet :
<http://www.chrd.lyon.fr/static/chrd/contenu/pdf/expositions/Jean%20Moulin/parcours%20JM.pdf> (consulté
24.05.10).
67
B. L’innovation indispensable dans les lieux de mémoire
Les lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes, mais plus généralement en
France, doivent évoluer alors que les derniers témoins disparaissent et que les nouvelles
générations se désintéressent de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale. Face à cette
inadéquation entre leur discours scientifique ou muséographique et les attentes des publics, les
lieux de mémoire doivent innover pour intéresser et attirer de nouveaux visiteurs.
a) La valorisation des témoignages oraux
L’innovation passe tout d’abord par la collecte des témoignages des derniers résistants, de
leur valorisation et de leur utilisation au sein même des lieux de mémoire. Les témoignages
enregistrés deviennent ainsi des outils d’histoire et de pédagogie.
- L’avènement de « l’ère des témoins »8
La mémoire de la Seconde Guerre Mondiale, de la Résistance et, surtout de manière plus
spécifique, de la Shoah est passée, à partir des années 1950, par « l’avènement des témoins »9.
La parole est apparue le moyen le plus efficace pour rétablir la vérité et entamer un temps de
deuil. Ce pouvoir de la parole a pris toute son ampleur lors des grands procès de l’après-
guerre en Allemagne et, plus tardivement en France. La parole des témoins s’est libérée alors
que la population ressentait un besoin social de l’entendre.
Dans la région Rhône-Alpes, l’événement fondateur, participant au réveil de la mémoire de la
Résistance, est l’organisation du procès de Klaus Barbie en mai 1987, à Lyon. Chef de la
Gestapo à Lyon, surnommé le « boucher de Lyon » du fait de la cruauté de ses méthodes
d’interrogatoire, il est le premier homme jugé en France pour crimes contre l’humanité et
condamné à la prison à vie. Le procès s’est appuyé sur de nombreux témoignages d’anciens
résistants, de déportés conférant à leurs paroles un devoir de mémoire. Le procès Klaus
Barbie a permis à l’ensemble des résistants de la région Rhône-Alpes de trouver une place
dans la mémoire de la Seconde Guerre Mondiale en la réactualisant. Evénement fondateur, le
procès de Klaus Barbie a été suivi par ceux de Paul Touvier, chef de la milice lyonnaise
condamné en 1994, et de Maurice Papon, ancien secrétaire général de la préfecture de
Gironde sous le gouvernement de Vichy condamné en 1998.
8 Cf. au titre d’un ouvrage d’Annette Wieviorka. Voir WIEVIORKA Annette. L’ère du témoin. Paris : Hachette,
2009, 184 p. 9 WIEVIORKA Annette. L’ère du témoin. Paris : Hachette, 2009, p.82.
68
- Le travail de collecte et de valorisation des témoignages oraux
Très rapidement après le procès Barbie, quelques lieux de mémoire de la Résistance en
Rhône-Alpes ont compris l’importance de collecter les témoignages des derniers résistants
pour les utiliser au sein de leurs espaces muséographiques.
Le CHRD de Lyon a été pionnier dans le domaine de la collecte des témoignages oraux10
.
Après le procès Barbie, la municipalité a souhaité pérenniser l’écoute des parties civiles
venues témoigner tout au long du procès. Depuis les années 1990, la municipalité a voté des
crédits pour mener une grande opération d’interviews filmés de témoignages. Les témoins ont
été choisis par des listes d’associations lyonnaises d’anciens résistants et après un appel aux
témoignages lors de l’inauguration du CHRD en 1992. Le travail de collecte n’est plus
systématique mais il est de nouveau réalisé lors de la mise en place d’expositions
temporaires ; la dernière campagne a permis l’enregistrement des témoignages des femmes de
prisonniers de guerre. En 2010, près de 750 témoignages filmés sont conservés au CHRD et
une dizaine sont accessibles sur le site Internet du CHRD11
, grâce à leur transfert sur un
support numérique.
L’utilisation des témoignages enregistrés dans les expositions permanentes des lieux de
mémoire prend différentes formes. Au Mémorial de Vassieux-en-Vercors, un espace est dédié
uniquement à l’écoute des témoignages des anciens résistants du maquis du Vercors et des
témoins des événements de juillet 1944. Les visiteurs ont à leur disposition des casques audio
leur permettant de se déplacer dans un corridor et d’écouter toute une série de témoignages,
tout en observant la configuration du Vercors à travers de petites lucarnes.
Espace d’écoute des témoignages au Mémorial
Source : <http://www.memorialvercors.fr/memorial/
visite/salleC.html>
10
Cf. à la conférence de Chantal Jorro et de Catherine Dupré sur la collecte des témoignages oraux au CHRD de
Lyon pendant la Journée d’étude « Comment utiliser le témoignage dans une activité et un projet
muséographique ? » organisée au CHRD de Lyon le 30 septembre 2009. 11
Pour visionner des extraits de quelques témoignages, voir le site Internet du CHRD de Lyon :
<http://www.chrd. lyon.fr/chrd/sections/fr/ressources_historiqu/temoignages> (Consulté 01.05.10).
69
Au CHRD de Lyon, une salle permet la diffusion des extraits du procès Barbie, grâce à
l’autorisation exceptionnelle du tribunal de grande instance de Paris. D’autre part, l’ensemble
des témoignages collectés peuvent être visionnés au centre de documentation. La valorisation
des témoignages passe aussi par leur utilisation lors de la création d’expositions temporaires
ou de manifestations ponctuelles.
De plus, les lieux de mémoire ont choisi d’ouvrir leurs sites à de nouveaux témoins. Pendant
longtemps, les seuls témoins invités dans les lieux de mémoire de la Résistance étaient des
résistants connus et reconnus. Néanmoins, face à leur disparition, les gestionnaires des sites
ont fait appel à de nouvelles catégories de témoins, non sans opposition de la part des témoins
traditionnels : les enfants cachés, les personnes ayant refusé le Service de Travail Obligatoire
(STO). Cette arrivée de nouveaux témoins a donc entraîné des changements au sein même des
lieux de mémoire qui se sont ouverts à de nouvelles formes de résistance, non plus active mais
passive et ont réinscrit la figure traditionnelle du Résistant dans un tout plus global, celui de la
Résistance12
.
- Les témoignages dans l’exposition : intérêts, usages futurs et précautions
Les lieux de mémoire de la Résistance sont confrontés à la disparition des témoins qui
venaient régulièrement exposer leur vie et expérience dans le mouvement résistant pendant la
Seconde Guerre Mondiale. Les gestionnaires des sites de Rhône-Alpes ont appuyé leur
discours scientifique et leur travail pédagogique sur ces témoignages, la présence physique
des témoins. Ils doivent ainsi remettre en cause leur méthode d’exposition et trouver de
nouveaux modes pour valoriser les témoignages oraux enregistrés et rendre vivants les récits
des anciens résistants.
L’utilisation presque systématique des témoignages dans les lieux de mémoire de la
Résistance s’explique par leur valeur pédagogique auprès de l’ensemble des visiteurs mais
surtout auprès des jeunes générations. Le témoignage oral permet de créer « une spatialité
dynamique commune »13
aux témoins et aux visiteurs. En effet, certains témoins parlent de
lieux, de noms de rue, de traditions ancrés dans un territoire, une ville que les visiteurs
connaissent parfois. En créant « un espace partagé »14
, un espace avec lequel les visiteurs sont
familiers, les témoins favorisent une meilleure compréhension du témoignage et produisent
12
Ce sujet a été abordé lors de la Journée d’étude « Comment utiliser le témoignage dans une activité et un
projet muséographique ? » au CHRD de Lyon le 30 septembre 2009. 13
Terme utilisé par Florence Descamps pendant la Journée d’étude au CHRD de Lyon le 30 septembre 2009. 14
Voir supra, idem.
70
une relation d’intimité. Lors d’une intervention au cours d’une Journée d’étude au CHRD en
septembre 2009, Marie-Claire Bonnefoux , étudiante en Master de sociologie, a aussi fait
remarquer l’importance de l’objet, lors d’un témoignage, dans le but d’accompagner le récit.
Certains témoins, en montrant des objets, des photographies, des cartes qui leurs
appartiennent, aident à projeter l’histoire dans une réalité matérielle. Les visiteurs, par leur
imagination, confèrent à l’objet du sens qui devient une porte d’entrée dans le récit du témoin.
Les gestionnaires s’interrogent donc sur la manière de rendre présents les témoins, autrement
que par une présence physique et des témoignages enregistrés ou que par des extraits de
vidéo, tout en conservant les valeurs pédagogiques.
Le rappel des témoins peut aussi passer par l’exposition d’objets personnels qui facilitent
l’identification du visiteur avec le témoin. La Cité Nationale de l’Immigration utilise ainsi les
objets de manière métonymique : un objet, une personne, un parcours de vie. Dans la
première salle d’exposition, des tubes en verre contiennent des écrans de télévision où passent
en boucle les témoignages d’immigrés, des objets et des photographies illustrant leur arrivée
en France. Une galerie des dons a aussi été créée : des personnes peuvent offrir un objet qui
les représente, qui symbolise leur arrivée en France et rédiger un texte sur leurs expériences.
