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l SSN 1635-7892 Ce bulletin actualise votre ouvrage entre deux éditions P our vous abonner à l'ouvrage et à son actualisati on, contacte z-nous au 0 825 08 08 OO) •.n•nc , • :io www.wkf.fr ACTUALITÉS -+ CHRONIQUE Arrêt Erika : marée verte sur le droit de la responsabilité civile et pénale des compagnies pétrolières L'arrêt rendu le 25 septe m bre 2012 par la Cour de cassation dan s l'affaire Erika consacre l'extension de la r esponsa bilité civile et pénale des compagnies pétrolières trans nat i ona les, n otamment sur le fondement des engagements volontaires de celles-ci, dans la perspective de mieux prévenir les catastrophes environnementales (Cass. cri m., 25 sept. 2012 , n° 10-82 .938, P+ B+R+ I) . ... Emmanuel DAOUD Av ocat, Cabinet d'a vocats VIGO .,. Clarisse LE CORRE Jurist e, Cab in et d' av oca ts VI GO L e 25 septembre 2012, la chambre criminelle de la Cour de cassation, en sa fo rmation plénière, a rendu, s ur avis non co nforme de l'avocat général, une déci si on approuvant la Cour d'appel de Pa ris d'avoir retenu sa compéten ce pour statuer tant s ur l'action pub li que que sur l'action civile dans l'affaire de la catastrophe écologique du pétrolier « /'Eri ka ». Pou r mémoire, l'Erika, navire battant pavill on mal ta is chard'u ne ca rgaison de 30 884 tonnes de fioul lourd 2, ava it subi une défaillance de sa struct ure et fait naufrage pendant sa traversée du golf e de Gascogne le 12 décembre 1999 - il éta it alors situ é en zone économique exclusive (ZEE), à une trentaine de milles nautiques au sud de la pointe de Penmarc'h en Bretagne. Une pa rt ie importante de la cargaison de !' Erika s'était répandue pa r la s uite en mer et l es dommages résultant de ce rej et avaient atteint le lit- tarai, affectant plus de 4 00 kilomètres de côt es depuis la po in te de la Br, etagne jusq u' à la Chare nte- Ma ri time. Statuant su r l'action publique, la Cour de cassation pose pour principe que plusieurs dispositions de la convention des Nations Uni es sur le droit de la mer port ant sur la prot ection et la préservation du milieu marin (CNUDM) justifiaient l'exercice par la Fra nce de sa compétence juri dictionnelle, pour sanctionner un ... . C hroniq ue .. . .. .... .... .. ........................................... 1 Arrêt Erika : marée verte sur le droit de la responsabilité civile et pénale des compagnies pétrolières ACTUALISATION DE L ' OUVRAGE Délit de concussion .. ... .. .... .. ........ .. ................... 8 Rapport d'évaluation de la Fra nce par l'OCDE ...... 9 Action civile de la victime du tr avail dissimulé ... 10 Réforme pénale en matière maritime ................. 10 AGENDA ............................................................ 13 SOMMAIRE RÉCAPITULATIF ................................. 14 Ce numéro est accompagné d'un encart publicitaire. .. Lamy une marque Wolt ers Kluwer

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lSSN 1635-7892

Ce bulletin actualise votre ouvrage entre

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ACTUALITÉS

-+ CHRONIQUE

Arrêt Erika : marée verte sur le droit de la responsabilité civile et pénale des compagnies pétrolières L'arrêt rendu le 25 septembre 2012 par la Cour de cassation dans l'affaire Erika consacre l'extension de la responsabilité civile et pénale des compagnies pétrol ières transnationales, notamment su r le fondement des engagements volontaires de celles-ci, dans la perspect ive de mieux prévenir les catastrophes environnementales (Cass. cri m., 25 sept. 2012, n° 10-82.938, P+ B+R+ I).

... Emmanuel DAOUD Avocat, Cabinet d'avocats VIGO .,. Clarisse LE CORRE Juriste, Cabinet d'avocats VIGO

L e 25 septembre 2012, la chambre criminelle de

la Cour de cassation, en sa formation plénière, a

rendu, sur avis non conforme de l'avocat général, une

décision approuvant la Cour d 'appel de Paris d'avoir

retenu sa compétence pour statuer tant sur l'action

publique que sur l'action civile dans l'af fai re de la

catastrophe écologique du pétrolier « /'Erika ».