Le Musée du XXe siècle d’Estivareilles réutilise le même principe dans sa Salle d’Honneur
de l’Armée Secrète de la Loire. Des écrans vidéo sont installés sur des pupitres permettant à
des photographies de l’Armée Secrète de défiler. Chaque pupitre représente un secteur
d’actions de l’Armée Secrète, avec un panneau
d’explications et un objet appartenant à un des
résistants de chaque secteur.
Muséographie de la Salle d’Honneur
Source : Musée du XXe siècle d’Estivareilles©
Le CHRD de Lyon a ainsi proposé une solution avec l’exposition Visages (du centre)
d’histoire. Portraits de témoins qui a eu lieu du 29 janvier au 30 août 2009. Dans le cadre de
cette exposition, le photographe Frédéric Bellay a pris en photo l’ensemble des 28 témoins
actifs au CHRD (5 témoins sont décédés entre les prises de vue et le mois de septembre
71
2009), lors des ateliers pédagogiques par exemple. La commande du CHRD était très
explicite, voulant signifier la dette du Centre envers les témoins : « afin de rendre hommage à
l’engagement de ces bénévoles et de garder trace de l’extraordinaire synergie existant entre le
Centre d’Histoire et ces porteurs de mémoire »15
. Les photographies pourront peut-être être
utilisées de nouveau, lors de la transformation des salles d’exposition permanente,
accompagnant des extraits d’enregistrement audio. Cette association complémentaire de
différents médias permettrait de conférer aux sons une matérialité plus importante en
encourageant une identification des visiteurs aux témoins absents physiquement.
Toutefois, cet appui du discours scientifique des lieux de mémoire sur les témoignages
demande des précautions d’usage. En effet, le témoignage est une reconstruction de la
mémoire et donc pas directement un objet d’histoire. Pour le devenir, le témoignage doit
passer par le crible de l’analyse historique et méthodologique. Annette Wieviorka explique
ainsi le danger du témoignage : « Le témoignage, surtout quand il se trouve intégré dans un
mouvement de masse, exprime, autant que l’expérience individuelle, le ou les discours que la
société tient, au moment où le témoin conte son histoire, sur les événements que le témoin a
traversés. »16
. Cette subjectivité s’explique aussi par la distanciation temporelle entre le
témoignage et les événements de la Seconde Guerre Mondiale. Ainsi, le témoignage doit être
inséré avec précaution dans l’exposition permanente et dans les ateliers pédagogiques. Il
demande une explication, un travail de médiation en amont pour comprendre toute sa
complexité.
Le témoignage est perçu comme un des outils les plus utiles et efficaces pour faire
comprendre le mouvement de la Résistance et les événements de la Seconde Guerre
Mondiale. Il peut prendre plusieurs formes (orales, matérielles) mais il doit accompagner le
discours scientifique pour faciliter la compréhension des visiteurs. Cependant, le témoignage
n’est pas suffisant ; les gestionnaires des lieux de mémoire de la Résistance doivent
rechercher de nouveaux outils de présentation et de compréhension.
Les lieux de mémoire sont donc forcés d’innover, de valoriser la matière brute que
représentent les enregistrements de témoignages. Les expositions permanentes doivent utiliser
15
Voir CHRD. Dossier de presse de l’exposition Visages (du centre) d’histoire. Portraits de témoins. Lyon :
CHRD, 2009, p.3. Disponible sur Internet : <http://www.chrd.lyon.fr/static/chrd/contenu/pdf/expositions/
visages_temoins/DP%E9dagoVisages_du_centre_d'histoire.pdf> (consulté 01.05.10). 16
Voir WIEVIORKA Annette. L’ère du témoin. Paris : Hachette, 2009, p.13.
72
de nouveaux outils, en accord avec le sérieux historique et les nouveaux principes de
muséographie moderne.
b) La recherche de nouveaux outils de présentation et de compréhension
Les gestionnaires des lieux de mémoire de la Résistance doivent se poser une question
primordiale pour le futur de leurs institutions : comment rendre intelligibles, par tous, les
situations historiques d’un point de vue muséal et en respectant les coûts financiers des
maîtres d’œuvre ? Plusieurs préconisations peuvent être faites : utiliser les témoignages
audiovisuels dans les expositions permanentes, créer des outils pédagogiques pour
recontextualiser la période de la Seconde Guerre Mondiale et le combat de la Résistance,
immerger les visiteurs dans une atmosphère qui les plongent directement dans la période
exposée grâce, entre autres, à l’utilisation de nouvelles technologies.
- Des outils pédagogiques de recontextualisation historique
La rupture cognitive des lieux de mémoire et de leur exposition permanente avec les
jeunes générations obligent les gestionnaires à créer de nouveaux outils pédagogiques. Les
enjeux sont importants :
- recontextualiser les faits historiques développés dans l’exposition permanente,
- éviter le désintérêt progressif des visiteurs au cours de l’exposition,
- permettre l’interrogation et la compréhension des visiteurs.
Chaque lieu de mémoire de la Résistance doit adapter son discours scientifique aux
connaissances de chaque public. Il est donc important de mettre en place plusieurs niveaux
d’exposition dont un niveau de lecture (voire deux niveaux) pour les enfants et les
adolescents. Ce niveau de lecture pour les jeunes générations doit pouvoir être accompagné
soit d’un audioguide au parcours distinct, soit de documents pédagogiques spécifiques selon
les âges : un document de visite avec des questions simples sous une forme ludique pour les
plus jeunes, des documents plus développés pour les adolescents avec des références au
programme scolaire pour resituer l’exposition et le lieu de mémoire dans un contexte qu’ils
connaissent déjà.
Le discours scientifique ne doit pas non plus faire l’impasse sur un travail de
recontextualisation historique. Les visiteurs ont besoin de replacer la Seconde Guerre
73
Mondiale et la Résistance dans une vision historique d’ensemble. Les gestionnaires devraient
alors offrir une place plus importante à l’explication de la période, de ses avant et après. Les
textes scientifiques doivent être courts pour être lus entièrement par les visiteurs et simples,
dans un esprit de synthèse. Ce travail pédagogique, une fois réalisé, peut être accompagné
d’autres méthodes pour améliorer la compréhension des visiteurs.
- L’immersion des visiteurs
De plus en plus de musées historiques sont rénovés pour correspondre aux attentes des
visiteurs. Dans un monde de loisirs, la visite d’un musée ou d’un lieu de mémoire ne peut plus
uniquement être une marche entre des panneaux d’informations et des objets présentés17
.
Cependant la difficulté des gestionnaires et des muséographes réside dans la conception de
nouvelles présentations qui doivent rendre la mémoire vivante à des touristes venus dans des
lieux de mémoire dans un cadre de loisir, sans mettre à mal l’Histoire.
Plusieurs lieux de mémoire et musées de la Seconde Guerre Mondiale ont recours à des
procédés muséographiques transportant les visiteurs dans la période, dans l’atmosphère. Cette
immersion des visiteurs permet de créer de l’entertainment et de placer les visiteurs dans une
logique d’apprentissage historique grâce aux émotions. Faire ressentir des émotions aux
visiteurs facilite une identification et une compréhension de la situation historique. Le lieu de
mémoire devient le lieu d’une expérimentation sensorielle. Deux exemples sont
caractéristiques de cette nouvelle tendance muséographique et pédagogique : la citadelle de
Bitche en France et le War Imperial Museum de Londres.
La citadelle de Bitche18
est située dans le département de la Moselle. Construite par Vauban,
elle connaît ses jours de gloire pendant la guerre franco-prussienne de 1870, assiégée pendant
plus de 200 jours par une armée de soldats bavarois. Gérée depuis 1960 par la commune, la
citadelle a fait l’objet d’importants travaux de restauration et de mise en tourisme entre 2004
et 2008. En 2006, un parcours cinématographique dans les souterrains a été créé, plongeant
les visiteurs dans la garnison de la fin du XIXe siècle. Le parcours est une véritable immersion
pour les touristes : un texte est diffusé à trois voix (un narrateur, un témoin avec des récits
17
MEYER Marcel. Les animations à caractère historique dans les sites touristiques. In CAILLET Elisabeth
(dir.). La nouvelle Alexandrie. Colloque sur les musées d’ethnologie et les musées d'histoire, Paris, 25-26-27
mai 1992 / organisé par le Collège International de Philosophie et la Direction des Musées de France. Paris :
Ministère de la Culture et de la Francophonie, Direction des musées de France, Les Cahiers de Public et Musées,
1992, pp.165-169. 18
Site Internet de la citadelle de Bitche : <http://www.citadelle-bitche.com/site/index.php> (consulté 14.05.10).
74
issus de mémoires et de lettres et le commandant pendant la guerre), des bruitages sont
répercutés par des haut-parleurs, des images d’archive sont projetées par des diaporamas et
des odeurs sont diffusées pour évoquer les lieux visités.
Le War Imperial Museum19
de Londres est un musée couvrant l’histoire de la Grande-
Bretagne et du Commonwealth au cours d’une période allant de la Première Guerre Mondiale
aux années 2000. Le musée a fait le choix de plonger ses visiteurs dans l’atmosphère de la
guerre tout d’abord en revivant la vie d’une tranchée, puis les attaques aériennes pendant le
Blitz londonien. Le visiteur marche ainsi dans une tranchée alors que des bombes explosent,
que des soldats sont en train de mourir et que les communications deviennent de plus en plus
difficiles. Pour revivre le Blitz, le visiteur est convié à s’installer dans une petite salle où il
entend les déflagrations des bombes ou les sirènes d’alerte et ensuite à en sortir pour
découvrir une rue en ruines20
.