Pour mémoire, l'Erika, navire battant pavillon maltais

chargé d'une cargaison de 30 884 tonnes de fioul

lourd n° 2, avait subi une défaillance de sa structure

et fa it naufrage pendant sa t raversée du golfe de

Gascogne le 12 décembre 1999 - il était alors situé

en zone économique exclusive (ZEE), à une t rentaine

de milles nautiques au sud de la pointe de Penmarc'h

en Bretagne. Une part ie importante de la cargaison

de !'Erika s'était répandue par la suite en mer et les

dommages résultant de ce rejet avaient atteint le lit-

tarai, affectant plus de 400 kilomètres de côtes depuis

la poin te de la Br,etagne jusqu'à la Charente­

Mari time .

Statuant sur l'action publique, la Cour de cassation

pose pour principe que plusieurs dispositions de la

convention des Nations Unies sur le droit de la mer

portant sur la protection et la préservation du milieu

marin (CNUDM) justifiaient l'exercice par la France de

sa compétence juridictionnelle, pour sanctionner un ....

~11J~ !~@;li Chronique ............... ........................................... 1 Arrêt Erika : marée verte sur le droit de la responsabilité civile et pénale des compagnies pétrolières

ACTUALISATION DE L'OUVRAGE • Délit de concussion ....... ...... .......... ................... 8 • Rapport d'évaluation de la France par l'OCDE ...... 9 • Action civile de la victime du travail dissimulé ... 10 • Réforme pénale en matière maritime ......... ...... .. 10

AGENDA ................ ... ... ... ... ..... ........ ... ....... ......... 13

SOMMAIRE RÉCAPITULATIF ................................. 14

Ce numéro est accompagné d'un encart publicitaire.

.. Lamy une marque Wolters Kluwer

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rejet involontaire d'hydrocarbures dans cette zone par un

navire étranger entraînant un dommage grave dans sa mer

terri toriale et sur son li ttoral (1).

Les juges de cassation confirment en outre la décision d'appel

en ce qu'elle retient la culpabilité du mandataire du proprié­

taire du navire l'Erika, du dirigeant de l'entreprise chargée

de sa gestion t echnique, de la société de classification et de

la société Total SA (Total) pour délit de pollution involon­

taire, sur le fondement de l'article 8 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983, applicable au moment des fai ts. Il est toute­

fois considéré que !'affréteur Total, ayant commis une faute

de témérité, a bénéficié à tort d'une immunité de respon­

sabilité, sa responsabili té civile étant dès lors retenue par la

chambre criminelle qui le condamne à réparer les consé­

quences du dommage solidairement avec ses co-prévenus

d'ores et déjà condamnés par la cour d'appel (Il).

La chambre criminelle prononce une cassation sans renvoi

de l 'arrêt de la Cour d 'appel de Paris en date du 30 mars

2010, faisant ainsi application de ses pouvoirs visés à l'arti­

cle L. 411 -3, alinéa 2, du Code de /'organisation judiciaire, qui l'autorise à mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu'ils

ont été souverainement constatés et appréciés par les juges

du fond, lui permettent d'appliquer la règle de droit appro­

priée.

L'analyse de l'arrêt du 25 septembre 2012 donne l'oppor­

tunité de souligner « toute /'épaisseur et la transversalité du droit de /'environnement» (Neyret L., L'affaire Erika : moteur d'évolution des responsabilités civile et pénale, O. 2010,

p. 2238) ainsi que les intérêt s nationaux et enjeux sous­

j ace n ts, tant sur le p lan socia l et économi q ue

qu 'environnemental. Il permet en outre d'aborder des

problématiques profondément d'actualité, telles que l'essor

de la responsabili té sociale des entreprises sur la base des

engagements volontaires de celles-ci, l'extension de la res­

ponsabilité des sociétés-mères au sein de groupes de socié­

tés, ainsi que le mouvement général de mise en cause de la

responsabili té, civile et pénale, des entreprises transnationales

en réponse au rôle accru des mouvements citoyens et orga­

nisations non gouvernementales, qui militent pour une

meilleure prise en compte de la protection de l'environne­

ment et des droits fondamentaux.

1. L'applicabilité de la loi française aux rejets de navires étrangers en zone économique exclusive Aux termes de l 'arrêt du 25 septembre 2012, la Cour de

cassation approuve la cour d 'appel d'avoir retenu sa corn-

pétence pour statuer tant sur l'action publique que sur

l 'action civile, mettant un terme à un intense débat sur la

question de compétence - débat qui soulevait toutefois des

interrogations légitimes.

A. Un débat légitime sur la compétence des juridictions françaises et l'applicabilité de la loi française

Le navire l'Erika a sombré en ZEE, c'est-à-dire dans la zone

située entre les eaux internationales et les eaux territoriales

françaises. Se posait alors la question de la compétence des

juridictions françaises pour juger du litige, et des textes et

conventions applicables.