Ces animations sont parfois regardées par les historiens et les gestionnaires des lieux de
mémoire en France comme des outils de distraction, sans aucun rapport avec l’histoire et la
transmission d’informations historiques. Dans une interview à la revue Art press, Annette
Becker, historienne des deux guerres mondiales, raconte sa visite de l’Imperial War Museum :
« (…) de nouvelles expositions venaient d’être inaugurées : une tranchée de la Grande Guerre,
une rue de Londres pendant le Blitz. La tranchée : reconstituée avec intenses odeurs de
désinfectant, hémoglobine, sons du canon … On s’y croyait … dans un Disneyland des
horreurs. »21
.
Néanmoins, cette immersion permet de rapprocher les mémoires des différentes générations
de visiteurs, de faire comprendre les émotions. Serge Tisseron, docteur en psychologie,
explique les avantages de ces immersions muséographiques : « Le travail de mémoire sur la
guerre n’avancera pas à coup d’odeur de chair pourrie. En revanche, il est essentiel que le
corps du spectateur soit engagé dans l’exploration de l’histoire et de la mémoire. (…) Il ne
faut pas dissocier dans le musée registre émotionnel et registre cognitif, (...) le parcours
muséal (doit pouvoir) prendre chaque spectateur là où il en est de sa mémoire personnelle et
19
Site Internet du War Imperial Museum : <http://www.iwm.org.uk/> (consulté 14.05.10). 20
WAHNICH Sophie. Transmettre l’effroi, penser la terreur. Les musées d’une Europe déchirée. Gradhiva,
Musée du quai Branly, n°5 nouvelle série, 2007, pp. 27-39. Disponible sur Internet : <http://recherche.univ-
montp3.fr/crises/index.php?option=com_content&task=view&id=275&Itemid=155#_ftn2> (consulté 14.05.10). 21
BECKER Annette. Interview : 39-45, 14-18, aller-retour. Art press, n°215, juillet-août 1996, p.55.
75
de sa mémoire familiale afin de l’introduire, progressivement, à une vision plus large de
l’histoire. »22
.
L’immersion des visiteurs peut passer dans les lieux de mémoire par des period room qui sont
des reconstitutions de pièces d’époque ; le CHRD utilise déjà ce système sans en tirer pourtant
un effet maximum. Elle est aussi créée par des visites sensorielles, utilisant l’ensemble des
sens des visiteurs. Généralement, les lieux de mémoire utilisent l’ouïe en diffusant des
musiques, des discours politiques mais plus rarement des sons ou bruitages pour replacer les
visiteurs dans une atmosphère sonore spécifique. L’odorat est peut-être le sens le moins utilisé
pourtant les odeurs, dont la diffusion ne demande pas un système technique trop compliqué,
permettent de provoquer des émotions facilement.
Pour l’avenir, les lieux de mémoire devraient considérer l’immersion des visiteurs comme un
des concepts de base de leurs nouvelles muséographies. Tout en correspondant à la réalité
historique, l’immersion facilite l’identification et l’apprentissage des visiteurs. Elle peut aussi
être accompagnée et renforcée par l’utilisation des nouvelles technologies.
- L’utilisation des nouvelles technologies
Les nouvelles technologies sont déjà utilisées dans les lieux de mémoire de la Résistance
en Rhône-Alpes, comme par exemple, au CHRD où un film est diffusé sur un écran à 180°.
Néanmoins, le recours aux nouvelles technologies permet de répondre aux attentes
particulières des visiteurs et de créer une atmosphère. Le Mémorial de Caen est l’exemple le
plus représentatif de ces nouveaux lieux de mémoire utilisant les capacités techniques des
nouvelles technologies.
Les lieux de mémoire peuvent intégrer des bornes informatiques permettant aux visiteurs de
naviguer, selon leurs envies et curiosités. Les visiteurs auraient alors accès à de nouvelles
informations qui ne seraient pas accessibles directement dans l’exposition permanente. Les
bornes permettraient de visualiser des témoignages, choisis selon des mots-clefs. Les
nouvelles technologies facilitent l’interactivité dans les expositions. Le visiteur n’est plus
passif et peut intervenir dans les expositions. Ainsi, la Cité Nationale de l’Immigration a
installé une cabine où les visiteurs peuvent enregistrer des souvenirs personnels ou familiaux
en lien avec l’immigration. Cette interaction pourrait être reprise dans les lieux de mémoire de
la Résistance, selon les possibilités financières afin de créer du lien entre les institutions et les
22
Citation de Serge Tisseron reproduite par Sophie Wahnich. Voir la note n°17.
76
visiteurs. Les lieux de mémoire peuvent aussi avoir recours à des films ou des projections
d’archives. Un des exemples est le cinéma circulaire à 360° d’Arromanches23
, créé par le
conseil régional de Basse-Normandie, sur une des plages du Débarquement allié.
Lors de la Journée de la Mémoire, organisée en 2002 par l’Union européenne, les participants
ont ainsi résumé les nouveaux principes muséographiques des lieux de mémoire de la Shoah,
transposables aux lieux de mémoire de la Résistance et basés sur une meilleure valorisation
pédagogique et une immersion des visiteurs dans l’émotion : «However, with the passing of
years and the disappearance of eyewitnesses, the concept of the memorial has become too
static to speak to new generations of visitors. Thus, while the earlier Holocaust museums were
silent memorials or purely historiographic exhibitions, the more recent museums have
adopted a narrative approach whose stated primary aim is to educate the public. These
narrative museums present dramatic scenarios, which transform the visit into a cinematic,
multi-media experience designed to achieve an optimal emotional impact. Furthermore, the
transformation of the majority of Holocaust museums into centres of education places a heavy
additional responsibility on these institutions. »24
.
Même si les lieux de mémoire font évoluer leur muséographie, ce travail ne peut pas être
complet dans une amélioration de la communication et de la promotion des sites.
c) Le travail de communication et de promotion
Les innovations indispensables aux lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-Alpes
ne concernent pas uniquement des transformations muséographiques mais aussi le travail de
promotion et de communication. Pour stabiliser leurs fréquentations, les lieux de mémoire
doivent se faire connaître auprès d’un plus large public et sur une échelle géographique plus
étendue.
- L’amélioration de la mise en réseau
Actuellement, la mise en réseau des lieux de mémoire de la Résistance en Rhône-
Alpes est uniquement scientifique et ne prend pas en compte l’ensemble des gestionnaires des
23
Site Internet du cinéma circulaire d’Arromanches : <http://www.arromanches360.com/fr/> (consulté
16.05.10). 24
Journée de la mémoire : Actes du séminaire ministériel du 18 octobre 2002. p.68 [en ligne]. Disponible sur
Internet : <http://www.coe.int/t/f/coop%E9ration_culturelle/education/enseigner_la_m%E9moire/7066-Journ%
E9e%20holocaauste%20(pdf)1.pdf> (consulté 25.10.09).
77
sites. Pour ne pas se limiter à la thématique de la Seconde Guerre Mondiale, elle pourrait
inclure, en plus des lieux de mémoire de la Résistance, des sites et des musées en lien avec la
mémoire industrielle, la mémoire d’autres guerres ou de communautés particulières. La
DRAC Rhône-Alpes a déjà travaillé sur ce rapprochement des lieux de mémoire, mais aucune
action concrète n’a été mise en place. La DRAC a tout de même réalisé une première carte
des lieux de mémoire de la région, rapprochant aussi bien la mémoire des guerres que la
mémoire industrielle ou la mémoire d’un grand homme et d’une communauté.
Carte des lieux de mémoire de la région Rhône-Alpes réalisée par la DRAC
Source : <http://www.culture.gouv.fr/rhone-alpes/dossier/liberer/notices.htm>
Une véritable mise en réseau, sur l’ensemble du territoire régional, serait un atout pour tous
les lieux de mémoire qui reçoivent en majorité un public régional. La mise en réseau de sites
culturels revêt des atouts indéniables :
- créer une offre culturelle et touristique plus lisible,
- mutualiser les efforts financiers en matière de communication et de promotion,
- faciliter le renvoi des visiteurs vers l’ensemble des sites partenaires,
- apparaître plus forts lors de démarchages de financements auprès des services
culturels déconcentrés de l’Etat ou d’entreprises privées.
La mise en réseau ne peut fonctionner que si l’ensemble des lieux de mémoire s’implique de
la même manière en temps et en argent. Même si des sites structurants pour une zone
géographique peuvent devenir des locomotives pour les autres lieux de mémoire, la mise en
réseau doit être basée sur une égalité de tous au sein de la structure partenariale.
78
- La mise en place de nouveaux outils de communication
Les lieux de mémoire pourraient être confrontés, dans un avenir proche, à une
uniformisation de la typologie de leurs visiteurs et donc à une rupture avec les autres types de
publics. Pour éviter cette fracture, ils doivent mettre en place de nouveaux outils de
communication avec pour objectifs :
- élargir leurs publics de visiteurs traditionnels,
- se faire connaître dans la région mais aussi à une échelle nationale,
- donner une image moderne de leurs institutions qui pourraient être victimes d’une
image diffusée un peu trop « vieillotte ».