La Cour d'appel de Paris, dans sa décision du 30 mars 2010,

s'était reconnue compétente pour statuer tant sur l'action

publique que l 'action civile et avait jugé applicable la loi

française aux fa its de l'espèce, soit l'article 8 de la loi n° 83-

583 du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les navires,

en vigueur au moment des faits, devenu l'article L. 278-22

puis L. 218-19 du Code de /'environnement. l'article 8 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 punit toute

personne « exerçant, en droit ou en fait, un pouvoir de contrôle ou de direction dans la gestion ou la marche du navire », dont« l'imprudence, la négligence ou /'inobserva­tion des lois et règlements» a provoqué un accident de mer

à l'origine d'une« pollution des eaux territoriales, des eaux intérieures ou des voies navigables jusqu'à la limite de la navigation maritime ».

Les prévenus fa isaient toutefois valoir, au soutien de leur

pourvoi en cassation, que les dispositions de l'article 8 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 7983 ne pouvaient pas s'appliquer

à des rejets de navires étrangers au-delà de la mer territo­

r iale, soulevant deux interrogat ions principales reprises

ci-après.

-+ 1. Sur l'inapplicabilité de l'article 8 de ta loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 aux rejets de navires étrangers au-detà de la mer territoriale

D'après les prévenus, l'article 8 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 ne prévoit pas expressément son applica tion à des

rejets de navires étrangers au-delà de la mer territoriale,

contrairement à ce qu'exige l'article 113-12 du Code pénal relatif à l'application de la loi pénale française dans l'espace.

L'article 113- 12 du Code pénal dispose que «la loi pénale française est applicable aux infractions commises au-delà de la mer territoriale, dès lors que les conventions internatio­nales et la loi le prévoient». L'article 11 3-3 du même code

dispose en outre que« la loi pénale française est applicable aux infractions commises à bord des navires battant un pavillon français, ou à /'encontre de tels navires, en quelque lieu qu'ils se trouvent ». Il était ainsi soutenu que si l 'État

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Lamy Droit pénal des affaires ... ACTUALIT~S ... N° 122 ... Novembre 2012

français peut exercer sa juridiction sur la ZEE, la loi pénale ne s'applique à cette zone que dans les conditions prévues par ces deux disposit ions. Or, l'article 8 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 7 983 ne réprime que les fautes d'imprudence ou de négligence ayant entraîné un accident de mer qui a provoqué une pollution des eaux territoriales, des eaux intérieures ou des voies navigables fran­çaises. et non les fautes ayant entraîné un accident de mer en ZEE. En résumé, l'État français peut appliquer sa loi à tous les navires dans ses eaux territoriales, mais aux seuls navires sous pavillon français en ZEE. Or, l'Erika se trouvait en ZEE lors du naufrage et battait pavillon maltais - les conventions internationales auraient ainsi dû primer pour faire appliquer la loi maltaise. En conséquence, les prévenus soutenaient que la cour d'appel, en faisant application d'une telle disposition à une pollution causée par un navire battant pavillon étranger en ZEE. en considération de son effet sur les côtes françaises, avait méconnu les limites de l'application territoriale de cette infraction au regard des dispositions de l'article 7 7 3-7 2 du Code pénal.

-t 2. Sur le défaut de conformité à la convention Marpol Il était également allégué que l'article 8 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 ne donnait pas une défini tion de l'infrac­tion conforme aux dispositions de l'article 21 7, point 5, de /a CNUDM adoptée à Montego Bay le 10 décembre 1982, qui fixent les compétences limitées des États côt iers en matière de répression des rejets polluants dans la ZEE en renvoyant, pour la définition de l'infraction, à la convention de Londres du 2 novembre 1973 pour la prévention de la pollution par les navires, telle que modifiée par le protocole du 17 février 1978, dite convention Marpol. En effet. l'article 4 de la convention Marpol et ses annexes en matière de pollution maritime déterminent la juridiction des États en fonction du lieu du rejet illicite d'hydrocarbures et non de ses effets. La convention Marpol ne donne pas compétence à la France pour sanctionner tous les rejets inter­venus au-delà de la mer territoriale. du seul fa it qu'ils auraient entraîné une pollution de la mer territoriale, des côtes fran­çaises ou des eaux intérieures françaises. En conséquence, l' infraction visée à l'article 8 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983, qui suppose une pollution de la mer territoriale, des côtes ou des eaux intérieures françaises, ne pouvait justifier la compétence française pour connaître des rejets d'hydrocarbures intervenus au-delà des eaux territo­riales, le lieu de pollution n'étant pas un élément d'appré· dation de la compétence accordée par la convention Marpol et ne permettant pas de répondre à la condition de compé-