L’utilisation d’un site Internet individuel et spécifique apparaît comme une exigence
minimale. Aujourd’hui, sur l’ensemble des lieux de mémoire de la Résistance étudiés en
priorité en région Rhône-Alpes, seulement deux lieux possèdent un site Internet individuel : le
CHRD et le Mémorial de Vassieux-en-Vercors25
. La municipalité de Lyon a entrepris de créer
pour l’ensemble de ses musées municipaux des sites Internet individuels. Les deux musées les
plus visités - le Musée des Beaux-Arts et le Musée d’Art Contemporain - possédaient déjà
leur propre site. Ils ont été complétés en l’espace de deux ans (2009-2010) par les sites des
autres musées. Ainsi, le site du CHRD n’a ouvert que récemment, au début de l’année 2010.
L’appui des structures sur le site Internet est indispensable. L’Internet est devenu un des outils
privilégiés des touristes pour trouver des informations, se renseigner sur l’actualité ou les
événements culturels. Le site Internet permet donc aux lieux de mémoire de rester connecter
avec ses visiteurs habituels mais aussi de gagner une visibilité nouvelle auprès des visiteurs
potentiels. Il facilite aussi la diffusion de ressources historiques et pédagogiques en permettant
le téléchargement de fiches explicatives ou des dossiers de découverte des expositions.
D’autre part, certains lieux de mémoire n’hésitent plus à apparaître sur les nouveaux médias
sociaux tels que Twitter pour le Mémorial de la Shoah ou sur Facebook pour le Musée de la
Résistance nationale de Champigny-sur-Marne (depuis la fin de l’année 2008) ou, encore, le
Mémorial d’Auschwitz qui regroupe plus de 35.000 amis. Les avantages sont multiples :
rapidité et ampleur géographique de la diffusion des informations, nombre exponentiel de
visiteurs. Les lieux de mémoire de la région vont devoir travailler avec ces nouveaux médias
offerts par l’Internet. En plus de limiter les coûts de communication et de promotion, ils
permettent de toucher un public nouveau.
25
Site Internet du CHRD de Lyon : <http://www.chrd.lyon.fr/chrd/> (consulté 29.05.10). Site Internet du
Mémorial de la Résistance de Vassieux-en-Vercors : <http://www.memorial-vercors.fr/> (consulté 29.05.10).
79
- Le travail avec les acteurs touristiques
Jusqu’à présent, les gestionnaires des lieux de mémoire publics ne se sont que peu
attachés à travailler avec les acteurs du monde touristique. Les initiatives de coopération sont
toutes le fait de gestionnaires privés, tels que les gestionnaires de la Grotte de la Luire, ou de
syndicat mixte tel que le Parc naturel régional du Vercors.
Evidemment, tous les lieux de mémoire de la Résistance sont référencés sur les sites Internet
des Comités Départementaux du Tourisme et des Offices de Tourisme. Cependant, aucun site
Internet des CDT de la région Rhône-Alpes ne propose un séjour ou un package comprenant
une visite d’un lieu de mémoire. Le CDT de la Drôme, où sont situés les différents sites du
maquis du Vercors, ne met pas en avant un seul séjour en lien avec le tourisme de mémoire.
L’Office du tourisme de Lyon vend de nombreuses visites guidées sur des thématiques
différentes (les traboules, les canuts, le stade de Gerland, l’architecture contemporaine de la
Cité internationale, et même les gargouilles des églises lyonnaises) mais aucune visite guidée
n’est prévue sur les différents lieux de mémoire lyonnais de la Seconde Guerre Mondiale.
Néanmoins, ce travail basique de référencement des lieux de mémoire, sur les sites Internet
touristiques, pourrait être dépassé pour mettre en place une véritable stratégie. Les acteurs du
tourisme peuvent évidemment :
- faire connaître les lieux de mémoire et diffuser leurs offres culturelles en offrant
une page aux lieux de mémoire dans leurs guides touristiques et culturels et en
apposant, dans leurs locaux, les affiches des expositions temporaires en cours dans
les lieux de mémoire,
- rechercher de nouveaux publics dont le public touristique qui n’est pas majoritaire
dans les lieux de mémoire de la région, en démarchant les tours opérateurs avec
lesquels les offices du tourisme ont l’habitude de travailler,
- insérer les lieux de mémoire dans l’offre touristique globale, en proposant des
parcours guidés proposés ou des packages tout compris,
- permettre aux offices du tourisme de devenir de nouveaux points de billetterie
pour les lieux de mémoire.
80
Conclusion
Quel est l’avenir des lieux de mémoire de la Résistance en région Rhône-Alpes ?
Voilà une question qui se voulait dès le départ pessimiste, en envisageant un risque pesant sur
le futur des lieux de mémoire. Pourtant, les lieux de mémoire sont nombreux sur le territoire
de la région Rhône-Alpes : Lyon, capitale de la Résistance, Vassieux-en-Vercors, ville
respectée en tant que compagnon de la Libération, les maquis du Vercors et du plateau des
Glières. Des noms connus et reconnus pour avoir été les théâtres d’opération de la guerre, de
combats, de représailles, de torture et de meurtres de masse. Des noms signifiants un lourd
passé historique qui résonne dans la mémoire collective ou, du moins, qui résonnait encore
quelques années auparavant. Des lieux cités et honorés lors des grandes commémorations
officielles. Le plateau des Glières est ainsi devenu le lieu de pèlerinage privilégié du président
de la République, Nicolas Sarkozy, pour les cérémonies de la Seconde Guerre Mondiale.
Effectivement, les lieux de mémoire de la Résistance se trouvent confrontés en 2010, près de
65 ans après la fin des combats de la Seconde Guerre Mondiale, à de nouveaux enjeux, à un
tournant auxquels les gestionnaires doivent réagir pour ne pas voir les lieux de mémoire
devenir des lieux sans mémoire et sans visiteur :
- tout d’abord, le passage d’une gestion associative des lieux de mémoire à une
gestion institutionnalisée, avec une prise en charge des lieux de mémoire et de
leurs espaces muséographiques par les collectivités locales, municipalités ou
départements,
- la disparition des témoins avec des conséquences sur les structures, sur les
discours muséographiques tenus dans les lieux de mémoire et sur la place perdue
des témoins physiques à retrouver d’une manière ou d’une autre,
- le tassement et l’homogénéisation de la fréquentation des lieux de mémoire qui
accueillent des plus en plus de scolaires et un public âgé essentiellement originaire
de la région,
- l’obsolescence ou le vieillissement des muséographies et des discours scientifiques
ayant besoin d’être renouvelés et modifiés pour prendre en compte les nouvelles
avancées historiographiques et techniques,
81
- les conséquences de la loi sur les collectivités locales qui va être votée au cours du
deuxième semestre 2010 et qui risque d’alourdir les finances des collectivités et
donc peut-être réduire les financements prévus pour la culture.
Les enjeux sont nombreux et les risques aussi, dont le principal est la perte de légitimité des
lieux de mémoire à entretenir une mémoire en train de s’éteindre. Pourtant, des solutions
existent pour faire des lieux de mémoire de la Résistance des destinations culturelles et
touristiques importantes dans l’offre régionale. Ces solutions sont d’autant plus envisageables
que les lieux de mémoire revêtent encore aujourd’hui un enjeu politique primordial pour les
élus. En effet, la création et la gestion d’un lieu de mémoire permettent aux élus de la
République de revendiquer des valeurs ou des idées défendues par la Résistance lors de la
Seconde Guerre Mondiale et de se placer comme les héritiers de courants politiques, tel que le
gaullisme.
Certains gestionnaires ont compris depuis le début des années 2000 la nécessitée d’évoluer.
Quelques lieux de mémoire ont alors entrepris un travail de rénovation. Les discours
scientifiques ont été largement élargis pour prendre en compte d’autres événements
historiques que la Seconde Guerre Mondiale, d’autres formes de résistance civique ou
militaire que la Résistance française ou d’autres figures de héros que les résistants. Les
expositions temporaires ont permis de traiter de sujets d’actualité et de diffuser au grand
public les combats de peuples opprimés dans leurs pays.
D’autres solutions peuvent être proposées : renouveler les expositions permanentes, améliorer
la communication et la promotion et, enfin, travailler avec les acteurs du tourisme. Ces
solutions demandent des financements qui ne sont souvent pas disponibles même si certains
exemples démontrent le contraire comme les travaux entrepris le conseil général de la Drôme
pour rénover le Musée départemental de la Résistance de Vassieux-en-Vercors.
Les lieux de mémoire sont contraints de faire évoluer leurs installations pédagogiques et
muséographiques ainsi que de repenser leurs rapports avec les derniers témoins. De l’argent
est nécessaire pour innover et chercher des solutions. Les enjeux politiques liés aux lieux de
mémoire représentent peut-être une clef dans le renouvellement des lieux de mémoire qui sont
devenus des outils politiques aux mains des collectivités locales et l’Etat pour diffuser des
idées et des valeurs.
82
Est-il donc possible de parler d’un tourisme de mémoire en région Rhône-Alpes ? A la
différence des régions du nord de la France, les acteurs culturels et touristiques n’ont jamais
envisagé les lieux de mémoire rhônalpins comme des destinations touristiques à part entière.