tence conférée par le droit international visée à l'article 7 7 3-12 du Code pénal. Les juges du fond se seraient donc four­voyés en retenant comme élément constitutif de l' infraction le lieu d'impact des rejets d'hydrocarbures, c'est-à-dire les côtes françaises. Il sera souligné que les arguments susvisés avaient été repris par l'avocat général, M. Boccon-Gibod, qui recommandait une application stricte de la convention Marpol et concluait à l'inapplicabilité de la loi française aux faits poursuivis, sol­licitant du reste la cassation totale et sans renvoi de l'arrêt attaqué.

B. Un débat tranché par la Cour de cassation en faveur d'une interprétation extensive des t extes applicables

-t 1. la compétence des juridictions françaises fondée sur le lieu du dommage ressenti

Les juges du quai de !'Horloge écartent les moyens soulevés par les prévenus et confirment l'applicabilité de la loi fran­çaise aux fai ts de l'espèce, soit l'article 8 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 7 983. considérant que l'application qui a été faite en l'espèce de l'article 8 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 n'est pas contraire aux exigences de la convention Marpol, et que la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître la compétence que l'État côtier tient de la CNUDM. Ils affirment, à ce titre, que la convention Marpol. interdi­sant les rejets à tout« navire», entité juridique qui n'a pas la personnalité morale, ne vise aucune personne physique, de sorte qu'il faut en déduire que les parties signataires à ladite convention n'ont pas entendu imposer une liste limitative au législateur national chargé d'introduire les règles de cette dernière dans le droit national positif et de définir les caté· gories de personnes pénalement responsables. Et la Cour de préciser« qu'en effet. par application combi· née des articles 220, point 6, et 228 de cette dernière conven­tion, lorsque des poursuites ont été engagées par l'État côtier en vue de réprimer une infraction aux lois et règlements applicables ou aux règles et normes internationales visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution par les navires, com­mise au-delà de sa mer territoriale par un navire étranger, la compétence de cet État est acquise lorsqu'elle porte sur un cas de dommage grave». Elle en déduit le caractère inopé­rant des moyens invoquant l'article 113-12 du Code pénal.

-t 2. Une solution symbolique pour tenir compte des intérêts nationaux et des enjeux environnementaux

La Cour de cassation contourne ainsi - de façon plus ou moins convaincante - la question de la non-conformité de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 avec la convention Marpol. -

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Car si cette non-conformité semblait acquise, pour avoir été maintes fois dénoncée, y compris par le rapporteur de la loi, Marc Lauriol, à l'époque du vote de cette dernière. les enjeux et intérêts en présence ainsi que le caractère symbolique de cette affaire ont manifestement eu un impact sur la Haute Juridiction.

En effet. il est certain qu'une cassation sur ce point pour retenir en définitive la compétence exclusive des juridictions maltaises aurait envoyé, selon les associations de défense de l'environnement, un très mauvais signal au monde du trans­port pétrolier. Certains commentateurs avaient mis en garde des conséquences d'une telle solution, considérant qu'« abandonner la répression et la réparation, en matière de pollution marine, aux pays protégeant les pavillons de complaisance, c'est sacrifier la protection des océans à la logique mercantile» (Rebeyrol V., Où en est la réparation du préjudice écologique?, D. 2010, p. 7804).

Maître Patrice Spinosi, avocat de plusieurs collectivités par­ties civiles, s'était d'ailleurs adressé en ces termes à la Cour de cassation à l'audience du 24 mai 2012 : << JI faut revenir à l'essentiel. Que sommes-nous venus chercher ? ( ... ) La justice. Personne ne peut nier que les textes manquent de clarté et qu'il existe un manque cruel de jurisprudence sur le sujet. Tout reste encore à écrire. (. .. )Il n'y a pas de fatalité : c'est vous qui interprétez la loi. Vous êtes libre de vos choix».

La solution adoptée n'en reste pas moins surprenante pour le juriste, car elle valide l'application d'un texte qui ne réprime pas les fautes ayant entraîné un accident de mer en ZEE à une pollution causée par un navire étranger intervenue en ZEE, en considération de son effet sur les côtes françaises. L'on voit bien que l'ensemble de la décision retenant l'applicabilité de la loi française aux faits de l'espèce repose sur le constat d'un «dommage grave » ressenti sur le terri ­toire français. Le curseur est placé, non pas sur le lieu du fait générateur, mais sur le lieu où le dommage est ressenti.