Les lieux de mémoire sont considérés comme des lieux culturels avant tout. Une certaine
réticence de certains gestionnaires envers les touristes et le tourisme de mémoire peut
apparaître même quelques fois. Ainsi, la visite des lieux de mémoire fait partie de l’offre du
tourisme culturel, sans en être un secteur particulier. Le tourisme de mémoire est simplement
une niche touristique.
Même si le tourisme de mémoire ne connaît pas en région Rhône-Alpes une ampleur
importante, la mise en tourisme des lieux de mémoire de la Seconde Guerre Mondiale permet
de conférer à certains territoires une visibilité accrue. Enjeu économique, l’ouverture des sites
aux visiteurs mobilise du personnel et favorise des retombées économiques induites. Enjeu
pédagogique, les lieux de mémoire sont devenus des destinations privilégiées pour les sorties
scolaires. Enjeu politique, les sites sont utiles aux hommes politiques désirant se placer dans
l’héritage des idées de la Résistance.
Ainsi, la concordance de ces enjeux permet de dire que les lieux de mémoire seront toujours
soutenus par les collectivités locales. Par contre, il est absolument nécessaire que les
gestionnaires fassent prendre conscience aux élus de l’absolue nécessité de moderniser les
sites et d’offrir une offre culturelle et touristique plus offensive.
83
Bibliographie
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Savoie. Document d'orientation à destination du Ministère de la Défense, du Conseil régional
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II. Bibliographie
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<http://www.memorial-vercors.fr> (consulté 10.01.10)
Annexes
Annexes I. Cartes des lieux de mémoire en France
Annexe I.1 : Carte des musées consacrés à la Seconde Guerre Mondiale
Source : JOLY Marie-Hélène, GERVEREAU Laurent. Musées et collections d’histoire en
France : guide. Paris : Association internationale des musées d’histoire, 1996, p.103.
Annexe I.2 : Carte des musées d’histoire de la région Rhône-Alpes
Source : JOLY Marie-Hélène, GERVEREAU Laurent. Musées et collections d’histoire en
France : guide. Paris : Association internationale des musées d’histoire, 1996, p.86.
91
Annexe I.3 : Lieux de mémoire de la Résistance étudiés dans le mémoire
Source : <http://www.guiderhonealpes.com/UserFiles/Image/carte-crt800.jpg>
Centre d’Histoire de
la Résistance et de la
Déportation Lyon
Musée du XXe siècle
Estivareilles
Grotte de la Luire
Plateau des Glières
Nécropole nationale
de Morette
Mémorial de la
Résistance Vassieux-en-
Vercors
Musée départemental de
la Résistance
Vassieux-en-Vercors
92
Annexes II. La politique nationale mémorielle
Annexe II.1 : Financements réalisés et prévisionnels de la politique de mémoire 2002-2008
Source : France. Assemblée nationale. Tome II, Anciens combattants, mémoire et liens avec la
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Annexe II.2 : Financements des actions de mémoire 2007-2010
Source : France. Assemblée nationale. Tome I, Anciens combattants, mémoire et liens avec la
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sur le projet de la loi des finances pour 2010 (n° 1972), présenté par Patrick BEAUDOUIN.
Paris : Assemblée nationale, 14 octobre 2009, p.48 [en ligne]. Disponible sur Internet :
<http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/budget/plf2010/a1972-tI.pdf> (consulté 12.03.10)
93
Annexe II.3 : Financements du tourisme de mémoire au titre de la politique de mémoire
Source : France. Assemblée nationale. Tome II, Anciens combattants, mémoire et liens avec la
nation. Avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales
sur le projet de la loi des finances pour 2008 (n° 189), présenté par Jean-Claude MATHIS.
Paris : Assemblée nationale, 11 octobre 2007, p.28 [en ligne]. Disponible sur Internet :
<http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/budget/plf2008/a0277-tII.pdf> (consulté12.03.10)
94
Annexes III. Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon
Annexe III.1 : Localisation du CHRD dans la ville de Lyon
Source : <http://www.chrd.lyon.fr/chrd/sections/fr/informations_pratiqu/Zoom>
Annexe III.2 : Exposition permanente – Muséographie
Source : <http://www.chrd.lyon.fr/chrd/sections/fr/expositions/exposition_permanent>
95
Annexes IV. Mémorial de la Résistance de Vassieux-en-Vercors
Annexe IV.1 : Vue extérieure du Mémorial de la Résistance de Vassieux-en-Vercors
Source : <http://www.memorial-vercors.fr/>
Annexe IV.2 : Plan de l’espace muséographique
Source : Document Visites de groupes adultes, p.5.
Annexe IV.3 : Traitement du gouvernement de Vichy dans le discours scientifique
Source : Photographie personnelle
96
Annexe IV. 4 : Muséographie du Mémorial de la Résistance
Source : Photographies personnelles
Annexe IV.5 : Couloir du souvenir
Source : Dossier de préparation à la visite du Mémorial
Annexe IV.6 : Carte des Chemins de la Liberté
Source : Dossier de préparation à la visite du Mémorial
97
Annexes V. Musée départemental de la Résistance de Vassieux-en-Vercors
Annexe V.1 : Entrée du Musée départemental de la Résistance
Source : Photographies personnelles
Annexe V.2 : Muséographie du Musée départemental de la Résistance
Source : Photographies personnelles
Annexe V.3 : Jardin de la mémoire devant le musée
Source : <www.memorial-vercors.fr/memoire/jardin.html>
98
Annexe V.4 : Les vestiges de la guerre devant le musée
Source : Photographie personnelle
Annexe V.5 : La nécropole nationale de Vassieux-en-Vercors
Source : Photographies personnelles
99
Annexes VI. Grotte de la Luire
Annexe VI.1 : Flyer réalisé par les gestionnaires
Source : <http://www.grotte-luire-vercors.com/>
Annexe VI.2 : Flyer réalisé par la DIREN sur la grotte de la Luire
Source : <http://www.rhone-alpes.ecologie.gouv.fr/include/publi/pdf/depsc2684.pdf>
Annexe VI.3 : Vues de la Grotte de la Luire : lieu naturel et lieu mémoriel
Source : Photographies personnelles
Annexe VI.4 : Signalétique des Chemins de Mémoire pour la Grotte de la Luire
Source : Photographie personnelle
100
Annexes VII. Plateau des Glières
Annexe VII.1 : Le plateau des Glières en 1944
Source : <http://www.glieres-resistance.org/IMG/pdf/Plateau_des_Glieres.pdf>
Annexe VII.2 : Monument du plateau des Glières
Source : Photographies personnelles
101
Annexe VII.3 : Intérieur du monument
Source : Photographies personnelles
Annexe VII.4 : Bâtiment d’accueil des visiteurs au plateau des Glières
Source : Photographies personnelles
Annexe VII.5 : Panneaux explicatifs
Source : Photographies personnelles
102
Annexes VIII. Nécropole et musées de Morette
Annexe VIII.1 : Carte de localisation de la nécropole de Morette
Source : <http://www.glieres-resistance.org/IMG/pdf/MORETTE.pdf>
Annexe VIII.2 : La nécropole nationale et les musées de Morette
Source : Photographies personnelles
103
Annexe VIII.3 : Muséographie du Musée départemental de la Résistance
Source : Photographies personnelles
Annexe VIII.4 : Crypte du Musée départemental de la Résistance
Source : Photographie personnelle
Annexe VIII.5 : Muséographie du Musée de la Déportation
Source : Photographies personnelles
104
Annexes IX. Musée du XXe siècle d’Estivareilles
N.B. Ces photographies sont reproduites avec l’autorisation du Musée du XXe siècle.
Annexe IX.1 : Muséographie
Annexe IX.2 : Mur de la Mémoire
Annexe IX.3 : Salle d’Honneur du musée
105
Annexes X. Fréquentation des lieux de mémoire en Rhône-Alpes
Annexe X.1 : Fréquentation des lieux de mémoire entre 2000 et 2008
Annexe X.2 : Fréquentation du Musée départemental de Vassieux-en-Vercors en 2006
Annexe X.3 : Fréquentation au plateau des Glières (nombre de visiteurs dans le bâtiment
d’accueil)
1
UNIVERSITE DE PARIS 1 – PANTHEON SORBONNE
INSTITUT DE RECHERCHE ET D’ETUDES SUPERIEURES DU TOURISME
« Les lieux de mémoire de la Résistance en région
Rhône-Alpes face à de nouveaux enjeux culturels et
touristiques. »
Mémoire professionnel présenté pour l’obtention du
Diplôme de Paris 1 – Panthéon Sorbonne
MASTER PROFESSIONNEL « TOURISME » (2e année)
Spécialité Valorisation Touristique des Sites Culturels
Loriane Gouaille
Volume 2. Dossier d’outils méthodologiques
Session de juin 2010
2
Fiche d’observation n°1 : Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon
Localisation
Situé à Lyon, dans le département du Rhône, le long du fleuve
A côté des bâtiments universitaires de Lyon II et Lyon III dont l’Institut des Sciences de l’Homme et
Sciences Po
A proximité de la gare de Lyon Perrache et de la gare TER de Lyon Jean Macé
Placé hors du périmètre de la zone classée au patrimoine mondial de l’UNESCO
Histoire du site CHRD installé dans les anciens locaux de l’Ecole de Santé militaire
Siège de la Gestapo + salles d’interrogatoire des prisonniers (printemps 1943-26 mai 1944)
Création et contexte 1
e musée créé vers 1967 par Louis Pradel, ancien résistant et maire de Lyon + Marcel Rivière
1990 : Décision de créer un véritable musée par le maire de Lyon, Michel Noir
15 octobre 1992 : inauguration du Centre
Créateurs et motivations
premières Contexte particulier à Lyon : procès Barbie et Papon + négationnisme universitaire
Volonté politique de se placer dans la continuité des idées prônées par la Résistance
Statut juridique et évolutions Statut de musée municipal contrôlé
Musée de France depuis 2002
Financements Budget 2005 : 860.000 € (24 personnes employées + vacataires)
Muséographie
Espace de 3.000 m2
Scénographie par Guy-Claude François volonté de privilégier nuit-murs de la clandestinité
Omniprésence de l’audiovisuel + casque à infra-rouge
Evolutions actuelles Volonté de travailler en direction des visiteurs individuels en instaurant des quotas pour le public scolaire
Nouvelle exposition permanente en 2012 avec une place plus importante faite aux objets de la collection, aux
témoignages des anciens résistants
Modifications scientifiques Elargissement du discours scientifique avec les expositions temporaires qui traitent parfois de sujets
polémiques
Activités / Offre culturelle Service des publics qui travaille à la création des ateliers pédagogiques pour les scolaires
Visites guidées pour les groupes et les individuels
Etat des lieux de la
fréquentation Etude des publics en 2002 :
- groupes non-scolaires = 10% des groupes
3
- 75% des groupes issus de Rhône-Alpes (46% Rhône, 33% Grand Lyon) + 5% des groupes pays
européens
Chiffres de fréquentation 2008 : Chiffres de fréquentation 2009 :
- 57.749 entrées - 55.871 entrées
- 25.968 individuels - 27.658 individuels
- 29.244 scolaires - 26.476 scolaires
- 7.601 étrangers - 6.332 étrangers
Bibliographie
BRUNET Ericka. La muséalisation de la Résistance et de la Déportation : l'exemple du Centre d'Histoire de
la Résistance et de la Déportation. Mémoire d’étude de DEA Sciences politiques. Lyon : Institut d'études
politiques, Université Lumière Lyon II, 1996, 156 p.
HUMBERT Jean-Marcel, DUMARCHE Lionel. Guide des musées d’histoire militaire. Paris : Charles-
Lavauzelle, 1982, p. 290.
SAUVAGE Cécile. Le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon : dix ans après, 1992
- 2002. Mémoire d’étude de Muséologie. Paris : Ecole du Louvre, 2003, 2 vol.
VEILLON Dominique. Un centre d’histoire de la résistance et de la déportation à Lyon. Vingtième Siècle :
Revue d’histoire, 1993, vol. 38, n° 1, p. 116 - 118.
Personnes contactées et dates Mme Isabelle Doré-Rivé, directrice du CHRD : rendez-vous le jeudi 18 décembre 2008 et le mercredi 24
mars 2010
Mme Sandrine Guillet, médiatrice au CHRD : rendez-vous le mercredi 24 mars
Références internet
Site Internet : <http://www.chrd.lyon.fr/chrd/>
Page Internet sur le site de la mairie : <http://www.lyon.fr/vdl/ sections/fr/culture/musees/> (consulté
10.01.2009)
Courriel : [email protected]
Page Chemins de la Mémoire :
<http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/page/affichelieu.php?idLieu=361&idLang=fr>
Annexes et photographies Retranscriptions des entretiens
Photographies en annexes III
4
Fiche d’observation n°2 : Mémorial de Vassieux-en-Vercors
Localisation
Situé dans le Parc naturel régional du Vercors, à Vassieux-en-Vercors, au Col de la Chau (1.300 mètres
d’altitude)
Département de la Drôme
Histoire du site Site avec vue directe sur le village de Vassieux-en-Vercors + sur le champ de bataille
Volonté de rappeler la spécificité montagnarde du maquis du Vercors
Création et contexte
Bâtiment de 1.200 m2 encastré dans la montagne rocheuse, caché par des pins // Rappel de la clandestinité des
maquis
Choix d’un lieu isolé pour inciter les visiteurs au recueillement
Réalisation d’un bâtiment moderne en béton (// Mémorial de Caen) + belvédère
Créateurs et motivations
premières
Inauguré le 21 juillet 1994 par Edouard Balladur lors du 50e anniversaire des combats du Vercors
Faire de la Résistance dans le Vercors un exemple universel de Résistance
Statut juridique et évolutions Régie annexe du Parc naturel régional du Vercors
Financements Coût de construction : 2.72 millions €
Muséographie
Création d’un mémorial ≠ d’un musée avec des objets Recours à la mise en scène, image et son
Cartels français, anglais, allemand
Casques audio pour écouter des témoignages de résistants
Projections de films vidéo : Résistance en Vercors et Résister, encore ? par Franck Pavloff
Parcours en courbe dans plusieurs espaces muséographiques :
- espace A : Années noires avec des thèmes symbolisés par des objets emblématiques
- espace B : Montage audio-visuel
- espace C : Témoignages audio (avec les casques + choix des témoignages)
- espace D : Projection du film Résister, encore ?
Corridor avec 840 feuilles de plomb dans lesquels ont été insérés les noms des 840 victimes dans le Pnr
Fin du parcours sur le belvédère face au paysage // Symbole de la liberté retrouvée
Evolutions actuelles
Ouverture du discours scientifique vers le thème universel de la Résistance
Film Résister, encore ? avec des exemples de résistance dans la deuxième moitié du XXe siècle (Cuba,
Hongrie, Vietnam, les Noirs des USA, Chili, Sahara, Portugal, Afghanistan, Chine)
Modifications scientifiques Suppression d’un espace : le martyre de l’adolescente Arlette Blanc (spectacle son et lumière racontant les
derniers instants de son agonie, coincée sous les décombres de Vassieux-en-Vercors)
Activités / Offre culturelle Visites libres ou commentées avec un animateur culturel
5
Circuit de la Résistance en Vercors sur une journée avec visite des lieux de mémoire de la Résistance
Etat des lieux de la
fréquentation
Baisse régulière de la fréquentation depuis 10 ans malgré des années fastes
Ouverture en 1995 : 45.482 visiteurs / Meilleure année en 1996 : 53.224 visiteurs
Environ 30% de groupes (dont 60% de scolaires)
Chiffres 2008 : 32460 visiteurs
- 18.836 d’individuels payants + 2.742 d’individuels gratuits
- 10.882 de groupes dont 6.384 de scolaires et 4.498 d’adultes
Bibliographie
VERGNON Gilles. Le Mémorial de Vassieux : un mémorial hors sol ? In BOURSIER Jean-Yves (dir.).
Musées de guerres et mémoriaux. Paris : Editions de la Maison des sciences de l’homme, 2005, p. 155-162.
VERGNON Gilles. La construction de la mémoire du maquis du Vercors : Commémoration et
historiographie. Vingtième Siècle : Revue d’histoire, 1996, vol. 49, n° 1, p. 82 - 97.