Cet arrêt, rendu pourtant en matière pénale, fait écho à l'évolution constatée en matière de responsabilité civile délictuelle, où la plupart des textes prévoient désormais que la loi applicable et la juridiction compétente peuvent être celles du lieu où le dommage est ressenti et pas uniquement celles du lieu du fait générateur. À titre d'exemple, l'article 4 du règlement (CE) n° 86412007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome Il ») prévoit que « ( ... ) la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient. quel que soit le pays où le fait

générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent ». S'agissant des atteintes à l'environne­ment, l'article 7 du même règlement dispose que « la loi applicable à une obligation non contractuelle découlant d'un dommage environnemental ou de dommages subséquents subis par des personnes ou causés à des biens est celle qui résulte de l'application de /'article 4, paragraphe 1, à moins que le demandeur en réparation n'ait choisi de fonder ses prétentions sur la loi du pays dans lequel le fait générateur du dommage s'est produit».

Il. L'engagement de la responsabilité civile et pénale de Total

La Cour de cassation valide la décision d'appel en ce qu'elle retient la culpabilité du mandataire du propriétaire du navire Erika, du dirigeant de l'entreprise chargée de sa gestion tech­nique, de la société de classification et de Total pour le délit de pollution involontaire visé à l'article 8 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 applicable au moment des faits. Elle casse toutefois l'arrêt d'appel pour retenir la responsabilité civi le de Total, sur le fondement d'une faute de témérité.

A. La responsabilité pénale de Total

-+ 1. La charte-partie, fondement de !'imputabilité matérielle du délit

Comme énoncé précédemment, l'article 8 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 exige que la personne poursuivie exerce, en droit ou en fait, un «pouvoir de contrôle et de direction dans la gestion ou la marche du navire». L'imputabilité maté­rielle du délit de pollution repose dès lors sur la mise en évidence de ce pouvoir de contrôle et de direction.

Total était, a priori, étrangère aux accords portant sur le transport d'hydrocarbures par le navire Erika, qui ne concer­naient que sa seule filiale, la société Total Transport Corpo­ration (TIC).

Le pouvoir de contrôle de Total sur la marche de l'Erika est toutefois caractérisé grâce aux stipulations contractuelles de la charte-partie, contrat spécifique de transport d'hydrocar­bures conclu entre la société chargée de la location de !'Erika et la fi liale TTC. En effet, la charte-partie mettait à la charge du capitaine du navire, dépendant de la société de location, un certain nombre d'obligations dont Total, bien que tiers au contrat, était le bénéficiaire - la Cour de cassation souli­gne d'ailleurs que le dirigeant de TTC était également un haut responsable d'une direction spécialisée de Total, ayant pour mission d'avaliser l'ensemble des chartes-parties d'affrètement.

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Lamy Droit pénal des affaires .... ACTUALITES .... N° 122 ... Novembre 2012

Parmi ces obligations, figurent le fait que le capitaine du navire devait informer Total de toutes les opérations de chan­gement et de déchargement et la prévenir immédiatement en cas d'incident ou d'accident, ou encore que Total béné­ficiait d'un droit de visite du pétrolier et d'un droit d'accès aux documents de bord . Ainsi, les stipulations de la charte­partie permettaient à Total« de vérifier le soin et la diligence avec lesquels la cargaison était transportée, la capacité du navire et de l'équipage à réaliser le voyage envisagé», autant d'éléments permettant d'établir le pouvoir de contrôle de Total sur la marche de l'Erika.

La Cour de cassat ion valide ainsi le raisonnement adopté par la Cour d'appel de Paris, aux termes duquel la charte­partie sert de fondement à !'imputabilité matérielle du délit de pollution à une compagnie pétrolière.

Cette solution aura, à l'évidence, un impact sensible dans le domaine du transport maritime, s'agissant notamment de la standardisation des montages juridiques construits autour de la charte-partie. En réponse aux premières marées noi­res, les compagnies pétrolières ont, en effet, eu recours à des constructions juridiques permettant de cloisonner les risques juridiques et financiers et compartimenter les res­ponsabilités tout en se réservant un droit de regard sur la marche des navires grâce au support de la charte-partie (Neyret L., préoté). L'arrêt du 25 septembre 2012 témoigne de la volonté de la Cour de cassation de sanctionner les excès de tels montages juridiques dès lors qu'ils seraient des­tinés, selon les juges, à diluer les responsabilités notamment des sociétés-mères d'entreprises transnationales - il suffit, pour s'en convaincre, de constater que la cour d'appel avait pris le soin de relever que la filiale de Total ayant conclu la charte-partie était une coquille vide puisqu'elle n'avait «aucun effectif, pas de locaux au Panama où elle était imma­triculée( ... ) pas d'autonomie ni juridique ni financière».

À vrai dire, du point de vue de Total, on ne peut qu'avoir le sentiment que les juges ont appliqué une conception mora­lisatrice du droit des sociétés, assez éloignée de l'applica­tion stricte de la loi pénale. À l'inverse, les défenseurs de la protection de l'environnement ne pourront que se féliciter de la volonté de la juridiction supérieure d'aller au-delà des murailles (d'argile?) juridiques.

-+ 2. La carence fautive de Total définie eu égard à ses engagements volontaires en matière de responsabilité sociale des entreprises

Aux termes de l'article 8 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983, le délit de pollution maritime suppose une« imprudence, négligence ou inobservation des lois et règlements» à l'ori­gine de l'accident de mer.

En l'espèce, la Cour d'appel de Paris avait caractérisé la carence fautive de Total en se référant aux règles de contrô­les internes que celle-ci avait mis en place sur la base d'enga­gements volontaires et non au regard de dispositions régle­mentaires impératives, aucune norme internationale n'exigeant de Total de procéder à un contrôle technique des navires. Total avait en effet. de sa propre initiative, mis en place un contrôle spécifique de la qualité des navires appelé vetting, afin d'éviter le risque d'une recherche de responsa­bilité pour faute en cas d'affrètement d'un navire sous norme. Ce système de vetting impliquait pour Total «des contrôles techniques dont la mise en œuvre lui conférait le droit de monter à bord du pétrolier Erika, d'observer les opérations de chargement et déchargement, d'inspecter les citernes et d'accéder aux documents du navire». Or, il a été jugé que si Total avait réalisé une inspection de l'Erika en 1999 répondant aux exigences de cette mission et effectuée dans les conditions prévues par les procédures internes, celle· ci aurait dù révéler les faiblesses du navire, ayant 24 ans d'âge lors du naufrage, et son inaptitude à naviguer en Atlan­tique par période de tempêtes. Les juges d'appel en avaient conclu que Total a commis une faute d'imprudence en affré­tant au voyage le navire Erika, caractérisant sa responsabi­lité pénale. La Cour de cassation confirme l'analyse de la cour d'appel, considérant que Total<< n'a pas accompli les diligences nor­males qui lui incombaient», et ne manque pas de souligner que le responsable, personne physique, chargé de représen-ter Total à l'occasion des opérations maritimes qu'il devait avaliser, disposait de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires, compte tenu de ses hautes fonctions au sein de Total, d'accréditer un navire et d'en contrôler l'état. Il ne pourra qu'être constaté que la Cour de cassat ion reprend très exactement les critères de la délégation de pou­voir de façon implicite pour retenir la responsabilité pénale de la personne morale du fait de son représentant (ici le délégataire implicite ; Carpentier C .. Société mère et droit de l'environnement, RLDA 2012176, n° 4333). L'engagement volontaire de Total de procéder à un contrôle renforcé des navires est ainsi transformé en une obligation juridique contraignante susceptible d'engager la responsa­bilité pénale de cette dernière. L'engagement volontaire des entreprises, comme la procédure de vetting en l'espèce, «constitue donc une norme de comportement, un standard utilisé par le juge pénal pour évaluer le caractère fautif ou non des agissements du prévenu, à l'image du standard bien connu du bon père de famille» (Neyret L .. précité). Le non­respect de l'engagement volontaire caractérise, en l'espèce, la faute d'imprudence susceptible d'engager la responsabi­lité pénale de la société mère - solution qui ne laisse pas de ....

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soulever des interrogations tenant notamment au principe de la légalité des crimes et délits et à celui de l'interprétation stricte de la loi pénale.

L'arrêt du 25 septembre 2012 consacre l'adage tu patere legem quam ipse fecisti (respecte la loi que tu as toi-même faite). Cette prise en considération juridique des engage­ments unilatéraux des entreprises, qui s'opère par le biais du développement de la responsabilité sociale-ou sociétale­des entreprises (RSE), est très marquée en matière sociale et environnementale.

Le droit de la RSE est avant tout un droit «mou » (soft law) constitué d'engagements volontaires pris par les entreprises en matière de protection de l'environnement, de dévelop­pement durable ou encore de défense des droits de l'homme et des droits économiques et sociaux fondamentaux. L'objec­tif premier de la RSE est d'inciter l'entreprise à adopter un comportement et des pratique~ conformes à ses valeurs et de mieux prévenir les risques juridiques auxquels l'entre­prise est confrontée dans le cadre de ses activités, définis­sant ainsi des entreprises citoyennes au comportement éco­socio responsable.