Personnes contactées et dates
Série de mails avec Sandrine Rossi, directrice du Mémorial de la Résistance en Vercors
Portable : 06 08 75 21 25 / Ligne directe : 04 75 48 52 45
Mémorial de la Résistance en Vercors Col de la Chau
26420 Vassieux-en-Vercors
Références internet Site Internet : <http://www.memorial-vercors.fr>
Courriel : [email protected]
Annexes et photographies
Tableau de fréquentation du mémorial
Dossiers de presse anciens et Dossier de presse 2009
Photographies (avril 2009)
6
Fiche d’observation n°3 : Grotte de la Luire
Localisation Situé sur la commune de Saint-Agnan, dans le département de la Drôme
Histoire du site
Installation d’un hôpital de campagne pour les résistants blessés sous le porche de la grotte
27 juillet 1944 : l’hôpital est cerné par des troupes allemandes
Exécution des blessés et des résistants / Déportation des infirmières
Création et contexte Installation de plaques commémoratives + lieu de pèlerinage et de cérémonies commémoratives
Créateurs et motivations
premières Site devenu lieu de commémoration très rapidement après la fin de la guerre
Statut juridique et évolutions
Grotte louée à la mairie de Saint-Agnan pour l’exploitation commerciale du site
Droit de regard de la mairie sur les abords extérieurs de la grotte
Site classé (DIREN)
Muséographie Installation de panneaux par le S.N.H.R.V
Evolutions actuelles
Changement récent d’exploitants en 2008 Valorisation du site naturel en plus du tourisme de mémoire
Visites thématiques à la découverte des animaux de la grotte + sur la découverte de la grotte en 1896
Mise en avant d’une exploitation éco-responsable du site (toilettes sèches, papier recyclé, énergies
renouvelables)
Réduction des références à la Résistance sur le flyer de la saison 2009
Réseau Séquence Nature : regroupement des sites touristiques nature de Rhône-Alpes
Modifications scientifiques
Fait partie du projet des Chemins de la Liberté en Vercors
Volonté des autorités culturelles de valoriser le site comme lieu de recueillement
Difficultés de concilier l’exploitation économique du site naturel et historique avec le recueillement
Difficultés de communication entre une entreprise privée et les autorités publiques
Activités / Offre culturelle
Parcours de spéléologie + observation de chauve-souris + visites thématiques
Visites guidées uniquement à la bougie avec spectacle son et lumière
Juin : « Festiluire » avec concert, projection, stands, expositions …
Etat des lieux de la
fréquentation
6.000 à 7 .00 visiteurs payants par an (chiffres des exploitants)
seulement ¼ de visiteurs payants / visiteurs non payants juste pour voir le porche
2007 : 11.000 visiteurs soit + 20% par rapport à 2006 (chiffres CDT Drôme)
7
Groupes de scolaires / Souvenir français venant spécialement pour la thématique Résistance
Bibliographie Projet Parc du Vercors / Chemins de la Liberté
<http://www.memoiredesalpes.net/ index.php?method =section& id = 181>
Personnes contactées et dates Série de mails
Rencontre de Daphné Thomas le 21 avril 2008
Références internet
Site Internet : <www.grotte-luire-vercors.com>
http://www.sequence-nature.fr/tourisme-vert/site-adherent.html?id=46&th=0 (Séquence nature)
Courriel : [email protected] / [email protected]
Annexes et photographies
Flyers 2008 et 2009
Flyer Site classé DIREN: <http://www.rhone-alpes.ecologie. gouv.fr/include/publi /pdf/ depsc2684.pdf>
Photographies (avril 2008)
8
Fiche d’observation n°4 : Musée départemental de la Résistance de Vassieux-en-Vercors
Localisation
Situé dans le village de Vassieux-en-Vercors sur le Pnr du Vercors dans la Drôme
Village presque entièrement détruit lors des combats de l’été 1944
Placé à côté du Jardin du souvenir, œuvre créée par Emmanuel Saulnier
Création et contexte
Ouvert en juin 1973 par Joseph La Picirella
Acquis en 1999 par le Département de la Drôme
Sous responsabilité scientifique de la Conservation du patrimoine de la Drôme
Créateurs et motivations
premières
Créé par Joseph La Picirella, ancien résistant maquisard du Vercors
Un travail de collectionneur avec recherche et achat de documents et objets de la guerre
Volonté de rappeler le souvenir des anciens camarades et de leurs sacrifices
Statut juridique et évolutions Musée devenu départemental en 1999
Muséographie
Muséographie choisie et mise en place par le créateur
Des panneaux répartis le long des murs, selon un ordre chronologique
Omniprésence du texte et des objets
Atmosphère macabre avec des photos de résistants décédés ou torturés
Evolutions actuelles
Travaux pour rénover le musée avec la fermeture du musée au premier semestre 2010
Inauguration du nouveau musée après rénovation le 26 juin 2010
Utilisation des nouvelles technologies
Modifications scientifiques
Intégration de nouvelles données historiques en lien avec l’après-guerre
Appui sur la muséographie et le discours existant pour faire un musée sur la mémoire
Réalisation d’un musée sur un musée avec une approche quasi sociologique de la vie d’un
résistant après la Seconde Guerre Mondiale
Activités / Offre culturelle
Visites commentées pour un public adulte
Visites découverte ou visites approfondies pour le jeune public
Organisation d’ateliers pédagogiques
Absence d’audioguides
Horaires d’ouverture :
Juillet-août : tous les jours 10h-12h30 / 13h30-18h30
Avril, mai, juin, septembre : du mardi au dimanche 10h-12h / 14h-18h
Octobre, novembre, décembre, février, mars : du mercredi au dimanche 14h-17h
Fermeture : 24, 25, 31 décembre, 1e janvier et le mois de janvier
9
Etat des lieux de la
fréquentation
2000 : 39.001 visiteurs 2001 : 40.149 visiteurs 2002 : 41.159 visiteurs 2003 : 39.073 visiteurs
2004 : 39.055 visiteurs 2005 : 28.867 visiteurs 2006 : 29.521 visiteurs 2007 : 30.477 visiteurs
Baisse de la fréquentation mise en place entrée payante + un calcul plus fin de la fréquentation
Bibliographie
HUMBERT Jean-Marcel, DUMARCHE Lionel. Guide des musées d’histoire militaire. Paris :
Charles-Lavauzelle, 1982, p.97.
MAROTEAUX Roland-Jean. Un Musée pas comme les autres. Vassieux-en-Vercors : Musée de
la Résistance du Vercors, 1986, 46p.
Personnes contactées et dates
Série de contacts par courriel avec le directeur du musée : Pierre-Louis Fillet
Le Village – Rue Fourna
26420 VASSIEUX-EN-VERCORS
Tel : 04 75 48 28 46
Fax : 04 75 48 29 57
Références internet
Page Internet sur le site du département de la Drôme : <http://www.ladrome.fr/fr/le-
tourisme/musee-de-la-resistance/index.html>
Courriel : [email protected]
Annexes et photographies Etude des publics pour les années 2005-2006 fournie par le musée
Photographies personnelles (avril 2008)
Table des entretiens
Date et
lieu
Personne
rencontrée Fonction
Mode
d’entretien
18/12/08 Isabelle
Doré-Rivé Directrice du CHRD de Lyon
Entretien
exploratoire
21/04/09 Daphné
Thomas Gestionnaire de la Grotte de la Luire
Entretien
exploratoire
24/03/10 Isabelle
Doré-Rivé Directrice du CHRD de Lyon Entretien
24/03/10 Sandrine
Guillet Médiatrice au CHRD de Lyon Entretien
25/03/10 Philippe Rivé
Directeur du service départemental du Rhône de
l’Office national des anciens combattants et
victimes de guerre
Entretien
Retranscriptions des entretiens
Retranscription de l’entretien avec Isabelle Doré-Rivé le 24 mars 2010
Directrice du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon
1. Quelles sont les conséquences à court et long termes de la disparition des derniers
témoins pour les lieux de mémoire de la région Rhône-Alpes ?
La présence des témoins au CHRD est capitale. Ils appartiennent au conseil du musée,
participent en tant que bénévoles aux activités pédagogiques pour transmettre leurs
témoignages et, surtout, font le lien entre l’exposition permanente et les spécificités de la
Résistance à Lyon.
Lorsque les derniers témoins vont disparaître et que les liens physiques des nouvelles
générations avec la Seconde Guerre Mondiale auront complètement disparus, il sera
absolument nécessaire de trouver de nouveaux dispositifs de médiation et augmenter le travail
d’explication, surtout auprès des jeunes générations. Le CHRD va connaître en 2012 une
modification de sa muséographie qui prendra en compte ces évolutions. En plus de renforcer
les équipes de médiateurs, une « period room » de re-contextualisation de la Seconde Guerre
Mondiale va être mise en place et les salles vont présenter plus d’objets. Le CHRD a été créé
après le procès Barbie qui a fait une grande place à la parole. La muséographie des salles est
l’héritière de cet événement fondateur en évacuant l’objet qui a presque été méprisé. Enfin, le
CHRD a mené depuis les années 1990 un travail de collecte des témoignages sur lesquels le
musée doit capitaliser.
2. Comment s’explique le taux majoritaire de publics scolaires (50%) au CHRD ?
Comptez-vous mener des actions spécifiques pour toucher d’autres publics ?
Le pourcentage important du public scolaire au CHRD s’explique de différentes manières.
Dès sa création, le CHRD avait pour mission d’être un lieu de transmission et son cahier des
charges initial était en partie tourné vers l’accueil des scolaires. Ensuite, le CHRD a créé des
liens forts avec l’Education nationale avec l’organisation de stages, pour les enseignants et les
futurs professeurs encore à l’IUFM. Le succès de l’accueil des scolaires et de la forte
demande issue des enseignants est aussi dû à des raisons pratiques : le musée est en centre
ville, facile d’accès. De même, il propose une approche didactique multimodale facilitant
l’utilisation de la visite dans le programme pédagogique des enseignants.
Cependant, la présence importante des scolaires a entraîné une réduction du nombre de
visiteurs individuels parfois agacés par la présence de groupes et de visites guidées pour les
scolaires dans une exposition permanente aux espaces parfois étroits. Il a été ainsi décidé
depuis très peu de temps de poser un nombre maximum de visites scolaires pour ne pas
impacter sur la qualité de visites des individuels. D’autre part, depuis deux ans, l’équipe du
CHRD est confrontée de plus en plus à des problèmes d’incivilités, voire de dégradations qui
étaient très rares auparavant ainsi qu’à une baisse du niveau scolaire et culturel des élèves
obligeant à une réadaptation du contenu des ateliers pédagogiques.
Le CHRD va entamer une grande enquête des publics pour mieux connaître les attentes de ses
visiteurs et pour adapter son offre et son exposition permanente. La volonté de diversifier les
publics apparaît essentiellement dans la programmation des expositions temporaires qui
s’ouvrent vers le contemporain et vers une approche culturelle de l’histoire de la Seconde
Guerre Mondiale. Ainsi, le CHRD travaille sur des expositions sur la mode pendant la guerre
et sur la Résistance et la bande-dessinée. Néanmoins, il n’existe pas au CHRD de véritable
service des publics même si le public individuel est touché par plusieurs opérations de
communication : la création d’un site Internet1 au début 2010, une négociation en cours avec
l’Etablissement photographique de la Guerre pour réaliser des films courts, la mise en place
de la carte Musées (d’un montant de 20€) par la municipalité de Lyon ouvrant droit à l’accès
de tous les musées municipaux pendant un an. Cette carte connaît un certain succès en
fidélisant un public déjà habitué aux visites des musées lyonnais. Mais elle va rapidement
poser un problème financier en limitant le nombre d’entrées payantes de visiteurs au CHRD.