La RSE repose sur l'adoption de chartes éthiques, de codes de bonnes pratiques et/ou d'engagements pris dans le cadre de partenariats conclus avec les organisations non­gouvernementales, qui se matérialisent par le biais d'outils et de process, telle que la procédure de vetting en l'espèce (Ferrari J., La société mère peut-elle voir sa responsabilité engagée dans le cadre de la RSE ?, RLDA 2012176, n° 4332). Le caractère spontané et volontaire de la RSE ne l'empêche toutefois pas d'être source d'obligations juridiques pour­vues de sanctions - l'arrêt commenté en est une parfaite illustration.

Sur ce point, il est intéressant de faire un lien avec la jurisprudence Areva du Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Melun (par jugement du 11 mai 2012, le T ASS de Melun retient la responsabilité de la société Areva, du fait de la faute inexcusable commise par sa filiale nigérienne dans le cadre du décès d'un de ses salariés, en caractérisant une situation de co-emploi entre Areva et cette filiale, laquelle est établie par un faisceau d'indices démon­trant la « confusion d'intérêts, d'activités et de direction » entre ces deux sociétés et l'existence d'un lien de subordi­nation entre la société mère et le salarié victime) du 11 mai 2012 qui, pour établir la responsabilité de la société Areva en qualité de co-employeur de sa filiale nigérienne, retient notamment que la société Areva avait mis en place des

l< Observatoires de la santé » en matière d'hygiène et de sécurité et signé un protocole d'accord sur les maladies pro­voquées par les rayonnements ionisants avec l'organisation non-gouvernementale Sherpa. Le TASS considère de ce fait que la souscription de tels engagements unilatéraux par la société Areva démontre qu'elle dispose du pouvoir d'impo­ser les règles d'hygiène, de sécurité et de gestion de risques au sein du groupe ainsi que des connaissances nécessaires pour déterminer l'étendue de l'impact sanitaire potentiel de son activité, autant d'éléments essentiels à !'imputabilité de la faute inexcusable à la société Areva (Ronin C., Faute inex­cusable dans les groupes de sociétés : fa responsabilité de la société mère retenue en cas de co-emploi, RLDA 2012176, n° 4335).

De tels exemples jurisprudentiels en matière de droit de la protection sociale et de droit de l'environnement soulignent à quel point l'essor de la RSE est manifeste dans tous tes champs de l'économie et du social et ne peut conduire qu'à une extension significative de la responsabilité, civile et pénale, des entreprises transnationales en général et des sociétés-mères en part iculier.

Ainsi, les entreprises vont devoir arbitrer entre la mise en place unilatérale (et revendiquée parfois sur te terrain de la communication institutionnelle) de bonnes pratiques et leur corollaire, à savoir une extension de leur responsabilité civile et pénale. En définitive, ces obligations de faire souscrites volontairement pourront être le lit de contraintes, y compris pénales, lorsque leur inexécution sera constatée par le juge. Comment dès lors invoquer la bonne foi (et donc te défaut d'élément intentionnel) lorsque la société poursuivie n'aura pas respecté ses propres engagements ?

B. L'engagement de la responsabilité civile de Total pour faute de témérité

Aux termes de son arrêt du 30 mars 2010, la Cour d'appel de Paris avait prononcé l'irresponsabilité civile de Total en se fondant sur le droit spécial de la convention Civil Liability, dite« CLC »du 27 novembre 1992.

Elle avait en effet quali fié la compagnie pétrolière d'affréteur, lui permettant de ce fait de bénéficier de l'immunité prévue par ce texte, qui oriente la responsabilité de la pollution par hydrocarbures vers le propriétaire du navire. L' immunité ins­tituée par la convention CLC pouvait toutefois être levée si le dommage résultait de faits ou d'omissions personnelles de Total, commis avec l'intention de provoquer un tel dom­mage, ou si ces mêmes faits ou omissions avaient été com­mis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement, c'est-à-dire en présence d'une faute inexcusable.

Page 7: -+ Arrêt Erika marée verte sur le droit de la ... · 2 rejet involontaire d'hydrocarbures dans cette zone par un navire étranger entraînant un dommage grave dans sa mer territoriale

Lamy Droit pénal des affaires - ACTUAlntS - N° 122 - Novembre 2012

Les juges d'appel avaient néanmoins estimé que la faute personnelle commise par Total d'affréter !'Erika sans respec­ter la procédure de vetting ne pouvait pas être considérée comme ayant été commise témérairement et avec la cons­cience qu'un dommage de pollution en résulterait proba­blement. lis relevaient pour cela que Total n'avait pas dis­posé des éléments d'information suffisants pour s'opposer à l'appareillage de l'Erika avant son naufrage et que seule une négligence avait été commise dans la procédure de vetting, sans conscience de la probabilité d'un dommage par pollution. L'arrêt de la Cour d'appel de Paris recelait un paradoxe: la culpabilité de Total du délit de pollution était caractérisée mais sa responsabi li té civile était écartée. « Coupable mais pas responsable », en quelque sorte ... Certains y ont vu la « consécration d'un équilibre précaire entre une approche extensive de la faute pénale d'imprudence et une approche restrictive de la faute civile » (Neyret L., précité). La solution adoptée par la Cour d'appel de Paris portait au cœur du débat la question fondamentale de la conception de la faute inexcusable devant prévaloir en matière de trans­port maritime d'hydrocarbures. L'enjeu de l'appréciation de la faute de témérité était significatif puisque selon l'inter­prétation adoptée, plus ou moins restrictive. les victimes peu­vent bénéficier d'une réparation intégrale ou se voir oppo· ser la limitat ion de responsabilité de l'auteur du dommage écologique. La Cour de cassation a censuré l'arrêt d'appel pour considé­rer que Total avait bien commis une faute de témérité au sens de la convention CLC 69192 de nature à engager sa responsabilité civile et justifiant sa condamnation solidaire à en réparer les conséquences. Selon elle, « les constatations de fait, souverainement appréciées par la cour d'appel, carac­térisaient une faute de témérité, au sens de la convention CLC 69192, à la charge de la société Total SA, et il en résul­tait que son représentant avait nécessairement conscience qu'il s'ensuivrait probablement un dommage par pollu­tion». La compagnie pétrolière est ainsi condamnée à réparer les conséquences du dommage solidairement avec ses co-prévenus d'ores et déjà condamnés à des dommages et intérêts, d'un montant de 200,6 millions d'euros au béné­fice des parties civiles. en réparation notamment du préju­dice écologique, lequel n'est aucunement remis en cause par la Cour de cassation.

Ce faisant, la Cour retient une approche de la faute inexcu­sable de témérité nettement moins restrictive que celle adop­tée par les juges du fond. en optant pour une appréciation in abstracto de la faute, et en considérant que l'établisse­ment de la faute de témérité entraîne nécessairement la cons­cience de la survenance du dommage (Gallmeister A., lavric S., Naufrage de !'Erika : condamnations confirmées et responsabilité civile de /'affréteur Total engagée, Dalloz actualité, 4 oct. 2012). L'apport de la cassation sur ce point est avant tout juridique, puisque les dommages et intérêts avait déjà été versés par Total et la société Rina. Il semble que le résultat escompté. en l'espèce, réside dans la portée symbolique de la décision commentée. La protection de notre environnement doit prévaloir et les dommages écologiques être réparés. En conséquence, si la faute pénale est caracté­risée, il ne peut y avoir d'impunité sur le plan civil des com­pagnies pétrolières transnationales.

Faut-il se réjouir comme Laurent Neyret qui, à l'occasion de la décision de la Cour d'appel de Paris, avait salué« cette décision de principe dès lors que la solution dégagée per­mettra au juge national de prévenir, voire de sanctionner, des montages juridiques destinés à diluer les responsabilités des compagnies pétrolières dans le cadre du transport d'hydrocarbures aboutissant en fait et en droit à une vérita­ble impunité économique » (Neyret L., précité) 7 Faut-il regretter les libertés prises par la Cour de cassation avec l'application stricte des règles de compétence internatio­nale des juridictions françaises 7

Ces interrogations nous semblent aujourd'hui dépassées. En effet, la Cour de cassation a dit le droit et a jugé, sans équi­voque, que le transport maritime susceptible d'être à l'ori­gine de dommages catastrophiques pour les intérêts humains et pour l'environnement devait être mieux encadré. Cela témoigne de la propension des juges à interpréter les nor­mes applicables à la lumière des impératifs sociaux et environnementaux et s'inscrit dans la continuité du mouve­ment de responsabilisation des entreprises transnationales pour mieux prendre en considération les impératifs sociaux et environnementaux et contribuer à l'avènement d'entre­prises citoyennes au comportement éco-socio responsable. À cet égard, l'avenir nous dira si nous nous dirigeons, imman­quablement, vers une présomption de responsabilité pénale de la personne morale en droit de l'environnement 7 ·:·

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