3. Avez-vous déjà envisagé une modification de l’exposition permanente ? Quelles
sont les pistes de réaménagement ?
L’exposition permanente est devenue obsolète puisqu’elle a été mise en place au début des
années 1990 et parce que l’historiographie de la Seconde Guerre Mondiale et de la Résistance
a évolué. Le projet de réaménagement est actuellement en train d’être réfléchi par l’équipe du
musée, pour des travaux et une réouverture du CHRD en 2012. Le réaménagement est basé
sur plusieurs axes :
- la valorisation du lieu (ancien siège de la Gestapo) en tant que lieu d’histoire et lieu de
mémoire, ce qui n’est absolument pas mis en exergue par la muséographie actuelle
- un discours historique réorienté largement vers les spécificités de la résistance urbaine
lyonnaise (imprimeries clandestines …) et sur l’histoire de la guerre à Lyon
- l’utilisation plus large des collections du CHRD qui montre tout au long de
l’exposition permanente près de 80% de documents qui ne sont pas dans les
collections
- la mise en place de plusieurs niveaux du discours avec la création d’un parcours junior
pour les jeunes visiteurs
1 Site Internet du CHRD de Lyon : <http://www.chrd.lyon.fr/chrd/>.
4. Quels sont les résultats de la mise en réseau des lieux de mémoire de la région
Rhône-Alpes ?
La mise en réseau des lieux de mémoire intervient par le biais de différents circuits. Le réseau
MEMORHA, regroupant des lieux de mémoire et des universitaires, fonctionne très bien d’un
point de vue professionnel, avec des échanges de bonnes pratiques entre les différents
gestionnaires et l’organisation de formations de stagiaires. Il permet aussi, d’un point de vue
universitaire, de mettre en place une analyse comparative de la mémoire et des lieux de
mémoire à travers différents pays européens : France, Italie, Allemagne et Espagne.
Cependant, ce réseau n’a pas encore une véritable lisibilité auprès du grand public qui le
découvre uniquement lors des séminaires itinérants. La principale difficulté de MEMORHA
est l’absence d’une entité juridique, due en partie à la diversité des statuts des partenaires, qui
ne permet pas de créer des opérations financières communes. Le CHRD intervient aussi dans
le réseau des lieux de mémoire mis en place par le Ministère de la Défense qui regroupe une à
deux fois par an les gestionnaires des sites pour pouvoir mutualiser les expériences. Ce réseau
fonctionne assez mal et ne donne donc que très peu de résultats.
5. Quelles sont les relations du CHRD avec les nouveaux projets de lieux de
mémoire ?
Concernant les nouveaux projets de lieux de mémoire dans le département du Rhône, la
prison Montluc à Lyon et la Maison du Docteur Dugoujon à Caluire, le CHRD est un des
partenaires des sites.
Pour Montluc, l’Etat a sollicité la ville de Lyon pour assurer l’animation des espaces et pour
rédiger une partie des textes de présentation. Le projet de réhabilitation de Montluc est très
politique. Le préfet a écouté la forte demande des associations de résistants et des familles des
déportés juifs pour créer un lieu mémoriel dans la prison laissée désaffectée après le départ
des prisonnières vers une autre prison. Il reste encore de nombreuses questions en suspens :
inauguration du lieu, date et amplitude de l’ouverture avec un schéma à minima de 5 jours par
an (dont les Journées du Patrimoine), propriétaire des lieux après le 31 décembre 2010. Des
difficultés pratiques se sont aussi greffées avec une impossibilité de recevoir plus de 19
personnes en même temps dans des locaux très réduits et, par extension, une difficulté de
recevoir des ateliers pédagogiques pour des classes de 25 personnes en moyenne. Malgré ces
difficultés, l’ouverture de la prison va certainement connaître un grand succès avec un
phénomène de curiosité des lyonnais et un côté voyeur. Concernant la Maison du Docteur
Dugoujon, lieu d’arrestation de Jean Moulin, les liens sont un peu plus distendus.
L’ouverture de ces deux lieux de mémoire est intéressante pour le CHRD car ils sont des lieux
symboliques de la Résistance à Lyon et illustrent le discours historique tenu dans l’exposition
permanente du musée. Le CHRD a pensé à mettre en place un itinéraire de visite consacré à
Jean Moulin mais il ne pourrait être proposé qu’à des groupes motorisés, l’éloignement entre
les différents sites étant trop important.
Retranscription de l’entretien avec Sandrine Guillet le 24 mars 2010
Médiatrice au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon
1. Quelles sont les attitudes des groupes de jeunes lors de la visite du musée et lors
de la rencontre avec les témoins ?
Le CHRD reçoit beaucoup de visiteurs scolaires, mais c’est un public forcé, composé surtout
d’adolescents. En amont, le service des publics travaille avec les enseignants pour préparer
l’arrivée et la visite d’une classe. Les médiateurs ont entrepris de changer leurs méthodes de
travail car le public scolaire est de plus en plus éloigné de la période de la Seconde Guerre
Mondiale. Il existe une barrière physique entre la période et les scolaires puisqu’il a de moins
en moins de témoins pour faire le lien. Les expositions sont trop pointues et ne sont plus
adaptées au public scolaire, de même que les ateliers pédagogiques qui doivent aussi être
modifiés. Le CHRD ne possède qu’un service pédagogique surtout tourné vers les scolaires,
qui se compose d’un médiateur à temps plein et de vacataires.
2. Quelles sont les conséquences de la disparition des derniers témoins pour le
travail de médiation au CHRD ? Recherchez-vous de nouveaux outils de
médiation ?
Les conséquences sont multiples. Il est nécessaire de développer l’offre proposée par le
CHRD. Un parcours en ville, sur les traces de Jean Moulin, est organisé de façon ponctuelle,
lors des Journées du Patrimoine. Ce parcours est aussi proposé aux scolaires. De nouveaux
outils de médiation sont utilisés : des visites à deux voix, des ateliers pédagogiques avec un
recours aux archives conservées par le CHRD.
3. Quelle est la typologie des visiteurs du CHRD ?
La fréquentation du CHRD se compose surtout de groupes scolaires au cours de l’année
scolaire alors que le public individuel est donc plus nombreux pendant les vacances scolaires.
Les touristes sont très présents en été, avec de nombreux touristes américains. Le week_end
du samedi 20 mars et du dimanche 21 mars, avec une fermeture à 17h30, le CHRD a accueilli
184 visiteurs le samedi et 161 le dimanche. Le mercredi 24 mars, le CHRD a reçu la visite de
300 scolaires.
Retranscription de l’entretien avec Philippe Rivé le 25 mars 2010
Directeur du Service Départemental du Rhône de l’Office National des Anciens Combattants
et Victimes de Guerre (ONAC)
Quel est le dispositif de mise en valeur pédagogique de la prison Montluc ?
La prison de Montluc a été occupée jusqu'en 2009. Le déménagement a eu lieu dans un
contexte particulier : le ministère de la Justice se souciant de vendre les prisons désaffectées
alors que le préfet et les associations voulant préserver les lieux. Il a donc été décidé de
conserver et de valoriser uniquement la partie mémorielle qui comprend le mur des fusillés,
les bâtiments cellulaires et le greffe. Le reste des bâtiments a été vendu à l’Université Lyon III
pour être transformé en salles de cours.
L’enveloppe financière est réduite pour mettre en place le projet. La valorisation doit donc
être simple, digne et sobre, avec une restauration a minima. Elle va prendre la forme
d’illustration de parcours personnels représentatifs des personnes incarcérées entre le
printemps 1943 et août 1944. 36 cellules (2m00 sur 2m50) doivent être réaménagées et
recevoir un panneau retraçant la parcours emblématique d’un prisonnier. 10 panneaux de
contextualisation permettront de rappeler l’historique de la prison. Les parcours choisis ont
pour objectif de rendre toute la variété des origines politiques, sociales et religieuses des
prisonniers détenus. D’autre part, les prisonniers doivent être tous morts, aussi bien pendant la
guerre qu’après. La liste des prisonniers n’est pas encore validée mais elle devrait contenir,
entre autres (dans la dernière cellule, un panneau sur Klaus Barbie sera installé) :
- les fusillées de la place Bellecour de Lyon,
- Marcel Dassault,
- les enfants d’Izieu,
- le Maréchal Delattre de Tassigny,
- des journalistes du Coq enchaîné,
- Henri Malartre
- la sœur Elise Rivet,
- Jean Moulin.
Un comité de pilotage a été mis en place et regroupe l’ensemble des acteurs concernés dont
toutes les associations concernées par la valorisation du site : associations de déportés, de
résistants et l’Association des rescapés de Montluc. Il se réunit une fois par mois.
Des questions restent encore en suspens :
- la date d’inauguration qui oscille entre le 23 juin, août et septembre alors que les
travaux de rénovation doivent débuter au mois de mai,
- la gestion et le propriétaire du lieu dans un futur proche puisque le bâtiment appartient
à l’Etat (par le biais de France domaine) et a été affecté au ministère de la Justice mais
devrait changer de propriétaire à la fin de 2010,
- son ouverture au public peut-être uniquement lors des Journées du Patrimoine et lors
d’événements exceptionnels, rendue difficile par le nombre réduit de visiteurs (15
personnes admises au 2e étage pour des raisons de sécurité),
- le niveau d’intervention du CHRD.